REUNION DE LA DELEGATION DU 26 JUIN 2002


Institutions communautaires

Audition de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée
aux Affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Séville des 21 et 22 juin 2002

M. Hubert Haenel :

C'est un très grand plaisir pour moi d'accueillir Mme la Ministre déléguée aux Affaires européennes qui est une amie de longue date. Je la remercie d'avoir accepté de venir devant la délégation huit jours après sa nomination. Comme tout ministre des Affaires européennes, elle sera l'interlocutrice privilégiée de notre délégation tout au long des prochaines années. Je lui laisse sans tarder la parole pour nous exposer les conclusions du Conseil européen de Séville.

Mme Noëlle Lenoir :

Le Conseil européen de Séville a été le point d'orgue d'une présidence espagnole plutôt active et efficace. S'il ne comportait pas d'enjeu crucial, le président du gouvernement espagnol souhaitant que ce soit un sommet consensuel, il a néanmoins été l'occasion de décisions et de débats importants et utiles dans de nombreux domaines.

La lutte contre l'immigration clandestine a été la priorité affichée à Séville par la présidence espagnole, afin de répondre aux inquiétudes des citoyens européens. Les Quinze ont adopté un plan d'action comportant de nombreuses mesures concrètes dans les domaines de la lutte contre l'immigration illégale, du contrôle des frontières et de l'asile. Ils ont fixé un calendrier précis et rapproché pour encadrer les travaux législatifs en cours, notamment dans le domaine de l'harmonisation des politiques d'asile. Un bilan sera fait au prochain Conseil européen de Copenhague. Par ailleurs, pour les relations avec les pays tiers, nous avons pu faire prévaloir une approche fondée sur le dialogue et l'incitation et non pas sur la sanction ou la conditionnalité.

Voici quelques exemples des mesures concrètes adoptées à Séville, dans trois domaines.

Afin de lutter contre l'immigration clandestine,

- le Conseil va adopter dans les mois qui viennent des mesures pour sécuriser les visas : protection des vignettes contre la falsification, indication d'éléments permettant d'identifier précisément leur détenteur...

- nous allons accélérer la conclusion d'accords de réadmission avec les pays d'origine et de transit ;

- l'Union va décider et mettre en oeuvre un programme de rapatriements, en insistant sur l'Afghanistan compte tenu de l'évolution positive dans ce pays.

En matière de contrôle des frontières,

- nous allons réaliser, avant la fin de l'année, des opérations conjointes de contrôle en coopération avec les services des États membres et des pays tiers, par exemple dans certains aéroports.

- dans le même délai, nous allons développer l'échange d'informations entre les services de police aux frontières par la création d'un réseau d'officiers de liaison et d'un intranet sécurisé pour le contrôle des documents frauduleux.

- nous nous donnons un an pour rapprocher nos méthodes de formation des garde-frontières, développer des analyses communes des risques migratoires, examiner la création d'un corps européen de garde-frontières...

Dans le domaine de l'asile, les travaux des ministres ont tendance à piétiner car les États membres ont des réticences à harmoniser leurs législations. Les chefs d'État ou de gouvernement ont donc fixé des échéances précises et rapprochées pour l'adoption de plusieurs textes importants :

- avant la fin de l'année, pour la détermination du pays responsable de l'examen d'une demande d'asile (règlement dit Dublin II),

- avant juin 2003, pour le statut de réfugié, le regroupement familial, le statut des résidents de longue durée,

- avant la fin de l'année prochaine, pour harmoniser les procédures d'asile.

Pour vérifier le respect de ces échéances, le Conseil européen a demandé à la présidence danoise de lui faire rapport à la fin de l'année.

M. Robert Del Picchia :

J'ai participé récemment à une réunion de représentants des parlements nationaux, dans le cadre du forum Euro-méditerranée, où l'on a beaucoup parlé du Proche-Orient, mais où on a évoqué également les questions d'immigration. Face à l'augmentation préoccupante du phénomène de falsification des documents, comme les passeports ou les visas, quel type de mesures envisage-t-on de prendre au niveau européen ?

