Mardi 15 novembre 2011

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Economie - Examen du rapport pour avis

La commission examine tout d'abord le rapport pour avis de Mme Evelyne Didier et de MM. Michel Teston, Gérard Cornu et Pierre Hérisson, sur les crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2012

M. Michel Teston, rapporteur pour avis. - Après avoir effectué une brève présentation générale des crédits de la mission, je ferai un point plus précis sur les crédits relatifs à La Poste, aux télécoms et à la société de l'information, puis je passerai la parole à mes trois collègues rapporteurs pour avis : Gérard Cornu, sur le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), Evelyne Didier, sur les missions et les moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et Pierre Hérisson sur les moyens de la politique du tourisme.

Les crédits de la mission Économie, tous programmes confondus, reculent de 2,8 % en 2012. Encore cette baisse est-elle nominale. Si l'on ajoute l'inflation, estimée pour 2012 à 1,7 %, le recul réel des crédits est 4,5 %.

Le programme 134 Développement des entreprises et de l'emploi est particulièrement touché, avec un recul des crédits de plus de 8 %, presque 10 % en tenant compte de l'inflation.

L'action 2, consacrée aux actions en faveur des PME, du commerce et de l'artisanat, souffre particulièrement avec une baisse des moyens de près de 35 %. Le FISAC est la principale victime, avec des crédits ramenés à 41 millions d'euros, contre 64 millions en 2011 et 78 millions en 2010.

L'action 3, en faveur des entreprises industrielles, connaît elle aussi cette année une baisse de 6 millions d'euros à périmètre constant. Depuis 2010, les crédits finançant cette action ont connu un recul très marqué, puisqu'on est passé de 261 à 209 millions d'euros, soit une baisse d'environ 20 % en deux ans.

Les crédits destinés à financer une partie des charges de service public de La Poste sont également en recul, j'y reviendrai.

Le soutien au développement international des territoires, notamment à travers le financement d'Ubifrance, est la seule action à tirer à peu près son épingle du jeu : ses crédits progressent de 1 % en nominal, ce qui constitue néanmoins une baisse en termes réels.

Enfin pour finir sur le programme 134, les moyens de la DGCCRF sont une nouvelle fois sérieusement touchés avec une baisse des effectifs d'une centaine d'agents pour 2012. Depuis 2008, la DGCCRF a donc perdu environ 500 postes sur un effectif de 3 500. Concernant les crédits proprement dits, la régulation concurrentielle des marchés dans l'action 16 perd 3,4 % de son budget. Idem pour la protection économique des consommateurs à travers l'action 17. Les moyens consacrés à la sécurité du consommateur à l'action 18 reculent quant à eux de 1,1 %. Globalement, depuis 2010, la DGCCRF a ainsi perdu 27 millions d'euros, soit une baisse de 10 % - près de 15 % si on tient compte de l'inflation.

Pour finir ce tableau, le programme 225 consacré aux actions en faveur du tourisme enregistre de nouveau cette année une diminution de ses crédits : 43 millions contre 53 millions en 2011 et 58 millions en 2010.

Je vais à présent évoquer la partie « poste et communications électroniques » de la mission « Économie », en commençant par l'analyse budgétaire, qui porte sur les actions 4 et 13 du programme 134 :

- l'action est consacrée au « développement des télécommunications, des postes et de la société d'information ». Avec 202,35 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), elle est en recul de 3,55 %. Sont en baisse la subvention à l'Agence nationale des fréquences (ANFR), de 1,59 %, mais surtout les dépenses de transfert de l'État à La Poste. En application du protocole d'accord entre l'État, la presse et La Poste, la compensation de la mission de transport de la presse est ainsi en recul de 4,4 %, ce qui interroge lorsque l'on connaît les difficultés du secteur de la presse écrite. Les autres dépenses de cette action sont globalement stables, mais portent sur des enveloppes limitées ;

- l'action 13 est consacrée à la « régulation des communications électroniques et des postes ». Elle contient les dotations publiques à l'autorité de régulation du secteur, l'ARCEP, qui sont en hausse de 1 % environ, après, il est vrai, une baisse de 5,5 % l'année passée.

J'en viens maintenant aux différents points d'actualité sur le secteur.

S'agissant d'abord de La Poste, je rappellerai d'abord que l'augmentation de capital du groupe, à hauteur de 2,7 milliards d'euros, doit être prise en charge pour 1,2 milliard par l'État et 1,5 milliard par la CDC. 1,05 milliard a été versé en avril dernier, la même somme devrait l'être en 2012 et 0,6 milliard en 2013. Nous attendons toutefois d'en avoir la confirmation.

Mais venons-en aux difficultés de financement des quatre missions de service public de La Poste :

- le service universel, en premier lieu, était précédemment financé en partie par le « secteur réservé », c'est-à-dire le monopole résiduel sur les plis de moins de 50 grammes dont bénéficiait La Poste. Or, ce monopole a été supprimé au 1er janvier de cette année. La loi du 9 février 2010 sur le changement de statut de La Poste prévoit la création d'un fonds de compensation qui serait alimenté par les opérateurs. Il n'est pas encore créé mais j'en conteste le principe. En effet, celui en place pour la téléphonie fixe n'est pas efficace. Un transfert de l'État, qui n'est a priori pas interdit par le droit européen, aurait été plus juste et opérationnel ;

- deuxième mission : le transport et la distribution de la presse, déjà abordée ;

- troisième mission : l'accessibilité bancaire. Le surcoût qu'elle représente pour La Poste est compensé par une « rémunération complémentaire » de l'État. Or, il est prévu qu'elle décroisse sur la période 2009-2014, et ce alors que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à rencontrer des difficultés financières ;

- enfin, la mission de présence territoriale. Elle est financée par un fonds de péréquation alimenté par l'allègement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste. Certes, son montant annuel sera plus élevé entre 2011 et 2013 qu'auparavant, puisqu'il passe de 135 à 170 millions d'euros par an durant cette période. Cependant, l'État est absent d'un tel financement, qu'il fait reposer sur La Poste et les collectivités territoriales. De plus, le bouclage financier du dispositif n'est pas assuré, comme l'a relevé la Cour des Comptes.

Je ne peux parler de La Poste sans évoquer Dexia. Le groupe va être divisé en trois ensembles, dont l'un sera spécifiquement chargé du financement des collectivités. La Banque postale prendra 5 % de Dexia Municipal Agency (DMA), gérant les financements déjà accordés aux collectivités, et 65 % de la nouvelle banque des collectivités, qui en accordera de nouveaux. On peut dès lors se demander s'il n'y a pas un risque de contamination de La Banque postale par Dexia, mais également un risque d'assèchement du crédit pour les collectivités ...

S'agissant à présent de la téléphonie mobile, évoquons d'abord la 4G. Cette nouvelle génération de réseau mobile, bien plus performante, va utiliser la bande de fréquences des 2,6 GHz, ainsi que celle des 800 MHz, issue du « dividende numérique ». L'État a mis aux enchères cette année la bande des 2,6 GHz, ce qui lui a rapporté 936 millions d'euros pour quatre licences accordées sans surprise à Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. L'année prochaine seront attribuées les licences pour l'autre bande, celle des 800 MHz, qui est capitale pour la desserte des zones rurales. S'agissant justement de couverture territoriale, je m'interroge sur l'efficacité des prescriptions imposées aux opérateurs, qui disposeront de délais de respectivement 15 et 12 ans pour atteindre les objectifs de couverture qui leur sont fixés !

Ces interrogations s'étendent aux réseaux 2G et 3G : au-delà de taux de couverture communiqués par les opérateurs, la réalité de la desserte est bien moins flatteuse, notamment dans les « zones blanches », où une commune est considérée comme couverte dès lors que son bourg-centre l'est. Il faut donc s'accorder sur des critères de couverture cohérents en « zones blanches », et traiter les « zones grises ». Les rapports de nos collègues Bruno Sido et Hervé Maurey ont déjà largement mis en évidence ces enjeux.

J'en viens à présent à l'internet fixe :

- sous l'angle d'abord du haut débit. Là encore, les taux de couverture annoncés -98 % d'accès à l'ADSL - sont biaisés. Ils tombent en effet à 77 % à 2 Mbit/s, et moins de 50 % à 8 Mbit/s, seuil permettant de bénéficier du triple play. Des moyens de connexion alternatifs existent, mais ils sont moins performants ou plus chers. D'où l'idée, que j'ai déjà évoquée, d'un service public du haut débit à un niveau suffisamment élevé de débit, supérieur en tout cas aux 512 Kbit/s du plan « France numérique 2012 ».

Pour finir, je souhaite évoquer le plan national très haut débit (PNTHD). Afin d'atteindre les objectifs fixés par le Président de la République - 100 % de la population desservie en 2025 - 2 milliards d'euros lui ont été alloués au titre des « investissements d'avenir », et un fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT) a été créé dans la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique pour prendre le relais. Or, ce dispositif connaît plusieurs limites, bien mises en avant par notre collègue Hervé Maurey, dans son rapport d'ailleurs approuvé à l'unanimité par notre commission :

- les opérateurs privés peuvent déployer partout et ne sont en rien tenus par leurs engagements, alors que les collectivités locales ne peuvent intervenir qu'en zones peu peuplées et ne peuvent donc mettre en place un dispositif de péréquation avec des zones plus denses ;

- le financement n'est pas assuré : les collectivités ne bénéficient que de 900 millions d'euros pour un besoin de financement global estimé à 25 milliards d'euros, tandis que le FANT n'est toujours pas alimenté.

Pour conclure de façon plus globale, Monsieur le Président, mes chers collègues, je m'interroge sur la pertinence du maintien de niches fiscales en période de crise. Il me semble qu'il faudrait supprimer celles étant inefficaces ou injustes, et conserver celles soutenant les services essentiels apportés à la population. Or, le présent projet de budget n'est pas orienté en ce sens, ce qui me conduit à vous proposer d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

M. Pierre Hérisson. - Tout d'abord, je voudrais rappeler que le système de financement de l'aménagement territorial ainsi que de la présence postale territoriale est issu depuis toujours de la taxe professionnelle, aujourd'hui remplacée par une nouvelle fiscalité. De fait, les collectivités locales n'ont jamais bénéficié de la taxe versée par la Poste. Il s'agit de compenser les 132 millions d'euros, devenus 170 millions d'euros, par application d'un dégrèvement de 85 %. Nous avons tous avancé des chiffres, mais quel est le coût réel de la présence de La Poste dans des territoires déficitaires ? La Poste l'évalue à 280 millions d'euros et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) l'évalue, elle, à 268 millions d'euros. Les 170 millions évoqués plus haut ont été validés pour 2011, 2012 et 2013, c'est-à-dire la durée du contrat de plan. Une garantie est donc apportée à La Poste, qui est plutôt satisfaite des compensations proposées. En tant que président de l'Observatoire du service public postal chargé de répartir ces 170 millions d'euros, je souhaiterais souligner que, très récemment, nous avons décidé d'élargir les possibilités d'utilisation du fonds parce que les collectivités éligibles au fonds n'arrivent pas à consommer la totalité du fonds. Le système est par conséquent assoupli et j'invite les parlementaires qui disposent d'un mandat exécutif local à présider effectivement le comité départemental de présence postale (CDPP) afin d'identifier les besoins.

M. Daniel Dubois. - La réponse n'est pas aussi manichéenne que le laisse entendre Michel Teston. Nous savons tous que le projet du Président de la République est très volontariste ; 70 % de territoire équipé du très haut débit en 2020 puis 100 % en 2025, c'est ambitieux mais, au moins, nous osons faire bouger les lignes, comme le fait la loi du 17 décembre 2009 introduisant le schéma directeur d'aménagement du numérique (SDAN). Certes, cela représente un coût de 29 milliards d'euros pour les départements et l'argent n'est pas au rendez-vous. En Somme, par exemple, département engagé dans un SDAN, l'État participe à hauteur de 40 % du montant de la première phase du plan, à l'inverse de la région Picardie qui n'investit pas...

M. Martial Bourquin. - J'entends bien la demande de Pierre Hérisson de s'impliquer dans les CDPP, mais ceux-ci ne sont pas prescriptifs, mais consultatifs. Ainsi les élus sont-ils systématiquement mis devant le fait accompli. Les diminutions des horaires d'ouverture des bureaux concernent aussi bien les zones rurales que les zones urbaines sensibles pour lesquelles La Poste est d'une réelle importance. A mon sens, il faut rendre le CDPP prescriptif.

M. Alain Le Vern. - La question du numérique est une question essentielle, et nous n'avons pas attendu les objectifs du Président de la République pour agir dans nos territoires. A mes yeux, il faut insister sur la pertinence des efforts demandés et militer pour la clarté des budgets alloués. En effet, j'affirme, à l'inverse de mon collègue Daniel Dubois, que l'État n'apporte pas 80 % du financement ; ce sont les études que l'État finance et ce sont les collectivités qui vont apporter les fonds nécessaires.

M. Daniel Dubois. - Aujourd'hui, le projet est public. Il s'agit d'un plan de 120 millions d'euros sur 10 ans dont 5 millions apportés par les collectivités locales, à défaut de la Région Picardie.

M. Michel Teston, rapporteur pour avis. - Pierre Hérisson veut apparemment défendre le dispositif mis en place. Il a notamment indiqué que les collectivités n'avaient jamais perçu les sommes évoquées. Certes. Cependant, je voudrais faire remarquer que nous avons confié à La Poste quatre missions de services publics relevant de la solidarité nationale. A ce titre, je suis choqué que l'État n'y participe pas. Il faut impérativement convaincre le gouvernement d'y participer pour soutenir la présence postale.

Daniel Dubois, sur le plan national THD, vous avez trouvé ma réponse manichéenne. Je vous rappelle que le sénateur Hervé Maurey a rédigé un rapport intitulé « De la parole aux actes » qui en souligne les insuffisances en ce qui concerne son financement.

Alain Le Vern, je vous rejoins tout à fait à travers nos propositions. D'une part, abonder de 500 à 600 millions d'euros par an le fonds d'aménagement numérique du territoire pour prendre la relève des 2 milliards d'euros prévus par le grand emprunt. Par ailleurs, sur le plan réglementaire, le gouvernement devrait permettre la subvention des projets intégrés pour les zones peu denses. Il faudrait également faire participer les opérateurs privés pour la zone 3 la moins dense, en fonction de l'évolution de leurs recettes.

M. Daniel Raoul, Président. Gérard Cornu va maintenant présenter son rapport sur les moyens du FISAC.

M. Gérard Cornu. Avant d'en venir au FISAC, je tiens à réagir aux propos de Michel Teston concernant la présentation des crédits de la mission. Le budget pour 2012 s'inscrit dans un contexte européen et international excessivement contraint et on ne peut pas égrener toutes les baisses de crédits sans considérer que, dans un tel contexte, la recherche d'économies budgétaires constitue une obligation.

Malheureusement, la question du financement du FISAC, qui a tendance à resurgir lors de l'examen de chaque projet de budget, se pose une nouvelle fois cette année.

Pour 2012, la loi de finances initiale prévoit en effet de doter le FISAC de 41 millions d'euros. Par rapport à 2011, cela représente une baisse de 22 millions d'euros, soit - 34%. Je ne sais pas si beaucoup de fonds d'intervention, de programmes ou d'opérateurs de l'État sont confrontés à une restriction de crédits aussi sévère et aussi forte que le FISAC.

Ces 40 millions d'euros de crédits proposés pour le FISAC en 2012 correspondent en fait, je vous le rappelle, à ce qui était déjà prévu par la loi de finances pour 2011 dans sa version initiale. Si le FISAC, en 2011, a pu finalement disposer de 64 millions d'euros au lieu des 43 millions initialement prévus, c'est parce que, l'année dernière, j'avais proposé un amendement pour limiter la baisse des moyens du FISAC. Nous nous étions mobilisés à l'unanimité, pour le faire adopter malgré l'avis contraire du Gouvernement. Nous avions ainsi obtenu qu'en 2011 le FISAC bénéficie d'une rallonge de 21 millions d'euros.

Les chiffres que j'ai pu recueillir auprès de la direction générale de la concurrence, de l'industrie et des services (DGCIS), concernant l'exécution des crédits du FISAC, prouvent a postériori que notre engagement était justifié. Ces 64 millions d'euros n'étaient en effet pas de trop. L'année qui vient risque de commencer déjà avec un volume de crédits reportés sur 2012 et donc « pré-engagés ».

Imaginons un peu ce qui se serait passé si nous n'avions pas obtenu en 2011 cette rallonge de 21 millions d'euros pour le FISAC. Avant que l'année commence, le FISAC aurait vraisemblablement obéré sa capacité d'intervention et les nouveaux projets déposés en 2012 ne pourraient pas être satisfaits.

Je crois que nous nous trouvons devant une situation absurde. Le FISAC est un outil utile pour soutenir le développement du commerce de proximité. La DGCIS dispose de plusieurs études qui le prouvent. L'argent investi dans le FISAC est de l'argent bien dépensé, car c'est de l'argent, qui génère de l'activité économique, de la cohésion sociale et des rentrées financières à travers la TVA.

Je rappelle d'ailleurs que le législateur, à l'initiative du Sénat, avait inscrit dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) un renforcement des missions du FISAC et une sécurisation de ses crédits. C'est notre collègue Elisabeth Lamure, en tant que rapporteur de la LME, qui avait défendu des amendements allant dans ce sens. L'article 100 de la loi du 4 août 2008 prévoit ainsi que le FISAC reçoive 15 % des fonds collectés au titre de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), dans la limite de 100 millions d'euros. Depuis lors, par un effet collatéral de la réforme de la taxe professionnelle, le produit de la TASCOM a été affecté aux collectivités territoriales, de sorte que le FISAC n'en bénéficie plus. Ses crédits ne sont ainsi plus « sanctuarisés ».

Certes, aujourd'hui, le FISAC est sous-doté au regard de ses missions mais, fait positif, suite à la déconcentration de l'instruction des dossiers au niveau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), les délais de traitement des dossiers ont été raccourcis.

Compte tenu de la situation financière de la France, je ne proposerai pas, comme l'année dernière, un amendement pour abonder les crédits du FISAC. Cependant, lorsque l'effort de redressement des comptes publics aura porté ses fruits, il me semble que notre commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire devra rouvrir le dossier du FISAC, de ses missions et de ses moyens.

En effet, concernant ces missions, le FISAC est peut-être aujourd'hui victime de son succès et il faudrait sans doute réfléchir à recentrer son action prioritairement sur le soutien au commerce de proximité.

Plus largement, je crois qu'il faut penser le FISAC comme un outil intégré au service d'une politique plus globale, comme le Sénat avait tenté de le faire dans la LME. Il me semble donc impératif de doter le FISAC de ressources stables et suffisantes pour être le bras armé d'une politique faisant du commerce de proximité un atout au service à la fois du développement économique et de l'aménagement du territoire.

Je souhaite conclure en indiquant que, malgré la baisse des crédits du FISAC, baisse que je peux comprendre compte tenu du contexte économique, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Économie.

M. Roland Courteau. - La baisse des crédits du FISAC est une tendance ancienne : 96 millions d'euros en 2005, 86 en 2006, 71 en 2007, 80 en 2008, 70 en 2009. On est très loin des 100 millions d'euros de crédits promis par la LME. Ces restrictions drastiques auront des conséquences dans les territoires- en milieu rural et dans les quartiers difficiles- tant en ce qui concerne la cohésion sociale qu'en matière de croissance et d'emploi.

Mme Élisabeth Lamure. - Je rappelle qu'au moment de la LME nous avions beaucoup discuté avec le Gouvernement sur la question de l'affectation d'une partie de la TASCOM au FISAC et nous avions obtenu, contre l'avis du Gouvernement, que 15 % des recettes soit versé au FISAC, avec un plafond de 100 millions d'euros. Je constate que beaucoup ici regrettent de ne pas avoir voté la LME puisqu'ils regrettent les crédits que nous avions obtenus à l'époque !

M. Daniel Raoul. Elisabeth Lamure, pas de provocation ! L'étranglement financier du FISAC résulte avant tout d'un effet pervers de la réforme de la taxe professionnelle.

Mme Renée Nicoux. On ne peut que s'inquiéter de la diminution des crédits. Il y a un certain nombre de collectivités qui n'ont pas reçu de financement du FISAC depuis deux ans. Elles voient des artisans et des commerçants qui se sont engagés dans des investissements après avoir reçu un avis favorable à leur projet, mais qui ensuite ne reçoivent pas les aides attendues parce que l'État ne débloque pas les fonds. Si l'enveloppe diminue en 2012 par rapport à 2011, tous ces problèmes vont s'aggraver. Il faut donc réévaluer les crédits du FISAC pour obtenir au moins le maintien des crédits au niveau de l'année dernière.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Je voudrais attirer l'attention sur la situation particulière des buralistes, singulièrement dans les départements frontaliers. L'État, en augmentant le prix du tabac, pénalise un type de commerce qui, en milieu rural, joue un rôle qui va bien au-delà de la seule vente du tabac. Ces commerces ont beaucoup diversifié leur offre et jouent un rôle éminemment social.

M. Didier Guillaume. - À six mois de l'élection présidentielle, nous devons éviter de jouer à des jeux de rôle. Nous avons un devoir de cohérence et de crédibilité. J'ai entendu notre collègue Daniel Dubois et je veux lui rappeler qu'une proposition de loi sur le numérique, signée par nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy, doit être très prochainement déposée sur le bureau du Sénat. Elle part du constat que le compte n'y est pas et qu'il faut changer la position du Gouvernement qui attribue les zones rentables aux opérateurs privées et les autres zones, aux collectivités locales. Peut-être que la région Picardie, concernant non pas le déploiement du numérique mais le financement des études, n'est pas assez présente. Je n'en suis pas sûr mais au fond peu m'importe. Ce dont je suis sûr, c'est qu'en Rhône-Alpes, sur un budget de 123 millions d'euros, l'État a versé douze mille euros. Aujourd'hui, le fonds d'aménagement numérique du territoire n'est pas financé, c'est un fait.

À l'inverse, j'ai beaucoup apprécié l'intervention de notre rapporteur Gérard Cornu et je tiens à le remercier pour la cohérence de ses propos. Il est dans l'opposition sénatoriale et, c'est normal, il soutient le budget 2012 du Gouvernement ; mais, sur le FISAC, son attitude est constante et doit nous servir d'exemple. En période de crise, comme celle que nous traversons, nous comprenons tous bien qu'il ne peut pas y avoir autant de crédits qu'on pourrait le souhaiter. Mais quand il est question de La Poste, du numérique et du FISAC, de ces outils fondamentaux d'aménagement du territoire, la réduction des crédits frappe de plein fouet les zones rurales en déprise. Nous devons donc être capables de surmonter nos oppositions politiques pour défendre une structure comme le FISAC qui permet de lutter contre une France à deux vitesses.

M. Yves Chastan. - Je veux illustrer ce qui vient d'être dit par un exemple concret. Je suis maire d'une ville de 9 000 habitants, qui a la chance d'offrir encore des services de proximité dont profite une zone rurale de 30 000 habitants. L'État nous accompagnait depuis plusieurs années à travers une convention FISAC, mais, alors que nous en sommes à la troisième phase, l'État a répondu présent certes, mais avec une diminution des crédits de 50 %. Je suis obligé désormais de faire l'avance des crédits de l'État pour que les actions collectives portées par l'association de commerçants disposent de la trésorerie nécessaire. Compte tenu du contexte, je suis prêt à discuter pour savoir si les aménagements collectifs doivent faire partie des priorités, mais on ne peut ignorer que ces aménagements sont au service de la desserte commerciale et sont parfois nécessaire à la viabilité d'un projet. Si l'État se retire de leur financement, les collectivités locales ne pourront se substituer à lui indéfiniment.

M. Claude Dilain. - Je voudrais simplement demander au rapporteur pourquoi il qualifie les aménagements urbains de dévoiements des missions du FISAC.

M. Daniel Dubois. - Je veux répondre à notre collègue Didier Guillaume. Je le rejoins sur le devoir de cohérence mais je ne retire pas mes propos. Le FANT doit être doté, mais il y a bien deux milliards provenant du grand emprunt qui vont amorcer la pompe. Dans la Somme, l'État intervient dans le financement des travaux, et pas seulement des études, à hauteur de 39,9 %. Quand il existe des éléments positifs, il faut aussi le dire !

M. Raymond Vall. - Je veux rendre hommage à l'état d'esprit et à la franchise du rapporteur pour avis. Mon expérience de maire d'une ville de 7000 habitants montre qu'il y a la nécessité de trouver un équilibre et de faire vivre ensemble le petit commerce et la moyenne distribution. Il faut que la grande distribution puisse alimenter le FISAC et nous pourrions présenter un amendement sur ce point. Si nous ne trouvons pas un moyen de renforcer les crédits du FISAC, c'est le tissu local des petites entreprises qui va en pâtir.

M. Daniel Raoul. - Nous devons réfléchir à un abondement des crédits du FISAC. Des projets validés techniquement ne peuvent pas être gardés sous le coude jusqu'en 2013 ou 2014, parce que quasiment tous les crédits 2012 seraient déjà pré-engagés par le stock de projets déjà validés et reportés.

