Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 1er

I. – Les dispositions du présent article s’appliquent à toute convention portant sur des produits de grande consommation commercialisés sur le territoire français conclue entre tout distributeur exerçant une activité de commerce de détail à prédominance alimentaire et tout fournisseur de produits de grande consommation, sans remettre en cause le principe d’annualité régissant les conventions commerciales mentionnées aux articles L. 441-3, L. 441-4 et L. 443-8 du code de commerce, ni l’accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante mentionné à l’article L. 410-5 du même code.

Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage.

II. – Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application de l’article L. 233-16 du code de commerce, réalisé au cours du dernier exercice clos, est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441-3 et au B du V de l’article L. 443-8 du même code, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 dudit code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 31 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 1er février 2024.

Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application de l’article L. 233-16 du code de commerce, réalisé au cours du dernier exercice clos, est inférieur à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441-3 du même code et au B du V de l’article L. 443-8 dudit code, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 du même code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 15 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 16 janvier 2024.

Par dérogation à la deuxième phrase du V de l’article L. 441-4 dudit code, le prix convenu par les conventions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent II est applicable à compter de la date où ces conventions prennent effet en application du présent article.

Par dérogation, le terme des conventions mentionnées aux deux mêmes premiers alinéas est fixé au jour précédant la date à laquelle doit être conclue au plus tard la nouvelle convention entre les parties en application, selon le cas, du IV de l’article L. 441-3 ou du B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, en 2025 pour les conventions d’une durée d’un an et, respectivement, en 2026 ou en 2027 pour les conventions d’une durée de deux ou trois ans.

Les conventions en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de la présente loi qui ont été signées avant le 1er septembre 2023 prennent automatiquement fin :

1° Le 31 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application de l’article L. 233-16 du code de commerce, réalisé au cours du dernier exercice clos, est supérieur ou égal à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 1er février 2024 ;

2° Le 15 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application de l’article L. 233-16 du code de commerce, réalisé au cours du dernier exercice clos, est inférieur à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 16 janvier 2024.

III. – Par dérogation au VI de l’article L. 441-4 et au B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard le 5 décembre 2023 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application de l’article L. 233-16 du même code, réalisé au cours du dernier exercice clos, est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, ou au plus tard le 21 novembre 2023 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application du même article L. 233-16, réalisé au cours du dernier exercice clos, est inférieur à 350 millions d’euros.

IV. – Tout manquement au II du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour une personne physique et 5 000 000 € pour une personne morale, par infraction constatée.

Tout manquement au III du présent article est passible de l’amende administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce.

V. – Pour l’application aux conventions mentionnées au présent article du II de l’article 9 de la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, les dates du 1er mars et du 1er avril sont remplacées, respectivement, par les dates du 31 janvier 2024 et du 29 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application de l’article L. 233-16 du code de commerce, supérieur ou égal à 350 millions d’euros, ou par les dates du 15 janvier 2024 et du 15 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application du même article L. 233-16, inférieur à 350 millions d’euros.

VI. – Les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont habilités à relever les manquements aux dispositions du présent article dans les conditions et avec les pouvoirs mentionnés aux articles L. 450-2 à L. 450-10 du même code.

VII. – Par dérogation, le présent article ne s’applique pas aux distributeurs établis dans les collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, pour les produits commercialisés dans ces collectivités.

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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sous l’impulsion de notre rapporteure Anne-Catherine Loisier et de notre présidente Dominique Estrosi Sassone, que je félicite vivement de leur engagement, les principaux acquis de l’examen de ce texte au Sénat ont été préservés. Nous ne pouvons que saluer ce travail précieux, mes chers collègues.

À l’issue de son examen à l’Assemblée nationale, ce projet de loi prévoyait d’avancer de six semaines la date de clôture des négociations commerciales, afin que les consommateurs bénéficient de baisses de prix dans les meilleurs délais.

Au regard de la conjoncture, de telles baisses me semblent tout à fait hypothétiques. En effet, il est nécessaire de rappeler que nous ne sommes que dans une phase de ralentissement de l’inflation.

