Mercredi 20 juin 2012

- Présidence de M. Ladislas Poniatowski, président -

Audition conjointe de M. Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre, et de Mme Michèle Pappalardo, conseillère maître à la Cour des comptes, ainsi que de représentants de la commission de régulation de l'énergie, de représentants de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et de représentants d'EDF

M. Ladislas Poniatowski, président. - Mes chers collègues, je voudrais rappeler, en préambule, que M. le rapporteur et moi-même avions sollicité de la Cour des comptes une actualisation de l'analyse qu'elle avait formulée, dans son rapport public annuel de 2011, non pas sur le coût de l'électricité, mais sur la CSPE, la contribution au service public de l'électricité.

Si une telle demande, prévue par la loi mais peu habituelle, a surpris la Cour des comptes, celle-ci y a répondu avec célérité, et je tiens à vous renouveler aujourd'hui, monsieur le président de la deuxième chambre, les remerciements que je vous ai adressés par écrit pour avoir accompli ce travail dans un délai aussi contraint.

La forme de la présente audition est très particulière, puisque les conclusions issues de cette actualisation vont être exposées, en même temps qu'aux membres de la commission d'enquête, à des représentants de la Commission de régulation de l'énergie - Mme Esther Pivet, directrice du développement des marchés -, de la Direction générale de l'énergie et du climat du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie - M. Julien Tognola, sous-directeur « Marchés de l'énergie et des affaires sociales », et M. Nicolas Barber, chef de bureau « Systèmes électriques et énergies renouvelables » -, ainsi que d'EDF - M. Thomas Piquemal, directeur exécutif groupe en charge des finances d'EDF, Mme Corinne Fau et M. Patrice Bruel. Ils pourront ainsi nous faire part de leurs réactions. Cette méthode de travail très intéressante est employée parfois par la commission des finances du Sénat.

Je donne maintenant la parole à M. Gilles-Pierre Lévy.

M. Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur, en application des dispositions effectivement très peu usitées de l'article L. 132-4 du code des juridictions financières, vous avez donc bien voulu demander à la Cour des comptes une mise à jour de l'insertion qu'elle avait faite à son rapport public annuel de 2011 sur la contribution au service public de l'électricité.

Nous sommes parvenus à accomplir ce travail dans des délais inhabituellement brefs grâce notamment à la diligence de Mme Pappalardo, ainsi qu'à la coopération de la CRE, de la DGEC et d'EDF, qui ont donc déjà eu l'occasion de formuler leurs observations sur l'actualisation de nos analyses.

Je commencerai, en priant les spécialistes du sujet ici présents de bien vouloir m'en excuser, par rappeler des éléments de base.

La CSPE est un supplément de prix du kilowattheure, payé par le consommateur d'électricité en vue de compenser trois types de charges imposées aux producteurs d'électricité, c'est-à-dire d'abord à EDF : les surcoûts liés à l'obligation d'achat de l'électricité issue de la cogénération et des énergies renouvelables sur l'ensemble du territoire ; les surcoûts de production dus à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées - autrement dit, pour l'essentiel, les îles ; le coût des dispositifs sociaux en faveur des personnes en situation de précarité.

La Cour des comptes a examiné ces trois points au regard d'abord des observations qu'elle avait émises dans l'insertion de janvier 2011, ensuite de l'évolution des règles relatives à la CSPE depuis cette date, enfin des prévisions faites pour l'évolution de cette contribution, en termes tant de recettes que de dépenses, d'ici à 2020, échéance retenue par les uns et les autres en matière de programmation énergétique.

Je rappellerai donc les quatre recommandations formulées par la Cour des comptes en janvier 2011, à partir du constat que le taux de la CSPE, fixé depuis 2004 à 4,5 euros par mégawattheure, ne permettait pas de couvrir les surcoûts imposés aux producteurs d'électricité - cela avait conduit à un déficit cumulé, pour EDF, de l'ordre de 2,8 milliards d'euros - et que la loi de finances initiale pour 2011 permettait de relever significativement ce taux.

Premièrement, la Cour avait recommandé de mieux maîtriser les facteurs de croissance des charges du service public de l'électricité, au premier rang desquels l'obligation d'achat à des tarifs trop attractifs, à « guichet ouvert », de l'électricité issue des énergies renouvelables, s'agissant notamment de la filière photovoltaïque.

