compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à trois policiers et une infirmière

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat a rendu hier hommage à nos policiers tués dans un terrible accident dimanche matin à Roubaix. Je veux manifester, au nom de l’ensemble de la Haute Assemblée, notre solidarité à leurs proches et à leurs collègues.

Nous exprimons également nos pensées pour les proches et pour les collègues de l’infirmière du CHU de Reims assassinée lundi.

Ces drames doivent être l’occasion pour nous de nous rassembler autour de valeurs communes.

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun de vous à rester attentif, au cours de nos échanges, au respect des valeurs essentielles de notre assemblée, à commencer par celui des uns et des autres et par celui du temps de parole.

plan climat

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Jean-Claude Requier. Madame la Première ministre, je souhaite vous interroger sur votre responsabilité en matière de planification écologique et énergétique.

L’urgence climatique n’est plus à démontrer. Nous en déplorons les conséquences sur nos territoires, en particulier en Occitanie, où la sécheresse s’installe désormais sans répit. Nos engagements européens nous imposent d’accélérer la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ; en France, celles-ci ont baissé de seulement 25 % depuis 1990, loin des 55 % attendus.

Vous avez annoncé lundi dernier un plan d’action avec des objectifs chiffrés, auxquels mon groupe est très attentif. Nous souhaitons avant tout que l’effort soit équitable et juste – vous l’avez d’ailleurs vous-même appelé de vos vœux. En effet, entreprises, ménages et pouvoirs publics doivent participer au défi de l’adaptation climatique, mais chacun selon ses moyens !

Il nous faudra être extrêmement ambitieux sur tous les fronts, notamment celui de la conversion des outils de production agricole et industrielle et celui de la lutte contre le gaspillage de l’eau, y compris pour les eaux grises et usées, dont les normes d’usage devront être rapidement révisées pour compenser le déficit croissant en eau claire.

Tout cela va nécessiter un accompagnement important, en particulier pour les collectivités locales, afin qu’elles soient en mesure de subvenir à leurs nombreux besoins en matière de rénovation énergétique, d’éclairage public, de gestion des déchets ou de mobilité.

Puisqu’il est question de planifier l’écologie, le fonds vert, dont les collectivités bénéficient déjà, sera-t-il pérennisé ? De quel montant sera-t-il doté, au-delà des deux milliards d’euros déjà prévus ? Quel bilan d’étape pouvez-vous en faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’exprime à mon tour ma solidarité aux collègues et aux proches des agents publics tragiquement décédés ces derniers jours, ainsi que tout le soutien de mon gouvernement aux agents qui s’engagent chaque jour pour nous protéger, nous soigner, assurer l’éducation de nos enfants parfois, malheureusement, au péril de leur vie.

Monsieur le président Requier, chaque jour, les conséquences du dérèglement climatique deviennent en effet plus visibles et préoccupantes. Je pense notamment aux sécheresses et aux feux de forêt de ces derniers mois.

Notre action doit être forte pour limiter le dérèglement climatique, pour nous adapter à ses conséquences inéluctables et pour restaurer notre biodiversité. Nous prenons des mesures sans attendre : c’est le sens du plan Eau, qui a été présenté par le Président de la République ou encore du renforcement des moyens pour la sécurité civile.

Le Sénat y contribue pleinement, notamment au travers de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, sur laquelle une commission mixte paritaire se réunira prochainement.

Pour réussir la transition écologique, nous devons planifier des actions de long terme pour notre biodiversité, pour la gestion de nos ressources naturelles et pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre.

Comme vous le savez, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux à l’échelle européenne. Nous sommes en avance sur nos objectifs 2019-2023 et nous avons quasiment rattrapé le retard accumulé sur la période 2015-2018. Toutefois, il nous faut encore accélérer pour doubler le rythme de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

Depuis le mois de septembre, avec les ministres et l’ensemble des acteurs concernés, nous avons identifié, secteur par secteur, les leviers à actionner pour baisser nos émissions. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président Requier, pour être acceptable, l’effort doit être juste et équitablement réparti : il reviendra pour moitié aux entreprises, notamment les plus grandes, pour un quart à l’État et aux collectivités et pour un quart aux ménages.

Pour être réussie, la transition écologique doit également se faire avec nos concitoyens. Nous devons les accompagner dans les changements à venir et former aux métiers de la transition écologique. J’ai réuni lundi un Conseil national de la transition écologique pour partager nos objectifs, secteur par secteur. Dans le courant du mois de juin, nous serons en mesure de présenter une planification écologique complète.

