REUNION DE LA DELEGATION DU MERCREDI 29 NOVEMBRE 2000


Marché intérieur

Communication de M. Xavier Darcos sur le brevet communautaire (E 1539)

Télécommunications

Communication de M. Simon Sutour sur le dégroupage de l'accès à la boucle locale (E 1553)

Politique sociale

Communication de Mme Marie-Madeleine Dieulangard sur l'agenda pour la politique sociale (E 1497) et sur les lignes directrices pour les politiques de l'emploi (E 1559)


Marché intérieur

Communication de M. Xavier Darcos sur le brevet communautaire (E 1539)

La Commission a présenté, le 5 juillet dernier, une proposition de règlement visant à instituer une nouvelle procédure communautaire permettant aux inventeurs d'obtenir un brevet unique valable sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

Cette initiative a été précédée, depuis 1996, d'une phase de vaste concertation, de la rédaction d'un Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe, puis d'une communication portant sur les suites à donner à ce dernier, publiée le 5 février 1999.

Les Conseils européens de Lisbonne et de Feira ont eux-mêmes souligné l'urgence d'instaurer un tel dispositif, se prononçant pour une entrée en vigueur aussi rapide que possible, fixée à fin 2001 au plus tard.

En réalité, l'idée de pouvoir bénéficier d'un système de brevetabilité valable, en une seule procédure, dans tous les Etats membres de la Communauté remonte aux premières heures de la construction européenne.

1. Le système actuel de brevetabilité des inventions

a) Le niveau européen

Dès les années soixante, des réflexions ont été entreprises en ce sens, sans aboutir à l'élaboration d'un cadre réellement communautaire en la matière. Il a toutefois été obtenu la signature, en octobre 1973, d'une convention sur la délivrance de brevets européens, dite " Convention de Munich ", à laquelle tous les Etats membres ont depuis lors souscrit, comme l'ont fait quatre pays tiers (Chypre, Monaco, le Liechtenstein et la Suisse, en attendant l'adhésion prochaine de la Turquie).

Résultant de la Conférence intergouvernementale sur la délivrance des brevets européens, la Convention de Munich ne fait pas partie de l'ordre juridique communautaire : elle relève du droit conventionnel classique entre Etats. Elle a certes permis l'instauration d'une procédure unique de délivrance des brevets européens, confiée à l'Office européen des brevets (OEB) et qui présente l'intérêt d'éviter au candidat la tâche de constituer plusieurs dossiers. Mais une fois ledit brevet délivré, celui-ci devient un brevet national, opposable dans les seuls pays pour lesquels il a été sollicité et soumis aux règles juridiques locales de chacun des Etats contractants. Ainsi, chaque pays peut toujours exiger la traduction du brevet européen dans sa langue officielle pour lui conférer valeur légale sur son territoire. En outre, en cas de litige, chacun applique son droit et ses procédures avec les risques de contradictions de jurisprudence qui en découlent.

b) Le niveau national

Ce mécanisme européen se superpose au dispositif national adopté par chaque pays, historiquement bien avant la Convention de Munich, et dont les conditions d'octroi ont fait l'objet, de facto, d'une quasi harmonisation dans l'ensemble des Etats membres de l'Union.

c) Le niveau communautaire

Conscients de l'intérêt d'un brevet communautaire pour éliminer les distorsions de concurrence, assurer la libre circulation des marchandises protégées par des brevets et susciter l'exploitation industrielle de l'innovation, les Etats membres ont déjà tenté de mettre sur pied un tel dispositif.

Une précédente initiative avait abouti en 1975 à la signature de la " Convention de Luxembourg " sur le brevet communautaire, modifiée par l'accord de Luxembourg du 15 décembre 1989 en matière de brevets communautaires, comportant notamment un protocole sur le règlement des litiges en matière de contrefaçon et de validité des brevets communautaires.

Cette Convention n'est jamais entrée en vigueur, en raison d'une ratification insuffisante des Etats membres, seuls la France, l'Allemagne, la Grèce, le Danemark, le Luxembourg, le Royaume-Uni et les Pays-Bas y ayant adhéré.

L'échec de cette démarche a été attribué au coût du brevet communautaire - principalement celui des traductions, car la Convention l'imposait dans toutes les langues communautaires - ainsi qu'au système juridictionnel envisagé qui, permettant à un juge national d'annuler un brevet communautaire sur tout le territoire de la Communauté, avait été jugé facteur d'instabilité juridique.

Ce sont ces deux écueils que souhaite éviter la présente proposition de règlement.

2. Le dispositif proposé

·  Le système du brevet communautaire ne se substituera pas aux autres dispositifs mais coexistera avec les mécanismes nationaux et européens : les inventeurs resteront libres de choisir le mode de protection qui leur semblera le mieux adapté à leurs besoins, sans pouvoir toutefois superposer les trois mécanismes.

·  La Commission a fait le choix de " l'incorporation " du brevet communautaire au système européen, ce qui signifie qu'une demande de brevet communautaire sera traitée, dans un premier temps, comme le serait une demande de brevet européen requise pour l'ensemble du territoire communautaire. Ce n'est qu'après délivrance dudit brevet par l'OEB que celui-ci deviendra un brevet communautaire en application du règlement soumis à notre examen.

·  Ce dispositif nécessite la prise de plusieurs mesures préalables :

- l'adoption du présent texte ;

- la modification de la Convention de Munich afin de permettre à l'Office européen des brevets d'assurer cette nouvelle fonction d'action pour le compte de la Communauté, ce qui exige que les dix-neuf Etats cocontractants en soient d'accord. Ce point n'est d'ailleurs pas acquis, certains Etats membres, dont l'Allemagne et l'Espagne, contestant qu'une décision communautaire puisse être prise par un organe qui ne l'est pas et que l'Union ne contrôlera pas ;

- l'adhésion de la Communauté en tant que telle à la Convention de Munich - la Commission a présenté en ce sens une recommandation de mandat de négociation au Conseil ;

- la prise en compte de la cohérence des développements futurs du règlement et de la Convention, sachant que cette dernière vient de faire l'objet d'une révision pour ce qui concerne notamment les modalités de traduction des brevets.

3. Les caractéristiques du brevet communautaire

·  Il est proposé d'accorder au brevet communautaire un caractère unitaire, afin qu'il produise des effets équivalents sur l'ensemble du territoire de l'Union, en matière de délivrance, de transfert, d'annulation ou d'extinction.

·  Par ailleurs, le brevet communautaire doit avoir un caractère autonome : il ne sera soumis qu'aux dispositions du présent règlement et aux principes généraux du droit communautaire. Ce faisant, si le règlement proposé introduit des dispositions spécifiques applicables aux brevets communautaires, il ne déroge pas de manière substantielle aux règles nationales déjà applicables dans les Etats membres ou à la Convention de Munich.

C'est ainsi que les conditions générales de brevetabilité restent identiques : le brevet communautaire ne peut être délivré qu'au profit d'une invention, de produit ou de procédé, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle.

