Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de six années pendant lesquelles les gouvernements successifs ont minimisé le rôle central de l’énergie dans la transformation profonde de notre pays, nous voilà, à travers ce projet de loi portant relance du nucléaire, en situation de poser un second acte, après le premier relatif aux énergies renouvelables (EnR).

À l’encontre de la logique la plus élémentaire, qui aurait nécessité que nous actualisions d’abord la stratégie nationale bas-carbone, que nous discutions ensuite la loi de programmation sur l’énergie et le climat et qu’enfin en soit déduite la PPE, la commission mixte paritaire propose d’actualiser la PPE en vigueur pour le nucléaire, alors qu’une telle actualisation était apparue inutile ou sans portée à la suite du texte relatif à l’accélération du déploiement des EnR. Comprenne qui pourra !

Le projet de fusion entre l’ASN et l’IRSN, présenté au détour d’un amendement introduit après la discussion du texte au Sénat, nous a confirmé l’intention de passage en force du Gouvernement et, accessoirement, le peu de considération qu’il a pour la Haute Assemblée.

Le groupe socialiste a pris le temps d’écouter les personnels de l’IRSN, dont je tiens à saluer le sens des responsabilités et du devoir.

Potentiellement, toute évolution de la doctrine et de l’organisation française en matière de sûreté nucléaire doit être documentée et discutée avec la représentation nationale et les acteurs de la société civile.

C’est pour aller dans ce sens que notre groupe a proposé à la commission mixte paritaire un amendement visant à confier à l’Opecst une étude relative à l’organisation des missions de l’ASN et de l’IRSN. La présidente de la commission des affaires économiques du Sénat a donné suite à cet amendement sous la forme d’une saisine officielle de l’organisme par le Sénat. C’est une bonne chose, et nous nous en réjouissons !

Cependant, nous n’avons pas voté l’amendement relatif au recrutement par l’ASN de contrats privés.

Je rappelle que la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes permet déjà à l’ASN de recruter des contractuels. Cette disposition introduite en commission mixte paritaire amorce donc, à bas bruit, une fusion.

La prise en compte de l’artificialisation des sols engendrée par les nouvelles installations nucléaires dans le ZAN des territoires concernés a, bien entendu, retenu notre attention. La solution consistant à renvoyer le traitement de cette question à une loi spécifique qui serait adoptée au plus tard le 1er janvier 2024 nous paraît relever d’un pis-aller. Un « compté à part » seul ne résoudra rien.

L’équité doit prévaloir et l’impact des projets nationaux doit être pris en compte sur l’ensemble du territoire. La solution technique est simple, encore faut-il un peu de courage politique pour la mettre en œuvre. Nous en reparlerons.

En définitive, ce texte permettra de gagner une année, ou un peu plus, après que nous en avons perdu cinq, et ce pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de soixante ans ou plus.

Cela relativise la portée des mesures proposées. Nous sommes néanmoins globalement favorables à ces dispositions de simplification, qui faciliteront le travail des opérateurs – EDF production, RTE et les filières industrielles concernées –, tout en respectant les territoires et les collectivités locales directement touchés.

De nombreux autres points touchant au nucléaire restent cependant en suspens ; ils conditionneront la réussite finale du plan engagé. Nous pouvons ainsi citer, du côté de l’appareil industriel : la maîtrise technologique des EPR 2, le coût de financement des programmes, les compétences techniques nécessaires, l’attractivité des métiers – sujet qui renvoie aux statuts et cadres d’emplois – ou encore l’organisation du groupe EDF. Nous pouvons citer également, du côté des consommateurs : la suppression de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et la réforme structurelle des tarifs permettant la vente au plus près du coût moyen pondéré du mix électrique national, ainsi que l’élargissement des tarifs réglementés visant à protéger les artisans, les très petites entreprises (TPE), les petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME-PMI) et les collectivités locales, dispositions que vient de voter l’Assemblée nationale et dont j’espère que nous débattrons prochainement.

Tous ces sujets se trouvent dans le champ de responsabilité du Gouvernement et de votre ministère. Nous en attendons beaucoup, dans l’intérêt du pays.

