PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article additionnel avant l'article unique - Amendement rectifié n° 1 bis (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires
 

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Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023.

Dans le débat, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, fidèles à nos traditions, c’est pour moi un plaisir de vous retrouver afin de vous présenter, comme de coutume avant chaque Conseil européen, les principaux sujets qui y seront traités.

Comme vous le savez, les chefs d’État et de gouvernement se sont déjà réunis une fois, au début du mois de février. Dans deux semaines, ils se retrouveront pour assurer le suivi de notre réponse aux sujets qui continuent d’être en haut de l’agenda.

La guerre en Ukraine reste le sujet le plus brûlant, mais je pense aussi, naturellement, à la réponse que l’Union européenne doit apporter à l’Inflation Reduction Act (IRA) ainsi qu’aux réflexions sur la réforme de la gouvernance économique européenne.

Le Conseil européen sera par ailleurs marqué par des discussions sur la situation énergétique, d’une part, et sur les questions migratoires, d’autre part. Il assurera en cela le suivi du Conseil européen des 8 et 9 février dernier.

Le Conseil européen échangera enfin sur la conférence de soutien aux populations syrienne et turque, frappées par les tremblements de terre du 6 février dernier.

Comme vous le savez, sur l’ensemble de ces sujets, la situation évolue tous les jours et les positions que je vais vous exposer sont encore susceptibles d’évoluer à l’aune des événements que vous connaissez, et des concertations conduites entre Européens.

L’Ukraine, je le disais, restera bien sûr une des principales priorités de ce Conseil européen.

Le Conseil européen condamnera de nouveau la guerre d’agression de la Russie en faisant référence au soutien apporté à la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour une paix juste et durable, votée le 23 février, et au plan de paix en dix points du président Zelensky. Il insistera sur la poursuite de la mise en œuvre des sanctions à l’égard de la Russie en renforçant la lutte contre les contournements de ces mesures restrictives.

Le Conseil européen appellera à poursuivre les travaux sur la lutte contre l’impunité en saluant la création du centre international pour juger du crime d’agression. Cette lutte contre l’impunité doit également concerner les transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie, comme vous l’avez rappelé dans votre proposition de résolution européenne, adoptée à l’unanimité par la commission des affaires européennes. Ce point figure également dans le dixième paquet de sanctions, mais nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.

Sur ce sujet, il est important que nous restions très unis et fermes sur les messages envoyés par la France. En accueillant dans cet hémicycle, le 1er février dernier, le président de la Rada ukrainienne, vous avez témoigné du soutien indéfectible de la France à l’Ukraine.

Le Conseil européen reviendra sur les travaux concernant l’achat, la livraison et la production de munitions au niveau européen. Sur ce point très précis, les travaux sont encore en cours, et la question sera abordée en détail au Conseil conjoint des ministres des affaires étrangères et de la défense le 20 mars prochain.

Les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept réitéreront enfin leur engagement en faveur de la reconstruction de l’Ukraine et leur souhait de poursuivre le travail sur le recours aux actifs russes gelés et immobilisés.

Enfin, le Conseil reviendra sur la poursuite de l’initiative céréalière de la mer Noire, dont nous espérons vivement qu’elle sera prolongée.

Une partie substantielle du Conseil européen sera consacrée aux questions économiques, dans toutes leurs dimensions. Ce sera l’occasion de confirmer et d’amplifier la dynamique vers une souveraineté stratégique européenne. N’ayons pas peur des mots : oui, l’Europe peut être un véritable « espace puissance ». Le passage d’un espace économique à un espace-puissance implique fondamentalement d’ajouter à l’économie la capacité d’influence.

L’influence de l’Union européenne découle en grande partie de son marché intérieur de près de 500 millions de consommateurs qui, par son pouvoir normatif, lui donne le moyen de peser de façon décisive sur l’organisation des échanges internationaux.

Nous avons fait valoir auprès de la Commission européenne notre vision, qui est celle d’une politique industrielle ambitieuse. C’est d’ailleurs aussi ce même objectif que votre commission des affaires européennes a appelé de ses vœux dans sa proposition de résolution du 8 février sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2023. Comme le Gouvernement, vous y appelez à une réponse européenne forte à l’adoption de l’Inflation Reduction Act américain, à la fois, par des outils de défense commerciale et par une nouvelle politique industrielle européenne.

