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Mardi 15 décembre 2009

- Présidence de M. Hubert Haenel -

Questions sociales et santé

Programme pour l'emploi et la solidarité (E 4568)
et instrument de microfinancement en faveur de l'emploi
et de l'inclusion (E 4572)
Communication de M. Charles Gautier

M. Charles Gautier. - Le Sénat a été saisi au titre de l'article 88-4 de la Constitution de deux textes visant à créer un instrument financier communautaire destiné à permettre le développement du microcrédit à l'échelle de l'Union. A l'instar de la révision des critères d'intervention du Fonds d'ajustement à la mondialisation, ce nouvel outil s'inscrit dans le cadre de la réponse européenne à la crise économique et financière. Cette innovation apparaît d'autant plus importante que l'on dépasse ici le caractère macro-économique traditionnellement attaché à l'intervention européenne. Le microcrédit vise des objectifs autant économiques que sociaux et peut ainsi constituer une mesure concrète de réponse à la crise.

Dans un premier temps, permettez-moi de vous dresser un bref état des lieux du microcrédit en Europe.

Si la Commission propose une définition standard du microcrédit (prêt d'un montant inférieur à 25 000 euros) et de la micro-entreprise (entreprise de moins de dix personnes dont le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros), le microcrédit correspond à des réalités différentes de part et d'autre de l'Union européenne. Les anciens États membres privilégient ainsi une approche sociale, les demandeurs étant le plus souvent des bénéficiaires de minima sociaux, des minorités ou des personnes exclues. En Europe centrale et orientale, les bénéficiaires de micro-financements sont ce que l'on appelle en France des très petites entreprises (TPE), comptant moins de dix salariés. La caractéristique commune à l'ensemble des demandeurs demeure l'absence de possibilité de produire des garanties adéquates auprès des banques. La crise économique et financière a accru la demande de ce type de financement. On observe ainsi que la valeur moyenne des microcrédits accordés était de 7-8000 euros fin 2007, alors qu'elle s'élève désormais à 8-10 000 euros aujourd'hui.

Initialement créé en faveur des pays en voie de développement, je vous rappelle que le microcrédit a été théorisé par Mohammed Yunus, fondateur de la Grameen Bank et Prix Nobel de la paix. Il s'est considérablement développé en Europe à partir de 1992, et, plus particulièrement, en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie et en Bulgarie. Différentes formes d'institutions financières les octroient, qu'il s'agisse des réseaux de coopératives d'épargne-crédit (« credit-unions » en anglais) qui représentaient près de 78 % des prêts en 2006, des banques spécialisées (16 %), des institutions non bancaires (5 %) ou des guichets spécialisés des banques commerciales (1 %). Le secteur est, dans ces pays, en plein essor : il a connu une croissance de 67 % par an au début des années 2000.

Si des programmes semblables ont été lancés en France et en Grande-Bretagne dès la fin des années quatre-vingts, ils n'ont pas bénéficié à l'époque du soutien des institutions internationales tel qu'il a pu être apporté au sein des pays d'Europe centrale et orientale. Chaque pays a développé son propre modèle : partenariat entre des associations et des banques en France, intervention directe ou indirecte des Caisses d'épargne espagnoles ou création d'une institution financière publique dédiée en Finlande.

En tant qu'incitation à l'auto-entreprenariat, le microcrédit s'avère être un élément vital pour la croissance économique et la réduction du chômage. Il participe, de fait, des objectifs de la stratégie de Lisbonne. Il convient à cet égard de rappeler que les très petites entreprises constituent la majorité des entreprises en Europe : on en compte aujourd'hui 21 millions. Ce chiffre devrait d'ailleurs encore augmenter dans les années à venir, si l'on en juge par les tendances économiques actuelles. La désindustrialisation et l'apparition de nouveaux types de services utilisant notamment les nouvelles technologies vont en effet dans le sens du développement des très petites entreprises. Tout comme la nécessité de régulariser certaines activités informelles. A l'échelle européenne, on estime aujourd'hui à 7 millions le nombre de ces activités qui pourraient être réintégrées au sein des économies des États membres.

Le développement du secteur des très petites entreprises (TPE) peut, en outre, permettre aux États membres de créer de nouveaux emplois, à l'heure où 9,2 % de la population active de l'Union se trouve au chômage et 78 millions d'européens se situent en dessous du seuil de pauvreté.

Sans tomber dans le poncif, il convient de rappeler que le microcrédit ne peut toutefois se développer que si sa rentabilité est assurée, ce qui suppose une bonne maîtrise du risque, mais pas seulement. L'augmentation du volume, la diversification des prêts ou l'adoption de taux d'intérêts adaptés permettent une meilleure rentabilité. Celle-ci est encore accrue par une réduction des coûts dits opérationnels.

J'en viens maintenant à l'action de l'Union européenne en matière de microcrédit.

L'intérêt de l'Union européenne pour le microcrédit s'est traduit, il y a deux ans, par la publication d'une communication de la Commission sur ce thème. La Commission y rappelait le rôle essentiel que pouvait jouer ce type de financement afin de permettre à des chômeurs de créer leur propre entreprise. Elle proposait alors quatre pistes de travail en vue de développer le marché du microcrédit :

? l'amélioration de l'environnement juridique et institutionnel dans les États membres ;

? la création d'un climat favorable à l'esprit d'entreprise ;

? l'encouragement des bonnes pratiques, notamment par le biais de la diffusion de bonnes pratiques ;

? l'apport de capital financier supplémentaire pour les organismes de microcrédit.

Ce dernier point est sans aucun doute l'un des plus sensibles. Il s'est traduit, début 2009, soit plus d'un an après la publication de la communication, par le lancement du programme JASMINE, acronyme anglais désignant l'action commune pour soutenir les instituts de micro-finance (IMF) en Europe. Cette initiative de la Commission répond à un double objectif : apporter une aide technique aux instituts de micro-finance et soutenir financièrement les plus prometteuses. Elle s'adresse directement aux organismes de microcrédit, sans passer par le biais des régions ou des États. La Banque européenne d'investissement a mis à disposition de ce programme une facilité de cofinancement de 20 millions d'euros, gérée par le Fonds européen d'investissement. L'aide financière octroyée aux IMF ne peut dépasser 50 % du besoin de financement. Elle est complétée par l'intervention de fonds de partenaires privés. JASMINE est encore en phase pilote. D'ici trois ans, ses ressources devraient s'élever à 40 millions d'euros, auxquels viendra s'ajouter une enveloppe de 8 millions d'euros accordée par le Parlement européen.

JASMINE prend sa place au coeur du dispositif JEREMIE, lui aussi géré par le Fonds européen d'investissement et lancé en 2005 pour permettre aux petites et moyennes entreprises d'accéder aux outils d'ingénierie financière, qu'il s'agisse de prêts, de capital-risque ou de garanties. JEREMIE permet de mettre à la disposition des entreprises qui investissent et innovent des moyens financiers supplémentaires destinés à renforcer leurs fonds propres à chaque stade de leur vie : démarrage, développement, transmission.

On relèvera également que le Fonds social européen intervient lui aussi dans le domaine du microcrédit. Par ailleurs, le Programme cadre pour l'innovation et la compétitivité (CIP) peut servir de fondement pour une intervention financière à destination des microentreprises, au travers de son volet innovation et esprit d'entreprise.

C'est dans ce cadre assez hétéroclite que la Commission a décidé de créer un nouvel instrument financier en faveur du microcrédit.

La crise économique et financière a permis de conférer un second souffle à l'ambition de l'Union en faveur du microcrédit. Conçu jusque là comme une option à retenir facilitant la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne, le microcrédit est désormais envisagé comme une solution en vue de répondre au défi de l'emploi qui se pose à l'échelle continentale. La communication de la Commission du 3 juin dernier, « un engagement commun en faveur de l'emploi », définit à cet égard trois objectifs principaux :

? préserver les emplois existants, en créer de nouveaux et stimuler la mobilité ;

? développer les compétences et répondre aux marché du travail ;

? améliorer l'accès à l'emploi.

La Commission préconise parallèlement la création de deux possibilités de financement destinées à compléter les mesures de relance des États membres. La mise en place d'un instrument de microfinancement en faveur de l'emploi en fait partie. La Commission estime en effet que le microcrédit pourrait offrir une réelle chance aux personnes sans emploi et favoriser l'accès à l'entreprenariat.

L'instrument de microfinancement serait intégré au sein du programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale (Progress 2007-2013). Celui-ci est destiné à apporter un concours financier à la réalisation des objectifs de l'Union européenne dans les domaines de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances. Le budget actuel de Progress s'élève à 743 millions d'euros pour la période 2007-2013. La Commission préconise de réaffecter 100 millions de ce programme à l'instrument de microfinancement.

L'instrument s'adresse directement aux organismes publics et privés de microcrédit établis dans les États membres. La Commission indique qu'il pourrait être mis en oeuvre dans le cadre d'une coopération avec d'autres institutions financières internationales, au premier rang desquelles la Banque européenne d'investissement. La Commission souligne qu'une telle coopération internationale serait susceptible de dégager jusqu'à 500 millions d'euros.

