Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mercredi 6 décembre 2006


Table des matières

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Subsidiarité

Subsidiarité et proportionnalité : examen des textes adressés par la Commission européenne aux parlements nationaux
du 24 octobre au 24 novembre 2006

M. Hubert Haenel :

Comme nous l'avons fait le mois dernier, nous allons examiner les textes que la Commission européenne nous adresse directement afin que nous nous prononcions, notamment au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité. En un mois, du 24 octobre au 23 novembre, nous avons ainsi reçu 84 textes. Mais la plupart de ces textes ne paraissent poser aucun problème de subsidiarité ou de proportionnalité :

- c'est le cas pour 32 textes qui n'ont pas de portée normative, ni aujourd'hui, ni pour l'avenir. Il s'agit le plus souvent d'évaluations, de documents de travail ou de rapports sur l'application d'une directive ;

- c'est le cas pour 25 textes qui portent sur des matières qui ne soulèvent aucun problème de subsidiarité par nature. Il s'agit par exemple d'accords entrant dans le cadre d'un partenariat des communautés avec des pays tiers ou de textes relatifs au budget de l'Union européenne ;

- c'est le cas pour 7 textes qui se situent à un stade trop avancé de la procédure d'adoption pour que nous puissions utilement nous prononcer à leur sujet à propos de la subsidiarité. Ce n'est alors que si un amendement introduisait un élément nouveau portant atteinte à la subsidiarité qu'il y aurait lieu que nous prenions une position à ce stade ;

- enfin, c'est le cas de 8 textes qui n'ont pour objet que de codifier des textes antérieurs sans en altérer le fond.

De ce fait, il ne reste plus que 12 textes sur lesquels il peut être utile que nous procédions à un examen plus attentif. Et encore, on constate que ces 12 textes se regroupent en 9 sujets.

Le premier texte que nous devons examiner concerne des prescriptions techniques pour les bateaux de la navigation intérieure (COM (2006) 646 final).

A priori, il ne semble pas qu'il puisse se poser de problème de subsidiarité car il semble logique que les mêmes prescriptions s'imposent pour tous les bateaux appelés à naviguer sur les fleuves ou canaux intérieurs à l'Union européenne. Mais le texte que propose la Commission est en fait beaucoup plus compliqué que cela.

Il existe une Commission centrale de navigation du Rhin où sont représentés l'Allemagne, la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Suisse. Compte tenu des particularités de la navigation sur ce fleuve, cette Commission a établi des propositions particulièrement sévères et rigoureuses pour la sécurité. Pour des raisons que je discerne mal, la Commission européenne veut intégrer, dans une directive, les normes définies par cette Commission centrale de navigation du Rhin. Et il semble qu'elle veuille que ces règles de sécurité particulières s'appliquent désormais pour la navigation sur tous les autres fleuves et canaux à l'intérieur de l'Union européenne. De plus, comme la Commission centrale de navigation du Rhin n'a pas accepté d'être totalement assujettie à l'Union européenne et qu'elle a obtenu de garder une certaine autonomie, la Commission européenne propose que les normes futures définies par cette Commission centrale soient intégrées ultérieurement dans les normes européennes.

Je dois dire que je m'interroge beaucoup sur l'intérêt de cette démarche. Convient-il d'imposer, pour toute la navigation intérieure dans l'Union européenne, les normes particulièrement sévères définies pour la navigation sur le Rhin ? Cela mérite, à tout le moins, d'être démontré. Au surplus, je m'étonne que la Commission évoque des distorsions de concurrence pour légitimer sa directive. Tous les bateaux circulant sur le Rhin sont assujettis aux normes définies par la Commission centrale de navigation du Rhin. Il n'y a donc pas de distorsion de concurrence.

En première analyse, à mon sens, rien ne légitime que les normes particulièrement drastiques définies pour la navigation sur le Rhin s'imposent pour la navigation sur la Seine. Il me semble donc que nous sommes en droit de demander à la Commission de s'expliquer à cet égard.

C'est l'objet du projet d'observations que je vous soumets.

M. Denis Badré :

Afin d'être conforme au principe de subsidiarité, il me semble que ce texte ne devrait pas s'appliquer aux cours d'eau qui coulent seulement sur le territoire d'un seul État. Dans le même souci, il serait suffisant de déléguer à une commission, à l'instar de la Commission centrale de navigation du Rhin, et non à chaque pays la gestion des règles de navigation concernant les fleuves qui traversent le territoire de plusieurs États.

M. Bernard Frimat :

La Commission européenne me semble ici outrepasser ses pouvoirs. Je ne crois pas que l'Union européenne devrait avoir à traiter de ces questions qui relèvent de la compétence des seuls États concernés. Dans ces conditions, il me semblerait utile d'ajouter à nos observations que ce texte ne nous apparaît pas, a priori, respecter le principe de subsidiarité.

Le projet d'observations, ainsi modifié, est adopté.

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Le deuxième texte est relatif à l'harmonisation de règles et de procédures dans le domaine de l'aviation civile (COM (2006) 645 final).

Dans le domaine de l'aviation civile, plus que dans bien d'autres domaines, il apparaît légitime que l'Union européenne procède à une harmonisation. Je ne vois donc aucune critique à apporter à la proposition de la Commission au regard de la subsidiarité ou de la proportionnalité. Il s'agit uniquement d'assurer le bon fonctionnement de l'aviation civile.

En revanche, je suis étonné de lire, dans l'exposé des motifs de la Commission, que sa proposition « a trait à une compétence exclusive de la Communauté ». En effet, il est reconnu que la Communauté ne dispose d'une « compétence exclusive » que lorsqu'elle est seule autorisée à adopter des normes dans un domaine et que les États membres n'ont aucune compétence pour le faire dans ce domaine ; les États membres ont alors pour seul rôle de mettre en oeuvre les actes communautaires, à moins qu'ils ne reçoivent une « habilitation spécifique de la part de la Communauté ». La compétence exclusive de la Communauté européenne est en conséquence extrêmement restreinte.

Aux termes de la Constitution européenne, qui lui donnait une définition plus large qu'aujourd'hui, elle ne recouvrait que l'union douanière, les règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur, la politique monétaire pour la zone euro, une partie de la politique commune de la pêche et la politique commerciale commune. À l'évidence, la politique des transports ne fait pas partie des domaines de compétence exclusive de la Communauté européenne.

Il me semble donc qu'il ne serait pas inutile de demander à la Commission s'il s'agit simplement d'une erreur de plume.

Le projet d'observations est adopté.

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Le troisième texte vise à aider les États membres à réduire les dommages liés à l'alcool (COM (2006) 625 final).

La Commission précise bien que les traités ne permettent, en ce domaine, à la Communauté qu'une action limitée complétant les politiques nationales. Les actions qu'elle envisage consistent :

- à diffuser les bonnes pratiques mises en oeuvre par les États membres ;

- à financer des projets ;

- à mettre en place des campagnes d'information et de sensibilisation au niveau européen ;

- à créer un forum « alcool et santé ».

À cet égard, il me semble que nous ne pouvons que considérer que l'échange de bonnes pratiques est parfaitement respectueux de la subsidiarité. En effet, la prévention contre les dommages dus à la consommation de l'alcool relève d'abord d'une action au niveau national, voire au niveau local. Mais l'échange de bonnes pratiques ne peut se faire qu'au niveau européen. Et, quelles que soient les différences culturelles influant sur l'attitude à l'égard de l'alcool, les réussites dans la lutte contre la dépendance, par exemple, peuvent être pleines d'enseignements au niveau européen.

En revanche, les campagnes d'information et de sensibilisation au niveau européen paraissent plus critiquables au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité. On peut même douter de leur utilité. À l'évidence, on conçoit de meilleures campagnes de sensibilisation lorsque l'on est plus proche des consommateurs. Tel est le sens du projet d'observations sur lequel j'aimerais connaître votre sentiment.

M. Denis Badré :

Le budget européen n'est malheureusement pas extensible et doit, en conséquence, respecter des règles très strictes. Nous savons que, en application des perspectives financières 2007-2013, il restera limité. C'est pourquoi il me semble que, dans le cadre du contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité, nous devrions veiller à ce que les propositions de la Commission européenne ne financent pas des actions dont on peut mettre en doute la pertinence.

Le projet d'observations, ainsi modifié, est adopté.

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Le quatrième texte est le programme législatif et de travail de la commission pour 2007 (COM (2006) 629 final).

J'aurais sans doute pu éviter de retenir ce texte car il se prête peu à un examen sous l'angle de la subsidiarité et de la proportionnalité. Si j'ai souhaité quand même que nous l'évoquions, c'est parce que certains parlements, au sein de l'Union européenne, font valoir qu'il leur parait possible de procéder à un examen de conformité à la subsidiarité à partir de ce programme.

Pour ma part, il me semble qu'il n'est pas possible, à partir de textes qui sont présentés en quelques lignes, d'examiner les questions de subsidiarité ou de proportionnalité. Il faudrait que la Commission européenne commette une violation particulièrement flagrante à cet égard pour que nous ayons une remarque à formuler. Il me semble donc qu'il n'y a pas de problème pour ce texte.

Le projet d'observations est adopté.

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Le cinquième texte concerne « Les régions, actrices du changement économique ». Il s'agit en fait de deux textes : une communication de la Commission (COM (2006) 675 final) et un document de travail accompagnant cette communication (SEC (2006) 1432).

Le titre même de ces textes parait susciter des interrogations au regard de la subsidiarité. Pourtant, dès lors que l'on examine ses dispositions, il me semble que toute préoccupation à cet égard disparaît.

En effet, il s'agit seulement de préciser certaines modalités de la politique de cohésion pour la période 2007-2013 telle qu'elle a été déterminée.