4) Les éléments innovants


a) La limitation des obligations de traduction

·  Conformément au souci d'alléger la charge financière reposant sur le demandeur, il est proposé de ramener le coût du brevet communautaire à un niveau acceptable. Il est en effet essentiel, pour atteindre l'objectif visé, que ce prix soit au plus équivalent à celui des brevets octroyés par les principaux partenaires commerciaux de la Communauté. Or, à l'heure actuelle, le coût moyen d'un brevet européen s'élevant à 50 000 euros, il est trois à cinq fois supérieur à celui des brevets japonais et américains, respectivement 10 300 et 16 500 euros.

Afin de rendre plus attractif le brevet communautaire, notamment auprès des petites et moyennes entreprises, il est proposé de réduire les frais liés aux traductions des documents qui constitueraient près de 40 % de la dépense globale, et plus encore après l'élargissement de l'Union si la situation reste en l'état.

Trois hypothèses de travail ont été retenues :

- la première, pour l'exclure, est celle mise en oeuvre par la Convention de Luxembourg et qui impose la traduction complète des fascicules de brevet dans les onze langues de travail, soit un coût moyen estimé à 17 000 euros ;

- la deuxième propose de limiter les traductions aux trois langues de travail officielles de l'Office européen des brevets, soit l'anglais, l'allemand et le français ; les frais ne seraient plus alors que de 5 100 euros ;

- la troisième - et c'est celle retenue par la Commission - consisterait à n'exiger le dépôt que dans l'une de ces trois langues de travail, la traduction dans les deux autres langues se limitant aux " revendications ", c'est-à-dire aux éléments essentiels faisant l'objet de la protection ; dans ce cas, la dépense s'élèverait à 2 200 euros.

·  Cette dernière solution présente des avantages certains, en terme de charge financière, mais elle pose aussi des problèmes particuliers :

- d'abord, pour ce qui concerne la protection contre la contrefaçon : lorsque le contrefacteur n'aura pu disposer d'un texte rédigé dans la langue officielle de l'Etat où il est domicilié, il sera présumé, jusqu'à preuve contraire, n'avoir pas voulu sciemment porter atteinte au brevet. En outre - ce qui ne manque pas d'être paradoxal -, il est prévu que le titulaire du brevet ne pourra pas obtenir de dommages et intérêts pour la période antérieure à la notification d'une traduction au contrefacteur ;

- ensuite, elle risque de renforcer encore la position occupée par l'anglais qui constitue, à 80 % environ, la langue utilisée par les déposants. Toutefois, la situation de la langue française demeure relativement préservée dans cette hypothèse, puisqu'elle reste, avec l'anglais et l'allemand, une langue de travail légalement utilisable pour les dépôts de brevets, en tout ou en partie.

La situation sera tout autre pour les autres langues pratiquées dans l'Union, ce qui explique les réserves de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce et du Portugal, notamment, sur cette question. Le choix pourrait être pour eux, dès lors qu'on abandonne leur langue nationale, de se montrer favorable à ne plus imposer qu'une seule langue - l'anglais - afin d'éliminer toute dépense de traduction.

- enfin, à cette attaque de certains Etats membres contre l'usage du français s'ajoute celle provenant de la seconde Conférence intergouvernementale de l'organisation européenne des brevets tenue les 16 et 17 octobre derniers à Londres.

Lancée par la France en juin 1999, cette seconde Conférence avait notamment pour objectif de réduire les coûts d'obtention des brevets européens. L'accord résultant de ces travaux propose aux Etats signataires qui le souhaiteraient de s'engager à renoncer à exiger du titulaire la traduction intégrale du brevet dans leur langue nationale. Huit Etats membres de l'OEB ont aussitôt annoncé leur intention de souscrire à cet accord.

La crainte de voir le Gouvernement français s'engager dans cette voie a provoqué des réactions très vives dans les milieux professionnels impliqués dans la propriété industrielle. Le Sénat lui-même s'en est fait l'écho, lors d'un colloque organisé sur ce thème par notre collègue Francis Grignon le 14 septembre 2000 et par de multiples questions écrites ou orales que nous avons été nombreux à déposer afin qu'il soit tenu compte de la nécessaire protection des droits de la langue française en la matière.

Le secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, a considéré que ce projet d'accord " s'il rassemble un nombre suffisant de signataires et notamment les Etats ayant une langue en commun avec l'OEB, présente des caractéristiques intéressantes pour les déposants de brevets, en particulier pour les entreprises innovantes et les organismes de recherche ". Il a toutefois ajouté que, compte tenu des débats importants que suscitait cet accord en France, le Gouvernement n'était pas en mesure d'y souscrire pour l'instant. Une concertation devrait être formalisée prochainement afin d'éclairer sa décision, pour le 30 juin 2001 au plus tard. Toutefois, si l'accord devait être signé par notre pays, le Gouvernement pourrait envisager d'assurer, sur le plan national, la traduction des brevets européens " afin que l'information demeure disponible en français pour les utilisateurs du système des brevets et afin de maintenir l'usage du français comme langue technique ".

Cette précision n'est pas suffisante pour apaiser nos craintes d'assister, à terme, à l'abandon du français comme langue officielle en matière de brevet. Cette hypothèse devrait en outre avoir des répercussions mécaniques sur le régime linguistique du brevet communautaire, dont on a vu précédemment l'interconnexion avec le dispositif européen, ce qui ne nous semble pas acceptable.

b) La création d'une juridiction communautaire centralisée

Les inventeurs et les entreprises européens exigent une sécurité juridique pour les brevets déposés de nature à compenser les importants investissements préalables effectués en matière de recherche et de développement.

·  Afin de la garantir et pour éviter les difficultés résultant du système avorté de Luxembourg, la Commission a fait le choix d'instituer une juridiction communautaire centralisée susceptible d'assurer l'unicité du droit et la cohérence de la jurisprudence.

La solution proposée a pour ambition de créer un système juridictionnel centralisé et spécialisé en matière de brevets pour l'examen des questions concernant la validité et la contrefaçon du brevet communautaire - les autres litiges entre personnes privées, tels ceux relatifs au transfert de brevets continuant de relever des juridictions nationales. Il reposera sur un tribunal communautaire de propriété intellectuelle, qualifié et comportant des chambres de première instance et de recours compétentes sur l'ensemble du territoire de la Communauté. Celles-ci appliqueront leurs propres règles de procédure, ordonneront des mesures provisoires, détermineront les sanctions et octroieront des dommages-intérêts.

Cette solution paraît, à première vue, très séduisante, notamment en ce qu'elle aurait pour avantage de répondre à l'encombrement de la Cour de Justice et du tribunal de première instance des communautés européennes qui fait obstacle à la décision rapide qu'impose le règlement d'une question portant sur la validité ou la contrefaçon d'un brevet. Ces deux aspects sont, en effet, intimement liés car la nullité du brevet est presque systématiquement invoquée comme moyen de défense par le contrefacteur présumé.

Sa mise en oeuvre requiert toutefois une modification du traité, qu'il faudrait effectuer à bref délai dans le cadre de la Conférence intergouvernementale en cours afin que soit autorisée la création de ce tribunal communautaire de propriété intellectuelle. Cette suggestion a d'ores et déjà été présentée par la Commission dans ses avis du 26 janvier et du 1er mars 2000.