En conclusion, ce texte sera utile, malgré sa portée relative, et notre groupe votera donc favorablement les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. Michel Dagbert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe est favorable à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, parallèlement au développement des énergies renouvelables, pour acquérir une indépendance énergétique, qu’il ne faut pas confondre avec une souveraineté énergétique.

Si notre groupe y est favorable, c’est parce que la crise climatique nous impose de combiner les énergies et de continuer à décarboner à un coût maîtrisé, pour rendre les prix supportables pour tous les usagers : les résidentiels, mais aussi les collectivités et les entreprises. Or comme il n’y a pas d’énergie propre, car toute activité humaine a un impact sur la nature, c’est bien la combinaison des différents moyens de production d’énergie qui rendra possible une indépendance, sachant que, pour atteindre la souveraineté dans ce domaine, il nous faudrait extraire de l’uranium et arrêter les livraisons venues du Kazakhstan et du Niger, ce qui est impossible.

Avant d’en venir au fond, je voudrais vous faire part de mon agacement, madame la ministre. Au lendemain du vote en première lecture de ce projet de loi au Sénat, vous avez annoncé que le projet de fusion entre l’IRSN et l’ASN serait introduit dans la navette parlementaire.

Au-delà des questions de fond, et de l’importance d’une séparation entre l’expertise scientifique et les activités de contrôle se pose une question de forme. Pensez-vous respecter le Sénat en agissant de la sorte, sans parler des salariés et de leurs syndicats, qui ont découvert ce projet dans la presse ?

Heureusement, l’affaire a été enterrée à l’Assemblée nationale et, pour cette fois, votre coup de force ne passera pas. Mais nous resterons attentifs.

J’en viens au texte tel que nous l’examinons aujourd’hui. Le problème est le même qu’en première lecture. Vous segmentez le sujet, sans donner de cadre général, sans évoquer ni le financement, ni EDF, ni l’Arenh, ni encore la régulation. Pour vous, les seuls problèmes existants, ce sont les délais administratifs.

C’est comme si un constructeur automobile commençait par construire les enjoliveurs sans évoquer le moteur et l’habitacle. C’est joli, l’enjoliveur, mais cela ne fait pas rouler une voiture ! De même, les délais administratifs ne construiront pas de centrale nucléaire.

Tout d’abord, le moteur du nucléaire, c’est son entreprise historique, EDF, amputée de 60 milliards d’euros de dette dont 8 milliards d’euros sont issus de l’Arenh +, qui avait été décidé seul par le Gouvernement, avant même que le Parlement ne donne son accord en août. Comment le groupe, que vous réétatisez, pourra-t-il investir plusieurs dizaines de milliards d’euros dans huit nouveaux EPR avec un tel endettement ?

Vous allez devoir céder des actifs comme Dalkia, et une partie d’Enedis. Mais où allez-vous chercher le reste ? Allez-vous le chercher dans le privé ? En ce cas, à qui vous adresserez-vous ? La compagnie TotalEnergies ne se dit pas intéressée. Vous adresserez-vous à des investisseurs privés étrangers ? Dans ce cas, madame la ministre, il serait bon que la représentation nationale soit impliquée dans cette démarche et puisse donner son avis.

La question du moteur ayant été posée, parlons maintenant de l’habitacle et du volant, à savoir de la régulation.

Vous voulez continuer l’Arenh, dont l’objectif escompté était de faire investir les alternatifs dans la production, au-delà de 2025. C’est raté. Aucun ne l’a fait, sauf TotalEnergies et Engie. Tous les autres profitent du système et revendent sur les marchés pour leurs propres bénéfices. Ma collègue Dominique Estrosi-Sassone et moi-même rendrons d’ailleurs prochainement un rapport d’information sur les abus qui ont eu lieu en 2022.

Sans vous en révéler les conclusions, je peux déjà vous dire ce qu’il y a dans la presse, à savoir que les abus sont nombreux et qu’ils pèsent sur le portefeuille d’EDF tout en rackettant celui des Français.