Je veux être très claire sur ce point : l’affirmation de cette souveraineté européenne est notre priorité absolue. Elle est la traduction directe du discours de la Sorbonne de 2017. Elle est l’inspiration du sommet de Versailles de mars 2022 et de la présidence française du Conseil européen.

À cette fin, nous devons être en mesure de fixer des objectifs à horizon de 2030 et d’accompagner l’implantation des capacités de production européennes pour répondre à nos besoins stratégiques. Ces besoins stratégiques, ce sont, à la fois, par exemple, les matières premières ou les semi-conducteurs. Ces capacités permettront la réduction des dépendances de l’Union européenne et la réalisation de sa transition écologique.

Plusieurs leviers ont été évoqués et nous avions eu l’occasion d’en débattre ensemble lors d’un débat en séance le 8 février dernier.

Tout d’abord, il faudrait simplifier le cadre réglementaire pour l’octroi de permis, adapter la commande publique et accélérer les procédures d’évaluation de projets par la Commission européenne – je pense aux projets importants d’intérêt européen commun (Piiec), mais aussi aux aides d’État.

Il faudrait, par ailleurs, flexibiliser les possibilités de financement via les programmes européens afin d’optimiser ces ressources, et mobiliser les capacités d’investissements tant publiques que privées.

Il faudrait également soutenir une action renforcée pour conforter notre vivier de talents dans ces secteurs clés, car nous manquons aujourd’hui de main-d’œuvre dans bon nombre de ces secteurs.

Il faudrait enfin, en matière commerciale, poursuivre un dialogue soutenu avec nos partenaires tout en mobilisant, lorsque cela s’avère nécessaire, nos instruments de défense commerciale.

Le Conseil européen aura également l’occasion d’avoir un échange sur la gouvernance économique de l’Union européenne. Dans la continuité des échanges en Conseil des affaires économiques et financières (Écofin), hier, le Conseil européen devrait endosser les conclusions relatives à la révision de la gouvernance économique qui y ont été adoptées.

Cette question est fondamentale : les débats devront refléter la nécessité de concilier soutenabilité des finances publiques et réponse aux différents défis auxquels nous sommes confrontés. Le statu quo n’est pas envisageable, car le cadre actuel est inadapté aux défis qui se posent désormais à l’Union européenne, qu’il s’agisse de la transition ou de la dépendance énergétique, et de la souveraineté industrielle. Il est essentiel pour assurer à la fois ces investissements et la croissance que le Conseil s’accorde sur de grandes orientations communes, autour des principes de différenciation par pays pour assurer la crédibilité des trajectoires budgétaires. Nous souhaitons à ce titre que la Commission puisse rapidement présenter une proposition législative.

Concernant la situation énergétique, le Conseil européen se réunira quelques jours avant le Conseil des ministres de l’énergie, qui aura lieu à Bruxelles à la fin du mois de mars. Il sera surtout l’occasion d’aborder le sujet de la réforme du marché de l’électricité pour laquelle la Commission européenne a présenté sa proposition hier. L’objectif est clair, et vous l’avez rappelé dans votre proposition de résolution du 8 février dernier : il s’agit d’avancer le plus rapidement possible sur ce sujet afin d’aboutir à l’adoption d’une proposition d’ici à la fin de l’année 2023, pour être en position d’agir rapidement sur les prix de l’énergie.

Cette réforme, à nos yeux essentielle, doit répondre à deux objectifs : créer un cadre de marché apportant une plus grande prévisibilité et une visibilité accrue pour les producteurs d’électricité et les consommateurs ; garantir des prix plus stables et moins dépendants des cours des énergies fossiles.

Ce cadre sera également plus incitatif pour investir dans les énergies décarbonées, ce qui est essentiel pour réduire à la fois nos émissions et notre dépendance aux hydrocarbures.

Les chefs d’État et de gouvernement auront également l’occasion d’aborder d’autres enjeux en cours de discussions, notamment concernant l’hydrogène ou encore notre état de préparation pour l’hiver 2023-2024. La France, sur ce sujet, a une position constante : l’Union doit se préparer le plus en amont possible à l’hiver à venir, en particulier pour son approvisionnement en gaz naturel.

