M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 439 rectifié.

Mme Marianne Margaté. Notre amendement vise également à protéger contre les éventuelles mesures de rétorsion prises par l’employeur les travailleurs sans-papiers qui demanderaient une régularisation pour motif professionnel.

En effet, un employeur qui apprendrait la démarche de régularisation engagée par son salarié pourrait procéder à son licenciement par crainte d’une sanction de la part de l’administration. Le monde du travail n’est pas pavé de bonnes intentions et le salariat se caractérise par un lien de subordination entre l’employeur et l’employé. Certains des employeurs qui salarient des sans-papiers sont peu scrupuleux.

Notre amendement vise à éviter tout effet pervers afin de mettre fin aux situations de clandestinité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ces amendements concernent un dispositif qui a été supprimé. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Sagesse, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Madame la rapporteure, vu le calendrier fixé par la conférence des présidents pour le dépôt des amendements, il était inévitable que certains d’entre eux ne soient plus adaptés à l’état de la discussion, d’autant que le Sénat a finalement décidé de supprimer ou de réécrire complètement certains articles.

On ne peut pas simplement balayer ce type d’amendement d’un revers de main, surtout quand ils soulèvent des problèmes de fond. Ce n’est pas parce que l’amendement n’est plus adapté à l’état du texte que le problème qu’il soulève n’existe pas !

J’ai un peu l’impression, en écoutant nos échanges, que nous revivons d’une certaine manière les grands débats philosophiques du XIXe siècle entre matérialistes et idéalistes. On peut rêver d’un certain monde, se l’imaginer, mais il n’en demeure pas moins que c’est la réalité qui s’impose à nous. Et comme le disait Pascal Savoldelli, il existe aujourd’hui une forme de conflit social invisible.

Je comprends votre argument, madame la rapporteure, mais nous devrons absolument retravailler ces sujets lors de la navette parlementaire – j’espère d’ailleurs que les débats de l’Assemblée nationale seront aussi respectueux que les nôtres.

Il faut prendre en compte la question soulevée par ces amendements, car les travailleurs sans-papiers sont parfois menacés. Si nous ne faisons rien, cela ne peut qu’encourager les pratiques de certains employeurs – je l’ai déjà dit, loin de moi l’idée de considérer que tous les employeurs agissent ainsi.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 176 rectifié et 439 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 176 rectifié et n° 439 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 533

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 616 rectifié bis, présenté par M. Sautarel, Mme Lavarde, MM. Burgoa, Paccaud et Bouchet, Mme Petrus, MM. Panunzi et Bas, Mme Dumont, MM. Anglars, Belin et Rapin, Mme Bellurot, MM. Perrin, Rietmann et Genet, Mmes Drexler, Bonfanti-Dossat et Imbert et MM. de Legge et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 421-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Chaque année, au plus tard le 1er novembre de l’année précédente, le Parlement vote les prévisions quant au nombre de travailleurs étrangers qui seront admis pendant la prochaine année. Ces futurs travailleurs étrangers ont vocation à travailler dans les domaines dits en tension dont la liste des métiers et des zones géographiques caractérisées par des difficultés de recrutement figure à l’article L. 414-13.

« En cas de situation exceptionnelle, le Parlement peut revoir les prévisions votées en les adaptant à la situation.

« Un décret pris en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Dans le débat qui nous anime, notre pays a aussi besoin de se projeter, d’organiser et de maîtriser l’immigration économique. Outre la question des stocks qui nous a mobilisés avec l’article 3 et sur laquelle je ne reviendrai pas, il convient de traiter les flux.

Cet amendement vise à mettre en place une politique de maîtrise des flux qui relèvera chaque année du Parlement. En effet, avant le 1er novembre, le Parlement devra voter les prévisions du nombre d’étrangers qui seront admis l’année suivante afin de travailler dans les domaines dits en tension, en termes à la fois de métier et de territoire.

Si besoin, le Parlement pourra modifier par un nouveau vote les prévisions en cas de situation exceptionnelle, afin que les chiffres correspondent réellement aux besoins du pays.

Ainsi, cet amendement vise à maîtriser les flux migratoires économiques à venir. Il vient compléter le titre Ier qui vise à redonner des pouvoirs au Parlement.