Venons-en maintenant au marché européen et au principe du coût marginal qui lie le prix du gaz à celui de l’électricité. Cette invention de Marcel Boiteux, qui s’entend sur un territoire national, est une aberration sur le marché européen.

La réformette que vous avez d’ailleurs adoptée, loin de s’en défaire, continuera de favoriser l’industrie allemande à notre détriment. Or comme la demande de gaz repartira à la hausse avec l’industrie chinoise cet été, au moment même où vous mettrez fin au bouclier tarifaire et aux tarifs réglementés du gaz, la facture sera lourde pour tous les usagers.

J’évoque enfin un dernier point, madame la ministre. Pour construire une belle voiture, comme pour construire de belles centrales nucléaires, il faut des salariés bien qualifiés, bien rémunérés et bien protégés.

Alors que votre gouvernement vient de casser le statut et les retraites des salariés des industries électriques et gazières (IEG), que nous tenions de Marcel Paul, sans un mot de votre part, comment comptez-vous redonner de l’attractivité à une filière qui souffre depuis quinze ans, en partie du fait de l’inaction des pouvoirs politiques ? Vous mentionnez 100 000 nouvelles recrues nécessaires, du chaudronnier à l’ingénieur : comment redonnerez-vous envie à toute une génération de se réinvestir dans le nucléaire ? Là encore, nous n’obtenons pas de réponse.

Votre texte n’aborde aucune de ces questions structurelles, qui sont pourtant indispensables aux objectifs que vous lui avez assignés. Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 6 mars 1974, avec l’annonce du plan Messmer, la France de l’énergie entrait dans une nouvelle ère : une ère où souveraineté et indépendance énergétiques rimaient avec nucléaire et ambition, une ère où les sphères scientifique, industrielle et politique ne faisaient qu’un au service de l’intérêt national.

Devenu le grenier à électrons d’origine nucléaire de l’Europe, notre pays s’est progressivement imposé durant la fin du XXe siècle comme un acteur de premier plan pour bâtir l’indépendance énergétique de la France et de l’Europe. Forts de nos certitudes, nous n’avons pas su profiter de cette dynamique et nous remettre en question.

Nous n’avons pas pris les décisions stratégiques qui s’imposaient pour continuer de développer notre capacité de production d’électricité nucléaire. Affaiblissement de la volonté politique sous les coups de boutoir de certains ayatollahs verts, absence de construction de nouveaux réacteurs, tarissement des filières de formation du secteur : la déliquescence de notre filière nucléaire était aussi manifeste que notre aveuglement et notre incapacité à nous en rendre compte.

Au travers de la fermeture de Fessenheim et de la crise énergétique, durant laquelle la France est devenue importatrice nette d’électricité en lieu et place de son rôle traditionnel d’exportateur, notre myopie a été révélée au grand jour.

À l’heure où nous avions plus que jamais besoin d’une politique nucléaire robuste et efficiente, l’attentisme et le court-termisme de nos dirigeants ont déstabilisé grandement l’ensemble du secteur et son acteur phare : EDF.

Nous devons tous, sur ces travées, saluer le sursaut que constitue le discours de Belfort et, plus encore, la décision prise par le Président de la République de construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Cette relance est décisive pour l’indépendance stratégique de notre pays et pour notre souveraineté énergétique.

Ce projet de loi est un premier pas à saluer pour rompre avec le déclin de la production d’électricité d’origine nucléaire. Avec le groupe Union Centriste, nous saluons les compromis qui ont été trouvés, afin de faire aboutir ce texte, vital pour traduire concrètement la relance de l’énergie nucléaire dans notre pays.

Nous devons faire plus, et agir plus efficacement, afin que les premières dalles des nouveaux réacteurs soient coulées le plus rapidement possible.

Le Sénat a, je crois, pris toute sa part dans la construction d’un texte intelligent en faisant fi de tout dogmatisme et de croyances dépourvues de fondements scientifiques.

L’abrogation des limites de production d’électricité d’origine nucléaire et du plafonnement de la part de celle-ci dans notre mix énergétique constitue à ce titre un signal fort adressé au secteur.

La non-comptabilisation des nouveaux réacteurs et des infrastructures afférentes dans le ZAN est également déterminante.