Il me semble donc qu'il n'y a aucun problème au regard de la subsidiarité ou de la proportionnalité.

Le projet d'observations est adopté.

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Le sixième texte est un Livre blanc sur l'amélioration du cadre régissant le marché unique des fonds d'investissement (COM (2006) 686 final). Il s'accompagne d'un résumé du rapport d'analyse d'impact (SEC (2006) 1452).

Je remarque que la Commission ne fournit aucune motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Je le regrette, mais mes regrets ne sont que de forme car le texte lui-même ne me paraît pas porter atteinte à ces principes. En effet, le marché des fonds d'investissement en Europe est, pour les deux tiers, un marché transnational, ce qui rend tout à fait nécessaire la définition d'un cadre européen. Je m'étonne d'autant plus que la Commission n'ait pas pris la peine de motiver au regard de la subsidiarité.

M. Denis Badré :

Il me semble effectivement indispensable que la Commission motive chacune de ses propositions au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité et je déplore qu'elle ne l'ait pas fait dans le cas de ce texte.

M. Bernard Frimat :

Je partage l'avis de mes collègues et j'estime que nous devrions signaler à la Commission qu'il n'est pas de bonne politique de présenter un texte sans fournir aucune motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Le projet d'observations, ainsi modifié, est adopté.

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Le septième texte vise à interdire l'importation et l'exportation de fourrures de chats et de chiens dans la Communauté (COM (2006) 684 final). Là encore, une analyse d'impact est jointe à la proposition de règlement.

Je précise que ce règlement ne changera rien pour notre pays, qui a déjà pris une mesure nationale identique, comme quatorze autres États membres.

Il me semble que la question de subsidiarité ne se pose pas puisque ce texte relève de la politique commerciale, et que celle-ci est aujourd'hui une compétence exclusive de la Communauté pour les biens.

En revanche, je suis un peu surpris que la Commission propose une interdiction qu'elle n'est pas certaine de pouvoir faire respecter. En effet, elle précise qu'elle est incapable, à ce jour, de fournir des statistiques sur le commerce des fourrures de chats et de chiens dans la mesure où il est très difficile de différencier ces fourrures des fourrures provenant d'autres animaux. Il me semble donc que nous pourrions suggérer que la Commission réfléchisse à un étiquetage de l'ensemble des fourrures afin que le consommateur sache précisément l'animal qui est à l'origine du produit qui lui est proposé. Cette exigence permettrait une bonne application de la mesure proposée par la Commission et irait dans le sens d'une meilleure information du consommateur européen.

M. Denis Badré :

Nous devons prendre garde, à ce stade, de ne pas formuler de remarques sur le fond de ce texte alors que notre rôle est principalement axé sur le contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité. Nous ne pouvons que nous féliciter que la Commission nous associe très en amont au processus de prise de décision. Ne succombons pas à la tentation de mélanger les genres et de mêler les appréciations sur le fond et celles qui ressortissent du contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité.

Le projet d'observations est adopté.

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Le huitième texte concerne les incitations fiscales en faveur de la recherche et du développement (COM (2006) 728 final).

La plupart des propositions formulées dans ce Livre blanc ne pose pas problème au regard de la subsidiarité. Un certain nombre d'entre elles ne sont d'ailleurs que des invitations aux États membres de débattre de certaines initiatives. D'autres entrent dans le cadre de la réflexion sur une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés. Et l'on voit clairement qu'il s'agit là de cette partie de la fiscalité sur laquelle il est souhaitable et nécessaire de réfléchir - voire d'agir - au niveau européen. Mais la Commission avance également l'idée :

- d'une définition commune des oeuvres d'utilité publique et de l'harmonisation du traitement fiscal des fondations ;

- ainsi que d'une définition commune des certificats attestant la capacité des entreprises à mener des activités de recherche-développement.

Sur ces deux points, j'ai peine à voir la nécessité d'une action communautaire. Il me semble que nous pourrions donc demander à la Commission de nous expliquer les raisons pour lesquelles il lui paraît nécessaire de procéder à ces définitions au niveau européen.

M. Louis de Broissia :

Il me semble effectivement indispensable de demander des précisions à la Commission au sujet de ces deux définitions. Il faut être conscient qu'un Livre blanc précède bien souvent une proposition d'acte. Il est donc de notre intérêt de clarifier certains points le plus en amont possible, plutôt qu'à un stade où la procédure sera trop avancée pour nous permettre de revenir en arrière.

M. Denis Badré :

En même temps, je me félicite de toute initiative de la Commission qui peut constituer un nouveau pas vers une politique commune de la recherche.

Le projet d'observations est adopté.

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Enfin, le dernier texte que nous devons examiner vise à « moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle » (COM (2006) 708 final).

Ce texte ne définit aucun projet de norme communautaire. Il vise seulement à mettre en place un débat au niveau européen. Je ne vois pas comment nous pourrions critiquer cette proposition. Il est nécessaire que des débats soient ouverts au niveau national. Il est tout aussi nécessaire qu'un débat soit ensuite ouvert au niveau européen pour permettre une confrontation des réflexions effectuées dans chacun des États membres.

M. Robert Bret :

Je me demande quand même ce que la Commission sous-entend derrière le terme très général de droit du travail, qui reste d'ailleurs pour l'essentiel de compétence nationale.

M. Hubert Haenel :

Nous examinerons bien évidemment ce texte dans le cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution afin de nous pencher plus avant sur le fond de ce livre vert.

M. Bernard Frimat :

Je m'étonne du titre de ce Livre vert, qui semble porter un jugement de valeur sur les législations nationales existantes en matière de droit du travail. Le terme « moderniser » laisse à penser que la Commission estime que le droit du travail actuellement en vigueur dans certains États membres serait un obstacle pour relever les défis du XXIe siècle.

Le projet d'observations, ainsi modifié, est adopté.

M. Hubert Haenel :

Je vais adresser à la Commission européenne ces neuf observations, en y joignant les observations que nous avons adoptées le 28 novembre à propos de l'achèvement du marché intérieur des services postaux.

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Lettre adressée à M. José Manuel Barroso à l'issue de la réunion 

Monsieur le Président,

Entre le 24 octobre et le 23 novembre 2006, la Commission européenne a transmis quatre-vingt quatre textes aux parlements nationaux dans le cadre de la nouvelle procédure de dialogue entre la Commission et les parlements nationaux engagée depuis le 1er septembre 2006. Le Sénat français a procédé à leur examen.

Parmi ces textes, il nous a semblé que la plupart ne posaient pas de difficulté particulière au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité ; seuls douze textes ont paru nécessiter un examen plus attentif, auxquels il convient d'ajouter la directive relative à l'achèvement du marché intérieur des services postaux, ainsi que le rapport de la Commission et le document de travail qui s'y rapportent.

Je vous fais parvenir, ci-joint, les observations que nous avons formulées à propos de ces quinze textes, que nous avons regroupés en dix sujets.

Nous ne manquerons pas d'examiner avec la plus grande attention les réponses que la Commission européenne apportera à ces observations.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

PJ

Hubert HAENEL

Monsieur José Manuel BARROSO

Président de la Commission européenne

COMMISSION EUROPÉENNE

200 rue de la Loi

B - 1049 BRUXELLES

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Textes examinés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité

PROPOSITION DE DIRECTIVE MODIFIANT LA DIRECTIVE 97/67/CE
EN CE QUI CONCERNE L'ACHÈVEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR
DES SERVICES POSTAUX DE LA COMMUNAUTÉ
COM (2006) 594 final


RAPPORT DE LA COMMISSION - ÉTUDE PROSPECTIVE CONCERNANT
L'IMPACT SUR LE SERVICE UNIVERSEL DE L'ACHÈVEMENT
DU MARCHÉ INTÉRIEUR DES SERVICES POSTAUX EN 2009
COM (2006) 596 final


DOCUMENT DE TRAVAIL ACCOMPAGNANT LA PROPOSITION DE DIRECTIVE MODIFIANT LA DIRECTIVE 97/67/CE EN CE QUI CONCERNE L'ACHÈVEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR DES SERVICES POSTAUX DE LA COMMUNAUTÉ (RÉSUMÉ DE L'ANALYSE D'IMPACT)
SEC (2006) 1292 final

Objet :

L'Union européenne s'est engagée, depuis 1989, dans une politique de libéralisation et d'harmonisation des services postaux. Cette démarche a été marquée par deux directives (celle de 1997 et celle de 2002), la proposition de directive de la Commission devant constituer la troisième et dernière étape de l'ouverture des services postaux.

Les deux premières directives ont établi un cadre réglementaire visant à concilier l'ouverture progressive à la concurrence et la prise en compte de la mission d'intérêt général fournie par les opérateurs postaux.

Pour cela, la réglementation européenne a agi dans une double direction :

- d'une part, elle garantit aux citoyens européens un « service universel » comprenant au moins une distribution et une levée de courrier par jour, cinq jours par semaine, en tout point du territoire de l'Union ;

- d'autre part, elle limite progressivement la portée du monopole des opérateurs nationaux. Ainsi, le champ du « secteur réservé », qui concernait les envois de moins de 350 grammes en 1997, n'a plus concerné que ceux de moins de 100 grammes après 2002, puis ceux de moins de 50 grammes depuis le premier janvier 2006.

La directive, telle que modifiée en 2002, retient l'échéance de 2009 pour une ouverture totale à la concurrence. Mais elle prévoit une « clause de rendez-vous », la Commission devant confirmer avant fin 2006 cette échéance et en préciser les modalités sur la base d'une étude prospective.

C'est là l'objet de la présente proposition de directive qui s'accompagne d'une étude d'impact, d'un rapport sur l'application de la directive précédente et d'une étude prospective. La proposition, qui ne comprend en définitive qu'un nombre relativement limité de modifications à la directive actuelle, s'articule principalement, au-delà de certaines mesures techniques, autour de trois points principaux.

