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Mise au point au sujet d’un vote

Mme le président. La parole est à M. Laurent Somon.

M. Laurent Somon. Madame la présidente, lors du scrutin n° 254 sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités, M. Pellevat souhaitait voter pour.

Mme le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Rappel au règlement

Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Mon rappel au règlement, qui porte sur l’organisation de nos travaux, se fonde sur les articles 44, alinéa 3, et 49, alinéa 3, de la Constitution.

Quelle violence est faite au Parlement : après avoir bloqué, avec la complicité de la droite, le vote au Sénat pour accélérer les débats, le Gouvernement, sur ordre d’Emmanuel Macron, vient d’engager l’article 49.3 de la Constitution pour éviter la sanction de l’Assemblée nationale, qui s’apprêtait à rejeter le projet de réforme des retraites.

Ainsi, le Gouvernement est seul : les salariés rejettent massivement son texte ; l’opinion publique est vent debout ; l’unité intersyndicale est totalement contre lui. Et, maintenant, l’Assemblée nationale refuse de s’engager à ses côtés, malgré les tentatives honteuses de débauchage de certains députés.

Dans sa solitude, l’exécutif pousse encore plus loin l’autoritarisme. Il a commencé en corsetant les débats avec l’article 47-1. Il finit en interdisant le débat et le vote à l’Assemblée nationale. L’insincérité et l’illégitimité du débat sont totales.

Emmanuel Macron et le Gouvernement devront répondre devant le peuple de ce coup de force démocratique. Ce gouvernement ne peut plus rester aux affaires. Il sème le chaos dans le pays.

La voix de la raison, la voix de la sagesse, eût été le retrait de ce texte.

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE vont renforcer encore leur soutien à toutes celles et à tous ceux qui vont redoubler d’effort dans le pays pour obtenir le retrait de ce projet injuste, ce projet décidé par les marchés financiers. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)

M. Daniel Breuiller. Très bien !

Mme le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement »
Article unique (début)

Gestion différenciée de la compétence « Eau et Assainissement »

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de la compétence eau et assainissement, présentée par M. Jean-Yves Roux et plusieurs de ses collègues (proposition n° 908 [2021-2022], texte de la commission n° 382, rapport n° 381).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter une proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de la compétence eau et assainissement.

J’y associe bien sûr d’autres propositions de loi, questions orales et questions écrites présentées au Sénat comme à l’Assemblée nationale, qui, très récemment, ont repris cette thématique. Je pense notamment à la proposition de loi de Mathieu Darnaud et de plusieurs de ses collègues ; aux travaux de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, placée sous la présidence de Françoise Gatel ; ou encore à la proposition de loi de Jean-Michel Arnaud, mon collègue des Hautes-Alpes.

Les associations d’élus ne sont pas en reste. De l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) à l’Association des maires ruraux de France (AMRF) en passant par l’Association nationale des élus de la montagne (Anem), toutes continuent d’exprimer régulièrement ce que j’appellerai la permanence de leurs réserves et la croissance de leurs incertitudes.

Mes chers collègues, toutes ces initiatives parlementaires relèvent, dans des tonalités et des périmètres différents, bien sûr, l’inadéquation d’un dispositif pensé de manière uniforme, quels que soient les territoires : la transformation de la compétence optionnelle eau et assainissement des communautés de communes et d’agglomération en compétence obligatoire.

Bon an mal an, ce transfert s’est effectué dans les communautés d’agglomération. Mais, dans les communautés de communes, les obstacles s’accumulent. Les conseils municipaux ne cessent de nous alerter par des motions et des délibérations s’opposant à ce qui leur apparaît comme une délégation de compétence beaucoup trop technocratique.

Je conçois bien ce qu’un tel texte peut avoir d’agaçant. Nous mettons une fois de plus sur la table ce que certains désignent avec morgue comme des problèmes de fuites d’eau, des lubies sénatoriales ou des agitations rurales. Mais, si ce sujet revient une nouvelle fois, c’est parce qu’aucune solution n’a été trouvée.

Il s’agit ni plus ni moins que de la ressource en eau. Devons-nous tourner la tête sous prétexte que les territoires ruraux concernés ne rassemblent pas 76 % de la population ? Ils couvrent, en revanche, la grande majorité des linéaires de cours d’eau à entretenir.

Face aux premières difficultés rencontrées, notamment dans la ruralité et dans les communes de haute montagne, notre législation a cherché à assouplir les modalités de transfert.

La loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et proximité, autorise ainsi les communautés de communes et les communautés d’agglomération à déléguer aux communes tout ou partie des compétences liées à l’eau, à l’assainissement des eaux usées ou à la gestion des eaux pluviales.

