M. Jean-Michel Arnaud. Elle est déjà bien gérée !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous devons ensuite relever un défi en termes de sobriété pour assurer une gestion plus efficiente de l’eau potable. Or la performance globale de notre réseau ne nous le garantit pas : nous perdons chaque année 30 % du volume que nous prélevons, ce qui, dans le contexte hydrique que nous connaissons, n’est évidemment pas un facteur facilitant.

Actuellement, 170 collectivités ont un réseau dont le rendement est inférieur à 50 %, ce que les techniciens appellent, dans leur jargon, les points noirs de la gestion quantitative de l’eau. Ce taux de perte est lié à l’état de nos réseaux, lesquels, même si les maires ont fait les meilleurs efforts pour les entretenir, nécessitent encore de lourds investissements. Plus de 40 % de notre réseau devra être renouvelé dans les quarante ans qui viennent. C’est une charge et une dette que nous laissons à ceux qui vont nous succéder, ne nous le cachons pas. Si nous voulons accélérer ces investissements, nous devons le faire ensemble.

La sobriété passe aussi par un travail sur les usages : je sais que nos collègues sont, avec les préfets et la profession agricole, très investis pour favoriser une utilisation raisonnable et rationnelle de l’eau.

Nous allons, en outre, devoir garantir la qualité de nos eaux. L’eau est une ressource du quotidien pour nos concitoyens, qui s’attendent à pouvoir la consommer sans se poser de questions. Or, en 2021, 11 millions de Français ont été alimentés par une eau non conforme. Ce n’est bien sûr pas toujours lié à l’absence de mutualisation, mais l’évidence est tout de même que nous assurerons mieux le contrôle de la qualité des eaux en faisant gérer nos ressources par des structures de plus en plus professionnalisées. Le fait est que, dans les services d’eau les plus mutualisés, le taux de conformité microbiologique est excellent. Là encore, nous devons traiter ensemble ce sujet majeur de santé publique.

Vous connaissez aussi les enjeux de gestion des infrastructures liés à la mutualisation. Un bon gestionnaire sait que son actif se déprécie s’il ne l’entretient pas. C’est bien selon ce modèle que les maires se préoccupent de leurs réseaux et je veux rendre hommage au travail qu’ils ont souvent fourni, avec les techniciens des eaux, pour assurer l’entretien et la pérennité du réseau.

Pour autant, la réalité est là : nous faisons et nous ferons face, dans les trente ans qui viennent, à un mur d’investissements de près de 10 milliards d’euros par an. Toute la bonne volonté de nos élus n’y suffira pas et nous devons trouver les moyens d’investir vite et à la hauteur des besoins.

Je me permets de me mettre à la place des maires des 3 600 communes qui n’ont pas encore mutualisé et qui doivent donc faire face seuls à ces investissements. Évidemment, ils peuvent avoir accès aux soutiens de la Banque des territoires, donc de l’État, via ses agences, mais quelle ingénierie technique et financière ne faut-il pas développer pour souscrire des Aqua Prêts ou remplir un dossier de subvention !

M. Mathieu Darnaud. C’est faux ! C’est scandaleux de dire cela !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Quelle expertise ne faut-il pas déployer pour poser le diagnostic de l’état du réseau et planifier ses travaux !

M. Jean-Jacques Panunzi. Ce n’est pas possible d’entendre cela !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je fais toute confiance aux maires, mais, soyons lucides, ceux-ci sont et seront plus forts en s’associant à leurs collègues, dans le cadre de l’EPCI, et en mutualisant ressources, moyens et ingénierie. Là encore, c’est ensemble que nous construirons le réseau de demain.

M. Alain Marc. Ces propos sont incompréhensibles !

M. François Bonhomme. Vous ne pouvez pas dire cela ! Quid des syndicats ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour toutes ces raisons, j’ai l’intime conviction que nous devons poursuivre dans la voie de la mutualisation, car seule une gouvernance collective de la ressource est à même de nous permettre de relever le défi.

M. François Bonhomme. Ce n’est pas à la loi de le dire !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Vous le savez, le transfert à l’échelle intercommunale vise plusieurs objectifs : redondance et interconnexion des réseaux, mutualisation des moyens humains, techniques et financiers, performance accrue, maîtrise et modernisation des équipements, qualité du service rendu à l’usager.