Le Conseil européen fournira également l’occasion d’un nouveau point sur les questions migratoires. Le Conseil européen des 8 et 9 février dernier a souligné toute l’importance du renforcement de notre action à l’égard des pays tiers, d’origine et de transit, au moyen de partenariats mutuellement bénéfiques et respectueux des droits de l’homme et des valeurs de l’Union européenne.

L’objectif est de prévenir les départs irréguliers, d’éviter les pertes de vies humaines, de lutter contre les trafics de migrants et de traite des êtres humains et de favoriser le retour, la réadmission et la réintégration durable des personnes qui ne remplissent pas les conditions de séjour sur notre territoire, notamment les personnes non éligibles à la protection internationale.

Dans cette optique, il est essentiel de mobiliser de façon coordonnée les instruments à notre disposition pour soutenir et responsabiliser nos partenaires en matière de gestion des migrations.

Il est crucial d’adopter une approche européenne coordonnée pour faire face à la situation actuelle en Méditerranée centrale, marquée par l’augmentation constante du nombre de personnes tentant de rejoindre l’Union européenne depuis la Libye, la Tunisie et la Turquie, conduisant à de trop nombreux drames humains, comme nous l’avons encore tristement constaté le 26 février au large des côtes italiennes.

En matière de dimension interne des migrations, le Conseil européen a souligné la détermination des chefs d’État et de gouvernement à maintenir le cap des négociations au sujet du pacte sur la migration et l’asile (PMA), qui constitue véritablement une boussole entre responsabilité et solidarité. La dynamique engagée au Conseil et au Parlement dans les négociations doit absolument être préservée afin de maintenir notre objectif d’une adoption d’ici à un an exactement.

Enfin, monsieur le président Rapin, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez raison d’insister dans une proposition de résolution sur le rôle de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, appelée communément Frontex. Il est clé. Nous aurons, je n’en doute pas, l’occasion d’en rediscuter.

Enfin, le Conseil européen reviendra sur les tremblements de terre tragiques survenus le 6 février en Turquie et en Syrie, qui ont fait plus de 52 000 morts.

Lors de leur dernière réunion, les 8 et 9 février, les chefs d’État et de gouvernement avaient exprimé leurs plus sincères condoléances pour les victimes et affirmé leur solidarité sans faille avec les populations des deux pays. Depuis, l’Union européenne et ses États membres se sont très rapidement mobilisés, de façon coordonnée, pour apporter leur aide financière et matérielle et atténuer les souffrances dans toutes les régions touchées. Nous sommes conscients de la gravité de la situation sur place et de l’immensité des besoins restant à couvrir : notre solidarité et notre soutien ne doivent donc pas s’arrêter là. C’est dans cet esprit que la présidence suédoise du Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne organisent une conférence des donateurs le 20 mars à Bruxelles, afin de permettre de mobiliser des fonds de la communauté internationale en faveur des populations sinistrées. Cela permettra également d’assurer la bonne coordination de l’aide versée par les différents contributeurs, malgré des difficultés logistiques, afin de couvrir de manière efficace les besoins des victimes sur le terrain.

Voilà, en quelques mots, les enjeux de ce Conseil européen. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que vos questions me permettront d’éclaircir certains points. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Pascale Gruny applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères.

M. Olivier Cadic, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà à peine plus d’un an, les 10 et 11 mars 2022, les dirigeants des vingt-sept États membres de l’Union européenne se réunissaient à Versailles, sous présidence française, pour un sommet fondateur de notre politique extérieure commune. L’ensemble des États membres ont pu affirmer à cette occasion leur engagement au service d’une « souveraineté européenne », selon la formule défendue par la France depuis plusieurs années.

Depuis un an, la guerre se poursuit dans notre voisinage immédiat. Il est dès lors essentiel que l’Union européenne et ses États membres démontrent leur capacité à maintenir leur unité et à prouver leur détermination, à court, à moyen et à long termes, de devenir un acteur géopolitique à part entière dans les relations internationales.

À court terme, d’abord, j’aimerais aborder la dimension européenne de l’aide militaire livrée aux forces ukrainiennes, et plus particulièrement la question des munitions.