Cette proposition n'a toutefois pas obtenu un accueil très favorable. Certains Etats membres ont fait part de leurs doutes, voire de leur hostilité à ce transfert de compétence de leur juge national vers un juge communautaire. L'Allemagne, notamment, considère qu'en vertu du principe de subsidiarité, le juge national doit demeurer le juge de première instance, l'appel pouvant ensuite relever du niveau communautaire.

Une telle solution risquerait de poser, à l'inverse, des problèmes de constitutionnalité pour notre système juridique s'il en résulte qu'un juge communautaire peut annuler la décision d'un juge national.

Une solution de compromis pourrait être trouvée en maintenant le principe d'un juge de première instance communautaire et spécialisé, mais au sein des institutions juridictionnelles existantes (tribunal de première instance des Communautés européennes). Dans ce cadre connu, l'unicité de juridiction serait préservée et la mise en oeuvre du dispositif pourrait être plus rapide et assurée à moindre coût.

*

A l'issue de cette présentation, dont je vous prie d'excuser le caractère très technique, je crois que, compte tenu de l'importance de cette question, de ces implications industrielles notamment, il est dans la mission de notre délégation de faire connaître au Gouvernement les préoccupations qui sont les nôtres. Ce texte, en l'état, nous donne d'ailleurs globalement satisfaction, même si la question linguistique mérite d'être traitée avec attention.

Le débat, au niveau européen, est extrêmement difficile ; les intérêts des uns et des autres s'opposent sur de nombreux points. Or, selon la procédure en vigueur, ce texte doit être adopté à l'unanimité des quinze Etats membres après consultation du Parlement européen.

Par ailleurs, je crois utile de saisir l'occasion de l'examen de ce texte pour appeler à une meilleure cohérence des législations en matière de conditions de brevetabilité dans deux domaines :

- celui des logiciels d'ordinateurs, qui n'entrent pas pour l'instant dans le domaine brevetable européen contrairement à nos concurrents américains et japonais et sur lequel il serait souhaitable qu'une position claire soit définie entre les Etats membres ;

- celui de la brevetabilité du vivant qui, si elle devait faire l'objet d'une réglementation, nécessiterait d'organiser la cohérence des principes applicables au niveau communautaire et au niveau européen.

Compte rendu sommaire du débat
consécutif à la communication

M. Hubert Durand-Chastel :

Quelle que soit la formule qui sera retenue, celle d'une traduction en trois langues ou en onze langues, intégrale ou partielle, le problème qui se posera est celui du coût de cette traduction.

J'avais cru comprendre, d'après les propos de M. Pierret, que la traduction serait effectuée aux frais du gouvernement français pour maintenir la prééminence de notre langue. Est-ce bien le cas ou bien cette dépense restera-t-elle à la charge du demandeur du brevet ?

M. Xavier Darcos :

Le problème n'est pas tant de savoir si le gouvernement français serait d'accord pour assumer les frais de traduction, la difficulté tient au fait que, pour l'instant, un demandeur de brevet européen doit assurer les frais de traduction en onze langues, ce qui renchérit considérablement ses coûts par rapport à ses concurrents américains ou japonais.

J'ai moi-même posé candidement la question de savoir si, sur le budget communautaire, il ne serait pas possible de dégager une sorte de fonds de concours permettant de couvrir les frais d'une traduction systématique des brevets pour éviter cette rupture d'égalité dans la concurrence mondiale. Je n'ai pas obtenu de réponse à cette question.

M. Robert del Picchia :

Dans ce problème de traduction, il y a certes un aspect " coût ", mais il y a aussi un aspect " temps ". On traduit d'abord les textes dans une langue ou deux, puis ensuite seulement, parfois longtemps après, on assure les autres traductions. C'est ainsi que les choses se passent à l'Office européen des brevets à Munich. On y constate une certaine " offensive allemande " pour la réalisation de traductions en allemand répondant d'ailleurs à une attitude équivalente sur le plan politique qui s'est traduite par le départ de la délégation allemande de certaines réunions lorsque l'interprétation n'était pas assurée dans sa langue maternelle.

M. Xavier Darcos :

Je suis tout à fait d'accord avec cette observation. La " simultanéité " accompagne la " traductabilité ", vous me pardonnerez ce néologisme. Ce problème se posera bien dans les cas de contrefaçon puisque, je vous l'ai indiqué, aucune plainte ne sera recevable tant que le contrefacteur présumé n'aura pas reçu la traduction officielle du brevet dans la langue de son pays de résidence.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard :

Je me demande comment s'articulera, en pratique, ce nouveau brevet communautaire par rapport à celui que délivre actuellement l'OEB. Quel effet positif aura réellement ce brevet communautaire, en matière d'amélioration des conditions de concurrence, par exemple ?

M. Xavier Darcos :

La proposition de règlement prévoit bien que le brevet sera européen avant d'être communautaire. C'est d'ailleurs l'une des difficultés qu'ont soulevé certains Etats membres pour que l'OEB soit autorisé à délivrer des brevets communautaires. L'avantage consistera à disposer d'un brevet valable sur l'ensemble du territoire de l'Union, et non pas pays par pays. Cette disposition sera positive pour tous ceux qui font preuve d'inventivité et qui s'en trouveront protégés vis-à-vis de la Communauté toute entière.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard :

Pour ce qui concerne les traductions, qu'en est-il actuellement à l'OEB ?

M. Xavier Darcos :

C'est justement un point central de ce texte. Pour l'instant, chaque pays peut demander la traduction du brevet dans sa langue pour lui donner valeur légale. Il est désormais proposé de s'en tenir aux trois langues de travail officielles, l'une pour l'intégralité du texte, les deux autres pour les seules revendications.

M. Hubert Haenel :

L'autre aspect positif à souligner est celui de la protection juridique dont bénéficiera le brevet communautaire.

M. Xavier Darcos :

C'est tout à fait exact. Le problème linguistique reste complexe : la France est favorable à ce dispositif, puisque notre langue s'en trouve protégée, mais il ne bénéficie pas du même soutien des autres Etats membres - Espagne, Grèce, Portugal... - qui pourraient alors se prononcer en faveur du seul dépôt en anglais.

M. Hubert Durand-Chastel :

En outre, il faut bien mesurer le caractère très technique de ces documents, que les traductions successives peuvent dénaturer. En limitant les obligations de traduction à deux ou trois langues, on limite ce risque qui se trouverait encore aggravé s'il fallait prévoir les vingt-cinq ou trente traductions que rendrait nécessaire l'élargissement de l'Union.

M. Xavier Darcos :

Je connais, pour l'avoir enseigné, le domaine particulier des problèmes de la traduction et je rejoins votre analyse. Plus on traduit et plus on a de chance de falsifier, par définition. L'exemple célèbre que l'on cite toujours est celui de Marguerite Yourcenar, traduisant Mishima en français à partir du texte américain, ce qui donnait un résultat tout autre que le texte original.

Le problème de la traduction rejoint d'ailleurs celui de la juridiction techniquement qualifiée qui sera amenée à intervenir et qui devra s'entourer d'experts juristes et surtout linguistes pour assurer sa mission.

M. Hubert Haenel :

Si vous en êtes d'accord, nous pourrions aborder l'examen de la proposition de résolution qui nous est soumise.