M. le président. L’amendement n° 617 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Paccaud et Bouchet, Mme Petrus, MM. Panunzi et Bas, Mme Dumont, MM. Anglars, Belin et Rapin, Mme Bellurot, MM. Perrin, Rietmann et Genet, Mmes Drexler et Imbert et MM. de Legge et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet un rapport au Parlement dans l’année qui suit la publication de la présente loi sur la possibilité de mise en place d’un vote par le Parlement sur les prévisions quant au nombre de travailleurs étrangers qui seront admis pendant la prochaine année. Le rapport évalue notamment la faisabilité, les modalités d’un tel vote ainsi que les conditions qui pourraient être exigées.

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les prévisions du nombre de travailleurs étrangers qui seront admis l’année suivante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a eu la même idée que les cosignataires, dont M. Sautarel, de l’amendement n° 616 rectifié bis, puisqu’elle a inséré dans le texte l’article 1er A qui prévoit qu’un débat aura lieu chaque année au Parlement et que celui-ci déterminera, pour trois ans, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, ce qui inclut l’immigration économique.

Il nous semble donc que cet amendement est satisfait, si bien que nous en demandons le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Quant à l’amendement n° 617 rectifié ter, vous savez, mon cher collègue, que par principe la commission des lois n’accepte pas les demandes de rapport. C’est pourquoi, là aussi, nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Sautarel, les amendements nos 616 rectifié bis et 617 rectifié bis sont-ils maintenus ?

M. Stéphane Sautarel. J’ai moi-même été surpris que l’amendement n° 616 rectifié bis soit placé à ce moment de la discussion ; il aurait été préférable en effet de l’examiner en même temps que l’article 1er A.

Il visait à apporter une réponse spécifique sur l’immigration économique avec une démarche qui n’était pas exactement la même que celle de la commission, mais au regard de ce qui a été adopté à l’article 1er A et de l’avis rendu par la commission, je retire cet amendement.

Je retire également l’amendement n° 617 rectifié bis qui était un amendement de repli.

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 616 rectifié bis et 617 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 575 rectifié

M. le président. Les amendements nos 616 rectifié bis et 617 rectifié bis sont retirés.

L’amendement n° 533, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 436-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) Le taux : « 55 % » est remplacé par le taux : « 75 % » ;

b) Le nombre : « 2,5 » est remplacé par le nombre : « 4,5 » ;

2° Aux cinquième et septième alinéas, les montants : « 50 euros » et « 300 euros » sont respectivement remplacés par les montants : « 100 euros » et « 1 000 euros ».

La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Je propose une augmentation substantielle des taxes sur l’embauche des travailleurs étrangers.

Cette mesure permet de lutter contre la concurrence déloyale des travailleurs étrangers ou salariés détachés, qui constituent une main-d’œuvre attractive pour les entreprises françaises en raison, notamment, de leurs exigences salariales moins élevées.

Pour rappel, le taux de chômage incompressible est estimé à 5 %. Au deuxième trimestre 2023, le chômage en France s’élève à 7,2 %. Cette taxe est une mesure de protection sociale en direction des travailleurs français, mais aussi des entrepreneurs. En limitant l’appel d’air migratoire, elle allège la charge sociale sur les salaires assumée par les patrons et subie par les salariés.

Enfin, pour ne pas aggraver le cas des secteurs les plus en tension, notamment l’agriculture et la viticulture, je prévois que les emplois saisonniers ne seront pas concernés par l’augmentation de cette taxe à l’embauche des travailleurs étrangers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement, car nous ne sommes pas opposés au travail d’étrangers en situation régulière. C’est une réalité dans notre pays, et il ne me paraît pas très cohérent de rendre ce travail plus difficile, y compris pour des TPE et PME qui recourent aussi à une main-d’œuvre étrangère d’une façon totalement régulière.

Nous devons, me semble-t-il, encourager la régularité du travail, plutôt que de la décourager.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 533.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 533
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article 5

M. le président. L’amendement n° 575 rectifié, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Belin, Duffourg, Klinger et Bouchet, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Reynaud, Laugier, Cambier et Bas, Mme Berthet, MM. Genet et Favreau, Mmes Jacques et Bellurot, MM. Karoutchi, Somon, Tabarot, Gremillet et Menonville, Mmes Lopez et Canayer et M. Khalifé, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l’article L. 5221-7 du code du travail, les mots : « peut échanger » sont remplacés par le mot : « sollicite ».