Deuxièmement, elle s'était interrogée sur l'opportunité de continuer à soutenir des filières qui n'étaient pas jugées prioritaires dans la stratégie énergétique gouvernementale, telle la cogénération.

Troisièmement, elle avait suggéré de remettre à plat le dispositif d'ensemble de la CSPE, afin d'en rendre le fonctionnement plus lisible et d'en clarifier le statut fiscal, considérant en particulier que cette contribution, que le Conseil d'État avait qualifiée d' « imposition innommée » en 2006, était effectivement un quasi-impôt, dont le taux et les conditions de prélèvement devraient faire l'objet d'une autorisation périodique et d'un contrôle du Parlement.

Quatrièmement, elle avait soulevé la question d'un réexamen du financement du soutien au développement des énergies renouvelables et des autres charges du service public par le consommateur d'énergie en général, et non pas seulement d'électricité.

Que s'est-il passé depuis janvier 2011 en matière tant de fixation des recettes - c'est-à-dire du taux de la contribution supportée par les consommateurs d'électricité - que de calcul des dépenses - autrement dit des charges à couvrir par cette contribution ?

En ce qui concerne les recettes, les modifications législatives ont permis l'augmentation de la contribution supportée par le consommateur en laissant à la CRE le soin de proposer un taux sur le fondement d'une base objective de couverture des charges. Il est prévu que, en l'absence de décision du ministre, cette proposition s'appliquerait « par délégation » du législateur, les augmentations possibles étant soumises à un plafond de 3 euros par mégawattheure et par an.

Les chiffres montrent que, en pratique, la CSPE est passée de 4,5 euros par mégawattheure à 10,5 euros à compter du 1er juillet de cette année, soit une hausse de 133 % en dix-huit mois, faisant suite à une stagnation pendant six ans.

Compte tenu du plafonnement des hausses et de la croissance très rapide des dépenses, il faudra sans doute attendre 2017 pour que les déficits cumulés par EDF soient résorbés, mais les responsables financiers de cette entreprise parleront mieux que moi de ce point.

À titre indicatif, il est intéressant de rapprocher le taux de 10,5 euros par mégawattheure à compter de juillet 2012 des 35,9 euros par mégawattheure supportés, pour un objectif équivalent, par les ménages allemands.

En ce qui concerne maintenant les dépenses à couvrir au moyen de la CSPE, cinq points me paraissent devoir être soulignés.

En premier lieu, la principale mesure, qui a fait couler beaucoup d'encre, a visé à limiter le tarif d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque, d'une part en ne l'appliquant plus à « guichet ouvert » aux installations de plus de 100 kilowatts, d'autre part en révisant à la baisse les tarifs d'achat pour les installations de puissance inférieure. Cela étant, les engagements pris antérieurement en faveur d'installations qui n'étaient pas encore en service ont été respectés, ce qui entraîne un accroissement des dépenses au fur et à mesure de l'entrée en service de ces installations.

En deuxième lieu, pour ce qui concerne la cogénération, je constate que, en dépit des réserves de la Cour, les textes n'ont pas été modifiés. Cela étant dit, dans la mesure où ils restreignaient le bénéfice de l'obligation d'achat aux nouvelles installations de puissance inférieure ou égale à 12 mégawatts ou aux installations anciennes ayant fait l'objet d'une rénovation significative, l'arrivée à terme d'une grande partie des contrats d'achat devrait se traduire par une diminution de la charge de l'ordre des deux tiers entre 2010 et 2014.

En troisième lieu, les coûts liés aux tarifs sociaux sont à la hausse du fait d'un meilleur niveau de prestations ouvertes et de l'automaticité de l'application du tarif de première nécessité, décidée par décret du 6 mars 2012. En volume, ces dépenses restent toutefois de second ordre par rapport aux autres.

En quatrième lieu, la CRE a mis en place une nouvelle méthode de calcul du coût évité pour les obligations d'achat, ce qui aboutit à réduire fortement la volatilité, dans la mesure où le coût prévu et le coût sur la base duquel était calculée la CSPE ont été plus que rapprochés.

En cinquième lieu, sans modification du tarif d'achat mais avec l'application de la méthode des appels d'offres, qui permet en fait de s'éloigner de celui-ci, l'année 2011 a été marquée par le lancement d'un appel à projets pour l'installation d'une puissance de 3 000 mégawatts d'éolien en mer. Il s'agit d'un point important. Les projets retenus représentent une puissance d'un peu moins de 2 000 mégawatts, pour un prix d'achat très supérieur au tarif antérieur, à savoir 20 centimes d'euro le kilowattheure contre 13 centimes d'euro, tarif qui n'avait de fait pas permis jusqu'à ce jour de développer cette forme de production d'électricité.