Mme Noëlle Lenoir :

Ce point a été explicitement abordé au Conseil européen et a fait l'objet d'une mesure concrète. L'idée est de créer, au niveau européen, une base de données communes, à l'image de ce qui existe avec le système d'information Schengen, permettant d'identifier précisément le détenteur d'un visa et de protéger les vignettes contre la falsification. Des moyens technologiques nouveaux, tels que la photographie de l'iris de l'oeil par exemple, pourraient être développés à l'avenir, mais ces outils posent encore des difficultés éthiques et techniques.

M. Robert Del Picchia :

L'asile et l'immigration sont des sujets sur lesquels les États membres de l'Union restent très divisés. Or, une politique commune de l'Union dans ces domaines est une impérieuse nécessité. J'aimerais savoir si, en matière d'immigration, les « quotas », qui sont communément admis aux États-Unis ou au Canada, restent un terme tabou en Europe.

Mme Noëlle Lenoir :

La réponse est clairement oui.

M. Xavier de Villepin :

La proposition faite par certains de nos partenaires d'instaurer des sanctions à l'encontre des pays tiers jugés insuffisamment coopératifs dans la lutte contre l'immigration clandestine m'a beaucoup surpris. Elle illustre, en effet, selon moi, l'ampleur des divergences entre les pays européens sur le problème de la lutte contre l'immigration illégale. Pourriez-vous nous apporter plus de précisions sur cette proposition ?

Mme Noëlle Lenoir :

Il s'agissait d'une proposition de la Présidence espagnole, qui avait reçu le soutien de plusieurs autres États membres, notamment le Royaume-Uni. Il faut bien être conscient, en effet, que dans les prises de position des États membres au niveau européen, les considérations de politique intérieure jouent un rôle important. Or, l'Espagne connaît des relations difficiles avec le Maroc, précisément sur le problème de l'immigration clandestine. Par ailleurs, le contexte international de l'après 11 septembre et de la menace terroriste a pu avoir une certaine influence, notamment sur la position du Royaume-Uni. La France, qui était le pays le plus opposé à cette idée, et la Suède, qui était également réticente, ainsi que la Belgique, avaient une position plus ouverte au dialogue. Néanmoins, j'ai été frappée de constater que, lors du Conseil européen de Séville, l'Espagne a rapidement admis que sa proposition soulevait des difficultés, non seulement du point de vue de l'image de l'Europe, mais aussi par rapport au lien, qui n'est pas évident, entre les accords à caractère économique et la lutte contre l'immigration clandestine. La position espagnole a, en effet, beaucoup évolué, puisqu'elle est passée de l'idée d'instaurer des « sanctions », à l'idée d'une « conditionnalité », puis, enfin, à l'idée d'introduire certaines mesures spécifiques dans les accords avec les pays tiers.

Je voudrais, toutefois, préciser que le terme de « sanction », qui a été repris par la presse, n'est pas très appropriée. L'idée était d'établir une clause de suspension des accords avec les pays tiers jugés insuffisamment coopératifs dans la lutte contre l'immigration clandestine, sur le modèle de la clause suspensive des accords d'association et de partenariat pour non-respect des droits de l'homme. Toutefois, la France ne voulait pas instaurer une telle clause de conditionnalité automatique s'agissant de l'immigration illégale.

M. Xavier de Villepin :

Lors d'un récent déplacement au Maroc, j'ai été frappé de constater la détérioration rapide des relations de ce pays avec l'Espagne. Il s'agit là d'un phénomène préoccupant.

M. Emmanuel Hamel :

Pourriez-vous nous préciser à partir de quand les nouveaux accords de coopération et d'association conclus par l'Union européenne avec des pays tiers comporteront une clause sur la « gestion commune des flux migratoires » et sur « la réadmission obligatoire » des clandestins dans le pays d'origine ou de transit ? Le contenu de cette clause a-t-il été précisé à Séville ou bien devra-t-il être négocié à l'occasion de la conclusion de ces accords ?

