PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022
Discussion générale (suite)

Approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022

Rejet définitif en procédure accélérée d’un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022
Question préalable (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, rejeté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 (projet n° 705, rapport n° 789, avis n° 788).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’image du flux sanguin dans le corps humain, les finances publiques sont une matière vivante, un fluide qui circule dans l’État et irrigue la société. Elles sont autant les moyens de l’action publique que le vecteur des engagements et priorités politiques que celle-ci porte.

C’est encore plus vrai quand on se penche sur les finances sociales ! Il faut en effet se rappeler que les dépenses et les recettes de la sécurité sociale brassent des masses financières supérieures à celles du budget de l’État.

Le budget de la sécurité sociale est ainsi un objet incarné et concret, qui est l’un des cœurs battants de notre démocratie, par l’importance de son volume financier comme par ce que ces flux d’agent public représentent : l’effort solidairement consenti par la Nation en faveur de la santé, des familles, de l’autonomie ou encore des retraites de nos concitoyens.

Aussi, depuis leur création, en 1996, les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) se sont imposées comme le principal outil de contrôle parlementaire et de pilotage des finances sociales.

Leur discussion est devenue un moment majeur de la vie démocratique, durant lequel les parlementaires approuvent les grandes orientations des politiques portées par l’ensemble des branches, ainsi que les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses, qui déterminent les conditions de leur équilibre financier.

La naissance des lois de financement de la sécurité sociale fut un virage important et, en quelque sorte, la première étape constitutive d’un plus vaste mouvement d’affirmation du rôle de contrôle du Parlement, qui s’est progressivement renforcé au cours des trois dernières décennies.

Le texte qui est soumis ce soir à votre examen en constitue la plus récente expression.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour reprendre les mots d’Alain Lambert, qui a été l’un des prédécesseurs de mon collègue Gabriel Attal au ministère du budget et qui a également longtemps siégé dans cet hémicycle, le contrôle parlementaire sur les finances publiques est une « ardente obligation sans laquelle les fonctions du Parlement ne sauraient être réellement exercées ».

Le terme « contrôle » recoupe, en réalité, deux fonctions distinctes et tout à fait complémentaires. D’une part, il renvoie à un exercice de suivi des crédits budgétaires, afin de contrôler la régularité et l’effectivité de la dépense publique. D’autre part, il a ouvert la voie à un exercice d’évaluation de l’usage et de l’effet de la dépense publique, afin de déterminer si celle-ci a atteint ses objectifs, en posant, le cas échéant, la question de son amélioration d’un exercice à l’autre.

Cette notion d’évaluation des politiques publiques est ainsi devenue indissociable de votre mission constitutionnelle de contrôle de l’action gouvernementale, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle est d’ailleurs gravée depuis 2008 dans la Loi fondamentale.

Dans la lignée de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, nous avons collectivement fondé l’espoir de faire émerger une culture véritable et partagée de l’évaluation dans notre pays.

Aujourd’hui, je me réjouis de voir que l’évaluation des politiques publiques suscite un intérêt toujours croissant et, surtout, qu’elle tient une place de plus en plus importante dans notre système institutionnel.

Le fait de « rendre des comptes » est également essentiel au regard de la transparence que nous devons à nos concitoyens.

Rappelons-le, chaque euro dépensé au titre de nos politiques sociales, c’est l’argent des Français !

Enfin, la modernisation de notre cadre général des finances publiques, notamment l’importance croissante de l’intégration européenne, particulièrement depuis la mise en place en 2011 du semestre européen, soutient aussi cette exigence de consolidation d’une vision financière prospective, analytique et articulée.

Dans ces domaines, 2023 est ainsi également une année à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de nos finances sociales.

Il est important pour moi d’être présent ce soir, aux côtés de Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics pour l’examen, dans cet hémicycle, du tout premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss), qui porte sur l’exécution du budget pour 2022.

Ce nouveau Placss est une véritable avancée, très concrète pour nos finances sociales, mais aussi – surtout peut-être – pour les représentants de la Nation que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je tiens à rappeler et à souligner que sa création procède d’une initiative parlementaire. Je voudrais ici avoir un mot pour saluer le travail mené durant la précédente législature par Thomas Mesnier, ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, et, plus largement, par l’ensemble des parlementaires qui se sont investis et qui continuent à s’investir sur ce sujet important.

