Mardi 18 janvier 2011

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Fin de vie - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Godefroy sur les propositions de loi n° 659 (2009-2010) de M. Jean-Pierre Godefroy et plusieurs de ses collègues, relative à l'aide active à mourir, n° 31 (2010-2011) de M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues, relative à l'euthanasie volontaire, et n° 65 (2008 2009) de M. Alain Fouché, relative à l'aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Muguette Dini, présidente. - Je veux tout d'abord rappeler le cadre dans lequel s'inscrit l'examen de ces trois propositions de loi. A l'automne dernier, le groupe socialiste avait demandé l'inscription de la proposition de loi de Jean-Pierre Godefroy à l'ordre du jour de la niche qui lui était réservée en novembre. Notre programme de travail était particulièrement chargé à cette époque et nous risquions de bâcler le débat alors que le sujet méritait que l'on en discute de manière approfondie et sereine. J'ai donc demandé au président Bel, qui en a été d'accord, de reporter l'examen de ce texte de quelques semaines et d'y adjoindre les propositions de loi de Guy Fischer et d'Alain Fouché. Si je n'avais pas fait cette proposition, nous aurions sans doute été amenés à discuter trois fois du même sujet.

Nous nous trouvons donc dans un processus qui nous est désormais familier : soit nous nous mettons d'accord en commission sur un texte qui viendra en séance le 25 janvier, soit nous n'aboutissons pas à l'établissement d'un texte et c'est la proposition de loi initiale de Jean-Pierre Godefroy qui sera mise en discussion. Comme il s'y était engagé, notre rapporteur s'est efforcé d'élaborer un texte qui intègre les deux autres propositions de loi pour aboutir à un texte unique.

La commission a déjà beaucoup travaillé sur le sujet de la fin de vie et je rappelle qu'un groupe de travail animé par Nicolas About s'est réuni sur ce thème pendant près de deux ans ; c'est pourquoi je pense qu'il n'est pas utile de rouvrir, dans le détail, le débat général. Certains continuent à se poser beaucoup de questions tandis que d'autres sont sûrs de leurs choix et il y a peu de chance pour qu'ils soient convaincus par les arguments des uns ou des autres.

Nous allons donc examiner avec précision les dispositifs techniques prévus par les trois propositions de loi et nous verrons s'ils apportent des réponses convenables à l'objectif qu'elles poursuivent. Après l'exposé liminaire du rapporteur, nous discuterons de chacun des amendements qu'il nous proposera.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Tout d'abord, je tiens à vous remercier, madame la présidente, pour la façon dont vous avez engagé ce débat sur la fin de vie. J'espère que nous parviendrons à élaborer un texte commun qui serve de base à la discussion en séance publique. J'ai des convictions mais aussi des doutes, et je crois que personne ne peut avoir de certitudes en la matière. J'ai essayé d'opérer une synthèse des trois textes et je suis prêt à prendre en compte toutes les suggestions qui me seront faites.

Voici plus de trente ans que la question sensible de l'aide à mourir tient une place centrale dans les débats sur la fin de vie, qu'ils aient lieu dans l'opinion publique ou dans nos enceintes parlementaires. Les sondages d'opinion font état d'une majorité écrasante de partisans, quelles que soient leurs opinions politiques ou leurs croyances. Et si nous devons rester prudents en la matière, je persiste à croire qu'il est de notre devoir de parlementaires d'entendre ces demandes et d'ouvrir la discussion.

Plusieurs d'entre nous en ont pris l'initiative : notre collègue de l'UMP Alain Fouché a ainsi déposé, fin 2008, une proposition de loi relative à l'aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés ; l'année suivante, j'ai moi-même proposé, avec plusieurs de mes collègues membres du groupe socialiste, d'inscrire dans notre droit l'aide active à mourir ; le 13 octobre dernier, ce sont nos collègues Guy Fischer, François Autain et plusieurs membres du groupe CRC-SPG qui ont déposé une proposition de loi relative à l'euthanasie volontaire. L'étude simultanée de ces trois textes, que nous devons à l'initiative de notre présidente, montre combien ce sujet très difficile dépasse nos clivages politiques.

Ces propositions de loi constituent le prolongement d'un débat de fond engagé en 2005 avec l'adoption de la loi Leonetti sur les droits des malades en fin de vie. Une remarque sur ce point : on dit toujours, la presse notamment, que cette proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité. Ce fut vrai à l'Assemblée nationale mais pas au Sénat où trois groupes politiques ont quitté la séance, pour diverses raisons, au moment du vote.

M. Alain Gournac. - La loi a donc bien été votée à l'unanimité des présents.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Quoi qu'il en soit, c'est à mon initiative que nous avons discuté en séance publique, en avril 2008, une question orale avec débat sur l'aide aux malades en fin de vie.

Au sein de notre commission, un groupe de travail, présidé par Nicolas About, a ensuite été constitué sur la question de la fin de vie en France. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont permis de prendre en compte l'ensemble des points de vue sur cette question complexe qui relève, à l'évidence, de l'intime mais aussi, indissociablement, des libertés publiques. Je ne crois pas nécessaire d'exposer à nouveau ici les arguments de ceux qui considèrent la mort comme un processus naturel que le respect dû à la vie et le souci d'apaiser les souffrances des malades permettent simplement d'accélérer, ni les arguments opposés de ceux qui pensent qu'il faut faire droit à la requête d'une personne qui, se sentant au bout de son chemin, demande que sa mort soit provoquée dans les conditions qu'elle souhaite.

Nous avons chacun nos convictions, et notre réunion de cet après-midi nous amène cette fois à examiner trois dispositifs d'inspiration proche, mais d'écriture différente, qui ont notamment en commun de soutenir le principe du respect de la volonté des individus et de prôner la poursuite du développement des soins palliatifs.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'éthique médicale ne se fonde plus sur les limites que les médecins s'imposent à eux-mêmes mais sur le consentement des patients. Les droits des malades, consacrés par la loi du 4 mars 2002 et renforcés, pour ce qui concerne la fin de vie, par la loi Leonetti du 22 avril 2005, reposent sur le triptyque suivant : respect de la dignité des personnes, transparence de l'information sur leur état de santé et sur les effets des traitements mis en oeuvre, droit pour le malade de refuser un traitement.

N'est-il pas paradoxal, comme le soutiennent les auteurs des propositions de loi, que la volonté des personnes soit désormais entendue et respectée pour toutes les questions concernant leur santé, à la seule exception du terme de leur vie ? Certains pays comme les Pays-Bas et le Belgique sont déjà allés plus loin et ont reconnu la possibilité pour les personnes en phase avancée ou terminale d'une maladie grave et incurable de choisir le moment de leur mort et de bénéficier d'une assistance médicale pour qu'elle soit rapide et sans douleur. Le Luxembourg est en train d'adopter une législation comparable. C'est l'exemple que proposent de suivre ces propositions de loi. La définition d'un cadre légal pour l'aide médicalisée à mourir permet de respecter doublement la volonté des personnes. Non seulement elle donnera à chacun le droit de décider comment il souhaite achever ses jours mais encore, et peut-être surtout, elle évitera certaines pratiques d'euthanasie de fait, dont on sait qu'elles existent.

Si les propositions de loi garantissent le respect de la volonté de chacun, encore faut-il que cette dernière puisse s'exprimer indépendamment de toute contrainte. Comme l'ont souligné avec raison le président About et Raymonde Le Texier, il est facile de pousser une personne dépendante à demander la mort, notamment lorsque ses conditions d'accueil sont indignes. Ce sont les plus faibles, ceux qui n'ont pas les connaissances ou les moyens financiers nécessaires, qui risquent de subir des contraintes physiques ou morales qui les conduiraient à demander la mort, parce que la société ne leur aura pas donné les moyens de continuer à vivre. De pareils cas ne sont pas tolérables. L'argument vaut aussi pour l'accès aux soins palliatifs et c'est pourquoi les propositions de loi rappellent qu'elles se veulent en être le complément.

Seuls ceux qui auront été pris en charge en soins palliatifs ou qui auront, en toute connaissance de cause, refusé d'en bénéficier pourront véritablement décider s'ils souhaitent une assistance médicalisée pour mourir. Il n'y a aucune opposition entre assistance médicalisée pour mourir et soins palliatifs. J'ai l'intime conviction que ces mesures sont complémentaires. Le texte des propositions de loi n'entrave en rien la loi Leonetti et prévoit même la mise en oeuvre de l'accès à ces soins. Les amendements que je vous proposerai renforceront encore cette complémentarité.

Les auteurs des propositions de loi sont pleinement conscients que la demande d'avancer le moment de sa mort n'est pas une décision anodine et qu'elle doit être non seulement libre et éclairée mais aussi réfléchie et réitérée. A tout moment la volonté de vivre doit primer sur celle de mourir, et les propositions de loi proposent des garanties en ce sens.

Les structures de ces trois textes sont similaires : elles abordent d'abord la question des personnes susceptibles de demander une aide médicalisée pour mourir, organisent ensuite la procédure de mise en oeuvre de cette aide pour les personnes conscientes, puis prévoient les mesures applicables pour les personnes devenues incapables d'exprimer leur volonté ; enfin, elles présentent celles relatives au contrôle des décès par assistance médicalisée.

Pour autant, les trois propositions de loi ne sont pas identiques. J'ai donc tenté une synthèse des trois textes en privilégiant toujours les dispositions les plus protectrices pour les personnes et celles qui garantissent leur droit de changer d'avis. Je vous propose que nous en discutions au travers de mes amendements qui, s'ils sont acceptés, aboutiront à un texte entièrement nouveau, qui sera celui de notre commission.

Je souhaite conclure cet exposé liminaire en réaffirmant que la position que je vous suggère d'adopter n'a rien de partisan ou d'idéologique. Naturellement, elle reflète mes convictions propres ainsi que celles des auteurs des autres propositions de loi. Mais avant tout, mon objectif, en tant que rapporteur, a été de vous présenter le texte techniquement le plus apte à garantir le droit des personnes, y compris celui de mourir comme elles le souhaitent.

M. Guy Fischer. - Le rapporteur a très fidèlement traduit les objectifs que nous nous étions fixés avec cette nouvelle proposition de loi que nous avons déposée en octobre. Sur les vingt-quatre sénateurs de notre groupe CRC-SPG, cinq n'ont pas souhaité signer ce texte, car ils ont une vision différente et préfèrent s'en remettre au terme naturel de la vie. Les uns et les autres, nous avons des interrogations légitimes et, sur un tel sujet, nous avons laissé à chacun une totale liberté de conscience. En ce qui me concerne, je milite avec d'autres, depuis des années, pour faire évoluer la loi, à l'instar de ce qui se fait déjà dans divers pays européens et c'est pourquoi j'ai cosigné cette proposition de loi.

Un texte sur la fin de vie doit se situer dans le prolongement des lois de 2002 et 2005 et fixer cinq objectifs : le droit au refus de tout traitement, le droit au soulagement de la douleur, le droit au respect des décisions anticipées, le droit de se faire représenter par une personne de confiance, le droit à l'information, ce qui veut dire la possibilité de consultation du dossier médical. Des dizaines de milliers de Français réclament la reconnaissance de ces cinq droits et estiment que le Parlement peut et doit faire évoluer la législation.

Je me félicite que notre rapporteur nous présente un texte qui fasse la synthèse des trois textes en présence.

M. Alain Fouché. - Il s'agit, nous l'avons dit, d'un grand sujet de société sur lequel on a beaucoup réfléchi. Le texte que j'ai déposé ne fait que reprendre des législations qui existent déjà dans divers pays européens. L'intervention de notre rapporteur me convient puisque son texte opère la synthèse des différentes propositions de loi et va dans le sens de ce que je souhaite.