Mme Noëlle Lenoir:

Il a été convenu qu'il n'y aurait pas une remise en cause des accords déjà conclu avec les pays tiers et que ce dispositif ne s'appliquerait qu'aux accords futurs. Il est précisé dans les conclusions du Conseil européen de Séville que les mesures visant un pays tiers en cas, dûment constaté à l'unanimité, d'un « manque de coopération non justifié » ne devront « pas mettre en cause la coopération au développement ».

M. Aymeri de Montesquiou :

Je crois que nous serons d'accord pour qualifier de relativement modeste le bilan du Conseil européen de Séville. Je voudrais savoir si les chefs d'État et de gouvernement ont discuté à cette occasion d'une augmentation de l'aide au développement des États membres afin d'aboutir à un alignement progressif à l'échelle européenne sur un niveau plus élevé, car la pauvreté reste la cause principale de l'immigration clandestine.

Mme Noëlle Lenoir:

En ce qui concerne le lutte contre l'immigration, la démarche a été, lors du Conseil européen de Séville, de prendre des mesures concrètes sur les objectifs déjà fixés, avec une accélération de l'échéancier, plutôt que de prendre de nouveaux engagements, qui auraient été difficilement tenables. Il s'agit là d'une démarche plus positive.

Il n'y a pas eu à proprement parler de débat à Séville sur la question de l'augmentation de la contribution des États membres en matière d'aide au développement, ni sur les conclusions du Sommet de Monterrey. Le Conseil européen a cependant discuté et mentionné dans ses conclusions le Sommet mondial du développement durable, qui se tiendra à Johannesburg en août-septembre prochain.

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Le deuxième grand thème a été la réforme du Conseil, avec l'adoption d'une série de mesures qui permettront un meilleur fonctionnement du Conseil européen et du Conseil des ministres :

- réduction de seize à neuf du nombre des formations du Conseil,

- meilleure préparation du Conseil européen,

- réforme du Conseil affaires générales qui est rebaptisé Conseil affaires générales/relations extérieures : les questions horizontales et les sujets externes, qui engloberont désormais les questions de développement, seront traités distinctement, mais la scission du Conseil affaires générales en deux formations distinctes n'a pu être décidée à ce stade.

En outre, à titre exceptionnel, a été introduit un assouplissement de la règle du consensus avec la possibilité pour le Conseil européen de porter « le constat politique des positions en présence qui se dégage à l'attention du Conseil pour que celui-ci en tire les conséquences appropriées ».

Une réflexion sur la réforme du système de la présidence tournante sera engagée dans les prochains mois, dans la perspective de la Conférence intergouvernementale de 2004. Le Président de la République a rappelé, à cette occasion, la nécessité de donner plus de visibilité et de direction politique à l'Union européenne en prévoyant, notamment, l'élection d'un président du Conseil européen.

M. Emmanuel Hamel :

L'abandon de la règle de l'unanimité au sein du Conseil européen me paraît très dangereux pour la défense des intérêts fondamentaux de notre pays.

Mme Noëlle Lenoir :

La France considérait que la règle de l'unanimité devait être maintenue et était le pays le plus réservé sur l'assouplissement de cette règle. Cela s'explique principalement par la concomitance de deux sujets sensibles : l'élargissement et la réforme de la politique agricole commune. Elle a été amenée à faire évoluer quelque peu sa position vers un assouplissement progressif et exceptionnel de la règle du consensus. En effet, l'assouplissement de la règle du consensus paraît inéluctable dans la perspective d'une Union à vingt-cinq États membres.

M. Xavier de Villepin :

Il s'agit là d'un point très important. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'un sujet qui devrait être évoqué préalablement au sein de la Convention européenne ?