Premièrement, elle supprime le « secteur réservé » et consacre l'ouverture du marché postal à la concurrence pour 2009, y compris pour les plis de moins de 50 grammes. On notera que plusieurs États, d'Europe du Nord principalement, ont d'ores et déjà libéralisé leur secteur postal ou sont sur le point de le faire : c'est le cas de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suède ou du Danemark.

Deuxièmement, elle maintient les obligations qui incombent aux États membres d'assurer un service universel - dont le contenu n'est pas modifié - et permet aux États membres de maintenir des tarifs uniques pour les particuliers ou des raisons d'intérêt général (envoi de presse par exemple).

Troisièmement, elle détermine les possibilités offertes aux États membres pour assurer le financement des prestations de service universel dans ce nouveau contexte.

Jusqu'à présent, c'est en effet l'existence d'un « secteur réservé » qui permet bien souvent le financement du service universel par l'opérateur public. Demain, selon la Commission, les États membres auront alors à choisir entre différentes options qu'il serait d'ailleurs possible de combiner : aides d'État, passation de marchés publics, fonds de compensation, partage des coûts entre opérateurs. Cette liste n'est pas limitative, la proposition de directive se limitant à interdire le financement par le secteur réservé et à proscrire toute solution pouvant constituer une « distorsion disproportionnée du fonctionnement du marché ».

Ainsi, au gré des différentes options, il serait possible de maintenir un régime d'autorisation, au travers de marchés publics, en liant l'octroi de l'autorisation à une obligation de participation à un fonds de compensation ou au respect des obligations de service universel.

De son côté, le fonds de compensation, destiné à financer le coût net du service universel, pourrait être alimenté par des contributions budgétaires, des taxes sur l'usager ou des contributions des différents opérateurs. A ce propos, je vous rappelle qu'en France, la loi postale du 20 mai 2005 a d'ores et déjà prévu le principe d'un tel fonds de compensation, destiné à assurer le financement du service universel dans l'hypothèse où la disparition du monopole ne le permettrait plus.

Pour sa part, le partage des coûts relèverait d'un mécanisme dit de « pay or play », exigeant de tous les opérateurs soit l'exercice du service universel (« play »), soit l'acquittement d'une contribution (« pay »).

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission ne fait guère d'effort pour justifier sa proposition au regard du principe de subsidiarité. Que ce soit dans l'exposé des motifs de la directive, ou dans ses considérants, elle se contente de formules « passe-partout ». Sans doute considère-t-elle qu'en l'occurrence, la légitimité d'une intervention communautaire est évidente. Nous en sommes à la troisième directive postale, et il s'agit de gérer le marché intérieur unique dans un domaine comportant une dimension transfrontalière.

La justification au regard du principe de proportionnalité est plus détaillée. La Commission souligne notamment que « la proposition offre aux États membres plusieurs moyens possibles d'atteindre au mieux les objectifs proposés :

- les méthodes de financement proposées à l'article 7 offrent aux États membres un large choix de solutions plutôt que d'en imposer une seule ;

- la question de l'accès au réseau est abordée dans le nouvel article 11 bis proposé, qui permet aux États membres d'évaluer la nécessité et l'étendue d'une réglementation concernant certains éléments de l'infrastructure ou des services postaux et de réglementer l'accès en aval aux parties « tri » et « distribution » du réseau ;

- il est proposé de supprimer le sixième tiret de l'article 12, qui impose le suivi des subventions croisées par le biais de règles sectorielles, et de laisser aux États membres le soin de fixer des règles concrètes en cette matière ;

- il n'est pas proposé de créer de nouveaux organismes pour coordonner les activités des autorités réglementaires nationales. »

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

C'est dans le document joint à la directive, intitulé « résumé de l'analyse d'impact », que l'on trouve un réel examen du problème de la subsidiarité. Dans ce document, la Commission se pose la question essentielle : un nouveau texte est-il nécessaire ? Que se passerait-il en l'absence d'une nouvelle directive ? Or, en l'occurrence, un nouveau texte paraît indispensable. En effet, la directive postale actuelle contient une clause de caducité : sa validité expire au 31 décembre 2008. En l'absence d'un nouveau texte, les services postaux rentreraient dans le droit commun de la libre prestation de services ; par exception, chaque État membre pourrait fixer les conditions d'un service universel sur son territoire, sous le contrôle de la Commission européenne. On se retrouverait ainsi dans une situation de grande insécurité juridique, et finalement c'est la Cour de justice qui serait amenée à trancher. Le résultat serait donc un cadre juridique moins stable, moins homogène, et vraisemblablement moins protecteur pour les services postaux. Du point de vue de la subsidiarité, la proposition de directive ne paraît donc pas critiquable.

Pour ce qui concerne la proportionnalité, le point parait plus délicat. À première vue, la directive ne contraint pas les États membres plus que nécessaire, puisque, en particulier, elle leur laisse un large choix quant à la manière de financer le service universel. Cet argument serait convaincant si les formules qui restent autorisées constituaient des solutions crédibles pour le financement du service universel. Mais ce point n'est pas établi par la Commission. Or, on peut raisonnablement douter de la viabilité des modes de financement du service universel autres que l'existence d'un secteur réservé. S'il s'avérait que la directive, tout en maintenant l'objectif de préserver le service universel, n'autorise pas le seul moyen de financement réellement adapté à cette présentation, alors le principe de proportionnalité ne serait pas respecté. Il est donc nécessaire, pour garantir que le principe de proportionnalité est complètement respecté, que la Commission apporte la preuve que les différents modes de financement qui restent seuls autorisés permettent effectivement de financer le service universel.

Observations :

- Proposition de directive modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (COM (2006) 594 final) ;

- Rapport de la Commission - Étude prospective concernant l'impact sur le service universel de l'achèvement du marché intérieur des services postaux en 2009 (COM (2006) 596 final) ;

- Document de travail accompagnant la proposition de directive modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (résumé de l'analyse d'impact) (SEC (2006) 1292 final).

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La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

- estime que cette proposition de directive respecte le principe de subsidiarité, mais qu'elle ne satisfera au principe de proportionnalité que dans la mesure où elle permettra de manière effective de garantir un financement approprié du service universel ;

- invite en conséquence la Commission à apporter la démonstration qu'un tel financement pourra être assuré dans le cadre des formules autorisées par la proposition de directive.

PROPOSITION DE DIRECTIVE MODIFIANT LA DIRECTIVE 2006/.CE ÉTABLISSANT LES PRESCRIPTIONS TECHNIQUES
DES BATEAUX DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE

COM (2006) 646 final

Objet :

Cette proposition de directive vise à permettre l'application à tous les bateaux susceptibles de naviguer dans la Communauté, dans des délais rapides, d'éventuelles normes de sécurité plus strictes, adoptées par la Commission centrale de navigation du Rhin dont les membres sont l'Allemagne, la Belgique, la France, les Pays Bas et la Suisse.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

Selon la Commission, l'échelon européen semble bien être le degré pertinent pour cette réglementation. Il permet de ne pas faire peser sur les seuls États membres de la Commission centrale de navigation du Rhin des mesures éventuellement coûteuses d'équipement des bateaux qui entraîneraient des distorsions de concurrence.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

L'argument avancé par la Commission semble peu pertinent : la concurrence ne peut se mesurer que lorsqu'une activité commerciale est exercée dans des conditions semblables ; de toute évidence, tous les bateaux qui naviguent sur le Rhin sont déjà tenus de respecter des normes de sécurité communes.

Les bateaux de tous les pays sont autorisés à naviguer sur le Rhin, sous réserve qu'ils répondent à certaines normes de sécurité qu'il est proposé d'étendre à tous les États membres, si elles sont supérieures à celles de la directive en préparation.

Néanmoins il semble légitime de s'interroger sur la pertinence de cet argument, puisque les bateaux qui naviguent sur l'ensemble du réseau fluvial européen ne sont pas tous susceptibles de naviguer sur le Rhin.

Observations :

- Proposition de directive modifiant la directive 2006/.CE établissant les prescriptions techniques des bateaux de la navigation intérieure (COM (2006) 646 final)

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La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

estime a priori que cette proposition ne respecte pas le principe de subsidiarité ;

demande, en conséquence, à la Commission d'expliquer les raisons qui motivent que l'on impose à tous les bateaux des normes égales, alors même que les réseaux navigables européens ont chacun des caractéristiques naturelles propres, et d'expliquer en quoi la situation actuelle entraîne des distorsions de concurrence.

PROPOSITION DE RÈGLEMENT MODIFIANT LE RÈGLEMENT (CEE) N° 3922/91 RELATIF À L'HARMONISATION DE RÈGLES TECHNIQUES ET DE PROCÉDURES ADMINISTRATIVES DANS LE DOMAINE DE L'AVIATION CIVILE
COM (2006) 645 final

Objet :

Cette proposition de règlement vise à modifier le règlement (CEE) n°3922/91 du Conseil relatif à l'harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l'aviation civile, afin de le mettre en conformité avec la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission, qui a été récemment modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil du 17 juillet 2006.

La décision 2006/512/CE a en effet introduit deux nouvelles procédures de réglementation qui pourraient s'appliquer dans le cadre du règlement n°3922/91. Il s'agit, d'une part, de la procédure de réglementation avec contrôle, qui devrait permettre à la Commission de supprimer, modifier ou adapter les éléments non essentiels de ce règlement - notamment les annexes ; d'autre part, de la procédure d'urgence, qui devrait faciliter l'adoption rapide, par la Commission, de certaines mesures lorsque le maintien d'un niveau suffisant de sécurité aérienne est en cause.