Mme Anne-Marie Payet. - M. Godefroy a évoqué un sondage d'opinions qui prouverait qu'une majorité écrasante de Français, toute croyance religieuse et toute tendance politique confondues, souhaiteraient une législation sur l'aide à mourir dans la dignité : en octobre 2010, 94 % des personnes interrogées se prononçaient ainsi en faveur de l'euthanasie. Mais un autre sondage, réalisé le 11 janvier, montre que 60 % des Français préfèrent les soins palliatifs à l'euthanasie. Les résultats de ces enquêtes d'opinion dépendent donc des questions posées. Si l'on demande aux personnes interrogées si elles sont favorables à l'euthanasie en cas de douleur insupportable, il est normal qu'elles répondent par l'affirmative. Si on leur demande de choisir entre l'euthanasie et le développement des soins palliatifs, elles penchent en majorité pour la seconde solution et même les trois quarts des personnes âgées se prononcent en faveur des soins palliatifs. De plus, ces sondages démontrent que les Français sont mal informés sur le sujet : ainsi, 68 % d'entre eux ignorent qu'une loi interdit déjà l'acharnement thérapeutique. Le ministère de la santé a prévu une campagne d'information, mais elle n'a pas encore eu lieu.

M. Ronan Kerdraon. - Je salue le travail effectué par notre rapporteur, qui est parvenu à une synthèse de trois textes sur un sujet qui touche à l'intime et qui nous concerne tous, puisque nous serons tous confrontés, un jour ou l'autre, à la mort. L'intérêt de ce texte est d'autoriser à choisir sa mort dans des conditions encore acceptables lorsque l'on est gravement malade et que plus rien ne peut venir soulager les souffrances physiques ou morales que l'on subit. Ce texte, qui ouvre de nouveaux droits, vient en complément de ceux qui traitent déjà des soins palliatifs. Comme le dit le président Fischer, chacun doit avoir le droit de choisir librement sa mort. Avec cette loi, nous disposerons d'un outil juridique qui permettra d'agir en toute transparence. J'estime que cette proposition de loi est du même niveau que les lois sur l'interruption volontaire de grossesse, sur le Pacs ou même sur l'abolition de la peine de mort dont nous allons célébrer le trentième anniversaire. Il s'agit de textes fondateurs de notre société et je suis satisfait de la synthèse à laquelle est parvenu Jean-Pierre Godefroy.

M. André Lardeux. - Je ne vais pas reprendre le débat de fond : ma position est connue de tous. Malgré toute la considération que je porte à notre rapporteur, je ne le suivrai pas, d'autant que l'article 5 ne garantit pas le respect de la liberté de conscience. En morale, il n'y a pas de différence entre le fait de commettre un acte et le fait de permettre de le commettre.

Je voudrais faire le point sur la procédure : Jean-Pierre Godefroy, après avoir présenté son rapport, défendra-t-il ensuite ses amendements ?

Mme Muguette Dini, présidente. - Tout à fait !

M. Bruno Gilles. - Je tiens à féliciter notre rapporteur pour le travail qu'il nous présente. Quelques remarques, pourtant : nous risquons de légiférer sur des cas d'exception et ce faisant, nous risquons de nuire à la relation de confiance entre les patients et leurs médecins.

Nous devons en outre nous interroger sur le récent sondage réalisé par Opinion Way : n'est-il pas surprenant que près de sept Français sur dix ignorent qu'il existe une loi interdisant l'acharnement thérapeutique et qu'un sur deux s'estime plutôt mal informé sur la question des soins palliatifs ? D'ailleurs, le Médiateur de la République s'est ému de cette situation. Il serait donc nécessaire de mieux communiquer sur la loi de 2005, que j'ai d'ailleurs votée en tant que député.

A titre personnel, je suis défavorable à ces trois propositions de loi.

M. Marc Laménie. - Je salue le travail accompli par notre rapporteur, mais je crois qu'en la matière, il faut être très prudent. Chaque cas est un cas particulier et rien n'est comparable. Je rejoins donc la position de M. Gilles.

M. Alain Gournac. - Je félicite notre rapporteur pour son travail, même si ses convictions ne rejoignent pas les miennes. En mon âme et conscience, je ne peux en effet le suivre. D'ailleurs, la plupart de ses arguments ne font que renforcer mes certitudes : en fin de vie, aucune situation n'est totalement comparable. Un texte de loi ne peut donc prétendre répondre à tous les cas. On nous dit que les personnes auront pu se décider bien avant. Certes, mais au soir de leur vie, elles peuvent changer d'avis ! J'ai vu le cas avec des parents très proches.

Les sondages disent une chose et son contraire, et l'on a rappelé le dernier en date, réalisé sur un échantillon de mille personnes ! De plus, c'est une chose de se prononcer sur un tel sujet quand on est en bonne santé et c'en est une autre lorsqu'on est gravement malade.

Enfin, je m'inquiète des éventuelles dérives : on ne peut exclure que des proches aient des intérêts à faire valoir... Avant tout nouveau texte, commençons par faire appliquer la loi Leonetti. Sur ce point, je m'étonne de constater une telle méconnaissance au sein même du corps médical.

Mme Muguette Dini, présidente. - J'ai du mal à croire à cette méconnaissance.

M. Alain Gournac. - J'ai vu des médecins refuser d'arrêter des traitements en arguant qu'ils n'en avaient pas le droit, ignorant de ce fait totalement la loi Leonetti.

Je voterai donc contre le texte qui nous est proposé, car j'estime que je n'ai pas le droit d'aller dans cette direction.

Mme Isabelle Debré. - Je tiens à saluer la mission difficile menée par Jean-Pierre Godefroy qui a travaillé avec beaucoup de sang-froid et d'humilité.

Tout ce que je voulais dire l'a été par Bruno Gilles. La loi Leonetti est peu connue et mal appliquée. Nous devons tout faire pour développer les soins palliatifs, comme le fait l'établissement Jeanne Garnier. Une fois qu'on l'a visité, je puis vous assurer que l'on n'a plus du tout envie de légiférer sur l'euthanasie : tout y est fait pour éviter les souffrances et permettre de mourir dans la dignité. Développons ces établissements plutôt que de voter une telle loi. En ce qui me concerne, je voterai contre.

M. Claude Jeannerot. - Je tiens à rendre hommage à l'humanisme de notre collègue Godefroy, ainsi d'ailleurs qu'à MM. Fischer et Fouché. Je ne suis pas persuadé que la question vaille que l'on convoque les sondages. A mon avis, ils sont de nature à nous orienter sur de mauvaises pistes. Un tel sujet dépasse toute référence à la minorité ou à la majorité. De plus, nous nous devons de dépasser les clivages politiques traditionnels. C'est d'ailleurs pourquoi je voterai le texte proposé par Jean-Pierre Godefroy pour que nous discutions dans l'hémicycle d'un texte de synthèse et non d'une proposition de loi déposée par tel ou tel groupe politique.

En revanche, je ne sais pas encore quel sera mon vote final en séance publique, même si je travaille beaucoup sur cette question, dans le Doubs, avec le professeur Régis Aubry.

M. Jean-Marc Juilhard. - Je félicite MM. Godefroy, Fischer et Fouché sur les réflexions qu'ils ont menées. Jusqu'à la semaine dernière, j'étais plutôt d'avis de voter ce texte mais aujourd'hui, je suis plus réservé. Je n'ai pas été convaincu par qui que ce soit, mais je m'interroge. La loi Leonetti semble encore mal connue. Ne faudrait-il pas lui faire davantage de publicité ? De plus, ne prévoyait-elle pas la création d'un observatoire dont les résultats se font attendre ?

Mme Muguette Dini, présidente. - En effet !

M. Jean-Marc Juilhard. - Je crois que nous allons un peu vite en besogne. Procédons d'abord à une analyse plus précise de la loi Leonetti avant de légiférer plus avant. Pour l'instant, je ne suis pas en mesure de voter ce texte.

M. Bernard Cazeau. - Je ne féliciterai pas MM. Godefroy, Fouché et Fischer pour leur dire ensuite que je ne voterai pas leur texte... ! Pour ma part, je reconnais que la loi Leonetti a permis des avancées mais le texte du rapporteur me convient car il permet d'aller encore plus loin en couvrant tous les cas, y compris les cas particuliers. Toutes les précautions ont été prises et son dispositif s'inspire de celui qui est en oeuvre aux Pays-Bas.

Quoi qu'on en dise, la loi Leonetti ne prend pas en compte tous les cas et elle permet une euthanasie indirecte, hypocrite. Dans mon cas propre, je préférerais que l'on m'aide à mourir de façon douce plutôt que de me laisser mourir de soif !

Un tel sujet mérite que l'on en débatte au-delà de notre commission : il serait bon que l'Assemblée nationale se prononce et que nous allions au bout de la réflexion. Comme pour l'abolition de la peine de mort, peu importe que la majorité actuelle soit pour ou contre l'euthanasie. Il faudra bien un jour ou l'autre la voter : autant que ce soit le plus rapidement possible.

M. Jean-Louis Lorrain. - Ces propositions de loi se situent dans la continuité d'autres textes présentés à l'Assemblée nationale. Ils ont au moins le mérite d'agir comme un stimulant et comme une invitation à chercher d'autres réponses.

L'objectif qu'elles poursuivent n'a en réalité pas de lien avec les soins palliatifs, un sujet sur lequel je travaille, moi aussi, avec le professeur Aubry. Je regrette que le titre de la proposition de loi qui nous est soumise ne contienne plus le mot « dignité ». Nous avons des conceptions différentes de la dignité et des libertés individuelles. Pour régler ce problème vous avez besoin de recourir à un tiers, qu'évidemment vous ne pouvez prendre que dans le monde médical. En tant que médecin, je ne peux accepter d'être ainsi instrumentalisé pour répondre à une demande philosophique. Certains respectent l'interdiction « tu ne tueras point » - une interdiction qu'il ne faut pas prendre en son seul sens judéo-chrétien - et, de leur part, vous n'obtiendrez jamais cette instrumentalisation.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - A mon tour, je remercie les auteurs des trois propositions de loi qui nous donnent l'occasion de réfléchir à ce grave sujet, et je félicite particulièrement Jean-Pierre Godefroy pour son travail.

Je ne sais pas moi-même comment je me comporterai dans une telle situation et ce que j'exigerai de mes proches. Il s'agit d'une interrogation intime. Or, ce texte met en place certains standards juridiques et je m'interroge sur leur compatibilité avec le droit actuel. N'est-on pas en train de déconstruire celui-ci et notamment ce qu'il en est de la non-assistance à personne en danger, de la nécessaire protection des plus vulnérables ou de l'abus de faiblesse ? Au-delà même de mes convictions intimes, ces questions juridiques m'empêcheront de soutenir ce texte.

M. Nicolas About. - Rude sujet... J'ai le sentiment que la loi Leonetti ne traite pas tous les cas de fin de vie et laisse une marge d'appréciation personnelle au médecin quant à sa façon, non pas d'apporter des soins, mais de prendre soin de ses patients en phase terminale. La loi actuelle permet d'abréger cette phase. Mais certains médecins, qui ont une interprétation stricte du principe « tu ne tueras pas », refusent d'appliquer la loi et la clause de conscience va contre l'intérêt des patients qu'on laisse souffrir jusqu'au bout.

Le texte qui nous est proposé, à mon sens, n'a aucun rapport avec les soins palliatifs parce qu'il concerne des gens qui les ont refusés et ne veulent plus vivre. On se situe en dehors du domaine de la loi Leonetti. On ne peut s'arroger le droit de considérer que ces personnes ont l'obligation de vivre et leur faire violence au nom de l'ordre public. Il fut un temps où le suicide était pénalement condamné. Il ne l'est plus, mais il y a des gens qui n'ont plus la capacité physique de passer à l'acte. Il est difficile d'avoir conscience de tout cela lorsqu'on n'a pas personnellement vu des malades se battre pour vivre pendant des années, puis reconnaître qu'ils en sont arrivés à un stade où ils veulent en finir, qui renoncent.