Sur le plan du financement, la mobilisation, dès le mois de février 2022, de la Facilité européenne pour la paix (FEP) pour financer en commun des livraisons d’armement à l’Ukraine est un succès, largement salué comme tel. Les sept enveloppes d’aide adoptées à l’unanimité depuis, ainsi que son refinancement, décidé récemment, témoignent de l’efficacité et de la pertinence de ce mécanisme.

Toutefois, dans l’immédiat, l’efficacité de notre soutien militaire commun rencontre de nouveaux obstacles, qui ne sont pas financiers. Je pense aux limites industrielles de notre appareil productif, notamment en matière de fabrication de munitions.

À la fin du mois dernier, le Haut Représentant Josep Borrell estimait à 50 000 le nombre de munitions tirées quotidiennement par l’artillerie russe. Quelques jours auparavant, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, avait déclaré publiquement que les forces ukrainiennes utilisaient des munitions à un rythme plus élevé que celui de leur production au sein de l’Alliance atlantique.

Madame la secrétaire d’État, quels sont, dans ce domaine, les leviers dont dispose l’Union européenne pour coordonner la stratégie des États membres en matière de livraison des munitions à l’Ukraine, voire pour en accélérer la cadence de production ?

À moyen terme, ensuite, il est impératif que l’épreuve que subit actuellement notre continent joue un rôle de catalyseur pour la constitution d’une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) autonome.

La boussole stratégique européenne, adoptée l’année dernière, a fait de l’investissement dans la défense un de ses axes structurants. Mais nous accusons encore un retard difficile à justifier : seulement 18 % de nos dépenses de défense sont aujourd’hui réalisées en commun. Cet émiettement de l’industrie de défense européenne, qui nuit à notre crédibilité et à notre unité, n’est plus acceptable.

Il importe que nous intervenions avec vigueur pour empêcher que le déclenchement de la guerre en Ukraine n’ait pour conséquence indirecte d’accroître notre dépendance à l’industrie de défense américaine.

Madame la secrétaire d’État, quels sont les instruments dont dispose la France pour défendre notre souveraineté industrielle dans le secteur de l’armement ? Sur ce sujet, vous voudrez bien nous donner la position de la France sur l’instrument European defense industry reinforcement through procurement act (Edirpa) de financement d’achats en commun d’armement, actuellement discuté au Parlement européen.

À long terme, enfin, il est nécessaire que nous envisagions l’ensemble des conséquences diplomatiques que la guerre en Ukraine aura dans notre voisinage. Plus particulièrement, je pense au risque de déstabilisation des pays des Balkans occidentaux.

L’ouverture des négociations d’adhésion, l’été dernier, avec l’Albanie et la Macédoine du Nord a témoigné de la volonté de l’Union européenne de faire avancer le processus d’élargissement. Toutefois, il est essentiel que cette volonté se traduise par des bénéfices concrets et, surtout, immédiats pour les populations concernées. Je tiens à rappeler à cet égard qu’il s’est écoulé dix-sept ans entre l’octroi du statut de candidat à l’Albanie et l’ouverture des négociations d’adhésion.

Alors que les stratégies d’influence extérieures, aussi bien russes que turques ou chinoises, convergent vers les pays de cette région, nous devons leur donner des gages de notre engagement en faveur de l’élargissement. À cet égard, il serait utile que vous nous précisiez la position de la France sur la stratégie européenne dans les Balkans.

Pour terminer, je rappelle qu’un second sommet de la Communauté politique européenne (CPE) est annoncé au mois de juin en Moldavie. Pourriez-vous nous dire quel premier bilan vous tirez de cette initiative française au service de l’intégration en Europe des Balkans occidentaux ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir suspendu l’application des règles du pacte de stabilité et de croissance en 2020, pour permettre aux États de mettre en œuvre les réponses budgétaires qui s’imposaient face à la crise sanitaire, la Commission européenne a engagé, à partir du mois d’octobre 2021, une réflexion sur la révision de la gouvernance des finances publiques en Europe.

Reposant sur un déficit inférieur à 3 % du PIB, sur une dette publique contenue en dessous de 60 % du PIB et sur la mise en œuvre de procédures de coordination entre les États et de correction des écarts, la gouvernance prévue par le pacte de stabilité et de croissance et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) n’a pas véritablement permis d’assainir les finances de l’ensemble des États membres de l’Union. Plusieurs critiques avaient été adressées aux mécanismes prévus jusqu’ici.

