Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mardi 15 juin 2004


Institutions européennes


Institutions européennes

Audition de M. Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères

M. Michel Barnier :

Après de nombreux mois de négociation, les travaux sur la Constitution européenne entrent dans leur dernière ligne droite. Nous sommes au lendemain d'un Conseil à Luxembourg et à deux jours du Conseil européen qui doit proposer un candidat pour la présidence de la Commission européenne et, je l'espère, conclure sur la Constitution. Il existe aujourd'hui de nombreuses positions communes et des chemins de compromis entre les États membres sur les questions restant en discussion, ce qui me rend optimiste. Par ailleurs, il me semble qu'il existe une réelle volonté d'aboutir : si la négociation ne réussissait pas au Conseil européen, il faudrait conclure dans trois ou six mois, sous présidence néerlandaise, alors que la dynamique commencera à s'essouffler. De plus, les citoyens, en votant aux élections parlementaires européennes, mais aussi en s'abstenant largement, ont témoigné d'une certaine inquiétude à l'égard de la construction européenne. Il faut leur envoyer le message clair que l'Europe est en ordre de marche.

Au Conseil européen de Bruxelles, qui se tiendra les 17 et 18 juin prochains, la présidence irlandaise va soumettre deux documents : l'un rassemblant tous les points d'accord, obtenus notamment sous présidence italienne, soit 85 % du projet de Constitution, et l'autre listant les questions restant en débat. Sur le premier document, il ne s'agit pas seulement de points techniques, mais d'avancées fondamentales et que l'on n'attendait pas forcément, comme les dispositions sur les outils et l'architecture d'une future politique européenne de défense. Je vous précise, à ce sujet, qu'au dernier Conseil de Luxembourg, un accord politique a été trouvé sur le rôle et le fonctionnement de l'Agence européenne de défense, qui assumera quatre grandes fonctions : le développement des capacités de défense, la recherche, la coopération en matière d'armement, et le renforcement de la coopération industrielle et technologique.

Les points restant en débat portent donc sur les questions institutionnelles, la Charte des droits fondamentaux, le préambule de la Constitution et l'application de la majorité qualifiée au conseil des ministres.

Pour les questions institutionnelles, la question du maintien d'un commissaire européen par pays est un point sensible pour les nouveaux États membres, mais aussi pour certains États comme l'Autriche, la Finlande ou la Grèce. Un accord semble se dessiner pour que chaque pays conserve un commissaire jusqu'en 2014, date à laquelle la Commission serait automatiquement restreinte à dix-huit membres, avec un principe de rotation égalitaire. Mon expérience personnelle m'a montré que le nombre de vingt commissaires est un maximum pour préserver les règles de la collégialité.

Pour le Parlement européen, certains ajustements devraient être portés au texte élaboré par la Convention : le seuil minimal de parlementaires européens pourrait être relevé de quatre à cinq ou six et quelques sièges supplémentaires pourraient être attribués à l'Espagne et à la Pologne, sans qu'il soit encore établi si cela se traduira par une augmentation du nombre de députés européens, par exemple à 745 ou 750 membres, ou par la redistribution de sièges d'autres États membres, par exemple ceux de l'Allemagne.

Pour les modalités de vote en Conseil des ministres, l'Espagne et la Pologne semblent désormais accepter le système de la double majorité. La règle fixée par le texte élaboré par la Convention pour obtenir une majorité qualifiée est de 50 % des États représentant 60 % de la population : un compromis s'orienterait plutôt vers une double majorité de 55 % des États et 65 % de la population. Pour la France, il est important que l'écart entre les deux seuils ne soit pas trop élevé, et en tous cas pas supérieur à dix points. Il faut noter que certains États membres souhaitent des « verrous » supplémentaires, par exemple en ajoutant une minorité de blocage d'au moins quatre États représentant au moins 15 % de la population, en retirant les votes d'abstention du calcul de la majorité qualifiée, ou encore en recourant à une nouvelle formule sur le compromis dit de « Ioannina » qui permettrait à des États membres représentant un certain pourcentage de la population européenne de demander à poursuivre la discussion sur un texte qui pourrait être adopté selon la majorité qualifiée. Toutes ces propositions devraient rendre le mécanisme de vote au Conseil des ministres plus complexe, mais il semble désormais impossible de conserver un système à la fois simple, efficace et équitable. La simplicité devrait donc in fine être sacrifiée au profit de l'efficacité et de l'équité.