Mme Noëlle Lenoir :

Vous avez parfaitement raison. La Convention européenne a vocation, non seulement à se pencher sur la question de la règle de la majorité qualifiée, mais aussi sur les mécanismes internes de fonctionnement du Conseil. On ne peut cependant pas reprocher au Conseil de réfléchir sur ses propres méthodes de travail, à traité constant.

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Sur l'élargissement, les chefs d'État ou de gouvernement ont constaté que les négociations progressaient au rythme prévu par la feuille de route. Ils ont invité le Conseil à prendre « les décisions appropriées afin de transmettre aux pays candidats dans les premiers jours de novembre tous les éléments qui manquent pour le paquet financier », la proximité des élections allemandes ayant conduit à reporter de quelques mois l'adoption d'une position des Quinze sur la question du versement des aides directes agricoles aux futurs États membres.

En ce qui concerne l'adhésion de Chypre, le Conseil européen a rappelé que les conclusions du Conseil européen d'Helsinki sont la base de la position de l'Union européenne, ajoutant que celle-ci « continue de donner la préférence à l'adhésion d'une île réunifiée ».

En ce qui concerne la Turquie, les conclusions de Séville indiquent que « de nouvelles décisions pourraient être prises à Copenhague quant à l'étape suivante de la candidature de la Turquie ».

M. Robert Del Picchia :

Que pensez-vous du problème de la concomitance de l'élargissement et de la réforme des institutions ?

Mme Noëlle Lenoir :

Le Conseil européen de Séville a décidé de maintenir le rythme tant des négociations d'adhésion que de la réforme institutionnelle. En particulier, il a décidé de ne pas prolonger la durée de la Convention. La raison tient essentiellement à des considérations d'ordre politique, car tout retard risquerait d'être perçu comme un signal négatif de la part des opinions publiques.

M. Yann Gaillard :

Je voudrais rappeler que la proposition de position commune sur l'agriculture présentée par la Commission, en particulier sur les aides directes, a provoqué un certain émoi chez les pays candidats, en particulier en Pologne.

Mme Noëlle Lenoir :

Le volet financier de l'élargissement sera vraisemblablement discuté par les chefs d'État et de gouvernement lors d'un prochain Conseil européen qui devrait se tenir à Bruxelles au mois d'octobre. Ce Conseil européen portera en particulier sur la question des aides directes agricoles, qui demeure une question très délicate pour notre pays, à laquelle le Président de la République attache une grande importance. Cette question a, en effet, été repoussée, à la demande de l'Allemagne, après les élections allemandes de septembre. Le même Conseil devrait officialiser la liste des dix pays candidats retenus pour adhérer à l'Union européenne avant les prochaines élections du Parlement européen en 2004.

M. Marcel Deneux :

Il me semble que, si l'échéance a été repoussée, le débat ressurgira à l'automne et qu'il risque d'être difficile. Or, je tiens à rappeler que les perspectives financières ont été fixées au Conseil européen de Berlin jusqu'en 2006. Je suis donc surpris d'entendre parler de remise en cause de la politique agricole commune (PAC). La délégation pour l'Union européenne du Sénat a, d'ailleurs, adopté une résolution récemment sur ce sujet. Par ailleurs, je voudrais savoir si la question de Kaliningrad a été évoquée.

Mme Noëlle Lenoir :

Elle n'a pas fait l'objet d'un débat approfondi.