Les actions qui pourraient être menées au titre de ce nouvel instrument sont à rapprocher de celles entreprises par la Banque européenne d'investissement. Le projet présenté par la Commission insiste ainsi sur les mécanismes de partage des risques. Cette technique permet, comme son nom l'indique, de répartir les risques entre les différents bailleurs. Elle est régulièrement utilisée par la Banque européenne d'investissement. L'intervention de Progress pourrait également prendre la forme de financements sur fonds propres ou par endettement. La Commission envisage parallèlement l'intervention de Progress dans le cadre de mesures d'accompagnement : communication, suivi, contrôle, audit et évaluation.

Permettez-moi de formuler quelques observations au sujet de ce nouvel instrument.

L'intérêt de l'initiative de la Commission est double. D'une part, elle reconnaît toute l'importance du microcrédit pour répondre à une crise comme celle que nous connaissons aujourd'hui. D'autre part, elle vise à étendre l'utilisation du microcrédit à l'ensemble des pays européens, rejetant l'idée que cet instrument ne soit adapté qu'aux seuls pays en voie de développement.

Je m'interroge cependant sur le risque d'empilement avec les dispositions déjà existantes. Comme je l'ai indiqué précédemment, divers programmes s'occupent d'ores et déjà du microcrédit, JASMINE, JEREMIE, CIP, FSE. Il eut été utile, à l'heure où la Commission affecte 100 millions d'euros à ce nouvel instrument, de procéder parallèlement à un regroupement des différents guichets existants afin de renforcer la visibilité et la lisibilité de l'action communautaire en la matière. Un guichet unique contribuerait à renforcer l'efficacité du dispositif, tant les institutions de microfinancement peuvent apparaître à l'heure actuelle perdues devant cette multiplicité de possibilités d'aide. Le voeu pieux exprimé par la Commission dans son projet de garantir une complémentarité avec les instruments existants n'apparaît pas, à cet égard, susceptible de dissiper tout risque de flou et, par conséquent, de non utilisation des crédits accordés. Par ailleurs, il convient de s'interroger sur les modalités de répartition de ces 100 millions d'euros dans l'ensemble de l'Union européenne. Aucun critère d'éligibilité des projets n'est en effet mis en avant au sein du projet de la Commission. Il conviendrait que l'aide apportée par l'outil soit accordée équitablement et concerne également les pays où le microcrédit n'en est qu'à ses balbutiements.

Ce projet constitue une invitation à aller plus loin

S'il répond à une réelle ambition en faveur du microcrédit qu'il convient de saluer, l'instrument Progress ne lève pas, malheureusement, tous les obstacles pesant encore sur l'action des institutions micro-financières. Comme la Commission l'a elle-même souligné dans sa communication de novembre 2007, l'environnement juridique et institutionnel dans lequel s'inscrivent ces institutions ne permet pas de prendre en compte leur spécificité. Les normes en matière de plafonnement des taux d'intérêt devraient ainsi, aux yeux de la Commission, être révisées en vue de permettre aux établissements prêteurs de couvrir leurs coûts. Or, de telles dispositions relèvent de la responsabilité des États membres.

Il serait parallèlement utile que la Commission révise en un sens favorable au microcrédit sa législation sur les fonds propres réglementaires adoptée en 2006, je veux parler de la directive 2006/48/CE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice et de la directive 2006/49/CE sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit. Celles-ci reprennent les règles édictées par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Les principes complexes de Bâle II fragilisent l'octroi de crédits aux micro-entreprises, dont la spécificité n'est pas assez soulignée dans les modèles d'évaluation des risques.

M. Jacques Blanc. - Où doit s'adresser une entreprise souhaitant se voir accorder un microcrédit ?

M. Charles Gautier. - L'intervention de l'Union européenne devrait permettre d'abonder un peu plus les instituts de microfinance. Ceux-ci opèrent au niveau national. En France, le plus connu d'entre eux est l'Association pour le développement de l'initiative économique (ADIE). Les taux d'intérêt qu'elle applique aux prêts qu'elle octroie peuvent apparaitre élevés : 9,7 % auxquels viennent s'ajouter 5 % de frais de dossier. De tels taux s'expliquent par les risques encourus par les organismes prêteurs face à l'absence de garantie fournie par les emprunteurs. Ces taux restent néanmoins assez bas au regard de ce qui se pratique au sein des pays émergents où il n'est pas rare qu'ils atteignent 60 à 70 %.

M. Pierre Fauchon. - Avec Charles Gautier, nous avons eu l'occasion de rencontrer, au cours d'un déplacement en Inde, un institut de microfinance octroyant des prêts aux femmes montant leur entreprise, alors qu'elles ne disposent d'aucune garantie. De tels instituts permettent de réelles avancées démocratiques, en favorisant l'intégration des minorités.

M. Hubert Haenel. - J'ajoute que le microcrédit constitue un levier intéressant en faveur du développement rural.

*

A l'issue de ces échanges, la commission a adopté à l'unanimité les conclusions suivantes :

Conclusions

La Commission des affaires européennes,

Vu la proposition de décision établissant un programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale - Progress (texte E 4568) et la proposition de décision instituant un instrument européen de microfinancement en faveur de l'emploi et de l'inclusion - instrument Progress (texte E 4572),

Appuie la création d'un instrument financier en faveur du microcrédit,

Souhaite néanmoins qu'une cohérence soit assurée avec les autres outils déjà existants dans ce domaine et appelle donc de ses voeux la création d'un guichet unique en faveur du microcrédit,

Espère que cet outil pourra être utilisé équitablement sur l'ensemble du territoire européen,

Estime que l'octroi de nouveaux moyens financiers ne peut faire l'économie d'une réflexion sur les conditions d'octroi des prêts aux micro-entreprises et appelle à une révision de la législation communautaire sur l'exigence de fonds propres. 

Politique de coopération

Activités de l'Assemblée parlementaire euroméditerranéenne (APEM)
Communication de M. Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. - Le 31 mars dernier, je vous avais présenté une communication relatant les travaux de la 5e session plénière de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM), qui s'est réunie à Bruxelles, les 16 et 17 mars, dans un contexte marqué par le gel des activités de l'Union pour la Méditerranée (UPM), consécutif aux opérations militaires israéliennes à Gaza. La tenue de cette session plénière était déjà notable en soi, compte tenu de la tension suscitée par la situation au Proche-Orient. Elle démontre tout l'intérêt de la diplomatie parlementaire, qui permet aussi de « garder le contact », y compris en période de crise, alors que de nombreuses réunions au niveau exécutif avaient été purement et simplement annulées.

Je souhaiterais aujourd'hui vous exposer les travaux de l'APEM depuis lors. Je ne présenterai que les activités des trois instances de l'APEM dans lesquelles je siège, deux de nos collègues députés appartenant à la commission des affaires économiques, financières, des affaires sociales et de l'éducation et à la commission de la promotion de la qualité de la vie, des échanges humains et de la culture.

1. La réunion de la commission ad hoc sur l'énergie, l'environnement et l'eau (Linz - 12 et 13 octobre 2009)

La commission ad hoc sur l'énergie, l'environnement et l'eau, instituée lors de la 4e session plénière à Athènes, en 2008, s'est réunie les 12 et 13 octobre derniers, à Linz, à l'initiative de son président autrichien, M. Stefan Schennach.

Le 12 octobre, le président de la commission ad hoc puis la présidente de l'assemblée du Land de Haute-Autriche ont fait une intervention liminaire, dans laquelle ils ont exposé, respectivement, les derniers développements intervenus dans le champ de compétences de la commission, en l'espèce la préparation de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique, la tenue d'une réunion ministérielle à Paris, le 25 juin dernier, sur les projets de développement durable, dans le cadre de l'UPM, et une réunion en Algérie sur le projet DESERTEC de centrale solaire, puis les caractéristiques du Land de Haute-Autriche, le développement de politiques respectueuses de l'environnement en particulier, qui a permis d'assurer la reconversion de cette vieille région industrielle.