Ce projet de loi a été créé par vous et pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

C’est pourquoi je regrette le symbole envoyé par son rejet à l’Assemblée nationale, même si les implications pratiques d’un tel vote sont, dans les faits, très limitées.

Désormais, comme pour le budget de l’État, l’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année écoulée fait l’objet d’un texte séparé, alors que ceux-ci étaient jusqu’à présent arrêtés au sein de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, parallèlement aux travaux du printemps de l’évaluation, ce projet de loi permet de renforcer l’information et la participation des représentants de la Nation aux travaux sur la situation des comptes sociaux et, surtout, d’en intégrer, en amont, les résultats aux débats, entourant les échéances budgétaires de l’automne, comme c’était déjà le cas pour les lois de finances avec la loi de règlement.

Ce nouveau schéma correspond bien mieux à la réalité et à la temporalité des finances sociales, avec les autres avancées permises par l’adoption de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, telles que l’intégration de la dette des hôpitaux et des établissements médico-sociaux au projet de loi de financement de la sécurité sociale ou encore l’enrichissement et la rationalisation de ses annexes.

J’en viens à la présentation de l’exécution des comptes sociaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de m’arrêter en particulier sur l’exécution de la branche maladie.

On peut dire que 2022 est, après l’explosion des dépenses en 2020 et 2021, en quelque sorte, le dernier véritable budget covid. En effet, si certains surcoûts exceptionnels liés à la pandémie ont encore perduré dans l’exercice 2023, c’est de façon résiduelle.

Il faut le rappeler : un budget ou un tableau de résultats est toujours indissociable de son contexte. Un chiffre, en soi, ne veut rien dire.

Aussi le solde négatif, à -21 milliards d’euros de la branche maladie, ne provient-il pas d’une mauvaise gestion. Il s’explique essentiellement par la prise en compte des effets de la crise sanitaire et de l’inflation, qui sont des chocs exogènes que nous avons dû absorber pour protéger notre système de santé.

Ces 21 milliards d’euros supportés par la branche maladie, en plus de ses recettes, sont là pour assurer la prise en charge des dépenses de santé et garantir l’accès aux soins de tous les assurés.

Il faut aussi lire ce chiffre dans un contexte temporel.

Après que la pandémie a fait plonger ce solde à -30,5 milliards d’euros en 2020, le résultat de la branche maladie de 2022 s’inscrit dans une trajectoire positive de retour progressif à la normale. Il succède à la première amélioration de 2021, où ce solde était remonté à -26,1 milliards d’euros, soit une résorption du solde négatif supérieure à 5 milliards d’euros en un an.

On voit bien, en regardant les comptes de 2022 dans leur ensemble et dans le temps, qu’ils répondent à l’impératif de rechercher constamment l’équilibre entre la maîtrise de l’évolution des dépenses et l’amélioration de l’état de santé de la population.

Par ailleurs, il faut noter que la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) voit son excédent s’améliorer, à 1,7 milliard d’euros.

Plus largement, au-delà des dépenses exceptionnelles de 2022, il faut souligner que la trajectoire de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2022 s’inscrit dans une hausse constante, depuis 2017, des moyens alloués à la santé, comme le reflet de l’ambition prioritaire que le Président de la République accorde à ce sujet.

Les fortes dépenses de ces dernières années ne relèvent pas que de la gestion de crise ! C’est aussi de l’investissement dans notre système de santé : de l’investissement dans les infrastructures en rénovant et reconstruisant nos établissements de santé, de l’investissement dans nos ressources humaines, par une hausse historique du point d’indice – la plus forte depuis trente-sept ans, qui a bien évidemment bénéficié à la fonction publique hospitalière (FPH) –, par les revalorisations du Ségur et de la mission flash sur les urgences et soins non programmés de l’été dernier.

Encore une fois, cela se fait dans une trajectoire positive, mais responsable, puisqu’en 2022, la situation financière des régimes de base de la sécurité sociale s’est améliorée, avec un déficit des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 19,6 milliards d’euros, soit une réduction de 4,6 milliards d’euros par rapport à 2021.

C’est, bien sûr, le fait du repli des dépenses liées à la crise sanitaire, mais aussi – il faut le souligner – du dynamisme des recettes liées au rebond de l’activité économique et de l’emploi.

Les recettes de ces régimes ont progressé de 5,4 % en 2022, alors que l’Insee enregistrait 337 000 créations nettes d’emplois en 2022 et près de 1,7 million de créations nettes d’emplois depuis 2017.