Mesdames, messieurs les sénateurs, réussir la transition écologique, c’est aussi nous adapter et anticiper tous les cas de figure. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a annoncé le week-end dernier le lancement de travaux pour préparer la France en cas de hausse des températures de 4 degrés.

Que ce soit pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, pour nous adapter aux effets inéluctables du dérèglement climatique ou pour restaurer la biodiversité, nous avons besoin des collectivités. De nombreux projets concrets se mettent en place, notamment grâce au soutien du fonds vert. Ce dernier représente deux milliards d’euros dès cette année et je vous confirme, comme je l’avais annoncé, qu’il sera pérennisé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Le combat pour le climat sera long et difficile et, comme pour une équipe de rugby, nous le gagnerons ou le perdrons tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

démantèlement de fret sncf

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre des transports, si nous voulons gagner tous ensemble, est-ce vraiment le moment de saper le fret ferroviaire public ? Comment peut-on, d’un côté, fixer les trajectoires du plan Climat et viser un objectif de report de la route vers le rail, de l’autre, accepter que Fret SNCF, l’acteur public majeur de cette transition indispensable, soit dépecé, qu’il soit démantelé ?

La Commission européenne, par sa procédure contre la France pour des aides d’État prétendument illégales à Fret SNCF, met en péril la survie même de cet acteur essentiel à la mutation des transports.

Monsieur le ministre, l’Europe réussira non pas par des procédures technocratiques ou par l’application aveugle d’une doxa libérale, mais par sa capacité à concrétiser son Green Deal et à atteindre l’objectif européen de 30 % de part modale du fret ferroviaire en 2030. La France en est encore loin, mais les choses commencent à bouger. Ne laissons pas cet élan se briser !

Entre la cause du climat et celle de la concurrence, le choix est évident ! Mais plutôt que de tenir cette ligne résolue, vous préférez, monsieur le ministre, en prendre votre parti et consentir à en finir avec Fret SNCF tel qu’il existe à l’heure actuelle, à le liquider pour lui substituer deux entités afin d’en rendre la structure assez différente pour que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne admette une forme de « discontinuité économique », comme ils disent, et renonce ainsi à exiger le remboursement des aides.

Abandon des trains complets et de cinq cents emplois, garanties sociales et salariales en sérieux danger, ouverture du capital, cession d’une part des locomotives aux concurrents, renoncement aux appels d’offres pendant des années pour le trafic dédié…

Monsieur le ministre, comment ce scénario de découpe pourrait-il ne pas briser le rebond ferroviaire nécessaire ? Serez-vous le ministre des transports qui aura liquidé Fret SNCF ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Fernique, comme vous, je crois fermement en l’avenir du fret ferroviaire, qui représente une part essentielle de notre stratégie de planification écologique.

D’ailleurs, en déployant le plan Fret, il y a deux ans, nous avons inversé une tendance historique, celle du recul de la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en France. Pour la première fois depuis 2015, cette part augmente de nouveau. Nous ne lâcherons pas cette ambition que nous partageons tous, me semble-t-il, dans cet hémicycle.

Pour cela, il nous faut un opérateur public de référence du fret ferroviaire et je suis déterminé à le maintenir.

Quelle est la situation, monsieur le sénateur ? Si nous voulons préparer l’avenir, il faut dire la vérité, sans facilité ni démagogie. Une procédure a été ouverte publiquement le 18 janvier dernier par la Commission européenne, après plusieurs échanges avec la France.

Je me suis occupé de ce dossier dès mon arrivée au ministère des transports il y a un peu moins d’un an. Les autorités françaises ont tout fait pour empêcher l’ouverture de cette procédure et pour contester, comme vous venez de le faire, la qualification par la Commission européenne de ces aides versées pendant quinze ans par les gouvernements successifs à Fret SNCF comme illégales.

La procédure ayant été engagée, notre choix est simple et nous devons le partager. Nous pouvons décider d’aller au bout de cette procédure – c’est une possibilité. Mais disons-le très franchement, cela impliquerait, de manière quasi certaine, la liquidation – la mort totale – de Fret SNCF, qui compte 4 800 salariés et des milliers de kilomètres de rails. Je ne veux pas de cette solution.

Aussi, en responsabilité, pour ne pas mettre en danger les femmes et les hommes du fret ferroviaire, pour conserver un groupe public du fret ferroviaire dont nous croyons qu’il a un avenir et que nous soutiendrons, nous devons trouver le plus rapidement possible un accord. Je l’assume : nous devons mettre fin à l’incertitude et éviter la mort de cet opérateur. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Comme je m’y suis engagé, nous continuerons de disposer d’un opérateur public, nous ne le privatiserons pas, il gardera l’immense majorité de ses activités et il n’y aura aucun licenciement…

M. Fabien Gay. On en reparlera !

M. Clément Beaune, ministre délégué. … ni report modal. Nous réinvestissons dans le fret ferroviaire de manière inédite et amplifions encore le plan déployé depuis 2021 pour renforcer cette ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne fallait pas démanteler la SNCF !