L'ordre du jour de la réunion comportait quatre points :

1°) la préparation de la Conférence de Copenhague, en particulier du point de vue de la région méditerranéenne. Ce sujet a été l'occasion d'entendre une intervention du ministre jordanien de l'environnement, qui a évoqué une réunion des ministres de l'environnement des pays arabes, au cours de laquelle a notamment été débattu le projet de Plan solaire méditerranéen, et qui a présenté la situation spécifique de la Jordanie, pays très impliqué dans la promotion des énergies renouvelables, mais qui souffre d'une sévère pénurie hydrique. Le ministre régional de Haute-Autriche en charge de l'environnement est également intervenu et a insisté sur l'obligation pour les parties à la Conférence de Copenhague de parvenir à un accord sur l'objectif d'une limitation du réchauffement planétaire à 2° C, sur une répartition équitable des investissements et des efforts et sur un mécanisme de sanctions. Puis il a détaillé les mesures prises pour atteindre l'objectif du Land d'assurer la totalité de sa production de chaleur et d'électricité au moyen d'énergies renouvelables d'ici à 2030 ;

2°) la mise en oeuvre du Plan solaire méditerranéen, qui constitue l'une des six « initiatives clés » retenues par la Déclaration de Paris du 13 juillet 2008. Ce sujet fait l'objet d'un rapport élaboré conjointement par un parlementaire italien et un parlementaire jordanien. Il a également donné l'occasion d'une présentation du projet par un expert du ministère français de l'écologie ;

3°) la situation dans la vallée du Jourdain. Ce point a été demandé par le Bureau élargi de l'APEM, lors de sa réunion à Amman, en juillet dernier, en raison de la gravité de la situation sur le terrain. Il fait l'objet d'un rapport conjoint du Président Schennach et d'un parlementaire tunisien, absent à la réunion de Linz ;

4°) la gestion de l'eau dans la région méditerranéenne. Je suis co-rapporteur sur ce sujet, avec un sénateur algérien, M. Abdellah Bentoumi. Après avoir rappelé que le fort stress hydrique qui affecte le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord était aggravé par la croissance démographique, l'urbanisation et le recours massif à l'irrigation dans l'agriculture, j'ai examiné les défis existant tant du côté de l'offre que de celui de la demande, puis j'ai formulé un certain nombre de propositions, notamment : la nécessité d'intervenir davantage sur la demande, l'implication des usagers, l'introduction d'un système tarifaire réaliste rendant viable le développement des infrastructures, la coopération, en particulier au niveau régional, par exemple dans le cadre de l'UPM, la recherche de solutions technologiques adéquates. L'intervention de mon collègue algérien était tout à fait complémentaire de la mienne.

Ces différents rapports doivent être revus pour être examinés lors de la réunion de la commission ad hoc au cours de la prochaine session plénière de l'APEM.

Le lendemain, plusieurs membres de la commission ad hoc ont visité le pôle de compétence éco-énergie de Haute-Autriche, notamment une station d'épuration des eaux usées, une entreprise de convertisseurs d'énergie et une usine de capteurs solaires thermiques.

2. La réunion de la commission politique, de sécurité et des droits de l'Homme (Bruxelles - 3 novembre 2009)

La commission politique, de sécurité et des droits de l'Homme de l'APEM, dont je suis vice-président, s'est réunie à Bruxelles, le 3 novembre dernier, en l'absence de nombreuses délégations des États membres et des délégations libanaise et israélienne, le représentant de la Knesset, qui doit remplacer le vice-président sortant, n'ayant pas encore été désigné. La Syrie reprenait sa participation aux travaux de la commission, pour la première fois depuis l'opération militaire israélienne à Gaza. Par ailleurs, pour la deuxième fois consécutive, le vice-président palestinien n'avait pas obtenu des autorités israéliennes l'autorisation de se rendre à Bruxelles, ce qui a suscité de vives critiques de la part des délégations arabes.

La commission a d'abord procédé à un échange de vues sur le processus de paix au Proche-Orient, en présence d'un représentant de la Présidence suédoise, de l'ambassadeur d'Israël auprès de l'Union européenne et de la Déléguée générale de Palestine auprès de l'Union. Une représentante de la mission des États-Unis auprès de l'Union européenne s'est également exprimée.

De ces interventions, et du débat qui a suivi et qui était globalement plutôt critique envers Israël, rien de nouveau n'est sorti, chacun reprenant son discours habituel ou campant sur ses positions. En revanche, presque tous les membres de la commission sont convenus que le processus de paix israélo-palestinien était dans l'impasse. Le constat est même particulièrement pessimiste, puisque l'intensification des efforts en vue de parvenir à un accord, la nouvelle position de l'Administration américaine en particulier, va de pair avec l'accentuation des divergences non seulement entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi entre Palestiniens eux-mêmes, en dépit de l'aide apportée par les Européens pour relancer les négociations, favoriser la réconciliation inter-palestinienne et renforcer le rôle médiateur de l'Égypte. La représentante de l'Administration américaine a reconnu que les États-Unis ne pouvaient agir seuls et a souligné le rôle « constructif » que peut jouer la Syrie.

Le point suivant de l'ordre du jour, consacré à un échange de vues sur la situation au Liban, a été traité rapidement. En l'absence de la délégation libanaise, l'échange de vues n'a pas eu lieu et a été remplacé par une intervention d'un expert sur les négociations en cours destinées à former un gouvernement dans ce pays.

La commission a ensuite procédé à un échange de vues sur l'Union pour la Méditerranée, en présence d'un représentant de la Présidence suédoise. Celui-ci a insisté sur l'implication de son pays dans la conduite des projets définis et dans l'élaboration des statuts du secrétariat, alors même que l'UPM évolue dans un contexte difficile.

Le débat sur l'UPM a été largement « phagocyté » par le conflit israélo-palestinien, de nombreux intervenants arabes insistant sur la nécessité pour l'UPM de ne pas se consacrer aux seuls aspects économiques et de prendre clairement position en condamnant la politique israélienne. Le représentant de la Présidence suédoise a indiqué que l'UPM n'avait pas pour mission de résoudre le conflit israélo-palestinien, mais de créer un contexte favorable soutenant les efforts de paix grâce à des mécanismes de coopération, en l'espèce des projets concrets à mettre en oeuvre.

À la demande de la présidente de la commission, Mme Tokia Saïfi, j'ai exposé un projet de déclaration de principe reprenant les termes du débat, de manière à déplorer le blocage des négociations de paix et à inviter à leur reprise. En dépit de mes efforts de conciliation, le texte que j'ai proposé a été rejeté par les délégations palestinienne, syrienne et jordanienne, en raison de l'absence d'un appel à des sanctions contre Israël. La présidente a alors décidé d'abandonner l'objectif de l'adoption d'une déclaration de la commission et indiqué qu'elle rendrait compte des débats au Bureau de l'APEM, lors de sa réunion du 20 novembre, au Caire.

Enfin, la commission a débattu des projets de rapports suivants :

- Le processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée - Quelle valeur ajoutée pour le développement de la région méditerranéenne ?, sur la base des contributions de pas moins de cinq rapporteurs, pour l'Allemagne, l'Italie, l'Algérie et deux rapporteurs pour le Parlement européen ;

- Liberté d'expression et respect des croyances religieuses, sur la présentation de trois rapporteurs, pour l'Espagne, la Turquie et le Parlement européen.

3. La réunion du groupe de travail sur le financement et la révision du règlement de l'Assemblée (Bruxelles - 10 décembre 2009)

Le groupe de travail sur le financement et la révision du règlement de l'Assemblée s'est réuni à Bruxelles, le 10 décembre dernier.

Le nouveau président du groupe de travail, le député européen italien Gianni Pittella, a insisté sur l'obligation de résultat pesant sur le groupe, rappelant que l'APEM n'avait jamais pu parvenir à un accord en plénière sur le format du secrétariat de l'Assemblée ni sur les modalités de son financement, bien que le principe du financement de l'APEM par un budget autonome ait été posé plusieurs années auparavant.

L'absence de secrétariat a des conséquences évidentes sur les dysfonctionnements de l'APEM et sur son défaut de visibilité, d'autant plus que l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) en est dotée depuis plusieurs années.

Le groupe de travail s'est mis d'accord sur la création d'un secrétariat de taille réduite (1(*)) basé à Bruxelles, composé de quatre fonctionnaires issus de chacun des parlements représentés au Bureau. Le fonctionnaire issu du parlement assurant la présidence de l'Assemblée coordonnerait les activités du secrétariat et porterait le titre de Secrétaire général. Ainsi, à titre d'illustration, le secrétariat serait composé, dans la configuration actuelle, d'un fonctionnaire parlementaire jordanien, qui serait le Secrétaire général, d'un fonctionnaire parlementaire marocain, d'un fonctionnaire parlementaire italien et d'un fonctionnaire issu du Parlement européen. Les rémunérations et les frais de fonctionnement du secrétariat seraient à la charge des parlements d'origine respectifs. Le parlement qui accueille une session de l'Assemblée ou la réunion d'une de ses commissions offrirait son assistance à l'organisation de cette session ou réunion. Ainsi le fonctionnement du secrétariat serait-il sans conséquences financières sur le budget de l'APEM.

Les membres du groupe de travail se sont mis d'accord sur ces différents points, tout en prenant soin de préciser que ce schéma demeurait provisoire.

Sur le financement, je rappelle que l'APEM n'a jusqu'à présent jamais pu se doter d'un budget. Actuellement, le parlement qui organise la session plénière et les réunions de commissions en supporte le coût financier. Or, tous les parlements n'ont pas nécessairement les moyens d'assumer ces dépenses exceptionnelles. Disposer d'un budget permettrait à l'ensemble des parlements de l'APEM de bénéficier des moyens nécessaires à l'exercice de la présidence de l'Assemblée ou de ses commissions.