En dehors de ces adaptations, cette proposition de règlement ne devrait pas opérer d'autres modifications sur le fond.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission estime que sa proposition respecte le principe de subsidiarité dans la mesure où elle « a trait à une compétence exclusive de la Communauté ».

En ce qui concerne la proportionnalité, la Commission précise que sa proposition est conforme à ce principe « dans la mesure où elle se limite aux amendements strictement nécessaires pour aligner le règlement (CE) n° 3922/91 à la décision 2006/512/CE ».

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

Il va de soi que ces modifications sont nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de l'aviation civile. Cette proposition de règlement ne soulève donc pas de difficultés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Pour autant, on peut s'étonner que la Commission avance l'argument selon lequel cette proposition s'inscrirait dans le cadre d'une compétence exclusive de la Communauté pour justifier le respect du principe de subsidiarité. En effet, la Communauté ne dispose d'une compétence exclusive que lorsqu'elle est seule autorisée à agir aux termes du Traité et que les États membres n'ont aucune compétence pour agir. Dans le cas présent, si la Commission fait référence à la politique des transports, il ne s'agit pas d'une compétence exclusive de la Communauté mais d'une compétence partagée avec les États membres. Il paraît donc souhaitable de demander à la Commission en quoi elle estime ici disposer d'une compétence exclusive.

Observations :

- Proposition de règlement modifiant le règlement (CEE) n° 3922/91 du Conseil relatif à l'harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l'aviation civile (COM (2006) 645 final)

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

estime que cette proposition de règlement ne porte pas atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité dans la mesure où elle se justifie par la nécessité d'assurer le bon fonctionnement de l'aviation civile ;

- demande à la Commission de préciser pourquoi elle estime disposer, en la matière, d'une « compétence exclusive ».

COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE :
« UNE STRATÉGIE DE L'UNION EUROPÉENNE POUR AIDER LES ÉTATS MEMBRES À RÉDUIRE LES DOMMAGES LIÉS À L'ALCOOL »
COM (2006) 625 final

Objet :

Il s'agit d'une communication de la Commission européenne qui porte sur les effets dommageables d'une consommation abusive d'alcool, notamment sur la santé. Elle répond à une demande du Conseil, qui avait invité la Commission, en juin 2001, à présenter des propositions dans ce domaine. Dans ce document, la Commission européenne propose la mise en place d'une stratégie communautaire pour lutter contre ce phénomène. Les principales priorités consisteraient à protéger les enfants, les jeunes et les enfants à naître, à réduire le nombre de blessés et de morts dus à l'alcool sur les routes, ou encore à prévenir les dommages liés à l'alcool chez les adultes.

Les actions envisagées au niveau communautaire consisteraient principalement à diffuser les « bonnes pratiques » mises en oeuvre par les États membres, à soutenir financièrement certains projets, à mettre en place des campagnes d'information et de sensibilisation au niveau européen et à créer, d'ici juin 2007, un forum « Alcool et santé », qui rassemblerait des experts et des représentants des États membres, ainsi que des représentants des institutions européennes, et dont l'objectif serait de suivre la mise en oeuvre de cette stratégie.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

Comme le précise la Commission : son « intention n'est pas de substituer l'action communautaire aux mesures nationales, qui sont déjà en place dans la plupart des États membres et relèvent du champ de compétence des États en vertu du principe de subsidiarité et de l'article 152 du traité instituant la Communauté européenne ». Cet article, relatif à la santé publique, dispose notamment que « l'action de la Communauté, qui complète les politiques nationales, porte sur l'amélioration de la santé publique (...) » et que «  la Communauté encourage la coopération entre les États membres (...) et, si nécessaire, elle appuie leur action ». En outre, toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires est expressément exclue.

Toutefois, la Commission européenne relève plus loin que « certains problèmes sont communs à tous les États membres (comme les accidents de la route par exemple) et que les politiques mises en oeuvre pour lutter contre ces problèmes n'ont pas été pleinement efficaces ». De plus, elle considère que certains aspects relèvent de la compétence communautaire du fait de leur caractère transfrontalier. Elle cite à cet égard l'exemple de la publicité pour les boissons alcoolisées, qui est régie par la directive « Télévision sans frontières ». Elle considère donc qu'une action au niveau communautaire pourrait apporter une « valeur ajoutée » dans ce domaine.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission européenne n'envisage pas une harmonisation des législations dans le domaine des dommages liés à l'alcool, qui serait d'ailleurs contraire à l'article 152 du traité CE. Elle propose toutefois une stratégie européenne, qui recouvrirait un champ très large et qui reposerait sur plusieurs instruments, tels que l'échange de bonnes pratiques, mais aussi des programmes de financement et des campagnes d'information et de sensibilisation au niveau européen. Or, certaines des actions envisagées par la Commission pourraient porter atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Comme le relève la Commission européenne, la plupart des États membres ont déjà mis en place des dispositions législatives et des politiques en matière de lutte contre la consommation abusive d'alcool. L'éventail de ces mesures est très large et recouvre des questions telles que l'éducation, l'information des consommateurs, la lutte contre la consommation abusive d'alcool au volant ou encore la taxation des boissons alcoolisées. Dans ce contexte, on voit mal pour quelles raisons il faudrait envisager la mise en place de subventions ou de campagnes d'information et de sensibilisation au niveau européen. En effet, il existe des habitudes culturelles différentes selon les pays en matière de consommation d'alcool, si bien que l'on peut penser qu'une action à l'échelon national, voire au niveau local, est plus adaptée pour tenir compte de ces spécificités.Par ailleurs, les campagnes d'information menées précédemment au niveau européen dans ce domaine, comme la campagne « Euro-Bob » par exemple, se sont caractérisées par une très faible visibilité. C'est donc essentiellement en matière d'échanges et de diffusion des « bonnes pratiques » qu'une action au niveau communautaire serait susceptible d'apporter une réelle « valeur ajoutée ». De ce point de vue, la création d'un forum « Alcool et santé » pourrait apporter une véritable « plus value ».

Observations :

- Communication de la Commission : « Une stratégie de l'Union européenne pour aider les États membres à réduire les dommages liés à l'alcool » (COM (2006) 625 final)

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

- considère que la prévention des effets dommageables liés à une consommation abusive d'alcool relève en priorité d'une action au niveau national, voire au niveau local, compte tenu des fortes différences culturelles qui existent entre les États membres en matière de consommation d'alcool ;

- estime, par conséquent, qu'une action au niveau communautaire devrait se limiter à l'échange et à la diffusion de bonnes pratiques et que la création d'un forum « Alcool et Santé » pourrait contribuer à cet objectif ;

- souligne, en revanche, que la mise en place de programmes de financement et de campagnes d'information et de sensibilisation au niveau européen serait susceptible de porter atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, dans la mesure où les objectifs de ces actions peuvent êtreréalisés de manière suffisante et plus efficace par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, et ne peuvent, en raison des dimensions ou des effets des actions envisagées, être mieux réalisés au niveau communautaire ;

- estime, en outre, que le montant limité du budget communautaire amène d'autant plus à prendre en compte les principes de subsidiarité et de proportionnalité afin d'exercer une sélection rigoureuse des dépenses à engager.

COMMUNICATION DE LA COMMISSION :
PROGRAMME LÉGISLATIF ET DE TRAVAIL DE LA COMMISSION POUR 2007
COM (2006) 629 final

Objet :

Le programme législatif et de travail de la Commission est de nature très générale : il définit les priorités pour 2007 et précise la manière dont la Commission conduira son action.

Les priorités retenues sont les suivantes :

- « moderniser l'économie européenne » ;

- « relever les défis qui se posent à la société européenne » ;

- « une meilleure gestion des flux migratoires » ;

- « une énergie sûre, compétitive et durable » ;

- « faire de l'Europe un endroit où il fait mieux vivre » ;

- « l'Europe, un partenaire mondial ».

En annexe, figure la liste des textes envisagés en 2007 ; cette liste indique la nature de chaque texte et précise son objet en quelques lignes.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

Aucune.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

Le programme législatif de la Commission ne se prête pas à un examen sous l'angle de la subsidiarité et de la proportionnalité. Les textes sont présentés en quelques lignes qui peuvent tout au plus permettre d'examiner s'ils disposent d'une base juridique. Mais l'examen de la subsidiarité et de la proportionnalité suppose de connaître les principales dispositions. Seul un cas particulièrement flagrant - qui supposerait un manque de vigilance difficile à envisager - pourrait être détecté à ce stade.

Observations :

Communication de la Commission : programme législatif et de travail de la Commission pour 2007(COM (2006) 629 final)

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat estime que ce document, par sa nature, ne se prête pas à un examen sous l'angle de la subsidiarité et la proportionnalité.

COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE :
« LES RÉGIONS, ACTRICES DU CHANGEMENT ÉCONOMIQUE »
COM (2006) 675 final

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION
ACCOMPAGNANT LA COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE :
« LES RÉGIONS, ACTRICES DU CHANGEMENT ÉCONOMIQUE »
SEC (2006) 1432

Objet :

L'initiative « Les régions, actrices du changement économique », présentée par la Commission le 8 novembre 2006, s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique de cohésion 2007-2013, qui vise notamment à mieux prendre en compte les objectifs de la stratégie de Lisbonne révisée. Elle participe, en le précisant, au recentrage des deux instruments existants que sont la coopération interrégionale et le programme de développement urbain, au titre du nouvel objectif de coopération territoriale institué dans le cadre du règlement CE n°1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006.