Ces trois textes posent des questions qui méritent d'être posées. Parallèlement, il faut prendre des sanctions exemplaires contre les médecins qui, dans les maisons de retraite ou à l'hôpital, se permettent de hâter la mort de gens qui ne l'ont jamais souhaitée. Nous devons être davantage vigilants pour détecter et punir les abus. La clause de conscience doit être respectée : le médecin peut ne pas partager le « jugement » - excellent terme - sur la vie de ceux qui font cette requête. Je me suis demandé s'il fallait adopter un dispositif juridique a priori comme celui qui nous est ici proposé - qui peut exposer à des abus et qu'il faut encadrer - ou bien un dispositif a posteriori d'abandon des poursuites pénales, qui aurait le mérite d'inciter à réfléchir celui qui envisage d'apporter son assistance à un malade. Je ne souhaite pas en tout cas qu'on emploie dans ce texte le mot de « dignité » parce qu'aucun état de santé n'est indigne. En revanche, j'approuve la rédaction : « quand la personne la juge insupportable ». Je souhaite un débat au Parlement. Si celui-ci le refusait, il faillirait à sa mission. Je souhaite aussi qu'il débatte des abus actuels, pour y mettre fin. La volonté de chacun doit être respectée.

Mme Sylvie Desmarescaux. - Je salue l'objectivité de Jean-Pierre Godefroy qui, tout en étant l'auteur de l'un d'eux, a su être le rapporteur des trois textes. Pour moi, l'euthanasie est incompatible avec les soins palliatifs. Ces derniers existent, progressent et, cette année, toutes les régions seront dotées d'équipes dédiées à ces soins. Autre progrès : en 2010, a été votée l'allocation journalière pour ceux qui accompagnent leurs proches en fin de vie.

Sur ces propositions de loi, il ne faut pas reculer mais prendre le temps nécessaire. L'observatoire, créé en septembre dernier, est encore trop jeune, il faut lui laisser le temps de produire ses résultats et, alors, nous retravaillerons le sujet. La loi Leonetti n'est pas assez connue ; des médecins eux-mêmes l'ignorent ; elle est peut-être aussi mal utilisée. Elle permet d'arrêter tout traitement. On a donc le droit de ne pas subir un traitement. Mais on a aussi le droit de ne pas avoir mal. Il faut distinguer douleur et souffrance. Si ces propositions de loi étaient votées, elles créeraient une cassure entre soignants et soignés. Je ne les voterai pas aujourd'hui.

M. Jacky Le Menn. - Dans notre système de santé, tout a été fait pour toujours respecter la volonté du malade. Et il y aurait une exception au moment de la mort ? Au moment le plus essentiel d'une vie ? Je suis un fervent militant des soins palliatifs et, en province, c'était dans mon établissement qu'on en a créé le premier service. Mais il n'y a aucune contradiction entre ces soins et l'assistance médicalisée pour mourir. La loi Leonetti ne traite pas tous les cas, elle laisse chaque médecin libre de l'interpréter, y compris dans les situations les plus insupportables. Lorsque j'étais directeur d'hôpital, j'ai vu des médecins réanimateurs s'écrouler, bouleversés par la décision qu'ils devaient prendre. Ils auraient préféré faire face à une définition légale plutôt qu'à des injonctions paradoxales et à la culpabilité des actes qu'ils étaient amenés à commettre. Et leur malaise s'étendait à toute leur équipe.

Nous ne pouvons continuer à nous soustraire à notre devoir de législateur. Le problème transcende toutes les sensibilités politiques et même les convictions religieuses. Je suis catholique et pourtant je ne suis pas choqué par de telles propositions de loi. Après tout ce que j'ai vécu, je les soutiendrai afin de ne plus laisser d'autres prendre, au cas par cas, des décisions qui les détruisent.

M. René Teulade. - Ce débat est passionnant, délicat, il honore le Parlement. C'est une question à laquelle j'ai été personnellement confronté et, en vous écoutant, je revis les moments difficiles où on m'a demandé de prendre une décision pour une personne de ma famille.... Nous devons être fiers de ce que notre pays a accompli depuis plus d'un demi-siècle pour lutter contre la plus intolérable des inégalités, l'inégalité devant la souffrance et la maladie. C'est pourquoi nous luttons aujourd'hui pour que ne soit pas remis en cause notre système de santé et de sécurité sociale. Il ne faudrait pas non plus que le droit de choisir sa fin de vie soit réservé à ceux qui ont une certaine culture, une certaine vision de l'au-delà. Il y a là aussi un problème d'égalité. Comment expliquer qu'on respecte la volonté du malade en toute occasion sauf à la fin de sa vie ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Les sondages que l'on a mentionnés sont clairs et complémentaires : les gens veulent qu'on diminue les souffrances et qu'on maîtrise la mort, dans les meilleures conditions. Monsieur Lardeux, les dispositions de l'article 5 sont calquées sur celles relatives à l'IVG, pour laquelle la clause de conscience avait été admise et n'a pas posé de problème.

Oui, monsieur Lorrain, nous préférons renvoyer au corps médical plutôt qu'aux associations, comme en Suisse, et, ce faisant, nous reconnaissons leur responsabilité scientifique et leur rôle éminent. Mais nous prenons la précaution que le médecin puisse s'entourer de conseils et que l'acte d'assistance médicalisée soit réalisé « sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande ». Cela signifie que ce n'est pas lui qui le réalise. Nous avons essayé de prendre toutes les précautions pour que le médecin ne souffre pas. En 2005, lors des débats sur la loi Leonetti, j'avais été épouvanté par l'état de certains médecins, détruits par les décisions qu'ils avaient dû prendre.

Madame Hermange, contre les abus de faiblesse et la non-assistance à personne en danger, nous prenons toutes les précautions. Il ne faut pas lier ce texte avec nos discussions sur la dépendance : ce serait catastrophique !

J'ai apprécié l'intervention de M. About. Comme lui, je pense que la loi Leonetti ne règle pas tous les cas. J'avais été frappé par la conclusion du livre « L'ultime liberté ? » d'Axel Kahn où il conseillait d'instruire avec humanité le cas des médecins qui, en des circonstances exceptionnelles, sont amenés à transgresser les règles de leur profession, dans la lettre plus que dans l'esprit. C'est cela que tentent de régler ces propositions de loi. Je préfère que la loi fixe des règles plutôt que de voir des médecins se retrouver devant des juges, et peut-être des jurys populaires, lesquels peuvent ne pas avoir la même appréciation selon les juridictions et à qui, finalement, on demande de transgresser eux-mêmes la loi. Mieux vaut une loi, que le juge doit appliquer et en fonction de laquelle il doit réprimer les abus. Comme l'a dit Mme Procaccia on respecte le testament d'un mort. Pourquoi ne respecterait-on pas le testament d'une personne en fin de vie ?

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Mme Muguette Dini, présidente. - Nous allons maintenant examiner les amendements du rapporteur, amendements dont l'objectif est moins d'améliorer le texte que de synthétiser les trois textes en une rédaction unique.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Comme ce sera le cas pour l'ensemble du texte, j'ai préparé, par l'amendement n° 1, une nouvelle rédaction de l'article 1er susceptible de constituer une position de compromis. Cet article ouvre le droit à une assistance médicalisée pour mourir. Il nous conduit à aborder quatre questions : trois de nature technique - insertion dans le code de la santé publique, dénomination du nouveau droit et définition ; la dernière, plus fondamentale, est celle des personnes susceptibles de demander une aide médicalisée pour mourir.

S'agissant du choix de l'insertion dans le code de la santé publique, il m'a semblé que la reconnaissance d'un droit à l'aide à mourir ne devait pas nécessairement figurer au sein de l'article L. 1110-2 du code de la santé publique comme le proposent les textes « Fouché » et « Fischer ». Cet article est relatif au respect de la dignité du malade. Or, la juxtaposition de l'affirmation de la dignité du malade et du droit à l'aide active à mourir pourrait être source d'ambiguïtés juridiques. Si l'on considère que la possibilité d'obtenir cette aide participe de la dignité des patients, sa mention explicite à l'article L. 1110-2 appellerait celle de l'ensemble des autres éléments constitutifs de la dignité. A défaut, certains pourraient considérer que l'aide active à mourir constitue un pendant, ou une alternative, à la dignité des patients, ce qui n'est pas la volonté des auteurs des textes examinés. Dès lors, par souci de clarté, je considère qu'il est préférable qu'elle figure à l'article L. 1110-9 qui concerne les soins palliatifs. Cette inscription paraît d'autant plus indiquée que l'aide active à mourir vient ainsi explicitement compléter la possibilité d'accéder aux soins palliatifs.

Pour ce qui concerne la désignation de l'aide active à mourir, je ne crois pas qu'il faille parler d'euthanasie. Ce mot, bien qu'il désignât la « bonne mort » dans la Grèce antique, paraît ici doublement inadéquat. D'une part, le terme d'euthanasie est devenu l'enjeu de débats éthiques importants, mais sans lien avec l'objet des propositions de loi, depuis le développement au XIXe siècle des politiques eugénistes. D'autre part, la notion de « bonne mort » renvoie à une norme socialement déterminée de ce que doit être la fin de vie. Or, c'est au contraire au renforcement de l'autonomie de l'individu et de sa capacité de choix, en dehors de toute pression sociale, que tendent les propositions de loi.

Je pense aussi que le terme de « suicide assisté »  serait impropre. En effet, si l'aide à mourir traduit la volonté du patient de mettre fin à ses jours, l'acte n'a pas à être pratiqué par lui. Surtout, l'aide à mourir veut rompre avec la violence dont le suicide est porteur, à l'égard de soi-même et des autres. Elle vise au contraire à garantir que le terme de l'existence sera un instant paisible et si possible d'accompagnement familial, comme c'est le cas en Belgique. Enfin, utiliser le terme de suicide pourrait être source d'incertitudes juridiques quant aux conséquences du recours à une aide active à mourir, notamment pour les contrats d'assurance.

Je vous propose de retenir le terme d'« assistance » plutôt que de celui d'« aide », qui traduit mieux le fait que l'acte médical sera conduit en application de la volonté expresse du malade qui le demande, et de préciser qu'elle est « médicalisée », ce qui ajoute une clarification utile sur la nature du soutien apporté à la décision de la personne en fin de vie. Bien qu'il ne relève plus des soins, ce soutien se situe dans leur prolongement et relève de la compétence et de l'encadrement des équipes médicales.

Enfin, je ne crois pas utile d'ajouter l'adjectif « active » pour qualifier l'assistance envisagée, considérant, avec le docteur Anne Richard, présidente de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs, que les soins palliatifs apportent déjà une aide active à mourir.

J'ai pensé nécessaire d'apporter une définition du nouveau droit de l'assistance médicalisée à mourir pour encadrer, avec plus de rigueur, son objet. Elle consisterait en « un acte délibéré, pratiqué dans un contexte médical et ayant pour but de provoquer une mort rapide et sans douleur ».

Dernier point : quelles sont les personnes susceptibles de demander une assistance médicalisée pour mourir ? Les critères ouvrant la possibilité d'être aidé à mourir et la procédure aboutissant à cette aide constituent le coeur même du débat souhaité par les auteurs des propositions de loi. La mise en place d'un nouveau droit aussi important que celui à la mort assistée, nécessite, pour être mis en oeuvre conformément à la volonté du législateur et prévenir toute dérive, l'encadrement le plus strict. Dès lors, il paraît nécessaire de cumuler les critères contenus dans les différentes propositions de loi pour déterminer qui pourra demander une aide à mourir. Ces critères sont, pour certains, empruntés à la loi Leonetti - « phase avancée ou terminale d'une pathologie grave et incurable » - auxquels je vous propose d'ajouter le « sentiment d'une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qui est jugée insupportable ». Dans le même souci, je vous propose de n'ouvrir cette faculté qu'aux personnes capables et majeures.