Rappelant que certaines délégations avaient, par le passé, refusé de payer des contributions qu'elles estimaient trop élevées, le nouveau président du groupe de travail a insisté sur sa volonté de présenter des propositions budgétaires a minima.

Le débat a porté :

- d'une part, sur le choix entre deux scenarii : dans le premier, le budget de l'APEM couvre les frais liés aux différentes réunions, en particulier la location des salles et les dépenses de restauration, tandis que, dans le second scénario, ces dépenses sont prises en charge par le parlement qui accueille ces réunions, cette option étant plus conforme à la pratique suivie jusqu'à présent ;

- d'autre part, sur le nombre plus ou moins important de langues dans lesquelles assurer l'interprétation des débats, les frais d'interprétation constituant la part la plus importante des dépenses.

Le groupe de travail a tranché en faveur du second scénario, moins coûteux, et, après une discussion assez longue sur le nombre de langues à retenir, a décidé que la traduction simultanée des réunions de commissions et des groupes de travail serait assurée en anglais, en français et en arabe, et que celle des assemblées plénières le serait en huit langues, étant précisé qu'il serait toujours loisible à certains parlements qui le souhaiteraient de financer l'interprétation dans des langues supplémentaires.

Au total, selon les paramètres retenus par le groupe de travail, le budget de l'APEM devrait s'établir à environ 600 000 euros par an, soit deux fois moins que dans les estimations précédentes. Sur cette base, la contribution de chacun des parlements nationaux sera simplement calculée selon des modalités de répartition qui ont déjà été arrêtées.

Les différentes dispositions adoptées, sur le secrétariat et le budget, seront transmises au Bureau de l'Assemblée, qui doit tenir sa prochaine réunion le 22 janvier, à Rabat. Si le Bureau les entérine, elles seront alors transmises à chaque parlement national afin de pouvoir donner lieu, le cas échéant, à un débat interne. Il convient désormais d'attendre les réactions des quelques délégations traditionnellement les plus réticentes qui, jusqu'à présent, ont empêché la mise en place d'un secrétariat et l'adoption d'un budget pour l'APEM, mais cette réunion fructueuse permet d'envisager avec optimisme le débat, sur ces points, de la prochaine session plénière, qui doit se tenir les 13 et 14 mars 2010 à Amman.

M. Jacques Blanc. - Selon moi, il ne faut pas opposer l'Assemblée parlementaire euroméditerranéenne (APEM) et l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM). Ces assemblées correspondent à deux réalités distinctes : l'APEM rassemble des parlementaires des 43 États parties à l'Union pour la Méditerranée, dont ceux de l'ensemble des États membres de l'Union européenne et des membres du Parlement européen, tandis que l'APM, dans laquelle je siège, réunit des parlementaires des seuls pays méditerranéens. L'APM s'est réunie en session plénière en dépit de l'intervention militaire israélienne à Gaza et j'ai, à cette occasion, présenté un rapport qui a donné lieu à un large débat entre les délégations. Il me semble que les échanges sont plus nourris au sein d'un cercle restreint. Il n'est donc pas possible de parler d'une duplication des assemblées méditerranéennes.

La présentation des activités de l'APEM par notre collègue Robert del Picchia démontre tout l'intérêt d'un tel forum, qui réunit à la fois des représentants des parlements des pays partenaires, des parlements nationaux et du Parlement européen. Il est possible de dresser ici un parallèle entre la dimension parlementaire de l'Union pour la Méditerranée et celle du Partenariat oriental. En effet, notre collègue Bernadette Bourzai et moi-même nous sommes rendus, le 21 octobre dernier, à une réunion organisée à Stockholm par la présidence suédoise de l'Union européenne, sur le thème de la dimension parlementaire du Partenariat oriental. Cette réunion rassemblait à la fois des représentants des six pays partenaires du Partenariat oriental, Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, des représentants des parlements nationaux des 27 États membres de l'Union européenne, et des représentants du Parlement européen.

Contrairement à l'Union pour la Méditerranée, le Partenariat oriental n'a pas encore créé sa structure parlementaire, et les modalités de sa mise en oeuvre ne font pas consensus. Trois positions principales s'affrontent :

- La position du Parlement européen, qui estime que l'assemblée parlementaire du Partenariat oriental, Euronest, ne devrait rassembler que des représentants du Parlement européen et des seuls pays partenaires, à l'exclusion des parlements nationaux. La délégation Euronest du Parlement européen a d'ores et déjà été constituée en septembre et rassemble 60 députés européens. Pour l'implication des Parlements nationaux, le Parlement européen propose que l'on élargisse aux pays partenaires la réunion des présidents des commissions des affaires étrangères des parlements de l'Union européenne, qui se réunit une fois par présidence. Cette solution nous semble insuffisante pour garantir la pleine implication des parlements nationaux sur les questions relatives au Partenariat oriental ;

- La position des parlements nationaux, qui estiment qu'Euronest doit s'ouvrir aux parlements nationaux, sur le modèle de l'APEM. On pourrait d'ailleurs s'inspirer de l'APEM en ce qui concerne le travail des commissions et les sessions plénières. Seule cette position respecterait un strict parallélisme entre l'UPM et le Partenariat oriental. C'est bien sûr la solution que nous soutenons ;

- La position anti-Euronest : plusieurs pays, sensibles à des considérations budgétaires, au nombre desquels on compte le Royaume-Uni et les Pays-Bas, se sont exprimés contre la création d'une nouvelle assemblée, soulignant l'existence de multiples assemblées dans le cadre desquelles pourrait être organisé le dialogue parlementaire du Partenariat oriental (Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Assemblée parlementaire de l'OSCE, Union Interparlementaire...). Nous estimons au contraire qu'une structure parlementaire spécifique au Partenariat oriental est nécessaire pour apporter une valeur ajoutée concrète, comme le démontrent les travaux de l'APEM que vient de nous présenter Robert del Picchia.

La réunion de Stockholm n'a pas tranché ce débat. Elle a abouti à la création d'un groupe de travail qui devrait élaborer des propositions pour début 2010. Ce groupe sera constitué d'un membre de chacun des six pays partenaires du Partenariat oriental, d'un membre du Parlement européen et de représentants de la Suède, de l'Espagne (au titre de la présidence de l'Union européenne), de la Pologne (en tant que pays initiateur du Partenariat oriental), d'un Etat balte (en tant que pays proche et pour son expérience de la transition), et des Pays-Bas. L'Italie, soutenue par la France, a tenté sans succès d'imposer la présence d'un deuxième pays méditerranéen dans cette délégation, sachant qu'aucun représentant de l'Espagne n'était présent à la réunion de Stockholm.

Il appartiendra donc à notre commission des Affaires européennes de rester vigilante sur les travaux et les conclusions de ce groupe de travail, afin qu'il respecte l'équilibre nécessaire entre le Parlement européen et les parlements nationaux, mais aussi entre les aspirations des pays du Nord de l'Europe et ceux du Sud de l'Europe, dont la France fait partie.

Je constate que les ressortissants des pays du Nord de l'Europe acceptent difficilement la mise en place d'une dimension parlementaire au niveau des pays du Sud de notre continent. Je rappelle qu'il avait été décidé, il y a plusieurs années, que les crédits de la politique européenne de voisinage devaient être alloués aux pays méditerranéens à hauteur des deux tiers et aux pays à l'Est de l'Europe à hauteur du tiers restant. Je crois cependant que la mobilisation des financements pour la politique européenne de voisinage donnera lieu, dans les années à venir, à d'âpres discussions qui ne laissent pas de susciter des craintes pour la prise en compte des pays méditerranéens. Enfin, je constate que, en ce qui concerne les standards démocratiques, on est beaucoup plus exigeant envers les pays du Sud qu'envers les pays de l'Est.

Mme Bernadette Bourzai. - La politique européenne de voisinage est assurément rendue plus complexe par la proximité de la puissance russe. Par exemple, l'Union européenne éprouve des difficultés à se positionner par rapport à l'Ukraine, en raison de l'instabilité de ce pays, due en grande partie à ses relations difficiles avec la Russie. Néanmoins, la question de l'équilibre à trouver entre l'Est et le Sud de l'Europe doit être surmontée. La situation des pays du Sud me paraît plus délicate en raison de la récurrence du conflit israélo-palestinien, alors que les problèmes affectant les pays orientaux semblent plus facilement surmontables. A ce titre, je rappelle que l'Arménie et l'Azerbaïdjan seraient sur le point de conclure un accord sur le Haut-Karabakh.

M. Jacques Blanc. - Je rappelle que ma collègue et moi-même avons évoqué, lors de cette réunion de Stockholm, la question des relations de l'Union européenne avec la Russie et la Turquie.

M. Robert del Picchia. - Je ne cherchais pas à opposer les deux assemblées méditerranéennes, mais simplement à préciser que la contribution française au fonctionnement de l'APEM serait moins élevée que celle allouée à l'APM. Je viens d'ailleurs de recevoir une lettre du Président de cette assemblée, notre collègue Rudy Salles, par laquelle il me propose d'être le « point de contact privilégié de communication et de collaboration entre nos deux assemblées ».