Pour le champ de la majorité qualifiée, la France s'est battue pour augmenter le nombre de sujets pouvant être adoptés selon cette méthode. Il me semble que l'on sous-estime largement les difficultés d'une négociation à vingt-cinq États membres, avec l'entrée dans l'Union d'États qui doivent encore faire l'apprentissage de la méthode de négociation communautaire. Sur ce point, des pays ont été très réticents, comme la Grande-Bretagne, qui a fixé de nombreuses « lignes rouges » en matière de politique étrangère et de sécurité commune, de fiscalité, de sécurité sociale, ou de ressources propres. Quelques avancées ont été obtenues tout de même en matière sociale, par exemple avec l'institutionnalisation du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi, avec la clause sociale horizontale qui vise à prendre en compte la politique sociale dans toutes les initiatives européennes, ou encore avec la santé publique ou la protection sociale des travailleurs migrants. En revanche, les questions fiscales n'ont pas pu progresser comme nous l'aurions souhaité. Dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, des avancées ont été obtenues, malgré les réticences britanniques : la règle de la majorité qualifiée pourrait s'appliquer à la coopération judiciaire en matière pénale, moyennant une clause d'appel au Conseil européen, et les attributions du parquet européen pourraient être étendues de la protection des intérêts financiers de l'Union à la lutte contre la criminalité organisée. Sur tous ces sujets, la France oeuvrera également en faveur de la « clause passerelle » qui permettra au Conseil des ministres de décider à l'unanimité de passer sur certains sujets à la majorité qualifiée.

Pour la Charte des droits fondamentaux, certains États membres souhaitent inclure dans le texte de la Constitution les explications du Présidium de la Convention qui a élaboré la Charte. La France y est opposée, considérant qu'il faut préserver le caractère constitutionnel de l'ensemble du texte adopté par la Convention.

Pour la gouvernance économique, des États membres, dont l'Allemagne, ne souhaitent pas accorder davantage de pouvoir à la Commission européenne en matière de constatation de déficit excessif. Le projet de Constitution mentionne des propositions de la Commission, qui ne pourraient donc être rejetées qu'à l'unanimité du Conseil, alors qu'il serait possible de s'en tenir à de simples recommandations. Ce souhait est compréhensible, dans la mesure où, dans la Commission qui va être mise en place prochainement, les commissaires émanant de pays membres de la zone euro seront minoritaires au sein du collège des commissaires.

Pour la référence à l'héritage chrétien, un groupe de sept pays souhaite encore modifier le préambule du projet de Constitution. Cependant, celui-ci relève d'un difficile compromis entre ceux qui voulaient une référence explicite à Dieu ou à l'héritage chrétien et ceux qui ne voulaient aucune mention de la religion. En conséquence, le texte du projet de Constitution qui fait référence aux héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe ne devrait pas être modifié.

M. Serge Vinçon :

Je souhaiterais vous interroger sur deux points. D'une part, pouvez-vous nous préciser quel sera le mode de décision au sein de l'Agence européenne de défense et la nature de ses relations avec l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ? D'autre part, concernant l'Union de l'Europe Occidentale (UEO), l'engagement de défense mutuelle prévu par le traité de Bruxelles de 1948 ne sera-t-il pas rendu caduc par la clause d'assistance mutuelle insérée dans la Constitution ? Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous apportiez votre sentiment sur le devenir de l'assemblée parlementaire de l'UEO.

M. Robert Del Picchia :

J'ai été particulièrement déçu du faible taux de participation aux élections européennes dans les nouveaux pays adhérents de l'Union, alors même que les citoyens de ces pays avaient été plus nombreux à participer aux référendums d'adhésion. Avez-vous une explication à cette rapide désaffection pour l'Union européenne ?

M. Xavier de Villepin :

Le Conseil européen va bientôt désigner un candidat à la présidence de la Commission européenne. Pouvez-vous nous apporter des précisions, sinon sur le choix probable du Conseil, du moins sur la procédure de nomination ?

M. Michel Barnier :

L'Agence européenne de défense prendra ses décisions tantôt à l'unanimité de ses membres, tantôt à la majorité qualifiée pour certaines décisions du comité directeur, comme le budget annuel. L'unanimité sera évidemment requise pour les engagements à l'égard des tiers. Il me semble que le principe de l'unanimité préserve les intérêts des États membres qui, de toute manière, se retrouveront sur des positions communes. Il faut ajouter que la coopération au sein de l'Agence ne pourra être contradictoire avec les engagements des États membres à l'égard de l'OTAN : c'était la condition essentielle pour que sa création soit acceptée, notamment par la Grande-Bretagne. Les mots clefs seront donc autonomie et complémentarité à l'égard de l'OTAN.