Hormis la cogénération, tels sont les points sur lesquels une évolution est intervenue, dans les textes en tout cas.

Deux recommandations de la Cour n'ont pas été suivies d'effet : d'une part, le statut de la CSPE, dans laquelle la Cour voyait un quasi-impôt, n'a pas été modifié ; d'autre part, les charges financées par la CSPE continuent de peser sur le seul consommateur d'électricité et il ne semble pas y avoir eu de réflexion spécifique en vue d'élargir son champ à d'autres énergies.

Alors que, pour EDF, le montant des charges à couvrir était en 2010 de 2,6 milliards d'euros, on constate aujourd'hui une forte augmentation du coût lié à l'électricité d'origine photovoltaïque, une croissance plus lente des coûts associés à la biomasse et au biogaz, enfin une augmentation significative du coût pour la filière bagasse-charbon.

J'en viens enfin aux prévisions d'évolution d'ici à 2020.

Les trois scénarios d'évolution des charges établis par EDF, la CRE et la DGEC font ressortir des prévisions de dépenses comprises entre 8,8 milliards et 10,9 milliards d'euros pour 2020, contre 2,7 milliards d'euros en 2010 et une estimation à 4,3 milliards d'euros pour 2012, soit une multiplication par un peu plus de 3,5 entre 2010 et 2020 et par un peu plus de 2 entre 2012 et 2020.

Le chiffre le plus faible est celui qui est issu du scénario d'EDF. Fondamentalement, l'écart provient d'une estimation plus basse du développement de l'éolien en mer et de l'anticipation d'une hausse plus forte du prix du marché par rapport auquel est calculée la CSPE, autrement dit d'un besoin de différentiel plus faible.

À l'examen, il apparaît clairement que le recours aux énergies renouvelables est la première source d'augmentation des dépenses : la charge correspondante passerait de 700 millions d'euros environ à quelque 7,5 milliards d'euros, soit une multiplication par plus de 10 en dix ans.

On assisterait ensuite à un doublement des charges de péréquation au profit des zones non interconnectées, à savoir les départements et collectivités d'outre-mer : celles-ci passeraient de 802 millions d'euros en 2010 à 1,9 milliard d'euros en 2020, selon les estimations de la CRE.

La troisième source d'augmentation des dépenses, plus faible que les précédentes en valeur absolue, serait liée au développement de la production d'électricité à partir de la bagasse outre-mer : la charge passerait de 168 millions d'euros à quelque 600 millions d'euros en 2020.

Quant à la charge liée au fonctionnement des dispositifs à vocation sociale, elle triplerait en dix ans pour atteindre 190 millions d'euros, mais elle resterait relativement modeste en valeur absolue.

S'agissant de l'incidence de ces évolutions sur les comptes du producteur, le déficit cumulé devrait passer par un pic de l'ordre de 4 milliards d'euros entre 2014 et 2017 avant de disparaître aux alentours de cette échéance.

Si la politique suivie jusqu'à présent en matière d'évolution des tarifs était maintenue, soit une augmentation tant que les charges ne sont pas couvertes avec une limitation à 3 centimes d'euro par an, la contribution demandée au consommateur d'électricité devrait doubler et passer à environ 20 euros par mégawattheure en 2020.

En conclusion, j'évoquerai quelques pistes de réflexion en vue de limiter l'impact de ces évolutions sur les consommateurs d'électricité.

La première d'entre elles reste l'élargissement du financement du développement des énergies renouvelables à l'ensemble des énergies, à travers la fiscalité par exemple, afin de ne plus faire reposer cette charge sur la seule consommation d'électricité.

La deuxième voie envisageable pourrait être l'utilisation d'autres sources de recettes ayant pour origine la production d'électricité, par exemple la vente aux enchères des quotas d'émission de CO2, sachant que, dans ce cas, ces recettes ne pourraient être utilisées à d'autres fins, notamment le comblement du déficit budgétaire.

Une troisième piste serait le réexamen des règles d'exonération actuellement en vigueur.

D'autres axes de réflexion pourraient porter sur l'optimisation de la production des énergies renouvelables et sans doute sur l'amélioration de la liquidité et de la transparence du marché de l'électricité.