La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement, dite Ferrand, a quant à elle ouvert la possibilité de reporter ce transfert au 1er janvier 2026 pour les communautés de communes. Or, près de cinq ans après ce dernier assouplissement, l’association représentant les intercommunalités de France nous livre un verdict qu’il faut entendre : seul un tiers des communautés de communes concernées exercent à ce jour cette compétence.

Sommes-nous étonnés ? Pas vraiment. Je vous invite à relire le compte rendu intégral de notre séance du 26 juillet 2018 : des sénateurs pourtant favorables à l’intercommunalisation de la gestion de cette compétence évoquaient déjà cette éventualité.

M. Sueur, nous faisant bénéficier de sa fine connaissance des questions territoriales,…

M. Jean-Pierre Sueur. Merci, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Roux. … soulignait ainsi : « La question est si complexe sur le terrain, entre les régies, les concessions, les affermages et autres, que la réalisation d’un tel transfert dans de bonnes conditions demande du temps. »

M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris à ces propos ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Yves Roux. M. Gontard regrettait pour sa part que les revendications des communes, notamment au sujet de leurs spécificités, n’aient pour ainsi dire pas été entendues. « Nous arriverons à l’échéance de 2026 sans être plus avancés », prédisait-il avant de conclure : « Il importait non seulement de laisser ce choix, mais aussi d’apporter une certaine visibilité. » Aurions-nous dit mieux ?

Mes chers collègues, devons-nous nous attendre à un mouvement spontané de communes qui opéreraient ce transfert de compétences avant 2026, alors que rien n’a fondamentalement changé ?

Je crois assez peu aux propriétés du ruissellement. De même, je ne crois ni aux stratégies d’assèchement financier ni au mariage forcé auquel ces dernières sont censées aboutir.

Madame la ministre, les communes n’ayant pas transféré la compétence observent bien la loi. Elles peuvent comme les autres prétendre au concours des agences de l’eau. Les écarter de ces possibilités de subvention pour des motifs – il faut le dire – tatillons ne les conduira pas à déléguer plus vite.

Il en est de même pour les syndicats, qui déplorent ces stratégies punitives. Le risque écologique, s’il faut le prendre, est tout de même une nouvelle dégradation des réseaux et un sous-investissement dangereux qui, tôt ou tard, sera assumé par les intercommunalités. Quant au risque démocratique, c’est celui de la démission des maires.

Les plus petites communautés de communes concernées ne disposent pas davantage des capacités financières nécessaires pour assumer le plein exercice de cette compétence. Certaines d’entre elles ne souhaitent pas s’engager dans une délégation complexe, avec moult frais cachés qui font ployer la barque.

Reconnaissons, moi le premier, que nous devons envisager la question autrement. Nous disposons en effet d’un cadre conceptuel plus souple que nous pouvons faire vivre.

Ce cadre d’action – je vais vous étonner –, c’est la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, qui a reconnu l’existence de communautés de communes à partir de 5 000 habitants.

Ce cadre d’action, c’est la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite Montagne, qui nous invite à prendre en compte les aménités des territoires montagneux.

Ce cadre d’action, c’est la différenciation territoriale. Comme le soulignait Jacqueline Gourault, alors ministre de la cohésion des territoires, ce principe est garant d’« un État plus agile, plus réactif et plus proche, qui adapte sa réponse et accompagne main dans la main les initiatives des collectivités ».

Mes chers collègues, n’en avons-nous pas assez de nous gargariser de « logiques ascendantes » sans pour autant les faire vivre quand nous en avons l’occasion ?

Je dois vous le dire : échaudés par les réalités économiques et l’âpreté de leur mission, les élus concernés – maires et conseillers intercommunaux – ne placeront leur confiance dans ce transfert de compétences que s’ils ont l’absolue certitude que cette décision rime avec efficacité et bonne gestion ; que ce transfert sera pris dans l’intérêt de leur commune et leurs administrés ; et qu’il n’engendrera pas une augmentation inconsidérée des coûts et du prix de l’eau, dans le contexte d’une forte inflation que beaucoup peinent à supporter.

Madame la ministre, nos élus de proximité sont parfaitement conscients de leur grande responsabilité en la matière.

Votre collègue Christophe Béchu nous rappelait récemment que la nature ne nous laisse pas le choix. C’est vrai : face à une sécheresse structurelle, la réponse ne sera pas uniforme ; elle sera collective. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

L’Anem, dont je salue le travail, vient de rendre publics les principaux arguments développés par ces maires réticents. Ce sont autant de pistes de différentiation territoriale sur lesquelles il serait – j’en suis sûr – utile de s’appuyer.