M. Xavier Darcos :

Outre l'examen du texte proprement dit, j'ai souhaité évoquer, à titre de précaution, le problème de brevetabilité dans deux domaines particuliers : celui des logiciels informatiques et celui de la brevetabilité du vivant.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard :

Je ne voudrais pas qu'on puisse conclure hâtivement de ce texte que l'on accepte d'ores et déjà le principe de la brevetabilité du vivant. J'aimerais que l'on insiste surtout sur la vigilance qu'il faut observer en la matière et bien souligner qu'il est nécessaire d'obtenir une coordination des réglementations.

M. Xavier Darcos :

Je me suis posé la même question. Le fait est qu'il y aura bien brevetabilité du vivant ; c'est même pourquoi l'on vient d'autoriser l'utilisation des embryons. Et, dans ce cas, il est utile que l'on précise que nous souhaitons que cela se produise dans un cadre harmonisé.

Mon souci était guidé par une recherche de prudence. Je ne voulais pas qu'il puisse être cru que, dans nos propos généraux sur le brevet, on y assimilait d'autorité ceux concernant le domaine du vivant. Ne rien dire pourrait laisser croire à cette assimilation.

M. Hubert Haenel :

Si vous en étiez d'accord, nous pourrions proposer une rédaction plus prudente encore de cet alinéa qui serait la suivante : " estime que toute réglementation relative à la brevetabilité du vivant devra faire l'objet d'une coordination entre le niveau européen et le niveau communautaire ". Peut-elle vous convenir ?

Mme Marie-Madeleine Dieulangard :

Oui. Cette formule me paraît meilleure.

M. Robert del Picchia :

J'aimerais également que l'on puisse renforcer le paragraphe relatif à la défense du français, en précisant que nous " exigeons " qu'il en soit ainsi, puisque c'est là notre préoccupation première.

A l'issue de ce débat, la délégation a conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire (E 1539),

1) Se déclare très favorable à l'adoption d'un dispositif commun de délivrance de brevet valable, en une procédure unique, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

2) Demande au Gouvernement la plus grande vigilance pour préserver l'usage de la langue française comme langue officielle pour le dépôt et la validité des brevets communautaires, comme des brevets européens.

3) Considère qu'une juridiction communautaire centralisée et techniquement qualifiée constitue une solution appropriée pour assurer la sécurité juridique des brevets communautaires, dès lors que sa compétence se limite aux questions de validité de ceux-ci et de leur protection contre la contrefaçon ;

4) Estime toutefois inutile la création d'une nouvelle instance juridictionnelle, les structures actuelles pouvant assurer, dans des délais plus brefs et à moindre coût, cette fonction.

5) Souhaite en conséquence que la Conférence intergouvernementale dont les travaux sont actuellement en cours procède aux modifications du Traité nécessaires pour étendre le champ de compétence de la juridiction communautaire aux questions de validité et de protection contre la contrefaçon des brevets communautaires.

6) Appelle à l'harmonisation rapide des conditions de brevetabilité des logiciels informatiques au niveau de l'Union européenne, afin de ne pas pénaliser les inventeurs et sociétés européens face à leurs concurrents étrangers.


Télécommunications

Communication de M. Simon Sutour
sur le dégroupage de l'accès à la boucle locale (E 1553)

J'ai à vous parler aujourd'hui de la proposition de règlement relative au " dégroupage de la boucle locale ". Cette expression barbare, qui a pourtant été consacrée dans les textes communautaires, désigne tout simplement l'ouverture à la concurrence des liaisons terminales des réseaux de télécommunications. En clair, c'est le fil de cuivre qui relie les terminaux électroniques de l'opérateur à l'utilisateur final. Précision importante : la fibre optique, les réseaux câblés comme les liaisons hertziennes ne sont pas dans le champ de la proposition de règlement.

S'intéresser au dégroupage de la boucle locale, c'est un peu attaquer le sujet par le petit bout de la lorgnette. En effet, cette proposition de règlement " technique " - mais politiquement très sensible - s'inscrit dans un ensemble de sept directives qui forment ce qu'il est convenu d'appeler - encore un terme barbare - le " paquet télécoms ".

S'intéresser au dégroupage de la boucle locale, c'est aussi un peu arriver après la bataille. En effet, les Etats membres sont parvenus à un accord politique sur ce sujet dès le Conseil Télécommunications du 3 octobre dernier. Le Parlement européen a adopté ce texte dès la première lecture, le 26 octobre dernier, et les Etats membres devraient reprendre sans débat ses dix-huit amendements lors du prochain Conseil Télécommunications, qui aura lieu le 22 décembre prochain, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2000. Bref, ce sera un peu le " cadeau de Noël " de l'Union européenne aux abonnés à l'Internet.

Pourquoi une telle rapidité, à laquelle les instances européennes ne nous ont guère habitués ? C'est parce que le dégroupage de la boucle locale est présenté comme la condition sine qua non d'un développement rapide des services internet à haut débit et, partant, du basculement définitif de l'Union européenne dans la société de l'information.

I - LE POINT DE VUE BIEN PARTICULIER DE FRANCE TÉLÉCOM

Pour préparer cette communication, je n'ai eu le temps d'auditionner que les représentants de France Télécom. Ce n'est sans doute pas suffisant, mais je n'ai pas pu faire plus d'auditions, faute de temps. Heureusement, le point de vue de l'opérateur public français constitue un bon angle d'attaque pour aborder le sujet. En effet, cette entreprise, qui était en situation de monopole, sous la forme d'une simple direction d'administration centrale il y a seulement dix ans, a parfaitement réussi sa mue européenne.

Aujourd'hui France Télécom est présente, dans tous les Etats membres de l'Union, sur quasiment tous les segments du marché des télécommunications. On croit souvent en France que France Télécom est sur la défensive. Mais on oublie qu'elle a gagné des parts de marché dans le reste de l'Union européenne.

Ses positions les plus fortes sont les suivantes :

- la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas, depuis relativement longtemps ;

- le Royaume-Uni dans le secteur de la téléphonie mobile, suite au rachat d'Orange ;

- l'Italie, grâce à sa filiale commune avec son homologue public l'ENEL ;

- l'Allemagne où, après avoir été longtemps peu présente en raison des accords passés avec Deutsche Telekom, elle dispose désormais d'une filiale dans le secteur de la téléphonie mobile.

Pour chacun des marchés britannique, italien et allemand, France Télécom a obtenu une licence UMTS (Universal Mobile Telecommunications System), la technologie des mobiles de la nouvelle génération, à hauts débits et connectés sur l'Internet. Les conditions d'acquisitions de ces licences ont, d'ailleurs, été particulièrement onéreuses. Mais j'aurai l'occasion de revenir une prochaine fois sur cette question très discutée.

L'essentiel, c'est que France Télécom est ainsi, objectivement, en situation d'intégrer le point de vue de l'ex-monopole encore dominant sur le marché français, et celui du nouvel entrant sur les marchés des autres Etats membres, qu'elle est par ailleurs. Elle réussit même à intégrer le point de vue des opérateurs des pays tiers à l'Union grâce à Global One, sa filiale à l'international.

Mais j'ai bien conscience que, avant de pouvoir vous donner un avis définitif sur ces questions complexes, il me reste encore à entendre le point de vue de l'administration, des nouveaux opérateurs et de la Commission, puisque nous n'en sommes qu'au début du débat sur le " paquet télécoms ".