Enfin, la notion de dépendance contenue dans les propositions de loi « Fouché » et « Fischer » pouvant être interprétée de manière extrêmement large, jusqu'à englober la dépendance économique, je crois préférable de ne retenir que les cas d'affections ayant altéré la santé, étant entendu que la pathologie peut avoir une cause médicale aussi bien qu'accidentelle, afin que les personnes handicapées ne se trouvent pas exclues du droit à la mort aidée. La proposition de loi « Fischer » rejoignait la mienne sur ce point.

La rédaction de compromis que je vous propose pour l'article 1er reprend toutes les observations que je viens de vous présenter.

M. Nicolas About. - Ne serait-il pas préférable de viser les conditions « prévues par la loi » plutôt que « prévues au présent titre », afin de couvrir toutes les dispositions législatives concernées ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - La loi Leonetti est tout entière codifiée dans ce titre.

L'amendement n° 1 est adopté et l'article 1er de la proposition de loi ainsi rédigé.

Article 2

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - L'assistance pour mourir implique, à mon sens, et c'est aussi ce que propose Alain Fouché, la participation du médecin traitant qui doit être le premier saisi de la demande : ce choix paraît légitime car il connaît bien le patient, avec lequel il a établi une relation de confiance. Prévoir d'élargir la saisine, comme le veut le texte de Guy Fischer, à « tout médecin de premier recours », m'a semblé excessif. Le médecin devra ensuite saisir l'équipe soignante en charge du malade, en même temps que deux autres praticiens - et non un seul, ceci afin de s'assurer que se dégage une position majoritaire - afin d'évaluer avec eux la situation. Les médecins devront informer le malade sur le recours aux soins palliatifs, afin de s'assurer que le défaut de soins ou la méconnaissance de la loi Leonetti ne sont pas à l'origine de sa décision. Ils devront contrôler l'état médical du patient et s'assurer par deux fois de sa volonté : au moment de la demande, puis en présence de la personne de confiance qu'il aura désignée : il s'agit de s'assurer que la volonté du malade est bien libre et éclairée.

Le rapport statuera sur la conformité de la situation à la loi, en particulier de l'absence de perspective d'amélioration de la santé du patient et de moyens d'apaiser sa souffrance. Cet examen devra être mené, ainsi que le veut Guy Fischer, sur le fondement de critères scientifiques, hors toute approche subjective.

En matière de délais, j'avais envisagé un délai cout entre la dernière confirmation de la demande et l'acte d'assistance lui-même, mais j'étais prêt à me rallier au délai de quinze jours qui figure dans les deux autres propositions et qui laisse place à une longue réflexion. Ceci étant, je me demande si ce délai n'est pas trop long, dans le contexte particulier du malade, et je vous propose de retenir une position intermédiaire en le fixant plutôt à huit jours. La demande restera bien entendu révocable à tout moment. L'acte, enfin, devra être effectué en présence d'un médecin, comme cela est le cas en Belgique.

Tel est le sens de l'amendement n° 2.

M. Jean Desessard. - N'est-il pas contradictoire de prévoir, au cinquième alinéa, que l'acte « ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de huit jours » - puisque le rapporteur a corrigé le délai en ce sens - tout en précisant, à l'alinéa suivant, les conditions dans lesquelles ce délai peut être raccourci à la demande du malade ?

Mme Muguette Dini, présidente. - L'expression « Il ne peut avoir lieu avant l'expiration » gagnerait peut-être, en effet, à être remplacée par « Il a lieu après l'expiration ».

Mme Catherine Procaccia. - Le médecin doit pouvoir invoquer une clause de conscience, comme cela est le cas pour les gynécologues qui ne souhaitent pas pratiquer d'IVG. Or, la rédaction que vous proposez met le médecin traitant devant une obligation.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - La loi sur l'assurance maladie oblige à avoir un médecin traitant, et c'est la raison pour laquelle j'ai préféré qu'il soit le destinataire de la demande plutôt que le médecin de premier recours envisagé dans le texte de Guy Fischer. Par ailleurs, l'article 5 prévoit la clause de conscience pour l'ensemble des professionnels de santé. Dans ce cas, le médecin saisi devra adresser le patient à un confrère.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je voterai, par esprit de suite, contre cet article. Chaque cas posera un problème d'application. Je regrette que l'on confine ce débat au domaine médical. Pour la procréation médicalement assistée, la loi prévoit et un document écrit et un passage par le juge. Tel n'est pas le cas ici, au risque de créer un contentieux qui pénalisera les médecins.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Le rapport médical prévu au troisième alinéa est un document écrit, puisque le texte prévoit qu'il doit être remis au malade, et les directives anticipées le sont aussi. En outre, un contrôle judiciaire postérieur est bien prévu en cas de mise en oeuvre de la procédure d'assistance médicalisée.

Mme Isabelle Pasquet. - Quel serait le délai dans lequel le malade doit confirmer sa demande initiale ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Huit jours après le premier entretien, ainsi que cela est précisé au troisième alinéa, lorsque le rapport médical confirmant l'état de sa santé lui est remis.

Mme Isabelle Debré. - Votre texte prévoit que la révocation est à tout moment possible : encore faut-il que la personne malade soit en état de le faire.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - La procédure prévoit expressément que la demande d'assistance médicalisée doit être confirmée.

Mme Isabelle Debré. - Et si la personne n'est pas en état de le faire, par exemple si elle est tombée dans le coma depuis sa demande initiale ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - L'acte ne peut avoir lieu, bien évidemment, puisqu'il n'y aura pas confirmation de la demande.

Mme Isabelle Debré. - Cela signifie que la personne est exclue du dispositif ?

Mme Muguette Dini, présidente. - Si l'intéressé ne peut s'exprimer, l'assistance médicalisée pour mourir ne peut avoir lieu. Mais la personne n'est pas exclue du dispositif Leonetti.

L'amendement n° 2 rectifié est adopté et l'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - L'amendement n° 3 propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique relatif aux directives anticipées. Il a pour but d'autoriser l'auteur de telles directives à prévoir les circonstances dans lesquelles il souhaite que soit demandée pour lui une assistance médicalisée pour mourir dans l'hypothèse où il ne serait plus en mesure de s'exprimer lui-même le moment venu. Par souci de compromis, je vous propose par l'amendement n° 3 de retenir, ainsi que le souhaitent Alain Fouché et Guy Fischer, une durée de validité de trois ans de ces directives pour qu'elles puissent être prises en compte par les médecins.

M. Jean Desessard. - Je voterai l'article mais je déposerai un amendement en séance pour porter cette durée à cinq ans.

L'amendement n° 3 est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Cet article détermine la procédure nécessaire à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée pour mourir pour les personnes ayant établi des directives anticipées et demandant à être subrogées dans leur volonté en cas d'incapacité à s'exprimer. Il incombera aux personnes de confiance précédemment désignées par le malade de saisir le médecin traitant. L'examen médical portera sur l'état médical du patient. Pour la mise en oeuvre de l'aide, une fois la décision dûment prise et confirmée, un délai de deux jours me semble en ce cas suffisant. Tel est l'objet de l'amendement n° 4.

L'amendement n° 4 est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

Article 4 bis

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - L'amendement n° 5 insère un article 4 bis qui prévoit la procédure de contrôle des actes d'assistance médicalisée et dispose que les personnes y ayant recours seront réputées décédées de mort naturelle, notamment à l'égard des contrats d'assurance.

Mme Catherine Procaccia. - Cela supposera de modifier parallèlement le code des assurances.

L'amendement n° 5 est adopté et l'article 4 bis est ainsi rédigé.

Article 5

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - L'article 5, dans la rédaction de l'amendement n° 6, reconnaît une clause de conscience aux professionnels de santé qui ne souhaitent pas participer à une procédure d'assistance médicale pour mourir.

L'amendement n° 6 est adopté et l'article 5 est ainsi rédigé.

Article 6

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - L'article 6, dans la rédaction de l'amendement n° 7, prévoit la mise en place d'une formation des professionnels de santé sur l'assistance médicalisée pour mourir.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Que faites-vous des infirmières et des pharmaciens, également impliqués ?

L'amendement n° 7 est adopté et l'article 6 est ainsi rédigé.

Article 7

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Gager cette proposition de loi n'est pas constitutionnellement requis, dont acte. Il n'est donc pas utile de maintenir cet article.

L'amendement n° 8 est adopté, et l'article 7 est supprimé.

Intitulé

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - L'amendement n° 9 vise à modifier l'intitulé du texte pour tenir compte des modifications que nous venons d'adopter. Celui-ci deviendrait « proposition de loi relative à l'assistance médicalisée pour mourir ».

L'amendement n° 9 est adopté. L'intitulé est ainsi rédigé.

La proposition de loi est adoptée dans le texte issu des travaux de la commission.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je regrette que l'on n'ait eu connaissance que tardivement des amendements sur lesquels nous avons dû nous prononcer.

M. Jean Desessard. - C'est une pratique à laquelle nous sommes habitués.

Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous remercie pour la qualité de ce débat.

Recherches impliquant la personne humaine - Désignation des candidats à une commission mixte paritaire

La commission procède ensuite à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants appelés à faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.

Sont désignés comme candidats titulaires : Muguette Dini, Marie-Thérèse Hermange, Paul Blanc, Catherine Deroche, Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon et François Autain et comme candidats suppléants : Gilbert Barbier, Brigitte Bout, Guy Fischer, Marc Laménie, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain et Patricia Schillinger.

Mercredi 19 janvier 2011

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Organisation de la médecine du travail - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède à l'examen du rapport Mme Anne-Marie Payet sur la proposition de loi n° 106 (2010-2011), de M. Nicolas About et les membres du groupe de l'Union centriste, relative à l'organisation de la médecine du travail.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Cette proposition de loi reprend les dispositions relatives à la médecine du travail adoptées dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites et annulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 novembre 2010, au motif qu'elles n'avaient « pas de lien, même indirect » avec ce texte.

L'organisation de la médecine du travail en France découle de la loi du 11 octobre 1946. Les principes en sont le caractère obligatoire et la mise à la charge des employeurs ; l'orientation exclusivement préventive ; l'indépendance technique et le respect de la déontologie médicale ; enfin, la spécialisation des médecins du travail. Un décret de 1969 prévoit que le médecin du travail passe un tiers de son temps sur les lieux de travail.

La directive européenne du 12 juin 1989 sur la santé et la sécurité au travail a introduit une approche de prévention primaire, en imposant l'évaluation a priori des risques, et a souligné l'importance de disposer de compétences diversifiées. La loi de modernisation sociale de 2002 a donc renforcé la protection statutaire des médecins du travail, remplacé la dénomination de « services médicaux du travail » par celle de « services de santé au travail » et prévu le recours à des ressources spécialisées non médicales. Un décret de 2003 a rendu obligatoire la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail. Enfin, un décret du 28 juillet 2004 a renforcé l'activité de prévention dans le milieu du travail et redéfini la charge de travail des médecins du travail. Il a modifié en outre les règles de constitution des services de santé au travail et porté de douze à vingt-quatre mois la périodicité des examens médicaux.

Malgré ces améliorations, une nouvelle réforme est apparue nécessaire. Il s'agit notamment de faire des services de santé au travail les acteurs principaux d'un dispositif de traçabilité des risques professionnels, pour stimuler la prévention et les actions correctrices.