Pour les années à venir, le Gouvernement réaffirme sa détermination à réduire le déficit de la sécurité sociale et à garantir le financement de notre modèle de protection sociale, qui est la condition de sa pérennité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez envisager ce nouveau rendez-vous estival pour les deux chambres du Parlement comme un outil supplémentaire qui améliore l’information des représentants de la Nation sur nos finances sociales, renforce l’appropriation parlementaire des lois de financement de la sécurité sociale et rationalise les débats.

Que l’on partage ou non les choix politiques du Gouvernement, ce rendez-vous est toujours utile pour tirer les leçons de l’année écoulée et mieux préparer collectivement le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Sénat a largement voté, au mois de février 2022, le projet de loi organique instaurant cette nouvelle loi d’approbation des comptes sociaux.

C’est pourquoi, dans le cadre de la dynamique de renforcement de l’évaluation de nos équilibres financiers par le Parlement, je vous invite à voter ce texte, pour vous saisir pleinement de ce nouvel instrument, que vous avez souhaité et qui vous est offert.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, les déficits se résorbent, mais nous sommes encore loin de l’équilibre. Telle est l’image des finances de la sécurité sociale dont j’ai l’honneur de vous rendre compte, avec François Braun, à l’occasion du débat sur ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022.

Avant d’aborder mon propos, permettez-moi de dire la reconnaissance et la gratitude du Gouvernement et – je crois pouvoir le dire – de la Nation et de ses représentants envers les 120 000 agents des caisses de sécurité sociale, le plus de 1 million d’agents de la fonction publique hospitalière et les centaines de milliers des professionnels de santé, sociaux, médico-sociaux qui donnent au quotidien un sens aux mots « sécurité sociale ».

La sécurité sociale est l’une des grandes fiertés de notre pays. Elle donne corps à notre devise nationale : la liberté de pouvoir entreprendre sa vie en étant accompagné, notamment en matière de politique familiale ; l’égalité, notamment devant l’accès aux soins ; la fraternité, au travers des dispositifs de solidarité.

Je veux ici remercier celles et ceux qui dédient leur vie professionnelle à accompagner les Français aux moments les plus importants de leur vie personnelle ou familiale : la petite enfance, la parentalité, la maladie, la retraite ou la perte d’autonomie.

Nos débats, prévus par la loi organique du 14 mars 2022, permettent pour la première fois d’examiner dès le printemps les comptes de l’année passée, comme c’est le cas pour le budget de l’État.

Si je regarde le panorama des comptes de la sécurité sociale en 2022, trois branches sur cinq affichent un solde positif. En particulier, je suis fier que la branche autonomie, créée par la majorité présidentielle au travers des lois d’août 2020, affiche un excédent de 200 millions d’euros. Deux branches restent en déficit : la branche maladie et la branche retraite.

Par rapport à 2021, le solde de la sécurité sociale s’améliore de 4,6 milliards d’euros. C’est d’abord le fruit d’une politique économique qui fonctionne. En 2022, les recettes de la sécurité sociale ont progressé de près de 30 milliards d’euros. C’est la conséquence directe d’une masse salariale qui a augmenté de 8,9 % et des 337 000 créations nettes d’emplois l’an passé, d’après les derniers chiffres de l’Insee.

Si je regarde le bilan depuis 2017, avec 1,7 million d’emplois nets créés, ce sont au total plus de 25 milliards d’euros de cotisations en plus par an dans les caisses de la sécurité sociale. Plus d’emplois, moins de chômage, c’est plus d’argent pour nos hôpitaux, nos crèches, nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Pour le dire autrement, s’il n’y avait pas eu 1,7 million d’emplois créés depuis 2017, le déficit de la sécurité sociale serait plus lourd de 25 milliards d’euros. C’est à mon sens une réponse à ceux qui remettent en cause la politique économique menée par ce gouvernement. En faisant reculer le chômage et en améliorant l’emploi, la politique économique menée par ce gouvernement améliore aussi les caisses de la sécurité sociale.