L'objet de l'initiative est, au moyen des cofinancements communautaires, d'aider à la constitution de réseaux régionaux et urbains, d'identifier et d'inciter à structurer les coopérations autour de l'innovation et de favoriser la diffusion de bonnes pratiques (au travers par exemple d'une conférence annuelle et de la remise de prix de l'innovation), en particulier dans le cadre des programmes de convergence et de compétitivité. Le budget total sera de l'ordre de 375 millions d'euros pour la période 2007-2013.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission ne fournit pas de motivation précise, cette initiative s'inscrivant pour elle dans le cadre de la politique de cohésion qui est de compétence communautaire.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

Cette initiative, présentée peu après les orientations stratégiques communautaires en matière de cohésion, propose un cadre rénové pour décliner l'action communautaire au titre de l'objectif de coopération territoriale telle que définie par les nouveaux règlements de juillet dernier.

Elle n'apparaît donc pas, dans son principe du moins, poser de difficultés particulières au titre de la subsidiarité ou de la proportionnalité.

On observera en outre que cette initiative vise à apporter une réponse à une question par définition transnationale : la coopération interrégionale et l'échange d'expérience.

Observations :

- Communication de la Commission européenne « Les régions, actrices du changement économique » (COM (2006) 675 final),

- Document de travail des services de la Commission accompagnant la communication « Les régions, actrices du changement économique » (SEC (2006) 1432).

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat estime que cette communication ne porte pas atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, dès lors qu'elle se borne à décliner et préciser certaines nouvelles modalités de la politique de cohésion 2007-2013 fixées par les règlements de juillet 2006.

LIVRE BLANC SUR L'AMÉLIORATION DU CADRE RÉGISSANT LE MARCHÉ UNIQUE DES FONDS D'INVESTISSEMENT
COM (2006) 686 final

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION ACCOMPAGNANT LE LIVRE BLANC : RÉSUMÉ DU RAPPORT D'ANALYSE D'IMPACT
SEC (2006) 1452

Objet :

Le présent Livre blanc propose de moderniser et de compléter le cadre existant des fonds d'investissement en Europe. La Commission suggère notamment de modifier la directive OPCVM de 1985 sur les points suivants : simplification des mécanismes de passeport et extension des libertés offertes aux fonds d'OPCVM et à leurs gestionnaires ; amélioration de la pertinence du prospectus simplifié ; renforcement de la coopération prudentielle.

La Commission envisage de présenter ces modifications législatives à l'automne 2007, après une phase de consultation publique au printemps de la même année.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission ne fournit aucune motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

L'intervention de l'Union européenne dans le domaine des fonds d'investissement apparaît conforme au principe de subsidiarité, s'agissant d'un secteur qui s'organise de plus en plus sur une base paneuropéenne. En 2005, les ventes de fonds transfrontières représentaient quelque 66 % du total des souscriptions nettes. Le cadre communautaire des fonds d'investissement a d'ailleurs été posé dès 1985 par la directive 85/611/CEE sur les OPCVM.

La Commission européenne propose simplement d'améliorer ce cadre existant, sans réviser fondamentalement la directive de 1985. Les modifications proposées apparaissent conformes au principe de proportionnalité.

Observations :

- Livre blanc sur l'amélioration du cadre régissant le marché unique des fonds d'investissement (COM (2006) 686 final)

- Document de travail des services de la Commission accompagnant le Livre blanc : résumé du rapport d'analyse d'impact (SEC (2006) 1452)

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

- regrette que la Commission ne fournisse aucune motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

- considère néanmoins que ce texte ne porte pas atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, puisqu'il concerne un secteur dont les deux tiers des transactions sont transnationales, ce qui rend nécessaire un cadre européen.

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL INTERDISANT LA MISE SUR LE MARCHÉ, L'IMPORTATION DANS LA COMMUNAUTÉ ET L'EXPORTATION DEPUIS CETTE DERNIÈRE DE FOURRURE DE CHAT ET DE CHIEN ET DE PRODUITS EN CONTENANT
COM (2006) 684 final

Objet :

Cette proposition de règlement vise à interdire l'importation et l'exportation de fourrures de chat et chien dans la communauté. Quinze états membres, dont la France ont déjà procédé à cette interdiction.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission et le Parlement considèrent que cette distorsion législative porte préjudice à la fluidité du Marché intérieur. Ils estiment qu'une autre solution, qui consisterait à obliger à l'étiquetage des fourrures, ferait peser une charge disproportionnée à l'industrie de la fourrure.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission ne peut fournir de statistiques sur le commerce de fourrure de chien ou de chat car leur différenciation d'avec les autres types de fourrures est malaisée. Cette directive ne changera pas ce problème. Elle prévoit toutefois de mettre en oeuvre des moyens de détection perfectionnés.

La Commission souligne qu'elle répond à une demande forte de l'opinion publique, ou au moins à une partie d'entre elle, choquée par des images télévisées montrant dans quelles conditions les animaux sont abattus.

Observations :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil interdisant la mise sur le marché, l'importation dans la Communauté et l'exportation depuis cette dernière de fourrure de chat et de chien et de produits en contenant (COM  2006) 684 final

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

- constate que la politique commerciale de l'Union relève de la compétence exclusive de la Communauté et qu'en conséquence il n'y a pas lieu de se prononcer sur la subsidiarité ;

- estime cependant que, tant au regard de la sensibilité des citoyens sur la question des fourrures que pour satisfaire aux exigences de l'information des consommateurs, la Commission devrait étudier la possibilité de l'étiquetage par les négociants de tous les types de fourrures. Il semble souhaitable que les consommateurs soient informés de la nature de l'espèce animale concernée non seulement pour les fourrures de chiens et de chats, mais aussi pour celles des autres animaux.

COMMUNICATION DE LA COMMISSION : « VERS UNE UTILISATION PLUS EFFICACE DES INCITATIONS FISCALES EN FAVEUR DE LA RECHERCHE ET DU DÉVELOPPEMENT »
COM (2006) 728 final

Objet :

Le présent Livre blanc présente des orientations destinées à guider les États membres dans l'amélioration de leur traitement fiscal de la recherche-développement et à apporter aux problèmes communs des solutions cohérentes entre elles. Ce faisant, ce document :

- précise quelles sont les règles juridiques découlant du droit communautaire applicables aux incitations fiscales des Etats membres en faveur de la recherche-développement, eu égard notamment à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes ;

- met en évidence les caractéristiques générales des régimes fiscaux en matière de recherche-développement, sur la base d'une analyse des bonnes pratiques ;

- présente pour discussion un certain nombre d'initiatives destinées à aborder les questions d'intérêt commun de manière cohérente.

Seul le troisième et dernier point pourrait contenir en germe de nouvelles interventions de l'Union européenne.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission ne fournit aucune motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission se propose notamment d'étudier les restrictions au recouvrement de la TVA sur les dépenses de recherche-développement. La compétence en matière d'assiette de TVA appartient effectivement depuis 1977 à la Communauté, et cette proposition ne pose donc pas de problème au regard du principe de subsidiarité.

En revanche, la fiscalité des entreprises, principalement concernée par les dispositifs d'incitation à la recherche-développement, n'est pas actuellement de la compétence de l'Union européenne.

C'est pourquoi, pour une part, la Commission se contente d'inviter les État membres à débattre de certaines initiatives et « à en tenir compte lors de la révision de leur politique fiscale » :

- soutien aux grands projets transnationaux de recherche-développement ;

- octroi d'incitations fiscales spécifiques aux jeunes entreprises innovantes ;

- soutien à la mobilité transfrontalière des chercheurs ;

Mais, pour une autre part, la Commission préconise la mise en place de nouvelles  politiques communes :

- définition commune des oeuvres d'utilité publique et harmonisation du traitement fiscal des fondations ;

- définition commune « par les Etats membres intéressés » des certificats attestant la capacité des entreprises à mener des activités de recherche-développement ;

- définition fiscale de la recherche-développement dans la future assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS).

Effectivement, la Commission s'est vue confiée une réflexion de long terme sur une éventuelle assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés. Il lui est donc loisible d'inclure les questions de recherche-développement dans cette réflexion. Mais il n'en va pas de même pour les deux premières politiques communes par elle proposées, relatives aux oeuvres d'utilité publique et aux certificats d'aptitude à la recherche-développement, qui ne respectent pas, en première analyse, les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Observations :

- Communication de la Commission : «  Vers une utilisation plus efficace des incitations fiscales en faveur de la recherche et du développement » (COM (2006) 728 final)

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat demande à la Commission de fournir une motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité en ce qui concerne :

- la définition commune des oeuvres d'utilité publique et l'harmonisation du traitement fiscal des fondations ;

- la définition commune des certificats attestant la capacité des entreprises à mener des activités de recherche-développement.

LIVRE VERT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE :
« MODERNISER LE DROIT DU TRAVAIL
POUR RELEVER LES DEFIS DU XXIE SIECLE »
COM (2006) 708 FINAL

Objet :

L'objectif de ce Livre vert est de créer les conditions d'un débat sur la modernisation du travail dans les États membres en vue parvenir à une croissance durable génératrice d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité, telle que définie par la stratégie de Lisbonne. À cet effet, le Livre vert promeut le concept de « flexicurité » qui concilie une flexibilité accrue pour le marché du travail et un niveau élevé de sécurité pour les travailleurs.

Le débat préconisé réunirait les gouvernements des États membres, les partenaires sociaux et les autres parties intéressées et devrait permettre d'identifier les écarts existants entre le monde du travail et les cadres juridiques et contractuels existant. Il contribuerait également à l'objectif « mieux légiférer » en encourageant à une modernisation du droit du travail. Aucune norme d'harmonisation au niveau communautaire n'est toutefois prévue.

L'article 137 CE autorise la Communauté à soutenir et compléter l'action des États membres dans les domaines touchant aux conditions de travail et à l'intégration des personnes exclues du marché du travail. Seules sont exclues de sa compétence les questions liées aux rémunérations, au droit d'association, au droit de grève et au droit de lock-out.