L’EPCI, c’est l’échelle pertinente pour prendre en charge ces compétences, dans le cadre tracé par les documents de planification que sont les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage) et les plans de gestion de la ressource en eau (PGRE). L’EPCI, c’est ce qui permet de faire ensemble !

Cela n’interdit évidemment pas de mener une gestion différenciée, non plus que de la déléguer à un syndicat infracommunautaire, comme le permet déjà la loi.

De ce point de vue, les territoires spécifiques, notamment en montagne, peuvent utiliser les marges et les souplesses prévues par la loi pour adapter la gestion de l’eau à leurs contraintes. Il n’a jamais été question de ne pas le leur permettre.

Il me semble, ainsi que l’a d’ailleurs demandé le Comité national de l’eau, que nous avons besoin de donner de la stabilité et de favoriser l’anticipation et la planification. Pour cela, il nous faut nous concentrer, plus que sur la répartition des compétences au sens juridique du terme, sur la façon dont nous œuvrons collectivement, dans chaque territoire, pour gagner sur la raréfaction et sur la qualité de la ressource.

Mon intime conviction est que l’enjeu se situe à ce niveau, et c’est de cela que je souhaite débattre avec vous.

Encore une fois, ne nous leurrons pas : même si de nombreux maires ont géré et gèrent encore l’eau et l’assainissement avec autant de rigueur et de passion, ils ont absolument besoin du collectif pour faire face aux exigences réglementaires, pour mobiliser de l’ingénierie et pour investir massivement dans le renouvellement des réseaux.

M. François Bonhomme. Ils ont besoin de liberté !

M. Jean-Jacques Panunzi. Arrêtez, arrêtez !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Non, monsieur le sénateur, je ne m’arrêterai pas ; j’utiliserai mon temps de parole pour exprimer mes convictions, mais je respecte profondément les vôtres.

C’est pourquoi le Gouvernement, investi de la responsabilité de garantir la gestion de la ressource, ne peut revenir davantage en arrière.

M. Jean-Michel Arnaud. Ce n’est pas possible !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Dans quelques semaines, il sera en mesure de vous présenter un plan Eau susceptible de répondre à ces enjeux,…

M. Mathieu Darnaud. Il devait être présenté au mois de janvier !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … fruit d’un travail transparent et responsable. Nous sommes conscients des chantiers qui sont devant nous.

Pour ces raisons, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à ne pas soutenir la proposition de la loi qui vous est soumise. (Exclamations nourries sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Mathieu Darnaud. Encore une fois, le Gouvernement fait cavalier seul !

M. François Bonhomme. Vous portez atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales !

Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jean-Yves Roux entend rétablir les compétences eau et assainissement dans la liste des compétences facultatives de la communauté de communes.

Son auteur souhaite ainsi revenir sur les acquis de la loi NOTRe, laquelle avait prévu le transfert obligatoire de ces compétences, jusque-là communales à de rares exceptions près, à l’échelon de l’intercommunalité. L’ambition du législateur était de maîtriser les coûts et d’offrir aux Français, grâce à la mutualisation des moyens, des services de meilleure qualité.

Cette réorganisation territoriale avait suscité à l’époque, et suscite toujours, des inquiétudes chez de nombreux élus, parfois à raison.

M. Dominique Théophile. Trois lois sont venues moduler le dispositif adopté en 2015. Elles ont notamment permis le report de la date butoir de ce transfert au 1er janvier 2026.

M. Mathieu Darnaud. Grâce au Sénat !

M. François Bonhomme. Cela ne s’est pas fait tout seul…

M. Dominique Théophile. Vous les avez évoquées à l’instant.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi s’inscrit donc à rebours de ces évolutions. Elle n’est pas pour autant le premier texte présenté au Sénat qui vise cet objectif et, selon toute vraisemblance, elle ne sera pas le dernier.

Mes chers collègues, nous ne partageons pas cette position, d’abord parce que le transfert des compétences eau et assainissement à l’échelon de l’intercommunalité fonctionne bien. Plus de la moitié des intercommunalités sont désormais compétentes sur l’eau et 55 % des communautés de communes sur l’assainissement, ce qui confirme le caractère réalisable de cette réforme.