Le rapport Conso-Frimat en 2007, puis le rapport Dellacherie ont plaidé pour un approfondissement des réformes, pour la réorganisation des services de santé au travail, et pour des actions visant à enrayer la crise démographique que connaît la médecine du travail. Plus de 55 % des 6 800 médecins du travail ont plus de cinquante-cinq ans ; 4 000 médecins auront atteint l'âge légal de départ à la retraite d'ici cinq ans, et plus de 5 600 - soit 80 % - d'ici dix ans. La France compte toutefois la moitié des médecins du travail d'Europe, ce qui signifie que nos partenaires ont retenu des organisations différentes.

En 2008, le ministre du travail a adressé un document d'orientation aux partenaires sociaux, qui ont négocié de janvier à septembre 2009. Le protocole d'accord établi n'ayant pu recueillir l'assentiment des syndicats, le Gouvernement a engagé lui-même la réforme, sur la base du résultat des négociations, par amendement au projet de loi portant réforme des retraites, suscitant d'importants débats tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Cette réforme a fait l'objet d'un accord au sein de la commission mixte paritaire, avant que le Conseil constitutionnel n'annule ses dispositions pour des raisons formelles.

L'article 1er de la proposition de loi énonce les missions confiées aux services de santé au travail, qui « ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Le texte conforte la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail interentreprises, en précisant que les médecins du travail « animent l'équipe pluridisciplinaire ». En outre, les services de santé au travail interentreprises devront élaborer un projet de service pluriannuel qui définira leurs priorités.

Actuellement, l'employeur n'est tenu à répondre que sur les mesures individuelles proposées par les médecins du travail ; l'article 2 l'oblige à prendre en considération les mesures proposées par le médecin qui constaterait la présence d'un risque collectif pour la santé des travailleurs et à motiver par écrit un éventuel refus d'y donner suite. Cet échange sera tenu à la disposition de l'inspection du travail et des caisses de sécurité sociale.

La gouvernance des services de santé au travail interentreprises, qui fait l'objet de l'article 3, a donné lieu à un large débat lors de la réforme des retraites. Aujourd'hui, les représentants des salariés composent le tiers du conseil d'administration des services interentreprises ; désormais, ce conseil sera composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés. Le président sera élu parmi les représentants des employeurs et aura une voix prépondérante en cas de partage. Le vice-président du conseil sera élu parmi les représentants des salariés. Le directeur du service interentreprises sera chargé de mettre en oeuvre, en lien avec l'équipe pluridisciplinaire et sous l'autorité du président, les actions approuvées par le conseil d'administration dans le cadre du projet pluriannuel.

En réponse à la crise démographique que traverse la médecine du travail, l'article 8 permet aux services interentreprises de recruter à titre temporaire un interne de la spécialité. D'autres dispositions prévoient des dérogations, soit par accord collectif de branche, soit par voie réglementaire, pour certaines professions spécifiques. Enfin, deux articles visent à adapter la gouvernance des services interentreprises dans le secteur agricole.

Ce texte comporte des avancées importantes, même s'il ne satisfait pas complètement les organisations syndicales, plusieurs syndicats souhaitant une présidence alternée entre représentants des employeurs et représentants des salariés. La définition des missions des services de santé au travail, la meilleure prise en compte des observations du médecin du travail ou le caractère désormais paritaire des conseils d'administration sont toutefois des progrès incontestables.

Je vous propose donc d'approuver ce texte, qui a déjà reçu l'accord du Parlement, en l'améliorant quelque peu. Outre plusieurs amendements rédactionnels, je proposerai, pour renforcer les garanties d'indépendance du médecin du travail, d'assimiler celui-ci à un salarié protégé en cas de rupture conventionnelle, de rupture anticipée ou d'arrivée à terme du CDD, et de transfert. La décision sera alors soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail.

Un autre amendement donne une base législative à la commission médico-technique des services de santé au travail interentreprises, tout en la chargeant d'élaborer le projet de service pluriannuel pour éviter de créer une nouvelle commission de projet.

De même, je vous propose de donner valeur législative au comité interentreprises et à la commission de contrôle chargés de surveiller l'organisation et la gestion du service de santé au travail. Cette dernière est composée pour deux tiers de représentants des salariés.

Enfin, il me semble nécessaire de faire figurer explicitement parmi les missions des services de santé au travail la prévention de la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, question trop souvent taboue.

Il y a désormais urgence à adopter ce texte, qui sera suivi d'importantes dispositions réglementaires. Compte tenu de la pénurie de médecins du travail, les services de santé au travail et les employeurs sont confrontés à la « formalité impossible », c'est-à-dire qu'ils ne sont pas en mesure de respecter les obligations qui leur sont imposées. Cette proposition de loi ne résoudra pas toutes les difficultés mais contribuera à moderniser le système de santé au travail et à renforcer la prévention des risques dans les entreprises.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous sommes d'accord pour faire figurer la prévention de la consommation d'alcool et de drogue parmi les missions de la médecine du travail, d'accord également pour donner valeur législative à la commission de contrôle.

Mais pourquoi assimiler le médecin du travail à un salarié protégé ? En quoi cela renforce-t-il son indépendance et sa protection ?

Je regrette que cette proposition de loi reprenne le texte issu de la commission mixte paritaire, qui était en retrait par rapport à ce que le Sénat avait voté à la quasi-unanimité. On nous propose un faux paritarisme : c'est toujours l'employeur qui préside, avec voix prépondérante ! La rédaction du Sénat prévoyait une alternance pour les postes de président et de trésorier. Je souhaite qu'on y revienne.

M. André Lardeux. - La première mission du service de santé au travail est « d'éviter toute altération de la santé du travailleur ». Est-ce à dire que pèse sur lui, non une obligation de moyens mais une obligation de résultat ? Ce serait le meilleur moyen de tuer la médecine du travail !

L'employeur pourra désigner des « salariés compétents » pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. En cas de problème, leur responsabilité pourra-t-elle être recherchée au même titre que celle de l'employeur ou du médecin ?

L'obligation d'un échange écrit entre le médecin du travail et le chef d'entreprise posera problème dans les très petites entreprises, où l'employeur n'a ni les moyens ni le temps d'y répondre.

Je m'inquiète du coût que représenterait un paritarisme absolu au sein du conseil d'administration. Si l'employeur préside le conseil d'administration bénévolement, le salarié, lui, devra être indemnisé.

La France compte plus de la moitié des médecins du travail d'Europe, dites-vous. La santé au travail est-elle plus mauvaise chez nos voisins ? Si ce n'est pas le cas, est-ce donc que notre système est inutile ?

Je voterai contre le rapport, et contre le texte en séance publique. On cherche par ce texte à s'excuser auprès des syndicats de la petite misère qui leur a été faite avec la réforme des retraites... mais ils ne sont pas dupes !

Je regrette que cette réforme soit venue sous forme d'amendements, ce qui nous prive du filtre juridique du Conseil d'Etat. Surtout, elle ne répond pas au problème de la pénurie de médecins du travail. L'article 8 n'aura guère d'effet. Les conditions d'exercice, la rémunération de la profession ne sont pas si mauvaises qu'on le dit : le manque d'appétence pour cette profession a donc d'autres explications. En votant ce texte, on se moque du monde !

Mme Annie David. - Je regrette moi aussi que cette réforme vienne sous forme de proposition de loi, sans passer par le Conseil d'Etat.

Je regrette également que la proposition de loi ne reprenne pas le texte voté par le Sénat, notamment concernant la gestion paritaire. Une présidence tournante aurait plus de crédibilité et l'alternance avec le trésorier éviterait bien des suspicions.

Enfin, pour répondre à M. Lardeux, je dirai qu'un salarié président ne coûterait pas plus cher qu'un président employeur : il continuerait à toucher son salaire pendant ses heures de présidence.

M. Paul Blanc. - C'est l'entreprise qui paiera !

Mme Annie David. - Je regrette que l'indépendance des médecins ne soit pas mieux respectée. Ce ne sont pas eux qui définissent leurs missions mais le directeur du service de santé au travail, qui, il faut bien le dire, est à la solde du patronat !

M. Paul Blanc. - Du Medef ! Du Cac 40 !

Mme Annie David. - On ne répond pas aux besoins des salariés. Comment sera constituée la commission médico-technique ? Qui en définira les missions ?

Pour tenter d'enrayer la crise des vocations, il faut revaloriser l'image de la médecine du travail : ce n'est pas une branche de second ordre de la médecine.

Les équipes pluridisciplinaires sont une bonne chose mais leurs membres devraient bénéficier du même statut de salarié protégé que le médecin du travail.

Les « salariés compétents » désignés par les chefs d'entreprise devraient bénéficier d'une formation adaptée. Qu'en est-il de leur responsabilité ?

Je ne peux dire quel sera notre vote en séance publique. Il y urgence à réformer la santé au travail, trop de salariés sont en souffrance. Mais ce texte s'arrête au milieu du gué...

M. Marc Laménie. - Quelles solutions propose-t-on pour enrayer la crise des vocations et assurer le renouvellement démographique des médecins du travail ?

M. Bruno Gilles. - Je m'inquiète moi aussi de la pénurie de médecins du travail.

J'ai déposé trois amendements visant à concilier la réforme de la santé au travail avec l'exigence d'une indépendance renforcée des médecins du travail, sur laquelle insiste le rapport de juin 2010 du Conseil national de l'ordre des médecins. Il faut notamment que le médecin du travail anime et « coordonne » davantage l'équipe pluridisciplinaire.

M. Claude Jeannerot. - Pourquoi refuser une présidence alternée du conseil d'administration ? Je n'y vois aucun risque et il y a une attente de paritarisme.

En quoi la proposition de loi est-elle de nature à apporter une solution au problème de la démographie médicale ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Cette proposition de loi, que j'ai cosignée, renforce le paritarisme, mais pourquoi ne pas prévoir la présidence alternée du conseil d'administration comme cela se fait dans les conseils de prud'hommes ? Je déposerai un amendement en ce sens. Nous nous honorerions à ne pas rester au milieu du gué.

Il faut protéger au maximum l'indépendance du médecin du travail. Dans le cas de l'amiante, certains nous ont dit n'avoir pu remplir correctement leur mission... Je suis d'accord pour mettre en avant son rôle de coordination et d'animation de l'équipe pluridisciplinaire.

Enfin, il n'y a pas de solution miracle au problème de la démographie médicale, qui est général. La rémunération n'est pas le seul levier ; un temps de travail encadré peut aussi séduire les femmes, qui sont de plus en plus nombreuses à exercer la profession.

Mme Gisèle Printz. - Si le médecin du travail constate qu'un salarié n'est plus apte à remplir ses fonctions, ce dernier sera-t-il muté ? D'expérience, je sais que les choses ne se passent pas toujours pour le mieux...

M. Ronan Kerdraon. - Le Gouvernement a voulu faire passer à la hussarde cette réforme qui ne règle en rien les problèmes d'attractivité, de formation, de revalorisation de la médecine du travail. Je passe sur la question du paritarisme. Ni les syndicats ni l'ordre des médecins ne soutiennent ce texte ! Je souhaite que le Sénat fasse entendre sa petite musique, comme il a su le faire hier sur un autre sujet.

Mme Catherine Deroche. - L'indépendance du médecin du travail est garantie : le directeur du service de santé au travail n'a pas droit de regard sur l'activité du médecin et celui-ci ne lui rend pas compte. Mais qu'entendez-vous par un statut de « salarié protégé » ?

Je suis favorable à la prévention de la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, mais je constate que les syndicats sont moins allants quand il s'agit de mettre en place un contrôle effectif... Sur le paritarisme, le texte proposé me convient.

Le problème de la démographie médicale est général. Laissons les médecins se concentrer sur l'exercice de la médecine plutôt que de leur imposer toutes sortes de commissions et de réunions. Or, on charge encore la barque. 