M. Denis Badré :

En tant que rapporteur de la contribution française au budget de l'Union européenne à la commission des Finances du Sénat, je considère que la France a payé très cher, lors du Conseil européen de Berlin, la volonté de ne pas ouvrir un large débat sur la PAC. En effet, cette position a abouti à l'introduction de mécanismes pervers, tels que les ristournes sur les droits de douane accordées aux Britanniques ou aux Néerlandais. En ce qui concerne les aides directes, je considère que notre position actuelle sera difficile à tenir avec, d'un côté, les États membres opposés à la PAC et, de l'autre côté, les pays candidats, qui réclament une égalité de traitement avec les pays membres. Il me semble, au contraire, qu'il faut avoir le courage dès à présent d'ouvrir le débat sur l'avenir de la PAC. D'après moi, il faudrait revenir à la vocation même de la PAC qui était, avant la réforme de 1992, de favoriser l'aménagement du territoire, l'environnement et nos exportations agricoles, grâce aux consommateurs qui acceptaient de payer plus chers les produits agricoles par rapport au prix des cours mondiaux. Ce système a été modifié avec l'introduction des aides directes. Or, les pays candidats à l'adhésion sont dans une situation très différente. En effet, les prix agricoles sont inférieurs dans ces pays aux cours mondiaux. L'adhésion de ces pays au système actuel de la PAC aboutirait donc à une augmentation des prix agricoles dans ces pays. Or, le problème essentiel, dans les pays candidats, ne tient pas aux aides directes, mais à la mise à niveau des règles sanitaires, qui présente une importance cruciale, par exemple avec l'ESB. Il faut donc avoir le courage d'ouvrir le débat sur une réforme anticipée de la PAC.

M. Jean Bizet :

Je partage l'opinion de notre collègue Denis Badré. Je souhaiterais, à cet égard, attirer votre attention sur les conséquences de la nouvelle loi américaine pour l'agriculture (« Farm Bill »), qui pourraient être dramatiques pour l'agriculture européenne. Les montants financiers en jeu sont, en effet, considérables. Il s'agirait de 82 milliards de dollars selon les autorités américaines et de 190 milliards selon la presse. Or, je ne suis pas certain qu'on a bien pris en France et en Europe la mesure de l'ampleur de l'impact de cette loi.

Par ailleurs, la commission chargée de l'environnement du Parlement européen vient de se prononcer en faveur d'un seuil de déclenchement de la traçabilité des organismes génétiquement modifiés fixé à 0,5 %. Cela résulte d'un travail intense de lobbying de la part d'associations environnementalistes. Cette décision crée un boulevard pour les produits agricoles transformés américains car ce seuil ne prend pas en compte le coût d'analyse qui est très élevé en Europe. Cela crée donc une distorsion de concurrence majeure. Il faut en effet savoir que la surface agricole consacrée aux OGM est d'environ 50 millions d'hectares dans le monde, soit l'équivalent de la surface agricole utile européenne, dont 35 millions aux États-Unis.

Mme Noëlle Lenoir :

Les relations agricoles entre l'Union européenne et les États-Unis présentent une importance majeure. Dans de nombreux domaines on assiste à une harmonisation progressive et à des règles communes, en particulier dans le cadre de l'OMC. Une contribution du Parlement sur ce thème nous serait très utile car les élus ont une vision proche du terrain.

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Le Conseil européen a débattu très brièvement des grandes orientations de politique économique de l'Union européenne, après l'accord trouvé la veille, tard dans la nuit, à Madrid par les ministres de l'Économie et des Finances. Il a réaffirmé son attachement au pacte de stabilité et de croissance et à l'assainissement des finances publiques.

Il a appelé les États membres à suivre des politiques budgétaires conformes aux recommandations contenues dans les grandes orientations des politiques économiques, et les a invités à utiliser toutes les retombées de la croissance liées à la reprise économique pour poursuivre l'assainissement des finances publiques. Cet accord permettra au gouvernement, dans le cadre de ses engagements européens, de conduire la politique économique pour laquelle les Français l'ont élu et de mettre en oeuvre les réductions d'impôts annoncées par le Président de la République.

Le Conseil européen a pris note des progrès des travaux engagés au sein du Conseil dans le domaine des services financiers, de la fiscalité, de l'énergie, du paquet fiscal et des négociations avec la Suisse sur la fiscalité de l'épargne, du gouvernement d'entreprise (groupe d'experts à haut niveau sur le droit des sociétés).