L'APEM doit trouver son positionnement afin que les relations euroméditerranéennes ne soient pas le monopole des pouvoirs exécutifs, d'autant plus que ceux-ci auront un rôle important à jouer dans la mise en oeuvre des projets concrets engagés dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée. Enfin, je rappelle que l'Union interparlementaire, qui a été créée par la France dès 1889, est la seule instance à rassembler des parlementaires issus du monde entier.

Subsidiarité

Subsidiarité et proportionnalité
Communication de M. Hubert Haenel

M. Hubert Haenel. - Cela fait quelques mois que nous n'avons pas procédé à des examens de subsidiarité dans le cadre de la « procédure Barroso ». Cela vient du fait que la Commission est en fin de mandat et que la plupart des nombreux textes qui nous sont adressés relèvent de la gestion courante.

Ces dernières semaines, nous avons eu toutefois quelques textes qui, à mon avis, pourraient appeler une observation.

1. Un mot d'abord sur le texte COM (2009) 624 concernant l'obtention de preuves en matière pénale.

Il s'agit d'un livre vert, nous sommes donc tout au début de la procédure. Mais en même temps, le sujet est important et sensible : il n'est pas inutile de prendre date.

Sur le principe, il n'y a pas de problème. L'espace judiciaire européen est fondé sur la reconnaissance mutuelle. Cela vaut aussi pour l'obtention des preuves en matière pénale. Mais il s'avère que l'entraide judiciaire ne fonctionne pas toujours de manière satisfaisante, notamment parce que la définition des preuves admissibles et les procédures d'obtention des preuves ne sont pas les mêmes d'un État à l'autre. Un minimum d'harmonisation est donc nécessaire.

Cependant, il faut considérer que la question est très sensible : elle va toucher aux droits fondamentaux et à la protection des données personnelles, puisqu'on va aborder des questions comme les écoutes téléphoniques ou la surveillance des comptes bancaires. Il faut donc strictement limiter l'harmonisation à ce qui est nécessaire à l'efficacité de l'entraide judiciaire. L'intérêt du principe de reconnaissance mutuelle est justement d'éviter d'avoir à procéder à une harmonisation complète, qui risquerait d'être un travail de Sisyphe.

Je vous propose donc d'inviter la Commission à être spécialement attentive au respect de la proportionnalité dans les étapes suivantes du processus législatif.

La commission a adopté l'observation suivante :

- Livre vert relatif à l'obtention de preuves en matière pénale d'un État membre à l'autre et à la garantie de leur recevabilité (COM (2009) 624 final)

*

La commission des affaires européennes du Sénat :

- considère que ce livre vert respecte le principe de subsidiarité et approuve son orientation générale consistant, d'une part, à créer un instrument unique relatif à l'obtention de preuves en matière pénale fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle et couvrant tous les types de preuves et, d'autre part, à adopter des normes communes pour la collecte de preuves en matière pénale ;

- souligne toutefois que la Commission européenne devra veiller tout particulièrement à la proportionnalité des mesures qu'elle proposera sur la base de ce livre vert, en tenant compte de la diversité des procédures pénales dans les États membres et de l'enjeu du respect des droits fondamentaux.

2. J'en viens au texte COM (2009) 584 qui est un rapport sur le bien-être animal. Là encore, il s'agit d'un document d'étape et non d'une proposition législative, mais des remarques ne sont pas inutiles à ce stade.

Je vois principalement deux problèmes.

Le premier concerne la mise en place d'un label pour le bien-être animal qui s'ajouterait aux labels existants du type « Agriculture biologique » ou « Label rouge ». Il me semble qu'à force de multiplier les labels, on risque d'aboutir à la confusion et à des étiquettes illisibles. J'ajouterai que la gestion d'un label n'est pas une petite affaire, il faut des règles et un dispositif de contrôle supplémentaires. Est-ce vraiment indispensable, sachant que nous avons déjà une législation très avancée en matière de bien-être animal ?

Deuxième problème : la création d'un « réseau européen de centres de référence » pour aider à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de bien-être animal. Il y a une législation européenne sur le bien-être animal depuis trente-cinq ans. On peut se demander ce qui rend nécessaire aujourd'hui de lancer ce « réseau », qui préfigurerait sans doute une agence européenne de plus.

Je vous propose donc d'adopter une observation reprenant ces deux remarques.

Mme Bernadette Bourzai. - Le lobby du bien-être animal est très puissant et peu ouvert à d'autres préoccupations. J'ai dû lutter, lorsque j'étais membre du Parlement européen, pour éviter que des exigences irréalistes soient posées pour le transport des animaux. Certains extrémistes aboutissent presque à une sacralisation de l'animal.

M. Jacques Blanc. - Je crois utile d'intervenir dès ce stade, sinon il y aura un jour ou l'autre de nouvelles règles, conçues par des personnes qui méconnaissent la vie rurale. Aujourd'hui, les mêmes règles s'appliquent pour transporter des fromages produits dans les Cévennes, qu'ils soient acheminés vers Alès ou vers Rotterdam !

M. Pierre Fauchon. - J'ai un point de vue différent. L'animal est un être sensible, auquel il ne faut pas imposer de souffrances inutiles. Je regrette qu'il n'y ait pas un statut de l'animal, souvent assimilé dans notre droit à un lieu meuble.

À l'issue de ce débat, la commission a adopté l'observation suivante :

- Rapport de la Commission sur les solutions possibles en matière de bien-être animal et l'établissement d'un réseau européen de centres de référence pour la protection et le bien-être des animaux (COM (2009) 584 final)

*

La Commission des affaires européennes du Sénat :

- prend acte que le document qui lui est soumis ne contient que des pistes de réflexion et ne débouche pas, à l'heure actuelle, sur l'adoption de nouvelles mesures législatives en matière du respect du bien-être animal et ne peut donc être considéré comme attentatoire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité;

- souligne néanmoins que l'argumentation de la Commission n'établit pas la nécessité d'adopter de nouvelles normes destinées à renforcer la sensibilisation et la transparence en ce qui concerne le bien-être animal ;

- considère, par ailleurs, que la création d'un nouveau label censé indiquer le respect par le producteur des normes de bien-être animal qui viendrait s'ajouter à divers labels existants, de type Agriculture biologique ou Label rouge, n'aurait pas nécessairement une grande lisibilité aux yeux du consommateur et pourrait même conduire à des confusions ;

- s'interroge sur la nécessité de créer, trente cinq ans après l'adoption du premier texte communautaire en matière de bien-être animal, un « réseau européen de centres de référence » (ENRC) destiné à apporter un soutien technique pour l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de bien-être animal.

3. J'en arrive au texte COM (2009) 490 qui concerne la mobilité urbaine.

Nous avions abordé ce sujet au stade du livre vert, et nous avions exprimé de fortes réserves, tout comme d'ailleurs le Bundesrat allemand.

Ces réserves n'ont pas stoppé l'élan de la Commission, qui propose maintenant un « plan d'action », dont deux aspects me paraissent particulièrement critiquables :

- la Commission s'érige curieusement en prestataire de services, en proposant de « fournir une assistance » dans le domaine de la mobilité urbaine. On voit mal pourquoi la Commission entrerait dans ce nouveau rôle, qu'elle ne joue, à ma connaissance, dans aucun autre domaine ;

- ensuite, la Commission propose la création d'un « observatoire européen de la mobilité urbaine », ce qui paraît bien lourd et peu approprié étant donné qu'on n'est pas devant un problème relevant par nature de l'échelon européen.

M. Pierre Fauchon. - Je regrette de voir la Commission européenne s'occuper de tels sujets, au lieu de se concentrer sur les grandes compétences de l'Union.

La commission a adopté l'observation suivante :

- Plan d'action pour la mobilité urbaine (COM (2009) 490 final)

*

La commission des affaires européennes du Sénat :

- considère que dès lors que l'action sur la mobilité urbaine et le transport urbain est avant tout une compétence nationale, régionale ou locale, la Commission doit concentrer son action sur l'impulsion des actions et le partage d'expérience, en évitant de se poser en prestataire de service ;

estime que la création d'« un observatoire de la mobilité urbaine » ne paraît pas s'imposer et est contraire au principe de proportionnalité.

4. Le texte COM (2009) 611 concerne quant à lui la prévention des accidents aériens.

Nous sommes naturellement tous pour la prévention des accidents aériens. Mais dans ce texte, la Commission propose en substance la création d'une agence supplémentaire pour traiter ce problème, alors qu'il existe déjà une agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). Bien sûr, l'AESA n'est pas chargée aujourd'hui de mener elle-même les enquêtes en cas d'accident, mais le texte prévoit, à juste titre, que désormais elle « participera » ou « sera associée » aux enquêtes. Donc, le bon sens serait d'élargir un peu plus les compétences de l'AESA au lieu de créer une agence européenne de plus, qui lui fera plus ou moins concurrence.