Si ce texte avait tout d’une opération de communication, il représentait un véritable risque pour la stabilité des relations commerciales. Une avancée unique de la date butoir au 31 décembre était parfaitement inadaptée aux réalités d’un grand nombre d’entreprises, notamment dans le secteur de l’alimentaire.

De plus l’avancée précoce de la date de clôture des négociations aurait inévitablement mis sous pression nos petites entreprises et nos producteurs agricoles dès la fin du mois de décembre, période pourtant synonyme d’importante activité économique et commerciale.

Le Sénat a donc choisi d’aborder ce texte de façon constructive et de l’enrichir afin de protéger nos très petites entreprises (TPE), PME et ETI.

Permettez-moi de revenir sur trois avancées.

Premièrement, nous avons acté, pour les TPE et les PME, la mise en place d’un calendrier différencié de la clôture des négociations commerciales. Il nous restera toutefois à en évaluer les effets réels.

Deuxièmement, le Sénat a obtenu la prise en compte d’un seuil de chiffres d’affaires consolidé, défendue en particulier par notre groupe. Cette mesure permet là aussi de préserver le pouvoir de négociation de nos plus petites entreprises.

Troisièmement, grâce à la mobilisation de nos représentants en commission mixte paritaire, nous avons pu maintenir la date butoir du 15 janvier pour les TPE et les PME, et celle du 31 janvier pour les plus gros fournisseurs. Cette mesure est bienvenue, car elle permet de ne pas trop s’éloigner du calendrier actuel, nos entreprises ayant besoin de stabilité.

Il reste néanmoins plusieurs points de vigilance.

Tout d’abord, ce projet de loi constitue une nouvelle loi Égalim, la quatrième en quelques années. Alors qu’Égalim 3 est à peine entrée en vigueur, le ministre Le Maire annonce déjà dans les médias la préparation d’Égalim 5. (Mme la ministre déléguée manifeste son étonnement.) Nous devons cesser d’être les auteurs et les acteurs d’une telle instabilité normative et législative. Mesurons les effets de ces dispositifs dans le temps et évaluons-les avant de légiférer à nouveau !

De plus, je crois qu’il est nécessaire que le Gouvernement présente au Parlement un bilan complet des effets réels de ce texte.

Attaquons-nous véritablement aux facteurs conduisant à la hausse du prix de revient des produits de grande consommation, à l’image de l’énergie et des coûts de transport ; essayons d’agir concrètement pour mieux répartir les marges entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

À mon sens, le vrai enjeu est de rendre plus dynamiques et plus opérantes les clauses de renégociation initiées par le Sénat dans la loi Égalim 3.

Par ailleurs, je crois que nous ne ferons pas l’économie d’une révision de certaines mesures issues de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) afin de mieux équilibrer les rapports économiques entre fournisseurs, transformateurs et distributeurs, et de réguler l’hyperconcentration des centrales d’achat.

C’est pour cela, madame la ministre, que nous soutenons votre initiative de créer une mission gouvernementale chargée de réformer le cadre des négociations commerciales.

Enfin, j’aimerais rappeler que, si la non-négociabilité des matières premières agricoles dans les prix des produits alimentaires a constitué une avancée majeure et manifeste des lois Égalim, nous ne devons pas la dénaturer.

Nous devons continuer à œuvrer pour la juste rémunération des agriculteurs, gage du maintien d’un modèle agricole souverain et compétitif, par exemple en encadrant encore mieux l’action des marques de distributeur.

En conclusion, vous le comprendrez, le groupe Union Centriste votera ce texte issu de l’accord en commission mixte paritaire, qui reprend l’essentiel des mesures défendues par le Sénat, même si nous pensons qu’il répondra peu aux tensions sur le pouvoir d’achat des Français. D’autres mesures devront figurer dans le projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – Mme la présidente de la commission et M. Vincent Louault applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 56 % pour le sucre, 42 % pour le paquet de spaghettis, 34 % pour le pack de lait, 26 % pour le papier-toilette, 24 % pour le fromage râpé : voilà l’explosion des prix durant ces deux dernières années. Ils sont la brutale illustration d’une réalité dangereuse, non pas pour tout le monde, mais pour les 5 millions de personnes qui en France ne réussissent pas à se nourrir.