Ensuite, ces transferts de compétence ont permis de réaliser les économies d’échelle, de moyens et de coûts que la réforme promettait, même si ce n’est peut-être pas le cas partout. Au bout du compte, cela signifie des services publics plus performants et des factures sans doute allégées.

M. François Bonhomme. Voilà qui reste à démontrer !

M. Dominique Théophile. Nous entendons les difficultés que rencontrent certaines collectivités. Elles sont authentiques et nous ne les contestons pas.

Pour autant, la question de la réalité géographique et hydrique, par exemple, qui est souvent citée pour contester cette réforme, ne nous semble pas trouver d’issue dans un éparpillement des responsabilités. Il est vrai que certaines intercommunalités sont à cheval entre deux bassins versants, ce qui provoque certains problèmes, mais cela peut également être le cas de communes.

C’est précisément pour cela qu’un changement d’échelle est nécessaire, parfois au-delà de la communauté de communes, comme chez moi. Nous avons ainsi créé un syndicat mixte qui couvre tout le territoire de la Guadeloupe. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Michel Arnaud. Excellent exemple, vraiment !

M. Mathieu Darnaud. Quel exemple !

M. Dominique Théophile. J’appelle enfin votre attention sur un point : le défi qui s’impose à nous aujourd’hui n’est plus seulement celui de la gestion et du transport de l’eau, mais aussi celui de la disponibilité de la ressource.

L’eau devient plus rare en raison du réchauffement climatique, des déséquilibres entre les prélèvements et les réserves et de pollutions diffuses.

Le niveau de 80 % des nappes souterraines est inférieur à la normale, selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), et la sécheresse s’annonce pire que celle de l’année dernière.

M. François Bonhomme. Quel rapport ?

M. Alain Marc, rapporteur. En passant à l’intercommunalité, les eaux vont sans doute remonter ! (Sourires.)

M. Dominique Théophile. Sur ce sujet aussi, la réponse à apporter est bien l’interconnexion et la mutualisation, et non l’éparpillement, qui me semble dépassé.

Dans un esprit de stabilité, de continuité, de lisibilité et de clarification des compétences entre les collectivités territoriales, et pour ne pas revenir sur les grands équilibres adoptés en 2015,…

M. Mathieu Darnaud. La faute originelle !

M. Dominique Théophile. … notre groupe votera contre cette proposition de loi. Pour autant, nous entendons ce qui se passe sur certains territoires. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Michel Arnaud. Vive la loi NOTRe ! (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question de l’eau est tellement cruciale qu’elle sera sans doute l’un des problèmes politiques les plus complexes et les plus dirimants auxquels nous serons confrontés au cours des prochaines décennies, voire des prochaines années.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’une question grave, à laquelle nous devons apporter des réponses solides. Je ne reprendrai pas tous les arguments que Mme la ministre Dominique Faure et M. Théophile ont développés à l’instant. Ils sont véridiques et je les partage.

C’est pourquoi, mes chers collègues, j’ai voté en faveur de la loi NOTRe en 2015. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Jacques Panunzi. C’était une erreur !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à rappeler ici, car certains semblent l’avoir oublié, que si ce texte a été adopté en ces lieux, c’est parce qu’il a recueilli les suffrages de la majorité de la majorité et de la majorité de l’opposition de l’époque. J’ai ainsi entendu quelques discours singuliers sur la loi NOTRe, de la part même de ceux qui l’avaient votée.

M. Jean-Michel Arnaud. Et de la part de ceux qui ne l’ont pas votée ?

M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part, je suis clair : nous avons alors décidé de mutualiser la question de l’eau.

Pour autant, certaines choses ne fonctionnaient pas du tout. En particulier, je me souviens très bien que, lors de la commission mixte paritaire, nos collègues députés avaient souhaité la mise en œuvre de cette mesure dès 2018. J’étais parmi ceux qui leur ont indiqué qu’ils rêvaient, que c’était impossible. Nous, les sénateurs, avons donc proposé 2020.