M. Gérard Cornu. - Toutes vos observations vont finalement dans le sens de mon rapport. S'agissant de la taxe sur les grandes surfaces, elle existe avec la TASCOM, mais son produit va désormais aux collectivités locales. Évidemment chacun regrette que les recettes du FISAC soient insuffisantes au regard des besoins. J'ai moi-aussi apprécié l'intervention de Didier Guillaume : il y a un devoir de crédibilité. Il sera sans doute difficile de faire passer cette année un amendement semblable à celui de l'année dernière. S'agissant des opérations urbaines, je n'ai pas parlé de dévoiement. Simplement, dans un contexte de budget contraint, on est bien obligé d'opérer des choix. Or, pour les aménagements urbains, on peut trouver des subventions ailleurs qu'au FISAC, alors que, pour l'aide aux petits commerçants en zone rurale et en zone urbaine sensible, seul le FISAC intervient. Enfin, pour donner quelques chiffres, sur le premier semestre 2011, sur une dotation de 64 millions d'euros, le montant des engagements au titre du FISAC s'élève à 50 millions d'euros, dont 18,4 millions pour les opérations urbaines (128 opérations) et 20,2 millions pour les opérations réalisées en milieu rural (476 opérations).

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - J'ai choisi de m'intéresser cette année, au sein de la mission « Économie », au programme « Tourisme », qui regroupe une partie des moyens consacrés par l'État au développement de ce secteur essentiel pour notre économie nationale.

Afin de préparer ma communication, j'ai procédé à un certain nombre d'auditions et ainsi rencontré M. Thierry Baudier, ancien directeur de Maison de la France et aujourd'hui délégué général du club France Terre de Tourisme, qui réunit 150 députés et sénateurs. J'ai également auditionné M. Jacques Augustin, sous-directeur du tourisme, et je me suis entretenu avec notre collègue Jean Besson, qui est président du comité régional du tourisme de Rhône-Alpes.

En ce qui concerne les principales tendances de l'économie touristique, ce domaine se confirme comme étant un secteur résistant à la crise. La révision méthodologique des comptes satellites du tourisme, qui était en cours depuis plusieurs années, a enfin abouti. Elle conduit à réévaluer à la hausse l'importance économique du tourisme. L'indicateur mesurant traditionnellement la part du tourisme dans le PIB, qui s'élevait à 6,2 % pour la dernière année connue, c'est-à-dire 2007, s'établit à 7,1 % en 2010.

Quelques chiffres-clefs permettent de mesurer l'importance du tourisme dans l'économie française. Les recettes touristiques ont été de 35,1 milliards d'euros en 2010. Bien qu'en baisse de 1,1 % par rapport à 2009, elles dégagent un solde positif de 6,1 milliards d'euros, qui fait du tourisme le premier poste excédentaire de la balance des paiements. Le secteur du tourisme emploie 857 000 salariés au 31 décembre 2010, soit une création de 16 500 emplois sur l'année, en hausse de 1,7 % par rapport à 2009. Il convient d'ajouter à ce chiffre 140 400 emplois non salariés, soit un total de près d'un million d'emplois.

L'importance du tourisme dans l'économie française contraste avec la modicité des crédits qui lui sont consacrés. Le programme « Tourisme » est l'un des plus petits programmes budgétaires. Pour 2012, sa dotation est présentée en réduction marquée par rapport à 2011. Les autorisations d'engagement diminuent de 52,8 millions d'euros à 43,2 millions d'euros, soit une baisse de 18,3 %. Les crédits de paiement diminuent de 50,9 millions d'euros à 44,7 millions d'euros, en baisse de 12,3 %. La diminution était déjà de 9,6 % l'an dernier, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Cette baisse s'explique, principalement, par l'achèvement de l'opération de participation à l'Exposition universelle de Shangaï, entre mai et novembre 2010, qui a été un grand succès. Le pavillon de la France a été le bâtiment le plus visité, avec 10,2 millions de visiteurs, devançant même le pavillon chinois. L'essentiel des 22,7 millions d'euros de subventions imputés sur le programme « Tourisme » a été versé en 2009 et 2010. Un reliquat de 3,7 millions d'euros était encore prévu en 2011, pour la déconstruction et le recyclage du pavillon, qui sera réduit à 880 000 euros pour 2012.

La baisse du montant du programme s'explique également par la réduction des crédits inscrits en 2012 au titre de la contribution de l'État au financement des volets « Tourisme » dans les contrats de projets État-régions (CPER). Les autorisations d'engagement prévues pour les CPER diminuent de 6,6 à 4,8 millions d'euros, et les crédits de paiement de 6,1 à 5,  millions d'euros.

Toutefois, il faut souligner que le soutien de l'État à la politique du tourisme ne se limite pas aux seuls crédits du ministère en charge du tourisme. Nous disposons, pour la première fois cette année, d'un document de politique transversale qui recense les crédits consacrés par d'autres ministères à la politique de soutien de l'activité touristique. Le montant total des crédits, répartis entre 24 programmes relevant de 12 missions différentes, s'élève pour 2012 à 1,9 milliard d'euros en autorisations d'engagement et à 2 milliards d'euros en crédits de paiement. Le lien entre ces crédits et la politique du tourisme semblent parfois très indirect, comme dans le cas des crédits consacrés aux infrastructures et services de transport, ou à la politique d'aménagement du territoire. Mais plus que leur montant total, qui dépend inévitablement des conventions retenues, c'est leur évolution au cours des prochaines années qu'il sera intéressant de suivre.

Pour en revenir aux crédits du programme « Tourisme », ceux-ci sont répartis en trois actions d'importance très inégales. Un montant de 35,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit 82,5 % du total du programme, est affecté à l'action 1 « Promotion de l'image de la France ». Elle correspond pour l'essentiel à la subvention pour charge de service public de l'opérateur public Atout France, qui s'élève à 34,1 millions d'euros. Il s'agit d'un groupement d'intérêt économique résultant de la fusion en 2009 de Maison de la France, chargée de la promotion de l'image de la France à l'étranger, et d'Odit France, chargé de l'ingénierie touristique. Atout France, qui dispose de 32 bureaux à l'étranger, doit réussir à prendre pied sur les marchés émergents du tourisme, les plus dynamiques, tout en conservant la part de la France dans les marchés matures.

Atout France a déployé en 2011 la nouvelle marque de destination de notre pays, baptisée « Rendez-vous en France ». L'agence a également mis en place cette année un nouveau site internet grand public faisant office de vitrine commerciale de la diversité de l'offre touristique française, qui sera progressivement enrichi grâce à l'apport direct des départements et des régions.

Je ferai une observation concernant le budget d'Atout France. Celui-ci fait largement recours au partenariat : sur un budget total de 76,4 millions d'euros pour 2011, la subvention pour charges de service public devrait s'élever à 34,7 millions d'euros et les ressources issues du partenariat à 36,1 millions d'euros. Cet effet multiplicateur est intéressant, mais suppose le maintien à un niveau suffisant de la subvention de l'État. Si celle-ci devait diminuer davantage, c'est la crédibilité même d'Atout France vis à vis de son millier de partenaires qui se trouverait compromise.

Je veux vous donner mon avis sur la décision récemment annoncée par le Gouvernement de relever de 5,5 % à 7 % le taux réduit de TVA, avec un certain nombre d'exceptions pour les biens et services de première nécessité. Cette mesure peut être acceptée, car elle ne remet pas en cause le bénéfice du taux réduit de TVA pour la restauration, qui a produit des effets en termes de création d'emplois. Surtout, par sa portée générale, elle évite de stigmatiser la profession concernée.

En revanche, je suis plus critique s'agissant la taxe de 2 % sur les nuitées de 200 euros ou plus, qui a été instaurée dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 septembre dernier. Cette taxe, initialement ciblée sur les hôtels de luxe des catégories 4 ou 5 étoiles, représentant 5 % du parc hôtelier mais 20 % du chiffre d'affaires, est désormais calée sur un seuil qui ne correspond pas forcément à la notion de luxe. A Paris, 70 % des nuitées seraient concernées. La presse s'est faite l'écho de l'intention du Gouvernement de supprimer cette taxe, afin qu'elle ne s'ajoute pas au relèvement du taux réduit de TVA. Je demanderai au Ministre de nous confirmer cette information, et de nous en préciser les modalités.

Je voudrais, pour finir, évoquer le problème du vieillissement du parc des hébergements touristiques. Le problème est particulièrement crucial pour les résidences de tourisme, à l'issue de la période de défiscalisation de 9 ou 18 ans qui a suivi leur construction. On se retrouve ainsi, dans les stations de tourisme, avec des hébergements disponibles, qui ne font plus l'objet d'aucune offre locative. Ces logements sont obsolescents, notamment au regard des normes environnementales, et leurs structures de propriété sont éclatées.

Un groupe de travail a été mis en place au mois de février dernier, associant des élus du littoral et de la montagne, afin de bâtir un plan d'action pour la rénovation de l'immobilier de loisir. Ce plan s'appuierait sur une boite à outils juridiques et financiers mise à la disposition des élus pour piloter la rénovation, en s'inspirant des techniques utilisées pour la rénovation urbaine. La création d'une nouvelle forme de contrat de location touristique et l'évolution du mode de gestion des copropriétés à vocation touristique sont à l'ordre du jour. La maîtrise d'ouvrage de cette réflexion a été confiée à Atout France. L'expérimentation dans certaines stations pilotes doit permettre de dégager une typologie des problématiques et des réponses pouvant être apportées.

En conclusion, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

M. Didier Guillaume. - Serait-il possible d'avoir un bilan de l'action d'Atout France ? Les grandes collectivités territoriales font aussi souvent de la communication touristique, et il en résulte un certain manque de cohérence. L'exposition universelle de Shangaï est une illustration de cette absence de coordination dans la prospection des marchés étrangers.

M. Gérard Bailly. - Vous avez appelé à la suppression de la taxe de 2 % sur l'hôtellerie de luxe. Nous pourrions déposer un amendement en ce sens. Par ailleurs, beaucoup d'hôteliers ont des difficultés à réaliser les investissements nécessaires pour la mise aux normes de sécurité ou d'accessibilité. Nous avons besoin d'une étude poussée des conséquences économiques de ces exigences de mise aux normes. Je suis enfin favorable à l'audition par notre commission du président et du directeur général d'Atout France.

M. Yves Chastan. - Vous avez évoqué la diminution de 12 % des crédits de paiement du programme « Tourisme », et celle de 18 % des autorisations d'engagement. Cette baisse très forte est préoccupante pour l'avenir. La France est encore la première destination touristique mondiale, mais ce n'est que la troisième en termes de recettes. Je m'inquiète, notamment, de l'absence d'une politique de soutien de l'État face à la disparition programmée de l'hôtellerie familiale et au vieillissement des résidences de tourisme. La baisse de 17 % des crédits consacrés à la politique du tourisme social est également préoccupante, alors que 3 millions de Français ne sont pas partis en vacances en 2011. Au final, je ne porte pas sur le programme « Tourisme » un regard aussi favorable que notre rapporteur pour avis, et je n'en voterai pas les crédits.

Mme Mireille Schurch. - Le Gouvernement prévoit la mise en place de nouvelles normes de classement pour les offices de tourisme, qui excluraient les offices une étoile. Ceux-ci perdront en conséquence leur droit à subvention, alors qu'ils sont souvent animés par des bénévoles et situés dans des zones fragiles.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Le rapporteur pour avis a estimé que le secteur hôtellerie-restauration est capable de voler de ses propres ailes...

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - J'ai parlé du secteur du tourisme en général !

M. Jean-Jacques Mirassou. - Quoiqu'il en soit, la mise en place d'une mesure comme la TVA à 5,5 % pour la restauration montre que cette émancipation a ses limites.

M. Roland Courteau. - A ce propos, je serais curieux de connaître le bilan de la TVA à 5,5 % dans la restauration en matière de création d'emplois.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne les activités d'Atout France, je vous indique que cette agence à l'obligation d'établir un rapport d'activité annuel. Je vous renvoie par ailleurs au rapport d'information sur l'action d'Atout France fait en juin dernier par notre collègue de la commission des finances André Ferrand, en association avec notre collègue Michel Bécot. Je souscris également à votre suggestion d'une audition des dirigeants d'Atout France par notre commission.

En ce qui concerne le classement des offices de tourisme, il y a effectivement un problème pour ceux qui sont les héritiers des syndicats d'initiative dans les petites communes. Je vais interpeller le ministre pour savoir ce qui est prévu pour eux en matière de liberté d'enseigne. Auront-ils le droit de continuer à utiliser l'appellation d'office de tourisme ?

Malgré la baisse des crédits, j'estime à titre personnel que l'économie du tourisme peut néanmoins trouver ses équilibres. Mais il existe des domaines où une politique volontariste est nécessaire, tels que la petite hôtellerie en milieu rural ou la rénovation des capacités d'accueil du tourisme social.

En ce qui concerne le bilan de la TVA à 5,5 % dans la restauration, je vous renvoie au rapport de notre collègue Michel Houel, qui concluait à un effet positif en termes d'emplois.

M. Daniel Raoul, président. - En guise de conclusion, j'insisterai sur les besoins en formation aux langues étrangères et à l'accueil des touristes en France, car notre pays souffre d'un véritable déficit en la matière. La parole est maintenant à Evelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. - J'ai souhaité porter mon attention, dans le cadre de ce rapport pour avis, sur les missions et les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en abordant le sujet sous l'angle particulier de la protection des consommateurs. En effet, la relation de confiance entre les consommateurs et les professionnels traverse aujourd'hui une crise grave, qui se manifeste par un sentiment de vulnérabilité chez les consommateurs. Cela alimente une demande forte d'intervention des pouvoirs publics pour garantir leurs intérêts économiques et leur sécurité. Le Sénat va d'ailleurs examiner prochainement un projet de loi sur la protection du consommateur, qui prétend renforcer la DGCCRF, tant au niveau de ses champs d'intervention que de ses pouvoirs.

Ma question est donc simple : la DGCCRF, après cinq ans de RGPP, est-elle en état de remplir effectivement le rôle renforcé que la loi veut lui donner pour répondre à la demande de sécurité économique qu'expriment nos concitoyens ?

J'aurais aimé répondre « oui ». Malheureusement, mon sentiment est que la DGCCRF est aujourd'hui une administration sinistrée.

Tout d'abord, elle est face à ce qu'on pourrait appeler un « effet de ciseaux » entre ses missions et ses moyens.

D'un côté, loi après loi, directive européenne après directive, on charge un peu plus sa barque en lui confiant de nouvelles missions. Prenons l'exemple du projet de loi sur la protection des consommateurs dont je viens de parler. Ce texte crée de nouvelles règles pour encadrer les relations d'affiliation dans le domaine de la grande distribution entre les commerçants indépendants et la tête de réseau dont ils font partie. L'idée en soi est intéressante et ces règles, j'espère bien que le Sénat les durcira pour enfin s'attaquer aux monopoles locaux. C'est bien entendu la DGCCRF qui en contrôlera le respect. Le texte prévoit aussi d'étendre les indications géographiques protégées aux produits artisanaux et industriels. Pourquoi pas. Mais qui vérifiera que ces nouvelles indications d'origine sont bien respectées ? La DGCCRF encore une fois. Le texte propose également d'étendre les missions de contrôle aux activités de syndic de copropriété et à l'exercice de la profession de diagnostiqueur. Très bien. On sait qu'il s'agit de secteurs où les abus sont nombreux. Et c'est donc une nouvelle mission très lourde qui est ainsi donnée à la DGCCRF.

En résumé, si l'on met bout à bout toutes ces missions nouvelles, et qu'on se souvient qu'elles s'ajoutent à celles créées par la loi de modernisation de l'économie, puis par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, puis par la loi sur le crédit ; si l'on tient compte en outre que la législation européenne impose chaque année à la DGCCRF des contrôles sur un nombre croissant de produits alimentaires et non alimentaires, alors le tableau qu'on obtient est celui d'une DGCCRF qui croule littéralement sous les missions nouvelles.

Dans le même temps, et c'est la deuxième lame de l'effet de ciseaux, la DGCCRF voit, année après année, ses crédits et ses effectifs baisser. En 2012, elle perdra une centaine d'agents. Entre 2008 et 2012, ses effectifs seront passés de 3562 à 3053 agents, soit une baisse de 15 %.

Comment la DGCCRF fait-elle face à cet écart croissant entre le champ des contrôles qu'elle doit effectuer et les moyens dont elle dispose pour les mener à bien ?

Le discours officiel est que tout va bien, la réorganisation des services permettant de dégager des gains de productivité et d'adapter les moyens aux missions grâce à une efficacité accrue.

Je ne partage pas cet optimisme.

J'ai en effet pu constater, en premier lieu, que la DGCCRF a organisé son programme de contrôle des produits et des acteurs de marché de telle sorte que, par définition, les moyens soient toujours en quantité suffisante. Concrètement en effet, le programme de contrôle de la DGCCRF est défini chaque année sur la base d'une directive nationale d'orientation qui fixe les champs de contrôle prioritaires. Par exemple, en 2011, la DGCCRF a fait porter son effort de contrôle sur quelques thèmes comme la mise en oeuvre de la loi sur le crédit à la consommation, les services personnalisés, les nouvelles formes de marketing et de consommation numérique avec notamment la question de l'indépendance commerciale des comparateurs de prix ou encore la mise aux normes des ascenseurs. Avoir des priorités, c'est très bien, mais dans les faits des pans entiers des échanges échappent chaque année aux contrôles parce qu'ils ne sont pas prioritaires. Les moyens ne manquent donc jamais, puisque ce sont les missions qui s'adaptent aux moyens et non l'inverse.

De plus, il y a lieu de penser que la qualité des contrôles effectués a tendance à se dégrader et que cette baisse de qualité est masquée par des indicateurs de performances purement quantitatifs. Il est d'ailleurs intéressant de constater que l'économie de marché dérégulée développe un fétichisme de la performance chiffrée qui n'a d'équivalent que dans les régimes de planification économique les plus administrés ! La DGCCRF partage ce culte du chiffre et affiche ainsi des indicateurs de performance éblouissants, dont le ministre se félicite. En 2009, par exemple, 900 000 contrôles ont été effectués. Près de 150 000 anomalies ont été constatées.

Mais à quoi correspondent réellement ces contrôles ? Autrefois, les contrôles menés par la DGCCRF étaient de vraies enquêtes. Une enquête, c'est un contrôle approfondi, qui se donne les moyens de vérifier le respect des règles au-delà des simples apparences. Par exemple, un enquêteur de la DGCCRF va vérifier que les marchandises stockées par un restaurateur correspondent bien aux factures d'approvisionnement présentes dans la compatibilité et aux plats figurant sur la carte. De telles enquêtes ont aujourd'hui disparu car elles prennent du temps. Aujourd'hui, on demande de plus en plus aux agents de faire de simples inspections, c'est-à-dire de vérifier un certain nombre de points prédéfinis à partir d'une grille d'évaluation standardisée. On va leur demander, par exemple, de faire le tour des restaurants du secteur pour vérifier si les restaurateurs apposent bien sur leur vitrine la vitrophanie suivante : « la TVA baisse, les prix aussi ». En une heure, un agent peut ainsi contrôler quelques dizaines de restaurants, avec un effet marginal sur le bien-être des consommateurs, mais un impact très positif sur les statistiques de performances du ministère.

Mon sentiment est donc que la DGCCRF est en train de passer d'une activité de police économique dans le domaine de la concurrence et de la consommation à un simple travail d'audit et d'accompagnement des entreprises. Je ne suis pas certaine que cela constitue la réponse appropriée au sentiment de vulnérabilité des consommateurs et à la demande forte de protection que j'évoquais au début de mon intervention.

En conclusion, je vous propose d'émettre un avis défavorable aux crédits de la mission « Économie ».

M. Daniel Raoul. - L'examen du projet de loi sur la protection du consommateur sera l'occasion d'approfondir ce débat.

M. Gérard Bailly. - Vous n'avez pas présenté l'évolution des crédits.

M. Pierre Hérisson. - On ne peut pas augmenter les missions et baisser les crédits indéfiniment : il faudra bien le rappeler au ministre. Ceci étant, donner un avis défavorable aux crédits de la mission me paraît excessif.

M. Claude Bérit-Débat. - Je partage le constat qui a été fait. Plus de missions, moins de moyens : on ne peut pas continuer indéfiniment ainsi.

M. Roland Courteau. - Je suis persuadé non seulement que les missions nouvelles ne pourront être remplies, mais que les missions actuelles et anciennes ne pourront plus l'être non plus. C'est une application aveugle de la RGPP. Tant pis pour le consommateur !

Mme Valérie Létard. - Rationaliser la manière de travailler sur le terrain, c'est possible. En revanche, lors de l'examen du projet de loi sur la protection du consommateur, nous devrons demander à l'État de s'engager à mettre les moyens correspondant aux nouvelles missions.

M. Jean-Luc Fichet. - Ces baisses de crédits signifient aussi qu'on met le personnel de la DGCCRF dans une situation impossible, avec du stress et malheureusement parfois des arrêts de travail.

M. Gérard Bailly. - Ne faisons pas croire aux consommateurs qu'ils sont moins bien protégés aujourd'hui qu'il y a vingt ans ! Sur les moyens, il y a encore des économies à faire. Suite à l'Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) par exemple, on continue à faire encore aujourd'hui tous les tests sur tous les animaux qu'on abat !

M. Pierre Hérisson. - Un commentaire d'ordre général : je constate que le contenu des rapports n'a pas tellement changé. Ce sont les avis et les conclusions qu'on en tire qui évoluent.

Mme Évelyne Didier. - La principale chose à retenir de mon rapport, c'est qu'il y a un effet de ciseaux entre les moyens et les missions de la DGCCRF. Concernant les crédits, ils passent de 69 à 67 millions d'euros pour la régulation concurrentielle des marchés, de 120 à 115 millions pour la protection économique du consommateur et restent stables à 41 millions pour sa sécurité. Et cette baisse s'ajoute à celle des années précédentes. Or, la DGCCRF est un acteur essentiel, tant pour ses contrôles de terrain que pour activité de création normative. Il faudra bien que le ministre s'engage sur les moyens. Concernant les contrôles vétérinaires, c'est une mission des services vétérinaires et non de la DGCCRF. Enfin, je suis d'accord pour dire qu'il ne faut pas exagérer les risques : la France est un pays où les consommateurs sont plutôt bien protégés. Mais faisons attention à conserver ce niveau de sécurité ! Je voudrais d'ailleurs proposer que la commission mette en place un groupe ou une mission de contrôle pour approfondir la question des missions, des moyens et de l'organisation de la DGCCRF. Cela nous permettrait de nous prononcer en toute connaissance de cause.

M. Daniel Raoul. - Je souhaite vous présenter une proposition d'amendement visant à augmenter de 9 millions d'euros les crédits du FISAC, en prélevant cette somme sur les crédits du programme 305, qui bénéficie de 506 millions d'euros. C'est un message très fort que nous enverrions en faveur de l'aménagement du territoire.

M. Michel Teston. - L'action « stratégie économique et fiscale » ne devrait pas être trop affectée par cette ponction.

M. Pierre Hérisson. - Peut-on imaginer que le soutien à cet amendement s'accompagne d'un non rejet des crédits du FISAC ?

M. Daniel Raoul. - Ce n'est pas possible. Le rejet ou l'acceptation porte sur l'ensemble des crédits de la mission.

L'amendement est mis au vote. Il est adopté à l'unanimité.

Puis, la commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

Loi de finances pour 2012 - Mission Politique des territoires - Examen du rapport pour avis

La commission examine ensuite le rapport pour avis de MM. Ronan Dantec et Rémy Pointereau, sur les crédits de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2012.

M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. - J'ai aujourd'hui l'honneur d'être le co-rapporteur pour avis de la mission « Politique des territoires » et c'est évidemment pour moi une première. Mon analyse débutera par un questionnement : comment, pour reprendre un terme entendu lors des auditions, « l'errance administrative » subie par l'aménagement du territoire au cours des dernières années pourrait-elle ne pas nuire à l'efficacité des politiques menées ? Au gré de la formation des gouvernements successifs depuis 15 ans, cette politique s'est trouvée rattachée à une grande diversité de ministères. Certaines options pouvaient se défendre, comme le rattachement au ministère de l'Intérieur ou à celui en charge du Développement durable, d'autres ont été plus surprenantes, comme par exemple le rattachement au ministère de la Fonction publique. La situation actuelle ne me paraît pas satisfaisante : la création en 2009 d'un ministère de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, qui s'est trouvé fondu en 2010 dans un grand ministère de l'Agriculture, aboutit à tirer de fait la politique des territoires dans l'orbite principal de la ruralité. Il ne s'agit pas de nier qu'il y a un enjeu spécifique d'aménagement du territoire en zone rurale et, sur ce point, un certain succès des pôles d'excellence rurale (PER) est incontestable, mais il en résulte, me semble-t-il, un affaiblissement de la conduite politique et de la vision globale de l'aménagement du territoire. De fait, il apparaît bien qu'au vu de l'importance des enjeux agricoles en période de réforme de la PAC, l'aménagement du territoire a été considéré comme un enjeu plus secondaire, ce qui a d'ailleurs été illustré par les propos du ministre lors de son audition devant notre commission. Ayant interrogé M. Bruno Le Maire sur la pertinence du rattachement de l'aménagement du territoire à l'agriculture. Il m'a répondu qu'il ne verrait que des avantages à ce qu'un « puissant secrétaire d'État » soit placé à ses côtés pour s'en occuper, car la charge de travail afférente est lourde. Cette réponse spontanée se passe de commentaires.

Cette « ruralisation » de la politique des territoires ne me paraît pas répondre à la totalité des enjeux actuels. Nous sommes dans une nouvelle problématique de dialogue entre quatre types d'espaces : l'espace urbain, le périurbain influencé directement par le premier, les villes moyennes au rôle structurant majeur et l'espace rural proprement dit. Sans politique d'aménagement du territoire volontariste, nous assistons impuissants à l'étalement urbain, à la consommation de ressources foncières, à la dévitalisation des pôles urbains secondaires, et à un déséquilibre général du territoire avec d'un côté une grande région d'Île-de-France et des régions littorales en développement, notamment sur la façade atlantique, mais de l'autre côté, toujours autant de déserts français et de territoires en souffrance. Il faudrait aujourd'hui davantage de dialogues entre territoires, de vision partagée, et probablement définir de nouveaux outils de planification. C'est un enjeu majeur en période de crise. Or, à travers cette politique des territoires, l'État ne l'affirme ni politiquement, ni budgétairement.