Vous le savez, avec l’augmentation des prix, c’est la précarité alimentaire qui explose. Il faut agir, et vite. C’est ce que ce projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation des produits de grande consommation aurait dû faire.

Madame la ministre, la rapporteure a indiqué que le doute subsiste toujours quant aux effets de ce texte : seront-ils bénéfiques, au contraire négatifs, ou ce texte n’aura-t-il en réalité aucun effet sur les prix ? Nous nous sommes posé cette question lors des réunions de la commission des affaires économiques et de la commission mixte paritaire, mais nous n’avons pas la réponse.

Il y a un point positif dans ce texte, et un seul : les petites et moyennes entreprises auront quinze jours d’avance dans les négociations par rapport aux grands groupes. Nous pouvons nous en réjouir : grâce à cela, elles gagneront peut-être quelques mètres de linéaire chez les distributeurs.

C’est important pour le groupe écologiste, parce que nous soutenons les petites et moyennes entreprises, notamment celles du secteur bio, mais aussi toutes celles qui fabriquent des produits sous signe de qualité.

Le débat reste donc entier concernant l’encadrement des marges, le prix des produits, ainsi que la protection juste des agriculteurs et des agricultrices.

Les surmarges de la grande distribution persistent, et représentent même plus de la moitié de l’inflation. Elles persistent en particulier sur les fruits et légumes, et encore davantage sur les fruits et légumes biologiques. Je prendrai un exemple concret pour l’illustrer, qui n’a fait que s’amplifier depuis 2019.

Pour 1 kilogramme de pommes non bio, la marge de la grande distribution est de 87 centimes ; pour 1 kilogramme de pommes bio, la marge des distributeurs s’élève à 2,17 euros. Aucune justification n’est donnée à cet écart ; c’est inadmissible.

J’attends donc avec impatience, madame la ministre, la mission gouvernementale mise en œuvre sur les négociations commerciales, à l’occasion de laquelle, je l’espère, nous aborderons la question de l’encadrement des marges.

Ces surmarges représentent une part importante du prix des produits biologiques, et sont donc pour beaucoup à l’origine du ralentissement de leurs ventes.

Comment protéger nos agriculteurs et nos agricultrices ? Comment aller vers un modèle agricole plus respectueux des sols, du vivant, de la consommation d’eau, mais aussi meilleur pour la santé, si les produits bio sont toujours perçus comme très chers, voire comme trop chers ?

Pourtant, la qualité de notre alimentation est un enjeu capital de santé publique. Maladies cardiovasculaires, obésité, diabète : autant de maladies liées à la consommation de produits transformés ainsi qu’à une alimentation déséquilibrée ; elles augmentent en permanence.

Elles coûtent bien plus cher à l’État in fine que si le problème était réglé en amont. Dès la semaine prochaine, nous allons débattre en séance du budget 2024 de la sécurité sociale. Je le dis : l’absence d’action pour maîtriser les marges et les prix, pour faciliter l’accès à une alimentation saine, nutritive et de qualité pour toutes et tous, coûte très cher à l’État et altère la santé de nos concitoyens.

En conclusion, je vous proposerai, madame la ministre, de changer de paradigme, d’encadrer fermement les marges et les surmarges des distributeurs, de soutenir davantage l’accès à une alimentation saine et nutritive, de protéger nos agriculteurs et nos agricultrices, de lutter contre la précarité alimentaire, et de soutenir les expérimentations de sécurité sociale alimentaire dans nos territoires. Voilà ce qu’aurait dû contenir ce projet de loi, et voilà aussi ce qu’il ne contient pas.

Vous l’aurez compris, notre groupe votera contre ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Marianne Margaté. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons dit lors de l’examen de ce projet de loi en séance, nous réaffirmons que la méthode retenue par le Gouvernement ne fonctionnera pas et ne permettra pas de lutter effectivement contre la vie chère.

D’ailleurs, est-ce vraiment là l’objectif ? Il nous est dit à l’envi que nous ne retrouverons pas les prix de 2021, et qu’il s’agit seulement de ralentir la hausse des prix. Or, aujourd’hui, les prix restent de 25 % supérieurs à ceux de janvier 2022.