Enfin, le fléchage du bénéfice de la taxe d’aménagement perçue sur les réacteurs vers les collectivités sera clé. Elle facilitera l’acceptabilité locale des nouveaux réacteurs et permettra d’embarquer l’ensemble des acteurs dans cette relance du nucléaire.

Mes chers collègues, je crois que nous avons agi de manière responsable pour améliorer un texte technique qui nécessitait manifestement des ajustements. À ce titre, je tiens à saluer les efforts conjoints des rapporteurs des deux commissions, Daniel Gremillet et Pascal Martin, de la présidente Sophie Primas et du président Jean-François Longeot pour enrichir ce projet de loi.

Je crois qu’il nous faut désormais poursuivre cette dynamique, accélérer la formation des personnels et faire confiance aux acteurs scientifiques, industriels et administratifs mobilisés sur ce projet.

C’est tout ce que nous attendons de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie que nous examinerons à l’automne.

Plus qu’un nouveau plan Messmer, j’espère qu’avec ces deux textes, nous tirerons des enseignements de nos erreurs passées, afin de doter notre pays d’une véritable ambition nucléaire et d’une vision stratégique pour les années à venir, sans oublier la nécessité, soulignée précédemment par Fabien Gay, de continuer à travailler sur le mix énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 281 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l’adoption 315
Contre 13

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes
 

3

 
Dossier législatif : proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
Conclusions de la commission mixte paritaire

Amélioration de l’accès aux soins

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (texte de la commission n° 510, rapport n° 509).

La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
Article 1er

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) est parvenue le 6 avril dernier à un texte commun sur la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.

Cet aboutissement, en toute franchise, n’était pas gagné d’avance ; nos deux chambres divergeaient sur plusieurs points essentiels. Il faut se réjouir que l’approche équilibrée défendue par le Sénat sur ce texte ait finalement été retenue, rendant possible cet accord.

Permettez-moi d’exposer brièvement les nombreux articles sur lesquels, tout de même, les textes adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat se rejoignaient déjà largement et que l’accord de commission mixte paritaire avalise. Il s’agit pour l’essentiel de mesures d’ajustement permettant de faciliter le parcours du patient et de valoriser les compétences des professionnels de santé.

Les articles 4 et 4 bis prévoient ainsi de nouvelles compétences attribuées aux assistants dentaires de niveau 2 et un encadrement de leur nombre dans un même lieu d’exercice.

L’article 4 sexies réforme le diplôme de préparateur en pharmacie et reconnaît, sur l’initiative du Sénat, la compétence des préparateurs pour administrer des vaccins dont la liste sera fixée par arrêté.

L’article 4 septies A modifie les conditions de diplôme de la profession de diététicien, tandis que l’article 4 decies reconnaît les assistants de régulation médicale comme profession de santé, afin de renforcer l’attractivité de ce métier.

Enfin, le texte qui vous est présenté aujourd’hui retient également l’article 4 quaterdecies ajouté par le Sénat. Les dispositions issues de la commission mixte paritaire contraignent le pouvoir réglementaire à publier annuellement la liste des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) pouvant être utilisés par les professionnels de santé. Il s’agit d’éviter une inertie quant à l’autorisation des tests innovants.

Sur trois autres points, nos deux assemblées avaient adopté des rédactions plus éloignées. Toutefois, le texte issu de la commission mixte paritaire préserve largement les apports du Sénat.

En premier lieu, la commission mixte paritaire a validé la suppression des dispositions relatives à l’engagement territorial des médecins. Celles-ci avaient été écartées par la commission des affaires sociales du Sénat au motif qu’elles interféraient avec les négociations en cours de la nouvelle convention médicale et contribuaient inutilement à en dégrader le climat. Je veux remercier M. le ministre de son écoute.

À l’article 4 ter, la commission mixte paritaire a adopté les dispositions permettant aux sages-femmes et aux infirmiers de concourir à la permanence des soins ambulatoires, dispositions que nous avions soutenues.