La Commission n'est d'ailleurs pas très à l'aise, puisque, pour éviter de créer formellement une agence, elle annonce qu'il s'agira pour l'instant d'un « organisme » sans personnalité juridique « financé par une subvention du budget communautaire ». Il est clair cependant que, une fois cet « organisme » créé, il deviendra par la force des choses une agence supplémentaire. Et nous allons nous retrouver avec deux agences dont les compétences vont se recouper.

La commission a adopté les observations suivantes :

- Proposition de Règlement sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile (COM (2009) 611 final)

*

La commission des affaires européennes du Sénat :

- observe que la Commission européenne envisage - même avec prudence - la création d'une agence européenne chargée des enquêtes sur les accidents dans l'aviation civile ;

- souligne qu'il existe déjà une agence européenne de la sécurité aérienne, dont les compétences pourraient être élargies, et s'interroge sur l'opportunité de créer une nouvelle agence chargée de suivre exactement le même secteur ;

- rappelle que la résolution du Sénat du 13 novembre 2009 demande que la question des recoupements entre agences soit abordée avant toute création de nouvelle agence ;

demande, en conséquence, à la Commission de renoncer à la création d'une telle agence qui lui paraît contrevenir au principe de proportionnalité.

5. J'en viens enfin au texte COM (2009) 577, qui pose un problème d'appréciation plus délicat. Il s'agit d'une proposition de directive dont le but est d'appliquer un accord-cadre relatif à la « prévention des blessures par objet tranchant dans le secteur hospitalier ».

Du point de vue de la subsidiarité et de la proportionnalité, les choses me paraissent claires. Il n'y a pas d'argument sérieux pour justifier qu'une question aussi ponctuelle fasse l'objet d'une législation communautaire spécifique. Il existe déjà une législation européenne sur la sécurité à l'hôpital ; elle pose de grands principes que les États membres et surtout les établissements de soins mettent en oeuvre de manière plus précise. Il n'y a pas de vide législatif à combler.

Du point de vue de l'opportunité politique, la question est plus difficile. Il s'agit de rendre applicable un accord-cadre entre partenaires sociaux. Certes, on a l'impression qu'en l'occurrence, on a fait un accord-cadre pour faire un accord-cadre, puisqu'il n'y avait pas de lacune manifeste dans le droit en vigueur. Mais est-ce qu'il ne faut pas tout faire, malgré tout, pour encourager ce type de négociation ?

Inversement, on peut dire aussi que ce n'est pas rendre service à la procédure de négociation européenne que de la laisser dériver vers des sujets aussi ponctuels.

La Commission a adopté les observations suivantes :

- Proposition de directive du Conseil portant application de l'accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire conclu par l'HOSPEEM et la FSESP (COM (2009) 577 final)

*

La commission des affaires européennes du Sénat :

approuve l'objectif d'améliorer la sécurité des travailleurs du secteur hospitalier et sanitaire dans les États membres ;

considère toutefois que la Commission n'a pas établi que les actions préconisées doivent relever de l'échelon communautaire ;

estime qu'en allant au-delà de la législation communautaire en vigueur, qui pose des principes généraux que les États membres mettent en oeuvre, la proposition de directive ne respecte pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Mercredi 16 décembre 2009

- Présidence de M. Hubert Haenel -

Institutions européennes

Conclusions du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009
Audition de M. Pierre Lellouche,
secrétaire d'État chargé des affaires européennes

M. Hubert Haenel. - Monsieur le Ministre, le point central du Conseil européen qui s'est déroulé la semaine dernière portait sur la Conférence de Copenhague. Le Conseil européen a notamment précisé l'engagement financier de l'Union européenne. Toutefois, bien sûr, tout se joue à Copenhague et le Conseil européen ne constituait qu'un élément préparatoire. Le Conseil européen a également approuvé le programme de Stockholm. Mais il n'a guère fait, en ce domaine, que consacrer un texte sur lequel le consensus de l'ensemble des États membres avait déjà été recueilli.

En fait, on peut se demander si l'élément le plus nouveau de ce Conseil européen ne réside pas dans l'évocation, par M. Van Rompuy, de sa conception du fonctionnement du Conseil européen résultant du traité de Lisbonne. Je pense que vous allez nous exposer tout cela en détail et nous donner votre propre appréciation.

M. Pierre Lellouche. - Le Conseil européen, dont l'agenda était très dense, a permis d'obtenir des résultats substantiels sur les cinq grands chapitres inscrits à son ordre du jour : les questions institutionnelles, le climat, la situation économique et financière, le nouvel espace de liberté, de sécurité et de justice et les questions internationales.

Cette réunion des chefs d'État et de gouvernement était la dernière sous présidence suédoise et la première selon les règles du traité de Lisbonne, ce qui a eu trois conséquences pratiques.

Tout d'abord, les chefs d'État et de gouvernement se réunissent désormais seuls. Il leur revient en effet de fixer les orientations politiques de l'Europe. Cette évolution est de plus conforme à notre souci de renforcer la « gouvernance » de l'Union européenne. Cette nouvelle situation institutionnelle a pu créer des crispations dans les États gouvernés par des coalitions et on a d'ailleurs assisté à une « rébellion » de certains ministres des affaires étrangères, qui ont menacé d'utiliser le traité de Lisbonne contre les chefs d'État. Il a été décidé que ces ministres pourraient cependant assister à une réunion par an.

Ensuite, ce Conseil européen était le dernier à être présidé par le chef du gouvernement de la présidence tournante. M. Van Rompuy entrera en fonction le 1er janvier et, à compter de cette date, il présidera les réunions du Conseil européen, sans doute dès le mois de février, puisqu'il a fait part de son intention d'organiser une réunion informelle pour débattre des grands enjeux économiques.

Enfin, lors du dîner, M. Van Rompuy a exprimé sa vision du fonctionnement futur du Conseil européen, estimant que ce dernier devait mener de véritables débats d'orientation politique. Dans une déclaration publique, il a délivré quelques messages importants : « Nous devons davantage mettre l'accent sur les décisions politiques au-delà de nos conclusions traditionnelles. Nous devons transmettre un message lisible et visible pour l'opinion publique. [...] Il faut s'attaquer de façon systématique aux grands thèmes. Je crois que le thème majeur de mon mandat sera l'économie. [...] L'énergie est également un sujet majeur. » Ces propos correspondent pleinement aux attentes de la France.

Le Conseil européen a par ailleurs confirmé l'invitation faite au Haut représentant de présenter dès que possible sa proposition relative à la création du service européen d'action extérieure, en vue d'une décision d'ici à la fin du mois d'avril 2010. Sur ce point, je veux souligner, d'une part, que la proposition devra s'inspirer du rapport adopté par le Conseil européen en octobre et, d'autre part, que les États membres continueront à fournir des contributions, afin que les travaux sur le futur service ne soient pas conduits dans « un tête à tête institutionnel » entre Mme Ashton, la Commission et le secrétariat général du Conseil.

Sur la base d'une proposition espagnole, le Conseil européen a souhaité engager la procédure prévue à l'article 48 du traité, afin de mettre en oeuvre ses décisions politiques de décembre 2008 et juin 2009 relatives à la composition du Parlement européen. En pratique, il s'agit de porter, pour la législature courant jusqu'en 2014, le nombre total de députés européens de 736 à 754, et d'augmenter de deux le nombre des députés européens élus en France. La Commission et le Parlement européen seront consultés en vue de la convocation d'une conférence intergouvernementale, qui élaborera un protocole au traité. Cette modification devra être ratifiée par chaque État membre et entrera en vigueur en 2011 ou en 2012. Pour la France, à titre transitoire, deux députés de l'Assemblée nationale deviendront observateurs au Parlement européen, sans doute à compter du printemps 2010. Le Président Accoyer a indiqué que les deux députés seraient prochainement désignés par une élection.

Je voudrais maintenant évoquer les négociations actuelles du sommet de Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique. La première semaine de négociations a été fructueuse puisque nous avons atteint notre objectif : obtenir un texte reconnu par l'ensemble des États comme base de discussion. De là, les conclusions du Conseil européen permettent à l'Union européenne d'avoir une position commune forte sur six points majeurs.

Le Conseil européen a d'abord rappelé son souhait de dégager à Copenhague un « accord planétaire, global, ambitieux et politiquement contraignant », avec pour objectif commun de maintenir le réchauffement de la planète en-dessous du seuil de 2 degrés. Cet accord doit amener à l'élaboration d'un  « instrument juridiquement contraignant » pour la période commençant au 1er janvier 2013, date d'échéance du protocole de Kyoto.

Ensuite, le Conseil européen a souligné la volonté de l'Union européenne de parvenir à un accord en annonçant sa contribution au programme de financement rapide « fast start » pour aider à la mise en place immédiate de mesures d'adaptation au changement climatique dans les pays les plus vulnérables. Cette contribution sera de 2,4 milliards d'euros par an jusqu'en 2012, ce qui représente un peu plus de 30 % de l'effort international global pour ce programme, évalué au total à 7 milliards d'euros. La contribution française s'élèvera à 420 millions d'euros par an, et les contributions de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni représenteront plus de 30 % de l'effort communautaire.

