COM (2016) 287 final  du 30/05/2016


Le texte COM 287 est destiné à tenir compte des nouveaux modes de consommation des vidéos par internet. La Commission européenne propose, à cet effet, une modernisation de la directive « services et médias audiovisuels ». L'objectif double est, d'une part, d'assurer une saine concurrence entre les organismes de radiodiffusion télévisuelle et les acteurs d'internet, et, d'autre part, de réglementer l'activité de ces derniers.

Cela passe par quatre axes : le renforcement de l'indépendance des autorités chargées de la régulation des médias ; la responsabilisation des plateformes de partage de vidéos dans la protection des consommateurs face aux incitations à la haine et des mineurs face à la violence et à la pédopornographie ; un soutien des fournisseurs de contenu à la création européenne avec une obligation de garantir une part d'au moins 20 % de contenus européens dans leurs catalogues ; une plus grande souplesse en faveur des organismes de radiodiffusion télévisuelle quant à l'heure de diffusion des publicités, puisque la limite actuelle de 12 minutes par heure serait transformée en obligation quotidienne, toujours dans un plafond de 20 % du temps d'antenne.

Ce texte, qui s'inscrit dans la lignée de la précédente directive, ne présente pas de difficulté au regard du principe de subsidiarité.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 02/06/2016
Examens : 03/11/2016 (commission des affaires européennes), 30/11/2016 (commission de la culture, de l'éducation et de la communication)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution européenne sur l'adaptation de la directive "services de médias audiovisuels" (2016-2017) : voir le dossier legislatif


Culture

Proposition de résolution européenne et avis politique de M. André Gattolin et Mme Colette Mélot sur la directive "Services de médias audiovisuels"

(Réunion du 3 novembre 2016)

M. Jean Bizet, président. - Nous entendons à présent la communication d'André Gattolin et Colette Mélot sur la proposition de directive relative au Services de Médias audiovisuels (SMA). Ce texte pose notamment la question de la concurrence entre les grands acteurs de l'internet et les acteurs traditionnels comme les radio-diffuseurs. Il soulève aussi la question de la régulation et de la protection des publics les plus faibles. Nos rapporteurs ont travaillé en étroite collaboration avec notre collègue Jean-Pierre Leleux, qui sera le rapporteur de la commission de la Culture. La proposition de résolution européenne qu'ils ont élaborée vous a été adressée.

Mme Colette Mélot. - Dans le cadre de la stratégie numérique, la Commission européenne propose une évolution de la directive SMA qui fixe les règles encadrant les médias audiovisuels. Ce sujet touche tout le monde, tant les vidéos sont devenues omniprésentes dans nos vies depuis qu'elles ont quitté les seuls écrans de télévision pour nos ordinateurs, nos tablettes et nos téléphones - et, demain, toutes sortes d'objets connectés.

La part des vidéos à la demande et des vidéos transmises sur les réseaux sociaux est désormais supérieure à celle de la télévision traditionnelle. Ainsi, pour retransmettre les Jeux Olympiques de Rio, France télévisions avait prévu, en plus de ses propres services, c'est-à-dire ses chaînes de télévision et ses sites internet, une chaîne spéciale sur la plateforme Youtube. Au total, 170 million de vidéos ont été vues. Or, près d'un tiers l'ont été par le biais du réseau social Facebook, soit plus que sur la chaîne Youtube prévue par le service public !

Il y a donc un phénomène de masse, qui progresse vite et qui préfigure la consommation de médias dans les années à venir. Les plus jeunes sont en effet ceux qui utilisent le plus ces nouveaux médias. Or, ceux-ci ne sont pas ou peu réglementés. Vu la place qu'ils occupent désormais dans le paysage audiovisuel, cela ne peut pas continuer. Nous devons protéger les plus jeunes consommateurs contre les publicités sur internet. Une vidéo qui fait l'apologie de Daesh ne peut pas continuer à circuler aussi facilement. Il faut une régulation.

Par ailleurs, notre système de soutien à la création audiovisuelle repose sur des contributions nationales. Une chaîne de télévision est supposée être établie dans un État membre et doit participer à la production d'oeuvres et de programmes selon les règles de cet État membre. La Commission européenne estime que les organismes de radiodiffusion télévisuelle européens investissent en moyenne 20 % de leurs recettes dans des contenus originaux, quand les plateformes proposant des vidéos sur internet investissent moins de 1 %.