Elle a également choisi de maintenir la notion de « responsabilité collective » des praticiens en la matière, qui avait été supprimée par le Sénat. Cette notion inquiète les professionnels de santé, alors que le Gouvernement peine toujours à décrire les conséquences qu’elle emporte. Je ne peux que l’inviter à clarifier rapidement les choses, en confirmant que cette disposition ne modifie pas l’économie générale de la permanence des soins.

Enfin, aux articles 1er et 2, la commission mixte paritaire a suivi la voie tracée par le Sénat, en réservant, en ville, l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée et aux masseurs-kinésithérapeutes exerçant au sein des structures d’exercice coordonné les plus intégrées : les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les centres de santé et les équipes de soins primaires ou spécialisés.

Le Sénat avait considéré qu’il n’était pas souhaitable, à ce stade, de faire de l’appartenance à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) une condition suffisante à l’accès direct : l’existence d’une telle communauté ne permet pas de faire la preuve d’une véritable coordination entre professionnels. Les récentes annonces du Gouvernement, qui visent à rendre obligatoire l’appartenance à une CPTS pour l’ensemble des professionnels conventionnés, tendent d’ailleurs à nous donner raison.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire prévoit l’expérimentation d’un accès direct en CPTS pour cinq ans dans six départements, dont deux d’outre-mer. Nous souhaitons que le Gouvernement prenne le temps d’en évaluer les effets ces prochaines années avant toute nouvelle évolution législative.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’un véritable travail d’échange. Nous nous réjouissons que le Sénat ait pu faire entendre sa voix sur des sujets importants qui ont, ces derniers mois, nourri des tensions entre professionnels de santé.

La commission mixte paritaire a largement retenu l’approche raisonnable que nous avions défendue. Un amendement du Gouvernement vous proposera de généraliser, à notre invitation, une nouvelle compétence des pharmaciens biologistes.

Je vous invite à adopter le texte qui vous est soumis, ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, au cœur de la proposition de loi, dont l’ultime étape de l’examen parlementaire nous réunit aujourd’hui, il y a une ambition : accélérer le décloisonnement de notre système de santé.

Ce texte comporte de nombreuses dispositions qui sont autant de briques importantes du chantier de la refondation de notre système de santé, dont les grandes lignes ont été fixées par le Président de la République et sur lequel je me suis engagé avec constance et détermination depuis mon arrivée au ministère de la santé.

Cette refondation est basée sur de grands principes directeurs, que j’ai rappelés devant les parties prenantes et les élus réunis lors d’une rencontre plénière du Conseil national de la refondation en santé la semaine dernière. Ils sont au nombre de quatre.

Une meilleure coordination de l’ensemble des acteurs du système de santé entre les différentes professions, en ville comme à l’hôpital. C’est le principe de l’équipe.

Une adaptation territoriale de notre politique de santé. Ce n’est pas à vous, sénateurs, que je vais apprendre que, s’il faut penser globalement, il faut agir localement.

Le principe du dialogue, qui est aussi bien la méthode qui nous a permis de faire aboutir ce texte que ce qui permettra à tous les acteurs de la santé de travailler ensemble au sein de collectifs professionnels renforcés.

Et finalement, l’éthique. L’éthique d’un système de santé qui évolue pour toujours mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et lutter contre les inégalités d’accès aux soins.

Je sais que ces convictions et ces valeurs sont largement partagées dans cet hémicycle ; nos débats en ont témoigné.

Le Sénat a pu pleinement faire entendre sa voix. Il y a eu des divergences, certes, mais tous, nous avons toujours eu collectivement à cœur d’avancer ensemble.

Nous sommes à présent arrivés au stade de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire. Je me réjouis que celle-ci ait été conclusive, et je tiens à remercier sa présidente, Catherine Deroche, sa rapporteure, Corinne Imbert, et l’ensemble de ses membres, qui ont travaillé dans un esprit constructif.

Ensemble, nous avançons sur le chemin d’un système de santé où chaque professionnel trouve sa place, où le cadre d’une collaboration rénovée et renforcée entre les métiers permet de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et aux tensions auxquelles fait face notre système de santé.

