REUNION DE LA DELEGATION DU 24 SEPTEMBRE 2002

- état des réflexions au sein de la Convention  
- proposition de réforme de la COSAC
- proposition d'un "Congrès européen"


Échange de vues sur « le rôle des parlements nationaux
au sein de l'Union européenne »

M. Hubert Haenel

J'ai souhaité que nous ayons, dès la reprise de nos réunions, un échange de vues sur le rôle des parlements nationaux au sein de l'Union européenne. Et cela pour deux raisons.

La première tient à la constatation que le sujet sur lequel la Convention a avancé le plus avant ses réflexions est précisément celui des parlements nationaux et de leur implication dans le contrôle de la subsidiarité. Je crois donc nécessaire de vous exposer l'état des travaux de la Convention à ce sujet ainsi que les propositions vers lesquelles elle paraît s'orienter. A cette occasion, je vous expliquerai la position que j'ai été amené à adopter au sein de la Convention. Cette position repose évidemment sur les travaux que nous avons menés ici avant même les débuts de la Convention et sur le dispositif en faveur duquel nous nous sommes prononcés, sur le rapport de Daniel Hoeffel, à propos de l'idée d'une « deuxième chambre » européenne.

Mais, avant d'entrer dans le fond du débat, je veux attirer votre attention sur le fait que, pour que la Convention puisse aboutir à des conclusions de caractère consensuel, il faut que chaque conventionnel prenne en compte les positions des autres conventionnels, en sorte de déterminer un point d'équilibre susceptible de satisfaire le plus grand nombre. Il est donc nécessaire que chacun évolue en fonction des débats. C'est ce que j'ai fait et je veux vous expliquer aujourd'hui en quoi et pourquoi j'ai été amené à infléchir mes propos. Et je souhaite bien sûr que vous réagissiez à cela afin de me permettre de constater si je reste ainsi en concordance avec la délégation, car, je le répète, mon action au sein de la Convention n'a de réelle portée et de réelle valeur que si je suis en mesure de m'adosser aux orientations de la délégation et du Sénat.

La deuxième raison pour laquelle il est nécessaire que nous traitions de la question des parlements nationaux dès aujourd'hui, c'est que le 9 octobre, la délégation rencontrera Mme Gisela Stuart, députée britannique, qui est la présidente du groupe de travail créé au sein de la Convention sur le rôle des parlements nationaux. Avant de poursuivre les travaux de son groupe de travail, Mme Stuart a souhaité rencontrer les commissions parlementaires européennes d'un certain nombre d'États membres. Le 9 octobre, elle participera le matin à la réunion de la délégation de l'Assemblée nationale et l'après-midi à notre réunion.

De manière plus générale, le 12 novembre, une question orale européenne sur la Convention sera inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Cette question orale européenne nous permettra d'associer à ce débat fondamental des sénateurs qui ne sont pas membres de la délégation.

I. ÉTAT DES TRAVAUX DE LA CONVENTION SUR LE RÔLE DES PARLEMENTS NATIONAUX

Les travaux de la Convention sur le rôle des parlements nationaux ont commencé par un débat général en séance plénière le 7 juin et se sont poursuivis dans le cadre de groupes de travail.

a) Le débat général

Le débat général a été assez décevant car il est resté extrêmement flou sans que l'on puisse vraiment discerner des orientations claires. Il a cependant permis de faire apparaître deux tendances lourdes :

- le rejet d'une deuxième chambre,

- la volonté de mieux associer les parlements nationaux, notamment pour l'application du principe de subsidiarité.

Le rejet de la deuxième chambre est apparu très nettement majoritaire au sein de la Convention. Il reposait sur des motivations très diverses :

- pour certains, influencés par la conception d'un « fédéralisme à l'allemande », le Conseil devait devenir la deuxième chambre et il n'y avait dès lors pas de place pour une troisième chambre émanant des parlements nationaux ;

- pour d'autres, une Chambre composée de parlementaires nationaux ne pouvait qu'affaiblir le Parlement européen, alors qu'il convenait au contraire de le renforcer ;

- pour d'autres encore, toute nouvelle institution risquait de rendre les institutions européennes plus complexes et moins lisibles pour les autres citoyens, alors qu'au contraire il convenait de les simplifier pour les rendre compréhensibles.