Les conclusions du Conseil mentionnent, comme nous le souhaitions, la nécessité de consacrer une part du financement rapide à la lutte contre la déforestation, qui est la cause de 25 % des émissions de CO2 dans le monde. La lutte contre la déforestation faisait l'objet, aujourd'hui, d'une réunion entre la France et les pays du bassin du Congo. Mais nous avons également effectué un travail en commun avec les pays du bassin de l'Amazone et la Russie.

Le Conseil européen a par ailleurs rappelé la disponibilité de l'Union européenne pour prendre une part équitable au financement des efforts à long terme. C'est dans ce contexte que s'inscrit le débat sur la création de financements innovants tels qu'une taxe sur les transactions financières ou qu'une taxe, évoquée par le Premier ministre Gordon Brown, sur les revenus provenant des politiques de réductions d'émissions du secteur des transports maritime et aérien. La Commission a été invitée à faire un rapport sur ces projets de financements.

L'Union européenne a également confirmé sa disponibilité à accroître ses objectifs de réduction d'émission de 20 à 30 % si les autres pays développés s'engagent à des réductions comparables, et si les pays en développement contribuent à l'effort de façon appropriée en fonction de leurs responsabilités et de leurs capacités respectives.

Enfin, pour la première fois, les conclusions du Conseil précisent que « l'Union européenne soutiendra les efforts visant à renforcer la gouvernance internationale en matière d'environnement », ce qui constitue un premier pas en faveur du projet d'organisation mondiale pour l'environnement que nous appelons de nos voeux.

Nous entrons maintenant dans une phase cruciale de négociation à Copenhague. Jeudi et vendredi soirs, les chefs d'État et de gouvernement se réuniront pour l'aboutissement des travaux et la signature d'un accord politique. Tout en ayant contribué à élaborer cette position européenne, la France a apporté sa contribution spécifique en développant des positions communes avec d'autres États, tels que le Brésil ou les pays africains. La France a aussi contribué à la venue du Président Obama lors du sommet de Copenhague.

J'en viens à l'analyse par le Conseil européen de la situation économique actuelle, qui demeure incertaine. Les prévisions économiques laissent entrevoir une légère reprise de l'activité économique mais les conditions d'un retour durable de la croissance ne sont pas encore réunies. Face à cette situation, le Conseil européen estime que les mesures de soutien à l'économie ne pourront cesser que lorsque la reprise sera assurée. Toutefois, les travaux sur la sortie de crise doivent être vite engagés pour définir des stratégies crédibles et coordonnées. Ces stratégies vont mettre l'accent sur la nécessité de consolider les finances publiques. Les difficultés actuelles de la Grèce soulignent la nécessité de préserver la crédibilité de ces dernières. Dans le cadre de cette stratégie de sortie de crise, les banques françaises ont remboursé les 13,45 milliards d'euros d'aides à la recapitalisation dont elles avaient bénéficié, cette somme ayant été consacrée au financement du grand emprunt.

Pour faire suite à la stratégie de Lisbonne, une nouvelle stratégie européenne pour la croissance et l'emploi, la stratégie UE 2020, est en cours d'élaboration. Le Conseil européen souligne que cette stratégie doit accroître le potentiel de croissance de l'Union européenne, mieux coordonner les politiques économiques des États membres, permettre la réciprocité avec nos grands partenaires extérieurs, renforcer notre base industrielle et prendre en compte la dimension sociale.

Dans le domaine financier, le Conseil européen a pris note de l'accord politique trouvé par les ministres de l'économie et des finances le 2 décembre sur la supervision financière. Il s'agit maintenant d'obtenir un accord en première lecture avec le Parlement européen afin que la nouvelle architecture de la régulation financière européenne soit en place dans le courant de l'année 2010.

Par ailleurs, faisant suite aux travaux du G20, le Conseil européen a encouragé les États membres à « envisager les solutions possibles pour mettre en oeuvre à court terme de saines pratiques » en matière de rémunération dans le secteur financier. Cette incitation fait écho aux propositions du Premier ministre britannique et du Président de la République sur la taxation des bonus versés en 2010.

L'action coordonnée de la France et du Royaume-Uni, qui s'est manifestée par la publication d'un article commun de M. Gordon Brown et du Président de la République, a permis d'inciter le Conseil européen à encourager le FMI à inclure dans ses réflexions la possibilité d'un prélèvement mondial sur les transactions financières et à demander au Conseil et à la Commission de définir « les principes clés » sur lesquels devraient être fondées ces dispositions internationales.

Le Conseil européen a également adopté le nouveau programme pluriannuel pour l'espace de liberté, de sécurité et de justice entre 2010 et 2014, appelé « programme de Stockholm ». Ce programme va être décliné en objectifs précis à travers un plan d'action, qui devrait être adopté sur proposition de la Commission, d'ici au mois de juin 2010.

Ce programme contient peu d'innovations. Il s'inscrit dans la continuité du programme précédent, le programme de La Haye, et dans celle des travaux de la présidence française de l'Union européenne. Toutefois, le programme rappelle la nécessité de réaliser une politique d'asile européenne avant 2012 et mentionne les objectifs politiques du plan d'action qui sera adopté sous présidence espagnole : poursuite de l'élargissement de l'espace Schengen, suppression des obstacles à la reconnaissance des décisions judiciaires entre États membres, élaboration d'une stratégie de sécurité intérieure, mise en place d'une politique européenne globale en matière de migrations, lutte contre l'immigration clandestine...

Nous allons désormais appuyer la présidence espagnole pour « muscler » le plan d'action, que nous souhaitons ambitieux et concret. L'Union européenne pourra d'ailleurs compter sur les innovations du nouveau traité avec l'extension du vote à la majorité qualifiée ou la création du comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure (COSI), qui assurera la coordination des actions opérationnelles des autorités des États membres en matière de sécurité intérieure. Mon collègue Brice Hortefeux a d'ailleurs présenté au Conseil JAI du 30 novembre, des propositions concrètes pour convaincre nos partenaires de renforcer la lutte contre le trafic de cocaïne en s'appuyant sur le COSI.

Le Conseil européen a fait le point sur plusieurs dossiers de relations internationales.

Vous avez ainsi pu constater qu'il avait adopté une déclaration importante sur l'Iran. Nous avons tout tenté pour amener l'Iran à négocier sur son programme nucléaire mais cet État continue à chercher à gagner du temps et à accumuler de l'uranium faiblement enrichi en violation de cinq résolutions de l'ONU. Après avoir caché un site clandestin à Qom, l'Iran vient d'annoncer la construction de dix nouvelles usines d'enrichissement d'uranium. Le Conseil européen estime désormais qu'il faut envisager des actions supplémentaires à l'encontre de l'Iran si ce dernier continue à se dérober.

Les ministres des affaires étrangères ont aussi soumis aux chefs d'État et de gouvernement une déclaration sur l'Afghanistan pour souligner le rôle que l'Union européenne entendait jouer dans la stabilisation de ce pays et pour signifier les objectifs que nous assignons à la conférence de Londres du 28 janvier, c'est-à-dire la responsabilisation croissante des Afghans pour assurer leur sécurité.

Enfin, les conclusions du Conseil « affaires générales » de décembre sur l'état des négociations d'adhésion ont été confirmées par le Conseil européen.

D'importants progrès, illustrés par des accords de facilitation des visas avec l'Union européenne, ont été réalisés dans l'ensemble des Balkans. Cependant, ces progrès doivent être encore consolidés. L'accord réglant le litige frontalier slovéno-croate devrait être rapidement soumis à référendum en Slovénie. Mais la Croatie doit améliorer sa coopération avec la justice pénale internationale et livrer les criminels de guerre que cette dernière recherche. La situation de la Serbie connaît une réelle amélioration. Cette dernière a conduit les Pays-Bas à adoucir leur position à l'égard de ce pays. Ainsi, un accord intérimaire entre la Serbie et l'Union européenne a été conclu et pourra amener la conclusion d'un accord de stabilisation et d'association dans un délai de six mois si cette amélioration se confirme et, en particulier, si le général Mladic est arrêté.

En revanche, les perspectives éventuelles d'adhésion de l'ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) sont bloquées en raison des tensions persistantes avec la Grèce à propos du nom du pays. De même, la situation actuelle au Kosovo, dont l'indépendance n'a pas été reconnue par cinq États membres, et en Bosnie, où les responsables politiques sont incapables de faire aboutir les réformes qui doivent permettre de démanteler le quasi-protectorat mis en place depuis quinze ans, empêche tout nouveau progrès.

La politique française dans les Balkans tend à encourager l'intégration des États concernés au sein de l'Union européenne car nous estimons que cette dernière est l'une des conditions de la paix et de la stabilité dans la région.