Je le rappelle à cette tribune, comme je l’ai déjà fait lors de nos précédents débats : oui, pour nous, c’est le travail qui crée la richesse ! Dans toutes les circonscriptions de France où je me déplace, je ne croise pas un seul salarié ou un seul patron qui me demande d’augmenter les prélèvements qui pèsent sur le travail. Au contraire, je rencontre des travailleurs des classes moyennes qui nous demandent de baisser leurs impôts et de soutenir leur pouvoir d’achat. Je vois des petits patrons de TPE ou de PME qui cherchent à recruter, mais n’y parviennent pas toujours. Je rencontre des indépendants qui nous remercient d’avoir allégé leurs cotisations durant la crise, mais demandent moins de complexité et de bureaucratie dans le système social.

Les dépenses induites par la crise sanitaire se sont logiquement réduites, passant de 18,3 milliards d’euros en 2021 à 11,7 milliards d’euros en 2022. Elles ont notamment permis de financer la réalisation de 139 millions de tests de dépistage au cours de l’année passée. Nous avons continué, début 2022, à soutenir les entreprises fermées ou affectées par les restrictions sanitaires, avec près de 9 milliards d’euros d’exonérations et aides au paiement des cotisations sociales entre 2020 et 2022, évidemment compensés par le budget de l’État.

Le budget de l’État a continué à honorer ses dettes envers la sécurité sociale grâce aux remboursements intervenus fin 2022. Pour la troisième année consécutive, en 2022, l’État n’est plus débiteur, mais redevient créancier de la sécurité sociale, pour 100 millions d’euros, alors qu’il avait accumulé au cours de la décennie passée des dettes s’élevant parfois jusqu’au milliard d’euros. C’est aussi un progrès pour la transparence de nos comptes comme dans les relations financières entre l’État et la sécurité sociale.

En 2022, nous avons aussi mis en œuvre des mesures d’économies et de maîtrise pour dégager des marges de manœuvre sur le budget de l’assurance maladie. La poursuite de l’effort en faveur de la pertinence des soins a permis des gains de 200 millions d’euros. Les baisses de prix de médicaments dont le brevet est tombé dans le domaine public ont permis des gains de près de 1 milliard d’euros, réinvestis pour 410 millions d’euros, soit près de la moitié, dans le soutien à la production en France de médicaments plus innovants.

Parallèlement, nous avons poursuivi l’investissement indispensable dans notre système de santé, singulièrement pour notre hôpital public, engagé avec le Ségur. En 2022, le Ségur de la santé a représenté un effort budgétaire de 12,7 milliards d’euros pour les personnels des établissements sanitaires et médico-sociaux.

En un quinquennat, l’Ondam établissements de santé est passé de 79 milliards d’euros en 2017 à 98,4 milliards d’euros en 2022, soit une progression de près de 20 milliards d’euros. Plus 25 % en cinq ans : c’est historique !

Sur la branche famille, nous tirons toutes les conséquences du rapport de la Cour des comptes et de son refus d’en certifier les comptes. Je note que ce n’est pas l’équilibre de la branche famille qui est en cause, puisqu’elle reste excédentaire de 1,9 milliard d’euros. Quant aux erreurs de calcul des prestations versées par les caisses d’allocations familiales (CAF) que la Cour des comptes souligne à juste titre, nous avons d’ores et déjà annoncé des mesures majeures pour y remédier. La majorité de ces erreurs portent sur le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d’activité.

Pour fiabiliser leur calcul, la notion de « montant net social » apparaîtra dès ce mois de juillet sur les bulletins de paie. Il permettra aux Français de connaître avec précision les ressources à déclarer dans les formulaires de demandes d’allocations auprès des CAF. Cela réduira les erreurs de bonne foi et facilitera le travail de nos agents.

En parallèle, nous expérimentons dans plusieurs CAF le préremplissage des ressources sur les formulaires de demandes du RSA et de la prime d’activité. C’est la première étape du chantier de la « solidarité à la source » voulu par le Président de la République et soutenu, j’en suis sûr, par une large majorité de cet hémicycle. Concrètement, d’ici à 2025, chaque allocataire verra ses ressources préremplies dans les formulaires du RSA et de la prime d’activité. Cela réduira drastiquement les erreurs, mais aussi la fraude. Ce sera une petite révolution pour l’accès aux droits et la simplification administrative.

Nous investissons également dans la modernisation des systèmes d’information des caisses de sécurité sociale pour mettre en œuvre les recommandations de la Cour des comptes, avec un plan de 1 milliard d’euros sur le quinquennat, qui permettra par exemple aux CAF de récupérer des indus frauduleux sur une profondeur de cinq ans, contre seulement deux ans aujourd’hui.