II. PRÉSENTATION DU " PAQUET TÉLÉCOMS "

L'essentiel des textes communautaires relatifs aux télécommunications a été adopté au début des années 1990, afin d'organiser l'ouverture à la concurrence dans les pays européens. La libéralisation est devenue totale au 1er janvier 1998, la boucle locale demeurant le dernier monopole.

Le problème est que ce processus d'ouverture du marché intérieur des télécommunications a produit un empilement de directives et de règlements - je crois qu'il y a eu en tout vingt-six textes successifs - qui, eux-mêmes, ont déjà été modifiés à plusieurs reprises.

Il est donc apparu nécessaire de simplifier le cadre réglementaire européen. D'une part, parce que cet empilement de textes est devenu illisible et manque de cohérence. D'autre part, parce que le marché intérieur des télécommunications a atteint un degré de maturité suffisant pour que l'on puisse, aujourd'hui, sortir de la phase initiale de transition des " monopoles historiques " vers plus de concurrence. Car il ne faut pas oublier que la situation initiale de monopole n'était pas l'apanage de la France.

Cet exercice de " passage en revue " du cadre réglementaire des télécommunications a été lancé il y a deux ans par la Commission. Celle-ci a d'abord mené des enquêtes auprès des acteurs du secteur, et commandé des études à des cabinets extérieurs. A la suite de quoi elle a déposé en juillet un ensemble de sept nouveaux textes, qui nous ont été transmis sous les numéros E 1548 à E 1554, et sont organisés de la manière suivante :

- en tête, une proposition de directive et une proposition de décision relatives à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques (E 1552 et E 1554) chapeautent le tout ;

- ensuite, viennent quatre propositions de directives qui traitent chacune l'un des aspects de la question : accès aux réseaux ( E 1548) ; traitement des données à caractère personnel et protection de la vie privée (E 1549) ; autorisation des réseaux et services de communications électroniques (E 1550) ; service universel et droit des utilisateurs (E 1551) ;

- enfin, vient la proposition de règlement relative au dégroupage de la boucle locale (E 1553).

Quel est le point de vue de France Télécom sur ces propositions de la Commission ?

Globalement, France Télécom est très intéressée par cette nouvelle initiative de l'Union européenne, et souhaite une harmonisation la plus large possible. En effet, l'entreprise publique estime être en mesure d'affronter la concurrence grâce à son action commerciale, et n'est pas demandeuse de protection réglementaire. Elle joue d'ailleurs pleinement le jeu de l'ouverture réciproque, puisqu'elle ne détient plus que 70 % du marché français de la téléphonie fixe. Elle a ainsi perdu 30 % de parts sur son marché domestique, en seulement trois ans depuis le 1er janvier 1998. Les Français n'en ont pas encore vraiment conscience, car cette clientèle " perdue ", qui n'est que la contrepartie de la clientèle gagnée ailleurs, est surtout composée d'entreprises et de professionnels, pas tellement de particuliers.

France Télécom s'inquiète toutefois des propositions faites par la Commission pour renforcer la coordination entre les autorités de régulations nationales du secteur des télécommunications.

Dans son principe, cette coordination n'apparaît pas comme étant contestable. Tout dépend, bien entendu, des modalités envisagées. La création d'une autorité européenne de régulation, qui avait un temps été défendue par la Commission avec le soutien du Parlement européen, n'est plus d'actualité. Mais le genre de " club " qui réunit actuellement, au niveau communautaire, les autorités de régulation nationales, mérite sans doute d'être un peu plus formalisé, pour ne pas dire institutionnalisé.

L'essentiel est de trouver une solution qui ne les fasse pas tomber sous la tutelle de la Commission, à l'égard de laquelle ces autorités doivent rester aussi indépendantes qu'elles le sont à l'égard des gouvernements des Etats membres.

France Télécom m'a encore dit beaucoup d'autres choses passionnantes sur le cadre réglementaire général proposé par la Commission. Mais je crois préférable de procéder à d'autres auditions et de prendre le temps de faire un travail de fond, afin de pouvoir vous dire en toute connaissance de cause ce qu'il faut en penser.

III - LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIVE AU DÉGROUPAGE DE LA BOUCLE LOCALE

Dans l'immédiat, nous sommes saisis de la proposition de règlement relative au dégroupage de la boucle locale. Comme je vous l'ai dit en introduction, " la messe est dite " sur ce texte technique. Ce texte devrait être adopté en point A, c'est-à-dire sans débat, lors du prochain Conseil Télécommunications.

En ce qui concerne la France qui, pour une fois, a voulu être exemplaire, il a déjà été transposé par anticipation en droit interne, par un décret en date du 20 septembre dernier. Cette " précipitation ", qui court-circuite quelque peu le Parlement, s'explique par l'objectif d'une entrée en vigueur au 1er janvier 2001. De toute façon, même si le Gouvernement n'avait pas pris ce décret, le règlement communautaire serait quand même entré en vigueur à la date prévue, car il est d'applicabilité directe.

Je voudrais néanmoins vous livrer quelques réflexions au sujet de ce texte qui, ainsi que je l'ai souligné en introduction, sous des dehors " techniques ", soulève en fait des questions de principe, de nature très " politique ".

France Télécom, après s'être longtemps opposée au dégroupage de la boucle locale, joue désormais pleinement le jeu. Ainsi, conformément au décret du mois de septembre et aux spécifications de l'Autorité de régulation des télécommunications, elle a publié la semaine dernière ses offres d'accès dégroupés à la boucle locale.

Néanmoins, France Télécom n'en persiste pas moins à penser que cette mesure, censée encourager le développement de l'Internet à hauts débits, risque de présenter plus d'inconvénients que d'avantages. Ses objections sont de trois ordres différents :

- tout d'abord, au plan juridique, la possibilité offerte aux autorités nationales de régulation d'intervenir d'office dans la négociation entre le " monopole historique " et les opérateurs demandeurs d'un accès à la boucle locale, en dehors de toute situation conflictuelle, lui paraît pour le moins maladroite. En fait, l'expérience prouve que les opérateurs " dominés " n'hésitent pas à recourir à l'arbitrage de l'autorité de régulation, voire des tribunaux ;

- sur un plan technique, la mise en place et l'entretien des installations nécessaires au dégroupage implique que les opérateurs concernés aient un accès direct aux centraux électroniques de " l'opérateur historique ". On voit tout de suite les problèmes pratiques que peut poser cette donnée de fait, en termes de fiabilité de l'ensemble du réseau de télécommunications, comme de partage des coûts d'entretien et d'investissement. Sur ce point, France Télécom a vraiment de grandes inquiétudes.

- enfin, sur le plan de l'opportunité, et toujours selon France Télécom, l'expérience américaine prouverait que le dégroupage de la boucle locale est une " fausse bonne idée ", qui a plus pour effet d'introduire de la pagaille que de dynamiser les services Internet à hauts débits.

Quelles conclusions peut-on tirer de ce premier survol du " paquet télécoms " ?