Dans le domaine des réformes économiques, de l'innovation et de la compétitivité, les chefs d'État ou de gouvernement ont fait le point sur les progrès enregistrés depuis Barcelone dans des domaines comme le sixième programme-cadre de recherche, la révision des orientations communautaires pour les réseaux transeuropéens de transports et la mise en place du ciel unique européen, le plan d'action eEurope 2005, le déploiement des réseaux et des services de communications mobiles de troisième génération, le développement du commerce électronique et de l'administration en ligne, ou enfin les biotechnologies.

Sur deux sujets qui nous tiennent beaucoup à coeur, le Conseil européen a pris acte de la communication de la Commission sur une méthodologie d'évaluation dans le contexte des services d'intérêt économique général et il a réaffirmé le calendrier agréé à Barcelone sur l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz, qui exclut le marché des particuliers.

Le développement durable et les perspectives du sommet de Johannesburg ont été évoqués et la France a insisté sur la nécessité d'apporter un appui fort et concret à la mise en oeuvre du nouveau développement partenarial de l'Afrique dans le cadre du NEPAD.

M. Denis Badré :

Je voudrais attirer l'attention du représentant du Gouvernement sur l'existence d'une « cagnotte » de près de 500 millions d'euros, issue du report de la ratification de l'accord de Berlin.

M. Marcel Deneux :

Il me semble que les sacrifices importants consentis par la France au niveau européen s'agissant de la ratification du protocole de Kyoto ne sont pas suffisamment pris en compte et qu'ils devraient être davantage mis en avant.

M. Emmanuel Hamel :

A propos des questions économiques, je voudrais rappeler que si la France a réussi son redressement économique après la deuxième guerre mondiale, c'est grâce au déséquilibre budgétaire. Je considère donc qu'il est nécessaire de se délier de l'obligation d'un équilibre budgétaire imposée par le pacte de stabilité, qui risque d'entraîner de graves conséquences sociales.

M. Marcel Deneux :

Je considère, pour ma part, que l'équilibre budgétaire est une question étroitement liée à la compétitivité. Par ailleurs, l'ampleur de l'endettement public me paraît préoccupant.

M. Denis Badré :

Je souhaiterais attirer votre attention sur une initiative que j'ai été amené à prendre récemment en ma qualité de président du groupe d'amitié sénatorial France-Autriche, conjointement avec mon homologue à Vienne, sur l'idée d'un réseau européen de transport transalpin. J'ai adressé une demande en ce sens au président de la Commission européenne, M. Romano Prodi.

Mme Noëlle Lenoir :

Le thème des réseaux transeuropéens de transport a été évoqué à Séville. On a également mentionné que la France n'utilise que très peu les fonds structurels. Je souhaiterais étudier de près cette question.

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Le président Giscard d'Estaing a fait le point sur les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Union, dont il tire trois premiers enseignements : la nécessité de clarifier qui fait quoi dans l'Union, celle de simplifier les instruments et le langage de l'Europe, et enfin la demande qu'expriment les citoyens européens pour davantage d'efficacité et de démocratie dans la prise de décision. À ses yeux, la mission de la Convention est de parvenir à une proposition globale et équilibrée.

Cette présentation a été chaleureusement approuvée par l'ensemble des participants, ce qui augure bien de la poursuite des discussions au sein de la Convention.

Enfin, en application du programme « mieux légiférer » présenté par la Commission, le Conseil européen a invité le Parlement, le Conseil et la Commission à adopter avant la fin de 2002 un accord interinstitutionnel afin d'améliorer la qualité de la législation communautaire et les conditions de sa transposition dans les législations nationales.

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Dans le domaine de la défense, le Conseil européen a adopté le rapport sur la politique étrangère, de sécurité et de défense (PESD) ainsi qu'un rapport sur la contribution de la politique étrangère et de la politique de défense à la lutte contre le terrorisme qui, à l'initiative de la France, demande notamment à l'Union européenne de procéder à une évaluation commune de la menace terroriste et d'étudier les modalités d'utilisation des capacités militaires ou civiles pour la protection des populations civiles. Compte tenu de l'opposition de la grande majorité des partenaires à l'extension de la PESD à la lutte contre le terrorisme, cela représente un progrès qu'il faudra consolider.