Par ailleurs, il est vrai que la disposition du traité de Bruxelles sur la défense mutuelle sera redondante avec les dispositions équivalentes du projet de Constitution, mais il ne faudra réfléchir à sa suppression que lorsque la Constitution européenne entrera en vigueur, soit sans doute pas avant trois ans. Il en sera de même alors pour l'assemblée de l'UEO. Il me semble que des dispositions devront être trouvées pour poursuivre l'association des parlementaires nationaux aux questions de défense européenne, par exemple sous la forme de réunions régulières des commissions chargées de la défense et des forces armées dans les parlements des États membres et de la commission homologue du Parlement européen.

L'abstention aux élections européennes a été très forte non seulement dans les nouveaux pays adhérents, mais également dans les anciens États membres, qui ont pourtant l'expérience de l'Union européenne. Tous les gouvernements ont été secoués par cette désaffection des citoyens et nous ne pouvons nier qu'elle manifeste une réelle incompréhension du fonctionnement des institutions communautaires. Alors que les électeurs se déplacent pour les référendums sur la monnaie unique ou sur l'adhésion de leur pays à l'Union, ils ne perçoivent pas le rôle et surtout l'utilité du Parlement européen.

M. Robert Del Picchia :

Pensez-vous que la participation des citoyens aurait été plus importante si le projet de Constitution avait été adopté avant les élections européennes ?

M. Michel Barnier :

Il me semble que la vraie réponse à cette abstention serait de créer un véritable débat politique européen, au même titre qu'il existe un débat politique national. Les grands partis européens, comme le parti populaire européen (PPE) ou le parti socialiste européen (PSE) devraient présenter devant les électeurs leur projet. Quant au mode de scrutin choisi par la France, il me semble que la division en grandes régions rapproche le parlementaire européen des électeurs et, le cas échéant, lui permet de rendre des comptes sur son mandat. Sans doute cela aurait-il été plus aisé si l'on avait retenu des régions de dimension plus modeste, mais cela aurait fortement défavorisé les petits partis ; c'est pourquoi cette solution n'a pas été retenue.

Le candidat à la présidence de la Commission européenne sera choisi à la majorité qualifiée par les chefs d'État et de gouvernement le 17 juin au soir. Le Président de la République a déclaré qu'il considérait que Guy Verhofstadt, premier ministre belge, serait un bon candidat. Toutefois, les autres États membres ont également des préférences et le jeu est donc assez ouvert. Ce qui est certain, c'est qu'aucun pays ne pourra plus opposer son veto, comme la Grande-Bretagne l'avait fait à l'égard de Jean-Luc Dehaene, écarté au profit de Jacques Santer en 1995. Je vous rappelle la procédure : le Conseil européen désigne un candidat à la majorité qualifiée, en tenant compte du résultat des élections européennes ; puis le Parlement européen investit le président de la Commission européenne. Celui-ci reçoit ensuite les propositions des États membres pour la composition du collège des commissaires ; une fois les candidats sélectionnés, ils sont soumis à des auditions au Parlement européen ; enfin, la Commission est investie collégialement par un vote unique du Parlement européen.

M. Xavier de Villepin :

La France a-t-elle déjà fait connaître son candidat au poste de commissaire européen ?

M. Michel Barnier :

Jacques Barrot présente toutes les qualités requises pour être le prochain commissaire européen français, avec si possible un portefeuille à dominante économique. Il faut toutefois procéder par étapes et attendre la désignation du nouveau président de la Commission.

Mme Danielle Bidard-Reydet :

L'abstention aux récentes élections européennes a été une très mauvaise surprise. J'ai été particulièrement frappée par la faible participation en Slovaquie, alors même que ce pays avait adhéré à l'Union européenne avec enthousiasme. La nouveauté de ces élections européennes pour ces pays ne me semble pas suffire à justifier une telle désaffection. Je pense que cela traduit surtout le sentiment que les députés européens ne servent à rien, ce qui est une réelle mise en cause du fonctionnement démocratique de l'Union. Ne faudrait-il pas prendre en compte cet avertissement et envoyer un message clair aux citoyens à l'occasion de l'adoption du projet de Constitution européenne, en ajoutant par exemple des dispositions renforçant le pouvoir de décision des parlementaires européens ?