Évaluer, simplifier, mais aussi, et bien sûr, réduire les déficits : pour le budget de la sécurité sociale comme pour l’État, résorber nos déficits et rembourser notre dette est une exigence de souveraineté pour notre génération et de justice pour les prochaines générations.

C’est l’horizon fixé par le Président de la République et la Première ministre, pour permettre à notre pays de réduire son déficit de 2 points de PIB d’ici à 2027 et d’accélérer notre désendettement. Je le dis très franchement : on ne peut pas défendre l’indépendance de la France tout en critiquant le principe de réduction des déficits. On ne peut pas davantage critiquer le poids des marchés financiers, mais rechercher leur financement à travers toujours plus de dette publique. Réduire ses dettes, c’est aussi se libérer des marchés financiers.

Payer ses dettes, c’est dire haut et fort que la France n’a qu’une parole, que, quand la France s’endette, elle rembourse. C’est dire que la France est une grande puissance économique et financière, en laquelle les investisseurs peuvent avoir confiance.

Pour la quatrième année consécutive, nous restons le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers. Les investissements annoncés lors du dernier sommet Choose France représenteront 13 milliards d’euros et 8 000 créations nettes d’emplois, notamment dans les batteries, les panneaux photovoltaïques, les médicaments ou encore l’automobile. Ce sont autant de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale dans les années à venir.

Enfin, je veux conclure sur l’exigence qui doit nous rassembler de mener une lutte inlassable et implacable contre toutes les fraudes. J’ai présenté ces dernières semaines un arsenal de mesures pour aller beaucoup plus loin et beaucoup plus fort contre la fraude fiscale, contre la fraude douanière et contre la fraude sociale.

Sur la fraude sociale, l’année 2022 témoignait déjà de nos résultats : +50 % de redressements des Urssaf par rapport à 2017 dans leur lutte contre le travail au noir avec 788 millions d’euros l’an passé ; +30 % de fraudes détectées et évitées par l’assurance maladie avec 316 millions d’euros ; +30 % également pour les CAF et les caisses de retraite avec 506 millions d’euros en 2022.

Nous évaluons mieux les fraudes ; nous les connaissons donc mieux. L’assurance maladie approfondit son travail d’évaluation des fraudes secteur par secteur. La branche famille a évalué à 2,8 milliards d’euros les fraudes en 2021 et reproduira l’exercice cette année. La fraude aux cotisations a été évaluée à 8 milliards d’euros par le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale. La branche vieillesse a évalué pour la première fois les fraudes à environ 200 millions d’euros sur son périmètre.

J’installerai dans les prochaines semaines le Conseil de l’évaluation des fraudes, qui fournira en matière sociale comme en matière fiscale et douanière des évaluations régulières en associant administrations, experts indépendants et parlementaires.

Nous évaluons mieux, nous repérons davantage les fraudes et nous les sanctionnons plus fermement.

En 2022, plus de 30 000 fraudes aux allocations versées par les CAF ont donné lieu à une pénalité financière, en plus du recouvrement des sommes dues. Un dossier sur dix est suivi de poursuites pénales. En matière de travail illégal des entreprises, plus de 200 millions d’euros de majorations ont été mis en recouvrement, en plus du redressement des sommes non déclarées, de même que 27 millions d’euros d’exonérations de cotisations sociales ont été remboursés par des entreprises recourant au travail illégal.

Au total, sur le précédent quinquennat, 3,5 milliards d’euros ont été redressés au titre du travail dissimulé. C’est l’équivalent de 300 millions de vaccins contre la grippe, de 140 millions de consultations chez le médecin généraliste ou de 4 millions d’allocations de rentrée scolaire. Oui, nous pouvons être fiers de ce bilan, qui nous donne aujourd’hui la force d’aller encore plus loin au cours de ce mandat !

Avec François Braun, Jean-Christophe Combe et l’ensemble de mes collègues du Gouvernement, je poursuivrai inlassablement cette lutte contre toutes les fraudes, qu’elles soient fiscales, sociales, douanières ou aux aides publiques, parce que cette lutte conditionne la confiance que nos concitoyens placent dans la parole et la puissance publique. Nous le leur devons. Je continuerai d’apporter mon soutien absolu au service de la sécurité sociale et de tous ceux qui la font vivre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre séance d’aujourd’hui constitue une petite révolution dans l’examen des finances sociales par le Parlement, puisque nous examinons le premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.

