M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, auteure de la question n° 1117, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Solanges Nadille. Madame la ministre, je souhaite interpeller le Gouvernement sur l’organisation de la prochaine rentrée scolaire en Guadeloupe. Nous avons appris en fin d’année 2023 que l’académie de Guadeloupe perdrait 107 postes d’enseignants à la rentrée 2024 : 52 postes en moins dans le premier degré et 55 dans le second degré.

L’argument invoqué est celui de la chute du nombre d’élèves. Pourtant, l’académie manque déjà aujourd’hui cruellement de moyens de remplacement et d’enseignants spécialisés, comme elle manque d’ailleurs de psychologues, de compétences psychosociales (CPS), d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et d’assistants d’éducation (AED).

Par ailleurs, une grande partie de la communauté scolaire de Guadeloupe vient de milieux sociaux marqués par la précarité. Cela se reflète dans les résultats des évaluations nationales réalisées par les élèves de sixième au mois de septembre dernier, qui classent la Guadeloupe à la trentième place sur 33 académies en français et en mathématiques. Sans surprise, malheureusement, les six dernières places du classement national sont occupées par les académies ultramarines. Je dis « sans surprise », car les territoires ultramarins sont ceux qui concentrent le plus de difficultés.

Ces évaluations nationales, plus qu’une photographie du niveau des élèves, sont en réalité une photographie des inégalités sociales. Il est donc incompréhensible de vouloir supprimer des postes d’enseignant dans ces territoires, qui souffrent déjà tant.

S’ajoutent à cela les difficultés de l’inclusion, faute de moyens dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) et dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Nous souffrons enfin d’effectifs de classes trop élevés et de remplacements non assurés.

Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement pourrait-il réétudier les suppressions de postes annoncées dans l’académie de Guadeloupe ? Plus largement, quelle stratégie entend-il mener pour remédier aux difficultés de l’école dans les outre-mer afin de rattraper le retard sur l’Hexagone ?

Madame la ministre, la cote d’alerte est atteinte dans les écoles en outre-mer. Il est urgent d’agir !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Nadille, le budget 2024 de l’éducation nationale et de la jeunesse est le premier budget de la Nation. L’investissement dans l’école est la mère de toutes les batailles, avons-nous coutume de dire : c’est l’endroit où nous devons concentrer le plus de moyens pour essayer de résorber les inégalités héritées.

Malheureusement, la Guadeloupe connaît une baisse des effectifs scolaires, à l’instar de tout le pays. Pour l’ensemble du territoire national, cette baisse sera de 83 000 élèves en 2024-2025. Cette tendance se poursuit depuis plusieurs années.

Dans le premier degré de l’enseignement scolaire public, la Guadeloupe a connu depuis quinze ans une baisse d’effectifs de l’ordre de 34 %, qui se prolongera en 2024 avec une diminution de plus de 500 élèves.

Malgré cette démographie, les moyens d’enseignement n’ont pas été réduits à due proportion, ainsi que le montrent les taux d’encadrement. Le nombre moyen d’élèves par classe à la rentrée 2023 est de 16,5 élèves en éducation prioritaire et de 20,4 élèves hors éducation prioritaire, contre respectivement 17,8 et 22,7 à l’échelon national. De même, le nombre de postes d’enseignants pour 100 élèves est beaucoup plus favorable : 7,8 postes pour 100 élèves à la rentrée 2023 en Guadeloupe contre 6 au niveau national.

Malgré cette démographie, j’y insiste, il n’y a pas d’efforts demandés à due proportion. Cependant, nous devons prendre en compte de manière qualitative les spécificités des outre-mer, et plus particulièrement de la Guadeloupe, avec un maillage plus serré en matière de continuité éducative, notamment avec des établissements d’insertion professionnelle comme les régiments du service militaire adapté (RSMA) ou les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide).

Ce qui est certain, madame la sénatrice, c’est qu’il y a des besoins spécifiques dans les outre-mer, dans votre département en particulier. Les réponses doivent être multiples et à la hauteur des besoins de ces territoires. Au-delà du taux d’encadrement, il faut prévoir un accompagnement territorial renforcé.

arrêt du financement des séances d’éducation à la sexualité

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1215, transmise à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je souhaite avoir quelques éclaircissements et explications sur une instruction interministérielle du 19 août 2022 concernant la stratégie de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes.