En revanche, dans les diverses propositions qui ont été formulées afin de mieux associer les parlements nationaux, on retrouvait l'esquisse de la plupart des propositions que nous avions retenues sur le rapport de Daniel Hoeffel. En effet, le souhait d'un rôle accru des parlements nationaux est apparu largement partagé : c'était le mot « deuxième chambre » ou « Sénat » qui suscitait l'opposition.

J'ai donc été amené à infléchir la manière de présenter nos préoccupations et j'ai renoncé à l'enveloppe - « la deuxième chambre » - pour mieux promouvoir le contenu - le rôle des parlements nationaux dans l'application de la subsidiarité, dans le contrôle des domaines où domine l'intergouvernemental ainsi que dans des débats généraux sur l'état de l'Union.

Abandonner l'appellation - qui, au sein de la Convention, était devenue une sorte de chiffon rouge - m'a permis de mieux défendre le fond de nos propositions, le but que nous poursuivons, en étant écouté et entendu. Ce qui compte, c'est que les parlements nationaux soient effectivement associés et non pas l'étiquette que l'on peut mettre sur cette association.

b) Les groupes de travail

Les travaux de la Convention sur les parlements nationaux se sont poursuivis au sein de deux groupes de travail :

- un groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux, présidé par Mme Gisela Stuart ;

- un groupe de travail sur la subsidiarité, présidé par M. Inigo Mendez de Vigo, député européen.

En effet, au sein de ce dernier groupe, une tendance majoritaire s'est rapidement dégagée pour placer les parlements nationaux au centre du mécanisme de contrôle de la subsidiarité. Il y a donc eu une certaine convergence entre les travaux des deux groupes qui ont dû tenir une réunion commune.

C'est à propos de la subsidiarité que les travaux ont avancé le plus vite pour déboucher sur un dispositif d'ensemble qui est le suivant :

- la Commission européenne adresserait à chaque parlement national, en même temps qu'aux législateurs communautaires (Conseil et Parlement), ses propositions de loi ;

- chaque parlement national (plus exactement chaque chambre) aurait alors la faculté de brandir un « carton jaune », sous forme d'un avis motivé expliquant en quoi telle ou telle proposition ne respecte pas le principe de subsidiarité ;

- si cet avis provenait d'une seule chambre ou d'un nombre limité de chambres, la Commission devrait alors seulement motiver à nouveau sa proposition au regard de la subsidiarité ;

- si cet avis provenait d'un nombre significatif de parlements nationaux, la Commission serait tenue de réexaminer sa proposition ;

- enfin, les parlements nationaux pourraient saisir la Cour de justice, après l'adoption d'un texte législatif, s'ils estimaient que celui-ci ne respecte toujours pas le principe de subsidiarité ; ils auraient ainsi à leur disposition une sorte de « carton rouge » débouchant sur un contrôle juridictionnel.

Il reste à préciser un certain nombre de points qui demeurent actuellement ambigus sur les modalités de mise en oeuvre. Mais il me semble que le dispositif d'ensemble est assez séduisant :

- d'abord parce qu'il implique les parlements nationaux dans le contrôle de la subsidiarité, reconnaissant ainsi qu'ils sont les mieux placés et les plus motivés pour faire respecter ce principe. Cette compétence nouvelle des parlements nationaux ne pourra que les inciter à davantage s'intéresser à l'élaboration de la loi communautaire, ce qui est hautement souhaitable ;

- ensuite, parce que ce dispositif poussera les parlements nationaux à se rapprocher et à agir en commun. Les avis motivés auront d'autant plus de poids qu'ils émaneront d'un nombre important d'assemblées. Celles-ci seront donc incitées à se communiquer leurs réflexions à ce sujet et à se concerter. Or, tout travail en commun des parlements nationaux est également un phénomène très positif.

Sur les autres aspects du rôle des parlements nationaux, la réflexion est moins avancée et je ne peux pas aujourd'hui vous dire le sens dans lequel le groupe de travail se prononcera.

Ces autres aspects du rôle des parlements nationaux rejoignent d'ailleurs les deux autres points que nous évoquerons dans notre réunion d'aujourd'hui : la réforme de la COSAC et la proposition d'un « Congrès européen ».