Cela a été dit, la sécurité sociale est notre bien le plus précieux, puisqu’elle assure la protection sociale de l’ensemble de nos concitoyens. Malheureusement, monsieur le ministre de la santé et de la prévention, pour filer la métaphore que vous avez employée, je dirais que la sécurité sociale est un peu sous perfusion, la dette demeurant importante et continuant de courir.

Les Placss – ou les Lacss si l’on considère les lois proprement dites – ont été instaurés par la loi organique du 14 mars 2022. Elles résultent d’une proposition de loi organique de Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, largement inspirée sur ce sujet d’une proposition de loi organique de Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat.

Les Lacss correspondent à l’ancienne première partie des lois de financement de la sécurité sociale, examinées à l’automne. Nous nous réjouissons de l’organisation aujourd’hui de ce débat social de printemps, ou plutôt de l’été…

Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale doit être déposé avant le 1er juin, afin de favoriser un « chaînage vertueux » avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Afin de favoriser ce chaînage entre le Placss et le PLFSS, le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, jusqu’alors publié à l’automne, est désormais conjoint au dépôt du Placss.

Malheureusement, les conditions d’examen de ce premier Placss sont loin d’être idéales. Je veux croire qu’il s’agit là de simples difficultés passagères, liées à la nécessité pour chacun de s’adapter à ce nouveau contexte. Nous avons beaucoup débattu du Placss, lors de l’examen du projet de loi organique. Il nous avait alors paru plein de promesses, un certain nombre d’informations devant nous permettre de discuter de l’efficacité et de l’efficience de nos lois relatives à la sécurité sociale.

Comme vous le savez, la commission a adopté une motion – j’imagine que ce n’est pas une surprise ! – tendant à opposer la question préalable, et ce pour trois raisons, chacune justifiant à elle seule le dépôt de cette dernière.

La première raison est le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de 2022 de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et de la branche famille, en conséquence de l’augmentation des erreurs dans le paiement des prestations. Je rappelle que, dans le cas de l’indicateur à vingt-quatre mois, les erreurs à la hausse ou à la baisse pour les prestations versées en 2021 étaient de 7,6 %, contre 5;5 % en 2019. Sauf à considérer que l’exercice de certification par la Cour des comptes n’a aucune importance, nous n’avons pas d’autre choix que de rejeter les comptes de 2022.

La deuxième raison ayant justifié le dépôt de cette motion est l’absence de prise en compte, dans l’annexe patrimoniale, de la correction relative aux comptes de 2021 effectuée, sur l’initiative du Sénat, lors de l’examen du PLFSS pour 2023. Il s’agissait d’imputer sur 2020 un produit de 5 milliards d’euros résultant de la régularisation des cotisations dues par les travailleurs indépendants, comme le demandait d’ailleurs la Cour des comptes, qui avait refusé de certifier les comptes de 2021 de l’activité de recouvrement. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a confirmé notre approche sur le « vrai » déficit.

Le tableau patrimonial que le Gouvernement propose d’annexer à la Lacss comprend, pour comparaison, une colonne relative à l’exercice de 2021. Cette colonne ne prend pas en compte la correction effectuée par le Parlement.

Ce deuxième motif justifie à lui seul également le dépôt de la motion tendant à opposer la question préalable. Si nous ne l’avions pas déposée, nous aurions contredit les travaux et les conclusions du Sénat lors de l’examen du PLFSS pour 2023.

J’en viens à la troisième et dernière raison du dépôt de cette motion : l’absence de conformité de certaines annexes aux exigences de la loi organique.

Tout d’abord, les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) comportent des indicateurs qui s’arrêtent en 2020 ou en 2021 et qui ne prennent pas en compte 2022, comme on pourrait l’attendre d’une loi d’approbation des comptes de 2022. Le chaînage vertueux entre Placss et PLFSS n’est pas possible si les chiffres des Repss ne sont pas à jour. Comment débattre de l’efficacité et de l’efficience des dépenses de sécurité sociale sans les chiffres des trois dernières années ? Un certain nombre d’éléments nous manquent.

Ensuite, l’annexe 2 ne comprend pas l’évaluation de l’efficacité d’un tiers des niches sociales. Le Placss de 2023 devra fournir une telle évaluation, comme le prévoit la loi organique.