De surcroît, ces nouveaux médias génèrent de plus en plus de ressources publicitaires au détriment des radiodiffuseurs. Or, ils bénéficient d'une concurrence faussée, car si la publicité est encadrée à la télévision, elle ne l'est presque pas sur internet.

Cela ne peut plus durer car c'est le modèle européen qui est remis en question. Dans notre pays, la sensibilité à ces questions est grande. Bonne nouvelle : la Commission européenne a entendu nos demandes et a fait une proposition qui va dans le bon sens !

En effet, le texte de la Commission présente de réelles avancées. Les plateformes de partage de vidéos comme Youtube ou Dailymotion seraient incluses dans le champ de la directive et soumises à un certain nombre d'obligations, notamment en matière de protection des mineurs.

Ce texte reflète une volonté de rétablir une certaine forme d'équilibre entre les radiodiffuseurs et les fournisseurs de vidéos à la demande. Ces derniers devraient désormais proposer dans leur catalogue un quota minimum de 20 % d'oeuvres européennes et les mettre en avant. Ils se verraient aussi imposer de soutenir la création dans un État dont ils ciblent la population, alors même qu'ils ne sont pas présents sur son territoire. Dans le même temps, la Commission propose d'assouplir les règles relatives à la publicité à la télévision pour permettre aux radio-diffuseurs d'augmenter les ressources.

Enfin, dans le but d'assurer un meilleur contrôle sur l'ensemble de ces acteurs, la Commission européenne propose d'inscrire dans la directive le principe d'indépendance des régulateurs nationaux européens - comme le Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA) dans notre pays. Elle propose en outre de donner une plus grande place au niveau européen à l'organe qui réunit ces régulateurs nationaux, l'Erga (European Regulators Group for Audiovisual Media Services).

M. André Gattolin. - Comme l'a dit Colette Mélot, il y a dans ce texte un certain nombre d'avancées qui répondent à des demandes de notre Gouvernement et qui constituent une réelle étape dans la régulation de l'Internet en Europe et de ces grands acteurs américains qui bousculent nos sociétés et nos économies.

La commission de la culture du Parlement européen a, par la voix de ses deux rapporteures allemandes, présenté un projet de rapport en septembre dernier qui contribue lui aussi à renforcer cette régulation. Là où la Commission européenne propose des règles distinctes entre les radiodiffuseurs, les fournisseurs de vidéos et les plateformes de partage, les rapporteures proposent de créer un socle commun pour tous, plus exigeant, plus simple et plus structurant. À la condition, toutefois, de tenir compte des spécificités de chaque média : on ne peut pas traiter de la même façon la publicité sur internet et à la télévision.

Ces règles devraient porter sur la lutte contre l'incitation à la violence ou à la haine, la lutte contre la discrimination, la protection des mineurs face aux contenus préjudiciables, les communications commerciales, le placement de produit et le parrainage, la protection des oeuvres cinématographiques et la préservation de la chronologie des médias, les droits d'information des destinataires d'un service, la corégulation, l'autorégulation, les codes déontologiques. Elles devraient également favoriser la lutte contre l'apologie du terrorisme.

Pour ce qui est de la promotion des oeuvres européennes, la Commission propose un quota de 20 % dans les catalogues de vidéos à la demande et une mise en avant de ces oeuvres. C'est très bien. Mais la Commission a fait le constat qu'en moyenne, Netflix propose déjà 27 % des programmes qui sont diffusés en Europe. Par ailleurs, les oeuvres européennes regroupent celles des 47 États membres du Conseil de l'Europe, y compris la Grande Bretagne qui produit un nombre important de téléfilms et de séries. Un quota à 20 % est donc très faible. En France, le quota est pour l'instant fixé à 60 % d'oeuvres européennes dont 40 % d'oeuvres nationales. À la télévision, le quota est de 50 %. Pour rétablir un semblant de concurrence, il serait plus judicieux et réaliste de fixer un quota à 40 %, ce qui relève le niveau au-dessus des 30 % que proposent les rapporteures du Parlement européen. Quoi qu'il en soit, l'offre doit être supérieure à celle de Netflix. Quant à la mise en avant et au référencement, ils restent difficiles à mettre en oeuvre : comment fixer des règles pour donner de la visibilité aux oeuvres sur une page web ?