Je veux enfin évoquer la Turquie pour déplorer l'absence de progrès au regard des objectifs qu'elle s'était engagée à respecter en 2005 dans le protocole d'Ankara. La Turquie n'a pas reconnu l'existence de Chypre et n'a pas ouvert ses ports et ses aéroports au commerce chypriote. Le Conseil a donc rappelé que les mesures restrictives décidées en 2006 seront maintenues aussi longtemps que ces conditions ne seront pas respectées.

Pour conclure, je veux saluer la grande qualité des travaux conduits par la présidence suédoise de l'Union européenne et je souhaite un plein et entier succès à la future présidence espagnole, qui, à compter du 1er janvier, devra se saisir des dossiers majeurs qui attendent l'Union européenne tels que le suivi de la conférence de Copenhague, le paquet de supervision financière, le plan d'action du programme de Stockholm, l'élaboration d'une politique énergétique commune, ou celle de la stratégie UE 2020.

M. Simon Sutour. - Monsieur le Ministre, je vous remercie pour la clarté de votre exposé, en particulier sur la situation de la Turquie, pour laquelle je partage vos préoccupations.

Menant actuellement une réflexion sur la politique de cohésion territoriale de l'Union européenne avec notre collègue Yann Gaillard, je voulais vous faire part de mes inquiétudes relatives à l'évolution des crédits destinés à cette politique dans les futures perspectives financières de l'Union européenne.

Est-il vrai qu'un document informel de la Commission européenne a suggéré des pistes ? Avez-vous eu connaissance d'un tel document ?

Je ne voudrais pas que l'évolution de ces crédits soit dépendante des discussions sur l'avenir de la politique agricole commune.

M. Pierre Lellouche. - La Commission européenne n'a pas confirmé l'existence d'un tel document. Je peux vous dire cependant que la France est prête à débuter les discussions avec ses partenaires sur l'évolution du budget de l'Union européenne. A cet égard, il faut rappeler que la France est aujourd'hui un contributeur net à ce budget pour 5 milliards d'euros par an alors que le Royaume-Uni récupère 1,5 milliard d'euros par an en raison de « son rabais » institué en 1984.

Certains États membres de l'Union européenne ne veulent certes plus de la politique agricole commune actuelle, mais je rappelle que mon collègue Bruno Le Maire a réuni le 10 décembre à Paris les représentants de 21 États membres bien décidés à la poursuivre et qu'ils ont lancé, ensemble, l'« appel de Paris pour une politique agricole et alimentaire commune », c'est un signal politique très important.

Les discussions seront difficiles mais, pour la France, cette politique est plus que jamais stratégique à l'heure où la planète compte environ 9 milliards d'habitants.

M. Didier Boulaud. - Monsieur le ministre, je déplore le contentieux relatif au nom de l'ARYM qui oppose cette dernière à la Grèce car ce conflit nuit à la candidature de l'ARYM à l'Union européenne.

Je voulais donc vous demander pourquoi la France manifestait-elle un soutien sans nuances aux positions grecques dans ce dossier? Est-ce parce que nous espérons lui vendre des chasseurs Rafale ? Est-ce en raison des origines hellènes de la grand-mère de l'actuel Président de la République ?

M. Pierre Fauchon. - J'ai le sentiment que la présidence suédoise n'a pas fait beaucoup progresser l'Union européenne. On peut souligner tout au plus qu'elle a permis la ratification et l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, mais ce dernier constitue-t-il un progrès pour l'Europe ?

J'attends également de savoir si l'adoption du programme de Stockholm se traduira par des actions communautaires concrètes.

Enfin, dans les négociations préparant la conférence de Copenhague, j'ai été étonné que la France, d'une part, travaille à l'élaboration d'une position européenne commune sur la lutte contre le réchauffement climatique, et d'autre part, suscite des initiatives bilatérales avec des États tels que le Brésil, car ces dernières ne me semblent pas conformes à l'intérêt communautaire.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Je voulais savoir si les prochaines perspectives financières de l'Union européenne seront préparées par la publication d'une lettre de cadrage des principaux États membres contributeurs comme cela avait été le cas en 2004 ?

M. Christian Cointat. - J'ai d'abord une remarque : nous attendions depuis longtemps la mise en oeuvre du traité de Lisbonne en sachant que ce dernier instituerait deux sièges supplémentaires de députés européens pour notre pays. Aussi, nous aurions pu fixer à l'avance leur méthode de désignation plutôt que de nommer a posteriori deux députés de l'Assemblée nationale comme observateurs.

J'ai également une question : n'est-il pas temps de réfléchir à l'institution de véritables ressources propres pour l'Union européenne afin d'assurer le financement du budget communautaire au lieu de faire de l'artisanat de mauvaise qualité ?

M. Robert Badinter. - L'ancienne république yougoslave de Macédoine est le meilleur appui de la France dans les Balkans et je m'interroge donc sur l'indifférence de notre pays à l'égard de cet État.

La situation du Kosovo semble incertaine. Quant à la Bosnie, son système constitutionnel peut être qualifié de « Macédoine juridique » et nous pouvons légitimement avoir des inquiétudes sur son avenir.

M. Robert del Picchia. - Comme l'a indiqué le président Haenel, notre commission va examiner un nouveau « paquet asile », constitué de deux projets de directives, à la rentrée. Ces derniers paraissent difficiles à mettre en oeuvre dans notre pays. Tout comme la France, l'Allemagne et le Royaume Uni souhaitent en l'état repousser ces textes mais pourriez-vous nous indiquer, Monsieur le Ministre, si d'autres États membres partagent nos préoccupations ?

À l'heure actuelle, nous constatons une très forte augmentation des demandes d'asile en Europe et si l'on n'institue pas une réelle politique communautaire de l'asile, la situation va devenir dramatique.

M. Pierre Lellouche. - Le dossier macédonien est un dossier complexe que je suis attentivement. La France y exprime un principe, celui de la solidarité entre États membres. Mais elle n'ignore pas la situation stratégique de l'ARYM. C'est pourquoi je me rendrai bientôt sur place pour y expliquer notre position.

La présidence suédoise a été un succès. Elle a permis la mise en oeuvre du traité de Lisbonne qui était attendu depuis de nombreuses années. L'adoption du programme de Stockholm ouvre en outre de nouvelles perspectives pour le renforcement de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

Il n'y a aucune divergence d'intérêt, dans les négociations climatiques, entre les positions de l'Union et la démarche franco-brésilienne. Bien au contraire, en allant négocier des positions communes sur la lutte contre le réchauffement climatique avec le Brésil, l'Inde ou les pays africains, la France a travaillé à rapprocher, dans le cadre d'une démarche mondiale, leurs positions de celle de l'Union européenne en vue des débats en cours de la Conférence de Copenhague.

L'Union européenne doit inciter les autres grands acteurs mondiaux à s'engager sur des objectifs ambitieux, comparables aux nôtres (l'Union s'est engagée sur une réduction de 20 %, voire de 30 % en cas d'accord global et satisfaisant, des émissions de CO2 en 2020 par rapport aux niveaux d'émission de 1990).

Il est trop tôt pour savoir si les perspectives financières seront précédées par une lettre de cadrage des États contributeurs nets au budget de l'Union européenne. Je rappelle à ce titre que la France est le seul État contributeur net qui ne bénéficie pas d'un « rabais » et qu'elle aura donc à convaincre les autres contributeurs nets qui, eux, en bénéficient, de s'engager dans une telle démarche.

Certains députés européens comme le Président Alain Lamassoure sont favorables à l'institution d'un impôt européen. Je crois qu'il est temps que les parlementaires nationaux et les députés européens débattent en commun sur l'évolution du budget communautaire et je suis prêt à organiser ce débat au début de l'année prochaine.

La France estime qu'il est essentiel de maintenir les perspectives d'adhésion à l'Union européenne du Kosovo et de la Bosnie-Herzégovine en dépit de leur situation complexe. On y constate en effet des progrès lents, mais réels.

Il existe des difficultés sur le contenu du second paquet asile dont Éric Besson a la charge. Nous espérons néanmoins aboutir à un résultat permettant l'émergence rapide d'une politique communautaire de l'asile. Cela est nécessaire pour les États membres tels que la Grèce aujourd'hui soumis à une pression migratoire énorme.

M. Didier Boulaud. - Je voulais préciser que le refus de la Grèce empêche aussi l'intégration de l'ARYM à l'OTAN. Cela s'est vérifié lors du sommet de Bucarest. La minorité albanophone du pays peut constater simultanément que l'Albanie a déjà intégré l'OTAN.

M. Pierre Lellouche. - La situation de l'ARYM, tout comme le dossier chypriote et le contentieux frontalier croato-slovène, soulignent qu'il n'est pas souhaitable que l'adhésion à l'Union européenne intervienne tant que les problèmes territoriaux des États candidats ne sont pas résolus, au risque d'importer ces derniers au sein de l'Union.


* (1) La présidence grecque de l'APEM, lors de la session plénière de mars 2008 à Athènes, avait fortement insisté pour la mise en place d'un secrétariat comportant une dizaine de fonctionnaires, ce que certaines délégations avaient refusé.