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, vous dites ne pas vouloir mettre en danger l’avenir du fret ferroviaire – vous avez parlé dans la presse de jouer à la roulette russe –, mais vous l’engagez dans un jeu risqué. Comment pouvez-vous croire qu’une telle désorganisation ne conduira pas les chargeurs et les acteurs économiques à privilégier la route et les camions ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

protection des policiers

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Dany Wattebled. Notre pays traverse une semaine noire. Hier matin, nous apprenions le décès d’une infirmière, qui a été sauvagement agressée. Dimanche matin, Paul, Manon et Steven ont succombé à un accident d’une violence inouïe dans l’exercice de leurs fonctions dans le Nord.

Ces trois policiers de moins de 25 ans étaient au début de leur carrière et avaient toute la vie devant eux. L’un d’entre eux était père de famille – il avait un enfant de onze mois – ; un autre allait le devenir.

Le ministre de l’intérieur est venu rencontrer leurs collègues lundi et les Nordistes l’en remercient. Le groupe Les Indépendants tient à rendre un vif hommage à ces trois policiers. Mes premières pensées vont à l’ensemble de ces familles meurtries et à l’adolescente qu’ils venaient de secourir.

Après la douleur et la colère viendra le temps des questions. Nous savons désormais que les deux occupants du véhicule qui a percuté celui des fonctionnaires sont connus pour usage de stupéfiants et d’alcool. Nous avons également appris que le chauffard conduisait sous l’emprise de ces substances.

Les policiers, gendarmes et pompiers – ces héros du quotidien – sont de plus en plus confrontés à des violences insupportables et intolérables lors de leurs interventions, comme de nombreux événements récents nous l’ont rappelé. À chaque drame, l’émotion est plus forte.

Ce climat d’hostilité est nourri par le silence assourdissant de certains, qui sont soucieux d’entretenir une atmosphère de défiance envers les forces de l’ordre. Pourtant, ces femmes et ces hommes sont les garants de l’ordre républicain. Ils méritent une protection et un soutien encore plus forts et, surtout, intangibles. Pour cela, il faut que la justice suive.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour épauler et accompagner les familles des victimes dans cette période ? Comment compte-t-il poursuivre son action pour soutenir nos forces de sécurité intérieure contre les multiples menaces auxquelles elles sont confrontées ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Wattebled, comme vous l’avez dit, le métier qu’exercent les policiers et les gendarmes est de plus en plus difficile eu égard aux exigences légitimes de nos concitoyens et aux risques et menaces qui pèsent sur eux. Ils ont besoin de tout notre soutien et, comme Mme la Première ministre, je me joins aux hommages qui ont été rendus à l’Assemblée nationale et au Sénat aux trois policiers qui sont décédés dimanche dans l’exercice de leurs fonctions.

Depuis le 1er janvier dernier, quelque 2 380 gendarmes et policiers ont été blessés dans l’exercice de leurs fonctions. Je pense notamment à ce policier blessé par un cocktail Molotov, lors de la manifestation du 1er mai, ainsi qu’à tous ses collègues qui ont été blessés durant les manifestations qui se sont déroulées ces dernières semaines.

Le Parlement a voté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – je l’en remercie –, qui a doté la police et la gendarmerie de moyens exceptionnels, non seulement humains et budgétaires, avec 15 milliards d’euros supplémentaires, mais aussi statutaires, qui permettent de valoriser les carrières.

Pour répondre à votre question, nous entendons bien évidemment poursuivre nos efforts pour mieux protéger les policiers et les gendarmes.

Nous déployons d’ores et déjà des caméras-piétons dans tous les commissariats. De même, nous avons facilité la protection fonctionnelle et créé en 2020 une cellule d’assistance aux policiers victimes de menaces ou d’agressions. Nous avons également investi dans de nouveaux équipements, notamment des casques et des gilets lourds.

De plus, nous avons créé, grâce au soutien du Parlement, le délit spécifique de violence volontaire sur agent chargé de la sécurité intérieure et renforcé les peines pour protéger les agents en bord de route. La Lopmi a également permis de créer vingt postes de psychologues pour accompagner au mieux les policiers et les gendarmes.