Tout d'abord, nous avons le temps d'y réfléchir. L'objectif que se sont fixé les Etats membres est celui d'une entrée en vigueur au 1er janvier 2003. Cette précision est importante. Si le règlement relatif au dégroupage de la boucle locale a été adopté en urgence, et commence même à être appliqué par anticipation, les directives entreront en vigueur toutes ensemble, car elles forment un tout cohérent.

Cela n'empêche pas que la négociation de ces différents textes pourra progresser à des rythmes différents, selon leur degré de consensualité. A cet égard, la proposition de directive relative au service universel risque de prendre du retard, par rapport aux propositions de directives à caractère plus pratique.

En effet, ce texte soulève des questions de principe et pose des problèmes pratiques, qui me paraissent mériter une réflexion à part. D'ailleurs, j'ai bien déjà quelques idées à dire sur le sujet, me faisant l'écho des élus locaux que nous représentons.

Mais je dois aujourd'hui me prononcer sur le fond de la question précise et " technique " qui nous préoccupe aujourd'hui : le dégroupage de la boucle locale. Il se pourrait bien que l'Union européenne ait en réalité procédé à un syllogisme hasardeux, qui serait le suivant :

- les Etats-Unis ont pris une grande avance sur l'Union européenne dans le développement de l'Internet ;

- par ailleurs, ils ont dégroupé la boucle locale de leur réseau continental de télécommunications ;

- donc, si l'Union européenne dégroupe la boucle locale de son propre réseau de télécommunications, elle basculera à son tour mécaniquement dans la société de l'information.

Il est à craindre que les choses soient un peu plus compliquées, et que les Etats membres se soient collectivement laissé emporter par le " mythe Internet ". Pour autant, je ne crois pas nécessaire d'adopter aujourd'hui une proposition de résolution.

En effet, le " coup est parti ", comme je vous l'ai dit. L'essentiel est donc de faire en sorte que la directive définitive, qui intégrera le règlement, précise bien que le dégroupage de la boucle locale est mis en place à titre transitoire. Ainsi, il sera plus aisé, le cas échéant, de rectifier le tir si l'expérience démontre que ce n'était finalement pas une si bonne idée.

En revanche, si le dégroupage se révèle efficace, rien n'interdira de le pérenniser. L'essentiel, me semble-t-il, est que l'Union européenne mette à profit son " retard " sur les Etats Unis pour prendre le temps de réfléchir et d'examiner attentivement " l'exemple américain ", afin d'accéder à la société de l'information dans les meilleures conditions possibles.

Pour ce qui concerne notre délégation, et notre méthode de travail, je suggère que nous procédions en deux temps :

- après avoir procédé aux auditions complémentaires qui me paraissent nécessaires et m'être rendu à Bruxelles, je me propose de revenir devant vous pour vous présenter le détail du cadre réglementaire général et des directives pratiques ;

- ensuite, je me propose de vous présenter la proposition de directive relative au service universel dans le secteur des communications électroniques dans un deuxième temps, pour les raisons que je vous ai exposées. En effet, je crois utile de confronter mes idées sur le sujet à votre point de vue.

Compte rendu sommaire du débat
consécutif à la communication

M. Hubert Haenel :

Pour ma part, je souscris à vos propositions, et j'estime que vous avez un droit de suite sur l'ensemble des sujets que vous avez évoqués.

M. Robert Del Picchia :

Je suis d'accord avec votre analyse de la situation de France Télécom au regard de la concurrence sur le marché intérieur européen.

M. Simon Sutour :

Effectivement, il est important de bien saisir que, à l'échelle de l'Union européenne, France Télécom est tout à la fois en situation de monopole attaqué en France et en situation de " nouvel entrant " sur le marché dans les autres Etats membres. C'est un système de poids et contrepoids.

Il me semble qu'il s'agit désormais d'une entreprise qui a une bonne dynamique commerciale, et que, globalement, elle nous offre aujourd'hui un meilleur service. Mais il faut toujours y veiller, car un bon rapport qualité-prix du service public ne va jamais pas de soi. Je pense ici à une problématique que je connais bien, qui est celle des cabines de téléphone publiques en zone rurale et notamment dans les zones de montagne où les mobiles ont une couverture lacunaire. Il y a quelques années, le département du Gard avait dû " mettre la main à la poche " pour aider France Télécom à les financer. Je serais curieux de savoir quel est aujourd'hui le bilan réel de cette opération et le devenir de ces cabines.


Politique sociale

Communication de Mme Marie-Madeleine Dieulangard
sur l'agenda pour la politique sociale (E 1497) et sur les
lignes directrices pour les politiques de l'emploi (E 1559)

Ma communication d'aujourd'hui porte sur deux textes qui nous sont soumis dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution : le premier est l'agenda pour la politique sociale, et le second est le projet de lignes directrices pour l'emploi.

J'ai choisi de les présenter dans une même communication, car ce sont deux textes complémentaires et qui vont dans le même sens. Ils ont d'ailleurs été examinés par une même formation du Conseil, le Conseil " emploi/affaires sociales " qui s'est réuni hier et avant-hier. Ils seront ensuite à l'ordre du jour du Conseil européen de Nice, le 7 décembre prochain.

I - L'AGENDA POUR LA POLITIQUE SOCIALE (E 1497)

Je vais tout d'abord aborder l'agenda pour la politique sociale. Ce document prend la forme d'une communication de la Commission européenne, préparée à la demande du Conseil européen de Lisbonne.

Comme vous le savez, cette réunion de Lisbonne du Conseil européen, qui s'est tenue en mars dernier, a donné à l'Union un " nouvel objectif stratégique " pour les années 2000-2006, à savoir " devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ".

·  L'idée essentielle est celle d'une interdépendance, d'un renforcement mutuel entre les trois aspects de cet " objectif stratégique " :

- croissance économique fondée sur les nouvelles technologies,

- amélioration de l'emploi,

- cohésion sociale.

C'est pourquoi, dans l'agenda social, l'objectif est représenté sous la forme d'un triangle :

Politique sociale

Qualité sociale/Cohésion sociale

Plein emploi/Qualité du travail

Compétitivité/Dynamisme

Politique de l'emploi

Politique économique

Cette représentation entend suggérer qu'il n'y a pas lieu de séparer, encore moins d'opposer les différents pôles du triangle, mais au contraire d'entrer dans un cercle vertueux où ils se renforcent réciproquement. Car une protection sociale efficace concourt en réalité à la compétitivité économique en favorisant l'adaptation au changement et en évitant le sous-emploi des ressources humaines ; et le relèvement du taux d'emploi (le taux d'emploi est le rapport entre le nombre de personnes employées et le nombre de personnes en âge de travailler) est le principal moyen d'assurer le financement durable des systèmes de protection sociale.

La Commission européenne met tout particulièrement l'accent sur la notion de qualité du travail, qui porte sur plusieurs aspects :

- le contenu même du travail, que les nouvelles technologies de l'information tendent à modifier et à faire évoluer constamment, ce qui impose que la formation tout au long de la vie prenne une importance centrale;

- les relations entre les partenaires sociaux dans l'entreprise ;

- l'effort pour permettre de mieux concilier la vie professionnelle et la vie privée et pour rendre plus facile la mobilité géographique et professionnelle ;

- les normes de travail, la santé et la sécurité professionnelles.