Telles sont, mesdames, messieurs, les grandes lignes du document qui vous a été remis.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Je vous remercie de cette synthèse de vos conclusions, qui me semblent pertinentes.

Je propose que nous entendions maintenant les représentants de la CRE, d'EDF et de la DGEC, sachant que leurs prévisions pour la période 2012-2020 sont quelque peu divergentes.

La parole est à Mme Pivet.

Mme Esther Pivet, directrice du développement des marchés de la Commission de régulation de l'énergie. - Je voudrais tout d'abord saluer le travail de la Cour des comptes - étant donné la complexité du sujet, élaborer un tel document dans des délais aussi courts représentait un véritable défi ! - et remercier Mme Pappalardo de la qualité des échanges que la CRE a pu avoir avec elle.

Je reviendrai tout de suite sur les scénarios d'évolution de la CSPE d'ici à 2020.

Comme l'a très bien souligné Mme Pappalardo dans le rapport, il s'agit d'exercices différents. En particulier, la CRE et la DGEC considèrent que les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements seront atteints en 2020 pour les énergies renouvelables : il s'agit donc d'une hypothèse dimensionnante. En ce qui concerne par exemple l'éolien offshore, l'objectif est de 6 000 mégawatts de puissance installée en 2020 - l'exercice est par conséquent complètement théorique. Pour le photovoltaïque, on estime en revanche que les objectifs seront un peu dépassés.

S'il s'agit d'un exercice théorique, il me semble néanmoins qu'il permet d'aboutir à un ordre de grandeur de ce que seront les coûts, en particulier liés aux énergies renouvelables, quand les objectifs seront atteints, vraisemblablement au-delà de 2020.

Le scénario de la CRE rejoint assez largement celui de la DGEC, les hypothèses dimensionnantes relatives aux énergies renouvelables et aux prix de marché étant les mêmes.

En tout cas, on peut dire que le coût des énergies renouvelables, qui est déjà assez élevé aujourd'hui, le sera encore beaucoup plus en 2020. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous estimons que la production d'énergies renouvelables soutenue en 2020 représentera 15 % de la production totale française - ce chiffre s'appuie sur les scénarios établis par RTE - mais le coût global des énergies renouvelables dans la part énergie de la facture dépassera 30 %, soit plus du double de la part de ces énergies dans la production.

Comme je l'ai dit, ces scénarios sont basés sur l'hypothèse dimensionnante que constitue l'évolution du prix de marché. La CRE est partie du prix de marché en mars 2012 - 54 euros par mégawattheure - et lui a appliqué une augmentation de 3 % par an, c'est-à-dire le taux d'inflation plus un point.

En matière de prévisions, je pense que nous nous trompons tous. J'en veux pour preuve que, lorsque la CRE a, il y a quelques années, alerté le ministre sur les dérives potentielles du coût des énergies renouvelables, il nous a été rétorqué que, de toute façon, le prix de marché atteindrait bientôt 120 euros par mégawattheure et qu'il n'y aurait donc plus de surcoût des énergies renouvelables. Or le prix de marché, qui était de 62 euros par mégawattheure en 2011 et de 54 euros par mégawattheure en mars dernier, est aujourd'hui de 49 euros par mégawattheure...

Je n'en tire aucune conclusion pour l'avenir, mais il faut savoir que, toutes choses égales par ailleurs, plus il y a d'énergies renouvelables, notamment en Allemagne et en France, plus le prix de marché baisse. En effet, les énergies renouvelables sont des énergies fatales : par définition, le dernier moyen appelé est moins cher. C'est vraisemblablement ce qu'on observe aujourd'hui ; on atteint même des prix de marché négatifs.

Les différents scénarios ne sont pas comparables, mais ils indiquent tous que le coût des énergies renouvelables va beaucoup augmenter.

Je ferai une petite observation : à la page 65 du rapport de la Cour des comptes, il est écrit que, si l'on intègre les coûts liés à la bagasse-charbon, les scénarios d'EDF et de la CRE sont parfaitement comparables. Or je pense que ces scénarios ne sont pas comparables du tout, même si leur périmètre est identique, dès lors que l'on intègre les coûts liés à la bagasse-charbon.