Comment, dès lors, se contenter d’un ralentissement quand, et nous le répéterons autant de fois qu’il le sera nécessaire, la situation sociale créée par l’inflation entraîne dans la pauvreté et la précarité près de 10 millions de personnes, quand la fin du mois arrive le 10, et quand faire ses courses devient un luxe inaccessible ?

Comment continuer à regarder l’évolution du cours des matières premières et simplement proposer un ajustement à la marge, alors même que, et nous le savons tous, les prix de l’énergie ne reviendront pas à leur niveau de 2021 – ils restent deux fois plus élevés qu’avant la guerre en Ukraine ? La hausse des tarifs réglementés de l’électricité de 15 % en février, puis de 10 % en août dernier, se fera sentir très fortement, et représentera près de 400 euros de plus par an pour des millions de foyers.

Comment ne pas reconnaître que les mesurettes mises en place ne suffisent plus, comme le trimestre anti-inflation dont nous savons qu’il n’a pas eu d’effets, ainsi que le ministre Bruno Le Maire lui-même le reconnaît ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Où a-t-il dit cela ?

Mme Marianne Margaté. En vous accommodant de rustines, vous laissez filer l’inflation ; c’est encore une fois à la majorité de la population que vous demandez des efforts, alors que les salaires n’ont pas augmenté, et que toutes les factures ou dépenses contraintes ont explosé. Manger à sa faim, si possible sainement, se chauffer, s’habiller : il faudra désormais choisir, dans la septième puissance mondiale !

C’est honteux et d’autant plus inacceptable qu’aucun effort contraignant n’est demandé à la grande distribution ou à l’industrie agroalimentaire : rien dans ce texte au sujet des superprofits, de la répartition des marges ou des superdividendes.

Le Fonds monétaire international et de nombreuses autres institutions financières nous expliquent pourtant que 50 % de la hausse des prix est due aux profits. C’est bien là que le bât blesse !

Depuis la loi de modernisation de l’économie et la concentration qui s’est ensuivie dans la grande distribution, un modèle oligarchique s’est mis en place, ne permettant pas un réel partage de la valeur dans la chaîne agroalimentaire. Jouer avec les dates des négociations commerciales n’y changera rien !

Il a été maintes fois démontré que le libre jeu de la concurrence n’entraîne pas des baisses de prix. Si vous voulez agir sur la hausse des prix, il faut aller au blocage, s’attaquer aux marges, poser la question du pouvoir d’achat, qui est la vraie urgence.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Attaquons les entreprises, c’est la solution…

Mme Marianne Margaté. C’est pourquoi notre groupe votera contre ce projet de loi. (Mme Antoinette Guhl applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « Victimes de l’inflation, les Français se nourrissent de moins en moins » : tel était le titre d’un article de Capital paru en août dernier.

Les achats alimentaires des Français ont chuté de 11,4 % en volume entre le dernier trimestre de 2022 et le deuxième trimestre de cette année.

Cette commission mixte paritaire a été conclusive et nous devons nous en réjouir, car le contexte nous oblige à la raison. Quand des Français s’imposent de manger moins, nous devons prendre nos responsabilités.

Les négociations commerciales tendues et l’inflation galopante induisent des efforts communs. Mais les efforts sont-ils réellement communs ? Quelle valeur ont nos débats et nos votes ?

Nous pouvons nous interroger, puisque Bruno Le Maire, ministre de l’économie, annonçait en juin dernier, après une réunion avec les industriels de l’alimentaire que les prix d’une centaine de produits baisseraient dès juillet.

Un mois après, Michel Biero, directeur achats et marketing de Lidl, martelait ne pas croire au « septembre vert », et accusait les grands groupes industriels de ne pas répondre aux demandes de Bercy. Selon ses arguments chiffrés, Lidl, qui travaille avec 58 des 75 multinationales montrées du doigt par le ministère, n’avait avancé dans ses négociations qu’avec deux d’entre elles, pour des baisses de prix proposées à 4 % au maximum.