·  Pour mettre en oeuvre le " nouvel objectif stratégique ", la Commission européenne suggère une méthode relevant de ce qu'il est convenu d'appeler la " nouvelle gouvernance ". La priorité est de mobiliser les différents acteurs autour de l'objectif commun et de coordonner leurs efforts. Cette méthode n'exclut pas l'adoption de normes communes, mais n'en fait pas un moyen d'intervention exclusif.

On peut souligner dans cette approche trois aspects :

- pour ce qui est de l'action des Etats, la méthode est celle de la coordination ouverte des politiques. Cette méthode s'est d'abord appliquée dans le domaine des politiques économiques après le traité de Maastricht, elle s'est ensuite appliquée aux politiques de l'emploi après le traité d'Amsterdam, elle apparaît aujourd'hui également comme la méthode privilégiée dans le domaine social. Dans le cadre de cette méthode, les Etats fixent en commun des objectifs généraux, et c'est ensuite à chaque Etat, pour l'essentiel, de définir les moyens d'y parvenir, avec des clauses de rendez-vous, une surveillance multilatérale et des évaluations régulières ;

- le deuxième aspect sur lequel insiste la Commission européenne, est l'implication de tous les acteurs, Etats, collectivités locales, partenaires sociaux, ONG.

- enfin, troisième aspect, la diversité des formes d'action qui peuvent être : la législation européenne ; le dialogue social à l'échelon de l'Union ; l'utilisation des fonds structurels et principalement du Fonds social européen ; les programmes d'action communautaire ; le " mainstreaming ", c'est-à-dire la prise en compte d'un grand objectif dans l'ensemble des politiques ; enfin, le recours aux agences européennes compétentes. Ces agences sont : la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Dublin), l'Agence européenne pour la santé et la sécurité du travail (Bilbao), l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (Vienne), le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Thessalonique) et la Fondation européenne pour la formation (Turin).

Lorsque je suis allée à Bruxelles, les personnes que j'ai rencontrées, tant à la Commission européenne qu'à la Représentation permanente de la France, ont remarqué que cette " nouvelle gouvernance " réclamait un certain changement des habitudes de pensée. En effet, dans l'approche que met en avant la Commission européenne pour la politique économique et sociale, on recherche avant tout à réaliser une convergence autour de grands objectifs en s'efforçant de susciter la participation la plus large possible, et il n'y a aucune frontière entre ce qui relève de l'échelon national et ce qui relève de l'échelon européen. Dans ce contexte, il ne peut être question d'" exporter " un quelconque système social vers les autres pays. Le but de l'agenda social sur ce point, c'est plutôt de faire en sorte que des systèmes nationaux qui resteront assez différents parviennent à des résultats comparables et soient davantage compatibles entre eux. C'est dans cette optique qu'une harmonisation reste nécessaire, dans une perspective de mobilité accrue, afin de mieux coordonner les régimes de Sécurité sociale, notamment les systèmes de retraite et de protection de la santé ; et il me semble qu'un passage à la majorité qualifiée pour décider dans ce domaine serait tout à fait dans la logique de l'agenda social.

·  Jusqu'à présent, je m'en suis tenue à des considérations générales, qui me paraissaient nécessaires parce que l'agenda social est avant tout un texte d'orientation. Mais naturellement, cet agenda contient des propositions plus précises. Les grands axes sont :

- l'amélioration quantitative et qualitative de l'emploi, ce qui renvoie notamment à l'application des lignes directrices pour l'emploi que j'évoquerai tout à l'heure ;

- le renforcement de la capacité d'adaptation au changement, ce qui met en jeu l'évolution des relations de travail et de certains aspects de la législation du travail ;

- l'exploitation des possibilités offertes par l'économie de la connaissance, ce qui suppose notamment de mettre l'accent sur la formation tout au long de la vie ;

- la promotion de la mobilité ;

- la modernisation de la protection sociale, avec notamment le problème de l'évolution des régimes de retraite ;

- la lutte contre l'exclusion ;

- la promotion de l'égalité entre les sexes ;

- la lutte contre la discrimination ;

- l'amélioration de la qualité des relations industrielles, avec la renforcement du dialogue social ;

- la préparation de l'élargissement, avec la question de la reprise de l'acquis communautaire par les pays candidats ;

- enfin, la coopération internationale avec le problème des normes sociales minimales.

Ces grands axes me paraissent globalement pertinents, sous deux réserves. La première est que, tel qu'il a été présenté par la Commission européenne, l'agenda social ne contient pas suffisamment d'échéances précises. Or, pour que la méthode de coordination fonctionne bien, il faut fixer des rendez-vous, des objectifs de date, à la fois pour mobiliser les acteurs et pour permettre le suivi et l'évaluation. Ma deuxième réserve est que l'accent n'est pas mis suffisamment sur l'aspect global de la protection de la santé. Il ne suffit pas, me semble-t-il, de mentionner la santé et la sécurité au travail, comme le fait l'agenda social. Dans certains cas, le retour à l'emploi n'est pas séparable d'une démarche de santé. Il me paraît donc nécessaire que les objectifs de santé publique soient pleinement intégrés dans l'agenda social.

·  En conclusion, je ne vous propose pas d'intervention de la délégation sur ce texte, malgré son intérêt.

Il me semble, tout d'abord, que notre calendrier permettrait difficilement la discussion d'une proposition de résolution avant le Conseil européen de Nice. La délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale a déposé, la semaine dernière, une proposition de résolution, mais si nous faisions de même, notre texte devrait être examiné en pleine période de discussion budgétaire, ce qui me paraît peu réaliste.

Il y a aussi une raison tenant davantage au fond. L'agenda social, qui s'inscrit dans la suite du Conseil européen de Lisbonne, me paraît être globalement un bon document, qui tend à rééquilibrer la part de la politique sociale par rapport à la politique économique dans la construction communautaire. J'ai été amené à faire deux réserves, mais ces réserves portent sur le texte initial de l'agenda. Or, la présidence française s'est efforcée d'améliorer le document sur les points que j'ai soulevés, notamment le premier. Le document de synthèse de la présidence française prévoit en effet un échéancier beaucoup plus précis, et par ailleurs ce document intègre plus clairement dans l'agenda social les objectifs de santé publique. Il me semble donc que nous pouvons appuyer sans réserve la position du Gouvernement.

En revanche, je crois que notre délégation pourrait, le moment venu, participer au suivi de l'agenda social. Ce suivi pourrait concerner le domaine législatif, car certains textes importants sont en discussion depuis des années (information et consultation des travailleurs, licenciement collectif...) tout comme le bilan de la coordination des politiques sociales, je pense en particulier à des domaines comme la lutte contre l'exclusion et la lutte contre les discriminations.

II - LES LIGNES DIRECTRICES POUR LES POLITIQUES DE L'EMPLOI (E 1559)

J'en viens à la seconde partie de ma communication, les lignes directrices pour l'emploi. Je serai très brève sur le sujet, car les premières lignes directrices ont fait l'objet d'une résolution du Sénat à la fin 1998 ; pour le deuxième exercice, fin 1999, la délégation a décidé de ne pas intervenir, car les lignes directrices étaient pour l'essentiel les mêmes ; or, nous nous trouvons dans la même situation cette année : les lignes directrices ne sont pas modifiées de manière substantielle.