La question des arrangements permanents entre l'Union européenne et l'OTAN n'a pas progressé. A la suite de notre implication, la Grèce avait donné son accord à un paquet constitué par le texte d'Ankara amendé, une déclaration du Conseil européen, une lettre de M. Solana au secrétaire général de l'OTAN et un relevé de décision de l'OTAN. La Turquie a rejeté ce paquet. Il est clair que, au-delà des textes, la Turquie ne souhaitait pas aboutir à Séville parce qu'elle espère faire un lien avec l'engagement de l'Union européenne sur une date pour l'ouverture des négociations d'adhésion.

Nous avons obtenu que les conclusions concernant la relève de l'opération de l'OTAN en Macédoine aillent plus loin que celles de Barcelone sur trois points : « volonté » (et non plus seulement « disponibilité ») de l'Union européenne d'assurer la relève ; poursuite et intensification des mesures de planification ; fixation d'une échéance : la fin du mandat actuel de l'OTAN (26 octobre).

Cela étant, le Premier ministre britannique a exigé que soit reprise la formulation de Barcelone sur le lien avec la conclusion des accords Berlin plus, « étant entendu que les arrangements permanents entre l'Union européenne et l'OTAN seraient alors en place ». La prochaine présidence, c'est-à-dire la Grèce s'agissant de la PESD, est chargée de poursuivre les travaux sur ce point, ce qui signifie qu'il devrait y avoir un dialogue entre la Grèce et la Turquie.

S'agissant du Proche-Orient, le Conseil européen a publié une déclaration soulignant l'urgence d'une action de la communauté internationale et notamment du quartet pour amorcer un processus vers la paix. Les Quinze ont renouvelé leur condamnation des attentats terroristes, appelé à la fin des opérations militaires dans les territoires occupés, la levée des restrictions à la liberté de circulation et souligné que « ce ne sont pas les murs qui apporteront la paix ». Ils se sont prononcés pour la convocation à brève échéance d'une conférence internationale qui traitera de l'ensemble des aspects (politique, économique et de sécurité) et qui devra réaffirmer les paramètres politiques et arrêter un calendrier précis et réaliste. Le Conseil européen a réaffirmé que le règlement final devrait prendre la forme de deux États existant côte à côte à l'intérieur de frontières sûres et reconnues. Le point le plus novateur est la précision que l'État de Palestine doit être constitué sur la base des frontières de 1967 « au besoin avec des arrangements mineurs convenus par les parties ». L'Union engage par ailleurs l'Autorité palestinienne à entreprendre les réformes politiques et administratives nécessaires, qu'elle se déclare prête à soutenir, et à organiser rapidement des élections.

En ce qui concerne les relations entre l'Inde et le Pakistan, le Conseil européen a publié une courte déclaration se félicitant de la baisse de la tension. Les Quinze ont néanmoins jugé que la situation restait précaire et engagé le Pakistan à prendre de nouvelles mesures pour respecter ses engagements et ses obligations internationales, notamment celles qui découlent de la résolution du Conseil de sécurité 1373 pour faire cesser les infiltrations et fermer les camps. Le Conseil européen a exhorté l'Inde et le Pakistan à mettre en place un système de surveillance efficace.

Le Conseil européen a encouragé New Delhi à se tenir prête à répondre aux mesures pakistanaises par de nouvelles mesures de désescalade et a souligné l'importance de la tenue, cet automne, d'élections libres, régulières et ouvertes à tous. L'Union européenne s'est déclarée résolue à collaborer avec l'Inde et le Pakistan dans la recherche de mesures de confiance pour désamorcer la crise. M. Solana se rendra prochainement dans la région.