Initialement, on pouvait observer dans le projet de loi de finances pour 2012 une certaine stabilité des crédits de la mission « Politique des territoires » : moins en autorisations d'engagement, qui diminuent de 4,6 % pour s'établir à 334 millions d'euros, mais plus en crédits de paiement, qui augmentent de 5,9 % pour atteindre 340,8 millions d'euros, ce qui correspondait à un rééquilibrage par rapport aux années précédentes. Mais un amendement adopté par l'Assemblée nationale a réduit les crédits de la mission de 3 millions, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, cette réduction s'imputant sur les moyens consacrés aux pôles de compétitivité et aux grappes d'entreprises. Il paraît pour le moins discutable, en période de crise, d'affaiblir d'abord notre capacité de réponse industrielle pour demain.

Cette absence d'ambition se confirme à propos des moyens de fonctionnement de la DATAR, dont je tiens à souligner l'importance en tant qu'administration de réflexion et de coordination. Il s'agit d'un organisme stratégique, et ce n'est donc pas là où l'on devrait prioritairement chercher à faire des économies. Or, la DATAR subit une diminution de 5 emplois pour 2012, qui s'ajoute à celle de 7 emplois cette année. Ses effectifs se trouvent ainsi ramenés à 136 équivalents temps plein, soit une baisse d'effectifs de 8 % en 2 ans. Permettez-moi de qualifier cette évolution de non-sens stratégique. Avec des moyens en diminution, la DATAR s'efforce néanmoins d'assumer son rôle de réflexion. C'est ainsi qu'elle a engagé depuis un an une mission de prospective baptisée « territoires 2040 », qui devrait déboucher en 2012. La première étape de cette démarche a consisté à problématiser sept systèmes spatiaux caractérisant la France. Nous sommes actuellement dans la deuxième phase, qui consiste à confronter les hypothèses dégagées avec les acteurs de terrain, sous l'égide des secrétaires généraux aux affaires régionales. Je serai particulièrement attentif aux propositions qui seront avancées dans le rapport final. Parmi les avancées conceptuelles justement imaginées par la DATAR, notons la mise en place des pôles métropolitains. Défendue par les associations d'élus et reprise par un amendement consensuel dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, cette notion de pôle métropolitain commence à trouver des concrétisations sur le terrain. Par exemple, la mise en réseau d'Angers, Brest, Nantes et Rennes au sein du pôle métropolitain Loire-Bretagne vient d'être votée dans les collectivités concernées. Je m'inquiète donc d'un certain affaiblissement de l'action de la DATAR au cours de l'année écoulée. Ainsi, aucun comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT), dont la DATAR assure le secrétariat, n'a été réuni depuis celui du 11 mai 2010. De même, je regrette qu'aucun lien organique n'ait été établi entre la DATAR et le Commissariat général aux investissements, directement rattaché au Premier ministre.

L'aménagement du territoire fait l'objet d'un document de politique transversale, qui rappelle que les crédits mobilisés vont bien au-delà de ceux de la seule mission « Politique des territoires ». En tout, c'est un montant de plus de 5 milliards d'euros en autorisations d'engagement qui est inscrit pour 2012 dans 34 programmes relevant de 16 missions budgétaires différentes. Les blocs les plus importants, en volumes de crédits, sont ceux relatifs à l'agriculture, à l'accompagnement des mutations économiques et au développement de l'emploi, à la formation supérieure et à la recherche universitaire, aux conditions de vie et à l'emploi outre-mer, aux concours financiers de l'État aux communes, et à la politique de la ville. La tendance générale est une forte baisse : le total des autorisations d'engagement est passé de 5,870 milliards d'euros en 2010 à 5,373 milliards d'euros pour 2012, soit une diminution de 8,5 % en trois ans. J'ai essayé d'identifier les baisses de crédits les plus marquées, même s'il n'était pas possible de reprendre toutes les lignes dans le détail. Je regrette, notamment, que le document de politique transversale, qui est censé nous éclairer, ne donne en fait guère d'explications aux baisses, parfois très sensibles, enregistrées pour certaines lignes. Elle est par exemple de l'ordre de 15 % pour le développement des entreprises et de l'emploi, et de 30 % pour les formations supérieures et la recherche universitaire. J'attire aussi l'attention, même si les volumes financiers sont plus faibles, sur l'effondrement des crédits alloués à la culture. Pour prendre un seul exemple, l'action 4 du programme 224, qui correspond à l'aide au développement culturel des territoires les moins favorisés (bibliothèque, résidences d'artistes), voit ses crédits s'effondrer de 50 % en autorisations d'engagement et de 74 % en crédits de paiement. Parallèlement, les crédits consacrés à la culture dans les contrats de programme État - régions CPER sont aussi en chute libre. Quand on connaît l'enjeu que représente la culture pour la cohésion sociale et l'attractivité des territoires les moins développés ou en mutation, il y a de quoi être inquiets, et nous attendons sur ce point les explications de la part du ministère de la Culture qui ne se trouvent pas dans le document de politique transversale.

Je souhaite aussi souligner la faiblesse de la réflexion sur les leviers fiscaux de l'aménagement du territoire, alors que nous devrions examiner les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Nous pouvons penser, notamment, que l'une des conséquences de cette réforme sera de pénaliser les territoires en situation de rattrapage économique. Alors que certains d'entre eux, après des années 80 et 90 très difficiles, engrangeaient des recettes croissantes de taxe professionnelle, ils se verront désormais figés au niveau atteint en 2009, et ne pourront donc poursuivre leur rattrapage. Il est regrettable que la DATAR n'ait engagé aucun programme d'étude pour mesurer les conséquences de cette réforme, qui n'est pas d'intérêt secondaire.

Au sein de la mission « Politique des territoires », je me suis attaché à analyser plus particulièrement le programme 162, consacré aux « interventions territoriales de l'État », ou PITE. Le PITE a été créé à titre expérimental en 2006, pour regrouper un certain nombre d'actions qui présentaient un caractère interministériel marqué et avaient une dimension territoriale. Par exception aux principes de la LOLF, les règles de gestion du PITE sont fondées sur la fongibilité des crédits entre ses différentes composantes. C'est un programme qui présente donc une certaine souplesse, liée à un volontarisme affiché de l'État pour des actions ancrées sur des territoires spécifiques, avec souvent des enjeux environnementaux importants. Avant de détailler ces actions, je voudrais souligner, comme l'a aussi fait la rapporteure spéciale de la commission des Finances, Frédérique Espagnac, la faiblesse des indicateurs choisis, qui sont conçus davantage pour mesurer l'engagement des crédits que pour vérifier l'efficacité de l'action engagée. Il serait souhaitable et logique de déterminer d'autres critères d'évaluation à l'avenir, portant par exemple sur la mesure des améliorations environnementales.

L'action la plus importante du PITE, soit 28,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, est constituée par le Programme Exceptionnel d'Investissement pour la Corse. D'un montant total d'un milliard d'euros sur la période 2007-2013, le PEI, qui est aussi abondé par d'autres crédits d'État, avance au rythme prévu, avec un taux de programmation de 46 % au 1er juillet 2011, et les échanges que j'ai pu avoir avec mes interlocuteurs corses comme avec les services du ministère de l'Intérieur confirment un assez bon déroulement de ce programme. Après avoir d'abord porté surtout sur les infrastructures de transport, l'effort est aujourd'hui accentué sur la distribution de l'eau et l'assainissement. Notons cependant que les petites collectivités territoriales de Corse ont du mal à fournir leur quote-part du financement des projets et qu'il y aura sans nul doute une réflexion complémentaire à mener quant à leurs ressources et à leurs moyens d'ingénierie.

La deuxième action du PITE est la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, à laquelle sont consacrés 10,7 millions d'euros. D'un point de vue formel, les objectifs ont été atteints pour les 9 points de captage hors normes au regard de la concentration en nitrates, qui avaient entraîné une condamnation de la France par la Commission européenne : 5 d'entre eux ont été mis aux normes et les 4 autres fermés. Mais ces résultats immédiats ont été atteints principalement par une reconfiguration des réseaux de distribution et non par la reconquête de la qualité de l'eau. L'action a donc d'abord consisté à faire disparaître les atteintes environnementales les plus visibles. Maintenant étendu au plan de lutte contre les algues vertes, le PITE finance notamment les frais de ramassage des algues, pour un montant atteignant 700 000 euros pour 2012, correspondant à la part de 50 % de l'État, les 50 % restant étant à la charge des communes. Ce ramassage se heurte à des difficultés de stockage des algues, comme cela a été le cas à Fouesnant il y a quelques jours. Le plan de reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne repose sur la mise en place de bassins d'action, définis par une contractualisation avec les acteurs. Deux projets ont été signés en 2011 pour la baie de Lannion, à la fin du mois de juin, et la baie de Saint-Brieuc, au mois d'octobre. Les contrats concernant les six autres baies devraient être signés en 2012. En tant que rapporteur pour avis, je m'interroge sur les indicateurs de performance qui seront demain adossés à cette action : taux de nitrates et de phosphore dans l'eau, quantités d'algues vertes ramassées... Nous devrons être vigilants quant à l'évaluation d'un plan mobilisant de la part de l'État, des collectivités territoriales, des agences de l'eau et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) un montant total de 134 millions d'euros sur cinq ans.

La troisième action du PITE est constituée par le plan de sauvegarde du Marais Poitevin, auquel sont consacrés 4,8 millions d'euros. Cette politique engagée en 2002 avec un plan décennal pour le Marais Poitevin qui avait pour objet d'éviter une nouvelle condamnation de la France par la Commission européenne, à la suite de la condamnation intervenue en 1999 pour manquement aux directives Oiseaux et Natura 2000, est désormais institutionnalisée, avec la création de l'établissement public pour la gestion de l'eau et de la biodiversité du Marais Poitevin, créé par la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II et constitué par décret le 29 juillet dernier. Il est doté de ressources propres par l'article 51 du projet de loi de finances. A terme, l'établissement public aura évidemment vocation à se substituer au PITE dans la conduite financière des opérations. Pour l'heure, j'ai toutefois le regret de constater que cette action du PITE, par la priorité qu'elle donne notamment à la construction de nouvelles « retenues de substitution », ne soutient guère l'opportunité d'une reconversion de l'agriculture vers des pratiques différentes : 1,6 million d'euros sont prévus en autorisations d'engagement pour les bassins, contre seulement 200 000 euros pour l'accompagnement des exploitants souhaitant limiter leurs prélèvements en eau. Autre exemple, la très faible progression de l'indicateur relatif à la « surface des prairies dans la zone du Marais Poitevin », qui passe de 35 250 ha en 2010 à 36 100 ha en 2012, montre les limites de l'action développée aujourd'hui.

La quatrième action du PITE est constituée par la mise en oeuvre du plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, à laquelle sont consacrés 2,9 millions d'euros. Cette politique se trouve encore dans la première phase de constitution de la connaissance scientifique sur cette grave pollution des sols et des eaux par un pesticide très persistant. Elle a été étendue récemment à la surveillance des ressources halieutiques, également contaminées. Les chiffres fournis dans l'évaluation 2011 sont à ce titre très inquiétants avec des taux de non-conformité des analyses effectuées de près de 8 % pour les denrées animales d'origine terrestre et de près de 25 % pour la production halieutique Nous sommes donc en présence d'un enjeu central de santé publique, qui nécessite un suivi étroit de la contamination des populations, et un suivi prioritaire des travailleurs agricoles qui ont été exposés au chlordécone. La réponse à apporter à des populations pauvres se nourrissant dans leurs propres jardins familiaux, aujourd'hui contaminés, est un enjeu social très important, qui nécessitera l'engagement de l'État. Les associations locales font aujourd'hui de nombreuses prospectives de phytoextraction des sols pollués.

Enfin, je voudrais pour conclure évoquer la réforme prochaine de la politique européenne de cohésion. La Commission européenne a proposé de lui consacrer 336 milliards d'euros pour la période 2014-2020, soit 36 % du budget de l'Union européenne. Dans ses propositions législatives présentées le 5 octobre dernier, la Commission confirme sa proposition de créer une catégorie de régions en transition, dont le PIB par habitant serait compris entre 75 % et 90 % de la moyenne communautaire. Cette proposition est a priori intéressante pour la France, dont 9 régions seraient concernées. Mais l'accueil qui lui est fait par le Gouvernement français est mitigé car, tout en étant d'abord soucieux de contenir la progression du budget européen, il privilégie le maintien du budget de la PAC. Il me semble que l'on ne peut pas se satisfaire d'une approche aussi défensive. Nous analyserons avec attention les réponses de l'État aux nouvelles propositions formulées par la Commission européenne. Dans le contexte actuel, il est important de se demander en quoi la politique de cohésion peut participer à la résolution de la crise économique européenne. Les interventions des fonds structurels doivent être utilisées au service de l'efficience et de la modernisation des services publics de certains États, dont on voit à quel point leur faiblesse d'organisation peut avoir de très graves conséquences, par exemple dans la collecte de l'impôt. Il ne s'agit pas de s'inscrire dans des logiques purement punitives et de conditionnalités d'octroi des aides européennes, mais bien d'avoir une stratégie forte d'utilisation des fonds structurels pour participer à la résolution de la crise actuelle. C'est un enjeu majeur, et le fait que le Gouvernement ait donné la priorité à la défense du budget de la PAC n'est pas satisfaisant. Nous retrouvons justement, sur ce point, la difficulté découlant du fait d'adosser l'aménagement du territoire à l'agriculture, évoquée au début de mon propos.

Afin de marquer notre désaccord avec ce manque d'ambition et de cohérence du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire, je vous propose, chers collègues, d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - En complément de la présentation de Ronan Dantec, j'axerai mon propos autour du programme 112 de la mission « Politique des territoires », qui est intitulé « Impulsion et coordination de la politique des territoires ». Le programme 112, avec un montant pour 2012 de 287,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 304,7 millions d'euros en crédits de paiement, constitue 85,9 % du total de la mission « Politique des territoires ». Ces montants sont en diminution de 5 % en autorisations d'engagement, mais en augmentation de 6 % en crédits de paiement. Toutefois, ces crédits du projet de loi de finances initial ont été réduits à l'Assemblée nationale par un « coup de rabot » à hauteur de 3 millions d'euros, portant pour 1 million d'euros sur les dotations des contrats de projets État-régions et pour 2 millions d'euros sur les dotations des grappes d'entreprises. En outre, le plan d'austérité annoncé par le Premier ministre comporte une réduction supplémentaire de 500 millions d'euros sur la totalité des programmes de l'État. La part revenant au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique des territoires » devrait s'élever à 1,5 million d'euros, portant vraisemblablement sur les crédits du fonds national d'aménagement et de développement des territoires (FNADT). Enfin, le périmètre de la mission « Politique des territoires » perd en 2012 la subvention à la Société du Grand Paris, d'un montant de 6 millions d'euros, qui lui avait été rattachée l'an dernier et qui se trouve désormais inscrite sur les crédits de la mission « Politique de la ville ».

Ces crédits en réduction permettent néanmoins la poursuite des politiques engagées. Les pôles de compétitivité fonctionnent bien. Depuis leur lancement en 2005, 71 pôles ont été labellisés. A l'issue de l'évaluation conduite en 2008, 6 d'entre eux ont été jugés insuffisamment performants et déclassées. Mais, en compensation, 6 nouveaux pôles de compétitivité ont été labellisés dans le domaine des écotechnologies. L'enveloppe prévue pour la période 2009-2012 s'élève à 1,5 milliards d'euros.

La politique des pôles de compétitivité est articulée avec celle des grappes d'entreprises. Alors que les pôles ont un positionnement axé sur la recherche-développement et l'innovation technologique, les grappes d'entreprises se positionnent sur des actions plus proches du marché. Un total de 126 grappes d'entreprises a été sélectionné à l'issue de deux appels à projets. Une enveloppe de 24 millions d'euros sur deux ans est mobilisée par le FNADT. Certaines grappes d'entreprises s'appuient sur des pôles de compétitivité, mais ce n'est pas le cas de toutes. Alors que dans le cas des pôles, l'aide publique peut financer de l'investissement, dans le cas des grappes, elle accompagne seulement l'animation des entreprises autour d'un champ thématique commun.

D'une manière générale, j'estime que les politiques d'appels à projets donnent de meilleurs résultats, grâce à l'émulation qu'elles favorisent, que les politiques de « guichets ». C'est cette procédure d'appels à projets qui a permis de sélectionner les pôles d'excellence rurale, en deux vagues successives de 379, puis 263 PER. Toutefois, 31 PER de la première vague ont été abandonnés, alors que les conventions des PER de la deuxième vague sont actuellement en cours de signature. L'enveloppe globale ayant été reconduite au niveau de 235 millions d'euros d'une génération à l'autre, le montant moyen d'aide par PER devrait être accru de 620 000 à 890 000 euros.

Cette année, je me suis intéressé à l'action de l'Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII). En effet, l'AFII se trouve sous la double tutelle du ministre chargé de l'aménagement du territoire et du ministre chargé de l'économie et des finances. A ce titre, elle reçoit pour 2012 une subvention de 7 millions d'euros inscrits au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », et de 14,8 millions d'euros inscrits au programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi ».

L'AFII apparaît comme une agence très dynamique. L'évaluation de ses actions qui a été faite au printemps 2011 montre qu'elle parvient à de bons résultats même en période de crise : 782 projets d'investissements étrangers en France ont été annoncés en 2010 contre 639 en 2009, soit une hausse de 22 %. Le nombre d'emplois induits s'élève à 31 815. Cette bonne performance s'explique largement par l'ensemble des mesures prises au cours des dernières années pour renforcer l'attractivité de notre pays : réforme du crédit d'impôt recherche en 2008, lancement du Grand Paris en 2009, réforme de la taxe professionnelle et lancement du programme national des investissements d'avenir en 2010. Ainsi, on dénombre en 2010 51 projets d'installations de centres de recherche-développement et 40 projets d'installations de quartiers généraux d'entreprises.

Toutefois, les investissements étrangers apparaissent relativement concentrés sur le territoire. Quatre régions accueillent 61 % des projets : l'Île-de-France (31 % du total des projets), Rhône-Alpes (16 %), Midi-Pyrénées (7 %) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (7 %). Afin d'atténuer cette concentration géographique des investissements étrangers, la convention d'objectifs et de moyens de l'AFII lui assigne comme priorité la promotion des pôles de compétitivité et le soutien aux zones en mutations économiques. L'AFII, qui a désormais une notoriété bien établie, identifie les investisseurs étrangers et les rapproche ensuite du circuit des chambres de commerce et d'industrie et des collectivités territoriales.

Je souhaite aussi appeler votre attention sur le dispositif de la prime d'aménagement du territoire (PAT), qui s'inscrit dans le cadre communautaire des aides à l'investissement à finalité régionale (AFR). La carte française des zones AFR a été autorisée par la Commission européenne pour la période 2007-2013. Elle a fait l'objet d'une révision à mi-parcours en 2010, mais qui a maintenu constant son taux de couverture, soit 15,5 % de la population française.

Le dispositif de la PAT est financé pour 2012 par une dotation de 38,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 33 millions d'euros en crédits de paiement, soit des niveaux stables depuis 2010. Il a fait l'objet de critiques de la part de la Cour des Comptes, qui s'est interrogée sur le caractère réellement incitatif de cette aide. En effet, le montant de la prime peut paraître modique au regard du volume des investissements aidés. Mais c'est un élément de persuasion de la part de l'État, qui peut faire la différence dans la dernière ligne droite de la négociation de dossiers délicats. On estime que le dispositif PAT a permis en 2010 de créer 3 000 emplois et d'en maintenir 8 400.

C'est aussi dans le cadre de ce programme que le Gouvernement soutient des politiques indispensables à l'attractivité des territoires ruraux. L'accent est mis cette année sur l'amélioration de l'offre de soins en milieu rural. Le programme national de financement des maisons de santé pluridisciplinaires prévoit d'en financer 250 sur la période 2010-2013, à hauteur de 25 millions d'euros par an. Environ 200 maisons de santé ont été labellisées, mais elles sont encore loin d'être toutes en fonctionnement.

L'accord national « Plus de services au public », signé en septembre 2010 entre l'État et 9 opérateurs, est dans un premier temps expérimenté dans 23 départements. Les conventions départementales sont en cours de finalisation. Le principe consiste à trouver un montage opérationnel pour mutualiser les coûts, qui sera financé par la Caisse des dépôts et consignations et par les opérateurs eux-mêmes. L'expérimentation devrait permettre d'élaborer un cahier des charges en vue d'une généralisation en 2012.

Enfin, le programme national du très haut débit (PNTHD) présenté par le Gouvernement en juin 2010 a pour objectif de parvenir à une couverture de 100 % des foyers en 2025, avec un objectif intermédiaire de couverture de 70 % en 2020. Un appel à projets pilotes a débouché sur la sélection de 7 expérimentations associant collectivités et opérateurs. Un appel à manifestation d'intentions d'investissements a permis de connaître les intentions des opérateurs privés en ce qui concerne le déploiement de réseaux locaux à très haut débit : 3 400 communes sont concernées, regroupant, avec les 148 communes correspondant aux zones très denses, près de 57 % des ménages. Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique sont en cours d'élaboration, soit au niveau départemental, soit au niveau régional.

Une enveloppe de 2 milliards d'euros est prévue au sein du programme des investissements d'avenir, répartie entre 1 milliard de prêts pour les opérateurs, 900 millions de subventions pour les collectivités territoriales, et 100 millions d'euros pour l'offre satellitaire. Toutefois, cette enveloppe de départ ne permettra de financer que les premières années du programme national du très haut débit, dont le coût total est évalué entre 25 et 35 milliards d'euros. Il faudra donc trouver un financement pérenne pour le fonds d'aménagement numérique des territoires appelé à prendre le relais.

Globalement, le budget de la mission « Politique des territoires » se situe dans une perspective de contrainte budgétaire, à laquelle plus aucune action de l'État ne peut aujourd'hui échapper. Mais je crois qu'il a réussi à préserver les marges de manoeuvre permettant d'assurer la continuité de la politique de soutien aux territoires. Je vous propose en conséquent d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

M. Michel Teston. - L'absence de vision stratégique concernant l'aménagement du territoire se reflète dans l'évolution de la DATAR. Transformée en délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) dans un premier temps, elle a retrouvé par la suite sa dénomination d'origine, mais ses moyens n'ont pas été rétablis. Il nous manque un véritable lieu de réflexion sur l'aménagement du territoire. Je rappelle, concernant le projet de schéma national des infrastructures de territoire sur lequel nous avons donné un avis, que la DATAR avait fait des propositions en 2003, concernant notamment les territoires fragiles.

M. Roland Courteau. - S'agissant du chlordécone, pourquoi ne pas mettre en place un dispositif d'accompagnement des exploitants agricoles pour la reconversion des terres polluées ? Je suggère également de réaliser une cartographie affinée de la pollution des sols et des milieux marins, car des études semblent montrer que la contamination les atteint également.

M. Gérard Bailly. - Quelle est l'évolution du FNADT et de la dotation d'équipement des territoires ruraux, qui facilite les investissements des collectivités ?

M. Joël Labbé. - Il ne faut pas oublier les effets négatifs que peut avoir une agriculture exagérément intensive : c'est ce qui a fait perdre au Marais Poitevin son label de parc naturel régional. Concernant le plan nitrates, la volonté de maintenir la capacité de production peut relever d'une vision de court terme : songeons aux sommes dépensées pour restaurer la qualité des eaux !

M. Francis Grignon. - L'Agence française pour les investissements internationaux mène un travail efficace, par exemple pour trouver des repreneurs d'entreprises. Ils collaborent utilement avec Ubifrance. Pouvez-vous indiquer quels sont les effets de son action sur les investissements et la création d'emplois ?

M. Ronan Dantec. - S'agissant du chlordécone, il est prévu que la cartographie des contaminations soit réalisée. Certains terrains contaminés, notamment des jardins familiaux, risquent de rester incultes : il faudra trouver des alternatives. C'est également un problème de santé publique. Enfin, le FNADT dispose de 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 251 millions d'euros en crédits de paiement.

M. Rémy Pointereau. - Je constate que, depuis quelques années, la DATAR tend à retrouver son rôle antérieur, mais je souhaiterais qu'elle puisse à nouveau présenter des perspectives sur dix à trente ans. Le FNADT connaît une baisse de 6,3 % de ses autorisations d'engagement et une hausse de 7,6 % de ses crédits de paiement. S'agissant de l'AFII, elle a permis la création ou le maintien de 31 932 emplois en 2008, 29 889 en 2010 et 31 815 en 2010.

M. Jean-Luc Fichet. - Malgré l'omniprésence de l'aménagement des territoires dans les discours, les crédits sont faibles et relèvent du saupoudrage. Considérons la politique de santé : on est en train de laisser se constituer des déserts médicaux. Les primes financières ne sont pas suffisantes pour faire venir les étudiants en médecine dans les zones rurales. Quant aux maisons de santé, quel intérêt les élus ont-ils à les financer s'ils ne sont pas sûrs que des médecins viendront les occuper ? S'agissant du très haut débit, l'échéance de son déploiement en 2025 risque d'arriver trop tard, le territoire s'étant déjà désertifié d'ici là. Les crédits interministériels sont certes supérieurs à ceux de la mission, mais la politique d'aménagement du territoire manque de visibilité.