Motivation de la Commission au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

La Commission ne fournit aucune motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Elle rappelle simplement les actions relatives à l'amélioration des conditions de vie et de travail pour le travail à durée déterminée, le travail à temps partiel, le travail intérimaire et le travail saisonnier, entreprises depuis 1989 et l'adoption de la Charte sociale. Celles-ci ont notamment débouché sur les directives sur le travail à temps partiel de 1997 et le travail à durée déterminée de 1999 ou l'accord-cadre de 2002 sur le télétravail.

Éléments d'appréciation au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité :

A l'instar des directives actuellement en cours de négociations visant le temps de travail ou les conditions de travail des travailleurs intérimaires, l'intervention de l'Union Européenne est conforme au principe de subsidiarité.

Ne définissant pas de projets de normes communautaires et se limitant à la mise en place d'un débat ouvert au niveau européen, le Livre vert respecte le principe de proportionnalité.

Observations :

- Livre vert de la Commission européenne : « Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle » (COM (2006) 708 final)

*

La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

estime que ce livre vert respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité, dans la mesure où un débat ouvert au niveau européen peut compléter les réflexions menées en ce sens à l'échelon national ;

- s'étonne du titre de ce livre vert qui semble a priori mettre en doute la pertinence, pour relever les défis du XXIe siècle, du droit du travail actuellement appliqué.

Institutions européennes

Accord entre le Bundestag et le gouvernement fédéral allemand
relatif à la coopération dans les affaires de l'Union européenne

Communication de M. Hubert Haenel

Le 28 septembre dernier, le Bundestag, représenté par son président Norbert Lammert (CDU-CSU), et le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, représenté par la Chancelière Angela Merkel, ont signé un accord de coopération sur les affaires européennes.

Cet accord, conclu à quelques semaines de la présidence allemande, est important. Il constitue en effet un véritable « pas en avant » dans l'implication du Bundestag sur les questions européennes. J'ai donc souhaité vous en décrire les principaux éléments, qui peuvent être riches d'enseignements pour notre pays.

L'accord comporte des dispositions sur l'information du Bundestag, sur l'analyse d'impact des actes communautaires et surtout sur la prise en compte des positions parlementaires par le gouvernement.

1. En premier lieu, l'information du Bundestag est renforcée. Le gouvernement allemand a une obligation générale d'information « de manière précoce et continue » sur tous les projets communautaires, entendus au sens le plus large, mais également sur les traités de droit international entre l'Allemagne et des États membres de l'Union européenne qui établissent une coopération dans des domaines relevant également de la compétence de l'Union. Il s'agit des accords relevant d'une forme non dite de « coopération renforcée ».

L'accord décrit très précisément les documents qui doivent être transmis au Bundestag, parmi lesquels on relève tous les documents transmis par la Commission au Conseil, les notes préparatoires de la Commission y compris les documents non officiels (« non papiers »), les documents du Conseil et de ses organes, et les rapports de la Représentation permanente. Les prises de positions du gouvernement fédéral, y compris l'instruction adressée au comité des représentants permanents (COREPER), les initiatives formelles reçues d'autres États membres, doivent aussi être portées à la connaissance du Bundestag. Compte tenu du caractère sensible de certains documents, l'accord précise que le Bundestag veille à un traitement confidentiel de ces informations.

Par ailleurs, le gouvernement allemand informe oralement les commissions compétentes du Bundestag pour les réunions de l'Eurogroupe, du comité politique et de sécurité (COPS) et du comité économique et financier. Avant les réunions du Conseil européen et du Conseil, il donne aux commissions compétentes du Bundestag une « information exhaustive » incluant la position qui sera défendue par le gouvernement. Après les réunions du Conseil, le Gouvernement fédéral rend compte des conclusions.

2. En second lieu, le gouvernement doit fournir des analyses d'impact précises sur les textes communautaires.

Il élabore d'abord « un rapport formalisé » qui doit être envoyé dans les 10 jours suivant la transmission du projet d'action communautaire au Bundestag. Ce rapport comprend une vérification du fondement juridique, du respect de la subsidiarité, le descriptif de l'intérêt du texte pour l'Allemagne et de ses répercussions financières, le calendrier d'examen par le Bundestag, le Bundesrat, le Parlement européen et le Conseil.

Pour les actes normatifs, il procède ensuite à une « évaluation exhaustive » comprenant non seulement la vérification de la compétence de l'Union européenne, le respect du principe de subsidiarité et de proportionnalité ainsi que les répercussions sur le pays, mais également une analyse sur les plans juridique, économique, financier, social et écologique. Le gouvernement doit aussi examiner les alternatives, les coûts et les charges administratives résultant du projet d'acte communautaire et les nécessités de sa mise en oeuvre. Cette « évaluation exhaustive » doit parvenir au Bundestag avant le début des délibérations au Conseil. Pour des projets d'actes normatifs en préparation, le Bundestag peut aussi demander au gouvernement de procéder à une évaluation. Le Bundestag a enfin accès aux banques de données des ministères sur les projets d'actes européens et aux banques de données communautaires auxquelles le gouvernement allemand a lui-même accès.

3. En troisième lieu, le gouvernement doit prendre en compte les positions du Bundestag.

Le gouvernement doit permettre au Bundestag de se prononcer à un stade précoce des négociations et lui fournir des informations sur le calendrier de discussion. Surtout, il est explicitement écrit dans l'accord que « le gouvernement fédéral fonde ses négociations sur la prise de position du Bundestag allemand ». De plus, le gouvernement informe constamment le Bundestag de l'évolution des négociations, pour lui permettre d'adapter et de modifier sa prise de position initiale s'il le souhaite.

Un point important est que, si le gouvernement allemand ne peut faire prévaloir le point de vue du Bundestag pour l'un de ses arguments essentiels, il doit émettre une réserve parlementaire et, avant que la position ne soit arrêtée au Conseil, s'efforcer d'établir un accord avec le Bundestag allemand, et donc revenir devant lui. Le gouvernement peut toutefois prendre des positions divergentes de celles du Bundestag « pour des motifs importants de politique étrangère ou de politique d'intégration ». Il doit informer sans tarder le Bundestag de la position arrêtée au Conseil, et si les positions des parlementaires n'ont pas été retenues, il en expose les raisons.

Avant des décisions très importantes du Conseil, comme celle de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée (utilisation des « clauses passerelles »), d'ouvrir des négociations préparatoires à des adhésions à l'Union européenne ou avant toute initiative pour réviser les traités, le gouvernement doit informer le Bundestag et faire connaître sa position. Le gouvernement peut prendre au Conseil des positions divergentes de celles du Bundestag « pour des motifs importants de politique étrangère ou de politique d'intégration ».

Enfin, lorsqu'un acte communautaire est adopté, le gouvernement en informe le Bundestag, en précisant les délais de transposition. Il informe également le Bundestag des procédures préjudicielles auxquelles la République fédérale d'Allemagne est partie devant la Cour de Justice des Communautés Européennes et le tribunal de première instance.

En conclusion, cet accord entre le Bundestag et le gouvernement allemand montre bien l'implication croissante des parlements nationaux dans les affaires européennes. Les gouvernements semblent prendre conscience de l'urgente nécessité de renforcer l'examen parlementaire des questions européennes. On notera que la conclusion de cet accord se double, de manière pratique, par l'ouverture d'un bureau de représentation du Bundestag à Bruxelles. L'accord prévoit explicitement que la représentation permanente et éventuellement l'ambassade bilatérale, soutiennent dans la mesure du nécessaire ce bureau du Bundestag.


ANNEXE

Accord
entre le Bundestag et le Gouvernement fédéral allemand
relatif à la coopération dans les affaires de l'Union européenne et
en application du § 6 de la loi relative à la coopération entre le Gouvernement
fédéral et le Bundestag allemand dans les affaires de l'Union européenne

I. Information du Bundestag allemand

1. Le Gouvernement fédéral informe le Bundestag allemand de manière précoce et continue, et en règle générale par voie écrite, de tous les projets dans le cadre de l'Union européenne (cf. Annexe 1, Liste des projets).

Font également l'objet de cette l'information la Politique étrangère et de sécurité commune ainsi que la Politique européenne de sécurité et de défense, les mesures relevant de la coopération policière et judiciaire et la politique commerciale.

Par ailleurs, le Gouvernement fédéral informe également en amont au sujet de traités de droit international, bilatéraux et multilatéraux, entre la République fédérale d'Allemagne et des États membres de l'Union européenne, qui établissent les normes d'une coopération plus étroite dans des domaines politiques relevant également de la compétence de l'Union européenne.

En outre, le Gouvernement fédéral informe le Bundestag allemand des évolutions politiques d'actualité dans le cadre de l'Union européenne, notamment par la voie de l'alerte politique précoce.