Concernant la contribution à la production dans un pays par un service de médias qui n'est pas dans ce pays, mais qui cible son public, l'évolution proposée est intéressante. On procéderait en dérogeant au principe du pays d'origine, selon lequel chaque pays ne peut réglementer que les services de médias présents sur son territoire. C'est une excellente idée ! Sans remettre en cause notre législation, la réglementation s'adapte à un internet qui s'affranchit des frontières. Pourquoi ne pas aller plus loin en demandant à ces médias de respecter les mêmes quotas que ceux qu'ils viennent concurrencer ? Pourquoi ne pas leur imposer les mêmes obligations concernant la protection des mineurs ou la publicité ?

En ce qui concerne les communications commerciales à la télévision, la Commission va assez loin dans ses propositions dans le but d'augmenter les ressources des radiodiffuseurs classiques. Là où il existe une limite horaire de 20 % de publicité, soit 12 minutes par heure de diffusion, la Commission propose plus de souplesse en passant à un système de limite quotidienne : ce serait désormais 20 % entre 7h et 23h, répartis plus librement. Elle propose également d'autoriser une troisième tranche horaire de publicité dans les oeuvres protégées comme les films et les téléfilms qui constituent le patrimonial, ou encore les programmes d'information.

Or, on constate qu'un certain nombre de consommateurs se tournent vers les vidéos à la demande justement pour échapper aux coupures publicitaires. Par ailleurs, si cette proposition est juste d'un point de vue économique, elle peut donner lieu à des dérives dangereuses, comme en Espagne ou en Italie où les coupures publicitaires ont envahi les oeuvres patrimoniales.

Si la souplesse proposée peut favoriser une augmentation des recettes publicitaires pour les chaînes de télévision, il nous paraît important de conserver une protection pour les enfants. C'est pourquoi la limite horaire de 20 % devrait être maintenue entre 7h et 10h, période de pic où les plus jeunes sont devant la télévision sans la présence des parents.

Enfin, d'autres assouplissements nous paraissent inutiles, voire nocifs comme ceux concernant le placement de produits. La Commission propose notamment que l'on autorise les marques à être placées dans les programmes et séries diffusées sur les chaînes de télévision, à l'image de ce qui se fait dans les James Bond. Ce sera une ressource de plus pour les producteurs, mais pas pour les diffuseurs. Par conséquent, nous sommes très réticents sur cette mesure.

Telles sont nos analyses sur la proposition de la Commission. Nous pourrions traiter plus longuement les points qui concernent l'indépendance des régulateurs, si nous en avions le temps. Je souhaite rappeler qu'il s'agit d'une directive d'harmonisation minimale et pas totale. La France est par conséquent parfaitement légitime à adopter des mesures plus contraignantes. À chaque pays d'être mieux disant par rapport à ces propositions.

Mme Colette Mélot. - Je voudrais saluer notre collaboration avec Jean-Pierre Leleux, qui devrait être le rapporteur de cette proposition de résolution à la commission de la culture. Je dois dire que ce travail commun a été aussi appréciable qu'agréable.

Nous avons mené toutes nos auditions ensemble, à Paris comme à Bruxelles, et nous avons pu bénéficier de l'expérience de Jean-Pierre Leleux sur les questions audiovisuelles. Sans préjuger du rapport qu'il pourra faire, j'ajoute que cette proposition de résolution est le fruit d'une réflexion commune.

M. André Gattolin. - Juste une précision : nous avons auditionné à Paris le ministère de la culture, France Télévisions, le groupe Orange, les chaînes privées TF1, M6 et Canal+ ; à Bruxelles, nous avons pu entendre la Représentation permanente, la DG Connect à l'origine du texte, les représentants des auteurs et des chaînes privées en Europe et le Bureau Européen des Unions de Consommateurs.

L'expérience a montré que quand nous sommes à l'initiative d'une proposition de résolution européenne. Il est utile de collaborer bien en amont sur le texte avec la commission qui sera saisie au fond.