Ces élus soulignent tout d’abord la nécessité de permettre un exercice de proximité de la compétence, lequel fait défaut dans les ensembles intercommunaux de très grande superficie. Il n’est guère aisé de réparer une fuite de canalisations lorsque le siège d’intervention est à quatre-vingts kilomètres de distance. À l’évidence, cette organisation n’est pas tout à fait performante.

Ils relèvent également le risque de doublons, qui implique une forte augmentation des personnels consacrés à ces tâches. Les petites communautés de communes ne pourraient assumer cette charge, si tant est qu’elles réussissent à recruter et à les attirer sur leurs territoires, tant ces métiers sont en tension.

Les mêmes élus s’inquiètent surtout des conséquences financières des transferts de compétences prévus : « Les études préalables concluent trop souvent à une forte augmentation du prix de l’eau, difficilement supportable, surtout en période d’inflation. »

Foncièrement pragmatiques, les élus de montagne mettent enfin en avant des traditions de mutualisation existantes, notamment au sein des syndicats, qu’il conviendrait de conforter.

Dans son rapport d’information intitulé Comment éviter la panne sèche ? Huit questions sur lavenir de leau en France, la délégation sénatoriale à la prospective dresse un constat cruel : « La gestion de l’eau est un domaine ardu, souvent laissé aux techniciens, dont les élus ont du mal à se saisir. Or la légitimité des choix politiques en matière de gestion de l’eau passe par une repolitisation de ses instances et le renforcement de l’échelon local de prise de décision. »

La gestion différenciée de la compétence eau et assainissement et, au travers d’elle, la bataille contre la sécheresse replacent les élus au cœur de la décision politique. Il y va de notre destin commun.

Nos élus demandent cette compétence, car ils souhaitent livrer bataille.

Madame la ministre, c’est pourquoi je vous propose de lever le verrou du transfert en 2026 pour les communautés de communes et d’engager dès maintenant des conventions décentralisées permettant l’exercice réel de cette compétence.

Je vous le dis en écho à ce que nous vivons aujourd’hui : écoutons les élus, écoutons le Parlement ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de Jean-Yves Roux a une ambition simple. Son article unique vise à supprimer le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux communautés de communes prévu au 1er janvier 2026.

Ce texte, qui permet de répondre aux attentes légitimes des élus des territoires ruraux et de montagne, traduit une position défendue de manière constante par le Sénat depuis le vote de la loi NOTRe en août 2015.

Vous le savez, en matière d’eau et d’assainissement des eaux usées, le Gouvernement a brutalement remis en cause la liberté des communes par le biais de simples amendements déposés à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi NOTRe. Ces dispositions n’ont jamais été introduites sur l’initiative du Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur. Qui a voté la loi NOTRe ?

M. Alain Marc, rapporteur. Notre assemblée s’est opposée à ce transfert obligatoire, consciente des difficultés qu’il allait poser aux communes de nos territoires qui ne connaissent pas la même urbanisation que les autres intercommunalités.

Toutefois, la commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un compromis en reportant le transfert obligatoire au 1er janvier 2020.

Par la suite, le Sénat a tenté d’obtenir le rétablissement du caractère facultatif du transfert des compétences eau et assainissement lors de l’examen de différents textes.

En effet, dès janvier 2017, le président Retailleau a déposé une proposition de loi visant à rétablir le caractère optionnel du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et d’agglomération. Ce texte a été voté à l’unanimité par le Sénat en octobre 2017, mais les députés ont renvoyé son examen en commission.

Par la suite, le Parlement a voté plusieurs assouplissements à cette obligation de transfert, à défaut d’un véritable retour en arrière.

Avec la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, dite Ferrand-Fesneau, le Parlement a voté le report de ce transfert au 1er janvier 2026 pour les communautés de communes.

Puis, la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et proximité, a permis aux communautés de communes de déléguer l’exercice des compétences eau et assainissement à une commune membre de l’intercommunalité ou à un syndicat infracommunautaire.

Enfin, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, rend possible le maintien des syndicats infracommunautaires après le 1er janvier 2026.

M. Alain Marc, rapporteur. Ces différents aménagements n’offrent toutefois qu’un semblant de liberté aux communes, car ils sont limités dans le temps ou dans leurs conditions de mise en œuvre. Cette situation doit donc évoluer rapidement : l’échéance du 1er janvier 2026 est proche et risque de provoquer un effet cliquet.