Toutefois, avant d'aborder ces deux autres thèmes, je crois utile d'ouvrir le débat afin de savoir si vous approuvez ma démarche qui a consisté à privilégier le fond sur la forme et afin de connaître vos réactions sur le dispositif relatif à la subsidiarité qui est envisagé par la Convention.

M. Daniel Hoeffel :

Chaque fois que j'ai eu à présenter notre idée d'une seconde Chambre, j'ai mesuré qu'elle se heurtait à une très forte opposition et notamment à l'hostilité farouche des membres du Parlement européen. Et je comprends parfaitement que, compte tenu de ce climat défavorable - et du fait que notre proposition, comme vous l'avez souligné, est souvent mal comprise - vous ayez donné priorité au fond sur la forme.

Néanmoins, je crains que le système européen continue à manquer d'un contrepoids capable de tempérer certains excès. Je regrette que le Parlement européen donne priorité à son propre développement sur l'idée d'institutions mieux équilibrées, plus rassurantes sur les citoyens.

D'autant que notre proposition avait l'avantage d'introduire une instance parlementaire où les États membres auraient été représentés à égalité, et non sur une base démographique comme au Parlement européen. C'était à mes yeux une garantie de meilleures relations entre « grands » et « petits » pays.

M. Hubert Haenel :

Croyez bien que je n'abandonne aucune de nos préoccupations ! Mais, comme je l'ai déjà souligné à la délégation, le Parlement européen est très présent dans les débats et pèse beaucoup dans la Convention, qui se déroule dans ses locaux. J'approuve votre préoccupation de réconcilier « petits » et « grands » États membres. J'évoquerai tout à l'heure les perspectives de rénovation de la COSAC, où les pays sont tous représentés à l'égalité.

M. Pierre Fauchon :

Je crois également qu'il faut, dans une enceinte comme la Convention, savoir partir des réalités et regarder ce qui est possible. Mais rien ne nous interdit, lorsque nous sommes ici, entre nous, d'évoquer ce qui serait souhaitable.

Dans cet esprit, je crois que nous devons songer à mieux séparer l'Exécutif du Législatif, tout en considérant que la construction européenne est fondée sur des États ayant chacun leur identité, en même temps que sur une dimension proprement européenne. Cela devrait nous conduire à envisager un Législatif comme un Exécutif où se retrouvent les deux dimensions de la construction européenne. Une Constitution idéale devrait à mon avis assumer ce dualisme tout en respectant la séparation des pouvoirs.

Aujourd'hui, le Conseil a un double rôle, exécutif et législatif. Or, dans son rôle législatif, le Conseil assure mal la représentation des cultures législatives nationales. Ce n'est pas sa vocation. Les administrations jouent un grand rôle dans le fonctionnement du Conseil, auquel les ministres ont peu de temps à consacrer. Ainsi, les cultures législatives nationales ne s'expriment pas, puisque ce n'est pas non plus la vocation du Parlement européen.

Cette situation a pour conséquence que les domaines « vraiment » législatifs ne sont pas toujours bien abordés. Prenons l'exemple du mandat d'arrêt européen, dont on a beaucoup parlé il y a quelques mois : il est clair que les choses n'avancent guère, et que pendant ce temps les bandits continuent à courir ! Pourquoi ces difficultés ? Parce qu'on ne pourra vraiment progresser que si l'on parvient à unifier les systèmes juridiques et les législations. Or, à mon avis, on ne pourra réussir cette unification si l'on ne prend pas correctement en compte les cultures juridiques nationales.

Pour ce qui est du contrôle de la subsidiarité, je préfère y voir avant tout un instrument pour faire progresser l'association des parlements nationaux, car pour ma part je ne crois guère à cette notion indéfinissable. Il n'y a pas de domaines par nature européens et d'autres par nature nationaux. Pour préciser la frontière, nous n'avons pas d'autre guide que les traités. Il faut les faire respecter, c'est pourquoi j'approuve l'idée d'ouvrir aux parlements nationaux la saisine de la Cour de justice. En revanche, l'intervention des parlements nationaux sur ce thème durant le processus législatif sera-t-elle utile ? Il n'y a pas de culture commune entre les parlements nationaux, et ceux-ci risquent de ne pas raisonner en termes communautaires. Est-ce qu'on ne va pas assister à des prises de positions multiples et désordonnées, qui risquent de freiner le processus législatif ou de le rendre plus confus ?