Je rappelle que le rapport que vous aviez commandé à l’inspection générale des finances (IGF) et à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur ce sujet contient dix propositions. Il est notamment proposé que le Placss fixe le champ des mesures devant être évaluées et la norme de référence, c’est-à-dire la situation par rapport à laquelle les niches sont chiffrées. Là encore, il s’agit de promesses non tenues.

En raison de ce contexte particulier, le grand débat sur les finances sociales et les politiques de sécurité sociale que les Placss sont censés favoriser ne pourra avoir lieu cette année, faute de comptes exacts et d’annexes conformes à la loi organique.

Je me contenterai donc de renvoyer sur ce sujet à la contribution que constitue le rapport de la commission, dont je rappellerai brièvement les principaux points.

La commission constate le dérapage des dépenses de santé, qui ne s’explique plus par la seule crise sanitaire. Comme la Cour des comptes, elle estime nécessaire de rétablir le seuil d’alerte en cas de risque de dépassement de l’Ondam de 0,5 %, sans distinction entre dépenses covid et hors covid.

Sur la mise en œuvre des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale de 2022, la commission a souhaité aborder quatre sujets.

Ainsi, elle souhaite que la mission interministérielle récemment constituée par la Première ministre sur la régulation et le financement des dépenses de produits de santé soit l’occasion de s’interroger sur la pertinence et sur l’ampleur de la clause de sauvegarde des médicaments, qui s’est transformée en une taxe indiscriminée et imprévisible de plus d’un milliard d’euros sur les entreprises pharmaceutiques.

Elle a par ailleurs souligné la nécessité de préciser rapidement les modalités de sortie de la garantie de financement des hôpitaux. En 2022, cette garantie a représenté une dépense de 2,7 milliards d’euros, après 1,9 milliard d’euros en 2021 et 2,5 milliards d’euros en 2020. On dépense désormais plus que l’année où cette garantie a été mise en œuvre !

En ce qui concerne la généralisation de l’intermédiation des pensions alimentaires, la commission souligne qu’il convient de rester vigilant sur la mise en œuvre de la réforme, dont le succès implique la bonne information des parents, le respect par les avocats de leur obligation de transmission des dossiers à l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa), et, de la part de l’Aripa, la gestion d’un important afflux de dossiers, qui ne devra pas empêcher l’augmentation du taux de recouvrement des impayés.

Enfin, la commission considère qu’il faut mettre en œuvre la réforme des services autonomie à domicile. La loi prévoit que le décret fixant le cahier des charges doit être pris au plus tard le 30 juin 2023. Or nous sommes le 3 juillet. Messieurs les ministres, où en sommes-nous ?

Enfin, la commission a souhaité s’intéresser au sujet d’actualité de la fraude sociale. On sait maintenant, grâce au rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de mai dernier, que la fraude aux prestations coûte entre 6 milliards et 8 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, le 30 mai 2023, vous avez annoncé un plan de lutte contre la fraude sociale. Ce plan nous semble aller dans le bon sens. Vous le voyez, je souligne aussi les points positifs, monsieur le ministre !

Il faudra toutefois éviter que la focalisation sur le sujet médiatique des cartes Vitale surnuméraires ne nous détourne des principaux enjeux de lutte contre la fraude. On sait qu’entre 2019 et 2022 on est passé de 600 000 à 3 000 cartes perdues. En fait, elles n’avaient pas été désactivées. Il faut le dire, car ce sujet demeure une légende dans l’opinion.

Il faudra également s’assurer que les dispositions législatives sont effectivement appliquées et que l’augmentation des moyens n’est pas un simple effet d’annonce.

En somme, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me semble que nous nous trouvons au milieu du gué. Le Placss 2022 n’est pas encore à la hauteur de ce qu’impose la loi organique de 2022 : il reprend des comptes 2021 et 2022 erronés et ses annexes ne respectent pas certaines dispositions importantes de la loi organique.

Toutefois, ces problèmes n’ont pas vocation à se reproduire chaque année. Du moins, on peut le supposer. Nous espérons que les prochains Placss présenteront des comptes exacts, certifiés par la Cour des comptes, que les Repss seront à jour et que les niches sociales seront évaluées.

Cela rendra possible la tenue, à la frontière entre les deuxième et troisième trimestres, du grand débat sur les finances sociales et les politiques de sécurité sociale que la commission des affaires sociales appelle de ses vœux, ce grand débat étant la raison d’être des Placss. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)