M. Jean Bizet, président. - Je vous remercie. Ce travail en commun est l'une des facettes de la co-législation que nous souhaitons développer entre la commission des affaires européennes et le Parlement européen. Je ne dévoile là aucun secret. Lorsque le président Larcher a reçu Lord King, le nouveau commissaire en charge de la sécurité, ils ont conclu à la nécessité pour les parlements nationaux et le Parlement européen de légiférer avec rapidité en matière de lutte contre le terrorisme. Le principe de co-législation doit devenir la règle.

Mme Patricia Schillinger. - Je me félicite que la France se distingue par la qualité des publicités diffusées sur ses chaînes. Ce sont de véritables petits films, presque des oeuvres d'art. Rien à voir avec les publicités diffusées sur les chaînes suisses ou allemandes qui matraquent les téléspectateurs du matin au soir. Cependant, la publicité est souvent trop longue sur les chaînes françaises : elle dure parfois près d'un quart d'heure. Il faudrait également revoir la diversité des produits vantés. Les publicités à destination des enfants se sont améliorées, tout comme celles sur les produits alimentaires. On a introduit le concept de prévention, ce qui est louable. En revanche, grâce à l'offre de CanalSat et Canal+, les jeunes ont tendance à ne pas se limiter aux chaînes françaises. D'où la nécessité d'une harmonisation au niveau européen. Le principe d'un travail en collaboration avec les autres commissions et les autres parlements est très efficace. Enfin, rappelons-le, nous sommes les meilleurs ! Les publicités françaises l'emportent largement sur les publicités espagnoles ou italiennes.

M. Richard Yung. - Vive la France !

M. Claude Kern. - Je félicite les rapporteurs dont je partage le point de vue sur la nécessité de prendre en compte les programmes audiovisuels dans la lutte contre le terrorisme et de réglementer la publicité. Je les remercie également d'avoir rappelé qu'il s'agissait d'une harmonisation minimale. Pour la retransmission d'événements sportifs, le streaming facilite les diffusions pirates sur les réseaux sociaux. Le sujet a été traité au niveau national dans la proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport. Ce texte pourrait-il nous donner l'occasion d'être beaucoup plus efficaces, en légiférant au niveau européen ?

M. Richard Yung. - Je salue l'effort de la Commission. Proposer un texte sur un sujet qui suscite autant de réactions ne va pas de soi. Quelle position défend l'industrie cinématographique ou l'industrie de la création en France ? Je crois savoir que Jérôme Seydoux était sur le sentier de la guerre contre toute proposition de réglementation ou de régulation. Sa réflexion aurait-elle évolué ? Et quelles sont les réactions dans les autres pays, notamment en Grande Bretagne ?

Il faudrait également aborder le statut des responsabilités. Doit-on considérer les plateformes qui mettent en ligne des films et des séries télévisées comme un simple support technique dépourvu de toute responsabilité quant au contenu diffusé ? Ou bien jouent-elles un rôle d'éditeurs ? Ou bien encore, faut-il leur attribuer un statut intermédiaire ? La question vient sans doute trop tôt ; il faudra la poser, le moment venu.

Enfin, vous n'avez pas mentionné la contrefaçon...

M. André Gattolin. - Une directive est en préparation sur ce sujet.

M. Richard Yung. - La France défend une position forte et originale. La pratique a montré qu'en l'absence d'une politique volontariste, une grande partie de notre industrie de la création disparaîtrait. La France a su préserver cette industrie. Continuons dans cette voie.

Mme Colette Mélot. - En ce qui concerne la publicité, nous avons beaucoup travaillé en amont. Des campagnes de prévention existent et nous sommes réconfortés de savoir que les publicités françaises sont bien meilleures qu'en Allemagne ou en Suisse. Ne baissons pas la garde, car chacun peut désormais zapper sur d'autres chaînes européennes, de sorte que même si nous sommes à la pointe, nous ne pouvons pas nous passer d'une harmonisation entre les pays.

Le streaming qui se développe notamment pour la diffusion des programmes sportifs sera traité dans la directive sur les droits d'auteurs, dont le premier projet vient d'être publié. Ce sera l'occasion pour l'industrie cinématographique d'affirmer sa position.