En ce qui concerne les propositions de la Cour des comptes, la CRE ne se prononcera pas - ce n'est pas son rôle - sur le financement des énergies renouvelables par d'autres énergies. Néanmoins, il faut bien avoir à l'esprit que la CSPE ne concerne pas uniquement les énergies renouvelables. Par conséquent, si l'on finance les énergies renouvelables par d'autres énergies, il faudra peut-être financer la péréquation tarifaire par ce qui restera de la CSPE et les dispositions sociales par d'autres moyens. En tout cas, une telle mesure ne serait pas simple à mettre en oeuvre.

Par ailleurs, les conclusions du rapport mentionnent le mécanisme mis en place aux Pays-Bas dans le but notamment d'inciter les producteurs d'énergies renouvelables à vendre leur production sur le marché au moment où c'est le plus intéressant pour le système, c'est-à-dire lorsque les prix de marché sont les plus élevés. Je suis quelque peu dubitative, car la plupart des énergies renouvelables ne sont pas contrôlables aujourd'hui ; je pense en particulier au photovoltaïque, à l'éolien, et même à la biomasse : s'il existe un débouché chaleur, on ne va pas demander à l'industrie de ne pas produire à tel moment sous prétexte que les prix de marché ne sont pas assez élevés... Par conséquent, même si on met en place un dispositif basé sur le prix de marché et donnant une prime par rapport à ce dernier, il sera très difficile de contrôler la production afin de la vendre au meilleur moment.

Il est enfin question, dans les conclusions du rapport, des différentes exonérations en vigueur et des éventuelles modifications qu'on pourrait leur apporter. La CRE n'a évidemment pas à prendre position sur ces exonérations qui, pour certaines d'entre elles, permettent aux sociétés industrielles de ne pas payer plus de 0,5 % de leur valeur ajoutée. J'estime toutefois qu'il faut être conscient de l'impact des exonérations sur ces sociétés, avec lesquelles je suis en contact tous les jours via mes équipes.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Je vous remercie, madame, de vos observations.

Il est vrai que nous n'atteindrons vraisemblablement pas les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement à l'horizon 2020 en matière d'énergie éolienne ; en revanche, concernant le photovoltaïque, je ne dis pas que nous les pulvériserons, mais nous les dépasserons largement. Pour ce qui est de la production, nous commençons donc à avoir une idée des évolutions futures. Cela m'intéresse donc d'entendre les réactions des uns et des autres sur ce sujet.

S'agissant des prix, vous avez raison : on voit bien à quelle vitesse évolue le prix du marché...

Vous avez évoqué les autres suggestions du rapport de la Cour des comptes. Il est vrai que, dans le cadre d'une audition officielle, le régulateur n'a pas à donner son avis sur certains points, comme la proposition selon laquelle la charge de la CSPE pourrait être supportée non pas seulement par le consommateur d'électricité mais aussi par les consommateurs d'autres énergies. Toutefois, si, comme vous le suggérez, nous menons à l'avenir une réflexion sur ce sujet - et le Parlement sera amené à conduire cette réflexion -, vous aurez toute votre place dans les instances de travail.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Lévy ?

M. Gilles-Pierre Lévy. - Nous abordons des sujets sur lesquels le Parlement porte une appréciation de nature politique. La Cour des comptes peut indiquer des pistes, mais il ne lui appartient pas de déterminer qui, du consommateur particulier ou du consommateur industriel, par exemple, doit supporter la charge.

M. Ladislas Poniatowski, président. - J'ai apprécié que vous alliez assez loin dans vos suggestions. Vous vous exprimez prudemment, mais vous dites en somme qu'il faut qu'on avance sur ce sujet.

Mme Michèle Pappalardo, conseiller maître à la Cour des comptes. - Nous ne faisons qu'évoquer des pistes, que nous n'avons de toute façon pas eu le temps de préciser. Nous voulions simplement mentionner les réflexions qu'il nous paraît intéressant d'approfondir.