2. Cela s'effectue conformément aux §§ 3 et 4 de la loi relative à la coopération entre le Gouvernement fédéral et le Bundestag allemand dans les affaires de l'Union européenne (EUZBBG), notamment par la transmission des documents, rapports, communications et informations ci-après en possession du Gouvernement fédéral :

a) documents :

- de la Commission et de ses services dans la mesure où ils ont été adressés au Conseil ou rendus officiellement accessibles au Gouvernement fédéral de toute autre manière. Le département ministériel compétent au sein du Gouvernement fédéral veille à mettre à la disposition du Bundestag allemand les papiers préparatoires de la Commission dont il est également en possession et qui pourraient avoir une incidence sur la position adoptée par le Bundestag allemand. Cela s'applique également aux documents non officiels (appelés «non papers ») ;

- du Conseil européen, du Conseil, des rencontres ministérielles informelles et des organes du Conseil ;

b) rapports et communications d'organes de l'Union européenne destinés et relatifs à des réunions :

- du Conseil européen, du Conseil et des rencontres ministérielles informelles ;

- du Comité des représentants permanents et de divers autres comités ou groupes de travail du Conseil ;

- des organes consultatifs auprès de la Commission ;

c) rapports de la Représentation permanente relatifs à :

- des réunions du Conseil et des groupes de travail du Conseil, des rencontres ministérielles informelles et du Comité des représentants permanents ;

- des réunions du Parlement européen et de ses commissions ;

- des décisions de la Commission,

- des actes juridiques en prévision,

- des rapports d'alerte précoce (sur des actes juridiques en prévision),

le Bundestag allemand veillant à cet égard à un traitement confidentiel ;

d) documents et informations relatifs à des initiatives, prises de position et précisions formelles du Gouvernement fédéral pour des organes de l'Union européenne, y compris l'instruction collective adressée au COREPER et les initiatives formelles des gouvernements d'autres États membres vis-à-vis du Conseil et de la Commission, qui sont rendus officiellement accessibles au Gouvernement fédéral, le Bundestag allemand veillant à cet égard à un traitement confidentiel en considération du besoin particulier de protection de négociations confidentielles en cours.

Font notamment partie des groupes de travail du Conseil le « Groupe des Amis de la présidence » ainsi que le « Groupe Antici », le comité de coordination de l'article 36 UE, le comité de l'article 133 CE et le comité spécial pour l'agriculture.

Le Gouvernement fédéral informe oralement les commissions compétentes du Bundestag allemand au sujet des réunions de l'Eurogroupe, du Comité politique et de sécurité ainsi que du Comité économique et financier.

L'information porte aussi sur des projets visant à des décisions des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil. À titre incident ou complémentaire, l'information est assurée oralement dans le cadre de contacts permanents.

3. Préalablement aux réunions du Conseil européen et du Conseil, les commissions compétentes du Bundestag allemand reçoivent une information exhaustive. Celle-ci englobe, pour chaque objet des délibérations, un récapitulatif substantiel de l'avancement du dossier et des points à l'ordre du jour ainsi que de la ligne défendue par le Gouvernement fédéral dans les négociations. Après les réunions du Conseil, le Gouvernement fédéral rend compte des conclusions.

4. À travers l'information visée au § 4 EUZBBG, le Gouvernement fédéral transmet au Bundestag allemand les indications de la Commission et les indications des États membres en sa possession dans le cadre de l'évaluation des répercussions des lois et des conséquences du projet, notamment sur les plans juridique, économique, financier, social et écologique.

5. Le Gouvernement fédéral transmet un compte rendu conforme à l'Annexe 2 (Rapport formalisé) et relatif aux projets. S'agissant d'actes normatifs, il transmet en outre une évaluation exhaustive. Cette évaluation est établie sur le fondement des informations dont dispose le Gouvernement fédéral. À côté de la vérification de la compétence de l'Union européenne dans l'édiction de l'acte normatif proposé, de même que du respect du principe de subsidiarité et de proportionnalité, cette évaluation comporte, dans le cadre d'une évaluation exhaustive des répercussions sur la République fédérale d'Allemagne, des assertions, notamment sur les plans juridique, économique, financier, social et écologique, relatives aux matières réglementées, aux alternatives, aux coûts, aux charges administratives et à la nécessité de mise en oeuvre. Dans le cas de projets en préparation des actes normatifs et de divers autres projets, il est procédé à l'évaluation sur requête du Bundestag allemand.

Le Rapport formalisé doit être expédié dans les dix jours ouvrables faisant suite à la transmission du projet, l'évaluation exhaustive au plus tard jusqu'au début des délibérations au sein des organes du Conseil. Dans le cas de textes déclarés urgents, les délais sont abrégés de sorte à garantir que le Bundestag allemand soit avisé en temps utile et qu'il ait la faculté de prendre position. Pour un projet requérant une évaluation particulièrement approfondie, le délai peut être prolongé avec l'approbation du Bundestag allemand.

6. Le Gouvernement fédéral expédie les documents au Bundestag allemand à la date la plus rapprochée possible et par la voie la plus directe.

7. Les ministères de la Fédération, dans le cadre des dispositions en vigueur réglementant la protection des données, ouvrent au Bundestag allemand l'accès aux banques de données sur des projets dans le cadre de l'Union européenne. De même, le Gouvernement fédéral ouvre au Bundestag allemand l'accès à des banques de données de l'UE qui sont accessibles aux gouvernements des États membres.

8. a) Les mesures non visées au numéro 1, revêtant une importance fondamentale ou ayant des répercussions considérables sur les intérêts de la République fédérale d'Allemagne font l'objet d'une information donnée au Bundestag allemand par le Gouvernement fédéral.

b) Font également l'objet de cette information les initiatives propres au Gouvernement fédéral lui-même, les initiatives émanant des L5nder et du Bundesrat ainsi que les initiatives des États membres de nature à favoriser la formation de la volonté et les prises de décision de l'organe de l'Union européenne saisi.

9. Il incombe au Gouvernement fédéral de garantir une représentation politique appropriée au sein des commissions du Bundestag allemand.

II. Prise de position du Bundestag allemand

1. Le Gouvernement fédéral donne au Bundestag allemand l'occasion de prendre position à un stade précoce des négociations, Le délai doit être suffisant pour permettre au Bundestag allemand un examen approprié du texte. En fonction de l'état des négociations, le Gouvernement fédéral communique aussi au Bundestag allemand la date jusqu'à laquelle, en raison des impératifs du calendrier résultant du déroulement de la procédure de l'Union européenne, il peut être encore tenu compte d'une prise de position.

2. Le Gouvernement fédéral fonde ses négociations sur la prise de position du Bundestag allemand.

3. Le Bundestag allemand peut adapter et modifier sa prise de position au cours de l'examen du projet au sein des organes de l'Union européenne. À cette fin, le Gouvernement fédéral maintient des contacts permanents et informe le Bundestag allemand de modifications essentielles de ces projets.

4. Dans le cas où le Bundestag allemand use de la faculté de prendre position en vertu de l'article 23, al. 3, 1ère phrase LF, le Gouvernement fédéral émettra au sein du Conseil une réserve parlementaire s'il s'avère impossible de faire prévaloir la résolution du Bundestag allemand sur l'un de ses arguments essentiels. Avant que la décision définitive ne soit arrêtée au sein du Conseil, le Gouvernement fédéral s'efforce d'établir un accord avec le Bundestag allemand. Il n'est pas dérogé au droit du Gouvernement fédéral, connaissant les votes du Bundestag allemand, de prendre des décisions divergentes pour des motifs importants de politique étrangère ou de politique d'intégration.

5. Une fois adoptée la décision du Conseil, le Gouvernement fédéral informe le Bundestag allemand sans tarder, en particulier sur la manière dont la prise de position du Bundestag allemand a été retenue. Au cas où les arguments de la prise de position n'auraient pas tous été retenus, le Gouvernement fédéral en expose les raisons. L'information doit être donnée même si la décision prise au Conseil ne conduit pas à la clôture de la procédure.

III. Information relative aux actes juridiques européens

Après qu'un acte juridique européen a été pris, le Gouvernement fédéral en avise le Bundestag allemand. Dans le cas de directives et de décisionscadres, le Gouvernement fédéral fournit des informations relatives aux délais à prendre en considération pour la transposition intra-étatique et relatives à la nécessité de la transposition.

IV. Procédures par-devant les juridictions européennes

Le Gouvernement fédéral informe sans tarder le Bundestag allemand des procédures préjudicielles et des procédures d'expertise, ainsi que des procédures auxquelles la République fédérale d'Allemagne est partie prenante par-devant la Cour de Justice des Communautés européennes et par-devant le Tribunal de première instance. Le Gouvernement fédéral transmet les documents concernant les procédures auxquelles il est partie prenante. Ceci vaut également pour les jugements dans le cadre de procédures auxquelles le Gouvernement fédéral est partie prenante.

V. Passage aux décisions à la majorité

Si le Conseil entend adopter une résolution visant à passer de l'unanimité aux décisions à la majorité, le Gouvernement fédéral en informe le Bundestag allemand et fait connaître sa position. La proposition ou l'initiative en faveur de cette résolution sont constitutives d'un projet au sens du présent Accord.

VI. Adhésion et révision des traités

Si le Conseil entend adopter une résolution visant à engager des négociations préparatoires à des adhésions à l'Union européenne ainsi qu'à engager des négociations sur des modifications des traités fondateurs de l'Union européenne, le Gouvernement fédéral en informe le Bundestag allemand et fait connaître sa position. Ces négociations sont constitutives d'un projet au sens du présent Accord.

Avant que la décision définitive ne soit arrêtée au sein du Conseil, le Gouvernement fédéral s'efforce d'établir un accord avec le Bundestag allemand. Il n'est pas dérogé au droit du Gouvernement fédéral, connaissant les votes du Bundestag allemand, de prendre des décisions divergentes pour des motifs importants de politique étrangère ou de politique d'intégration.

VII. Coopération entre la Représentation permanente et le Bureau de liaison du Bundestag allemand

Par l'intermédiaire de la Représentation permanente et éventuellement de l'ambassade bilatérale, le Gouvernement fédéral, dans le cadre des possibilités existantes et dans la mesure du nécessaire, soutient le Bureau du Bundestag allemand sur des questions ponctuelles eu égard aux attributions de ce dernier.

VIII. Confidentialité

Les documents de l'Union européenne sont en général mis ouvertement en circulation. Le Bundestag allemand tient compte des communications des organes de l'UE eu égard à une confidentialité particulière. Le Gouvernement fédéral procède, avant leur expédition, au classement confidentiel, éventuellement requis sur le plan national, de ces dossiers ou d'autres documents à transmettre au Bundestag allemand dans le cadre du présent Accord. Les raisons de ce classement devront être exposées sur requête.