En effet, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, si notre système de santé est mis à rude épreuve ces dernières années, c’est en grande partie lié aux sujets de démographie, d’attractivité de ses professions, de perte de sens pour les professionnels, de fuite vers d’autres métiers et de crise des vocations.

C’est en particulier le cas chez nos jeunes soignants qui, s’ils portent l’avenir du système de santé sur leurs épaules, n’entendent plus exercer comme autrefois. Et c’est tout à fait légitime. Nous devons comprendre et surtout répondre à ces nouvelles aspirations relatives à la qualité de vie, aux perspectives d’évolutions ou à la recherche d’opportunités pour s’inscrire dans des projets professionnels collectifs.

Il faut investir durablement et avec méthode dans les métiers de la santé pour maintenir nos forces vives, assurer leur équilibre professionnel et inciter les plus jeunes à les rejoindre, sans jamais perdre de vue l’impératif de sécurité et de qualité des soins.

Pour renforcer et sécuriser à long terme nos effectifs, nous avons supprimé le numerus clausus pour les études de médecine et ainsi corrigé une erreur issue de choix politiques d’un autre temps.

Autour d’un grand pacte avec les régions, que nous allons poursuivre et renforcer, nous avons déjà permis de créer 5 000 nouvelles places en formation d’infirmière et 4 000 en formation d’aide-soignant.

Si ces nouvelles places sont pourvues, il faut nous en réjouir. La formation en soins infirmiers fait partie des formations les plus recherchées sur Parcoursup, plus de 100 000 lycéens la choisissent parmi leurs trois premiers vœux.

Nous avons par ailleurs diversifié et enrichi les voies d’entrée en formation paramédicale, notamment par l’apprentissage, les parcours de réussite ou la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Ces nouvelles places, ce sont autant d’étudiants que nous accompagnerons pour qu’ils arrivent au bout de leur cursus et décrochent leur diplôme.

Préparer l’avenir ne dispense toutefois pas d’agir face à l’urgence, bien au contraire ! C’est une action globale qu’il nous faut mener. L’urgence, c’est d’arriver à mettre en adéquation, aujourd’hui, l’augmentation des besoins de santé des Français avec une offre de soins qui se raréfie.

L’urgence de l’accès aux soins a notamment le visage des quelque 700 000 de nos concitoyens en affection de longue durée (ALD) qui n’ont pas accès à un médecin traitant ou à une équipe traitante. Nous avons pris l’engagement que chacun d’entre eux sera suivi par un praticien ou une équipe traitante d’ici à la fin de l’année.

Cette proposition de loi, dont Stéphanie Rist est à l’origine, met en place des outils indispensables pour poursuivre sur ce chemin.

Au-delà de sécuriser le renforcement de nos effectifs dans le temps long, nous devons mobiliser tous les leviers nous permettant de gagner immédiatement de l’efficacité et du temps médical pour nos soignants, au service des patients.

Ainsi, pour nos soignants et ceux que nous formons, cette proposition de loi permet de rénover leur cadre d’exercice, d’aller vers un nécessaire repositionnement des professionnels dans le système, d’avancer sur la voie du renouvellement et de la diversité des pratiques, de donner de nouvelles responsabilités et des perspectives de carrière à celles et ceux qui ont choisi de consacrer leur vie aux autres.

C’est un enjeu majeur d’attractivité et de fidélisation. C’est ce à quoi nous nous sommes attelés via les leviers que constituent la pratique avancée, les partages de compétences et les délégations d’actes, qui doivent se déployer dans des organisations territoriales collectives et coordonnées autour du médecin. Je sais combien vous, sénateurs, avez été attentifs à ce point.

Dans tous les cas d’accès direct à un masseur-kinésithérapeute, à un orthophoniste ou à un infirmier en pratique avancée (IPA), un compte rendu des soins réalisés devra être systématiquement adressé au médecin traitant du patient et reporté dans son dossier médical partagé.

Je veux ainsi rassurer toutes celles et tous ceux qui ont fait part de leurs légitimes inquiétudes et faire taire certaines allégations de mauvaise foi : il n’y a jamais eu, d’aucune manière, de volonté de mettre de côté le médecin généraliste.