J’ai même déclaré à l’époque, comme le montre le compte rendu, que, de toute façon, l’échéance de 2020 ne serait pas tenable. C’est pour cette raison que j’ai voté la loi présentée par M. Retailleau en 2017 : ce délai était totalement irréaliste. C’est également pour cette raison que j’ai voté, avec mes collègues, la loi Ferrand-Fesneau, qui l’a fort heureusement repoussé à 2026, afin que nous ayons le temps d’effectuer les études et les diagnostics nécessaires.

La situation est très complexe. Certaines communes n’ont rien fait et le prix de l’eau y est bas. Il leur est alors facile de s’en réclamer pour refuser de rejoindre l’intercommunalité, au motif que cela ferait augmenter les coûts. À l’inverse, celles qui ont investi pour disposer d’un bon réseau connaissent un prix plus élevé.

Il est donc naturellement nécessaire de réaliser des calculs pour prendre en compte ces situations, afin que certains ne paient pas deux fois. Je conviens que ce n’est pas simple. Néanmoins, la mutualisation est une nécessité absolue pour l’efficacité.

Je défends ce point de vue en cohérence avec ce que j’ai toujours soutenu, avec la majorité du groupe socialiste. C’est clair et cela aura été dit à cette tribune.

Ensuite, la loi Engagement et proximité a représenté un grand pas en avant en permettant des assouplissements, tels que la délégation et la subdélégation aux syndicats.

Je me souviens d’ailleurs des propos de M. Mathieu Darnaud à cette tribune. Mon cher collègue, après avoir relevé que le texte répondait « à des préoccupations du quotidien », vous avez indiqué qu’il permettait de « trouver l’échelon adéquat pour offrir le meilleur service au moindre coût à nos concitoyens ». Je ne mentionnerai pas les mots dithyrambiques que prononçait alors Mme Gatel !

M. Mathieu Darnaud. Nous disons exactement la même chose : il faut de la liberté !

M. Jean-Pierre Sueur. La loi 3DS a également permis, à juste titre, des assouplissements en matière de concertation, de possibilité d’investir avec le budget principal et de dérogation à la dissolution des syndicats.

Vous avez raison : la réalité hydrique ne correspond pas forcément à la réalité communautaire. Cela impose que l’on puisse déroger, déléguer et subdéléguer à des syndicats existants. Une certaine souplesse est donc nécessaire, nous sommes d’accord.

Néanmoins, la position majoritaire du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est de continuer à avancer et de ne pas revenir en arrière, quelles que soient les difficultés.

Nous avons effectué un travail approfondi au sein de notre groupe. J’ignore encore si un scrutin public sera demandé sur le texte,…

M. Jean-Claude Requier. Il y en aura bien un !

M. Jean-Pierre Sueur. … mais je peux d’ores et déjà vous dire que quarante-neuf de nos collègues voteront contre ce texte, qu’ils considèrent comme un recul, douze seront pour (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) et trois s’abstiendront.

J’ai donc présenté la position de la majorité de mon groupe ainsi que celle de sa minorité, tout en exprimant ma conviction personnelle : quelles que soient les difficultés, l’enjeu est tel qu’il faut continuer à aller de l’avant !

M. François Bonhomme. Dans le mur !

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas la première fois – cela a déjà été rappelé tant par l’auteur de la présente proposition de loi que par notre rapporteur – que nous évoquons au Sénat la question des compétences eau et assainissement et que nous débattons de l’opportunité de leur maintien parmi les compétences communales ou de leur remontée parmi les compétences obligatoires des intercommunalités.

Le bilan de la remontée de compétences obligatoires pour les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d’agglomération est mitigé. Nous constatons que les différents dispositifs que nous nous sommes efforcés d’imaginer pour permettre des subdélégations ne fonctionnent pas, ou du moins qu’ils ne répondent pas aux attentes des élus locaux concernés. Seule échappe à ce bilan, si je puis dire, la « catégorie » des communautés de communes.

Je ne reviendrai pas sur les débats qui ont amené à la loi NOTRe, à la loi Engagement et proximité et à la loi 3DS.