Les associations chargées de l’éducation à la vie affective et sexuelle se sont vu répondre par un certain nombre d’agences régionales de santé que l’application de cette instruction allait les conduire à réduire ou à supprimer des financements dévolus à leurs interventions.

Pour ma part, je ne vois pas tellement le rapport avec cette instruction, mais les informations qui me remontent sont bien réelles. Pouvez-vous me confirmer qu’en aucun cas il n’y aura de réduction des financements des associations chargées de l’éducation à la vie affective et sexuelle et qu’il s’agit d’une erreur d’interprétation des ARS, que la ministre doit rapidement corriger ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Rossignol, soyons très clairs : la ministre chargée du travail, de la santé et des solidarités n’a transmis aucune consigne aux ARS concernant un éventuel arrêt des financements des programmes en lien avec l’éducation à la sexualité, aucune ! Je ne peux pas être plus claire.

Une instruction du 23 juin 2023 relative au dispositif de soutien par le Fonds de lutte contre les addictions (FLCA) des actions régionales contribuant à la lutte contre les addictions pour 2023 insiste sur l’intérêt de poursuivre le financement des programmes probants et des interventions prometteuses, avec renvoi à l’instruction interministérielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes, publiée en août 2022.

Plus globalement, certaines ARS engagent des réflexions afin d’obtenir une montée en compétences des acteurs associatifs.

Je le répète, la circulaire porte d’abord sur les addictions. Au-delà, madame la sénatrice, le développement des compétences psychosociales fait partie intégrante de l’éducation à la sexualité et figurera de manière explicite dans le programme d’éducation à la sexualité, comme cela a été demandé au Conseil supérieur des programmes.

Vous pouvez donc rassurer les associations qui sont inquiètes, madame la sénatrice : à aucun moment, la ministre du travail, de la santé et des solidarités n’a fait une telle demande.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. En fait, je comprends mieux !

J’entends que la ministre n’a pas formulé une telle demande, mais je comprends aussi qu’une circulaire interministérielle portant sur la lutte contre les addictions a été diffusée. Les ARS, qui sont probablement à la recherche de financements pour la mettre en œuvre, se demandent donc certainement s’il n’est pas possible de prélever des crédits dévolus à l’éducation à la vie affective et sexuelle afin de financer la lutte contre les addictions.

Que la ministre n’ait pas envoyé d’instructions aux ARS, c’est très bien, mais ce que je demande, pour ma part, c’est qu’elle envoie une instruction aux ARS afin de leur préciser qu’elles ne peuvent en aucun cas supprimer des crédits aux associations qui prennent en charge l’éducation à la vie effective et sexuelle pour financer d’autres missions qui leur sont confiées.

Or vous ne nous avez pas confirmé, madame la ministre, qu’une instruction en ce sens serait bien envoyée aux ARS.

organisation des festivals de l’été pendant les jeux olympiques et paralympiques de paris 2024

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 1086, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Else Joseph. Madame la ministre, notre pays ne peut que se réjouir de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques cet été : ce rendez-vous aura évidemment des retombées positives pour la Nation.

Cependant, nous demeurons inquiets.

L’été, c’est aussi la période idéale pour les festivals : concerts et autres animations sont prévus, dans les Ardennes comme dans le reste de la France.

Alors que l’année 2023 a été exceptionnelle, après les années passées sous le joug du covid-19 – les artistes ont retrouvé leur public et des millions de places ont été vendues –, nous craignons que ce mouvement positif ne soit entravé.

J’ai la douloureuse impression, à l’issue des différentes discussions que j’ai eues avec les représentants nationaux de ces festivals, que rien ne semble avoir été anticipé, préparé ou annoncé, alors que ces manifestations auront lieu, pour certaines, dès le mois de juin.

Certains organisateurs envisagent même une annulation à la dernière minute, faute de ressources humaines ou de matériels ou encore en raison de surcoûts.

Les sapeurs-pompiers, nos forces de sécurité – je pense à la sécurité civile, mais aussi à la Croix-Rouge – seront abondamment sollicités.