M. Pierre Hérisson. - Je vous indique que les opérateurs télécoms se sont mis d'accord pour déployer de manière coordonnée un réseau commun dans les zones peu denses. On a pris l'habitude de prévoir un financement sur fonds publics pour ces zones, mais il est aussi utile de mettre la pression sur les opérateurs afin de les amener à agir en milieu rural, dans le cadre de conventions de partenariat.

M. Jean-Jacques Mirassou. - On assiste à une dilution des responsabilités en matière de maîtrise d'ouvrage : l'État met les collectivités territoriales devant le fait accompli. Ainsi, celles-ci devront consacrer des sommes considérables aux nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse alors que les premières lignes ont bénéficié du financement de l'État. De la même manière, l'État a annoncé une contribution de 37 millions d'euros seulement pour le canal du Midi, alors que sa simple remise en état coûtera 200 millions d'euros. Enfin, les maisons de santé sont un leurre, car un médecin n'ira pas s'installer sur un site s'il ne dispose pas des moyens techniques qui lui donnent les moyens d'exercer son travail.

Mme Évelyne Didier. - Avec la concentration des habitants dans les grandes villes et la fermeture des services publics dans les zones rurales, des pans entiers de nos campagnes se désertifient, même si certains lieux se régénèrent à proximité des grands centres. Le maintien des transports publics, des écoles, des bureaux de poste joue un rôle essentiel. S'agissant des médecins, on veut maintenir leur liberté d'installation alors que, comme les entreprises et les particuliers, ils ont bénéficié des aménagements et des services publics financés par l'État et que leur formation est financée sur les deniers publics : chacun doit-il dans notre société faire ce qu'il veut, sans se soucier des autres ? Nous devrions mieux prendre en compte l'intérêt général.

Mme Mireille Schurch. - La DATAR devrait à nouveau jouer le rôle de chef de file de la politique d'aménagement du territoire : on en est loin. S'agissant de la fracture numérique, je rappelle que, lors de l'examen de la proposition de loi qui lui était consacrée, nous avons fait des propositions, malheureusement rejetées, tendant à permettre l'orientation vers l'équipement des zones rurales d'une partie des bénéfices réalisés en zones denses par les opérateurs. Enfin, les instituteurs sont nommés, même si c'est parfois difficile, dans les endroits où le besoin s'en fait ressentir : pourquoi ne pourrait-on pas faire de même avec les médecins, qui ont également été formés grâce à l'argent public ?

M. Daniel Raoul, président. - S'agissant du crédit d'impôt recherche, dont je soutiens le principe, il a été multiplié par trois depuis 2008 mais la recherche et développement n'a progressé que de 20 % dans le même temps. Je regrette profondément que le groupe PSA Peugeot Citroën, après avoir bénéficié du dispositif financé par des fonds publics, délocalise à présent sa recherche et développement.

M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. - L'enjeu du positionnement de la DATAR dans l'organisation de l'État est important. Nous devons aussi avoir une réflexion sur les outils les plus efficaces pour l'aménagement du territoire. Comment utiliser la fiscalité des entreprises pour en faire un outil d'aménagement du territoire, notamment au profit des villes moyennes ? Les grandes métropoles ont émergé, mais en asséchant relativement les ressources des villes moyennes situées dans leur orbite. La DATAR devrait travailler sur les mécanismes de péréquation qui doivent accompagner la suppression de la taxe professionnelle.

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Tout n'est pas qu'une question de moyens financiers. Par exemple, les difficultés des services de santé en zone rurale sont aussi liées au numerus clausus, qui a été diminué il y a vingt ans. Je suis assez d'accord avec Evelyne Didier et Mireille Schurch sur l'intérêt de mettre en place des mesures coercitives pour l'installation des médecins. On planifie bien l'implantation des pharmacies, et j'estime que les étudiants en médecine sont redevables à leur pays.

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

Mercredi 16 novembre 2011

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Écologie, développement et aménagement durables, budget annexe et comptes spéciaux - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport pour avis de MM. Roland Ries, Roland Courteau, Mme Elisabeth Lamure et MM. Charles Revet et Bruno Sido, sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2012.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis. - Notre commission a chargé cette année cinq co-rapporteurs d'examiner les crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ». Mon propre rapport porte sur les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transport », sur le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionné de voyageurs », sur le compte de concours financier « Avance au fonds d'aide à l'acquisition des véhicules propres », ainsi que sur l'article 50 rattaché à la mission, modifiant la taxe hydraulique au profit de Voies navigables de France.

Mme Élisabeth Lamure est chargée du programme 207 « Sécurité et circulation routières », du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

L'avis de M. Charles Revet porte sur le programme 205, « Sécurité et affaires maritimes », M. Bruno Sido traitant du programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité », du programme 181 «  Prévention des risques » et des articles 51 à 51 sexies. M. Roland Courteau se penche enfin sur le programme 171 « Energie, climat et après-mines ».

En 2012, globalement les crédits de la mission s'élèvent à 9,81 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 1,98 % par rapport à 2011, et à 9,74 milliards d'euros en crédits de paiement en hausse de 2 %.

Les crédits des comptes des fonds de concours et d'attributions de produits s'élèvent à 2,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 1,7 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les crédits de la mission ont été substantiellement modifiés à l'Assemblée nationale, qui a adopté cinq articles rattachés. En outre, ces crédits ont subi deux coups de rabot successifs, de 84 millions d'euros le 24 août dernier et de 51 millions d'euros hier soir à l'Assemblée nationale. En définitive, le projet de budget que celle-ci nous transmet porte sur 9,68 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, en baisse de 3,3 %, et 9,60 milliards d'euros de crédits de paiement, en baisse de 0,9 %.

Les chiffres que nous citerons, sauf indication contraire, sont ceux du projet initial, susceptibles d'être modifiés par ces deux coups de rabot. Il faut aussi évoquer les ressources extra-budgétaires, de 3,4 milliards d'euros, qui vont à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF), à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), ainsi qu'aux agences de l'eau. Enfin, on peut indiquer que les dépenses fiscales rattachées à la mission s'élèvent à 2,8 milliards d'euros.

Le programme 203 est de loin le plus important de la mission, avec 4,279 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, en légère baisse de 12 millions d'euros, et 4,307 milliards d'euros de crédits de paiement, en hausse significative de 6 % par rapport au projet de loi de finances initiale 2011. Mais le programme est la principale victime des coups de rabot du gouvernement, puisqu'il a été amputé de 98 millions d'euros.

Mes observations sont essentiellement motivées par le respect de la lettre et de l'esprit du Grenelle de l'environnement.

Ma première recommandation : donner la priorité à l'entretien de tous les réseaux de transports, conformément à une préoccupation constante de notre commission et du groupe de travail sur le schéma national des infrastructures de transports (SNIT).

Réseau ferré de France (RFF) bénéficie cette année des crédits pour régénérer 1 000 kilomètres de voies, mais l'opérateur ne disposera pas des moyens suffisants, d'ici 2015, pour répondre aux objectifs du scénario « C » préconisé par le rapport de l'École polytechnique de Lausanne, le plus ambitieux des trois proposés, permettant « de rajeunir le réseau afin d'en améliorer sa substance et son état  ». Il manquera 300 millions d'euros par an d'ici 2015, selon les propres estimations de RFF ! Cet établissement est plombé par trente années d'absence de régénération, une dette colossale de 30 milliards, les rivalités avec la SNCF sur le contrôle de la direction de la circulation ferroviaire, la faible productivité des travaux sur les voies et par la mise en place du cadencement, qui démarre le 11 décembre. Les Assises du ferroviaire permettront peut-être de faire évoluer les relations entre RFF et SNCF et de réfléchir à la « soutenabilité » financière de notre gouvernance ferroviaire.

Le gouvernement commence à prendre conscience de la dégradation rapide et alarmante du réseau routier : les crédits de paiement de l'action 12 « Entretien et exploitation du réseau routier national » augmentent de 15 % pour atteindre 342,8 millions. Mais cette hausse succède à une forte baisse en 2011. L'effort doit être poursuivi, mais je suis inquiet, car les députés ont récemment voté, dans le cadre de la proposition de loi Warsmann, l'autorisation quasi générale et immédiate de circulation des poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux, très agressifs pour les chaussées et les ponts.

Le réseau fluvial est également en piètre état. Le ministère, dans son rapport au Parlement sur la « régénération du réseau navigable et la rénovation des barrages manuels », estime à 1,5 milliard d'euros la simple remise à niveau du réseau magistral.

Deuxième recommandation : donner la priorité aux modes de transport alternatifs à la route. Les crédits de l'action 11 pour le développement des infrastructures fluviales et ferroviaires baissent cette année, alors que le groupe de travail sur la réforme portuaire de notre commission avait appelé à un sursaut de l'État...

M. Charles Revet, rapporteur pour avis. - On en a bien besoin !

M. Roland Ries, rapporteur pour avis. - Je déplore que l'action 1 « Développement des infrastructures routières » englobe indifféremment les crédits liés au développement du réseau et ceux dédiés à sa modernisation, car il est impossible de savoir quels projets profiteront de l'augmentation de 60 % des autorisations d'engagement de cette action.

Sans nier la nécessité d'investir fortement dans la modernisation et l'entretien de notre réseau routier, je suis beaucoup plus réservé quant à la construction d'infrastructures nouvelles, qui pèseront sur les choix de nos concitoyens.

J'interrogerai en séance publique Mme la ministre pour savoir si le gouvernement a effectivement dégagé les crédits pour établir les cahiers des charges des 11 projets de désenclavement routier défendus à l'unanimité le 8 juin dernier par notre groupe de travail sur le SNIT.

Troisième recommandation : assurer des ressources pérennes à l'AFITF, afin que l'État poursuive son effort en faveur des grands projets d'infrastructures de transport.

A court terme, le budget de l'agence baisse de 236 millions dans le projet initial, pour atteindre seulement 1,998 milliard en 2012. Mais le gouvernement a accentué la pression à l'Assemblée nationale. Les recettes issues de la taxe d'aménagement du territoire ont été plafonnées par le plan de rigueur du 24 août dernier. La subvention d'équilibre sera réduite de 53 millions d'euros. Les ressources de l'agence fondent donc de plus de 280 millions d'euros l'an prochain sans prendre en compte le second coup de rabot !

A moyen terme, en 2013, l'agence bénéficiera de la taxe poids lourds. Pour l'heure, elle pâtit cruellement du retard de sa mise en place. La rédaction du cahier des charges a été très longue, ce qui est inévitable pour un contrat de partenariat complexe. Le dossier a été ralenti de plus de quatre mois en début d'année par des procédures contentieuses. Chaque année de retard se traduit par une subvention d'équilibre d'un milliard d'euros et chaque mois perdu creuse un peu plus la dette de l'État. Ce qui est perdu l'est irrémédiablement et ne sera pas récupéré quand la taxe sera enfin créée.

A long terme, le budget annuel de l'agence devrait avoisiner 3 milliards d'euros sur trente ans, car l'État stricto sensu envisage d'apporter 87 milliards d'euros sur les 270 milliards d'euros du SNIT. Il manquera donc un milliard d'euros à l'agence chaque année, même lorsque la taxe sera créée. Il faudra réfléchir à de nouvelles ressources, comme le relèvement de la redevance domaniale payée par les sociétés d'autoroutes ou le recours aux obligations du futur fonds européen pour l'interconnexion.

Quatrième recommandation : l'État doit poursuivre ses efforts en faveur des transports collectifs en site propre (tramways, bus à haut niveau de service). Certes, le Gouvernement a lancé deux appels à projets en 2008 et 2010. Je souhaite que le ministère étudie la possibilité de lancer un troisième appel à projets. Nous avons identifié au groupement des autorités responsables des transports (GART) une quarantaine de projets de villes moyennes qui désirent se libérer des contraintes de la circulation automobile, mais aussi de grandes métropoles comme Lyon, Lille ou Toulouse.

Je mets en garde contre le relèvement de la TVA de 5,5 % à 7 % pour les transports en commun, qui pèsera sur nos concitoyens à hauteur de 50 millions d'euros pour 2012, voire 83 millions d'euros si l'on intègre le transport express régional (TER), ce qui revient à transférer l'endettement de l'État aux collectivités territoriales. Le GART va évoquer ce sujet devant le Premier ministre.

Enfin, je voulais vous présenter initialement deux amendements, mais le premier a été adopté cette nuit par l'Assemblée nationale. Il permet aux petites communes touristiques de moins de 10 000 habitants de créer un versement transport, fixé à un taux maximum de 0,55 %.

Je vous présenterai donc seulement un amendement pour donner aux régions la possibilité d'instaurer un versement transport spécifique pour financer le transport régional, c'est-à-dire essentiellement le TER. Un amendement en ce sens a été rejeté à l'Assemblée hier soir, qui créait à la fois un versement transport « additionnel » concernant le périmètre de transport urbain (PTU), correspondant à l'agglomération, et un versement transport interstitiel, pour le reste du territoire, avec un taux de 0,2 % pour le premier et de 0,3 % pour le second. L'amendement que je vous propose aujourd'hui ne porte que sur la zone interstitielle, pour ne pas ponctionner les agglomérations qui ont le plus grand besoin de ce versement. Je comprends l'objectif des présidents de régions qui souhaitent y accéder en tant qu'autorités organisatrices de transports urbains, mais la position du GART ne va pas dans ce sens, et celle du maire de Strasbourg encore moins !

Le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » a été créé l'an dernier pour assurer la pérennité des trains d'équilibre du territoire, comme les trains Corail, Téos et Luné, qui sont très souvent déficitaires. Les recettes issues de ces trains ne couvrent que 80 % des coûts de fonctionnement de ces lignes. C'est beaucoup si on compare ces lignes avec les TER, où les usagers ne paient que 20 % à 30 % des coûts de fonctionnement, mais c'est insuffisant pour atteindre l'équilibre. C'est pourquoi l'État verse une subvention à la SNCF - dont l'objectif stratégique est d'équilibrer chacun de ses pôles d'activités - de 280 millions d'euros en 2012, soit 30 % de plus que l'an dernier. Cette hausse s'explique par la décision de l'autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) d'imposer à RFF le doublement du niveau des péages acquittés par les trains d'équilibre du territoire.

Je recommande de rééquilibrer les sources de financement. Aujourd'hui, seulement 30 millions d'euros viennent de la taxe d'aménagement du territoire, payée par les sociétés autoroutières, le reste étant financé par les entreprises ferroviaires, donc la SNCF, à travers deux taxes spécifiques. Je souhaite que la route finance de plus en plus le rail à l'avenir, sans que les sociétés d'autoroutes répercutent ces coûts sur les usagers.

Je recommande aussi que l'État joue pleinement son rôle d'autorité organisatrice de transport en imposant à la SNCF des objectifs ambitieux de qualité de service, pour les trains d'équilibre du territoire, car nos concitoyens expriment des attentes fortes et supportent difficilement les retards à répétition.

J'en viens au compte de concours financier « Avances au fonds d'aides à l'acquisition des véhicules propres », plus connu sous le nom de bonus-malus automobile. Le projet de budget fait apparaître un nouveau déséquilibre, avec un déficit de 112 millions d'euros.

Ce déficit est structurel depuis sa création en 2008, alors que les recettes du malus étaient censées couvrir les dépenses du bonus et du super-bonus. Il n'en a rien été : pour la seule année 2010, le déficit s'est élevé à plus de 800 millions d'euros.

Les députés ont souhaité mettre un terme à cette dérive. Un amendement de la commission des finances a supprimé l'existence même du compte pour ramener le dispositif du bonus-malus dans le budget général, dont les normes de dépenses sont plus strictes. Le Gouvernement a ensuite fait adopter un amendement pour instaurer un compte d'affectation spéciale, qui ne peut être voté qu'à l'équilibre selon la LOLF.

Le Gouvernement prend donc l'engagement d'atteindre l'équilibre dès 2012. Il a déjà pris des mesures dans le budget 2012 pour renforcer le malus, car la modification de la taxe additionnelle sur les vignettes dépend du pouvoir législatif (78 millions d'euros de nouvelles recettes sont attendues). La modification du bonus, dépendant du pouvoir réglementaire, devrait permettre 34 millions d'économies. Je suis satisfait par cette évolution : il n'y a pas de raison que la réduction de la pollution des véhicules neufs se fasse au détriment de nos finances publiques.

Enfin, la modification, par l'article 50, de la taxe hydraulique, dont bénéficie Voies navigables de France (VNF), vise à lutter contre les installations illégales et les rejets d'eau provoquant des sédimentations, qui gênent la navigation fluviale. Cette mesure technique est utile, même si sa portée est limitée et son impact financier difficile à évaluer.

En conclusion, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » et du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Sur le compte de concours financier « Avances au fonds d'aides à l'acquisition des véhicules propres » et sur l'article 50 rattaché à la mission, à titre personnel, je m'abstiendrai.

M. Michel Teston. - Les crédits du programme 203 comportent un aspect positif : ils permettent de régénérer 1 000 kilomètres de ligne par an, conformément à l'option médiane du rapport de l'école polytechnique de Lausanne. L'option optimale s'élevait à 1 500 kilomètres. Ce n'est donc pas avant trois ou quatre ans que nous réussirons à résorber le retard.

Ce budget comporte aussi des lacunes. Le financement de l'AFITF est insuffisant, en raison du report en 2013 de la taxe sur les poids lourds. Le Grenelle de l'environnement avait prévu 2,5 milliards d'euros en faveur des transports en commun en site propre. Il y a deux appels à projets pour les villes moyennes, mais ce n'est pas une réponse suffisante. Comme le propose Roland Ries, il faut lancer un troisième appel à projets. Il n'y a pas de financement régional pour les TER, alors qu'on sait les investissements consentis par les régions en matériel et dans l'accompagnement de RFF, afin de rajeunir les lignes des catégories 5 à 9, pour reprendre la typologie de l'union internationale des chemins de fer, sur lesquelles circulent les TER. Il faut trouver une solution, comme celle suggérée par Roland Ries, consistant à créer un versement transport, mais il ne faut pas pénaliser les autorités organisatrices de transports dans les PTU.

Il n'y a pas de véritable espoir pour le fret, en dépit de tout ce qui a été dit lors du Grenelle : le trafic est passé de 40 milliards de tonnes-kilomètres il y a encore dix à quinze ans, à moins de 28 milliards de tonnes-kilomètres aujourd'hui ! Le fret ferroviaire n'a pas repris des parts de marché au fret routier, loin de là ! Et les parts de marché des nouveaux entrants se font essentiellement au détriment de la SNCF...La question ne pourra être résolue tant que ne sera pas reconnu le caractère d'intérêt général du fret ferroviaire et pas seulement du wagon isolé.

Ce budget manque de visibilité. Il n'ouvre aucune piste pour lisser progressivement la dette de RFF, les 20 milliards d'euros de l'héritage des dettes de la SNCF avant 1997. Il est d'autant plus regrettable que le projet initial de la loi des finances et le vote émis par l'assemblée nationale aboutissent à faire baisser les crédits accordés par l'État à RFF. Je ne vois pas comment financer le système ferroviaire dans ces conditions.

Aucune visibilité, aucune piste non plus, sur le maintien ou non de la séparation entre RFF, gestionnaire de l'infrastructure, et la SNCF, exploitant historique, sujet qui devrait pourtant être au coeur des Assises du ferroviaire. Pourtant des solutions existent, dans d'autres États. Mais elles sont étroitement liées à la question du lissage de la dette de la RFF. Rien n'est esquissé dans ce budget. C'est un sujet tabou, on ne me répond qu'évasivement chaque fois que je l'évoque.

Je suivrai donc les avis proposés par notre rapporteur. Attention cependant à ne pas pénaliser l'acquisition de véhicules propres, même si le dispositif n'est pas pleinement satisfaisant.

Mme Mireille Schurch. - Nous constatons un énorme décalage entre les ambitions du SNIT et ce projet de budget.

Sur la régénération du réseau routier, l'État a transféré aux départements 30 000 kilomètres du réseau national et en gardé 12 000 non concédés. Les deux précédents hivers ont provoqué des catastrophes sur les routes, mais aussi sur le rail et dans les aéroports. Au niveau actuel des crédits, il faudrait 15 ans pour renouveler ce réseau national, qui ne représente que 2 % du réseau global, mais accueille 25 % du trafic et même 50 % du trafic de poids lourds, dont nous savons combien ils érodent la chaussée. L'introduction des 44 tonnes aggravera ce phénomène. Les chaussées les plus sollicitées doivent être réparées tous les huit ans. Nous sommes loin de pouvoir faire face. Il en va de même pour les ouvrages d'art. Ce défaut d'entretien, si l'on n'y prend garde, provoquera des effets aussi douloureux sur les routes que sur le rail. Il convient en outre d'utiliser de nouveaux matériaux adaptés au développement durable, conformément aux engagements du Grenelle de l'environnement. Il est vrai que pour l'État et les collectivités territoriales, au rythme actuel, il faudra non pas 15 ans mais 50 à 60 ans pour renouveler le réseau routier.

Le financement de l'AFIFT chute nettement. Le manque à percevoir causé par le retard de la taxe sur les poids lourds doit être souligné. Le décalage entre les moyens de l'AFIFT et les besoins persiste. En cinq ans d'existence, l'agence a perçu 10 milliards de recettes, mais s'est engagée à en payer 17 ! Il y a là un facteur de risque qui s'aggrave.

Les concours de l'État pour la gestion des infrastructures ferroviaires sont en baisse, alors que le gouvernement s'était engagé à mettre en oeuvre 2 milliards d'euros pour régénérer le réseau. Les modalités de financement sont en débat dans le cadre des Assises du ferroviaire. J'espère que nous aboutirons à des solutions. De grands travaux ferroviaires sont en cours et d'autres vont l'être, par exemple les lignes à grande vitesse Tours-Bordeaux, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Nîmes-Montpellier et la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon, qui est en débat public, et dont le coût oscille entre 12 à 14 milliards d'euros. Ce sont des sommes colossales.

Sur la préparation du SNIT, Mme Nathalie Kosciusko-Mörike, ministre de l'Écologie a déclaré en juin dernier qu'elle était consciente du décalage entre les ambitions manifestées et les capacités financières et qu'elle attendait des financements locaux pour faire avancer les projets. Ce budget paraît en attente des candidatures des régions.

Quelle est la date de présentation du SNIT ? Quid de son financement ? Doit-on tout geler, pour satisfaire les agences de notation ? Quelle sera la hiérarchie entre les projets ? Quels projets seront abandonnés ? Comment va-t-on s'y prendre ? Nous y avons beaucoup travaillé, mais ce budget n'apporte pas de réponses. De même, où est la traduction de l'engagement national en faveur du fret ferroviaire de 7 milliards d'euros, annoncé à grand fracas en septembre 2009, alors que rien ne semble enrayer la spirale infernale de RFF, entre des péages qui augmentent et une dette qui explose ? Que faire ? Nous sommes là pour en discuter.

Sur les trains d'équilibre du territoire, je suis d'accord avec la maxime du rapporteur : « la route doit financer le rail ». Je propose que l'État reprenne en mains les concessions autoroutières. Nous avons perdu 2 milliards d'euros par an, que nous saurions utiliser ! Je suis l'auteur d'une proposition de loi en ce sens.

Enfin, je relève que le matériel des trains d'équilibre du territoire est vétuste, les lignes sont défectueuses. La convention actuelle s'arrête en 2013. Comment assurer un financement pérenne ?

M. Louis Nègre. - Je suis tout à fait d'accord avec le rapporteur, lorsqu'il recommande que priorité soit donnée à l'entretien du réseau et constate que le SNIT doit permettre d'éviter les erreurs du ferroviaire. Nous subissons aujourd'hui des travaux de toutes parts, après qu'une génération eut oublié de régénérer. Vous avez regretté, avec Michel Teston, que nous n'ayons pas le programme le plus ambitieux de l'École polytechnique de Lausanne. On ne peut faire tout et l'impossible ! Je souhaite vous ramener sur terre, aux réalités ! Vous avez mentionné, à juste titre, parmi les voies d'amélioration, la faible productivité des travaux. Ne vous focalisez pas sur les taxes ! Il faut faire des économies et être plus efficace !

Vous avez constaté la progression significative des crédits de paiement en faveur du réseau routier. Le gouvernement est bien conscient de la nécessité d'en arrêter la dégradation.

A votre question sur le rôle de l'AFITF, la ministre a répondu, la semaine dernière, en annonçant une extension de ses missions, afin de lui permettre, sur la base du SNIT, tel que nous en avons débattu en commission, de dégager des priorités et de faire des propositions au gouvernement, conformément aux souhaits de l'ensemble des groupes.

Vous réclamez un troisième appel à projets pour les transports en commun en site propre. C'est normal. Nous n'en attendions pas moins du président du GART. Mais en tant que premier vice-président, je vous rappelle que nous sommes en avance sur le plan initial prévu dans le cadre du Grenelle. S'il est un domaine où nous pouvons tous nous incliner devant le volontarisme du Gouvernement, c'est bien celui des transports en commun en site propre ! Là encore, le principe de réalité commande que nous progressions pas à pas.

Nous ne pouvons que nous féliciter que la majorité présidentielle ait adopté à l'Assemblée nationale l'amendement sur les communes touristiques. En vous y ralliant, vous montrez qu'il peut y avoir un consensus sur les transports, qui sont d'intérêt général.

Sur le bonus-malus, nous sommes d'accord, vous avez rejoint la position d'équilibre proposée par le Gouvernement.

Sur les trains d'équilibre, nous avons un problème : ceux qui ne prennent pas les transports publics les paient (pour 80 %) et ceux qui les utilisent ne les paient pas (ou n'en paient que 20 %) ! L'exemple des autres pays européens montre qu'un rééquilibrage est souhaitable. Un jour ou l'autre, ceux qui paient 80 % des transports sans les utiliser seront susceptibles de demander des comptes !