La parole est à M. Christian Klinger.

M. Christian Klinger. Cet amendement a pour but de renforcer les exigences en matière de délivrance de l’autorisation de travail nécessaire à l’octroi du titre de séjour mention « salarié » pour les étrangers souhaitant travailler en France.

Cette formulation obligerait désormais l’autorité administrative à solliciter des informations auprès d’autres organismes pour mieux contrôler les demandes d’autorisation de travail. L’autorité administrative s’assurerait d’un examen complet et rigoureux de chaque demande afin d’éviter les abus ou les fraudes potentielles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.

En effet, en 2022, il a été procédé à l’examen de près de 240 000 demandes d’autorisation, ce qui est considérable, et 4 000 d’entre elles ont été refusées. Nous avons un dispositif qui permet à l’administration de se concentrer sur les dossiers sur lesquels il peut y avoir une suspicion de fraude. Il me semble que nous pouvons nous en contenter, car il est relativement efficace et ne crée pas une charge disproportionnée pour l’administration.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. Christian Klinger. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 575 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 575 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 465

Article 5

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 587, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le premier alinéa de l’article L. 526-22 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ne disposant pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut. »

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai déjà défendu cet article 5, qui a été supprimé par votre commission des lois. Aujourd’hui, une des filières d’immigration irrégulière les plus importantes provient de la création d’autoentreprises sans vérification du titre de séjour. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on peut créer son autoentreprise sans avoir à justifier de façon incontestable de la régularité de son séjour. Il est donc possible de travailler pour des plateformes, de payer des impôts, des cotisations sociales ; à la fin des fins, les intéressés reçoivent un document de Bercy leur disant que, de ce fait, ils sont régularisables.

Si nous voulons lutter contre ces flux d’immigration irrégulière – je rappelle que plus de 100 000 autoentrepreneurs travaillent pour des plateformes –, il faut pouvoir demander de prouver la régularité de son séjour.

Certes, le Conseil d’État a considéré qu’une grande partie de ces dispositions relevaient du domaine réglementaire, mais, compte tenu des difficultés que rencontre l’État pour réguler ce secteur d’activité, je pense qu’il n’est pas superflu de faire intervenir la loi, une partie du dispositif relevant de toute façon du domaine législatif.

Je veux dire aux auteurs des deux autres amendements de rétablissement qu’il me plairait qu’ils les retirent, l’amendement du Gouvernement étant, me semble-t-il, mieux rédigé. Nous avons notamment remarqué que les citoyens de l’Espace économique européen, par exemple du Liechtenstein, ainsi que les ressortissants suisses, n’étaient pas concernés par la première version de la mesure du Gouvernement. Le ministère de l’économie nous a également fait remarquer que nous avions oublié un deuxième régime d’autoentreprise, en voie d’extinction, qui concerne quelques centaines de personnes. À ces deux détails près, les deux autres amendements sont exactement les mêmes, et ils obéissent à la même philosophie : il s’agit de rétablir l’article 5 pour lutter contre cette filière d’immigration irrégulière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. On retrouve en effet la même philosophie dans ces trois amendements. Il est aussi exact que l’amendement du Gouvernement est plus complet, puisqu’il prend en compte une observation faite dans notre rapport. Je suis très heureuse que vous l’ayez lu et que vous vous en soyez inspiré, monsieur le ministre… (Sourires.)

Je dirai même que la commission et le Gouvernement ont la même philosophie. Ainsi, nous sommes d’accord avec le contenu de ces amendements, mais il nous est apparu, à la lecture de l’avis du Conseil d’État, qu’ils étaient déjà satisfaits. Nous avons donc une différence d’interprétation, ce qui nous a amenés à donner un avis défavorable, même si nous sommes d’accord avec ce que vous souhaitez faire. (Sourires.)

Avis défavorable sur un sujet sur lequel nous sommes d’accord… (Nouveaux sourires.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 128 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

L’amendement n° 368 rectifié est présenté par MM. Duffourg et Verzelen, Mme Lermytte, M. Hingray, Mme P. Martin et MM. Wattebled et Gremillet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le premier alinéa de l’article L. 526-22 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l’Union européenne ne disposant pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer cette activité professionnelle. »

La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 128.