Comment habiller Pierre sans déshabiller Paul ? Comment maintenir des moyens constants pour nos festivals, qui risquent d’être les victimes collatérales d’un heureux événement, et éviter toute annulation de dernière minute ?

Madame la ministre, nous manquons cruellement de visibilité.

Ainsi, dans mon département, comme dans d’autres, nous ne disposons pas de référent « festival ». Or nous avons besoin d’un pilotage sur les décisions qui ont été ou qui seront prises. À trois mois des jeux Olympiques et Paralympiques, rien ne semble avoir été prévu ou annoncé.

Comment accompagner nos festivals dans ces moments si délicats ? Comment maintenir une offre culturelle dans nos départements et aider tous nos festivals, sans exception, petits et grands, et surtout comment rassurer leurs organisateurs ?

Madame la ministre, ne transformons pas l’année 2024, année prometteuse, en année désastreuse. Ne faisons pas de l’été 2024 un nouvel hiver pour nos festivals. Vivaldi et ses quatre saisons – pardonnez-moi cette métaphore saisonnière ! – nous donneront-ils toujours de l’espoir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice Joseph, votre attachement aux festivals et à la culture est connu. Vous m’interrogez sur la tenue des festivals dans les Ardennes à partir du mois de juin 2024.

Vous le savez, l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques nécessite une mobilisation historique des forces de sécurité intérieure. Un continuum de sécurité doit être assuré. Durant la période des Olympiades, du 18 juillet au 11 août, aucun événement d’ampleur ne pourra donc être organisé. Dans votre département, le festival Cabaret vert se déroulant du 15 au 18 août, il ne sera pas affecté par cette restriction.

Quant aux événements de moindre ampleur ne nécessitant le recours qu’à des moyens locaux de sécurité intérieure, ils ont vocation à se tenir, à condition de faire un usage modéré des forces de l’ordre, dans le cadre d’un dialogue avec les collectivités territoriales. Pour exemple, dans les Ardennes, les traditionnelles fêtes de Sainte-Anne à Rethel, qui se dérouleront du 27 juillet au 4 août, sont maintenues.

Enfin, s’il n’existe pas de référent départemental « festival » dans les Ardennes à ce stade – je comprends que cela puisse être un manque ou un besoin –, les services préfectoraux assurent la coordination de tous les acteurs mobilisés. Aucun festival n’est, à ma connaissance, annulé à ce jour dans votre territoire.

Madame la sénatrice, je suis consciente de l’importance des animations culturelles et de l’enjeu qu’elles représentent. Elles créent à la fois de l’emploi, du lien social et sont un facteur d’attractivité touristique. C’est pourquoi, je vous l’assure, les services de l’État sont totalement mobilisés et soucieux de dialoguer avec les collectivités territoriales et les organisateurs afin de ne pas créer d’inquiétude supplémentaire.

Il est certain, madame la sénatrice, que nous avons besoin de ces festivals dans nos territoires, car ils leur donnent un visage et y insufflent de la vie, tout comme, d’une certaine manière, l’activité touristique.

alcaloïdes pyrrolizidiniques et désarroi des producteurs

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, auteur de la question n° 1120, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Lucien Stanzione. Madame la ministre, la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) est confrontée à un nouveau défi : les exploitants constatent une hausse de la concentration en alcaloïdes pyrrolizidiniques dans les préparations pour les cosmétiques, l’aromathérapie, les compléments alimentaires et la pharmacie issues de productions comme la lavande, la mélisse, le thym, la menthe poivrée et bien d’autres.

La hausse des niveaux de contamination s’explique par la suppression des solutions de traitement chimique de désherbage. Les conséquences sanitaires et économiques sont énormes, l’élimination des mauvaises herbes entraînant des surcoûts sans pour autant réduire le taux de lots refusés, qui varie entre 20 % à 30 %.

Or les solutions de remplacement au désherbage chimique dont nous disposons actuellement ne sont pas viables économiquement, surtout pour les petites structures, et entraînent une très forte hausse des prix.