Enfin, il est vrai que la profession médicale se féminise mais il n'y a pas lieu de cantonner les femmes à la médecine scolaire et à la médecine du travail !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Attention à ne pas passer d'une logique de prévention à une logique de gestion.

La médecine du travail est peu valorisée. Peut-être est-ce aussi parce qu'elle relève du code du travail et non du code de santé publique ?

Enfin, les membres des équipes pluridisciplinaires autres que les médecins n'ont pas de statut défini dans le code du travail, ce qui pose un problème de gestion.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - La question du paritarisme a été longuement débattue à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Un équilibre a été trouvé en commission mixte paritaire : il serait difficile, et discourtois, de revenir sur cet accord. En outre, c'est l'employeur qui finance toutes les dépenses afférentes à la santé au travail et qui est personnellement responsable de la sécurité de ses salariés.

Aujourd'hui, le médecin du travail n'est protégé qu'en cas de licenciement. Or certains se sont dits harcelés par leur employeur. Mes amendements renforcent leur protection en soumettant la non-reconduction de leur contrat ou leur transfert à l'autorisation de l'inspection du travail.

Le texte n'introduit pas d'obligation de résultat : la définition de la médecine du travail, qui date de la loi de 1946, n'est pas modifiée.

La responsabilité du « salarié compétent » ne sera pas recherchée : l'employeur reste responsable de la sécurité de ses salariés.

Concernant les échanges écrits entre le médecin et l'employeur, il faudra que la mesure soit appliquée avec souplesse pour les très petites entreprises.

Le Royaume-Uni ou l'Allemagne comptent relativement moins d'accidents du travail déclarés que nous, mais bénéficient de la pluridisciplinarité et de l'aide des médecins généralistes. La France pourrait s'inspirer de ces exemples.

S'agissant de l'indépendance des médecins, la proposition de loi ne modifie pas les articles du code du travail qui permettent de la faire respecter et les médecins sont toujours soumis au code de déontologie. Qui plus est, le statut protégé est renforcé.

Un amendement supprime la commission de projet ; c'est la commission médico-technique qui sera chargée du projet pluriannuel.

Le problème de la démographie médicale est réel et il est amplifié pour les médecins du travail. Faire appel à des internes ne réglera pas tout, mais le rôle d'animation de l'équipe pluridisciplinaire et l'accent mis sur les problèmes psychologiques pourraient inciter des étudiants à s'orienter davantage vers la médecine du travail et des médecins à se reconvertir dans cette spécialité.

Enfin, la proposition de loi ne touche pas à la question de l'aptitude des salariés.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Je ne suis pas favorable à l'amendement n° 1 de M. Gilles, satisfait par l'article L. 4622-3 du code du travail. Il faut préciser les missions des services de santé au travail et non seulement celles des médecins.

L'amendement n° 1 est retiré.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Mon amendement n° 4 fait figurer parmi les missions des services de santé au travail la prévention de la consommation d'alcool et de drogues sur le lieu de travail. Entre 10 % et 20 % des accidents du travail sont dus à la consommation d'alcool, et la drogue entraîne des problèmes de sécurité, sans parler de ses conséquences économiques et sociales. L'alcoolisme dans l'entreprise reste un sujet tabou, alors que 8 % des salariés seraient concernés.

L'amendement n° 4 est adopté.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 5, nous confortons la pluridisciplinarité dans les services de santé dits « autonomes », en prévoyant que les médecins du travail participent, avec les salariés, aux activités de protection et de prévention des risques professionnels.

L'amendement n° 5 est adopté.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - L'amendement n° 2 de M. Gilles laisse penser que le médecin ne fait pas partie de l'équipe pluridisciplinaire, ce qui va contre l'objectif de ce texte, qui est de renforcer la pluridisciplinarité : je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Bruno Gilles. - Il faut bien rappeler le rôle prééminent du médecin dans l'équipe pluridisciplinaire, en précisant qu'il en prescrit les interventions. Avec la rédaction actuelle, le médecin risque d'être noyé au sein de l'équipe pluridisciplinaire.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Le verbe prescrire paraît cependant impropre, puisque le médecin ne dirige pas l'équipe pluridisciplinaire et que le point de savoir si un médecin du travail a le droit de prescrire un médicament fait l'objet d'un débat. L'alinéa 10 précise qu'il anime l'équipe, vous avez satisfaction.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Cette précision n'arrive qu'en fin d'article, ce n'est guère valorisant ! Je voterai cet amendement.

M. Nicolas About. - Ne peut-on parvenir à une rédaction qui satisfasse tout le monde, en précisant qu'au sein des équipes pluridisciplinaires chargées des missions des services de santé au travail, les médecins prescrivent les interventions ?

M. Bruno Gilles. - Cela revient à la rédaction proposée par mon amendement.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Le verbe prescrire ne convient pas, le médecin n'a pas à prescrire ce que fait l'équipe pluridisciplinaire. Pour autant, je soutiens le renforcement de la place du médecin du travail.

Mme Catherine Procaccia. - L'objet mentionne un pouvoir de prescription, ce qui serait excessif, mais le texte même de l'amendement est satisfaisant.

M. Jean-Louis Lorrain. - Le rôle du médecin, c'est d'animer, de coordonner l'équipe pluridisciplinaire, dans le respect des compétences de chacun. Quant à la prescription, elle ne correspond pas au seul registre médical, elle n'est pas nécessairement autoritaire : on peut prescrire... une proposition !

M. Bruno Gilles. - Effectivement, on ne prescrit pas seulement des médicaments, le terme est parfaitement compatible avec la fonction de coordination.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Nous pourrions accepter l'amendement, à condition d'en retirer, au II, les mots : « et prescrivent ses interventions ».

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Ce texte concerne la médecine du travail et il est bien normal qu'il valorise la place du médecin du travail. Le médecin est responsable et il faut veiller à son indépendance.

Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous propose de voter par division. Le II ne paraît pas poser de problème, nous pourrions commencer par le voter.

M. Bruno Gilles. - Je préfère un vote sur l'ensemble.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous sommes favorables au II, mais nous nous abstiendrions sur le I.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 6, nous précisons l'alinéa 12, pour mieux articuler les missions générales des services de santé au travail et le contrat d'objectifs et de moyens.

Mme Annie David. - L'alinéa 12 mentionne des « missions », pourquoi remplacez-vous ce terme par celui de « priorités » ? Qui définira ces priorités ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Nous nous soucions de bien articuler ces missions avec le contrat d'objectifs et de moyens et les priorités seront incluses dans ce contrat par accord entre le service de santé, l'Etat et les caisses de sécurité sociale.

L'amendement n° 6 est adopté.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 7, nous relions le contrat d'objectifs et de moyens et la convention bipartite prévue dans le code de la sécurité sociale et signée entre les services de santé au travail et les organismes de sécurité sociale.

L'amendement n° 7 est adopté.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 8, nous renvoyons au décret les modalités d'application du contrat d'objectifs et de moyens.

L'amendement n° 8 est adopté.

Les amendements de précision nos 9 et 10 sont adoptés, de même que l'amendement de cohérence n° 11.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 12, nous précisons la procédure quand le médecin du travail transmet des préconisations à la demande de l'employeur.

L'amendement n° 12 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 3

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 13, nous définissons, dans la partie législative du code, les organes chargés de surveiller l'organisation et la gestion du service de santé au travail.

M. Paul Blanc. - Ce texte vise à renforcer l'indépendance de la médecine du travail mais on précise ici qu'il faut la surveiller : qui surveillera quoi ? Avec quel pouvoir de sanction ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Cette surveillance existe déjà, nous ne faisons que la consacrer dans la loi.

M. André Lardeux. - Si cette matière est réglementaire, pourquoi légiférer ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - La loi précisera désormais la composition du conseil d'administration ; nous respectons un parallélisme des formes. Ce texte fait entrer plusieurs dispositions réglementaires dans le champ de la loi.

M. Nicolas About. - Effectivement, ce texte donne un statut légal à plusieurs dispositions aujourd'hui réglementaires. Ensuite, la surveillance ne porte pas ici sur les actes médicaux mêmes, qui relèvent de la responsabilité du médecin, mais sur l'organisation et la gestion du service de la santé au travail. Cette surveillance est tout à fait légitime.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous voterons l'amendement.

Mme Annie David. - Nous aussi.

L'amendement n° 13 est adopté, il devient article additionnel.

Article 4

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 14, nous inscrivons dans la loi l'existence de la commission médico-technique et nous lui confions la mission d'élaborer le projet de service pluriannuel du service de santé au travail interentreprises.

L'amendement n° 14 est adopté.

L'amendement n° 3, satisfait, est retiré par son auteur, Bruno Gilles.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'amendement de conséquence n° 15 est adopté.

L'article 5 est supprimé.

Articles additionnels après l'article 5

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 16, nous soumettons à l'accord de l'inspection du travail la rupture conventionnelle du contrat d'un médecin du travail, comme c'est le cas pour les salariés protégés.

M. Guy Fischer. - Les ruptures conventionnelles atteignent un chiffre record, nous avions raison de vous alerter contre ce dispositif !

M. Nicolas About. - Nous l'avions fait de notre côté également !

L'amendement n° 16 est adopté, il devient article additionnel.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 17, nous faisons intervenir l'inspecteur du travail, également, pour la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée d'un médecin du travail.

L'amendement n° 17 est adopté, il devient article additionnel.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 18, nous faisons bénéficier le médecin du travail de la procédure protectrice prévue à l'article L. 2421-8 du code du travail en cas de non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée.

L'amendement n° 18 est adopté, il devient article additionnel.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 19, nous prévoyons que le transfert, même partiel, du médecin du travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail et après avis du médecin inspecteur du travail.

L'amendement n° 19 est adopté, il devient article additionnel.

Article 6

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 20, nous prévoyons un délai de dix-huit mois pour parvenir à un accord collectif de branche, après quoi le Gouvernement est habilité à prendre des mesures par décret en Conseil d'Etat.

Mme Annie David. - N'est-ce pas un peu long ? Pourquoi pas un an ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Le délai de dix-huit mois est couramment utilisé en matière de négociations collectives.

L'amendement n° 20 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. - Par l'amendement n° 21 rectifié, nous précisons certaines conditions de fonctionnement des commissions paritaires d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail en agriculture.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Ces commissions sont paritaires, cela démontre bien que le paritarisme est possible !

M. Guy Fischer. - Pourquoi le refuser aux salariés ?

L'amendement n° 21 rectifié est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'amendement de coordination n° 22 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

L'amendement rédactionnel n° 23 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'ensemble de la proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Audition de M. Jean-Luc Harousseau, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du collège de la Haute Autorité de santé

La commission procède ensuite à l'audition de M. Jean-Luc Harousseau, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du collège de la Haute Autorité de santé.

Mme Muguette Dini, présidente. - A la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, notre commission est appelée à donner son avis sur le projet de nomination, par le Président de la République, du président du collège de la Haute Autorité de santé.

Il nous est déjà arrivé de procéder à l'audition d'un candidat : c'était en février dernier, pour le comité consultatif national d'éthique, et il s'agissait de M. Alain Grimfeld.

Mais c'est la première fois que nous sommes amenés à accomplir la procédure constitutionnelle jusqu'à son terme : l'article 3 de la loi organique, adoptée le 23 juillet 2010, fixe désormais les conditions dans lesquelles nous devons procéder au vote qui suivra l'audition. Je vous en indiquerai les modalités le moment venu.

Monsieur Harousseau, je vous souhaite la bienvenue devant notre commission. Vous venez d'être auditionné par nos collègues députés, vous êtes donc désormais rompu à l'exercice qui vous attend.

Nous connaissons bien la Haute Autorité de santé et nous considérons qu'elle est un acteur central du secteur de la santé et un intervenant compétent et respecté.