Depuis quelques semaines, la grande distribution a déjà engagé une baisse des prix des marques de distributeur.

Des débats parlementaires pour un projet de loi qui vise à avancer de six semaines les négociations commerciales, et une commission mixte paritaire conclusive qui fixe le délai au 31 janvier au lieu du 1er mars : cela semble quelque peu dérisoire.

Je le dis et je le répète dans cet hémicycle : c’est le marché qui fera la loi ! Dans une économie libérale, imposer une baisse des prix semble contradictoire. Je m’étonne que des libéraux soutiennent cette méthode, alors que la réalité montre qu’elle est contre-nature.

Je me souviens d’une réunion au Sénat en pleine crise du porc, en 2015, où le représentant de Bigard expliquait qu’un prix minimum imposé ne serait tenable que quelques jours, voire quelques semaines, car la concurrence mondiale fixe les prix et reprend toujours la main.

Bigard et la Cooperl ont décidé de ne pas participer à une réunion destinée à trouver un prix plancher au ministère de l’agriculture. Ces deux principaux abatteurs refusaient, en effet, de payer aux éleveurs le prix préconisé par le Gouvernement de 1,40 euro le kilogramme de porc.

Dans un communiqué de presse, la Cooperl indiquait souhaiter le retour à un prix de marché libre : « S’entendre pour imposer un prix plancher génère un risque perpétuel de revente à perte pour les abatteurs qui, en aval, sont exposés à une concurrence […] pure et parfaite. »

Voilà, madame la ministre, la réalité de notre marché libéral. Toutes les bonnes volontés réunies ne peuvent pas aboutir à une baisse des prix, car nous ne sommes pas seuls. Le problème et les solutions ne sont pas franco-français. Alors, quand toutes les bonnes volontés ne sont pas réunies, on craint le pire.

Dans un contexte de crise sanitaire et de tensions géopolitiques exacerbées, certains ont trouvé un alibi pour augmenter leurs prix. Je l’indiquais déjà lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi voilà quelques jours, les deux maillons de la chaîne qui subissent de plein fouet cette inflation sont les agriculteurs et les consommateurs.

À force, les agriculteurs disparaissent et les importations augmentent. Quelques chiffres en témoignent : en 2022, les importations de viande en France ont augmenté de 11,7 % par rapport à l’année antérieure, le bœuf ayant enregistré la hausse record, avec 22,9 %. In fine, la part des importations dans le total de la viande consommée a atteint plus de 30 %.

Ce constat est malheureusement simple à comprendre : les exploitations disparaissent et l’enjeu de la souveraineté alimentaire s’étiole quelque peu. Si les transformateurs et les distributeurs ne font pas l’effort de soutenir nos agriculteurs et nos produits, dont la qualité sanitaire est reconnue mondialement, nos assiettes n’auront plus que des produits importés.

Quelle agriculture voulons-nous ? Et que voulons-nous manger demain ? La problématique est complexe et ne doit pas être un argument politique. Préserver à la fois le pouvoir d’achat des Français et assurer le partage de la valeur afin que, en amont, les agriculteurs bénéficient d’un prix rémunérateur n’est pas facile. Les gouvernements successifs n’ont pas réussi à imaginer des solutions pérennes, même si, reconnaissons-le, les lois Égalim ont amélioré les choses.

Je vous remercie, madame la ministre, de déployer autant d’énergie en ce sens, d’autant qu’à cela s’ajoutent des enjeux de santé publique et de préservation de l’environnement, dans un contexte de réchauffement climatique. D’ailleurs, les États généraux de l’alimentation ne devraient-ils pas réunir de nouveau tous les maillons de la chaîne, afin d’évaluer l’impact des différentes phases des textes Égalim et de savoir qui, parmi les parties prenantes, ne joue pas le jeu ?

Malgré ses réserves, notre groupe votera, sans illusion et sans grande conviction, pour ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Frédéric Buval. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est tenue lundi dernier a abouti à un texte commun ; c’est toujours une victoire du Parlement que de trouver un compromis.