Les producteurs réclament un investissement massif dans la recherche de moyens de lutte efficaces contre les mauvaises herbes et les alcaloïdes pyrrolizidiniques. De tels programmes de recherche, du fait de leur caractère urgent et complexe, nécessitent des moyens financiers importants. Il faut agir vite, car, selon les producteurs, une vingtaine de plantes phares des PPAM pourraient ne plus être cultivées en France. Encore plus grave : le maraîchage est également concerné.

Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, madame la ministre, d’abord pour doter la recherche de réels moyens, et pour quel montant, ensuite pour aider les producteurs, et à quel niveau ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Lucien Stanzione, vous mettez le doigt sur un sujet très intéressant, à savoir les conséquences de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires et de l’interdiction d’un certain nombre de molécules. L’écologie n’est pas si simple : interdire certains produits signifie affronter de nouvelles problématiques, qui peuvent être d’ordre sanitaire.

Vous évoquez dans votre question les alcaloïdes pyrrolizidiniques, qui sont des substances naturellement présentes dans certaines plantes, principalement des adventices, pouvant contaminer les récoltes.

L’exposition à ces contaminants suscite des préoccupations sanitaires depuis une dizaine d’années. Vous le savez, dans l’avis qu’elle a publié, en 2017, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a confirmé le caractère cancérigène et génotoxique de ces substances, que l’on peut trouver dans les miels, les tisanes et les compléments alimentaires.

C’est la raison pour laquelle des mesures de gestion des risques ont été mises en place. Des teneurs maximales réglementaires ont été adoptées et publiées dès le mois de décembre 2020.

Face à ces risques, nous continuons d’autoriser l’emploi de certains produits pour lutter contre les adventices susceptibles de produire ce type d’alcaloïdes : il s’agit de spécialités à base de pyridate, de 2,4-D (acide 2,4-dichlorophénoxyacétique), de métazachlore, qui peuvent être utilisées seules ou en association avec d’autres produits à base de clomazone, aclonifen et pendiméthaline. Par ailleurs, une demande d’autorisation pour un produit à base de pyridate est expertisée en 2024.

Néanmoins, les difficultés que vous mentionnez soulèvent la question du « Pas d’interdiction sans solution ». Dans cette optique, nous avons investi massivement – 250 millions d’euros – dans le cadre du Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) afin de proposer de nouvelles solutions innovantes.

Pour répondre à la question que vous avez posée, un conventionnement direct de la direction générale de l’alimentation (DGAL) est prévu dans le cadre de projets ciblés, à hauteur de 4 millions d’euros. Par ailleurs, le ministère de l’agriculture est en train d’étudier la proposition de projet ciblé de l’Institut technique de cette filière.

En parallèle, j’ai récemment mis en place un comité des solutions, qui vise à trouver des solutions à ces situations d’impasse en recherchant dans toute la panoplie qui est à notre disposition, et à réglementation constante, des autorisations de mise sur le marché qui n’auraient pas été étendues ou des reconnaissances mutuelles de produits utilisés dans d’autres pays européens de manière sécurisée.

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour la réplique.

M. Lucien Stanzione. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse. Cela étant, vous n’avez pas précisé de quelle manière vous comptez venir en aide aux producteurs de plantes PPAM qui sont actuellement touchés. En attendant que des crédits soient octroyés à la recherche et que cette dernière produise des effets, ces producteurs sont dans une situation délicate. Il faut réfléchir à leur indemnisation.

conséquences de l’utilisation des dispositifs antigrêle et impact sur les précipitations

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 1196, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Monique de Marco. Madame la ministre, des dispositifs antigrêle se multiplient sur l’ensemble du territoire national. Il peut s’agir de canons antigrêle, qui envoient des explosions répétitives générant de puissantes ondes de choc jusqu’à la stratosphère, ou, plus récemment, de l’ensemencement des nuages par l’iodure d’argent, comme cela est pratiqué en Gironde, où l’on compte 137 générateurs. Ces diffuseurs envoient dans l’atmosphère des milliards de particules d’iodure d’argent afin de saturer les nuages et de transformer la grêle en pluie ou de réduire la taille des grêlons.

La fiche toxicologique de l’iodure d’argent met en évidence que, malgré le manque d’études sur ce sujet, « la pulvérisation d’aérosols d’iodure d’argent peut entraîner une contamination des sols et des milieux aquatiques, dont on ignore actuellement l’impact sur l’environnement ».