M. Christopher Szczurek. Nous proposons le rétablissement de l’article 5, initialement supprimé par la commission des lois. Si ces dispositions figurent déjà en partie dans le Ceseda, le texte qui nous est présenté est l’occasion de définir précisément les conditions d’accession au statut d’autoentrepreneur pour les étrangers.

En inscrivant ces dispositions dans le code de commerce, nous souhaitons limiter les abus constatés, particulièrement dans certains secteurs économiques, comme la livraison, qui recourent aux services d’étrangers en situation irrégulière ayant créé une autoentreprise pour pouvoir travailler. La loi doit garantir l’égalité des personnes, particulièrement des étrangers exerçant une activité professionnelle. Il s’agit donc d’inscrire directement dans le code de commerce l’obligation pour un étranger extracommunautaire de disposer d’un titre de séjour valide et lui permettant de travailler pour créer son autoentreprise.

M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour présenter l’amendement n° 368 rectifié.

Mme Pauline Martin. Cet amendement a pour objet de restaurer l’article 5 du projet de loi initial. Il vise à subordonner la création d’une entreprise individuelle à la régularité du séjour de son fondateur en créant une obligation générale pour les ressortissants étrangers de pays tiers de justifier que le document de séjour en leur possession leur permet d’accéder au statut d’autoentrepreneur, qu’il est en cours de validité et l’autorise à exercer l’activité professionnelle liée à ce statut.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme je l’ai expliqué précédemment, la commission est défavorable au rétablissement de l’article 5. Cependant, si vous n’avez pas envie de la suivre, mes chers collègues, je vous engage plutôt à voter l’amendement du Gouvernement, qui est mieux rédigé. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne saurai dire mieux que Mme la rapporteure. (Rires.)

Mme Audrey Linkenheld. Quelle entente !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Eh oui, ça nous arrive aussi !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. J’ai rarement vu un avis défavorable d’un rapporteur aussi favorable. Puisque nous sommes par ailleurs responsables et partisans d’une politique de fermeté, je pense que ce que nous propose M. le ministre est de bon aloi. Nous pourrions nous y rallier collectivement, mes chers amis de la majorité sénatoriale… Qu’en pensez-vous ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Voulez-vous une suspension de séance ? (Sourires.)

Mme Audrey Linkenheld. Une nouvelle circulaire Retailleau ?

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.

M. Stéphane Ravier. L’ubérisation entraîne une offre de moins-disant social et salarial créant une trappe à très bas salaires qui devient une niche pour les étrangers, souvent en situation irrégulière, cherchant à subsister par leurs propres moyens.

Selon le journal Capital, deux tiers des livreurs Uber Eats et Deliveroo sont des clandestins. Il y a un mariage de raison entre l’immigration massive et l’ubérisation. Les normes de droit positif en vigueur ont beau se multiplier, elles semblent incapables de réguler ce secteur.

Rien ne sert de signer des chartes entre l’État et les plateformes. Il est impératif de contrôler l’immigration clandestine en amont. Le spectacle des ballets de livreurs dans les métropoles françaises le jour, mais surtout à la nuit tombante, est le reflet une société non pas de progrès, mais de régression vers la tiers-mondisation.

Si le paravent des murs de nos domiciles était levé, nous verrions l’impudeur de la situation : des immigrés exploités, quelle que soit la météo, arc-boutés sur leurs destriers métalliques. Ils sont au service des plateformes étrangères qui mettent en concurrence les commerces d’alimentation et tuent les plus petits ou les plus qualitatifs d’entre eux, pendant que nous revendiquons le confort de pouvoir accueillir le coursier, souvent étranger, à notre domicile, avant de lui refermer la porte au nez, le sourire satisfait. (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

Contemplez le cynisme ! L’esclavage est devenu une habitude. Il s’est progressivement installé sur nos pistes cyclables, dans nos cages d’escalier, dans nos halls d’immeuble. Le grand remplacement de nos modes de vie, ce n’est pas seulement l’arrivée massive des autres, c’est le changement profond de ce que nous sommes, d’un savoir-être que notre civilisation a élevé au rang d’art et de philosophie. L’art de la table disparaît aussi bien que le respect de la dignité humaine.