Je rappellerai toutefois que le Sénat, comme il l’a montré en votant en 2017 la proposition de loi tendant au maintien des compétences eau et assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes, a toujours porté une attention particulière à la gestion de ces compétences à l’échelle communale.

Dire cela ne revient en aucun cas à affirmer que chaque commune doit gérer son eau et son assainissement et que des miradors empêchant toute mutualisation, toute gestion commune et toute sécurisation de l’apport en eau et des réserves constituées en vue des incendies doivent être érigés entre deux périmètres communaux. Il convient de respecter les arguments de chacun, mes chers collègues ! (Mme Maryse Carrère renchérit.)

Dire cela, c’est poser la question de l’enjeu politique de la gestion de l’eau et de l’assainissement. L’eau a en effet permis à l’homme de faire société. Il s’est sédentarisé à proximité des ressources en eau et il s’est organisé en société afin de capter, de transporter et de traiter l’eau par l’action collective pour satisfaire aux nécessités de sa survie.

Si demain la démonstration était faite que la simple remontée de compétences permettait de régler la question de la pluviométrie dans notre pays, ce qui est tout de même le premier enjeu, si la remontée de compétences permettait de régler la question des finances publiques – le rapporteur y a fait référence – et de la capacité à résorber les fuites sur un certain nombre de réseaux, peut-être pourrions-nous revoir notre positionnement.

Mais jusqu’à preuve du contraire, je n’y crois pas, car à l’instar de saint François, je ne crois que ce que je vois.

Une voix sur les travées du groupe Les Républicains. C’est saint Thomas ! (Sourires sur les mêmes travées.)

Mme Cécile Cukierman. Le véritable enjeu de cette proposition de loi de nos collègues du RDSE est au fond celui de la liberté locale. La liberté locale est non seulement fondamentale, mais au regard des événements qui se tiennent en dehors de cet hémicycle, elle devient plus que jamais un enjeu impératif, car elle détermine la capacité à protéger la commune, cellule de base de la République et de la démocratie.

Oui, la liberté locale dérange parfois. Cette liberté du quotidien, cette liberté de proximité traduit pourtant la réalité des femmes et des hommes des différents territoires de notre République. Il nous revient ensuite d’y apporter des réponses collectives conformes aux enjeux de liberté, d’égalité et de fraternité.

En tout état de cause et sans surprise, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera, comme il le fait depuis 2015, la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et du RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mmes Viviane Artigalas, Marie-Pierre Monier et Angèle Préville, ainsi que M. Sebastien Pla applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi de Jean-Yves Roux et de plusieurs de nos collègues du RDSE.

À la suite de la proposition de loi de Mathieu Darnaud et de celle que j’ai moi-même déposée l’année dernière, ce texte constitue une nouvelle tentative de remettre en cause le caractère impératif du transfert des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités.

Il s’agit en effet de revenir sur une obligation instaurée en 2015 par la loi NOTRe. Lors de l’examen de cette dernière à l’Assemblée nationale, le Gouvernement avait déposé deux amendements visant à rendre obligatoire un tel transfert de compétences. Cette évolution législative – il importe de le rappeler – a été introduite sans aucune étude d’impact préalable et sans concertation.

Sous l’impulsion du Sénat, divers ajustements ont par la suite permis de corriger à la marge un certain nombre de dispositifs jugés brutaux et inapplicables sur le terrain.

Un aménagement des modalités de transfert de compétences via l’activation d’une minorité de blocage a été rendu possible par la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. La loi Engagement et proximité a doté les intercommunalités de la faculté de déléguer tout ou partie des compétences en la matière. Et, depuis 2021, les communautés de communes ont la possibilité de maintenir les syndicats infracommunautaires après le 1er janvier 2026 dès lors que ces derniers – c’est un point important – existaient antérieurement.

Pour autant, l’obligation de transfert à l’horizon du 1er janvier 2026 demeure. C’est pourquoi, sans doute en vain, mais avec courage et ténacité, je m’attellerai à vous convaincre, madame la ministre, du bien-fondé de la position d’une majorité de nos collègues – je l’espère du moins –, notamment ceux qui sont issus d’un territoire rural.

Pour ce qui concerne les périmètres des comités de communes, je rappelle que, contrairement à ce que j’ai entendu encore aujourd’hui, le territoire d’une intercommunalité est le fruit d’une histoire politique.