D’abord, ils s’appliquaient de manière uniforme, c’est-à-dire sans tenir véritablement compte des grandes différences de situations qui peuvent exister entre les États, tant du point de vue des finances publiques que des capacités des économies. Aussi, une approche plus prudente, pragmatique et différenciée peut être souhaitable dans les phases de consolidation.

Ensuite, ils étaient sans doute trop complexes, puisque reposant, pour beaucoup, sur des variables économiques difficilement observables, et dont l’évaluation fait débat, à l’instar du PIB potentiel.

Enfin, ils n’étaient pas suffisamment souples pour permettre de différencier les dépenses qui doivent évidemment être maîtrisées de celles qui sont nécessaires pour faire face aux défis d’avenir : transition écologique, souveraineté en matière de sécurité, formation. Tout en étant particulièrement sensible au fait que les finances publiques des États membres, et plus particulièrement celles de la France soient davantage maîtrisées, j’ai salué l’ouverture d’une réflexion sur la réforme de la gouvernance budgétaire pour l’adapter aux enjeux du XXIe siècle.

La Commission européenne a proposé plusieurs pistes d’évolution dans une communication du mois de novembre 2022. Elles ont été présentées hier au Conseil Affaires économiques et financières du Conseil de l’Union européenne et adoptées par ce dernier.

Sans revenir sur la règle de limitation des déficits et de l’endettement à, respectivement, 3 % et 60 % du PIB, la Commission européenne propose notamment de maintenir le cadre commun de surveillance en rendant plus automatique la mise en œuvre des sanctions et que les États s’engagent sur des trajectoires pluriannuelles de moyen terme en décrivant leurs cibles budgétaires, ainsi que les réformes et investissements envisagés.

Il s’agit également de tenir compte des investissements prévus pour la transition écologique, le numérique et la défense. La Commission propose enfin de différencier les objectifs prévus pour chacun des États en fonction de la situation de leurs finances publiques.

Ces propositions devraient donner lieu prochainement à des initiatives au plan législatif de la part de la Commission européenne.

L’existence et la bonne application des règles de convergence budgétaire en Europe sont la condition de notre participation à la monnaie unique et au marché commun.

Par ailleurs, je crois que le pragmatisme du cadre de gouvernance qui est proposé engage la France. Alors que notre endettement s’élève en 2022 à près de 3 000 milliards d’euros et notre déficit à 4,7 % du PIB, le Gouvernement doit faire davantage d’efforts pour réduire les dépenses publiques à l’horizon 2027.

La trajectoire proposée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques n’était, à cet égard, pas conforme à nos engagements européens. Elle ne l’aurait pas été davantage avec ceux qui découleraient des propositions de la Commission européenne. Il est donc temps d’anticiper et d’agir !

Je dirai également un mot de la crise des prix de l’énergie, qui, depuis son déclenchement, a conduit l’État à engager des dizaines de milliards d’euros pour en contrer les effets sur les ménages et les entreprises. Ces dépenses sont nécessaires à court terme, même si elles grèvent durablement nos finances publiques et si elles peuvent ne pas toujours paraître à la hauteur, notamment pour soulager nos entreprises les plus fragiles ou les plus exposées.

À plus long terme, nous le savons tous, une telle situation n’est pas tenable. Pour nous prémunir à l’avenir d’avoir à affronter ce dilemme entre la protection légitime de nos compatriotes et l’emballement incontrôlable de notre dette, une réforme structurelle du marché de l’électricité est indispensable.

Or les espoirs que nous portions sur la proposition qui doit être présentée cette semaine par la Commission européenne devraient malheureusement être déçus. Le Gouvernement semble n’avoir pas réussi à faire valoir nos intérêts, qui reposent sur un mix électrique décarboné et aux coûts de production faibles. De toute évidence, cet ajustement des règles du marché de l’électricité ne permettra pas de décorréler les prix du gaz et de l’électricité. Par conséquent, à la prochaine crise des prix, j’ai bien peur que nous soyons de nouveau contraints de prendre des mesures palliatives d’urgence, fortement coûteuses et moins efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, même si l’actualité nationale est aujourd’hui focalisée sur la réforme des retraites, nous ne devons pas perdre de vue l’échelon européen et les décisions structurantes qui s’annoncent à l’occasion de la prochaine réunion du Conseil européen, prévue dans huit jours.