Or l’iodure d’argent se bioaccumule, notamment dans les sols, comme l’a mis en avant le laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (Epoc) dans une étude parue en mars 2023. Les auteurs du rapport insistent aussi sur le fait qu’il n’existe pas de réglementation encadrant la pratique.

Le Gouvernement déclarait en octobre 2018 qu’« il n’existe pas de démonstration robuste de l’efficacité de cette technique ». Il n’est donc pas possible d’en évaluer la pertinence économique, car les bénéfices ne sont pas assurés. Les météorologues, dans leur grande majorité, sont quant à eux défavorables à ce type d’action et insistent sur le fait que son efficacité n’est pas avérée. Météo France estime que l’utilité des dispositifs antigrêle n’est à ce stade pas démontrée.

Or, face aux effets de plus en plus importants des changements climatiques et de la baisse de la pluviométrie, qui réduit le niveau des nappes phréatiques, l’utilisation de ces dispositifs suscite des interrogations, car les concentrations d’iodure d’argent dans les sols seraient plus importantes en cas de sécheresse.

Madame la ministre, avez-vous prévu d’engager une politique de recherche sur les dispositifs d’ensemencement par l’iodure d’argent afin de faire la lumière sur leurs effets sanitaires et météorologiques ? Par ailleurs, au nom du principe de précaution, avez-vous prévu d’encadrer cette pratique en attendant les conclusions d’études complémentaires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice de Marco, vous m’interrogez sur les dispositifs d’ensemencement de nuages à base d’iodure d’argent. Ces systèmes, utilisés dans d’autres pays, notamment en Chine, font aujourd’hui l’objet d’un examen attentif en Europe avant toute forme d’autorisation. Le procédé étant nouveau, tous ses effets sur les équilibres écosystémiques doivent en effet être analysés.

Ce type de procédé soulève des questions qui nécessitent de conforter les premières évaluations effectuées par l’Organisation météorologique mondiale sur son efficacité et surtout sur son innocuité sur la santé humaine et sur l’environnement, mais également sur la cinétique du dérèglement climatique.

Les organismes européens et nationaux compétents doivent continuer à expertiser ce sujet. C’est dans ce cadre d’action raisonné que le Gouvernement inscrira son action pour accompagner les agriculteurs face au dérèglement climatique.

Dans ce contexte, votre interrogation concernant spécifiquement les dispositifs antigrêle pose la question des moyens mobilisés par le Gouvernement pour accompagner les agriculteurs face au dérèglement climatique.

Cet accompagnement repose sur plusieurs dispositifs, d’abord sur la réforme de l’assurance récolte, qui prévoit un engagement budgétaire massif de l’État ; ensuite, sur le financement de la recherche et de l’innovation pour prévenir les situations de grêle ou de sécheresse, en plus du plan Eau ; enfin, dans le cadre du plan France 2030 et en matière d’innovation, près de 1,8 milliard d’euros sont mobilisés pour accompagner l’agriculture, notamment pour permettre son adaptation au dérèglement climatique.

Vous le voyez, nous choisissons plutôt la voie de l’adaptation et de la résilience plutôt que celle d’une « science sans conscience ».

application du décret relatif à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les sites natura 2000

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 1214, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, il existe des décisions qui visent à atteindre des objectifs, certes louables, mais dont la mise en œuvre est source d’incompréhensions et d’injustices.

À la suite d’une condamnation de la France, le décret n° 2022-1486 du 28 novembre 2022 encadre l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000.

Depuis le 17 novembre 2023, les préfets ont pour mission de procéder sans délai au recensement des sites concernés. Une instruction technique appelle ainsi à une application couperet des interdictions, à une contractualisation obligatoire des mesures agroenvironnementales et climatiques, voire à une conversion en bio.

Nous sommes assez loin de la démarche concertée et volontaire choisie par la France lors de la création du réseau Natura 2000.

Dans les Alpes de Haute-Provence, les agriculteurs concernés nous font pourtant part de leur volonté d’ouvrir des discussions pour trouver des solutions concertées et contractualisées, adaptées aux réalités locales.