Je rappelle que l'objectif global retenu par le Conseil européen de Lisbonne est d'arriver en 2010 à un taux d'emploi d'au moins 70 % en moyenne, et en particulier d'au moins 60 % pour les femmes, et que les lignes directrices retiennent pour cela quatre grands axes :

- améliorer la capacité d'insertion professionnelle,

- développer l'esprit d'entreprise et la création d'emplois,

- encourager l'adaptabilité des entreprises et de leurs salariés,

- renforcer les politiques d'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Par rapport aux précédentes lignes directrices, le nouveau texte met davantage l'accent sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, ainsi que sur le rôle essentiel des partenaires sociaux. Mais il s'agit là de l'accentuation de thèmes qui figuraient déjà dans le texte adopté l'année dernière.

Je dois préciser que cette continuité est tout à fait dans la logique de la procédure de coordination des politiques : de grandes priorités ayant été définies au départ, l'intérêt de la présentation des lignes directrices, durant les années suivantes, est avant tout de permettre un suivi de leur mise en oeuvre. La situation de l'emploi ne s'est pas modifiée au point de justifier un changement notable des priorités ; l'important est plutôt de vérifier que, progressivement, elles se concrétisent.

Je vais donc dire deux mots non pas des lignes directrices, sur lesquelles je vous propose donc de ne pas intervenir, mais au sujet du document qui accompagne, chaque année, la présentation des lignes directrices, le " rapport conjoint sur l'emploi ".

Ce rapport évalue la réalisation des lignes directrices, d'abord d'une manière générale pour l'ensemble des pays membres, puis pays par pays.

·  Pour l'ensemble de l'Union, on observe un fort mouvement de création d'emplois (4 millions depuis 1997). Le taux d'emploi atteint désormais 62,3 % dans l'Union, en hausse d'environ 1 % par rapport à 1997.

Le taux de chômage est tombé à 8,3 % en moyenne, avec des disparités encore fortes selon les Etats membres, puisque ce taux est inférieur à 5 % dans six pays, et qu'il est encore supérieur à 14 % en Espagne. L'amélioration de l'emploi a bénéficié principalement aux jeunes et aux femmes, même si ces dernières restent majoritaires parmi les chômeurs.

Les deux points noirs du tableau sont l'importance des emplois à temps partiel et temporaires (qui représentent près de 30 % du nombre total d'emplois dans l'Union) et le faible taux d'emploi des personnes de plus de 55 ans, qui s'élève à 37 %.

Cette situation plus favorable tient certes en grande partie à l'amélioration du contexte macro-économique, mais la Commission observe que certains aspects au moins des lignes directrices ont commencé à entrer dans la réalité et ont eu un impact positif. Il en est ainsi de l'" activation " des dépenses (c'est-à-dire le renforcement des mesures actives d'insertion et de formation au bénéfice des chômeurs), qui progresse dans la plupart des pays, des mesures spécifiques en faveur des femmes, de la modernisation des services publics de l'emploi, et des efforts pour favoriser l'emploi des personnes handicapées.

En revanche, selon la Commission, plusieurs aspects des lignes directrices n'ont guère reçu d'application : le réexamen des systèmes d'indemnisation pour rendre plus attractive la reprise d'emploi, la réduction de la charge fiscale pesant sur le travail, la modernisation de l'organisation du travail et la définition de formes plus souples de contrats de travail. Il est vrai qu'il s'agit là de chantiers extrêmement difficiles, pour lesquels un consensus peut être difficile à obtenir.

·  Pour la France, il apparaît que la baisse importante du taux de chômage qui a eu lieu en France depuis le lancement du processus des lignes directrices nous a rapprochés de la moyenne européenne. Les derniers chiffres connus montrent que le taux de chômage en France s'établit désormais à 9,5 %, alors que la moyenne européenne, comme je l'ai indiqué, se situe à 8,3 %.

La Commission européenne porte une appréciation positive sur l'application par la France des lignes directrices sur plusieurs points : enrichissement en emplois de la croissance, progression de l'emploi des jeunes, plus grande égalité hommes/femmes, lutte contre les exclusions et les sorties du système scolaire sans qualification, mesures d'allégement des charges, développement des emplois de service. La Commission observe également que " les négociations sur la réduction du temps de travail ont débouché souvent sur des accords entre partenaires sociaux permettant d'accélérer la modernisation de l'organisation du travail ".

Les principaux " points noirs " que relève la Commission concernant la France sont au nombre de trois :

- le renforcement des mesures actives n'est pas allé assez loin : en particulier, les actions dites de " nouveau départ " destinées aux personnes au chômage depuis moins d'un an restent insuffisantes et très inférieures aux objectifs ;

- les charges pesant sur le travail restent supérieures à la moyenne européenne ;

- enfin, le taux d'emploi des personnes de plus de 55 ans est très bas (28,3 %), nettement inférieur à la moyenne européenne (37 %).

En conclusion, je voudrais souligner que le bilan de la coordination des politiques de l'emploi menée depuis le Conseil européen de Luxembourg me paraît loin d'être négligeable. Bien entendu, les progrès accomplis depuis 1997 tiennent avant tout à une plus forte croissance, mais les politiques volontaristes ont contribué à ce que cette croissance soit plus riche en emplois, et, par ailleurs, le dialogue qui s'est instauré entre la Commission et les Etats membres ainsi qu'entre les Etats membres eux-mêmes a permis de dégager des priorités et d'établir des diagnostics en dépassant les cadres de pensée nationaux. Il s'agit là d'un processus qui ne portera véritablement ses fruits que dans la durée, mais qui au total me paraît être une source de progrès. On voit peu à peu s'affirmer une méthode communautaire originale : des lignes directrices, un agenda, un suivi et une évaluation. Ce qui me paraît particulièrement positif, c'est que les politiques sociales et de l'emploi sont désormais partie intégrante de la construction européenne, avec la même importance, le même volontarisme que dans le cas des politiques économiques, de la politique commerciale, de la politique monétaire qui avaient auparavant la prévalence. Il me semble que nous serions tout à fait dans notre rôle en participant au suivi de ce processus, par exemple en faisant un premier bilan de la mise en oeuvre de l'agenda social vers la fin de la présidence suédoise.

Compte rendu sommaire du débat
consécutif à la communication

M. Hubert Haenel :

Je constate que votre souhait d'exercer un suivi sur la mise en oeuvre de l'agenda social est approuvé par la délégation. Il faut en effet traduire les objectifs qui ont été retenus en réalisations concrètes.

M. Xavier Darcos :

En vous écoutant, j'ai cru percevoir que vous considériez le développement de l'emploi à temps partiel comme une régression. N'est-ce pas dans certains cas une réponse à une aspiration ?

Mme Marie-Madeleine Dieulangard :

J'ai effectivement tendance à considérer cette évolution comme une régression, car, dans de très nombreux cas, l'emploi à temps partiel est subi et non choisi. Mais, naturellement, dans certains cas, l'emploi à temps partiel peut répondre à une demande. Le critère essentiel est celui d'une possibilité de choix.

A l'issue du débat, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur les textes E 1497 et E 1559.