Une seconde chambre aurait été une meilleure formule ; elle aurait dégagé une culture commune de la subsidiarité tout en prenant en compte l'esprit communautaire. Je suis allé il y a peu de temps en Inde. Si l'on considère les choses sans préjugés, on peut se demander si le fédéralisme indien, qui repose sur une grande diversité culturelle, ne serait pas une référence plus intéressante pour un fédéralisme européen que l'Allemagne ou les États-Unis, qui sont des pays bien plus homogènes : or, il existe dans le système indien une seconde Chambre émanant des parlements nationaux.

M. Hubert Haenel :

Bien sûr, sur le plan des principes, l'idée que le Conseil agissant comme législateur soit composé de représentants des parlements nationaux est une idée séduisante. L'Assemblée de l'UEO s'est d'ailleurs prononcée en ce sens. Mais cette idée d'avant-garde est plutôt à réserver pour le futur ! Au sein de la Convention, elle n'a pratiquement pas de soutien et nous devons partir des réalités : il faut trouver un consensus à quinze, et tenir compte des treize pays candidats... Les esprits ne sont pas mûrs pour entrer dans ce débat. Et les gouvernements ne sont pas disposés à perdre leur rôle législatif dans le système européen.

Je ne crois pas que les propositions du groupe de travail sur la subsidiarité doivent nous inquiéter. Un des grands objectifs de la Convention est de parvenir à une répartition plus claire des compétences. Mais, si nous arrivons à un « traité constitutionnel » qui soit satisfaisant sur ce point, il faudra bien un gardien qui soit en mesure de contrôler que l'action européenne, tant pour son domaine que pour son intensité, correspond à ce qui est nécessaire et non à un désir arbitraire d'intervention.

A l'heure actuelle, nous n'avons pas de répartition claire des compétences et le principe de subsidiarité  -qui ne fixe pas la répartition des compétences, mais définit l'esprit dans lequel on doit la mettre en oeuvre - n'est pas garanti, car ni les gouvernements ni les institutions européennes ne saisissent la Cour de justice sur ce terrain. Il est donc normal que les parlements nationaux puissent intervenir pour faire respecter la répartition des compétences et le principe de subsidiarité. Ils pourront le faire en saisissant la Cour de justice, ce qui sera un réel progrès, mais il est bon qu'ils puissent intervenir plut tôt : pourquoi aller devant la Cour si le problème peut être résolu plus tôt, par un dialogue politique ? Je crois que la formule de M. Mendez de Vigo a le mérite de prendre en compte les deux dimensions du principe de subsidiarité, la dimension politique et la dimension juridique, en conciliant l'intervention des parlements nationaux et l'arbitrage possible d'une juridiction.

Nous devons songer au moment où, après la Conférence intergouvernementale, le texte du « traité constitutionnel » sera présenté aux populations, éventuellement dans le cadre d'un référendum. Si, à ce moment-là, nous pouvons dire aux électeurs : désormais, vous serez protégés contre les débordements réglementaires de l'Europe, et ce sont vos parlementaires qui seront chargés d'y veiller, je crois que cela contribuera à rassurer bien des citoyens, à faciliter leur approbation.

M. Maurice Blin :

Bien sûr, il y a parfois des débordements, la chasse étant l'exemple le plus saillant. Mais la subsidiarité est une notion peu précise. Ne va-t-on pas l'utiliser pour enlever à la construction européenne une partie de sa substance ? N'y a-t-il pas, derrière le dispositif proposé, une influence principalement britannique ? Quelle est la position anglaise sur ce sujet ?

M. Hubert Haenel :

En fait, je ne crois pas qu'on puisse discerner une influence britannique particulière dans les résultats du groupe de travail. C'est plutôt l'Allemagne qui est apparue en flèche sur le problème de la subsidiarité ! Mais la plupart des pays se sont exprimés dans le même sens ; l'aspiration à une meilleure garantie du principe de subsidiarité paraît très largement partagée. Dans une « Fédération d'États-Nations », il faut bien que les États puissent être assurés que les identités nationales seront respectées.