Le ministre de l’intérieur est très attentif à la protection des forces de sécurité intérieure et sait compter pour cela sur l’aide du Parlement. (MM. Thani Mohamed Soilihi et François Patriat applaudissent.)

certification des comptes de la sécurité sociale

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Mars 2023 : la natalité a atteint son plus faible niveau mensuel depuis 1994. Année 2022 : la natalité a atteint son plus faible niveau annuel depuis 1946.

Pourquoi les Français ont-ils moins d’enfants ? Est-ce une question d’éco-anxiété ?

Plus probable : est-ce un problème de logement ? Alors que les élus locaux vous alertent sur la crise du logement depuis des mois, le Conseil national de la refondation (CNR) consacré à ce sujet, qui devait se tenir le 9 mai, a pourtant été reporté sine die.

Est-ce un manque de moyens financiers ? Sous François Hollande, le quotient familial et les allocations familiales ont diminué. Sous Emmanuel Macron, ces dernières n’ont été que faiblement revalorisées. De plus, le complément de libre choix du mode de garde (CMG) a diminué, alors que la branche famille de la sécurité sociale est excédentaire : 1,9 milliard d’euros en 2022, après 2,9 milliards en 2021.

De surcroît, des erreurs comptables à hauteur de 5,8 milliards d’euros ont été relevées. Le constat est sévère, la sentence sans appel : la Cour des comptes a refusé de valider les comptes de la branche famille pour 2022.

Est-ce lié aux difficultés à faire garder les enfants de moins de 3 ans ? Alors que les mille premiers jours avaient été érigés comme une priorité, aucune des préconisations du rapport Cyrulnik n’a trouvé une traduction législative ou réglementaire.

Un droit opposable à la garde a été annoncé pour 2027 lors de la Conférence des familles de 2022. Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) du 11 avril dernier dénonce la baisse de la qualité d’accueil. La restitution du CNR petite enfance, prévue au mois de mars, a elle aussi été reportée sine die. La future convention d’objectifs et de gestion (COG) est toujours en discussion et ne sera donc connue des acteurs qu’avec au moins trois mois de retard.

Le constat est sombre ! Alors, monsieur le ministre, qu’allez-vous proposer au Président de la République qui semble enfin s’inquiéter des chiffres alarmants de la natalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Loïc Hervé et Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Lavarde, vous avez abordé plusieurs sujets dans votre question.

Tout d’abord, en ce qui concerne la non-certification des comptes de 2022 de la branche famille de la sécurité sociale par la Cour des comptes, si elle doit nous amener à nous interroger sur les difficultés qui ont conduit à cette décision, elle ne remet pas en question la bonne tenue des comptes de la branche.

Mme Nathalie Goulet. On parle quand même de 5,8 milliards d’euros d’erreurs !

M. Jean-Christophe Combe, ministre. La Cour dénonce plusieurs problèmes en matière de contrôle interne de la branche et nous devrons veiller à y remédier. Pour ce faire, nous travaillerons sur la sécurisation du système, notamment au moyen du projet de solidarité à la source dont l’objet est d’améliorer et de simplifier le versement des prestations sociales et de lutter contre le non-recours, la fraude et les indus.

Ensuite, vous vous interrogez sur la natalité dans notre pays. Comme vous le savez, notre taux de natalité, actuellement proche de 1,8 enfant par femme, est en forte baisse et ne permet pas le renouvellement des générations. Cela doit tous nous inquiéter, car plusieurs problèmes se posent, à commencer par les tensions extrêmement fortes que cela fait peser sur notre système de protection sociale.

Mon rôle, en tant que ministre en charge des familles et de la petite enfance, est de répondre à l’envie des familles d’avoir des enfants – ce désir d’enfant est d’environ 2,4 enfants par femme.

M. Bruno Retailleau. Et que faites-vous ?

M. Jean-Christophe Combe, ministre. Pour notre part, nous pensons que, pour y répondre, nous devons, avant d’envisager d’augmenter les allocations familiales, améliorer les services aux familles.

Comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, l’une des premières préoccupations des familles est de savoir comment elles vont faire garder leur enfant. Il manquerait environ 200 000 places d’accueil du jeune enfant. Le Président de la République s’est engagé à mettre en place un service public de la petite enfance et la Première ministre fera des annonces dans les jours qui viennent (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains) à ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Vous n’avez absolument rien proposé !

En ce qui nous concerne, des idées, nous en avons : prendre en compte la taille des logements familiaux dans les critères de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU ; supprimer la modulation des allocations familiales ; supprimer la tarification horaire de la prestation de service unique (PSU), qui est complexe et engendre nombre de fraudes ; donner un véritable pouvoir de sanction aux services de protection maternelle et infantile (PMI) ; etc.