Vous avez évoqué « l'insuffisance » du fret. C'est pire, comme l'a dit Michel Teston. Il s'effondre sous nos yeux ! C'est catastrophique ! Le rapport du Sénat que nous avons rédigé avec vous et notre collègue Francis Grignon présente toutes les difficultés que nous vivons. Notre excellent collègue Charles Revet avait proposé des aménagements à la loi portuaire, qui ont été adoptés et commencent à porter leurs fruits. Les lignes commencent à bouger. Si vous voulez favoriser le fret ferroviaire, la première des choses à faire est de faire en sorte que nos ports fonctionnent. Voyez l'Allemagne et l'Europe ! Le premier port français est Anvers ! C'est bien le signe que nos ports ne fonctionnent pas et vous savez très bien pourquoi !

Sur l'organisation institutionnelle, qui est du ressort de la commission gouvernance des Assises du ferroviaire, il y a deux possibilités. La holding suppose la récupération des dettes de RFF, donc l'augmentation de la charge de l'État, qui nous fera perdre le triple A. Michel Teston a parlé de tabou. Ce tabou, la droite ne l'a pas ! L'UMP ose dire qu'il va falloir remettre à plat le fonctionnement institutionnel interne de la SNCF. Sinon, c'est le soldat SNCF qui risque de périr ! Et je tiens à lui !

Enfin, je demande que le débat sur le SNIT ait lieu. Nous avons beaucoup travaillé et le groupe a produit un rapport. Nous attendons du gouvernement ce débat. Bien entendu, nous donnons un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Je répète à la majorité du Sénat qu'il y a un principe de réalité qu'elle ne peut oublier.

M. Joël Labbé. - Votre intervention a le mérite de la clarté ! Ce que vous dîtes des usagers des transports publics remet en cause la notion même de service public ! Vous pourriez répéter la même chose de l'école, des hôpitaux...

En matière de politique maritime, tout le monde souhaite un rééquilibrage en faveur du fret. Je suis intervenu précédemment dans ce débat. Le rapporteur a évoqué le problème des 44 tonnes, qui bat en brèche ce rééquilibrage nécessaire. C'est une idée du Président de la République, prise sous la pression des céréaliers ! Il s'est engagé à généraliser à terme ces 44  tonnes pour tous les types de transports de marchandises.

M. Gérard César. - Il a raison !

M. Joël Labbé. - Je partage évidemment les conclusions du rapporteur.

M. Charles Revet. -  Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de développer les transports collectifs. La France conserve, même s'il n'a pas été correctement entretenu, un maillage ferroviaire sans comparaison, notamment près des grandes villes. Les 10 000 kilomètres de voies abandonnés à l'époque du « tout voiture » restent en place. Aujourd'hui, RFF est responsable du réseau et des personnels chargés de son entretien, mais on sait pertinemment que c'est la SNCF qui continue de le gérer. Nous devons réfléchir aux moyens d'utiliser cet incomparable réseau à meilleur escient. Car la France reste très en retard au regard de certains de nos voisins, en particulier l'Allemagne, qui s'est mise il y a vingt ans, à développer le tram-train, qui réduit efficacement les embouteillages citadins. Quand je vois, au Havre, alors que je suis coincé dans un bus ou une auto, les rails vides qui longent la route, je me dis que l'on se prive là d'un outil extraordinaire. Et qui serait, par surcroît, économiquement utile aux familles, puisqu'il leur éviterait bien souvent de devoir acheter une seconde voiture.

M. Claude Bérit-Débat. - Je souscris aux conclusions du rapporteur. Je regrette toutefois qu'il ne nous présente pas un amendement permettant aux autorités organisatrices de transport, des villes de moins de 100 000 habitants de bénéficier - pour autant qu'elles disposent d'un plan de déplacement urbain, du même taux de versement que les villes de plus de 100 000 habitants. Il n'est pas normal que les moyens qu'on leur alloue soient différents, alors que leurs infrastructures sont de même niveau.

M. Ronan Dantec. - Voilà un budget sans perspective d'ensemble, sans hiérarchisation. Nous ne parviendrons pas à développer tous azimuts - rail, route, transports en commun en site propre, voire aéroports. On a organisé, de fait, une compétition entre rail rapide et aérien, entre ferroviaire et transport routier, si bien que l'État et les collectivités se retrouvent à la remorque de tous les projets, dans une logique de surinvestissement et de gaspillage. Il faut inverser cette logique, en partant des besoins concrets, pour rechercher la solution la mieux adaptée à chacun d'entre eux. Il faudra bien évidemment remettre le SNIT à plat, et identifier un nouveau schéma qui prenne à la fois en compte les gains en mobilité, les coûts de financement et la contribution aux grands enjeux environnementaux des projets. Etant entendu que le premier travail devra aller à définir les critères qui serviront à hiérarchiser ces projets. Pour l'heure, nous voterons contre l'adoption des crédits de la mission.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis. - On peut douter, comme le fait Michel Teston, de la capacité du pays à financer le SNIT. Il faudra donc remettre les choses à plat dans les années à venir. L'AFITF ne doit pas être un simple tiroir caisse, mais bien un lieu de réflexion, de hiérarchisation, de programmation, tenant compte de nos capacités d'investissement. On ne pourra tout financer. Il faut travailler sur ce que j'appelle les zones de pertinence, donc, sur l'intermodalité. On ne pourra pas à la fois régénérer les réseaux et en construire en permanence de nouveaux. Le président de RFF, Hubert du Mesnil, a insisté, lors de notre rencontre, sur le fait que l'état de nos finances publiques ne permet pas de conduire tous les projets TGV, tout en régénérant 1 000 kilomètres de voie chaque année - et encore moins 1 500.

Il faut travailler, à mon sens, à la régénération des réseaux ferroviaire et routier, comme l'ont fait nos voisins suisses et allemands. Si l'on veut aller vers la massification du transport ferroviaire, c'est indispensable. Le TGV est un instrument remarquable, mais il ne s'adresse aujourd'hui, compte tenu des tarifs, qu'à une fraction restreinte de la population.

Sur les transports en commun en site propre, un troisième appel à projet est nécessaire. Certes, l'effort du gouvernement n'est pas contestable - 1,3 milliard sur les 2,5 programmés à l'horizon 2020 ont été engagés - mais une quarantaine de projets restent dans les tiroirs, qui, concernant des villes moyennes aujourd'hui envahies par l'automobile, auraient bien besoin des fameux 20 % de subvention.

En ce qui concerne le fret ferroviaire, la situation est préoccupante. L'inclure dans les missions d'intérêt général, ainsi que le propose Michel Teston, est une idée qui mérite examen. Je suggère, dans mon rapport, que soient définis des secteurs éligibles, le cas échéant, à subvention. Le groupe de travail sur l'avenir du fret ferroviaire avait, de la même façon, envisagé que certaines lignes puissent être déclarées « lignes d'aménagement du territoire ».

La dette de RFF est un sujet sensible. Il faut distinguer, en son sein, ce qui est « hérité », soit 20 milliards sur 30, et les dettes nouvelles, en principe gagées sur les recettes et amorties. Si l'on n'intègre pas ces 20 milliards, comme dette de l'État, l'endettement de RFF pourrait vite progresser, dans les années à venir, jusqu'à 40 ou 50 milliards.

J'ai dit que les ressources annuelles de l'AFIFT devraient passer de 2 à 3 milliards. Ce ne sera pas facile, il faudra y parvenir par étapes, mais surtout, en affectant à l'agence des ressources pérennes. La taxe sur les poids lourds ? Très bien, mais ce n'est que pour 2013... au mieux, après une expérimentation de trois mois dont nous aurons la primeur en Alsace. Reste que nous avons pris beaucoup de retard.

Pour le financement des trains d'équilibre du territoire, il faut s'adresser davantage, je l'ai dit, à la route qu'à la SNCF. On peut déplorer la vente des parts de l'État dans les sociétés d'économies mixtes concessionnaires d'autoroutes, et espérer d'y revenir, lors du renouvellement des contrats de concession... En attendant, on peut déjà tenter de rééquilibrer le financement de ce compte, en augmentant progressivement la taxe d'aménagement du territoire sans augmenter les péages - même si c'est un peu la quadrature du cercle.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - La sécurité routière, dont les crédits sont regroupés au sein du programme 207 « Sécurité et circulation routière » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routier » relève toutefois plus globalement d'une politique interministérielle engageant de nombreux acteurs et décrite dans un document de politique transversale. Au total, l'État, en 2012, mobilisera 2,7 milliards en sa faveur soit 82 millions de plus qu'en 2011.

Le programme 207, bien que modeste au sein de la mission écologie, joue cependant un rôle essentiel en matière de sécurité routière. Son enveloppe s'établit à 56,2 millions, soit une baisse de 2,4 % qui s'explique par les contraintes budgétaires de l'heure : les députés ne l'ont pas modifiée en profondeur. La diminution se répartit sur toutes les actions : 3,79 millions contre 4,2 en 2011 pour l'action « Observation, prospective, réglementation et soutien au programme », 27 millions, soit 100 000 euros de moins qu'en 2011, pour les « Démarches interministérielles de communication », et 25,4 millions au lieu de 26,3 pour l'« Éducation routière » - pour laquelle j'exprime un regret tant il me paraît essentiel de renforcer la pédagogie à l'égard des jeunes publics.

Les chiffres de la sécurité routière, cependant, sont encourageants. On déplore, à la date de novembre, 3 980 morts sur l'année, quand on enregistrait 4 250 décès en 2009. Si ce nombre reste effrayant, il n'en est pas moins le plus bas depuis l'après guerre. On ne peut donc que soutenir la politique gouvernementale, qui a permis de sauver 23 000 vies depuis 2002 et d'éviter 30 000 blessés. La dégradation toutefois observée sur les quatre derniers mois a conduit le gouvernement à convoquer, le 11 mai dernier, un comité interministériel de la sécurité routière qui a donné lieu à l'adoption de dix-huit mesures, parmi lesquelles le retrait des panneaux avertisseurs de radars fixes ou l'obligation pour les motos de plus de 125 cm3 de porter des équipements auto-réfléchissants. Bien que la plupart de ces mesures, qui ont occupé le devant des médias, ne soient pas encore entrées en vigueur, le message n'en a pas moins été entendu, à en croire les derniers chiffres de la sécurité routière. Le Premier ministre s'est en outre engagé à ce qu'aucune modification, législative ou réglementaire, hormis sur les radars pédagogiques, ne soient prises avant la publication du rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale présidée par M. Armand Jung, et dont le rapporteur est M. Philippe Bouillon, laquelle a désormais rendu ses conclusions.

Il ne faut pas relâcher l'effort. L'objectif fixé par le Président de la République, est de passer, à l'horizon 2013, sous la barre des 3 150 décès en métropole. J'accorde une attention toute particulière à la sécurité des cyclistes, qui représentaient 4 % des morts sur la route en 2010, dont la moitié en milieu urbain à la suite d'une collision. Le développement de la circulation en vélo à pris beaucoup de retard, en France, même si le libre service a contribué à changer les mentalités et à conférer des droits nouveaux aux cyclistes. C'est pour y remédier que le gouvernement a mis en place un groupe de travail, auquel j'ai l'honneur de participer, chargé de préparer les Assises du vélo avant la fin de l'année. Il conviendra d'étudier sérieusement les questions du port obligatoire du casque et de la création systématique de couloirs de circulation dédiés.

J'en viens au compte d'affectation spéciale, qui atteint 1,4 milliard en 2012, en hausse de plus de 100 millions. Il reçoit, depuis l'élargissement l'an dernier de son périmètre, en plus d'une fraction des amendes radar forfaitaires, la presque totalité des amendes forfaitaires de police. En dépenses, la section « contrôle automatisé » est dotée de 192 millions, qui vont, le radar finançant le radar, à l'entretien et à l'installation de radars mais aussi à la gestion du permis à points. La deuxième section comprend trois programmes - 37 millions pour la généralisation du procès verbal électronique, 474 millions fléchés vers le remboursement de la dette de l'État, 694 millions, enfin, soit 37 de plus que l'an passé, d'aide aux collectivités en matière de transports en commun et de sécurité routière, sachant que le premier plan de rigueur a opéré un transfert de 32,6 millions du produit des amendes de circulation, au profit du remboursement de la dette.

Les priorités du gouvernement vont dans le bon sens : les mesures récentes en matière de radar ont inversé la tendance à la hausse des accidents mortels, la délégation à la sécurité routière privilégiant, pour 2012, la poursuite du déploiement de radars classiques ainsi que l'introduction de radars ciblés et de radars pédagogiques ; les collectivités ont bénéficié d'une grande partie des recettes des amendes ; près d'un demi-milliard va, enfin, au désendettement de l'État.

Trois regrets, cependant. La réforme de la politique du stationnement, tout d'abord, reste timide, le montant de la contravention étant passé de 11 à 17 euros sans mesures d'accompagnement corollaires. Notre commission a dès l'examen de la loi du dite Grenelle II réfléchi aux avantages de la dépénalisation et de la décentralisation à la carte des amendes de stationnement : souhaitons que le rapport que présentera prochainement Louis Nègre au gouvernement aide à trouver des solutions techniques ; le contrôle et les sanctions, ensuite, contre les auteurs d'actes de vandalisme sur les radars, pour un coût prévu de 15,3 millions en 2012, mériterait d'être renforcé ; le mode de répartition du produit des amendes radar, enfin, reste trop complexe et l'on peut s'étonner qu'une part en aille à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, ce qui contredit la notion de compte d'affectation spéciale. J'ajoute que le compte relève désormais du ministère de l'Intérieur, et non plus de la mission « Écologie », ce qui complique notre travail.

Un mot, pour finir, sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qui regroupe les crédits de la direction générale de l'aviation civile. La reprise du secteur a un impact positif sur les comptes, de même que les efforts de maîtrise des coûts, qui laissent espérer une stabilisation de l'endettement à terme.

Le projet de ciel unique européen, qui doit rapprocher les systèmes de navigation, notamment entre la France, l'Allemagne, le Benelux et la Suisse, vise à optimiser les parcours, réduire la longueur des trajets et diminuer de 10 %, en conséquence, les émissions de gaz à effet de serre. Il devrait éviter que ne se reproduise l'épisode désastreux de l'éruption du volcan islandais en 2010, où la désorganisation des vols était largement imputable au manque de coordination entre les autorités publiques. Le « ciel unique » devra cependant fonctionner avec des entités de contrôle aérien distinctes dans chaque pays, le gouvernement ayant dû renoncer, face aux résistances du personnel, à un projet de rapprochement. Reconnaissons cependant à la direction générale de l'aviation civile le mérite d'avoir su corriger les abus dénoncés par la Cour des comptes en matière d'organisation du temps de travail...

Je vous proposerai d'adopter sans modification les crédits du programme « Sécurité et circulation routière », du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et du budget annexe de l'aviation civile.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Le coût de l'enlèvement de la signalétique sur les radars est-il retracé dans votre rapport ? Car si on lui ajoute le coût des radars pédagogiques, je ne suis pas sûr que la somme n'apparaisse pas disproportionnée au regard du peu d'effort consenti sur la rénovation du réseau routier. La répression a certes ses effets, mais elle ne peut tout, et l'état du réseau mériterait que l'on engageât une démarche... prophylactique. Faute de quoi, qui plus est, les départements subiront la double peine : ponction sur le produit des amendes, et transfert de tronçons mal entretenus du réseau national.

Autant dire que je ne partage pas votre optimisme et que beaucoup reste à faire...

M. Alain Fouché. - J'avais, en son temps, déposé un amendement sur le permis à point, passé contre l'avis du gouvernement mais avec la sympathie des Français. Pas de langue de bois sur les radars ! On sait que l'essentiel du produit des amendes provient de petites infractions sans danger, alors que ce sont les grandes infractions qui méritent d'être pénalisées.

Il faut, enfin, assurer une meilleure répartition du produit des amendes radar, au bénéfice des collectivités locales, qui entretiennent le réseau routier le plus important.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Le coût d'enlèvement de la signalétique n'est pas connu, Jean-Jacques Mirassou, mais tout a été stoppé : les panneaux de pré-signalisation sont maintenus en attendant la mise en place des radars pédagogiques, dont il est bien convenu qu'ils constitueront des aides à la conduite.

C'est presque un milliard qui est reversé chaque année, Alain Fouché, aux collectivités pour l'amélioration des transports en commun et la sécurité routière : la somme est rondelette.

La mission d'information de l'Assemblée nationale vient de rendre ses conclusions : nous aurons l'occasion d'en débattre.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Energie, climat et après-mines ». - Avec 693 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2012, en baisse de 6,5 %, ce programme, qui reste modeste au sein de la mission, bénéficie cependant d'importante dépenses fiscales rattachées, au premier rang desquelles le crédit d'impôt développement durable (CIDD). Les priorités affichées me seront l'occasion de faire le point sur l'avancement du Grenelle de l'environnement relativement aux questions énergétiques.

Près de 95 % des crédits sont affectés à la gestion de l'« après-mines » - garantie des droits des mineurs et soutien à la réindustrialisation des anciens bassins miniers. Si leur diminution peut être en partie imputée à des causes structurelles - la population concernée se réduisant peu à peu, nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des Finances n'en font pas moins observer que la baisse des crédits est telle qu'elle pourrait compromettre le versement de dépenses obligatoires.

Les autres actions concernent divers aspects de la politique énergétique, parmi lesquels la dotation à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ainsi que la lutte contre le changement climatique, soit notamment les actions relatives à la préservation de la qualité de l'air.

Au-delà, il convient de porter attention aux dépenses fiscales, de l'ordre de 2, 300 milliards d'euros, principalement consacrées au CIDD, dont le montant pouvait atteindre 50 % à l'origine, pour des dépenses d'équipement telles que l'isolation thermique, l'installation d'une chaudière à condensation, d'une pompe à chaleur ou de panneaux photovoltaïques, ou encore pour la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique.

L'évolution que le gouvernement se propose d'engager en 2012, si elle repose sur une intention louable, se traduit dans les faits par une diminution considérable de moyens. L'article 43 du projet de loi de finances recentre en effet le dispositif sur les rénovations importantes, qui apportent de meilleurs résultats en termes d'efficacité énergétique. Son taux est bonifié en cas de réalisation de plusieurs travaux et il pourra désormais être cumulé avec l'éco-prêt à taux zéro, sous condition de ressources. Le dispositif, enfin, est étendu aux chaudières à micro-génération gaz.

Au total, les sommes consacrées au CIDD diminuent considérablement : 1,400 milliards d'euros en 2012, contre 2,625 en 2010.

Du bilan des réductions progressives de taux du CIDD au cours des années récentes pour chaque type de dispositif, que j'ai réalisé, il en ressort que, d'année en année, le CIDD se réduit comme peau de chagrin. Et le Premier ministre a encore annoncé une diminution de 20 % de son taux dans le cadre du nouveau plan de rigueur, entérinée hier par l'Assemblée nationale.

Sous prétexte de favoriser les rénovations importantes, on procède à une baisse de régime. Même s'il faut approuver le rétablissement du cumul entre le CIDD et l'éco-prêt à taux zéro, je crains que les ménages à faibles revenus n'aient qu'un accès limité au dispositif, car ils n'auront pas nécessairement, en période de crise économique, les moyens de mener des travaux importants dans leur logement. Et si les professionnels sont prêts à accepter des diminutions progressives de périmètre, encore faudrait-il introduire de la visibilité, pour leur permettre de planifier leurs investissements.

La baisse du CIDD risque donc de porter atteinte aux objectifs d'efficacité énergétique, qui reposent pour beaucoup sur la rénovation des bâtiments comme l'ont montré nos débats de la semaine dernière sur la proposition de résolution européenne dédiée à cette question.

Sans une inflexion des politiques aujourd'hui menées, c'est l'ensemble des objectifs du Grenelle qui pourraient bien être remis en cause. Atteindra-t-on ainsi, à poursuivre sur cette voie, l'objectif d'intégration de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie en 2020 ? Il est permis d'en douter.

Si la production de biocarburants s'est beaucoup développée depuis 2006, passant de 680 à 2 708 kilo-tonnes-équivalent pétrole (ktep), celle des biocarburants de première génération risque de ralentir à l'avenir, notamment parce qu'il est indispensable de réserver les terres agricoles en priorité pour les usages alimentaires. Il faut donc mettre l'accent sur la recherche en faveur des biocarburants de deuxième et troisième génération afin qu'ils puissent prendre un jour le relais.

De même, si l'électricité d'origine renouvelable progresse rapidement, on reste loin du saut quantitatif dont nous aurions besoin. L'hydraulique n'offrant que peu de marges de progression, c'est l'éolien qui devra fournir, d'ici à 2020, la majorité des capacités nouvelles d'électricité d'origine renouvelable. Or nous n'avançons qu'à un rythme de 1 000 mégawatts par an, quand il faudrait 1 400 mégawatts pour parvenir à une puissance installée de 19 000 mégawatts en 2020. Il risque ainsi de nous manquer alors 7 000 mégawatts.

Je note également que la réglementation se fait toujours plus lourde pour les porteurs de projets. C'est ainsi que la limitation du tarif d'achat aux parcs d'au moins cinq éoliennes bloquerait 10 % des projets en France, tandis que la procédure ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) s'ajoute à celle du permis de construire.

S'agissant de l'éolien en mer, il faut espérer que les appels d'offre, qui porteront sur une puissance théorique de 6 000 MW, permettront effectivement non seulement de remplir les objectifs du Grenelle, mais aussi de favoriser la création d'une véritable filière d'éoliennes en France. Il faut être optimiste, car la France dispose d'acteurs industriels et de technologies qui peuvent lui permettre de rattraper son retard, à condition toutefois que les appels d'offres portent leurs fruits le plus rapidement possible.

Il est difficile, malheureusement, d'être optimiste pour le secteur photovoltaïque. Tout au long de l'année 2011 ce secteur a fait la une de l'actualité, jusqu'à la mise en redressement judiciaire de l'acteur historique Photowatt le 8 novembre dernier. Que va devenir l'organisation PV Alliance, qui tente de développer de nouvelles technologies à haut rendement et dont Photowatt détient 40 % ?

Le nouveau cadre réglementaire, mis en place en mars 2011, a conduit à une baisse rapide des tarifs d'achat : les professionnels ne remettent pas en cause la pertinence des baisses de tarifs mais leur ampleur et surtout leur instabilité. De plus, le cadre réglementaire tend à restreindre les possibilités de croissance du secteur en considérant les objectifs du Grenelle comme un plafond. Je crois au contraire qu'il faudrait laisser se développer un secteur qui, contrairement à l'éolien, a la capacité de dépasser ses objectifs et bénéficie d'une acceptabilité sociale beaucoup plus grande.

Le régime de la production d'électricité à partir de biomasse doit également faire l'objet de toute notre attention. Le tarif d'achat et les appels d'offres favorisent les centrales de plus de 5 MW. Cela ne correspond pas à la nécessité de développer cette filière au plus près des territoires avec des petites unités permettant le développement local. Il serait souhaitable qu'un tarif d'achat aide les petites unités.

Après les biocarburants et l'électricité d'origine renouvelable, je voudrais parler de la production de chaleur, qui représente plus de la moitié des objectifs du Grenelle en matière de développement des énergies renouvelables.

L'objectif de production de chaleur d'origine renouvelable est de 19 700 kilotonnes équivalant pétrole (ktep) en 2020. Or nous n'en sommes qu'à 12 000 ktep environ.

Le fonds chaleur renouvelable a soutenu plus de 1 000 installations au cours de ses deux premières années d'existence, en 2009 et 2010. Son efficacité est reconnue et il permet d'obtenir une réduction des émissions de gaz à effet de serre pour un coût limité en termes de subventions publiques.

Les sommes qui lui sont consacrées ont augmenté de 169 millions d'euros en 2009 à 257 millions d'euros en 2010. Elles devaient, selon les intentions affichées lors du Grenelle, passer à 500 millions d'euros en 2012 et 800 millions d'euros en 2020, mais Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a reconnu elle-même, lors de son audition devant notre commission le 8 novembre dernier, que le fonds chaleur ne peut plus espérer, dans le contexte budgétaire actuel, qu'un maintien des financements actuels et non une augmentation.

J'en déduis que les objectifs seront là encore difficiles à atteindre, d'autant que le projet annuel de performances fait observer que les projets les plus rentables ont probablement été financés en premier.

En conclusion, je regrette que les avancées du Grenelle ne se traduisent que partiellement dans les faits alors que la promotion des énergies renouvelables devrait être, avec l'efficacité énergétique, la sécurité d'approvisionnement et la lutte contre la précarité énergétique, l'une des priorités de la politique énergétique. C'est pourquoi je propose à la commission d'émettre un avis défavorable concernant les crédits du programme 174.

M. Daniel Dubois. - Je n'analyse pas comme vous l'évolution du CIDD. En quoi est-il choquant d'instituer une condition de ressources (Roland Courteau, rapporteur spécial, indique qu'il n'en est point choqué) dès lors que ce crédit d'impôt, qui pourra couvrir 50 % de l'investissement, devient cumulable avec le prêt environnemental à taux zéro ?

Vous vous inquiétez des difficultés que rencontreront les familles modestes à engager des investissements rendus plus lourds par le recentrage du dispositif, mais c'est oublier que l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), dotée d'un milliard en provenance du Grand emprunt, pourra leur venir en aide. Cette politique, que les conseils généraux, qui en ont souvent débattu, jugent meilleure que les précédentes, repose sur la double volonté de soutenir les familles moyennes et celles dont les revenus sont faibles.

Je vous suis, en revanche, sur le retard pris dans la production d'énergies renouvelables. Il serait regrettable que, nous étant engagés avant nos voisins avec l'énergie hydraulique, nous fassions moins bien qu'eux.