Enfin, en vue de la ratification du traité de Nice, le Premier ministre irlandais a présenté une déclaration - sur laquelle nous avions été consultés avant Séville - qui confirme que les dispositions du traité de Nice sur la PESC ne portent pas atteinte à sa politique traditionnelle de neutralité militaire. Le Conseil européen a, pour sa part, adopté une déclaration prenant note de la déclaration irlandaise et s'est félicité de la détermination du gouvernement à faire approuver le traité de Nice, « condition pour la réalisation de l'élargissement dans les délais prévus ».

En conclusion, je voudrais faire observer que la France a été à l'honneur à Séville, comme n'a pas manqué de le relever la presse européenne. De fait, les objectifs que nous nous étions fixés ont été remplis : fermeté et opérationnalité sur l'immigration sans provocation vis-à-vis des pays tiers et réforme ambitieuse du Conseil sans modification des traités (même si la division du Conseil affaires générales/relations extérieures en deux formations n'a pu être décidée, la présidence danoise à l'intention de la rendre effective en organisant les travaux sur deux journées). En outre, nous avons pu sauvegarder nos « lignes rouges » sur Johannesburg, sur l'assouplissement de la règle du consensus au Conseil européen dans la perspective du l'élargissement (le Président de la République a obtenu que cela ne s'applique qu'après Copenhague) ou sur la libéralisation des marchés de l'énergie (échec de la tentative de la présidence de nous forcer la main à nouveau sur l'ouverture du marché électrique des particuliers).

Sur les grands dossiers, la balle est à présent dans le camp de nos partenaires : Irlandais pour la ratification du traité de Nice, Turcs pour la défense, Allemands pour les négociations d'adhésion dès que le nouveau gouvernement sera constitué après les élections du 22 septembre.

La présidence danoise va trouver sur sa table des dossiers très difficiles. En particulier, elle devra conclure les négociations d'adhésion, pour boucler la boucle « de Copenhague à Copenhague », puisque c'était au Conseil européen de Copenhague en juin 1993 qu'avaient été décidés le principe et les conditions du grand élargissement de l'Union. Il reste à prendre des décisions très lourdes sur le plan budgétaire, à commencer par l'octroi ou non des aides directes agricoles aux pays candidats.

M. Hubert Haenel :

Je voudrais vous remercier au nom de la délégation pour cette présentation très complète des travaux du Conseil européen de Séville. Toutefois, avant que nous ne mettions un terme à cette première audition, je voudrais évoquer un point qui me paraît préoccupant. Vous savez que la Commission européenne procède à des enquêtes d'opinion publique deux fois par an. C'est ce que l'on appelle les enquêtes « Eurobaromètres ». Les résultats de la dernière enquête ont été rendu publics il y a quelques jours. Or, ils paraissent particulièrement inquiétants pour notre pays. En effet, le pourcentage des Français jugeant que l'appartenance de la France à l'Union européenne est une bonne chose n'atteint plus que 47 %, c'est-à-dire le taux le plus faible depuis la création de l'Eurobaromètre, il y a 30 ans. La situation est pire encore au sujet de l'élargissement puisque 47 % des Français se prononcent contre l'élargissement de l'Union à de nouveaux pays, et seulement 40 % pour cet élargissement. La France est d'ailleurs le seul pays des Quinze où les opposants à l'élargissement l'emportent sur ses partisans. Ceci m'amène à penser qu'une partie importante des activités du ministre des Affaires européennes devra être consacrée à s'adresser aux Français, à les écouter, à les entendre et à les convaincre. Ceci nécessitera d'ailleurs un effort d'imagination et d'innovation car, jusqu'ici, les tentatives de dialogue ont surtout porté vers la partie de la population déjà convaincue des bienfaits de l'Europe. C'est évidemment plutôt vers les autres éléments de la population qu'il sera utile de se tourner aujourd'hui.

Mme Noëlle Lenoir :

Je souhaite vivement engager une action d'information sur l'Europe au niveau des régions ou des agglomérations. Je n'ai pas songé à une formule générale, car je préfèrerais que chaque région présente ses propres propositions, avec des financements diversifiés. Mais je suis ouverte à toute suggestion sur ce thème.