M. Jacques Blanc :

Je souhaiterais avoir trois précisions sur le projet de Constitution : est-ce que la notion de cohésion territoriale sera bien mentionnée dans ce texte ? Le rôle du Comité des régions sera-t-il reconnu et renforcé ? Enfin, la Constitution fixera-t-elle des limites géographiques à l'Union européenne ?

M. Maurice Blin :

Je suis satisfait de la création de l'Agence européenne de défense, mais je suis également perplexe à l'égard du développement d'investissements coûteux sur une longue période. Pensez-vous que l'Agence permettra une réelle uniformisation des armements européens et une véritable division du travail entre les États membres ?

M. Michel Barnier :

Les citoyens français ont déjà du mal à comprendre ce que font leurs députés européens à Strasbourg ; il est donc normal que les citoyens des nouveaux États membres s'interrogent sur le fonctionnement du Parlement européen. Il ne faut d'ailleurs pas généraliser puisque Chypre et Malte ont enregistré de bons taux de participation. Je rappelle que le projet de Constitution comprend déjà de nombreuses dispositions renforçant les pouvoirs des parlementaires européens, avec notamment l'extension de la codécision. Des dispositions sont également prévues en faveur des parlementaires nationaux, sous la forme d'un mécanisme d'alerte en cas d'atteinte à la subsidiarité. Au-delà, un travail d'explication est nécessaire sur le rôle des parlementaires européens. Enfin, je vous indique que je réfléchis actuellement à améliorer les dispositions pour la transposition des textes communautaires en droit interne.

La cohésion territoriale est bien inscrite dans le projet de Constitution, de même que le Comité des régions, qui est un organe important de l'Union européenne, même s'il n'en est pas une institution. En revanche, le texte de la Constitution ne délimite pas les frontières de l'Union, mais la politique de voisinage a précisément pour objectif de traiter des relations avec les pays limitrophes au Sud et à l'Est. Pour la Turquie, je rappelle que la question porte seulement sur l'ouverture, ou non, de négociations d'adhésion, qu'elle sera tranchée par le Conseil européen de décembre prochain, et que ces négociations, si elles étaient décidées, devraient durer plusieurs années.

La nouvelle Agence européenne de défense est un outil très important, non pas pour dépenser plus, mais pour dépenser mieux, avec une répartition intelligente des tâches entre les États membres. A défaut d'uniformisation, il faut en attendre une harmonisation et des économies d'échelle, sans quoi l'industrie militaire européenne risque fort de disparaître dans les prochaines années.

M. Simon Sutour :

Vous avez confirmé que le principe de cohésion territoriale figurerait dans la Constitution de l'Union. Mais, en arrière-plan, se pose la question de l'avenir des fonds structurels. Yann Gaillard et moi-même avons préparé un rapport sur ce sujet, dont les conclusions rejoignent celles de la Commission européenne. Où en est-on aujourd'hui ? Quelle est la position du Gouvernement ?

M. Jean Bizet :

Le 27 mai dernier, la Commission européenne a présenté un document d'orientation sur la « politique de voisinage » de l'Union. Faut-il penser que, avec ce document, le problème des frontières ultimes de l'Union est tranché ? En effet, la Commission met sur le même plan les pays qui relèvent du processus « Euromed » et les pays européens situés à l'Est de l'Union. On peut penser que cela revient à dire que ces pays de l'Est n'ont pas vocation à adhérer à l'Union. Est-ce bien ainsi qu'il faut interpréter ce document ?

M. Yann Gaillard :

Je rejoins la question de Simon Sutour : en clair, allons-nous en rester à un plafond de dépenses, pour le budget de l'Union, de l'ordre de 1 % du RNB ou ira-t-on jusqu'à 1,14 % ?

Par ailleurs, je souhaiterais savoir si le traité laissera une place suffisante aux coopérations renforcées ?

M. Pierre Fauchon :

Les électeurs se seraient-ils aussi peu mobilisés, dimanche dernier, si la classe politique française, y compris aux plus hauts niveaux, avait parlé plus positivement du Parlement européen et de la Commission européenne ?

Ma question principale porte sur les questions de justice et d'affaires intérieures. Face au développement de la criminalité transfrontière, l'Europe réagit avec des lenteurs surprenantes et ne parvient pas à se mettre en ordre de marche. Les coopérations renforcées sont-elles une solution possible pour avancer plus rapidement vers cette unification des systèmes judiciaires et des instruments de poursuite qui me paraît indispensable ?