Un mot, enfin, sur l'énergie issue du bois : une étude canadienne souligne combien sont grands les désaccords sur son bilan énergétique au vu de son impact sur l'effet de serre, d'autant plus grands que les installations sont plus éloignées de la matière première. Il serait bon de s'y pencher, d'autant qu'au regard des coûts de production, on est en droit de s'interroger.

Mme Evelyne Didier. - Vous avez évoqué les 40 000 décès liés aux particules fines. Que fait-on pour réduire ce chiffre, effrayant si on le compare aux 3 000 morts de la route, domaine qui bénéficie de justes efforts. Il est vrai qu'on les finance sur le portefeuille des particuliers, tandis qu'il est plus difficile, pour les particules, de viser les responsables...

On ne pointe pas assez l'utilité des filières, pour améliorer l'efficacité énergétique, dans la lutte contre les habitats qui ne sont plus aux normes. Entre l'artisan, plein de bonne volonté, mais qui manque d'aide à la formation, et les grandes entreprises, il n'y a rien. Or, il est essentiel de savoir évaluer un bâtiment et arbitrer en tenant compte de la charge financière pesant sur les familles. La réflexion vaut d'être menée ; il lui faudrait un pilote, qui pourrait être régional, en lien avec les chambres de commerce et d'industrie.

Sur l'énergie bois, je rejoins Daniel Dubois : la vraie filière écologique en ce domaine, c'est le bois d'oeuvre, pas le bois énergie.

M. Gérard Bailly. - Nous sommes un certain nombre à partager les inquiétudes du rapporteur : le développement des énergies renouvelables patine. Dans mon département, il n'y a ni éolien, ni photovoltaïque, ni hydraulique, parce que les associations écologistes de tous poils se mobilisent dès que l'on fait mine d'avancer. Et pour la méthanisation, nos normes sont beaucoup plus contraignantes que celles de l'Allemagne. Il y a de quoi s'inquiéter. Surtout quand on lit, ce matin, dans la presse, que l'hypothèse d'une fermeture de 25 centrales nucléaires à l'horizon 2025 est envisagée, ce qui diminuerait d'un tiers la capacité de production, alors que l'on risque, cet hiver même, de manquer d'énergie en cas de coup de froid.

On nous parle d'économies d'énergie ? Mais quand je vois l'illumination des villes, je m'interroge sur la balance énergétique de la France. En dépit de toutes les belles paroles, les citoyens ne sont pas prêts à changer leurs habitudes. A preuve, ce sondage d'opinion qui faisait apparaître qu'ils n'étaient pas disposés à dépenser davantage en faveur de l'environnement.

M. Ronan Dantec. - Beaucoup de belles paroles, en effet, à en juger par le financement, pour 2012, de la politique environnementale : 163 millions de crédits d'euros en faveur de la biodiversité, en tout et pout tout. Al Gore serait édifié d'apprendre qu'on lui a fait traverser l'Atlantique pour 1,7 % du budget de l'Ecologie !

Je concède à Daniel Dubois qu'il n'y a aucun sens à présenter le CIDD comme une niche ou un cadeau. La France veut préserver son indépendance énergétique, ce que le nucléaire ne lui permet pas, puisqu'elle a besoin d'importer en cas de pointe. L'enjeu, pour l'État, est bien l'efficacité énergétique, en vue de laquelle la réhabilitation des logements anciens constitue un objectif majeur. Aux propriétaires du parc privé, il faut donc proposer un modèle qui leur assure un retour sur investissement, soit une économie sur leur facture énergétique. On ne saurait mettre cela sous condition de ressources.

Mais la volonté publique manque à l'État, qui réduit les enveloppes. Comme ancien vice-président de la communauté urbaine de Nantes Métropole, en charge du plan climat, j'ai souffert de ce manque de vision de l'État. Aucune étude sérieuse n'est conduite. Raisonner sur le potentiel fiscal des ménages n'a pas de sens. Or, en l'absence de vision de long terme, il ne reste qu'à fermer le ban.

Mme Renée Nicoux. - Si je partage l'analyse d'Evelyne Didier sur la biomasse, il n'en reste pas moins que les déchets doivent être valorisés. Or, il existe des distorsions entre petites et grandes unités dans les appels à projets. Les entreprises qui répondent fixent elles-mêmes le prix d'achat de l'électricité produite ? Avec le prix de la matière première, les petites unités sont en difficulté. Or, il semble impossible de revenir sur les arrêtés de 2002, alors même qu'un amendement à la loi de modernisation agricole avait été adopté fixant au seuil de 2 mégawatts le tarif de rachat public. Cela éviterait pourtant une concurrence déloyale. Un tableau comparatif des prix de rachat dans les États membres ne serait pas malvenu...

M. Roland Courteau, co-rapporteur pour avis. Daniel Dubois m'a mal compris. Je suis favorable à la mise sous condition de ressources du cumul avec l'éco-prêt à taux zéro. Mais j'accepte mal que l'on conditionne la bonification à la réalisation d'un bouquet de travaux, investissement trop important pour certains ménages. Je n'ignore pas le programme de l'ANAH, mais le vrai problème tient pour moi à la baisse du crédit d'impôt. Nous n'atteindrons pas les objectifs du Grenelle et n'honorerons pas nos engagements européens.

Sur la question de la biomasse, je crois qu'il y a un consensus pour prôner l'installation des équipements à proximité de la matière première, les forêts.

On parle peu, en effet, Evelyne Didier, des 40 000 morts liés aux émissions de particules.

M. Louis Nègre. - Que faites-vous des Assises de la qualité de l'air qui se sont tenues au printemps dernier ?

M. Roland Courteau, co-rapporteur pour avis. - Il n'en reste pas moins que l'opinion publique est peu sensibilisée. Au reste, si elle l'était davantage, le financement n'aurait peut être pas reculé en un an de 3,8 millions à 253 000 euros... Le plan particule fixait l'objectif d'un maximum de vingt sites dépassant le seuil d'émission de SO2. Ils sont encore 68 aujourd'hui : c'est là un vrai problème de santé publique.

Tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit, Evelyne Didier, sur la rénovation des bâtiments.

Oui, Gérard Bailly, les énergies renouvelables patinent. C'est un problème de législation, à la rigidité de laquelle se heurte l'éolien - un peu moins, il est vrai, quand il est situé en mer. Il est vrai que l'action des opposants, je l'ai vu dans l'Aude, peut, elle aussi, constituer un frein.

D'accord avec Ronan Dantec sur l'absence de vision prospective et Renée Nicoux a bien exposé les enjeux relatifs à la biomasse.

M. Charles Revet, co-rapporteur pour avis. - Les crédits du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes » sont en forte croissance par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, de l'ordre de 10 % : les autorisations d'engagement passent de 129,7 millions à 143 millions d'euros, tandis que les crédits de paiement progressent de 132 millions à 145 millions d'euros. Les crédits des fonds de concours et des attributions de produits s'élèvent à 3 millions d'euros en 2012, contre 2,87 en 2011.

Mais cette augmentation s'explique essentiellement par des transferts de crédits. A périmètre constant, le programme baisse de 1 %.

Les crédits de l'action 3 « Flotte de commerce », de loin la plus importante avec 52,3 % des crédits, diminuent d'un million d'euros à 75,2 millions d'euros, en crédits de paiement comme en autorisations d'engagement.

L'action 2 « Gens de mer et enseignement maritime » voit ses crédits doubler cette année pour atteindre 26,9 millions en autorisations d'engagement et 27,1 millions d'euros en crédits de paiement, en raison du transfert de la masse salariale des 194 agents de l'École nationale supérieure de la Marine.

Les crédits de l'action 1 « Sécurité et sûreté maritimes », après une baisse en 2010, augmentent par rapport à 2011 de 9,7 % en autorisations d'engagement (24,8 millions d'euros) et de 8,9 % pour les crédits de paiement (26,6 millions d'euros). A ces crédits s'ajoutent 2,2 millions d'euros de crédits des fonds de concours et des attributions de produits, contre 1,83 millions en 2011.

L'action 4 « Action interministérielle de la mer » diminue de 7,8 % en autorisations d'engagement soit 9,73 millions d'euros et de 9,25 % en crédits de paiement pour s'établir à 9,8 millions d'euros.

Enfin, les crédits de l'action 5 « Soutien au programme », enregistrent une hausse de 2 % en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 6,83 millions d'euros.

Ma première recommandation : je souhaite que le gouvernement présente lors du prochain budget un document de politique transversale sur la mer. La France possède en effet le deuxième domaine maritime au monde, grâce à ses 5 000 kilomètres de côtes et ses 10 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE), équivalent à celui des États-Unis, ce qui confère au monde maritime une importance particulière. C'est une demande des professionnels que partage notre rapporteur pour avis de la mission agriculture, Odette Herviaux. Elle s'inscrit en outre dans le prolongement des travaux du Grenelle de la Mer, et reprend l'une des préconisations d'un audit du comité interministériel d'audit des programmes en 2007. Les crédits liés au monde maritime sont aujourd'hui éclatés à travers de multiples programmes. A défaut, compte tenu de la réforme européenne en cours, je souhaite que le Parlement puisse disposer d'un document de politique transversale sur la politique de la pêche.

Ma deuxième recommandation : renforcer l'efficacité du contrôle des pêches. Les 300 agents en charge de contrôler et de surveiller les affaires maritimes effectueront en 2011 et 2012 moins de 15 000 contrôles annuels des pêches, contre 24 000 environ en 2010. Le document budgétaire ne fournit guère d'explications sur cette diminution. Nous ignorons leur répartition géographique, ainsi que la nationalité des navires contrôlés. Madame la ministre nous a indiqué la semaine dernière en commission, en réponse à une question que je lui ai posée, que les contrôles effectués étaient en nombre nettement supérieur à ceux qui étaient prévus et qu'il ne serait donc pas inutile de repenser cet indicateur. La Cour des comptes est en train d'effectuer une évaluation du contrôle des pêches et je serai vigilant sur ses conclusions. Dans son rapport de mars 2010, le comité interministériel d'audit des programmes préconisait de rattacher l'objectif 3 au programme 154 « Développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires », estimant que cet objectif était davantage le reflet d'une politique de développement durable de la pêche plutôt qu'une politique de sécurité maritime. Cette proposition n'a pas été entendue par le gouvernement, mais la création d'un document de politique transversale sur la mer répondrait à cette préoccupation.

Troisième recommandation : la réforme de l'enseignement supérieur maritime doit être menée à son terme. L'École nationale supérieure maritime (ENSM) a été créée après l'adoption de l'article 53 de la loi dite « ORTF » (relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires) du 8 décembre 2009, et à la publication du décret du 28 septembre 2010. L'école regroupe les sites du Havre, Marseille, Nantes et Saint-Malo : il convient de poursuivre la rationalisation de leur fonctionnement. Une attention particulière doit être accordée au transfert de l'établissement du Havre à Sainte-Adresse. L'État s'est engagé à mobiliser 7 millions d'euros, dont 300 000 euros pour l'étude de préfiguration. La réforme du cursus académique va permettre d'intégrer l'école dans le réseau des grandes écoles, avec la délivrance du titre d'ingénieur et l'intégration dans le dispositif de droit commun de licence-master-doctorat (LMD). Cela facilitera une plus grande ouverture, une meilleure reconnaissance, ainsi qu'une plus grande stabilité dans le recrutement. Il est nécessaire de sensibiliser dès maintenant les jeunes des écoles maritimes à la perspective d'un renouveau de la dimension maritime de la France ; en mettant notamment en avant les futurs débouchés dans le secteur de la pêche. Dans le domaine militaire, c'est l'inverse : il y a trop d'élèves, par rapport aux débouchés, alors que dans le domaine civil, nous rencontrons des difficultés de recrutement.

Dernière recommandation : l'État doit veiller à la « soutenabilité » du budget de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), qui gère le régime spécial de sécurité sociale des marins. Les dépenses prévues en 2012 sont relativement stables, à 1,6 milliard d'euros, soit 45 millions d'euros de moins qu'en 2010. Mais les recettes propres de l'ENIM ne s'élèvent qu'à 437 millions d'euros en 2012, en raison de la forte baisse de la compensation inter-régimes, qui passe de 380 millions en 2010 à 163 millions en 2012. Le besoin global de financement pour équilibrer le budget s'établit donc à 1,165 milliard d'euros, dont 856,4 millions au titre de la subvention versée par l'État contre 778 millions d'euros en 2010 et 284,7 millions au titre de la contribution de la caisse nationale d'assurance maladie. Compte tenu des évolutions démographiques de ce secteur, nous craignons que les besoins de financement de l'ENIM ne cessent de croître.

Nous devons être très attentifs à la réforme de la politique commune de la pêche qui se prépare et maintenir nos efforts de suivi de la réforme portuaire, dans la continuité des travaux du groupe de travail de notre commission, dont le rapport été adopté à l'unanimité en juillet et qui a fait l'objet d'un débat il y a quelques semaines.

Je vous propose, en conclusion, d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits liés au programme 205 « Sécurité et affaires maritimes ».

M. Bruno Sido, co-rapporteur pour avis. - C'est la deuxième année consécutive que je suis rapporteur de cette mission du projet de budget. En tant qu'ancien rapporteur des lois du 3 août 2009 dite Grenelle I et du 12 juillet 2010 dite Grenelle II, j'ai été très attentif au suivi de la publication des décrets d'application notamment de ce dernier texte, ainsi qu'à l'évolution générale des crédits dédiés à l'environnement.

Dans le projet initial, les crédits du programme 113 relatif à l'urbanisme, aux paysages, à l'eau et à la biodiversité augmentent légèrement par rapport à 2011. Selon la prévision triennale, les crédits du programme devaient être reconduits à hauteur de 350 millions d'euros en autorisations d'engagement. Le montant proposé au Parlement est de 361 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 346,6 millions d'euros en crédits de paiement.

Les deux coups de rabot intervenus à l'Assemblée ont réduit de 6 millions d'euros des crédits du programme. Si la ventilation précise de cet effort nécessaire n'a pas été clairement affichée, la ministre a indiqué lors de son audition devant notre commission le 9 novembre dernier, que les mesures liées au Grenelle de l'environnement seraient épargnées.

Il est dommage que les limites déjà formulées à l'encontre du programme 113 n'aient pas été corrigées dans le budget 2012, notamment en ce qui concerne la lisibilité de crédits dédiés à l'environnement éparpillés à travers différents programmes en programme ou encore la difficulté de gestion et la multiplicité des opérateurs.

Au sein de l'action 7, dédiée à la biodiversité et à l'eau, la Stratégie nationale pour la biodiversité, non seulement a bénéficié d'une enveloppe budgétaire de 15 millions d'euros pour 2012, mais elle sera a priori préservée des deux coups de rabot successifs votés à l'Assemblée nationale. J'attire votre attention sur l'importance de l'année 2012 pour les agences de l'eau, avec l'adoption de leur 10ème programme d'intervention, rendez-vous particulièrement important qui sera l'occasion d'un dialogue avec les élus et les usagers. L'Assemblée nationale a, dans ce cadre, voté une diminution du plafond de leurs dépenses à 13,8 milliards d'euros, contre 14 milliards en 2007. L'Assemblée a adopté l'article 51 quinquies qui vise à faire passer en 2012 de 108 millions d'euros à 128 millions d'euros le prélèvement au profit de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), effectué à partir du budget des agences de l'eau. Il faudra s'assurer que cette mesure ne pèse pas trop sur ces dernières.

Au sein de l'action 1 « Urbanisme, aménagement et sites - planification » représentant 20 % du budget du programme, des crédits sont affectés pour la première fois à l'urbanisme de projet, qui regroupe des démarches de concertation, des sites pilotes et secteurs de projet, des outils de diffusion de l'information pour le partage des expériences.

Je note que 90 % des crédits concernant la lutte contre le changement climatique au sein du programme 113 provient de l'action 1, qui y contribue à hauteur de 10 % de ses crédits. Dès 2010, des stratégies d'adaptation au changement climatique des pressions exercées par l'activité humaine sur les ressources en eau ont pu ainsi être élaborées et évaluées. Cette action permet aussi de définir et d'accompagner, auprès des acteurs locaux, de nouvelles formes d'urbanisme, via les démarches « ville durable » ou EcoCité. Une nouvelle génération de documents de planification, dits « Schémas de cohérence territoriale  (SCOT) Grenelle », émerge, pour mieux maîtriser la consommation d'espace.

Le programme 181 concerne la prévention des risques. Après une forte hausse en 2010, ces crédits ont connu, l'an dernier, une hausse de 7 % en autorisations d'engagement. Celles-ci poursuivent néanmoins leur progression cette année, puisqu'elles s'élèvent à 411 millions d'euros, après le coup de rabot.

La plus forte augmentation concerne les crédits relatifs à la prévention des risques technologiques et des pollutions, qui augmentent de plus de 17 %, à 252 millions d'euros.

L'élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) a pris beaucoup de retard depuis la loi du 30 juillet 2003 qui avait suivi l'accident d'AZF.

La ministre avait annoncé, l'an dernier, l'objectif de 100 % de plans de prévention des risques technologiques (PPRT) prescrits d'ici la fin de l'année. Sans avoir été tenu, il n'est toutefois pas loin d'être atteint, puisqu'au 30 juin 2011, 378 PPRT ont été prescrits, soit 90 %. Mais seuls 107 sont approuvés, soit 25 %, ce qui n'est pas satisfaisant.

Ce retard s'explique par le coût très important des mesures d'expropriation, qui freine la signature des conventions de financement entre exploitants, collectivités territoriales et État. C'est pourquoi les députés ont adopté l'article 51 ter, à l'initiative du gouvernement. Il prévoit qu'à défaut de signature de convention dans un certain délai, les collectivités territoriales, les exploitants et l'État participent à hauteur d'un tiers chacun. Du fait de la montée en charge des PPRT, les crédits alloués par l'État au titre des mesures foncières ont plus que doublé en deux ans.

L'autre facteur de retard réside dans le coût des travaux sur les constructions existantes, à la charge des propriétaires. Le crédit d'impôt à hauteur de 40 % voté dans la loi du 12 juillet 2010 avait été raboté lors du budget l'année dernière. Nous avions réussi à le faire remonter à 30 %, mais le plafond a également été abaissé.

Le deuxième élément notable du programme concerne la sûreté nucléaire. Les autorisations d'engagement, à hauteur de 63,5 millions d'euros, sont en hausse de près de 12 % par rapport à 2011. La dotation de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) augmente pour remplir la mission confiée par le Premier ministre en mars 2011, à la suite de l'accident de Fukushima.

Dans le rapport d'étape que j'ai remis en juin, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, j'estimais que l'éclatement de la structure du budget de l'ASN entre quatre programmes distincts faisait obstacle au contrôle parlementaire des moyens affectés au contrôle de la sûreté nucléaire. Nous avons été partiellement entendus, puisque les moyens directement attribués à l'ASN seront désormais tous imputés sur le programme 181.

J'en viens à la prévention des risques naturels et hydrauliques. Entre 2011 et 2016, l'État doit mobiliser, dans le cadre du plan « Submersions marines » élaboré à la suite de la tempête Xynthia, 500 millions d'euros pour soutenir environ 1 200 kilomètres de travaux de confortement de digues.

D'après les précisions communiquées par le gouvernement, cette intervention sera assurée majoritairement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs dit « fonds Barnier », à hauteur de 60 millions à 70 millions d'euros par an. Ce fonds a reçu des dotations exceptionnelles pour absorber le choc lié aux acquisitions de biens décidées à la suite de la tempête de Xynthia et devrait désormais retrouver un équilibre entre dépenses et recettes. Il nous faudra toutefois rester attentif, dans les années à venir, au respect de cet équilibre et de l'engagement financier de l'État.

J'en viens maintenant aux articles rattachés. L'article 51 vise à assurer à l'établissement public du Marais Poitevin un financement pluriannuel, qui sera notamment garanti par un prélèvement sur les redevances perçues par l'agence de l'eau dans la circonscription d'action de l'établissement.

En outre, cinq articles additionnels ont été insérés à l'Assemblée nationale sur proposition du gouvernement, et portant sur l'eau et la prévention des risques.

L'article 51 bis encadre les recettes des 10èmes programmes des agences de l'eau, qui devront être adoptés en 2012 : une partie des recettes de la redevance sur les pollutions diffuses reversée par les agences de l'eau à l'ONEMA pour financer le plan « Ecophyto 2018 » est forfaitisée à hauteur de 41 millions d'euros par an ; les dispositions relatives aux redevances sont rééquilibrées entre pollution et prélèvement pour les recettes et entre les différentes catégories d'usagers sans augmenter la pression fiscale.

L'article 51 ter prévoit une clé de répartition entre exploitants, collectivités territoriales et État, pour le financement des mesures foncières liées aux PPRT : si le coût est inférieur à 30 millions d'euros, un tiers est supporté par les collectivités territoriales, un tiers par l'État et un tiers par les industriels. S'il est supérieur, un plafond est instauré, puisque la charge des collectivités représentera au maximum 15 % du produit de la contribution économique territoriale. C'est une bonne mesure.

L'article 51 quater tire les conséquences de la loi du 23 juin 2011 relative à la lutte contre l'habitat indigne outre-mer, en prévoyant que le fonds Barnier peut contribuer à l'aide financière et aux frais de démolition des locaux à usage d'habitation édifiés sans droit ni titre dans une zone exposée à un risque naturel.

L'article 51 quinquies prévoit une augmentation du budget de l'ONEMA de 20 millions d'euros au nom de la solidarité inter-bassin ; j'attire votre attention sur l'urgence de cet article au regard des travaux d'assainissement qu'il faut réaliser en Corse, ainsi qu'au regard du contentieux que risque la France pour non-application de la directive sur les eaux résiduaires urbaines.

L'article 51 sexies encadre les dépenses des 10èmes programmes des agences de l'eau pour 2013-2018, en les fixant à 13,8 milliards d'euros (contre 14 milliards d'euros pour les 9èmes programmes) dans le cadre du nécessaire effort budgétaire général.

Ces articles vont dans le bon sens et je vous propose d'émettre un avis favorable à leur adoption. Les crédits consacrés à l'environnement marquent, dans un contexte budgétaire très contraint, la volonté de poursuivre l'engagement de l'État. C'est pourquoi je vous propose également d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie ».

M. Ronan Dantec. - Comment voter le programme 113 avec une baisse des effectifs de 496 ETP ? L'établissement de la trame verte et bleue qui constitue une avancée voit ses crédits passer de 2,5 millions à un million d'euros. La biodiversité est malmenée. Bref, je ne vois ni vision d'ensemble ni volonté de mettre en oeuvre le Grenelle de l'environnement.

Mme Laurence Rossignol. - J'observe que le ministère de l'Écologie paie le plus lourd tribut à la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, puisque le taux atteint en réalité est de 60 %. S'agissant de la politique de l'eau et les milieux aquatiques, la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau ne mériterait-telle pas une réforme en profondeur, qui marquerait une vraie évolution ? On s'éloigne des objectifs du Grenelle de l'environnement, malgré les efforts, que je reconnais, de Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Évelyne Didier. - Ici comme ailleurs on réduit les effectifs, le ministère perd de son expertise, au profit d'agences ou du secteur privé. Comment défendre l'intérêt général dans ces conditions ? Les plans de prévention des risques sont certes utiles, mais dévorent des sommes considérables, en raison du foncier. On doit pouvoir faire mieux.

La redevance des agences de l'eau sert à financer des programmes utiles, mais le gouvernement puise dans ces recettes pour combler le déficit du budget général. Or les agences ont des programmes d'investissement à réaliser, en matière d'assainissement, de traitement des eaux résiduaires urbaines, les compteurs d'eau. Nous devons défendre leurs ressources, qui viennent en aide aux collectivités locales.

M. Bruno Sido, co-rapporteur. - La question des effectifs du ministère est complexe, car certains postes sont affectés à des missions nouvelles comme l'Agence des aires marines protégées.

Revoir la loi sur l'eau ? C'est un chantier complexe à rouvrir si je n'en réfère aux difficultés rencontrées lors de l'examen de loi du 30 décembre 2006. Je vais interroger la ministre sur l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques dont les crédits doivent être sanctuarisés.

M. Daniel Raoul, président. - Je consulte sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et sur les comptes et les articles qui lui sont rattachés.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Elle émet un avis défavorable à l'adoption du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Elle émet un avis favorable à l'adoption du compte de concours financier « Avances au fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres »

Elle émet un avis défavorable à l'adoption du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Elle émet un avis favorable à l'adoption du Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 50 rattaché.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 51.

Elle émet un avis défavorable à l'adoption de l'article 51 bis et de l'article 51 ter.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 51 quater et 51 quinquies.

Elle émet un avis défavorable à l'adoption de l'article 51 sexies.

M. Daniel Raoul, président. - Nous en venons maintenant à l'examen de l'amendement présenté par M. Roland Ries tendant à insérer un article additionnel.

M. Roland Ries, rapporteur. - Il s'agit d'un amendement important après que l'Assemblée nationale a rejeté un amendement apparenté sur le versement transport aux régions. Mon amendement, quant à lui, vise à apporter des ressources supplémentaires aux régions étranglées financièrement alors qu'elles doivent gérer le ferroviaire régional. Je propose un versement interstitiel dans les zones hors périmètre de transport urbain (PTU), plafonné à 0,55 % de la masse salariale. Un versement transport additionnel dans les zones de transport urbain aurait en effet pour conséquence peu acceptable de faire passer à 2,2 % le taux de base de 1,75 % de la masse salariale, déjà porté à 2 % dans les communautés de communes ou les communautés d'agglomération à vocation touristique. Je me place donc dans les zones non urbaines. Mais nécessité fait loi car les régions doivent faire face à d'importantes dépenses d'investissement, sans disposer actuellement de recettes dédiées. Comment justifier que, d'une commune à l'autre, d'une rue à l'autre, certaines entreprises acquittent un versement à un taux de 2 % et d'autres rien ?