Nous serons donc particulièrement vigilants sur le choix de celui qui devra la diriger.

Voulez-vous nous présenter votre parcours professionnel, puis nous indiquer vos idées, vos projets, vos ambitions pour la Haute autorité de santé ?

M. Jean-Luc Harousseau. - Je mesure l'honneur qui m'est fait de présenter devant vous ma candidature à la présidence de la Haute Autorité de santé.

Je suis médecin de métier et je trouve tout à fait légitime, quoi que la presse en dise parfois, que la Haute Autorité soit confiée à un médecin, non seulement parce qu'elle est au service des patients, mais encore parce que l'une de ses missions, et non la moindre, est scientifique. Ma formation et mon expérience d'hématologue, c'est-à-dire en fait en cancérologie, m'ont donné au moins deux compétences : celle de savoir écouter les patients, tant l'écoute est nécessaire lorsqu'on soigne une personne atteinte d'une maladie grave et qui en souffre durablement ; celle aussi d'être à l'affût de l'innovation, tant les progrès en hématologie sont rapides - et si, en travaillant de près avec des laboratoires pharmaceutiques, j'ai eu la joie de voir découvertes de nouvelles molécules efficaces contre les maladies, j'ai aussi eu à déplorer certaines pratiques commerciales de ces laboratoires.

Je suis professeur d'université, avec à mon actif environ cinq cents publications internationales, et reconnu comme expert en particulier du myélome. J'ai été chef de service au sein du centre de lutte contre le cancer René Gauducheau, à Nantes, et j'ai mesuré à ce titre l'importance du travail coopératif pour porter haut le flambeau de la recherche clinique française. Je suis parvenu à fusionner deux centres de lutte contre le cancer, ceux de Nantes et d'Angers, pour former le plus grand centre hors Paris, à l'avantage des patients.

J'ai également géré une grande collectivité territoriale, en assurant pendant deux ans la présidence du conseil régional des Pays de la Loire, occasion de m'ouvrir à bien des questions hors du champ médical, mais aussi de gérer des budgets publics. Ces compétences me seraient très utiles pour gérer la Haute Autorité, qui compte quatre cent dix salariés et un budget de 65 millions d'euros.

Je ne suis pas en mesure de vous présenter mon programme à la présidence de la Haute Autorité, ceci pour trois raisons.

La première, c'est qu'ayant été sollicité fin décembre pour cette fonction, je n'ai guère eu le temps de préparer un tel programme. Je découvre l'institution de l'intérieur, avec l'avantage d'un oeil neuf, mais aussi le souci de bien prendre la mesure de ce qui est souhaitable et possible.

La deuxième, c'est qu'on ne peut plus faire l'économie d'une réflexion européenne pour l'exercice de la mission d'évaluation. La Haute Autorité est notre agence nationale d'évaluation, elle doit renforcer ses relations de travail avec ses homologues allemande et britannique, par exemple, mais il est évident que la réflexion doit être européenne : certains pays n'ont pas d'agence d'évaluation et comme l'évaluation coûte cher, des mutualisations sont souhaitables ; l'hypothèse d'une agence européenne est à examiner, à tout le moins celle de coopérations renforcées.

La troisième, c'est que le drame du Mediator provoque un véritable séisme dont on ose espérer qu'il sera le dernier, mais qui oblige d'ores et déjà à une réflexion d'ensemble : Xavier Bertrand, dans sa conférence de presse de samedi dernier, a annoncé une refonte de notre système du médicament. La Haute Autorité de santé n'est pas citée par le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) dans l'affaire du Mediator, mais elle fait partie intégrante du système de santé. Chacun comprendra que tout programme pour la Haute Autorité tiendra compte des réformes importantes à venir.

Si je n'ai donc pas de programme précis à vous présenter, je peux vous dire quelle est ma vision de la Haute Autorité, avec qui j'ai travaillé depuis son origine et que je commence à connaître de l'intérieur, pour avoir consulté ses responsables.

Je dirai d'abord que c'est une institution jeune - elle a six ans - qui est appelée à devenir un pilier de notre système de santé. Le président Laurent Degos a fait un travail remarquable et c'est sur ces fondations solides que je compte faire franchir une deuxième étape à la Haute Autorité. Cependant, elle a connu une croissance très rapide. Ses missions originelles étaient scientifiques, on lui demandait d'évaluer, de recommander et de certifier. En 2008, on lui a confié également une mission d'évaluation médico-économique et d'évaluation de santé publique, à quoi la loi HPST a ajouté des missions sur les infections à long terme ou encore sur les coopérations entre professionnels de santé. Nous en arrivons au point que l'ensemble n'est pas des plus lisibles et que la Haute Autorité manque parfois de réactivité. Le temps du bilan me paraît donc venu, le changement de présidence en est une bonne occasion.

La mission de certification représente une charge importante, puisque deux mille huit cents établissements de santé sont certifiés par cycles de quatre années. Le manuel de certification fonctionne bien, il est utilisé par un tiers des établissements. Cependant, les procédures peuvent apparaître trop lourdes et, après avoir écouté ceux qui gèrent la procédure, je crois que nous gagnerions à adopter une certification plus synthétique, plus rapide et plus régulière. Nous pourrions évoluer vers un système de score ou de classement, qui serait rendu public, ce qui serait utile également aux usagers, qui s'en remettent aujourd'hui aux classements parfois peu fiables que la presse fait paraître. Je crois aussi que la certification pourrait se faire non plus pour les seuls établissements, mais également pour les filières, pour les services et pour les pôles. Sur le plan de la méthode, nous gagnerions aussi à ne pas nous interdire les visites inopinées.

La mission de recommandation, ensuite, est très vaste, s'agissant des bonnes pratiques cliniques, c'est-à-dire celles qui évitent au mieux les dangers, qui aident à la décision médicale et qui prennent le mieux en charge les patients. La Haute Autorité ne saurait tout assurer, elle doit s'appuyer sur les sociétés savantes et sur les organisations professionnelles : son rôle est plutôt du côté de la méthode, de l'arbitrage entre bonnes pratiques et de la mesure des effets des recommandations sur les pratiques professionnelles.

La mission d'évaluation médico-économique est vaste elle aussi : en deux ans, une quarantaine de programmes ont été évalués. La qualité des soins est inséparable d'une analyse des coûts : la Haute Autorité doit rechercher l'avantage pour les patients, individuellement, mais aussi pour la collectivité. A mérites égaux, elle doit conseiller le produit le moins cher.

Ainsi, nous devons retenir ce qui est le mieux pour le patient, tout en étant soutenable pour la collectivité. L'évaluation concerne par exemple quelque sept cents médicaments dont cent vingt nouveaux, cent cinquante dispositifs, une cinquantaine d'actes chaque année. L'affaire du Mediator est aujourd'hui sur le devant de la scène. Notre mission consiste à quantifier l'amélioration du service médical rendu ; le ministère se détermine ensuite sur le remboursement du produit.

La première critique formulée contre la Haute Autorité de santé a trait à la lenteur de ses décisions ; la plus importante porte sur l'indépendance et les éventuels conflits d'intérêts. Ce dernier thème n'est pas spécifique à cette mission, mais la réflexion à ce sujet en France est très en retard sur la culture des pays anglo-saxons. Toutefois, nous ne partons pas de rien car des actions ont été engagées à la suite des précédents drames. Aujourd'hui, la Haute Autorité de santé n'est pas la pire de nos institutions sur le plan de la transparence et des conflits d'intérêts, ce qui n'exclut sans doute pas de progresser. Tous les experts et les membres du collège remplissent des déclarations de liens d'intérêts. Il existe un conseil de la déontologie présidé par un membre du Conseil d'Etat. Nous avons élaboré un guide sur ce sujet et nous nous sommes dotés de règles déontologiques. Lors de sa dernière conférence de presse, Xavier Bertrand a évoqué le système américain du Sunshine Act qui implique l'industrie pharmaceutique dans les déclarations de conflits d'intérêts. Je suis disposé à revenir sur ce sujet, sur lequel j'ai été interrogé à l'Assemblée nationale.

Le dernier point concerne les indicateurs de qualité, un dispositif jugé très efficace, mais trop exclusivement destiné aux professionnels de santé, ce qui lui fait négliger les patients. Nous devons maintenant réfléchir à la finalité des indicateurs, en nous interrogeant sur les responsabilités : qui donne l'ordre ? qui valide la procédure ? qui prend en charge la production ? qui les publie ? Nous devrons répondre à ces questions au cours des mois à venir.

La Haute Autorité de santé a rendu très rapidement des services remarquables, mais des insuffisances subsistent. Ainsi, les usagers ignorent habituellement jusqu'à son existence. A l'inverse, les professionnels de santé la connaissent peut-être trop, puisque les médecins sont parfois submergés par une information qu'ils ne peuvent assimiler. Enfin, les décideurs formulent deux reproches principaux à notre action : l'absence de relations et le caractère tardif des résultats. Il faut ainsi dix-huit mois pour conduire une évaluation médico-économique.

À mes yeux, le principal enjeu de ce mandat de six ans, qui marquera une deuxième étape dans la vie de la jeune institution, sera de la recentrer sur la prise en charge des patients. Dans ce cadre, mes actions seront articulées autour de cinq axes.

Le premier tient à l'indépendance et à la transparence. D'ailleurs, les députés m'ont interrogé sur mon indépendance politique. Nous pourrons en reparler.

Le deuxième axe concerne la réactivité. Nous devons commencer par comprendre pourquoi nous ne sommes pas suffisamment réactifs. Il conviendra peut-être de revoir l'articulation entre commissions et collège. Je pense aussi que nous devrons élaborer des messages plus courts et percutants. Enfin, la Haute Autorité de santé devra hiérarchiser ses saisines en déterminant les priorités de concert avec le ministère de la santé.

Le troisième axe est celui de la lisibilité et de la clarté, notamment pour les certifications.

Le quatrième axe se rapporte à la cohérence de notre action avec celle des autres institutions sanitaires. Je pense notamment au ministère, à l'assurance-maladie et aux nouvelles agences régionales de santé. Le plus difficile en ce domaine est de clarifier les responsabilités des diverses agences et institutions. L'Angleterre a récemment réduit de façon drastique le nombre de ses agences. Devrons-nous en faire autant ? Sera-t-il préférable de clarifier les missions et articulations ? Cette réflexion est très importante.

Enfin, la communication est indispensable à notre époque, mais il faut la conduire avec prudence. J'estime qu'elle doit être plus nettement orientée vers les usagers, notamment pour qu'ils connaissent notre certification. Quelqu'un m'a suggéré d'utiliser à cette fin la chaîne parlementaire...

Je n'ai pas de programme « clés en main » à vous soumettre. Si vous m'accordez votre confiance et si le Président de la République persiste dans la volonté de me nommer, j'exercerai une tâche complexe, mais passionnante. J'aborderai cette mission nouvelle avec détermination et enthousiasme.

M. Gilbert Barbier. - Je commencerai par l'indépendance et la transparence. Nous disposons de votre curriculum vitae professionnel et politique. Pourriez-vous exposer les conflits d'intérêts que l'on serait susceptible de vous reprocher ? Plus généralement, dans quels domaines êtes-vous intervenu ?

Je dénonce depuis longtemps la multiplication des agences et la dilution des responsabilités en matière de médicaments, entre l'agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (Afssaps), la commission de la transparence et la commission d'autorisation de mise sur le marché, pour me limiter à ces intervenants. En principe, le ministre prend la décision finale, mais nous voyons qu'il se réfugie par la suite derrière la non-communication de certains dossiers. Voulez-vous rendre cette organisation plus pyramidale ?

J'en viens aux produits de santé. Souhaitez-vous leur appliquer une approche économique ? Le régime de leur autorisation de mise sur le marché et la fixation de leurs prix demeurent complexes.