Une délégation de la commission des affaires européennes était d’ailleurs hier au siège du Parlement européen, à Strasbourg, où elle a pu échanger avec près d’une vingtaine d’eurodéputés français de tous les groupes politiques. Vous y étiez aussi, madame la secrétaire d’État, comme à chaque session du Parlement européen ; nous avons été sensibles au fait que vous passiez nous saluer.

Nous avons également pu y rencontrer utilement le commissaire Thierry Breton dans la perspective du prochain Conseil européen. L’Ukraine sera assurément au cœur de son ordre du jour. Or Thierry Breton nous a confirmé que le conflit était entré dans une phase critique et que les prochaines semaines seraient décisives. Je ne reviens pas sur les propos d’Olivier Cadic, qui vous a suffisamment interrogé sur la question des munitions. Nous attendons des réponses, d’autant que cette situation pourrait nous faire entrer en économie de guerre.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser dans quelle mesure la France pourra contribuer à répondre aux besoins ukrainiens, compte tenu de notre dépendance en matière de munitions, sur laquelle le Sénat n’a pas manqué d’alerter le Gouvernement depuis plusieurs années ?

Nous sommes par ailleurs très préoccupés par le sort de la Moldavie. La menace russe d’en faire la prochaine Ukraine est à prendre au sérieux. C’est ce qui vous a conduite à vous rendre la semaine dernière à Chisinau, où vous avez retrouvé plusieurs de vos homologues pour manifester votre soutien à la présidente Maia Sandu, à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Il est effectivement important de donner ainsi de la substance à la décision du Conseil européen du mois de juin 2022 d’accorder à la Moldavie le statut de candidat à l’Union européenne. Chisinau accueillera en outre, le 1er juin, le second rendez-vous de la Communauté politique européenne. La commission que je préside se propose de prolonger au plan parlementaire cette démarche. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter votre appui sur un potentiel déplacement que pourrait effectuer notre commission pour manifester sa solidarité avec le parlement moldave ?

Le second grand enjeu du prochain Conseil européen sera de finaliser la réponse européenne à l’IRA, comme convenu en décembre. Le commissaire Breton a eu l’occasion de nous en présenter les grands traits hier. Comme lui, nous voyons trop d’entreprises européennes proprement aspirées vers les États-Unis. Nous ne pouvons que regretter le retard avec lequel la riposte européenne est arrivée. Néanmoins, sa structuration semble globalement satisfaisante. Elle favorisera l’autonomie européenne sur les matières premières critiques, alors que l’Union est aujourd’hui dépendante des importations à 100 % pour la moitié d’entre elles. Elle prévoit un nouvel assouplissement du régime des aides d’État, avec une clause « alignement » pour prévenir les délocalisations, et, en complément, un futur règlement « zéro émission nette » destiné à renforcer l’écosystème des technologies propres dans l’Union.

Madame la secrétaire d’État, nous nous demandons, d’une part, si la durée de l’assouplissement en matière d’aides d’État, prévu pour être temporaire, sera aussi longue que celle qui est prévue par l’IRA et, d’autre part, dans le champ des technologies « zéro émission », si les technologies nucléaires pourront bénéficier du futur règlement.

Nous souhaiterions aussi savoir si le levier des marchés publics, auquel les États-Unis n’hésitent pas à recourir pour soutenir les technologies propres, fera partie de l’arsenal européen, et si une préférence européenne en la matière sera retenue.

Enfin, la Commission vient de présenter la dernière brique de la réponse à l’IRA, destinée à juguler la hausse des prix de l’énergie. Il s’agit de la réforme du marché de l’électricité. Le Gouvernement s’en félicite déjà, bien qu’elle ne revienne pas sur le principe fondamental du merit order. À ce stade, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que les spécificités des mix nationaux seront bel et bien prises en compte et que les consommateurs en tireront profit sur leur facture énergétique ? De jour en jour, nous mesurons en effet dans nos territoires les dégâts de l’inflation pour nos concitoyens. L’Union européenne se doit de les en protéger. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)