Monsieur le ministre, à chaque enfant qui naît, le monde recommence. Une politique familiale ambitieuse est la meilleure réforme des retraites. Vous disposez de 6 milliards d’euros pour financer cette politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

rave-party dans l’indre (i)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Je souhaite évoquer un grave sujet de fond, mais permettez-moi de le faire par le biais d’une rhétorique un peu inhabituelle : celle d’une charade, intitulée « Je fais ce que je veux, quand je veux, comme je veux et où je veux ! ».

Mon premier est une manifestation dite musicale, interdite par deux arrêtés préfectoraux.

Mon deuxième a réuni, malgré l’État de droit dans lequel nous vivons, plus de 30 000 personnes dans un petit village de l’Indre qui a subitement vu sa population multipliée par deux cent soixante-treize pour devenir, le temps d’un long week-end, la capitale de la rave-party.

Mon troisième, malgré la mobilisation de trois cent vingt gendarmes, s’est soldé par plus de cinq cents prises en charge par les services de secours, dont trente évacuations de personnes en urgence absolue.

Mon quatrième a produit quinze tonnes de déchets sur un terrain privé dont le propriétaire a vu converger en quelques heures, sans en être averti, une marée humaine de teufeurs.

Mon tout apporte de l’eau au moulin de ceux qui s’inquiètent du délitement de l’autorité de l’État.

Cet épisode du Teknival est loin d’être isolé. D’autres départements, y compris le mien, ont dû subir cette dictature de l’urgence et de la masse.

Si je sais bien, comme le rappelait Machiavel, que « le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal », j’ai toutefois deux questions à poser au Gouvernement au sujet de cet épisode affligeant.

La première est peut-être naïve, mais comment se fait-il que tout le monde ait été au courant de ce rassemblement, sauf ceux qui devaient l’être ?

La seconde est d’ordre pragmatique : pour dissuader ce genre d’événements illégaux et dangereux – sans parler de la consommation de drogue et d’alcool –, ne faut-il pas durcir les sanctions contre les organisateurs qui individuellement, à l’heure actuelle, ne risquent rien, si ce n’est 1 500 euros d’amende ?

Ces images de tant de désinvolture ont une résonance terrible dans l’opinion publique ! Au reste, je pense que le ministre de l’intérieur le sait fort bien. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.

Mme Sonia Backès, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Demilly, vous nous interrogez sur le rassemblement festif musical du 17 mai, baptisé Teknival Frenchtech 2023. Comme vous l’avez dit, il n’a pas été déclaré et aucune demande d’autorisation n’a été faite.

Pour répondre à votre première question, les renseignements territoriaux avaient bien identifié l’organisation en cours d’une manifestation de ce type dans le centre de la France. Mais, comme vous le savez, le lieu exact n’a été défini que quelques heures avant le rassemblement.

Ainsi, en quelques heures, près de vingt-cinq mille personnes se sont réunies sur le site. Cet événement a été organisé dans l’urgence, alors que les conditions ne s’y prêtaient absolument pas, ni d’un point de vue sanitaire ni d’un point de vue sécuritaire.

Je remercie les services de l’État, qui se sont rendus disponibles et ont été extrêmement efficaces pour accompagner cette manifestation. Sous l’autorité du préfet et en urgence, les moyens de l’État ont été mobilisés. Les services du conseil départemental, en particulier les sapeurs-pompiers, et les associations de sécurité civile l’ont été également.

Le préfet a coordonné, avec succès, un dispositif opérationnel pour garantir l’ordre public et éviter la circulation de festivaliers quittant le rassemblement sous l’emprise de l’alcool. Nous avons renforcé les moyens de manière significative : vous avez évoqué le chiffre de trois cent vingt gendarmes, monsieur le sénateur, mais ce sont en réalité quatre cent trente-quatre gendarmes qui ont été mobilisés sur l’opération pour empêcher tout trouble majeur à l’ordre public.

Nous pouvons tous ensemble saluer le bilan de l’opération : 30 200 personnes et 13 300 voitures ont été contrôlées ; cent cinquante-cinq personnes ont été verbalisées pour conduite en état d’ébriété et trente-deux pour usage de stupéfiants ; 300 grammes de résine de cannabis, 1 kilo d’herbe de cannabis et 40 grammes de cocaïne ont été saisis. Nous avons également saisi les groupes électrogènes.

La plupart des organisateurs ont été identifiés. Des procédures sont en cours et ils seront bien évidemment sanctionnés. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

grève des salariés de vertbaudet