Le garde des sceaux avait affiché sans filtre cette conception qui est la vôtre. Je reprends ses propos : « Si les Arabes et les immigrés quittent la France, vous êtes dans la merde pour faire votre ménage ! » Toute la poésie de M. Dupond-Moretti ! De la charité de bidet et de la politique de caniveau ! Comme disait Ruy Blas : « Bon appétit, messieurs ! Ô ministères intègres ! » Ne comptez pas sur moi pour voter ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Bien évidemment, chacun est libre de dire ici ce qu’il veut, mais il serait bon d’éviter le déversement de torrents de haine, qui ne font pas avancer le débat et ne permettent pas de mener une réflexion collective sur ce sujet. C’est peut-être un vœu pieux, mais j’y tiens !

Monsieur Ravier, je vous ai bien écouté. Avec un peu d’ironie, je dirai que vous avez parfaitement raison, et nous sommes un certain nombre à avoir dénoncé ce phénomène depuis longtemps. La problématique de l’ubérisation de notre société est une catastrophe, d’abord pour ceux qui travaillent au service de ces plateformes, les nouveaux exploiteurs du XXIe siècle. Ce qui est terrible, c’est que nous savons tous qu’il y a énormément de travailleurs sans-papiers concernés, mais qui les fait vivre ? Qui fait vivre aujourd’hui ces plateformes ?

L’heure tardive m’autorise à manier un peu la caricature. Ce n’est pas inutile pour se dire deux ou trois vérités.

Les utilisateurs, ce sont des Français nés en France, qui travaillent, qui ont les moyens, qui vivent dans les métropoles, parfois en périphérie, voire en zone rurale, l’ubérisation s’étendant de plus en plus. Ces Français, finalement, alimentent, chacun à leur façon, la cohorte formée par ces travailleurs des plateformes.

Je ne sais pas qui est responsable du mal dans notre pays. Je ne sais d’ailleurs pas si c’est un mal : au lieu d’alimenter ce torrent de haine, prenez les choses avec sérénité.

Il n’y a pas que les méchants immigrés qui viennent en France…

M. Christopher Szczurek. Personne ne dit ça !

Mme Cécile Cukierman. Il y a aussi celles et ceux qui utilisent plus que de raison ces plateformes pour satisfaire leurs petits besoins du quotidien.

M. Stéphane Ravier. Vous ne les utilisez pas, bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 587.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 5 est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 128 et 368 rectifié n’ont plus d’objet.

Article 5
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article 6

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 465, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact de l’octroi d’un titre de séjour pluriannuel aux travailleurs des professions médicales réglementées qui exerce en France.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Nous abordons ici un sujet déterminant pour l’avenir de l’hôpital public, qui, aujourd’hui, fonctionne avec l’apport de plus de 5 000 travailleurs de professions médicales réglementées étrangers, lui permettant de tenir tant bien que mal.

Alors que leur présence est indispensable, les conditions de régularisation de ces travailleurs sont particulièrement dures.

Déjà, en 2019, dans le cadre des débats sur l’article 21 de la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé, notre groupe avait souligné la situation précaire de ces personnels.

Il est important, à nos yeux, d’examiner précisément à ce jour la situation de ces professionnels de santé étrangers, tant les procédures de régularisation demeurent longues et complexes.

Comment ne pas désespérer de la lenteur et de la faiblesse des moyens mis en œuvre pour accélérer l’entrée totale en exercice des personnels dits praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ? Ce qui est vrai pour les personnels exerçant à l’hôpital public l’est aussi pour les personnels de médecine générale, dont le manque criant n’est plus à démontrer. Je ne refais pas les débats que nous avons eus ici même encore récemment.

La procédure d’autorisation d’exercice des Padhue doit être accélérée et il faut très rapidement faire un état des lieux pour lever les blocages. Tel est l’objet de cette demande de rapport.

Ces femmes et ces hommes qui ont vocation à soigner, dans un contexte de tension considérable de notre système de santé, ne peuvent plus attendre.

J’ajoute pour conclure que j’ai le souvenir d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, en 2018 ou 2019, où nous avions voté ici, à la faveur d’un amendement transpartisan, le principe d’un certain nombre d’expérimentations en la matière. Cette mesure n’avait pas été reprise par l’Assemblée nationale. Si nous continuons à ne rien faire, année après année, nous allons sacrifier l’hôpital public et la santé des Français.