M. André Gattolin. - Ce texte a le mérite de rendre plus équitable le sort fait à la télévision linéaire classique par rapport à la télévision délinéarisée. D'ici quinze à vingt ans, Netflix et Golden seront devenus les patrons de la télévision en France. Le basculement du linéaire au délinéarisé est très rapide. Pour faire face à l'attaque des nouveaux médias télévisuels, les chaînes devront privilégier une production nationale ou européenne. Si la publicité se reporte entièrement sur Internet, cela favorisera le service à la demande et le modèle économique de la télévision classique s'effondrera. D'où la décision de la Commission d'abaisser les normes de la publicité et de renforcer les contraintes à destination des nouveaux arrivants. Même si cette option n'est pas la plus facile, il faut la tenter : il est dans l'intérêt de nos médias que nous imposions des règles aux opérateurs, essentiellement nord-américains.

Lorsque le numérique est arrivé dans le monde de la musique, l'industrie phonographique a commencé par dire non à tout. Puis, la Sacem a proposé une offre légale satisfaisante pour tous et qui fonctionne. L'évolution devrait être la même pour le monde du cinéma, pour l'instant replié dans sa forteresse. Une offre légale verra probablement le jour, grâce à laquelle l'industrie cinématographique continuera à capter des ressources.

Nous sommes d'autant moins favorables à la coupure publicitaire dans la troisième tranche horaire que le monde de la culture est monté au créneau avec violence lorsqu'on a pris la décision d'introduire une coupure publicitaire dans la deuxième tranche horaire. Avec Jean-Pierre Leleux, nous sommes unanimes à refuser une troisième coupure publicitaire. Pour l'instant, la proposition de la Commission européenne manque de clarté. La directive sur les droits d'auteur devrait y remédier.

Quant à la responsabilité des contenus, dans la mesure où Facebook a fait plus d'audience que les grands opérateurs sur la retransmission des grands événements sportifs, nous sommes favorables à ce que les réseaux sociaux entrent dans la distribution, même si nous manquons de soutien. Pour l'instant, les internautes se contentent de signaler les contenus qui ne seraient pas appropriés, ce qui laisse place à beaucoup de distorsion. Si la règle sur le droit d'auteur fonctionne bien, tout le reste est à inventer. On ne peut pas laisser le système s'autoréguler sans encadrer plus précisément la responsabilité des plateformes.

Attention à ne pas confondre l'absence de prise de position des réseaux sociaux avec la neutralité du Net qui signifie que les plateformes n'ont pas à privilégier certains services par rapport à d'autres.

Bien sûr, nous pouvons nous féliciter de la qualité des publicités françaises. Cependant, elles restent moins bonnes qu'en Grande Bretagne. Et les publicités bas de gamme commencent à se multiplier, notamment sur l'Internet. Quant à la prévention, je ne suis pas sûr de l'efficacité des bandeaux déroulants, surtout quand ils s'adressent à un public d'enfants, qui ne savent pas encore lire. Le rôle du CSA est de veiller à la qualité des programmes.

Mme Colette Mélot. - Les Allemands souhaitent plus de souplesse en matière de publicité et les deux rapporteures allemandes sont moins interventionnistes au sujet des plateformes. Le Royaume Uni ne s'est pas encore exprimé...

M. André Gattolin. - Trop occupé par le Brexit.

Mme Colette Mélot. - L'Espagne milite pour la protection des oeuvres et, dans l'ensemble, les pays du sud sont favorables à une plus grande régulation. Quant aux pays libéraux, comme les Pays Bas ou la Suède, ils prônent la dérégulation générale.

M. André Gattolin. - Ces petits pays voient s'ouvrir une opportunité de faire des affaires. Ils rêvent de devenir les maîtres du petit univers télévisuel européen. Même si les Allemands sont moins régulateurs que nous, ils partagent notre volonté de poser des règles plus fortes que celles proposées par la Commission sur les quotas européens.

M. Jean Bizet, président. - Je salue la compétence de nos rapporteurs sur l'ensemble de ces sujets. Lors d'échanges épistolaires musclés, le président du CSA a fini par convenir que certaines émissions soulevaient un problème d'objectivité de l'information. Par conséquent, il me paraît souhaitable de compléter le point n° 44 du texte par la phrase : « et rappelle que ces autorités doivent en particulier veiller à l'objectivité de l'information ».

M. André Gattolin. - Oui. Cependant, en Europe, les organismes régulateurs n'ont pas tous le même niveau d'indépendance, et ce n'est pas parce qu'un organisme est indépendant qu'il est nécessairement objectif. Il faudra qu'ils se mettent d'accord.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne, ainsi modifiée, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.