Dans le secteur de la lavande, déjà touché par des épisodes climatiques et épidémiques, confronté à une très forte concurrence et aidé par la puissance publique en conséquence, les lavandiculteurs du plateau de Valensole sont fortement touchés par ces restrictions, sur un périmètre de près de 15 000 hectares, sans qu’aucune concertation ni contrepartie soient envisagées.

Les arboriculteurs du département dénombrent plusieurs vergers situés dans des zones classées a posteriori dans les zones Natura 2000. Or il faut rappeler, mes chers collègues, que bien des progrès ont été réalisés depuis 1999, notamment dans la nature et l’usage des phytosanitaires employés.

Par ailleurs, et nous avons tout lieu d’en être fiers, des investissements importants ont été réalisés sur ces exploitations pour économiser la ressource en eau, entre autres, grâce à des procédés respectueux de l’environnement. Ces arboriculteurs ont ainsi été aidés dans leur transition écologique par des financements publics, ce qui a permis à leurs vergers de bénéficier de la classification « exploitation de haute valeur environnementale ».

Aujourd’hui, l’application stricte de ces nouveaux zonages ne prend pas en compte les progrès réalisés depuis lors. Elle fragilise notre filière arboricole, qui subit des distorsions de concurrence majeures, alors que 71 % des fruits consommés sur notre territoire sont importés.

Madame la ministre, nos lavandiculteurs et arboriculteurs encaissent un coup supplémentaire. Aussi, je demande que des concertations soient ouvertes pour évaluer au mieux la possibilité de contractualisations locales tenant compte des progrès réalisés et, si besoin, pour mettre en œuvre des mesures d’indemnisation adéquates. Nous savons que des exceptions sont possibles, comme en témoigne la décision que vous avez prise le 5 avril concernant la betterave sucrière.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, je vous remercie de cette question, qui montre que la gestion environnementale de l’agriculture suppose à la fois nuance et concertation.

Vous l’avez dit, la gestion des sites Natura 2000 repose sur des mesures de protection de la faune et de la flore, adaptées aux situations locales, formalisées dans des contrats et des chartes.

Rappelons quelques chiffres : le réseau français Natura 2000 comporte un peu plus de 1 750 sites terrestres et marins, représentant une surface terrestre de 7 millions d’hectares au total, soit environ 10 % de la surface agricole utile nationale. La moitié environ de cette surface est en prairie permanente, donc peu ou non concernée par les produits phytosanitaires. L’autre partie doit conjuguer gestion de l’environnement et production, à un moment où il faut protéger nos filières pour nourrir nos populations dans l’objectif d’assurer notre souveraineté alimentaire, sachant que notre agriculture est mieux-disante d’un point de vue environnemental que celle de bien d’autres pays.

Vous faites référence à une instruction concernant la mise en œuvre du décret du 28 novembre 2022 relatif à l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000, qui a été envoyée aux préfets. Vous le savez, cette instruction propose une mise en œuvre de l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en deux temps.

D’abord, il s’agit, à court terme, d’identifier les sites présentant des enjeux particuliers en matière d’utilisation de ces produits. Sur ces sites, des mesures réglementaires, qu’il s’agisse d’arrêtés de protection ou d’arrêtés de zonage, pourront intervenir, mais des mesures volontaires seront avant tout privilégiées. Je le dis avec d’autant plus de force que nous travaillons actuellement sur le plan Écophyto 2030, lequel sera publié dans les prochains jours, et que nous ne souhaitons pas, c’est important de le dire, qu’il prévoie un nouveau zonage. Cela ne diminue en rien notre objectif de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires. Ce plan doit être coconstruit de manière raisonnée, en mettant toutes les parties prenantes autour de la table.

Ensuite, à long terme, dans le cadre de la décentralisation de l’autorité de gestion des sites Natura 2000, l’État veillera à assurer une articulation avec les régions sur l’examen et l’évaluation des objectifs de ces sites.

Vous l’avez compris, notre objectif est clair : protéger l’environnement, bien sûr – c’est l’intérêt de tous, des agriculteurs comme des citoyens –, tout en préservant nos filières, car nous avons tous collectivement intérêt à continuer de produire en France.