M. Hubert Haenel :

Depuis des années, quel que soit le Gouvernement au pouvoir, la France accuse un retard persistant dans la transposition des directives. Depuis des années, les Gouvernements qui se succèdent constatent que la France est quasiment la lanterne rouge de l'Europe. Ils annoncent qu'ils vont prendre les mesures qui s'imposent. Mais, quelque temps plus tard, on constate que la situation n'a pas changé.

Ici, au Sénat, nous avons examiné ce problème et nous avons formulé des propositions. La première consiste, pour le Gouvernement, à songer à la transposition dès le début des négociations sur une directive et à intéresser le parlement français au problème de la future transposition dès ce moment-là. La deuxième consiste à réserver en priorité une séance du parlement français par mois pour la transposition des directives et la ratification des conventions internationales. Le Sénat a adopté en juin 2001 une proposition de loi constitutionnelle en ce sens. Mais celle-ci est toujours sur le Bureau de l'Assemblée Nationale.

Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire pour que la France redevienne un bon élève de l'Europe ?

M. Michel Barnier :

Je suis d'accord avec vous. Pour la transposition des directives, la situation ne peut plus durer, d'autant que notre rang s'est encore détérioré. Je réfléchis avec Claudie Haigneré, la ministre déléguée aux affaires européennes, aux remèdes possibles : mieux évaluer l'impact juridique au stade des négociations, réserver une demi-journée par mois à l'Assemblée nationale et au Sénat à la transposition des directives sont des pistes intéressantes. Encore faut-il trouver le moyen de renforcer l'association des deux Assemblées, qui ne doivent pas être cantonnées dans un exercice frustrant de recopiage, mais doivent pouvoir s'approprier davantage ces textes.

Pour ce qui est du plafond des dépenses de l'Union, la Commission a proposé de passer à 1,11 % du RNB, augmenté de 0,03 % pour le Fonds européen de développement (FED), ce qui aboutirait à un plafond de 1,14 %, alors que les dépenses atteignent actuellement 1 % (plus le FED) ; je rappelle que la décision sur les ressources propres autorise à atteindre 1,24 % du RNB, plus le FED. La proposition de la Commission n'est donc pas maximaliste. Pour ma part, je reste fidèle à l'esprit des propositions que j'avais faites comme commissaire européen, parce que je reste attaché aux principes de la politique régionale de l'Union. Pour autant, qui peut ignorer les difficultés budgétaires de plusieurs pays, dont le nôtre, conduisant à cette demande d'un plafonnement des dépenses à 1 % du RNB ? Nous sommes au début de la négociation ; une marge existe pour un compromis. Je voudrais, enfin, rappeler que, à la fin de la décennie, les fonds structurels constitueront le premier budget de l'Union : l'objectif de cohésion n'est pas abandonné.

J'en viens à la politique de voisinage. Cette politique, fondée sur des critères politiques et économiques, va permettre de réunir des instruments aujourd'hui dispersés en vue de donner plus de visibilité et de cohérence à l'action de l'Union. Elle ne signifie pas, pour les pays européens concernés, que leur adhésion serait par principe exclue. Mais nous devons être attentifs à la situation des pays méditerranéens qui n'ont pas de vocation à adhérer à l'Union. Je crois que certaines des approches adoptées pour les fonds structurels pourraient être utilisées pour mieux employer les fonds destinés au Maghreb ; je pense notamment à la nécessité d'apporter une aide technique pour l'utilisation de ces fonds.

J'ouvre une parenthèse. Je me suis rendu deux fois à Haïti comme ministre. C'est un pays qui se retrouve pratiquement dépourvu de capacités administratives. A Port au Prince, l'électricité est disponible deux heures par jour. Des fonds européens importants (300 millions d'euros) sont certes disponibles : mais, sans aide technique, ces fonds ne pourront être employés utilement.

Enfin, pour ce qui est des « coopérations renforcées », un dispositif complet figure dans le texte élaboré par la Convention, y compris un dispositif propre à la défense sous le nom de « coopération structurée ». Dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, le compromis final devrait constituer une avancée, en envisageant le recours automatique aux coopérations renforcées en cas de blocage. Dans le domaine de la fiscalité, qui va rester régi par l'unanimité, on peut imaginer une coopération renforcée pour harmoniser les bases d'imposition.