IX. Dispositions finales

Le Bundestag allemand peut renoncer à la transmission de projets ou à l'information à leur sujet. Cette renonciation ne peut pas être déclarée contre l'opposition d'un groupe parlementaire ou de 5 pour cent des membres du Bundestag allemand.

Berlin, le 28 septembre 2006 Berlin, le 28.9.2006

Le Président La Chancelière

du Bundestag allemand fédérale

Norbert Lammert Angela Merkel

Signature Signature


Annexe l

Liste des projets

Hormis les projets visés au Chiffre I, n° 2, lettre d, dernier paragraphe, aux Chiffres V et VI de l'Accord, sont constitutifs d'un projet au sens de l'Accord :

- les propositions d'action normative dans le premier pilier (y compris les propositions modifiées),

- les communications/prises de position de la COMMISSION,

- les rapports,

- les plans d'action,

- les Livres verts,

- les Livres blancs,

- les programmes politiques,

- les propositions d'action normative dans le troisième pilier (y compris les propositions modifiées),

- les recommandations,

- les accords institutionnels,

- le budget de l'UE et la programmation financière.

Annexe 2

Rapport formalisé

Sujet :

Domaine de spécialité :

Doc. du Conseil n° :

COMMISSION n° :

Parlement européen n° :

Bundesrat n° :

Démonstration de la légalité de réglementations européennes :

(vérification du fondement juridique)

Démonstration de la nécessité de réglementations européennes

(vérification de la subsidiarité)

Finalité :

Axes prioritaires :

Portée politique :

Quel est l'intérêt allemand en particulier ?

Position du Bundestag allemand jusqu'alors :

Position du Bundesrat :

Position du Parlement européen :

État de l'opinion au sein du Conseil :

Avancement de la procédure (stade du traitement) :

Répercussions financières :

Calendrier de l'examen :

a) au Bundestag allemand :

en vertu de l'article 23 LF et de la loi relative à la coopération entre le Gouvernement fédéral et le Bundestag allemand au sein de la commission des affaires de l'Union européenne

b) au Bundesrat :

c) au Parlement européen :

d) au Conseil :

Économie, finances et fiscalité

Vers un « Small Business Act » européen

Communication de M. Louis de Broissia

Le 11 avril dernier, j'ai fait devant notre délégation une première communication sur ce que j'avais qualifié de « Small Business Act à l'européenne ». Il s'agit d'un dispositif en projet, dans le cadre des négociations à l'OMC, qui pourrait constituer une aide très efficace aux petites et moyennes entreprises (PME) européennes. Je voudrais aujourd'hui faire le point sur la manière dont ce dossier a évolué.

Les PME sont, selon la définition communautaire, les entreprises de moins de 250 salariés. Au nombre de 23 millions, elles représentent 99 % du total des entreprises et assurent 75 millions d'emplois dans l'Union européenne. Elles contribuent ainsi jusqu'à 80 % de l'emploi dans certains secteurs industriels, tels que les textiles, la construction ou l'ameublement.

Une Charte européenne des petites entreprises a été adoptée en 2000, qui énonce le principe de « penser petit d'abord » et reconnaît que les PME sont l'épine dorsale de l'économie européenne et la clé de sa compétitivité. Se basant sur la méthode ouverte de concertation introduite par le Conseil européen de Lisbonne, la Charte invite les États membres et la Commission à agir dans dix secteurs clés pour soutenir les petites entreprises.

Mais, financièrement, le soutien apporté par l'Union européenne aux PME demeure relativement modeste. Ainsi, on estime qu'environ 15 % seulement des crédits du 6ème programme-cadre de recherche et de développement (PCRD) ont été attribués à des PME, soit un montant de 2,2 milliards d'euros. De même, environ 11 % seulement des fonds structurels ont été attribués à des PME sur la période 2000-2006, soit un montant de 21 milliards d'euros sur un total de 199 milliards.

La part des PME dans les programmes communautaires reste donc très inférieure à leur contribution au produit intérieur de l'Union européenne. L'un des moyens de suppléer à cette situation serait d'accroître la participation des PME aux marchés publics, qui représentent 16 % du PIB communautaire. C'est sur ce point qu'il serait possible de s'inspirer de l'expérience américaine du « Small Business Act ».

Le « Small Business Act » voté en 1953 impose que les marchés publics fédéraux inférieurs à 100 000 dollars soient réservés aux PME, ainsi que les marchés pour lesquels au moins deux PME peuvent faire une offre. La « Small Business Administration » veille au respect de cette obligation et fixe par ailleurs un objectif annuel global d'environ 20 % des marchés directs et 40 % de la sous-traitance attribués aux PME pour chaque administration. C'est cette disposition qu'il est question de transposer en Europe.

Une clause réservataire d'une partie des marchés publics au bénéfice des PME semble donc pertinente. Toutefois, le droit communautaire des marchés publics aussi bien que les accords de l'OMC s'y s'opposent a priori. En effet, pour pouvoir appliquer la clause réservataire prévue par le « Small Business Act », les États-Unis bénéficient d'une dérogation dans le cadre de l'accord multilatéral sur les marchés publics (AMP), tout comme le Canada et la Corée du Sud.

Il faut donc, d'abord, revendiquer la réciprocité avec les États-Unis dans le cadre de la renégociation en cours de l'accord sur les marchés publics et, ensuite, modifier les directives communautaires sur les marchés publics de 2004.

C'est la position défendue par la France auprès de ses partenaires européens, par la voix de Thierry Breton, ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, et de Christine Lagarde, ministre déléguée au Commerce extérieur. J'ai accompagné cette dernière lors de la mission qu'elle a effectuée à Bruxelles le 19 octobre dernier, au cours de laquelle elle a rencontré Charlie Mc Creevy, commissaire chargé du marché intérieur et des services et Peter Mandelson, commissaire chargé du commerce et de la compétitivité internationale.

Christine Lagarde a fait valoir que la démarche de la France n'est pas protectionniste, puisque la clause réservataire serait ouverte à toutes les PME, quelle que soit leur nationalité ; et qu'elle n'est pas non plus élitiste, puisque la clause réservataire ne concernerait pas les seules PME innovantes ou « high tech », mais toutes les PME, y compris les plus traditionnelles.

Les deux commissaires européens concernés, adeptes d'une philosophie d'ouverture maximale des marchés, n'ont pas parus très réceptifs à cette proposition. Mais, depuis le printemps dernier, la France a réussi à gagner plusieurs autres États membres à son idée. Le groupe le plus motivé, dès le départ, se compose de l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, la Grèce et l'Autriche. Ont aussi manifesté leur intérêt le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Irlande, la Hongrie, Chypre, Malte, la Pologne, le Portugal et la Slovénie. Soit en tout 14 pays, outre la France, susceptibles de soutenir cette proposition.

Il reste encore à consolider cette majorité, si l'on veut modifier en ce sens le mandat de négociation de la Commission européenne dans le cadre de l'OMC. Cela demeure possible, car l'échéance de février fixée initialement pour l'aboutissement de la négociation AMP ne sera vraisemblablement pas tenue.

Dans l'immédiat, je vous propose de manifester notre soutien à la position du gouvernement français, en adoptant des conclusions.

Compte rendu sommaire du débat

M. Bernard Frimat :

Je suis a priori favorable à l'adoption de ces conclusions, qui me paraissent positives et intéressantes. Mais quelles garanties a-t-on contre le risque qu'une telle clause réservataire bénéficie aussi à des PME filialisées, « faux-nez » de grandes entreprises ? Dans ce cas, le but visé ne serait pas atteint.

M. Roland Ries :

Je m'interroge quant au statut de ce genre de dérogations aux règles de l'OMC. Suffit-il de les demander ou faut-il offrir des contreparties ?

M. Louis de Broissia :

L'observation de Bernard Frimat me paraît fondée. Il faudra veiller, dans l'application du futur dispositif, au critère d'indépendance capitalistique qui, à ma connaissance, n'est pas explicitement prévu dans la définition communautaire des PME. Je vous propose de compléter nos conclusions en ce sens.

Pour ce qui est des règles de l'OMC, je m'en remets à notre collègue Jean Bizet, qui est expert en la matière.

M. Jean Bizet :

L'accord sur les marchés publics, signé à Marrakech en 1994, est un accord plurilatéral qui ne lie pas l'ensemble des membres de l'OMC. Il est fondé sur le principe de la non-discrimination, mais les États-Unis y ont introduit dès l'origine une dérogation en faveur des PME. L'Union européenne, si elle voulait bénéficier d'une dérogation analogue, devrait aujourd'hui formuler une demande en ce sens, mais il est vraisemblable qu'il lui faudrait alors offrir une contrepartie.

*

À l'issue de ce débat, la délégation a adopté les conclusions suivantes :


Conclusions

La délégation pour l'Union européenne,

Considérant que la compétitivité de l'Union européenne repose très largement sur son tissu de PME, dont la contribution à l'emploi, la croissance et l'innovation sont reconnues par la stratégie de Lisbonne ;

Considérant que les États-Unis, le Canada et la Corée du Sud ont mis en place, par une dérogation aux règles de l'accord sur les marchés publics adopté dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, des dispositifs d'accès préférentiel des PME aux marchés publics ;

Considérant comme essentiel que l'Union européenne obtienne, dans le cadre de la renégociation en cours de l'accord sur les marchés publics, une dérogation comparable à celle déjà accordée aux États précédemment cités ;

Soutient la demande exprimée par le gouvernement français, et par plusieurs de ses partenaires européens, de modifier l'accord sur les marchés publics de l'OMC afin d'autoriser l'Union européenne à mettre en place une clause réservataire au bénéfice des PME, qui ne devrait s'appliquer qu'aux PME réellement indépendantes d'une grande entreprise.