Proposition de résolution européenne

(1) Le Sénat,

(2) Vu l'article 88 4 de la Constitution,

(3) Vu la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »),

(4) Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché enregistrée à la Présidence du Sénat le 2 juin 2016 - COM(2016) 287 final,

(5) Vu le projet de rapport du 15 septembre 2016 de la commission de la culture et de l'éducation du Parlement européen,

(6) Se félicite de l'initiative de la Commission européenne visant à adapter le droit de l'Union européenne aux nouvelles technologies qui bouleversent ce secteur et aux nouvelles pratiques de consommation qui en découlent ;

(7) Soutient l'approche générale de cette proposition qui vise à établir une concurrence équitable entre tous les acteurs de l'audiovisuel dans le respect de la protection des consommateurs, à encadrer juridiquement l'activité des plateformes de partage de vidéos et à assurer l'indépendance des régulateurs de l'audiovisuel ;

(8) Rappelle que la directive « Services de médias audiovisuels » est une directive d'harmonisation minimale et qu'elle doit le rester dans tous ses aspects et laisser la possibilité aux États membres d'aller plus loin s'ils le veulent ;

(9) Concernant l'extension du champ matériel de la directive :

(10) Se satisfait de voir intégrées dans le champ de la directive « Services de médias audiovisuels » les plateformes de partage de vidéos, les vidéos créées par un utilisateur et les vidéos de courte durée ;

(11) Estime toutefois que la définition d'un service de plateforme de partage doit aussi viser les plateformes qui mettent à disposition des vidéos d'utilisateurs et pas seulement des plateformes qui les stockent ;

(12) Concernant un socle commun de règles pour les services de médias audiovisuels :

(13) Se félicite de voir étendues aux services de médias audiovisuels à la demande des obligations de promotion des oeuvres européennes et de protection des mineurs ;

(14) Regrette cependant que ces services ne fassent pas l'objet d'un encadrement juridique plus important ;

(15) Accueille favorablement la proposition des rapporteurs du Parlement européen d'établir un socle de règles communes applicables aux services de médias audiovisuels, aux plateformes de partage de vidéos, ainsi qu'aux vidéos créées par les utilisateurs ;

(16) Juge nécessaire que ces règles communes tiennent compte de la spécificité de chaque média ;

(17) Estime que les règles communes doivent porter sur la lutte contre l'incitation à la violence ou à la haine, la lutte contre la discrimination, la protection des mineurs face aux contenus préjudiciables, les communications commerciales, le placement de produit et le parrainage, la protection des oeuvres cinématographiques et la préservation de la chronologie des médias, les droits d'information des destinataires d'un service, la corégulation, l'autorégulation, les codes déontologiques ;

(18) Suite aux sanglants attentats survenus en Europe et notamment à Paris, Nice et Saint-Étienne-du-Rouvray, demande que la proposition vise expressément la nécessité de protéger les citoyens européens contre des contenus faisant l'apologie du terrorisme ;

(19) Concernant la promotion des oeuvres européennes dans les catalogues des services de médias audiovisuels à la demande :

(20) Rappelle l'importance de favoriser la diversité culturelle en Europe et de soutenir la production, la distribution et la diffusion d'oeuvres audiovisuelles européennes ;

(21) Appuie l'approche retenue par la Commission européenne visant à imposer aux fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande des quotas d'oeuvres européennes dans leur catalogue et à les mettre en avant ;

(22) Relève cependant que le niveau retenu de 20 %, bien inférieur à celui prévu pour les radiodiffuseurs, ne permettra pas une concurrence équitable entre les services linéaires et non linéaires et qu'il convient de hausser cette ambition à hauteur de 40 % ;

(23) Concernant l'application de la règle du pays d'origine et la compétence des États membres :

(24) Appuie l'introduction d'une dérogation au principe du pays d'origine afin de favoriser les contributions financières à la production d'oeuvres européennes des services de médias audiovisuels à la demande non présents sur le territoire d'un État membre mais qui ciblent celui-ci ;

(25) Souligne la nécessité d'adopter un mécanisme permettant d'éviter une double taxation des opérateurs ;