M. Yann Gaillard :

Je trouve intéressant le système proposé pour le contrôle de la subsidiarité, mais je regrette que ce soit la Cour de justice qui soit appelée à trancher en dernière instance. Cette juridiction n'a guère été sensible, jusqu'à présent, aux questions relatives à la subsidiarité : elle a plutôt pesé en sens contraire. Je préfèrerais une juridiction ad hoc.

M. Hubert Haenel :

J'aurais également préféré que le groupe de travail retienne le principe d'une juridiction inspirée du modèle français du Conseil constitutionnel. Mais, pour l'instant, il n'y a pas de consensus sur la création d'une nouvelle institution juridictionnelle.

M. Michel Caldaguès :

Ce n'est pas de moi que viendront les critiques contre l'idée d'une « seconde chambre » européenne, ayant été l'un des premiers à en évoquer le principe. Je n'en approuve pas moins votre démarche pragmatique. Nous avons fait des progrès significatifs sur le plan intérieur avec l'article 88-4 de la Constitution, grâce auquel le Parlement a acquis un droit de regard sur les questions européennes. Le mécanisme que vous nous avez décrit - qui constituerait une forme d'« exception de subsidiarité » - serait un moyen de faire de nouveaux progrès et d'aller vers une association plus collective des parlements nationaux. C'est le type de juridiction retenu qui me paraît faire problème et je rejoins là pleinement l'observation de Yann Gaillard. Je ne serais pas, pour ma part, partisan d'une solution purement juridictionnelle : je préfèrerais un organe ayant une dimension politique.

M. Robert Badinter :

Il m'est difficile de prendre position sur des questions ponctuelles. Insatisfait de la tournure des travaux de la Convention, j'ai entrepris de rédiger moi-même un projet complet de Constitution pour l'Europe. Une Constitution est une totalité. Pour l'élaborer, la négociation diplomatique n'est pas une approche adaptée. Une chose est de négocier le traité de Vienne, une autre de rédiger l'Acte additionnel aux contributions de l'Empire. Je me propose, naturellement, d'informer les membres de la délégation du résultat de mon travail, mais en le présentant dans son ensemble.

M. Hubert Haenel :

Nous aurons donc ultérieurement un débat spécifique sur la base de vos propositions. Je vais aborder maintenant les deux derniers points de ma communication : les perspectives de réforme de la COSAC et le débat sur un « Congrès européen ».

II. PROPOSITIONS DE RÉFORME DE LA COSAC

La COSAC de Madrid, en mai dernier, avait demandé que l'on prépare, pour la réunion d'octobre à Copenhague, des propositions visant, d'une part, à renforcer le rôle des parlements nationaux dans la politique européenne, et, d'autre part, à réformer la COSAC.

La présidence danoise a donc élaboré un document de travail intitulé : « Propositions de renforcement du rôle des parlements nationaux dans la politique européenne et de réforme de la COSAC, Forum des parlements ».

Le document préparé par le Folketing propose de rejeter l'idée d'une seconde chambre et de privilégier l'intégration systématique de la politique communautaire dans les parlements nationaux. A cet effet, il préconise, d'une part, une réforme des méthodes de travail des parlements nationaux en ce qui concerne les questions communautaires et, d'autre part, une réforme de la COSAC visant à lui donner les moyens de renforcer la coopération entre les parlements nationaux. Tout en mettant l'accent sur la nécessité de resituer l'examen de la subsidiarité dans le cadre d'une COSAC réformée, le document danois suggère un certain nombre de propositions précises visant à permettre un fonctionnement meilleur de la COSAC :

- mise en place d'un secrétariat de la COSAC,

- élection d'une direction permanente de la COSAC comprenant les représentants de cinq à sept pays avec une rotation ;

- modification du mode de décision au sein de la COSAC afin qu'une minorité ne puisse plus empêcher l'adoption d'une déclaration ;

De plus, il propose la modification du nom de la COSAC qui s'intitulerait désormais « Forum des parlements ».

