COM (2004) 144 final  du 03/03/2004

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 16/03/2004
Examen : 11/05/2004 (délégation pour l'Union européenne)
Texte retiré par la Commission européenne le 25 mars 2009

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : voir le dossier legislatif


Transports

Communication de M. Hubert Haenel
sur le troisième paquet ferroviaire

Textes E 2535, E 2536 et E 2537
COM (2004) 139 final, COM (2004) 143 final
et COM (2004) 144 final

(Réunion du 11 mai 2004)

La Commission européenne a présenté le 3 mars dernier son troisième paquet ferroviaire, dont l'enjeu principal est l'ouverture du transport de voyageurs. Je vous rappelle que les deux premiers paquets ferroviaires ont déjà ouvert à la concurrence le transport de fret.

Ce troisième paquet ferroviaire comporte trois textes de nature législative :

- une proposition de directive ouvrant à la concurrence le transport de passagers (E 2535) ;

- une proposition de règlement sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires internationaux (E 2536) ;

- une proposition de règlement concernant les exigences de qualité du fret ferroviaire (E 2537).

Je commencerai par les deux derniers de ces textes, en réservant le premier pour la fin.

I - LES DROITS DES VOYAGEURS INTERNATIONAUX

Le règlement E 2536 définit les responsabilités en cas d'accident, de retard, d'annulation et fixe les montants de compensation. Il prévoit l'obligation pour les entreprises ferroviaires d'être assurées à hauteur de minimum 310.000 euros par passager pour les cas de décès ou blessure. Les seuils de compensation fixés pour les retards dont l'entreprise ferroviaire est tenue responsable sont fonction de la durée du retard et du type de service (train à grande vitesse ou service classique). Ils correspondent à la moitié ou à la totalité du prix du billet selon les cas.

La Communauté Européenne du Rail critique ce qu'elle estime être un excès de zèle de la Commission, en faisant valoir qu'il existe déjà une charte volontaire sur le transport de passagers.

II - LES EXIGENCES DE QUALITÉ DU FRET FERROVIAIRE

La proposition de règlement E 2537 énumère une série de clauses qui devront se retrouver dans les contrats entre les entreprises ferroviaires et leurs clients, et dont le non respect entraînera des compensations :

- les heures convenues pour le transfert des marchandises, des wagons ou des trains entre l'entreprise ferroviaire et le client ;

- l'heure d'arrivée et les compensations prévues en cas de retard ;

- les compensations en cas de perte ou d'avarie de la marchandise ;

- le système de contrôle de la qualité défini par les parties.

Le règlement fixe aussi des planchers minimaux et maximaux pour les indemnisations. L'entreprise ferroviaire paiera ainsi au maximum 75 euros par kilo en cas de perte ou de dommage, au minimum 5 % et au maximum 25 % du prix du transport en cas de retard. La force majeure ou la faute d'un tiers pourront être invoquées pour ne pas appliquer le système de compensation.

La Communauté Européenne du Rail critique également cette proposition de règlement en raison du surcoût qu'elle engendrera. Elle estime qu'elle est dépourvue de base légale et fait valoir qu'il existe déjà des accords volontaires sur la qualité du fret ferroviaire.

III - L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DU TRANSPORT DE VOYAGEURS

C'est le coeur du troisième paquet ferroviaire. La part des transports internationaux de voyageurs par train représente environ 10 % du chiffre d'affaires voyageurs des entreprises ferroviaires de l'Union européenne, soit 2,4 milliards d'euros. Elle est plus élevée dans les pays de faible superficie : 70 % au Luxembourg, 33 % en Belgique, 17 % en Autriche.

La proposition de directive E 2335 ouvre à la concurrence le transport international de passagers à compter du 1er janvier 2010, tout en autorisant le cabotage : un opérateur effectuant le trajet Paris-Madrid pourra effectuer aussi Madrid-Barcelone ou Paris-Marseille.

Toutefois, les États auront la possibilité de limiter le libre accès si un contrat de service public a été établi pour le service concerné. Cette restriction est conforme au règlement 1893/91 sur les obligations de service public dans les transports, qui prévoit que les contrats de service public peuvent comporter des droits exclusifs pour la réalisation de certains services.

Toujours dans le même exemple, ces droits exclusifs signifieraient qu'aucun autre opérateur ne pourrait mettre en place un service national limité à Madrid-Barcelone. Mais ils n'empêcheront pas un opérateur international effectuant un service entre Paris et Madrid de prendre ou de laisser des voyageurs à Barcelone.

Si l'on en croit les déclarations du ministre des transports, le Gouvernement français devrait être favorable à ce troisième paquet ferroviaire. Quant à la SNCF, elle semble renoncer à la position d'obstruction qu'elle avait adoptée sur les deux premiers paquets ferroviaires.

L'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire se poursuit donc en Europe. Mais il s'agit d'un processus très progressif, où les textes ne modifient que lentement les pratiques. Alors que le transport de fret international est ouvert à la concurrence depuis le 15 mars 2003 en France, on compte sur les doigts d'une main les nouveaux entrants potentiels. Il ne semble pas que la libéralisation entraîne immédiatement dans le secteur ferroviaire un bouleversement des situations acquises.

Compte rendu sommaire du débat

M. Jacques Oudin :

Depuis le 15 mars 2003, le fret est théoriquement ouvert à la concurrence. J'aimerais beaucoup que l'on informe la délégation du nombre de trains qui ont profité de cette ouverture. En fait, nous connaissons la réponse à une telle question : il n'y a aucun nouvel entrant en pratique. C'est un blocage complet de la part de la France. On ne peut pas faire comme si de rien n'était.

M. Hubert Haenel :

Le bilan de la libéralisation du fret ferroviaire est effectivement négatif. Il y a des verrous quelque part.

Dans une récente interview au quotidien Les Échos, M. Hartmut Mehdorn, le président de la Deutsche Bahn a plaidé pour un rapprochement entre Alstom et Siemens dans le domaine de la construction ferroviaire. Il a également suggéré un partage du marché entre la SNCF, qui se concentrerait sur le transport de voyageurs, et la Deutsche Bahn, qui se concentrerait sur le transport de marchandises.

Je crois que, sur l'ensemble de ces questions, il serait utile que la délégation entende le ministre compétent.

*

Sous ces réserves, la délégation a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.