Face au problème concret pour nos concitoyens qu’est l’inflation, nous avons su répondre présent. Si le temps ainsi gagné peut en frustrer certains, il n’en reste pas moins précieux pour nos ménages, nos entreprises et nos collectivités locales. En effet, personne ne pouvait se satisfaire du statu quo tant il était urgent d’agir pour protéger le pouvoir d’achat des Français. Justement, le projet de loi que nous a proposé le Gouvernement avait vocation à constituer une réponse simple et rapide pour faire face à une impérieuse nécessité : celle de limiter l’impact croissant de la hausse des prix des produits alimentaires.

L’inflation que nous subissons actuellement est pour nous tous une évidence.

C’est d’abord une évidence économique, car ce phénomène gangrène le commerce international et, dans une économie mondialisée, la France ne fait pas exception. Cette inflation en France est due à une combinaison de facteurs que nous n’avions pas connue depuis des décennies : d’abord, une crise sanitaire mondiale historique, entraînant une surchauffe de l’économie internationale, puis la guerre en Ukraine, avec la flambée des prix de l’énergie et des matières premières, qui a affecté la chaîne d’approvisionnement des biens industriels et agricoles. L’ensemble de ces facteurs exogènes s’est traduit en France par une inflation record de 5,2 % en 2022 et par une augmentation des prix de l’alimentation de près de 8,3 %.

Ce contexte inflationniste est aussi et surtout une évidence sociale, car, nous le savons, ce sont les ménages les plus modestes qui sont les plus touchés par l’inflation, puisqu’ils consacrent une part bien plus importante de leur budget à l’alimentation et aux dépenses essentielles. Le Gouvernement a déjà pris plusieurs mesures volontaristes pour atténuer les effets de l’inflation et nous résistons mieux en France que la plupart de nos voisins européens.

C’est la raison pour laquelle nous devons encourager davantage encore la mesure temporaire proposée par le Gouvernement au travers de ce projet de loi, qui porte exclusivement sur les dates des négociations commerciales. Son objectif est que les baisses des prix sur les marchés de gros soient répercutées le plus rapidement possible sur les prix payés par le consommateur final.

Cela est d’autant plus nécessaire que les prix de certaines matières premières baissent depuis plusieurs mois, et ce de manière significative, sans que les consommateurs en aient bénéficié jusqu’à présent.

Depuis notre discussion du texte en première lecture, l’Insee a publié son indice des prix à la consommation, qui n’augmente que de 4,0 % en octobre 2023. Cette décrue tendancielle sur l’alimentation et l’énergie est une bonne nouvelle pour nos concitoyens et nous conforte dans la certitude que c’est le bon moment d’actionner, grâce à ce projet de loi, un levier supplémentaire pour lutter contre l’inflation et protéger le pouvoir d’achat des ménages français.

Le groupe RDPI se réjouit donc de cette commission mixte paritaire conclusive, qui permettra de gagner du temps du point de vue économique et social. Au travers de la version finale du projet de loi, un accord a été trouvé sur les dates des négociations et d’envoi des conditions générales de vente, différenciées selon le chiffre d’affaires consolidé du fournisseur.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a choisi de renforcer les pénalités en cas de non-respect de ces dispositions, mais également d’exclure les territoires d’outre-mer de leur champ d’application. Pour autant, je tiens à rappeler que la vie chère dans les territoires d’outre-mer est un problème structurel qui, depuis des dizaines et des dizaines d’années, pénalise le développement économique et social de ces territoires et frappe au quotidien leurs populations. Cela se traduit par un prix structurellement supérieur des produits, des biens et services, en moyenne de 20 % par rapport à celui de l’Hexagone. En outre-mer, si la dynamique conjoncturelle peut paraître plus faible, l’inflation est pour nous aussi une priorité absolue.

Aussi, je me réjouis des annonces faites par Mme la ministre, en accord avec le ministre délégué chargé des outre-mer, en faveur d’abord d’une renégociation rapide des prix dans ces territoires et ensuite du lancement prochainement d’une mission gouvernementale visant à réviser le cadre juridique français régissant les négociations commerciales, mission à laquelle je souhaite m’associer, si vous le souhaitez, madame la ministre.

Par conséquent, mes chers collègues, le groupe RDPI votera avec responsabilité pour cette version finale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)