En matière de certification, ce que j'ai constaté sur place tiens parfois du « pipeau ». La procédure impose de remplir de nombreuses fiches, ce qui prend beaucoup de temps mais n'aboutit pas à grand-chose.

Enfin, la Haute Autorité de santé a été au centre de la pandémie grippale. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?

M. François Autain. - Je connais bien M. Harousseau. Contrairement à son prédécesseur, il est clairement engagé sur le plan politique. Il vient encore de se présenter aux élections régionales, sans succès.

M. Jean-Luc Harousseau. - Cet échec me permet d'être présent aujourd'hui.

M. François Autain. - Estimez-vous avantageux d'être politiquement engagé ?

Une deuxième question porte sur les conditions de votre nomination. Pensez-vous que l'affaire du Mediator ait influencé le choix en votre faveur ?

Il ne faut pas confondre conflit d'intérêts et lien d'intérêts. Quels étaient jusqu'à présent vos liens d'intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques ? En décembre, vous êtes intervenu au cours d'un congrès qui s'est déroulé aux Etats-Unis pour présenter un médicament élaboré par un laboratoire américain. J'approuve que d'éminents professeurs comme vous travaillent avec des laboratoires, mais pas que les mêmes experts conseillent les pouvoirs publics.

Je présume que vous allez mettre fin à votre activité hospitalière. Avez-vous travaillé autrefois pour la Haute Autorité de santé ou pour l'Afssaps ?

Quelles sont vos intentions à propos de la commission de la transparence ? Son président n'a aucun lien d'intérêts, ce qui en fait un cas particulier, opposé à celui du président de la commission d'autorisation de mise sur le marché, qui croule sous les liens d'intérêts, tout comme ses deux vice-présidents. Le président de la commission de transparence dit subir de nombreuses pressions, ce qui n'a rien d'étonnant, puisque 90 % des autorisations de mise sur le marché (AMM) concernent actuellement des produits classés ASMR 5, c'est-à-dire n'ayant aucune valeur thérapeutique nouvelle par rapports aux spécialités déjà présentes sur le marché. On peut aussi prendre l'exemple du Multaq, qui n'est pas sans effet indésirable pour le foie, puisque l'on a parlé d'hépatites fulminantes. Estimant que cette spécialité n'était pas plus efficace que la cordarone, la commission de la transparence s'est opposée à son remboursement par la sécurité sociale, avant de finir par l'accepter. Résultat : le Mutac est vendu dix fois plus cher que les produits préexistants.

M. Alain Milon. - Je rends hommage à votre prédécesseur, le professeur Laurent Degos, lui aussi médecin et hématologue. Doit-on y voir une sorte de filière ?... Je vous souhaite un succès comparable au sien.

Le Professeur Degos a beaucoup oeuvré pour garantir l'indépendance de la Haute Autorité de santé et la transparence de ses travaux. Cette institution est donc en pointe pour la déclaration des liens d'intérêts. Faites-vous une différence entre lien et conflit d'intérêts ?

La multiplicité des agences impose de redéfinir leurs compétences ou de les regrouper. Penchant plutôt pour le regroupement, j'aimerais que vous soyez plus précis à ce sujet.

M. Jacky Le Menn. - Je m'associe à l'hommage qu'Alain Milon vient de rendre à votre prédécesseur. Votre notoriété personnelle va bien au-delà des Pays de la Loire et a gagné la France entière.

Vous avez rappelé que la Haute Autorité de santé était une institution jeune, créée il y a six ans, mais qu'elle était déjà un pilier de notre système de santé. Initialement organisme scientifique et de recherche, cette agence a vu ses missions élargies par la loi HPST. Vous avez évoqué les perspectives. Pourriez-vous approfondir celles de la certification, qui est un dossier lourd ?

La présidence de cet organisme suppose que le candidat s'y prépare à l'avance. Or, vous dites n'avoir été sollicité qu'en décembre, dans une certaine précipitation. Avez-vous accepté cette mission par conviction ou par devoir ? Je comprendrais que vous acceptiez, par sens du devoir, de venir au secours du Président de la République, mais j'attends de votre réponse qu'elle confirme votre attachement à placer la Haute Autorité de santé au coeur de votre engagement futur.

M. Nicolas About. - J'approuve ce que François Autain a dit au sujet des médicaments. Nous attendons vraiment que la Haute Autorité de santé active le déremboursement de spécialités inutiles et qu'elle fasse obstacle à l'arrivée sur le marché de produits qui n'améliorent pas le service médical rendu, bien que je n'ignore pas l'intérêt qu'il y pour la France d'avoir des autorisations de mise sur le marché permettant d'exporter les médicaments concernés.

La part des affections de longue durée (ALD) dans les dépenses de santé ne cesse de s'alourdir. Il vous reviendra à mon sens de revoir la liste des pathologies concernées.

Malgré les réserves suscitées par cette évolution, la Haute Autorité de santé est actuellement investie de responsabilités considérables en matière de santé publique. Elle doit définir les bonnes pratiques et le bon usage des soins. J'attire à ce propos votre attention sur la psychiatrie, discipline où n'existe aucun référentiel clair. Il faudra les obtenir des sociétés savantes.

Qu'il s'agisse de la certification des établissements de soins ou de la médecine de ville, j'adhère aux propos de Gilbert Barbier. Au moment où la certification se déroulait à l'hôpital d'Epinal, celui-ci n'a pas transmis les informations dont il avait connaissance sur le dysfonctionnement de son service de radiothérapie. Parfaitement inutile telle qu'elle est pratiquée, cette procédure mérite plus de sérieux, plus d'agressivité.

J'en viens à l'information du public et des professionnels. Vous dites que les praticiens sont parfois trop informés. La Haute Autorité de santé pourrait-elle prendre contact avec l'union nationale des associations de formation médicale continue, pour valider avec elle un tronc commun obligatoire au sein de la formation permanente ?

D'autre part, la transparence est une bonne chose, mais l'essentiel, pour le financement des associations de patients et d'usagers de la santé, consiste à éviter qu'il ne soit assuré par des laboratoires pharmaceutiques.

Pensez-vous pouvoir vous intéresser aux logiciels d'aide à la prescription ? Idem pour les sites Internet, souvent devenus première source d'information sur les médicaments, voire pour leur achat ? Qu'est-il de la charte de la visite médicale ?

Mme Anne-Marie Payet. - Ne serait-il pas opportun de réfléchir à une nouvelle définition du médicament ? Aujourd'hui, ce mot désigne tout produit présenté comme pouvant guérir une maladie. Cette formulation permet à un laboratoire de présenter n'importe quoi à la vente. Ce matin encore, un médicament contre l'acné a été retiré du marché. Je souhaite qu'une définition plus stricte incite les laboratoires à plus d'exigence envers eux-mêmes.

M. Jean-Luc Harousseau- Je commencerai par répondre sur mon engagement personnel. Mon niveau d'expertise m'a conduit à développer des anticancéreux hématologiques avec l'industrie pharmaceutique. Dans ce cadre, je me suis en effet rendu en décembre au congrès américain d'hématologie, mais, n'en déplaise au Canard enchaîné, je n'y suis pas intervenu. Au demeurant, il m'arrive souvent de faire des communications, c'est de ma responsabilité et pour moi un honneur. De même, je participe à nombre d'expertises pour des laboratoires, hélas surtout américains. Je souhaite que ces rappels soient considérés non comme des péchés, mais comme des gages de compétence. Si je suis nommé, je cesserai toute collaboration avec l'industrie pharmaceutique et je rendrai bien sûr publique la liste des laboratoires avec lesquels j'ai travaillé, ce dont je ne rougis pas.

Mon indépendance doit aussi s'apprécier au regard de mon activité professionnelle présente. Je suis directeur d'un centre anticancéreux et j'enseigne au CHU de Nantes. A regret, car je suis beaucoup engagé dans ces activités, je renoncerai à ces deux activités, pour consacrer la totalité de mon temps à la présidence de la Haute Autorité de santé.

J'en viens à mon engagement politique. Il ne me semble nullement contradictoire avec mes fonctions à venir, mais sans y apporter le moindre avantage. Lorsque j'ai présidé le conseil régional des Pays de la Loire, j'ai systématiquement recherché un consensus. Il est arrivé que le conseil régional vote à l'unanimité des décisions que tous ses membres approuvaient. La mission qui me sera confiée est exclusivement d'intérêt public. En cas d'alternance, j'espère établir avec le futur ministre de la santé des relations aussi confiantes qu'aujourd'hui... Au demeurant, je n'exerce plus aucun mandat électif et je n'appartiens plus à un parti politique.

Monsieur Autain, j'ignore les motifs de ma désignation, mais je connais beaucoup de personnes qui auraient souhaité présider la Haute Autorité de santé... Flatté d'être contacté, j'ai souhaité en savoir plus sur les critères de ce choix. Il m'a été répondu que j'avais été retenu pour mes qualités universitaires, pour mon expérience à la tête d'un centre anticancéreux et pour mon ouverture d'esprit. Je ne vous ai pas dissimulé l'aspect précipité de ma nomination. Au demeurant, ma tâche sera plus facile que celle accomplie par M. Degos, puisqu'il partait de zéro. Ma nomination à venir est un honneur, mais pas au point de me présenter comme le sauveur du Président de la République !

En matière de certification, je ne suis pas loin de partager le point de vue exprimé par plusieurs d'entre vous. Mon centre anticancéreux vient d'être certifié à l'issue d'une procédure très lourde débouchant sur deux recommandations d'action, que nous avions déjà décidé de mettre en oeuvre.

À propos des drames d'Epinal - et aussi de Toulouse -, je souligne que l'autorisation est fort logiquement donnée en l'espèce par l'autorité de sûreté nucléaire.

M. Nicolas About. - La Haute Autorité de santé était en train de certifier l'hôpital d'Epinal pendant qu'il s'y passait des choses que l'établissement a pu cacher.

M. Jean-Luc Harousseau. - J'en viens à la définition des médicaments. Il ne s'agit pas seulement de guérir, mais aussi de soulager.

Vous avez raison : il faut mettre de l'ordre dans les visites médicales et dans la formation continue des médecins, qui est financée aujourd'hui par les laboratoires pharmaceutiques.

Je souhaite participer à la discussion sur la répartition des compétences en matière de médicaments. On peut créer une agence unique pour l'ensemble du circuit, ou bien confier à la Haute Autorité de santé un rôle spécifique via la commission de transparence, mais il faudra dans ce cas déterminer clairement qui fait quoi.

N'ayant pas suivi la pandémie grippale, je ne peux malheureusement en parler.

Le problème des affections de longue durée est très délicat. Il n'est pas de nature politique mais il concerne de nombreux patients, dont certains quitteront sans doute le dispositif. Nous devons en effet revoir la liste des affections et les modalités de son application.

Il est vrai que la Haute Autorité de santé a souhaité obtenir une compétence médico-économique. À mon sens, elle avait raison.

Bien sûr, Internet et les logiciels d'aide à la prescription font partie de nos nouvelles missions. Ainsi, Internet peut contribuer à la formation continue des médecins et des visiteurs médicaux. J'espère avoir répondu à toutes les questions.

Mme Muguette Dini, présidente. - Si votre nomination est confirmée, soyez assuré que nous aurons le plaisir de vous entendre souvent.

Avis sur la candidature à la présidence du collège de la Haute Autorité de santé - Résultat du scrutin

La commission procède enfin au vote sur cette proposition de nomination et au dépouillement simultané du scrutin au sein des commissions des affaires sociales des deux assemblées.

Mme Muguette Dini, présidente. - J'appelle nos collègues Annie David et Ronan Kerdraon à procéder au dépouillement du scrutin.

Le résultat du vote est le suivant : vingt-sept votants ; seize voix favorables ; onze voix défavorables.