M. Daniel Dubois. - L'interstitiel, ce sont les espaces ruraux. Or les conseils généraux travaillent déjà à des transports en commun dans ces zones. Je suis contre l'instauration d'une taxe supplémentaire qui frapperait ces espaces-là et freinerait l'action des départements.

M. Gérard Cornu. - Je partage l'avis de Daniel Dubois. Vous voulez taxer le monde rural, qui ne dispose pas de transports en commun. Je comprends que le président de la communauté urbaine de Strasbourg défende sa communauté, mais avec une pareille taxe on irait à l'encontre de l'aménagement du territoire, on démembrerait le monde rural pour financer le ferroviaire. Ce serait suicidaire !

Mme Valérie Létard. - Le versement transport est d'abord destiné au financement de transports en site propre par les autorités organisatrices. On détournerait cette taxe de sa finalité en l'utilisant pour d'autres dépenses, alors même que certains territoires s'organisent pour améliorer l'offre de transports y compris avec l'aide de conseils généraux. Dans mon département nous mettons en place un pôle métropolitain qui offre une gamme de transports coordonnés avec un titre de transport unique. Avec ce détournement du versement vous découragez les territoires ruraux. Je suis donc très réservé sur cette proposition.

M. Claude Bérit-Débat. - Je serais d'accord avec cette proposition si elle ne débouche pas sur un versement additionnel. Pourquoi opposer région et département ? La Dordogne travaille avec la région Aquitaine pour améliorer la desserte de mon agglomération, notamment par une navette ferroviaire.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Je suis d'accord également avec cette proposition, si la somme ne s'ajoute pas au versement transport qui existe. En Haute-Garonne, nous avons crée un titre unique à Toulouse pour les transports urbains et interurbains. C'est une façon de fédérer les énergies, et je crois que nous devons faire confiance aux élus.

M. Martial Bourquin. - Cette proposition ne doit pas servir d'épouvantail. Le versement transport doit pouvoir venir en aide à une politique des transports dans les espaces ruraux, où 20 % de la population ne dispose pas de voiture. Cette taxation doit s'accompagner d'une politique globale des transports.

M. Yannick Vaugrenard. - L'État n'a plus les moyens, on le sait, et la proposition de Roland Ries taxe modérément les entreprises avec un taux de 0,55 % de la masse salariale. Quelle erreur d'opposer la ville au monde rural ! Le rural a changé, il est souvent devenu un espace « rurbain » occupé par des habitants qui ont quitté les villes en raison du coût du logement, mais en ont gardé les habitudes et les attentes. Augmenter la fréquence des TER serait une façon de leur rendre service. Il ne s'agit pas de pénaliser les entreprises, mais d'offrir un service public à leurs salariés. Actuellement les régions sont étranglées, on l'a dit, et elles doivent pourtant songer à ces publics ruraux.

Mme Élisabeth Lamure. - Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une nouvelle taxe, qui frapperait aussi les exploitations agricoles employant plus de dix salariés.

Mme Evelyne Didier. - Nous avons besoin d'en savoir plus. Notre groupe va s'abstenir, pour mieux évaluer les choses d'ici à la séance.

M. Joël Labbé. - Je suis sensible à l'argument de Valérie Létard sur l'accroissement du périmètre des agglomérations. Mais dès lors qu'il s'agit d'interstitiel et non d'additionnel, il y aurait rétroactivité. Ce point mérite d'être approfondi. Je souscris donc malgré tout à l'amendement, étant entendu qu'il ne faut pas contraindre les agglomérations si elles veulent aller plus loin.

M. Louis Nègre. - Vous créez là une nouvelle taxe, alors que la barque est déjà chargée du fait de la rigueur. Il existe certes un vrai problème de financement pour les régions, mais je ne suis pas sûr que cet amendement le résolve. Il faut une vision plus globale du financement des transports pour prendre des décisions fondées. La taxe irait aux régions, qui ont compétence ferroviaire, mais je crains, dans ces conditions, qu'elle ne réponde plus vraiment à son objectif à savoir instaurer un maillage fin pour desservir l'espace rural...

Mme Valérie Létard. - Il n'y a pas lieu d'opposer rural et urbain. J'ai expliqué que si les territoires se structurent, comme dans le Pas-de-Calais avec le syndicat mixte régional des transports, c'est pour dépasser cette dichotomie. Mais si le versement transport vient se substituer à ce qui manque à la région pour les TER, que fera-t-on quand on aura besoin de crédits ? Les régions ont besoin d'être financées, mais pas par ce biais.

M. Jean-Jacques Mirassou. -  Cet amendement offre au moins le mérite d'ouvrir la discussion. Je ne comprends pas Louis Nègre. Les régions manquent de voies pour les TER, et sont obligées de se substituer à RFF. Pourquoi leur refuser l'opportunité de disposer des moyens nécessaires ?

M. Roland Ries, co-rapporteur pour avis - Le versement transport interstitiel, périurbain ou rural, se situe bien hors PTU, à la différence du versement additionnel proposé par les députés, qui porte sur l'ensemble des territoires, avec un taux de 0,2 % ou 0,3 % selon que l'entreprise se situe dans ou hors PTU.

On ne crée pas une nouvelle taxe, puisque que le versement transport existe depuis 1973. On ne fait que l'étendre. Dans sa version de 1973, il présente des inconvénients : dès que l'on sort du PTU, on ne paye plus rien, et c'est ainsi que l'on voit les villes environnées de zones d'activité, tandis que l'on peine à attirer les entreprises à l'intérieur.

Valérie Létard ne conteste pas la mise en place d'un versement transport hors PTU, mais ne veut pas qu'il serve à la région.

Mme Valérie Létard. - Qui pourrait s'en servir à d'autres fins.

M. Roland Ries, co-rapporteur pour avis - Je rappelle que la région est compétente en matière ferroviaire et qu'elle organise la circulation des TER mais aussi de certains cars.

On ne pourra pas, en tout état de cause, laisser les régions sans financement dédié. A l'Assemblée nationale, lorsque les deux amendements sur le versement transport additionnel ont été rejetés, tous les députés ont reconnu qu'il fallait trouver une solution : je vous la propose.

L'amendement est adopté.

Nouveaux horaires des trains pour 2012 et Assises du ferroviaire - Audition de M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), sur les nouveaux horaires de trains pour 2012 et les Assises du ferroviaire.

M. Daniel Raoul, président. - Nous avons, je crois, deux sujets d'intérêt, les Assises du ferroviaire et les nouveaux horaires du cadencement, par lesquels nous allons commencer.

M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). - Pour le passage aux nouveaux horaires, la SNCF, Réseau Ferré de France (RFF) et l'État ont volontairement mis l'accent sur la communication au plus haut niveau possible. Pourquoi ? Un chiffre résume le débat : 15 000 trains circulent chaque jour en France et ils s'arrêtent en moyenne entre six et sept fois, ce qui fait 100 000 arrêts journaliers. Sur ces 100 000 arrêts, environ 85 % vont être modifiés le 11 décembre, certains de quelques minutes, d'autres de quelques dizaines de minutes et une petite minorité de plusieurs heures. C'est dire l'importance de ces nouveaux horaires. Si nous communiquons autant, c'est que nous avons affaire à un changement sans précédent. Certes, chaque année les horaires changent, mais pour seulement 5 à 10 % des trains.

A ces changements d'horaires, il y a trois causes : d'abord, la modernisation des voies existantes. Notre pays a - enfin ! -  décidé un plan de modernisation sans précédent : 13 milliards seront investis d'ici à 2016. Évidemment, pendant la période des travaux, les trains circuleront plus lentement. Nos concitoyens vont découvrir, sauf en Alsace où beaucoup a déjà été fait, que les voies ferrées, comme les routes, ont besoin de travaux et que pendant ce temps, la circulation y est malaisée. En deuxième lieu, le TGV Rhin-Rhône, qui est la septième ligne à grande vitesse de France, va ouvrir le 11 décembre. C'est la première ligne non jacobine, puisqu'elle ne passe pas par Paris : elle va relier l'Est au Sud et former l'embryon d'un réseau européen à grande vitesse qui relira l'Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas, l'Espagne et l'Italie. Troisième raison : RFF, qui décide aujourd'hui des horaires, a souhaité mettre de l'ordre dans la sédimentation des modifications horaires en mettant en place un système où les trains passent aux mêmes minutes de chaque heure, comme en Suisse.

Nous sommes à quatre semaines de la bascule (que l'on peut comparer au passage à l'an 2000 ou à un big bang) et tout le monde est mobilisé. Nous avons choisi avec les élus locaux de faire remonter les difficultés pour les traiter. Une centaine de dossiers délicats ont été identifiés et nous en avons réglé les deux tiers. RFF et la SNCF ont nommé une médiatrice en la personne de Nicole Notat pour s'attaquer aux problèmes en suspens : elle écoutera les récriminations et présentera des recommandations que RFF, la SNCF et l'État suivront pour les trains relevant de leurs compétences. A aucun moment, nous n'avons voulu laisser une protestation sans réponse. Tout n'est pas possible mais nous devons prendre en considération toutes les réclamations, même si une solution évidente ne s'impose pas.

M. Roland Ries, rapporteur pour avis. - Nous avons eu ce matin de longs débats en commission sur le projet de loi de finances et sur divers autres sujets. Nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons du mal à entretenir notre réseau : un millier de kilomètres de voies sont rénovés en moyenne par an. Nous avons des projets d'extension des lignes à grande vitesse mais les capacités de financement ne sont pas extensibles à l'infini. Nous allons donc devoir choisir entre l'entretien du réseau et son extension. Je suggère que nous fassions les travaux nécessaires et que nous repoussions à plus tard la construction de nouvelles lignes. J'ai proposé ce matin un amendement sur l'extension aux régions du versement transport dans les zones interstitielles, c'est-à-dire hors des périmètres de transport urbain établis par des autorités organisatrices de transport, et ceci pour leur permettre d'avoir une ressource dédiée. Notre commission l'a adopté et nous verrons quelle sera la suite qui lui sera réservée. Je n'ai fait que traduire la position du groupement des autorités responsables de transport (GART) et des autorités organisatrices régionales qui souhaitent pouvoir remplir leurs obligations. Si les régions ne disposent pas d'une ressource sous une forme ou sous une autre, elles ne pourront plus faire face aux dépenses liées à l'organisation des transports régionaux, c'est-à-dire essentiellement les TER.

Le contexte économique n'est pas favorable et nous manquons de visibilité institutionnelle : nous devons donc faire en sorte que le réseau ferré français, qui était le meilleur d'Europe, reste performant, alors que nous avons accumulé les retards.

M. Louis Nègre - Les efforts que fournissent la SNCF et RFF pour le cadencement sont exceptionnels. Les avis des élus ont été pris en compte. J'ai reçu la visite du directeur départemental de la SNCF pour m'expliquer ce qui allait changer. RFF m'a aussi contacté. Enfin, la presse quotidienne régionale a relayé l'information. Bref, le travail de fond a été assez remarquable. En outre, sur une centaine de dossiers délicats, vous en avez traité les deux tiers. Cette concertation a donc porté ses fruits. Le cadencement est la Rolls des transports : les usagers en seront très heureux.

Mme Renée Nicoux. - Nous nous félicitons de ce plan de modernisation mais je ne suis pas du même avis que notre collègue sur le cadencement. En région Limousin, il ne satisfait personne. Nous aurions aimé disposer des nouveaux horaires un peu plus tôt pour avoir le temps de réfléchir avec les usagers et la SNCF sur les difficultés. Un train est prévu à 5 h 30 à La Souterraine, unique gare de la Creuse, qui permet d'arriver à 8 heures à Paris. Mais comme beaucoup d'usagers n'habitent pas à proximité de la gare, ils devront se lever à 3 heures pour prendre le train. Je doute fort que ce train soit complet et il risque en conséquence, dans quelques temps, d'être supprimé. Un train passera devant la gare à 6 h 30 sans s'arrêter. Nous perdrons 10 minutes par rapport à l'horaire habituel pour le train de 7 h 30, ce qui fera arriver un peu plus tard à Paris. Nous constatons donc une dégradation du service. J'ai été interpellée hier matin par des usagers qui nous demandent d'intervenir afin que les horaires soient mieux adaptés aux besoins des personnes qui veulent se rendre à Châteauroux et à Paris. Le président de région, Jean-Paul Denanot, regrette lui aussi le manque de concertation et les difficultés que ces nouveaux horaires vont engendrer.

Mme Mireille Schurch. - Au nom de la région Auvergne et du département de l'Allier, je vous remercie : nous avons rencontré vos services car le cadencement initialement prévu pénalisait notre département.

Merci pour votre courrier qui m'a été opportunément adressé quelques jours avant votre audition afin de m'informer de la constitution d'un groupe de travail pour les liaisons Montluçon-Paris. Certes, des améliorations ont été apportées, mais certains trains le dimanche mettront 56 minutes de plus pour revenir de Paris. Tous les jours, il me faudra 20 minutes supplémentaires pour retourner dans mon département. J'espère que le groupe de travail parviendra à un résultat pour cette liaison.

Concernant le Montluçon-Clermont-Ferrand - Clermont étant le pôle universitaire de notre région - la dégradation du temps de parcours est nette. Même dégradation pour le Clermont-Vichy-Lyon. Enfin, certaines lignes transversales mériteraient d'être valorisées, comme le Lyon-Tours, le Lyon-Nantes, et le Lyon-Bordeaux.

Enfin, comme je l'avais indiqué, les élus d'Auvergne se sont sentis méprisés par l'arrivée en gare de Bercy.

L'Auvergne est la seule région de France à ne pas avoir de ligne à grande vitesse. Quatre capitales régionales n'ont d'ailleurs pas la grande vitesse, à savoir Orléans, Limoges, Clermont-Ferrand et Toulouse. Je comprends que l'Alsace se contente de ce qui existe car elle est largement irriguée mais il est un peu facile de demander la suspension de la création des nouvelles lignes afin de pouvoir régénérer le réseau existant ! Poursuivez donc l'effort en faveur des LGV, M. Guillaume Pepy, même s'il faudra hiérarchiser les projets de LGV.

M. Gérard Bailly. - Vous avez devant vous un sénateur très mécontent car le département du Jura va payer un lourd tribut au cadencement annoncé pour le 11 décembre. Malgré les engagements de vos prédécesseurs entre 1995 et 2000 sur le TGV jurassien, les quatre liaisons directes Lyon-Strasbourg vont disparaître au profit de Belfort-Besançon-Dijon-Lyon, si bien que les trains ne passeront plus par le Jura. Nous avons perdu la liaison Lons-le-Saunier-Bourg-en-Bresse qui permettait aux habitants de Lons de venir à Paris. Désormais, ils doivent prendre un bus pendant près d'une heure pour aller à la gare de Dole. Jusqu'à maintenant, il y avait six TGV. Il n'en restera plus que cinq, dont deux qui viendront de la Suisse mais à des horaires inadéquats. Nous n'aurons comme solution que d'aller chercher les TGV à Dijon. Pourtant, le département a déboursé 48 millions d'euros pour mettre en place la LGV Rhin-Rhône et l'on nous avait dit qu'un TGV viendrait à Dole le soir et qu'il partirait le matin pour Paris. Dimanche soir prochain, je serai aux côtés des Jurassiens qui exprimeront en gare de Lons-le-Saunier leur grand mécontentement. Y a-t-il encore un espoir de revenir sur ces décisions ? Peut-on espérer pouvoir prendre le TGV à Bourg-en-Bresse pour aller à Paris sans être obligé de prendre le bus à Lons-le-Saunier ? Peut-on enfin espérer une meilleure desserte sur Dole ?

M. Claude Bérit-Débat. - Le cadencement ne va plus permettre aux personnes qui travaillent à Limoges et qui vivent à Périgueux d'arriver à l'heure à leur travail. Les lycéens qui font Périgueux-Thiviers vont connaître le même problème. Ils devront utiliser la voiture ou le bus. Les habitants de Bergerac qui vont sur Libourne pour se rendre à Bordeaux ou à Paris seront en butte aux mêmes difficultés. Et que dire de la liaison Périgueux-Paris par Limoges ? Pour arriver à Paris à 9 h 30, il faudra partir à 4 h 30 à moins de passer par Angoulême parce que monter à Libourne pour revenir ensuite sur le Bordeaux-Paris va se révéler très compliqué. Des usagers manifestent à juste titre leur mécontentement. Quelques améliorations sont proposées, mais sur le Périgueux-Limoges, 20 minutes de plus seront nécessaires.

M. Jean-Jacques Filleul. - Nous rêvions tous du cadencement depuis fort longtemps. Malheureusement, il ne répond pas aux attentes des usagers et des élus. Pourquoi avoir modifié 85 % des horaires en une seule fois alors que les Suisses ont mis dix ans à y parvenir ? Pourquoi cette précipitation de RFF ? Qu'est-ce que cela cache ? La nomination de Nicole Notat laisse à penser que le problème est plus grave que les 30 points noirs dont vous avez parlé dans vos propos liminaires.

M. Didier Guillaume. - Vous êtes à la tête d'une magnifique entreprise mais, quand vous venez ici, chacun parle de la ligne qui le concerne. Je ne ferai pas exception. Pour les TGV, les choses se passent plutôt bien. En revanche, les rames sont surchargées car la LGV Sud-Est est très utilisée. Est-il envisagé de créer une deuxième LGV ?

Avec le cadencement, les problèmes sont nombreux. Un administré m'a écrit qu'il allait à Marseille tous les jours. A partir du 11 décembre, il devra prendre sa voiture car une arrivée à 9 h 50 au lieu de 8 h 40 ne lui permet pas d'être à l'heure à son travail. Ne risque-t-on pas une dégradation de dessertes des villes de moindre importance ? Ne favorisez-vous pas les grandes métropoles au détriment des villes plus petites ? Ce serait inadmissible.

Nous venons de fêter les dix ans de la gare TGV de Valence et nous constatons, avec les nouveaux horaires, des difficultés pour regagner le Sud-Est, notamment le soir.

Lorsque vous travaillez sur les horaires, prenez-vous contact avec le Medef et les chambres de commerce et d'industrie pour connaître les attentes du monde économique ?

M. Francis Grignon. - Où en est-on de l'engagement national pour le fret ferroviaire ? Ne délaisse-t-on pas trop le fret par rapport aux voyageurs ? L'autoroute ferroviaire Atlantique semble au point mort à cause des trains de voyageurs.

En Suisse, j'ai rencontré le père du cadencement qui m'a expliqué comment les choses s'étaient déroulées : il aura fallu 20 ans pour le mettre en place. Ne risque-t-on pas de multiplier les difficultés en avançant à marche forcée ? Le modèle TGV basé sur le Paris-Lyon ou le Paris-Lille risque d'exploser car les élus veulent faire rouler les TGV à la vitesse d'un TER. Est-ce que le cadencement va permettre des changements de quai à quai d'un TGV à un TER permettant une correspondance plus efficace, comme cela se fait en Suisse ?

La multiplication des TER ne va-t-elle pas coûter très cher aux régions, du fait du cadencement ? Y aura-t-il des avenants aux conventions signées avec les régions ?

RFF décide des horaires, avez-vous dit, mais n'y a-t-il pas certains dysfonctionnements entre ceux qui s'occupent des horaires et ceux qui programment les travaux ?

M. Charles Revet. - Je vous ai beaucoup ennuyé, M. Guillaume Pepy, avec la liaison Paris-Le Havre. Aujourd'hui, je serais tenté de vous féliciter car les horaires sont à peu près tenus. Va-t-il y avoir des travaux de réfection entre Mantes et Paris, ce qui permettrait à tous les trains du Havre d'arriver à l'heure ?

M. Bruno Sido. - Quand j'étais étudiant à Nancy, le Métrolor reliait Nancy à Metz toutes les dix minutes et c'était parfait : cela préfigurait le cadencement.

Le lundi soir, avant d'aller à la gare de Bar pour me rendre à Paris, je regarde quel est le retard prévu. Trop souvent, il est dit « indéterminé », si bien que je suis obligé de prendre ma voiture pour aller à Paris. Avant de faire du cadencement, il faudrait que le matériel soit opérationnel. Vous faites des travaux sur la ligne, ce dont je me félicite, mais quand un train part de Culmont-Chalindrey et que, 20 kilomètres plus loin, il compte déjà une demi-heure de retard, c'est qu'il y a un vrai problème : vous ne pourrez jamais faire de cadencement. Quand allez-vous moderniser le matériel de traction ? Nous avons des locomotives vieilles de 40 ans équipées de moteurs de bateaux qui ne résistent pas aux variations de régime. On nous répond que cette ligne n'a pas assez de voyageurs, mais c'est normal, puisque les trains sont systématiquement en retard ! Changez le matériel de traction, pas les voitures Corail, et vous pourrez alors commencer à faire du cadencement.

M. Jean-Claude Lenoir. - Je suis sur une ligne dont vous avez dit qu'elle était la pire du réseau, M. Guillaume Pepy. Je veux parler de Paris-Granville. Pour être franc, les améliorations sont réelles, mais l'incertitude quant aux horaires demeure. En outre, nous arrivons dans une gare à Paris que personne ne connaît, pas même les chauffeurs de taxi : la gare de Vaugirard, qui était celle que l'on utilisait jadis pour les chevaux... Compte tenu des efforts considérables acceptés par les collectivités territoriales qui payent la voie et les véhicules roulants, il faudrait revoir la question.

Quand vous prenez l'autobus à Paris, vous savez à quel moment le bus suivant arrivera. Pourquoi n'est ce pas possible pour la SNCF ? Pour le confort matériel et moral des voyageurs, ne pourrait-on pas améliorer leur information ?

Enfin, les nouveaux horaires ne conviennent pas à tous les voyageurs empruntant le Granville-Paris.

M. Jean-Jacques Mirassou. - A Toulouse, nous avons une radio nommée France Bleue Toulouse et tous les matins, nous entendons que tel train va arriver avec retard. Indépendamment des efforts faits par la région pour se doter de nouveaux matériels, l'offre reste limitée sur la ligne Auch-Toulouse à cause de son engorgement. Or, cette liaison est essentielle car elle permet à ceux qui habitent sur cette ligne de venir travailler à Toulouse. Le cadencement va-t-il permettre de résoudre ce problème ?

Quel est votre sentiment sur la gare de Matabiau qui est un pôle multimodal et qui va accueillir des TGV ?

Mme Bernadette Bourzai. - Je suis élue de la Corrèze. Les régions du Massif central - Limousin, Auvergne, sans parler de l'Aveyron et du Lot - sont enclavées. Le Limousin a consacré 92 millions d'euros à l'amélioration de la ligne Limoges-Poitiers. Avec les nouveaux horaires, les trains mettront plus longtemps qu'auparavant, du fait d'un arrêt de 25 minutes dans la gare du Dorat. Certes, RFF améliore la ligne Limoges-Ussel, ce qui permettra enfin à un voyageur de faire un aller-retour Ussel-Paris dans la journée.

Quand j'étais élue régionale, le Bordeaux-Lyon comportait deux tracés : l'un passait par Brive et Clermont et un autre par Limoges et Guéret. L'avis de décès de la ligne Bordeaux-Lyon par le sud est publié, puisqu'il ne reste qu'un train le vendredi soir pendant la période estivale seulement. Je soutiens la remarque de Claude Bérit-Débat sur le Périgueux-Limoges car, s'il lui arrive la même chose qu'à nous, la deuxième ligne Bordeaux-Lyon disparaîtra à son tour.

Enfin, une gare dédiée au bois a été créée sur le plateau de Millevaches après la tempête de 1999, la gare de Bugeat. Cette gare a vu partir quatre trains de bois en dix ans. Comment se fait-il que la SNCF ne propose pas d'offre de transport de bois pour l'usine de Saillat dans des conditions acceptables et qui permette de limiter le transport routier dans une région qui n'est pas facile d'accès ?

M. Vincent Capo-Canellas. - J'ai la chance d'être francilien et de disposer d'une ligne directe pour venir au Sénat. Hélas, il s'agit de la ligne B du RER. Ce matin même, le Parisien revenait sur les déboires des voyageurs qui l'empruntent. D'importants investissements ont été décidés et une desserte omnibus est prévue. Le Monde se faisait l'écho, il y a quelques jours, d'une conversation entre voyageurs qui déconseillaient à l'un d'entre eux d'accepter un emploi à Paris, malgré le meilleur salaire, à cause des retards systématiques sur cette ligne.

Où en est votre réflexion sur le futur réseau du Grand Paris et de la rocade TGV qui sera créée en première couronne parisienne ? Des implantations de gares ont été retenues, notamment du côté du Bourget.

La principale gare fret Le Bourget-Drancy accueille des matières dangereuses mais il n'existe aucun plan de protection : le sujet est explosif et pas seulement politiquement.

M. Daniel Dubois. - La SCNF souhaite-telle poursuivre l'exploitation de la ligne Paris-Amiens-Boulogne ? Des trains continueront-ils à s'arrêter dans les gares d'Abbeville, Noyelles-sur-Mer et Rue ?

M. Guillaume Pepy. - Le nombre d'intervenants et les questions que vous avez posées montrent la sensibilité de notre pays au ferroviaire et au sujet des horaires en particulier. Ma stratégie, de ne jamais être dans le déni, et de considérer tout sujet, quel que soit le nombre de personnes concernées, avec autant de sérieux, me paraît la seule possible. Non pas que nous ayons une réponse évidente pour chacun, mais, à partir du moment où un groupe d'usagers manifeste du mécontentement ou des attentes non satisfaites, notre devoir est d'écouter et de chercher des solutions.