M. Loïc Hervé et Mme Cécile Cukierman. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. Je l’ai dit aussi !

M. Jean-Michel Arnaud. Il ne correspond donc pas toujours au bassin de vie ni à la réalité hydrique du territoire.

M. Loïc Hervé. Surtout en montagne !

M. Jean-Michel Arnaud. L’intercommunalité politique et institutionnelle et les jalons du réseau d’eau et d’assainissement ne se superposent pas nécessairement.

Vous avez également affirmé, madame la ministre, que l’intercommunalisation permettait de sécuriser les réseaux et de mieux penser la gouvernance de l’eau de demain.

Vous avez indiqué que les fuites étaient mieux gérées par les intercommunalités, notamment les métropoles et les agglomérations.

La raison en est simple, madame la ministre : dans un territoire rural, quel qu’en soit le mode de gestion, le réseau est beaucoup moins dense que dans une métropole, et il compte un nombre bien plus grand de mètres linéaires à entretenir. Il est donc normal que le taux de fuite soit plus élevé. (MM. Loïc Hervé, Jean-Yves Roux et François Bonhomme approuvent.) Il convient de comparer ce qui est comparable, toutes choses égales par ailleurs !

Vous avez également indiqué que l’intercommunalisation permettait de mutualiser les services. Ne s’agit-il pas plutôt de les transférer ?

Je puis témoigner que, dans les communes rurales, des agents techniques et des maires assurent bien souvent une gestion directe en lien avec la commande publique de proximité, notamment avec des artisans qui connaissent parfaitement le réseau.

Vous avez par ailleurs évoqué la nécessité de protéger la ressource. Vous nous expliquez, au fond, que les difficultés de disponibilité de la ressource en eau sont dues à la moins bonne gestion des réseaux par les communes, notamment rurales, que par les intercommunalités, alors qu’il s’agit avant tout d’une question de moyens financiers.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean-Michel Arnaud. Donnez des instructions à vos services et aux agences diverses et variées, notamment aux agences de l’eau, madame la ministre, pour que les communes rurales soient traitées sur un pied d’égalité avec les intercommunalités en matière d’attribution des financements.

Dans nos communes, des intercommunalités qui n’exercent pas à ce jour les compétences eau et assainissement se voient notifier par les agences de l’eau des décisions de non-financement du fait de l’absence de transfert des compétences. Nous ne sommes pourtant pas encore au 1er janvier 2026 ! Encore une fois, votre argumentation est biaisée !

Vous avez ensuite souligné la nécessité de garantir la qualité des eaux en vous appuyant sur l’exemple de quelques communes qui ont distribué une eau dont la qualité était insuffisante. Mais ces difficultés sont liées à la sécheresse importante que nous avons connue et les intercommunalités y sont tout autant exposées que les communes rurales.

Par ailleurs, celles-ci font face aux difficultés : elles diligentent des analyses, mobilisent les entreprises et informent la population.

Je vous ferai une confidence, madame la ministre : dans mon département, l’agglomération de Gap-Tallard-Durance, dont je suis par ailleurs élu, a été confrontée à de telles difficultés, non pas dans une commune rurale, mais dans un quartier de la commune de Gap, qui a dû faire l’objet d’un accompagnement spécifique.

Pour importante qu’elle soit, la qualité de l’eau n’est donc pas un argument pertinent.

Vous avez enfin évoqué la nécessité d’investir. Je vous rejoins sur ce point : il faut bien sûr investir pour rénover nos réseaux, pour abaisser les taux de fuite et pour créer de l’interconnexion. Je vous ferai toutefois une révélation, madame la ministre : nous n’avons pas attendu l’intercommunalisation pour le faire. Des dizaines de communes ont maillé leur réseau par le biais, non pas de l’intercommunalisation, mais parfois uniquement de conventions. (MM. Loïc Hervé et Jean-Yves Roux approuvent.)

Je connais aussi des communes qui attendent des moyens de l’État et des financements des agences de l’eau pour rénover leur réseau.

Il faut déconnecter l’attribution des financements des modalités de gestion de la ressource, madame la ministre !