(26) Relève que cette dérogation seule ne peut suffire, d'une part, à rétablir une concurrence équitable sur le marché de chaque État membre, et, d'autre part, à assurer une protection efficace des consommateurs ;

(27) Demande en conséquence que la dérogation envisagée s'applique également à la promotion des oeuvres européennes telle que prévue à l'article 13 de la directive « Services de médias audiovisuels » ainsi qu'à la protection des mineurs prévue en son article 12 ;

(28) Souhaite en outre que les États membres, quand ils sont ciblés par une plateforme de partage de vidéos non présente sur leur territoire, puissent être associés à sa régulation dans l'État membre où elle est établie ;

(29) Constate par ailleurs que la détermination de l'État membre compétent en matière de contrôle des fournisseurs de services de médias audiovisuels extra européens diffusés par satellite dans l'Union européenne repose actuellement sur un critère technique premier - la liaison montante vers un satellite - qui ne permet pas d'agir efficacement en cas de manquements ;

(30) Estime que le critère second visant la capacité satellitaire d'un État membre permet de déterminer plus rapidement l'État compétent et ainsi un contrôle plus effectif par les autorités de régulation nationales ;

(31) Demande en conséquence que le critère de la capacité satellitaire devienne le critère premier ;

(32) Concernant les règles relatives aux communications commerciales :

(33) Constate qu'aujourd'hui, les radiodiffuseurs voient leurs ressources publicitaires diminuer et qu'il convient de leur donner plus de souplesse pour augmenter ces ressources publicitaires ;

(34) Rappelle qu'il est nécessaire d'assurer des conditions de concurrence équitable entre tous les acteurs du secteur de l'audiovisuel sans affaiblir la protection des consommateurs ;

(35) En ce sens, soutient la proposition visant à remplacer la limite quantitative horaire de 20 % applicable à la publicité au profit d'une limitation quotidienne, soit entre 7h et 23h, de 20 % ;

(36) Estime toutefois que cette règle ne devrait pas s'appliquer entre 7h et 10h afin d'assurer une meilleure protection des enfants ;

(37) Demande par conséquent que soit maintenue une limite quantitative horaire de 20 % entre 7h et 10h ;

(38) S'oppose, en revanche, à un raccourcissement de la durée des tranches programmées sans publicité à la télévision, telles que prévues à l'article 20, paragraphe 2 ;

(39) Rejette l'autorisation du placement de produits dans l'ensemble des services de médias audiovisuels telle que proposée par la Commission européenne et demande le maintien du régime actuel ;

(40) Concernant l'accessibilité aux services de médias audiovisuels des personnes handicapées :

(41) Estime indispensable de voir maintenues dans la directive « Services de médias audiovisuels » les règles relatives à l'accessibilité aux services de médias audiovisuels des personnes souffrant de déficience visuelle ou auditive et s'oppose à la suppression de l'article 7 de la directive « Services de médias audiovisuels » ;

(42) Relève toutefois que les obligations concernant les services de médias audiovisuels à la demande doivent aller de pair avec les évolutions technologiques afin d'assurer un service de qualité irréprochable et d'éviter un coût trop important aux fournisseurs de vidéos à la demande ;

(43) Concernant l'indépendance des régulateurs nationaux de services de médias audiovisuels :

(44) Souligne l'importance pour chaque État membre de disposer d'autorités de régulation des médias audiovisuels dont l'indépendance est garantie et rappelle que ces autorités doivent en particulier veiller à l'objectivité de l'information ;

(45) Juge nécessaire que les critères énoncés dans la directive laissent une marge d'appréciation suffisante aux États membres ;

(46) Concernant l'institution d'un Groupe des régulateurs européens de services de médias audiovisuels :

(47) Salue l'institution du Groupe des régulateurs européens de services de médias audiovisuels par la proposition de directive ;

(48) Rappelle qu'à l'instar du régime applicable aux autorités nationales de régulation, ce groupe doit lui aussi voir son indépendance garantie et que, par conséquent, il doit adopter seul son règlement intérieur ;

(49) Souligne que l'institutionnalisation du Groupe des régulateurs européens de services de médias audiovisuels n'est pas sans incidence sur la répartition des attributions entre ce dernier et le comité de contact prévu à l'article 29 de la directive et demande que soit clarifié le rôle de chacun en conséquence ;

(50) Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.