Roland Ries, il faut sacraliser le plan de rénovation du réseau existant, fût-ce au prix d'une décision politique, qu'il ne m'appartient pas de prendre, sur le développement de la grande vitesse dans ce pays.

Louis Nègre, nous ne fournirons jamais trop d'effort d'information. Nous allons diffuser la semaine prochaine un tract national à quatre millions d'exemplaires, qui sera présent dans chaque gare, pour que les usagers sachent qu'il y a des sources d'information, et que la SNCF est à leur disposition. Nous continuerons à tenir des stands en gare, nous serons tous sur le terrain pendant la semaine du 11 décembre et nous pouvons compter sur la médiatrice.

Jean-Jacques Filleul, pourquoi faisons-nous tout cela d'un coup ? Nous avons travaillé, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, Thierry Mariani, Hubert du Mesnil, et nous avons conclu à l'alternative suivante : soit nous lancions 15 ans de travaux, qui auraient été immanquablement vécus comme une dégradation, soit nous osions dire aux voyageurs que les travaux vont durer trois à quatre ans ; vous subirez ici ou là une dégradation, mais vous pourrez in fine constater ici une électrification, là une capacité supplémentaire, ailleurs de nouveaux trains, bref nous ouvrons un horizon positif.

Des cartes montrant les bénéfices attendus des travaux dans chaque région vous ont été distribuées à l'instant.

Renée Nicoux, bien sûr, la SNCF assume, puisque, pour la plupart des gens, il n'y a qu'elle qui compte, mais les décisions sur les horaires sont prises par RFF ; les arbitrages sur la desserte et les arrêts relèvent, pour nombre des points que vous avez soulevés, des régions, autorités organisatrices des TER, comme c'est le cas de la ligne Périgueux-Limoges, ou de l'État, autorité organisatrice des Corail et des Téoz. Ainsi, la politique d'arrêt du train Intercités reliant Amiens à Boulogne dépend de l'État. En revanche, nous sommes autorité organisatrice du TGV, et responsables pour les horaires de ces trains.

Sur les arrêts de La Souterraine, le train 3604, pour des raisons d'encombrement, ne peut pas faire deux arrêts le matin. L'État a fait le choix de Vierzon. C'est pourquoi, malheureusement, les gens de La Souterraine doivent prendre un train beaucoup plus tôt. Je reconnais que ce n'est pas pratique. Il faudra reprendre cette question, afin de voir si ce train peut s'arrêter deux fois, tout en s'intégrant en région parisienne sans subir une demi-heure de retard. Sur le décalage de 9 minutes du départ du deuxième train du matin (7 h 37 au lieu de 7 h 28), il est dû au cadencement des sillons qui prévoit un départ à la même minute de Limoges (minute 6), ce qui entraîne des décalages des trains avant et après.

Sur la question de Mireille Schurch sur l'Allier, je vous confirme la création du groupe de travail sur la desserte de Montluçon, compte tenu de la dégradation incontestable, mais pour laquelle nous n'avons pas trouvé de solution immédiate.

Les rallongements de temps de parcours sont, dans neuf cas sur dix, dus aux travaux. Il faut s'en féliciter, notamment dans les régions Centre, où il y a enfin de gigantesques travaux, Limousin, grâce au plan rail et au contrat de plan État-région, Midi-Pyrénées, grâce aux 500 millions d'euros apportés par le conseil régional. C'est donc un mal pour un bien.

Gérard Bailly, le Jura bénéficie du TGV Rhin-Rhône. Néanmoins, il est vrai que la desserte de Dole, de Lons-le-Saunier et de Pontarlier est bouleversée par le fait que le TGV n'y passe pas. Nous avons travaillé avec la région Franche-Comté sur une meilleure articulation entre le TER et le TGV. Je comprends que le résultat n'est pas encore satisfaisant. Je vous propose donc un groupe de travail avec les élus, la région et RFF, pour voir comment mieux associer l'arrivée du TGV Rhin-Rhône avec le TER.

Oui, Claude Bérit-Débat, sur Périgueux-Limoges, le conseil régional est conscient du sujet TER. La question n'est pas bouclée, il faut la remettre sur le métier. Sur le Périgueux-Paris, je vous demande l'autorisation de vous répondre par écrit.

Didier Guillaume, oui, les TGV sont très chargés, en super-pointe, dans la vallée du Rhône. Nous essayons de rajouter des capacités, mais la ligne elle-même est saturée. Pour le service annuel 2012, nous passons de 12 à 13 trains par heure sur cette ligne à grande vitesse. Nous sommes donc au maximum de la capacité technique. Il n'y a plus de marge de sécurité. Le moindre incident peut provoquer le retard de 10 à 20 TGV.

La création d'une deuxième LGV, passant par le Massif central fait l'objet d'un débat public, plusieurs tracés sont proposés, mais je dois vous dire que l'horizon est à moyen terme. Deux chiffres éloquents : rénover complètement un kilomètre de ligne existante coûte un million d'euros ; créer un kilomètre de LGV 20 millions d'euros !

Sur la ligne Valence-Marseille, vous avez raison de faire état de l'insatisfaction des usagers. Nous avons traité la question : ceux qui habitent Valence et travaillent à Marseille ont désormais un train avancé qui répond à leur demande. Le départ de Valence TGV à 7 h 00 permettra ainsi une arrivée à Marseille à 8 h 16.

En France, le TGV joue un tel rôle d'aménagement du territoire que nous sommes extrêmement attentifs à la desserte des villes moyennes. Valence, par exemple, a connu une augmentation de trafic bien supérieure à celle que l'on imaginait. Le tissu des villes moyennes desservies par le TGV est remarquablement dynamique.

Francis Grignon, sur l'engagement national pour le fret ferroviaire qui a été pris par Jean-Louis Borloo et le gouvernement il y a deux ans. Hier, à la suite de votre intervention aux Assises du ferroviaire, le ministère a annoncé la réunion prochaine du comité de suivi qui fera le point, engagement par engagement.

Vous avez raison : l'autoroute ferroviaire Atlantique a pris du retard, à cause des travaux. Le plus grand chantier d'Europe dans les trois prochaines années est ferroviaire et a lieu en France. Il s'agit du Tours-Bordeaux, qui coûtera 8 milliards d'euros et durera quatre ans, avec 13 raccordements entre la LGV et les lignes classiques. La France n'a jamais connu un tel chantier : 300 kilomètres d'un coup. Il est vrai que les conséquences seront très difficiles à vivre pour les usagers au Sud de Bordeaux.

Le service annuel coûtera 50 millions d'euros en plus à RFF, principalement parce que les travaux doivent se faire de nuit, ce qui coûte plus cher. Pour la SNCF, nous estimons le surcoût des aménagements, arrangements et des mesures compensatoires entre 50 millions et 70 millions d'euros. Pour l'ensemble des régions, le coût du cadencement est réduit à zéro. Les régions sont extrêmement sages : certaines ont augmenté leurs offres, d'autres non. Au total, pour la France entière, le nombre de kilomètres de trains TER sera à peu près constant, en 2012, par rapport à 2011.

Charles Revet, je vous remercie d'avoir souligné que la régularité s'améliorait sur la ligne du Havre. Pour Mantes-Paris, nous avons deux projets d'amélioration. Le RER E Eole reliera Mantes à l'Ouest de Saint-Lazare, par Porte Maillot et La Défense. Ce chantier sera achevé en 2017 et coûtera 2 milliards d'euros. La ligne nouvelle Paris-Normandie fera l'objet d'un débat public, sur décision du président de la République, l'an prochain, et comportera une nouvelle section Mantes-Paris. C'est une perspective à moyen terme.

Bruno Sido, vous m'avez interrogé avec humour et précision sur la ligne Paris-Culmont-Chalindrey. Oui, il y a un problème de locomotive, nous avons changé les moteurs voici sept ou huit ans, mais ils ne sont plus adaptés aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, nous sommes une nouvelle fois intervenus. La bonne nouvelle, c'est que la régularité est redevenue acceptable, en repassant la barre de 90 %. Je reconnais que la situation des usagers de la ligne fut mauvaise durant un an et demi à deux ans et que ce n'était pas acceptable.

Jean-Claude Lenoir, je sais la dette que nous avons à l'égard des usagers de Granville, en raison de la très mauvaise régularité des trains. La première bonne nouvelle, c'est que depuis le début de l'année nous avons franchi le cap psychologique des 90 % de trains à l'heure. La seconde bonne nouvelle, c'est l'achat par la collectivité de nouveaux trains qui arriveront à la fin 2013, pour sortir enfin cette ligne de la médiocrité où résultant d'un matériel défaillant. En revanche, la gare de Montparnasse 1 est absolument saturée et l'on ne peut pas mettre de TGV à Montparnasse 3 (ou gare Vaugirard) en raison de la longueur des quais. La seule perspective, c'est l'amélioration de la qualité et de la notoriété de Montparnasse 3.

Bruno Sido et Jean-Claude Lenoir, si la SNCF ne peut informer en temps réel de la circulation de ses trains, c'est que le réseau ferré français n'est pas équipé en GSM sur toutes les lignes. C'est un sujet qui concerne RFF, notre partenaire réseau : la France est sous-équipée en radiocommunications sol - train. Nous savons qu'un train est entre deux gares, mais à quelques kilomètres près, nous ne savons pas précisément à quel endroit.

Jean-Jacques Mirassou, pour Toulouse-Matabiau, un comité de pilotage a été mis en place, avec le maire Pierre Cohen et les élus. J'irai y participer d'ici à la fin de l'année. Matabiau sera maintenue comme la grande gare de desserte de la région toulousaine.

Bernadette Bourzai, la desserte Poitiers-Limoges est effectuée par deux trains différents : un au départ de Limoges et à destination du Dorat et un second au départ du Dorat et à destination de Poitiers. Au départ de Limoges, l'horaire a été déterminé pour permettre les correspondances aux voyageurs empruntant le train Teoz en provenance de Paris. Le temps d'attente au Dorat a été calculé afin d'organiser les circulations sur voie unique et de prévoir son arrivée à Poitiers en cohérence avec le principe du cadencement. La gare bois de Bugeat n'a jamais été utilisée par aucune entreprise de fret, car le transport ferroviaire de bois sur courte distance génère un déficit de 100 % du chiffre d'affaires : on vend un euro ce qui en coûte deux. Après la tempête, nous avions tenté de réunir un tour de table, pour financer le transport du bois par rail plutôt que par route. Nous n'avions trouvé aucune solution. Malheureusement, en France, le transport du bois n'a pas de solution ferroviaire. C'est dommage, mais c'est la réalité. Enfin, le Bordeaux-Lyon est une ligne Intercités, dont l'autorité organisatrice est l'État. Je vous confirme qu'elle n'est pas aujourd'hui menacée.

Par ailleurs, la mise en place de ces trains permet à un voyageur d'effectuer le parcours complet entre Limoges et Poitiers à cette période de la journée avec un temps de trajet allongé de 25 minutes.

Vincent Capo-Canellas, l'origine des problèmes actuels du RER B, ce sont les travaux de modernisation totale de la ligne. Nous dépensons 450 millions d'euros pour remettre à neuf une seule ligne de RER. Nul doute que la situation ne soit extrêmement difficile pendant les travaux. S'y est ajouté le conflit de l'amiante à la RATP, qui a infligé une double peine aux usagers. J'espère que la RATP va s'en sortir. Une bonne nouvelle quand même : à la fin 2012 la voie sera totalement rénovée, dédiée exclusivement au RER B et les rames seront également rénovées.

Le Grand Paris est l'espoir de la SNCF : 60 % de nos voyageurs se trouvent dans la Région Île - de - France. Telle est notre principale perspective pour les années qui viennent.

Le Bourget se trouve dans une situation particulière en raison du triage. Thierry Mariani a reçu Jean-Christophe Lagarde. Il a été décidé que le ministère des transports conduirait à nouveau une expertise, afin d'examiner la qualité des mesures prises et de déterminer si une expertise extérieure doit être diligentée. L'affaire est prise très au sérieux.

Daniel Dubois, la ligne Amiens-Boulogne est une ligne Intercités, qui relève de l'État. Sur le problème des petites gares, je vais revenir vers l'État. Les trains Intercités permettent de relier rapidement entre elles les villes moyennes, afin que les gens abandonnent leur voiture. Telle n'est pas la vocation des TER, qui assurent une desserte fine du territoire.

M. Daniel Raoul, président. - Je vous remercie, monsieur le président, je suis impressionné par la précision de vos réponses. Venons-en au second thème : les Assises du ferroviaire.

M. Michel Teston. - Les Assises du ferroviaire réunissent quatre groupes de travail, sur des sujets comme la gouvernance, l'ouverture à la concurrence et l'économie ferroviaire, où de nombreuses questions sont évoquées. J'en ai choisi deux qui sont au coeur du débat.

En premier lieu, faut-il maintenir la séparation, introduite par la réforme qui a créé RFF, entre le gestionnaire des infrastructures et l'exploitant historique, ou faut-il aller vers une holding, coiffant les deux structures, comme le choix effectué par d'autres pays européens ? Je sais que la Commission européenne s'interroge sur certaines pratiques ayant cours dans quelques pays, mais ne remet pas en cause cette logique. La holding ne suppose-t-elle pas d'établir au préalable quelques règles ? Je pense au lissage progressif de la dette de RFF - qui dépasse 28 milliards d'euros - en particulier de la dette historique héritée de l'ancien réseau - pour un montant d'environ 20 milliards d'euros - le reste étant gagé sur les recettes du gestionnaire des infrastructures.

En second lieu, l'ouverture à la concurrence des transports routiers de voyageurs, en vertu de la législation européenne, a conduit le ministre des transports à autoriser les entreprises européennes, notamment françaises, à exploiter 235 dessertes interrégionales effectuées dans le cadre de services internationaux, dits de « cabotage », permis dans les domaines routier et ferroviaire. Le ministre pourrait aller plus loin en déposant un projet de loi relatif à l'ouverture de lignes routières nationales. Cette perspective peut certes intéresser Keolis, votre filiale de transport routier, mais ne risque-t-elle pas de porter atteinte aux efforts fournis par les régions pour les TER ferroviaires ? Alors que la convention entre la SNCF et l'État sur l'équilibre du territoire n'a qu'une durée de quatre ans, cette évolution préfigure-t-elle l'abandon progressif de ces lignes et leur remplacement par des transports routiers, ce qui marquerait un formidable recul par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement ?

M. Francis Grignon. - Il est difficile de coordonner les horaires et les travaux. Dans le cadre des Assises, je suis particulièrement la question de la gouvernance. Deux solutions se présentent : une holding à l'allemande ou une séparation à la suédoise. Il y en a une autre, que je n'accepterai jamais, consistant, pour RFF, à reprendre une partie de la maîtrise d'ouvrage des travaux ainsi que de la détermination des capacités ferroviaires et des sillons, soit la valeur ajoutée et la matière noble des deux métiers, en laissant le reste à la SNCF. Cela est inacceptable, et ce n'est pas en tant que membre du conseil d'administration de la SNCF que je le dis ! Je suis impartial.

L'hypothèse de la holding me paraît très intéressante. Les péages que la Deutsche Bahn fait payer à Keolis ou à Veolia alimentent les infrastructures allemandes, quand les bénéfices de la SNCF vont au budget général de l'État.

Le pacte social est traité par la Commission présidée par M. Savary. Comment le voyez-vous évoluer ? Mieux, moins bien, différent de ce qu'il est aujourd'hui ? Comment négocier, à quel niveau ? Pour le fret, ce fut une catastrophe, la SNCF avait 90 % du trafic, mais elle n'avait pas 90 % du pouvoir !

M. Louis Nègre. - Le groupe UMP est divers, comme le conseil d'administration de la SNCF ! Sur la holding, ma position diffère ! N'a-telle pas entraîné, en contrepartie, pour la Deutsche Bahn, la suppression du statut de fonctionnaire du personnel en 1994 ? Envisagez-vous aussi de supprimer le statut protégé de votre personnel ?

Quel modèle économique préconisez-vous pour le TGV, la hausse des péages mettant en cause, comme vous l'avez répété, leur fonctionnement, aujourd'hui et demain ?

L'autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) vient de souligner le manque d'indépendance de Gares & Connexions. Que faire pour obtenir une séparation plus conforme au droit ? Le centre d'analyse stratégique recommande d'expérimenter l'ouverture à la concurrence des trains d'équilibre du territoire en 2014. Y êtes-vous favorable ?

Enfin, quels sont les résultats de l'activité fret en 2011 ?

Mme Mireille Schurch. - Le cadre du débat me paraît figé. La question posée est : quelles doivent être les conditions de l'ouverture à la concurrence ? Or l'ouverture à la concurrence du fret s'est soldée par un bilan catastrophique, alors que les TER, qui ne sont pas soumis à la concurrence, mais organisés par les régions, ont fait leurs preuves. Y a-t-il une voie française, originale, à tracer, sur la base du développement du trafic des TER ?

Je prône toujours une entreprise intégrée, rassemblant à nouveau RFF et la SNCF. Vous venez de nous prouver que le modèle actuel n'est pas pertinent pour le cadencement. Pour les agences de notation, il n'y a pas de danger à clarifier le régime de la dette et à la reverser à l'État, il y a sans doute longtemps qu'elles l'ont intégrée dans leur notation.

Êtes-vous favorable à l'ouverture d'un autre cadre de discussion, à l'invention d'une autre solution pour la France ? Nous ne sommes pas l'Allemagne, notre territoire est différent, notre maillage est complexe.

Enfin, les trains d'équilibre du territoire méritent une attention particulière.

M. Guillaume Pepy. - Je ne suis pas dogmatique, mais pragmatique. Je cherche ce qui permettra à la France de rester un très grand champion ferroviaire, tout en améliorant l'efficacité d'un système qui peut mieux faire. La solution ne sera ni suédoise, ni allemande, elle sera française. Elle sera législative et impliquera donc les parlementaires.

Je travaille aussi avec mon concurrent, Véolia, dont je me félicite qu'il soit de moins en moins dogmatique et de plus en plus pragmatique. S'il n'y a que des pragmatiques autour de la table, nous allons y arriver !

Sur le statut des gares, vous avez cité l'autorité de régulation, mais la SNCF applique totalement la loi dite du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires qui a été votée il y a deux ans. Tant que la loi de la République n'a pas changé, elle s'applique !

Je constate que mes collègues de Véolia, qui verront, dès le 11 décembre, arriver dans les gares de la Côte d'Azur et à la gare de Lyon, leurs trains concurrents de la SNCF ne se sont pas plaints, à cette heure, de discrimination de la part de la SNCF. Je ne sais s'il faut une organisation nouvelle, je m'engage à ce que mon concurrent ne fasse l'objet d'aucune discrimination de notre part dans les gares.

La concurrence est un choix politique qui relève du Parlement, de la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. Ma position est celle-ci : j'accepte la perspective de la concurrence. Elle ne dépend pas de moi, mais je l'accepte. Si l'État, qui possède ces trains d'équilibre du territoire devait décider, fin 2013 ou en 2014, d'introduire la concurrence, nous ferions face de bonne foi, avec la certitude que nos atouts nous permettraient de remporter des compétitions.

Sur le modèle économique du TGV, je suis plus inquiet. Les péages « grande vitesse » augmentent fortement pour financer la modernisation du réseau classique. Cela nous conduit à changer le modèle économique du TGV. D'une part, nous envoyons beaucoup de TGV vers des destinations avec un faible taux d'occupation. Il faut mieux articuler le TGV et le TER. Je préfère un seul train plein plutôt qu'un TGV et un TER à moitié pleins. D'autre part, si le prix du péage, la matière première du TGV, qui représente 30 % du prix du billet, augmente, la tendance logique est de produire un peu moins, c'est-à-dire de baisser un peu la fréquence des TGV. Donc nous n'aurons pas besoin d'acheter du matériel supplémentaire. La SNCF n'a plus de commande de TGV à partir de 2015. En l'état actuel du modèle économique du TGV, nous ne savons pas acheter de nouvelles rames...

M. Louis Nègre. - C'est un énorme problème pour l'industrie française !

M. Gérard Bailly. - Les Assises du ferroviaire sont un temps de réflexion sur l'avenir. On parle beaucoup de simplification. Quel est l'intérêt pour la SNCF d'avoir des horaires d'été et des horaires d'hiver, avec quelques minutes de différence ?

M. Guillaume Pepy. - Les services d'été et d'hiver ont été supprimés. Il y a désormais un seul service annuel. Bien sûr, nous appliquons les heures d'été et d'hiver comme tout le monde !

Michel Teston et Francis Grignon, vos idées sont proches. La réforme de 1997 a été bénéfique dans la mesure où elle a évité une forme de faillite de la SNCF, qui avait 100 milliards de francs de dette qui n'était pas liée à son coeur de métier de « transporteur » mais aux constructions des lignes financées pour le compte de l'État. La décision de Bernard Pons et de Mme Idrac de créer une caisse d'amortissement de la dette était bonne. Mais 15 ans plus tard, la séparation faite, à l'intérieur de l'infrastructure, entre « la tête » (RFF) et « les jambes » (la SNCF) n'est sans doute plus une bonne solution. Il y a un consensus là-dessus pour l'avenir. M.  Hubert Du Mesnil est d'accord. Il faut donc toucher à cette gouvernance. Ce n'est pas moi qui décide, mais je pense que notre pays a intérêt à avoir un champion national du ferroviaire. Je vois tous les jours les bénéfices que l'Allemagne tire de la Deutsche Bahn, pour elle, pour son industrie et pour son influence internationale. Elle est le premier transporteur du monde, numéro un mondial du transport de marchandises et numéro deux du transport de voyageurs. La France vient juste derrière. Une solution à la suédoise, avec un éclatement du système, rendrait la France incapable d'avoir ce champion national. Il ne faut pas non plus revenir au passé, avec une SNCF « boîte noire » qui ferait tout à la fois. Si l'on décide de faire un groupe ferroviaire national, il faut l'entourer de conditions bien rigoureuses, pour que la concurrence joue effectivement sans discrimination, pour que l'Europe n'y trouve pas à redire, pour que les élus y voient clair lorsqu'ils passent des contrats avec la SNCF. Je ne suis pas pour le maintien de l'existant, je suis pour un nouveau groupe ferroviaire, mis sous surveillance collective, avec une forme de démocratie ferroviaire.

La concurrence est un très grand débat dogmatique. Dans son rapport remarqué, Francis Grignon l'a dit excellemment : il faut le « prendre de l'autre côté », par le terrain, le concret, le réel. Personne ne soutient que la concurrence règlera tous les problèmes. Mais je ne peux expliquer aux élus qu'ils ont le choix pour tout - l'eau, les déchets - sauf pour un domaine, où subsisterait un monopole éternel. Il faut introduire, pour les élus qui le souhaitent, une faculté, qui n'est pas une obligation, de concurrence équitable, dans des conditions acceptables pour la SNCF et les cheminots, sans dumping social. Il faut sortir du débat théologique pour trouver la façon française de mettre le système en tension positive. Pardonnez-moi de « faire du Grignon » en moins bien ! Le rapport Grignon a été salué par tous, de la CGT aux plus libéraux, comme un élément du point d'équilibre du futur. Si l'on examine les 25 pays européens qui ont un chemin de fer, chacun d'entre eux a trouvé son propre modèle. L'Union européenne est plus dogmatique, elle veut distinguer les tuyaux et les services, elle veut émietter, mais les pays ont résisté, en tenant compte des réalités nationales. Notre pays a une chance formidable. Le chef de l'État l'a dit quand il a inauguré le TGV Rhin-Rhône : « le train, c'est la France ». Nous sommes capables de bâtir ensemble une évolution qui nous permette de continuer à faire circuler plus de trains, car il faut plus de productivité. Je plaide pour un champion national. Il serait dommage que les investissements consentis par des générations successives de Français en faveur du train viennent à se perdre. Mais il faut de la concurrence. Le génie allemand, en 1994, à l'occasion de la réunification, fut de réunir tout le monde autour de la table et de réussir une réforme qui a transformé la Deutsche Bahn. C'est le modèle qui doit nous inspirer aujourd'hui.

M. Francis Grignon. - J'ai été très sensible à votre évocation de la possibilité, pour les régions, ou l'État, de comparer les offres des transporteurs. Nous pourrions instituer, comme nous le faisons déjà tous les jours, des délégations de service public. L'Europe n'impose rien pour l'instant. Je ne pense pas que les tractations en cours au Parlement européen débouchent sur de nouvelles obligations. Nous ne serons obligés à rien avant 2019. Raison de plus pour anticiper ! Les délégations de service public permettent de choisir. L'essentiel, pour l'Europe, c'est la clarté absolue des budgets. Je rappelle que pour les TER, le contribuable paie 70 % et les usagers 30 % en moyenne.

M. Guillaume Pepy. - Michel Teston, l'intention du gouvernement, d'après ce que j'ai compris du projet de loi que vous avez évoqué, est, lorsque le train ne peut offrir un service convenable sur longue distance, de faciliter le transport collectif en bus plutôt que l'usage d'une myriade de voitures particulières. Ainsi, faire Caen-Bruxelles en train, c'est très difficile, alors que l'autoroute couvre les deux tiers de la distance. Dunkerque-Londres, c'est aussi très difficile en train. Pourquoi ne pas recourir aux bus ? A condition que les bus respectent les normes européennes comme la classe Euro V et soient surveillés. Le bus serait complémentaire du train. La plupart des pays le font. Mais nous ne laisserons pas Véolia acquérir en la matière le monopole que l'on nous conteste dans le domaine ferroviaire ! La SNCF sera donc présente.

M. Daniel Raoul, président. - Je tiens à vous remercier pour la précision de vos réponses et votre disponibilité.