En outre, les arguments qui justifient la suppression du transfert obligatoire sont toujours d’actualité. On peut notamment évoquer le risque d’augmentation du tarif de l’eau et de l’assainissement, une perte de connaissance des réseaux et une inadaptation du périmètre administratif de l’intercommunalité à la réalité géographique et hydrique des communes concernées.

Nous l’avons maintes fois rappelé : nous, élus ruraux, savons bien que les limites administratives des communautés de communes ne correspondent pas toujours à la géographie physique des cours d’eau.

De surcroît, de nombreuses communautés de communes n’ont pas la volonté d’exercer ces compétences. Le Sénat a souhaité que des communautés de communes de 5 000 habitants puissent exister, mais j’ai moi-même été président d’une communauté de communes et tous les collègues que je connais ne le veulent surtout pas. J’en prends à témoin notre collègue Mathieu Darnaud, qui s’est déplacé sur tout le territoire national et avec qui j’ai beaucoup travaillé.

Au 1er octobre 2022, moins de 30 % des communautés de communes exercent la compétence liée à l’eau et moins de 50 % d’entre elles sont en charge de l’assainissement collectif. Il est évident que les territoires pour lesquels la mutualisation de ces compétences est pertinente l’ont déjà fait depuis plusieurs années, et ce sans attendre que la loi NOTRe le leur impose.

Au surplus, l’idée selon laquelle l’intercommunalisation de la compétence eau permettrait de faire diminuer le taux de fuite des réseaux ne nous semble pas sérieuse. Ce n’est pas parce que l’on fait basculer la compétence que le taux de fuite s’améliore, notamment parce qu’aucun fonds de concours supplémentaire n’est attribué à la communauté. De plus, nous savons que la proximité renforce l’efficacité, ainsi que de nombreux exemples de mutualisation le démontrent. Les communautés de communes n’obtiendront pas davantage de financements que les communes, de sorte que le transfert de cette compétence n’aura pas d’effet réel sur la diminution de ces fuites.

C’est pourquoi l’intention qui anime la proposition de loi de Jean-Yves Roux a emporté la complète adhésion de la commission, qui a néanmoins souhaité améliorer le caractère opérationnel de son dispositif au bénéfice des communes qui souhaitent conserver ou retrouver l’exercice des compétences eau et assainissement. La rédaction qu’elle a retenue entend donc donner son plein effet au principe de différenciation, voté par le Parlement dans la loi 3DS voilà tout juste un an.

En premier lieu, elle a prévu un mécanisme de restitution des compétences eau et assainissement aux communes qui les ont déjà transférées. Cette faculté peut s’exercer à tout moment et pour tout ou partie des compétences concernées. Le texte confère aux communes, et non à l’intercommunalité, le pouvoir de lancer un tel processus. Ainsi, la restitution pourra être obtenue si une majorité des conseils municipaux la demande.

Cette proposition vise à répondre aux préoccupations des communautés de communes dans lesquelles une seule commune peut représenter jusqu’à 80 % de la population, ce qui pourrait déséquilibrer les décisions en sa faveur.

Afin d’éviter aux communes minoritaires de se voir imposer une redescente de compétences qu’elles ne souhaitent pas exercer, il est prévu un mécanisme de transfert à la carte et simplifié des compétences redescendues à la communauté de communes.

À l’inverse, pour empêcher qu’une minorité de communes se retrouve dans l’impossibilité d’exercer de nouveau les compétences eau et assainissement en cas de majorité défavorable à une restitution de compétences, le dispositif proposé prévoit que, dès lors qu’il existe un accord sur cette demande entre, d’une part, la communauté de communes, d’autre part, une ou plusieurs communes, la restitution peut être opérée.

En deuxième lieu, la commission a entendu assurer une stabilité aux conventions de délégation existantes entre les communautés de communes et leurs délégataires. Il ne faut pas remettre en cause des modalités de fonctionnement satisfaisantes pour les communes.

Néanmoins, dans l’hypothèse d’un changement du titulaire de l’exercice des compétences eau et assainissement, en raison d’une restitution de ces dernières à la commune, le texte de la commission permet à la commune de mettre fin à la convention de délégation avant son terme dans le but de la renégocier, d’assurer une restitution effective des compétences aux communes ou de modifier le périmètre des syndicats délégataires.

En troisième lieu, la commission a choisi de créer un mécanisme dérogatoire de délégation de compétence plus souple que le droit commun. En effet, les délégataires pourront être des communes ou des syndicats infracommunautaires existants ou créés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, ce qui est actuellement impossible.