Ce document de travail a fait l'objet d'un débat au cours de la réunion des présidents des commissions européennes qui s'est tenue à Copenhague le lundi 16 septembre. Cette réunion était préparatoire à la réunion de la COSAC qui se déroulera à la mi-octobre. Au cours de cette réunion, il y a eu un tour de table de l'ensemble des participants afin de connaître les réactions de chacun aux propositions formulées par la présidence danoise. Nous avons pu constater une tonalité générale extrêmement positive et favorable aux propositions de la part de l'ensemble des délégations, à l'exception de la délégation du Bundestag allemand. En effet, le représentant du Bundestag allemand a fait savoir qu'il considérait que la COSAC ne devait pas être institutionnalisée, qu'il ne fallait pas lui conférer une capacité décisionnelle, et qu'il ne fallait en aucun cas qu'elle puisse faire concurrence au Parlement européen. En conséquence, il refusait l'ensemble des propositions formulées, estimant que seule la Convention devait aborder ces questions. Je précise que, constatant son isolement, le représentant allemand nous a paru toutefois moins intransigeant dans la suite du débat. En revanche, les autres délégations se sont prononcées favorablement à la mise en place d'un secrétariat, à l'établissement d'une direction, ainsi qu'à une modification du mode de décision. En revanche, beaucoup ont estimé qu'il n'était pas souhaitable aujourd'hui de procéder à une modification de l'appellation et qu'il était préférable de remettre cette question à plus tard, après la fin des travaux de la Convention et de la Conférence intergouvernementale.

La présidence danoise va donc organiser le débat de la COSAC de la mi-octobre en fonction de ces orientations dont nous ne pouvons que nous réjouir puisqu'elles rejoignent les demandes que nous avons formulées depuis plusieurs années.

III. PROPOSITION D'UN « CONGRÈS EUROPÉEN »

L'idée d'un « Congrès européen » rassemblant des parlementaires nationaux et des parlementaires européens a connu une nouvelle actualité avec l'article publié par le président de la Convention, M. Valéry Giscard d'Estaing, le 23 juillet, dans « Le Monde » et trois autres quotidiens européens. Il me semble que cette idée peut être porteuse d'avenir dès lors que l'on pose en préalable quelques principes essentiels :

- le Congrès n'aurait aucune vocation législative. La loi européenne continuerait d'être adoptée par le Conseil et le Parlement européen ; le Congrès ne serait donc aucunement un concurrent du Parlement européen en matière législative,

- le Congrès n'interviendrait pas davantage en matière de subsidiarité ; cette question serait en effet du ressort des parlements nationaux individuellement ou collectivement dans le cadre de la COSAC. De même, la coopération entre parlements nationaux se ferait toujours dans le cadre de la COSAC ; le Congrès ne serait donc pas un concurrent de la COSAC,

- la vocation essentielle du Congrès serait de confier une légitimité plus large au président de la Commission.

En effet, un des problèmes essentiels qu'il convient de résoudre pour l'architecture future de l'Union européenne est celui de la légitimité du président de la Commission. Comment mieux asseoir cette légitimité ? Les solutions ne sont pas innombrables.

La première consiste à le faire élire au suffrage universel. Cela paraît hors de propos dans le contexte du moment et peu compatible avec l'idée d'une Fédération d'États-nations.

La seconde solution consiste à le faire désigner par le Parlement européen. Mais on sait aussi ce que cela signifie. La perte d'indépendance de la Commission. Sa politisation. Le risque d'un affrontement avec le Conseil et les États membres. C'est là une solution extrêmement dangereuse qui porterait atteinte au triangle institutionnel et au bon fonctionnement de la méthode communautaire.

La troisième solution consisterait à confier l'investiture du président de la Commission à un « Congrès européen », constitué pour un tiers de représentants du Parlement européen, et pour deux tiers de représentants des parlements nationaux. Ceci contribuerait à asseoir la légitimité de la Commission, tout en lui assurant une certaine indépendance par rapport au Parlement européen. Cette investiture pourrait se faire sur présentation d'orientations générales qui seraient ainsi approuvées par le Congrès. Et l'on pourrait envisager un rendez-vous annuel au cours duquel la Commission rendrait compte devant ce Congrès du respect de ces orientations. Bien évidemment, la responsabilité de la Commission ne devrait plus être mise en oeuvre devant le Parlement européen, mais devant le Congrès. C'est la conséquence du parallélisme des formes : c'est l'instance qui nomme qui est en mesure de révoquer.

Ce sont là quelques idées que j'ai développées dans une contribution que j'ai remise à la Convention il y a une quinzaine de jours.