Pour conclure, je tiens à souligner que j’ai œuvré en parfaite coopération avec notre collègue Jean-Yves Roux ainsi qu’avec Mathieu Darnaud, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet et auditionné de nombreux élus locaux, avec Françoise Gatel, à l’échelon national. J’ai également échangé avec tous les collègues issus des territoires ruraux qui m’ont fait part de leur préoccupation commune : faire en sorte qu’en 2026 il n’y ait pas de transfert obligatoire de la compétence aux intercommunalités. Le maintien de cette possibilité est très cher au Sénat, mais aussi à nos communes et à de nombreux présidents de communautés de communes.

Je tiens à remercier tous les collègues qui ont participé à cette démarche pour la qualité de nos discussions et de notre collaboration en vue de formuler des pistes de solution équilibrées et consensuelles, dans l’intérêt de nos communes. ((Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – M. Sebastien Pla applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, mesdames, messieurs les sénateurs, votre Haute Assemblée débat aujourd’hui de la question de l’exercice des compétences eau et assainissement au sein du bloc communal.

Ce sujet fait l’objet d’un fort intérêt de la part de nos collègues élus locaux. Il est aussi passionnant que passionné et, pour m’être moi-même penchée sur cette question, je sais combien il est sensible dans nos territoires. Et c’est parce qu’il est sensible que le Gouvernement est aussi attaché, depuis dix ans, à ce qu’il soit traité à la hauteur des enjeux qu’il représente.

La position du Gouvernement ne sera pas nécessairement partagée sur vos travées, mais je me permets de dire que j’exprimerai également ma position personnelle : celle d’une élue locale, d’une maire, dont l’intime conviction est que la mutualisation de cette compétence relève d’une ardente nécessité. Je vais bien entendu, dans le fil de mon propos, justifier cette position.

Regardons les choses froidement : quelle est la situation après dix ans d’efforts collectifs tendus vers une meilleure gestion quantitative et qualitative de l’eau ? Aujourd’hui, 14 % des communes appartenant à une communauté de communes exercent encore la compétence eau sans aucune forme de mutualisation. Elles se sont saisies de la possibilité que leur offre la loi de reporter le transfert de cette compétence à 2026. C’est sur ces 14 % de communes que se portent aujourd’hui toutes nos attentions, soit que celles-ci soient plus durement frappées par les conséquences des épisodes de sécheresse, soit qu’elles estiment ne pas devoir transférer cette compétence à leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Le Sénat s’est déjà saisi de cette question à de nombreuses reprises. Avec le soutien du Gouvernement, il a pu, dans le cadre des lois Engagement et proximité et 3DS, apporter les assouplissements nécessaires pour permettre aux collectivités d’adapter et de différencier les modalités de la gestion de l’eau en fonction des enjeux et des contraintes spécifiques de chaque territoire.

Vous estimez que ces assouplissements ne sont pas suffisants et qu’il convient de revenir davantage sur les règles que la loi a fixées voilà plus de dix ans.

Si je ne peux que partager, de manière générale et plus encore en l’espèce, votre souhait d’apporter une réponse plus différenciée aux contraintes de chaque territoire, je ne peux non plus passer sous silence ce que la mutualisation nous apporte de façon évidente. Cela tient en quatre points : protection de la ressource, sobriété dans son utilisation, qualité de l’eau et meilleure allocation de nos ressources dans la gestion de nos infrastructures.

Il nous faut en effet nous battre pour protéger les ressources en eau. La période que nous traversons nous fait davantage réaliser chaque été à quel point elles sont mises sous tension, voire menacées. L’équilibre entre nos prélèvements – 5,5 milliards de mètres cubes par an tous usages confondus – et ce que les cycles de l’eau, petits et grands, restituent aux milieux naturels se dégrade continuellement.

Nul besoin de rappeler ici ces faits préoccupants : les épisodes de restriction au niveau de crise sont de plus en plus fréquents : 2 000 collectivités se sont trouvées en tension ou en rupture d’alimentation en eau potable lors de l’été 2022 et 110 bassins versants, sur le millier que compte la France métropolitaine, sont déjà en déséquilibre quantitatif structurel au mois de février, entraînant des restrictions de consommation dans les territoires concernés.

Bref, nous manquons et nous allons manquer d’eau dans les années qui viennent et vous, élus des territoires, êtes sans aucun doute les mieux placés pour savoir ce qu’en seront les conséquences :…

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … c’est le champ que l’on n’irrigue plus, c’est le puits qui manque d’eau, c’est la citerne que l’on doit monter au village.

M. Mathieu Darnaud. C’est le plan d’eau à sec !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je sais que vous partagez le constat et l’objectif de protection de la ressource, mais il ne me paraissait pas inutile de commencer par là : s’il y a moins d’eau, il faudra la gérer mieux, et il faudra le faire ensemble et partout.