J'apporterai un petit complément à ce qui a été dit sur les hypothèses retenues par les différents scénarios en matière de volumes d'énergie produite. La CRE et la direction générale de l'énergie et du climat, la DGEC, font leurs calculs en partant du principe que les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, la PPI, seront complètement atteints, c'est-à-dire que notre capacité de production d'électricité éolienne offshore s'élèvera à 6 000 mégawatts en 2020. Comme on l'a fait remarquer, les objectifs de la PPI seront dépassés s'agissant du photovoltaïque, mais ce dépassement est déjà pris en compte par les scénarios : ils se basent sur l'hypothèse d'une augmentation de 500 mégawatts par an à partir du résultat pour 2012-2013, qui n'est pas encore complètement clair. La vision de l'avenir que donnent les scénarios de la CRE et la DGEC s'appuie donc sur la PPI, mais une PPI aménagée en ce qui concerne le photovoltaïque.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Dans votre rapport, vous soulignez, à juste titre, que les contrats passés avant le moratoire devront être respectés. Je suis frappé de constater - je crois que c'est EDF qui l'a fait remarquer - que le pourcentage de projets ayant une suite est très important. On pensait qu'il y aurait davantage de « déchet », de projets abandonnés.

Je passe maintenant la parole à M. Julien Tognola, sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales à la DGEC.

M. Julien Tognola, sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales à la direction générale de l'énergie et du climat. - Je voudrais tout d'abord remercier la Cour des comptes du travail qu'elle a accompli en rédigeant son rapport, dont je salue à mon tour la qualité. Je remercie également ses représentants d'avoir ainsi coopéré avec nos services malgré des délais contraints.

La DGEC est d'accord avec l'essentiel des constats de la Cour des comptes, notamment sur la tendance de fond à l'augmentation des charges du service public de l'électricité. Cette tendance est liée non seulement aux énergies renouvelables mais aussi à d'autres postes, comme la péréquation tarifaire, dont l'impact sur l'évolution d'ensemble est loin d'être négligeable.

J'aimerais faire quelques remarques.

Je commencerai par aborder la question des incertitudes pesant sur les différents scénarios. Je rejoins les propos de Mme Pivet : ces scénarios reposent sur un certain nombre d'hypothèses fortes. Je pense par exemple à l'évolution du prix de l'électricité : si la tendance est plutôt à la baisse aujourd'hui, on serait bien en peine de réaliser une estimation fiable à l'horizon 2020. Du reste, comme l'a dit Mme Pivet, si on avait essayé il y a huit ans de prévoir le prix actuel, on se serait trompé... Or les conséquences de l'évolution du prix de l'électricité sont tout sauf anecdotiques : si ce prix atteignait 90 euros par mégawattheure en 2020, cela représenterait une diminution de 2 milliards d'euros des charges de CSPE.

Les scénarios s'appuient sur d'autres hypothèses fortes, comme la possibilité d'atteindre les objectifs de la PPI ; cela a déjà été largement souligné. Il ne s'agit pas de projections irréalistes : on ignore si les objectifs seront atteints en 2019, en 2020 ou en 2021, mais ils constituent vraisemblablement des ordres de grandeur fiables de l'évolution des charges de service public.

Par ailleurs, je voudrais insister, comme l'a très bien fait la Cour des comptes, sur l'importance des travaux menés ces dernières années pour assurer la pérennité du dispositif, maîtriser ses coûts et engager la résorption de la dette, ou en tout cas adopter un système permettant d'engager cette résorption. Il s'agit d'abord de la modification législative permettant une revalorisation plus automatique de la CSPE, de manière qu'elle suive l'évolution des coûts, qui vont augmenter. Je pense également à la maîtrise des dépenses ; je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit au sujet du photovoltaïque, secteur assez emblématique des mesures prises, avec le développement d'appels d'offres grâce auxquels le nombre de projets retenus peut être contrôlé.

J'aimerais réagir à deux propositions de la Cour des comptes. La première concerne l'évolution du mécanisme d'obligation d'achat. La DGEC accueille avec intérêt les réflexions esquissées par certains acteurs et reprises par la Cour des comptes. D'autres pays européens se posent le même type de questions. C'est un travail à poursuivre.

La question du financement du développement des énergies renouvelables par d'autres énergies est complexe, en particulier dans un contexte où le prix des autres énergies est également très élevé pour le consommateur. Je voudrais faire deux remarques pour aider à la réflexion. Premièrement, le doublement de la contribution unitaire représenterait une augmentation de 10 euros par mégawattheure, soit 7 % ou 8 % de la facture actuelle d'un ménage. Deuxièmement, il est a priori sain, de notre point de vue, que les charges liées au développement des énergies renouvelables d'un secteur donné soient financées par ce secteur ; c'est d'ailleurs le cas du gaz et des biocarburants. Cette internalisation des dépenses nous paraît vertueuse, dans une logique de maîtrise de l'évolution des coûts.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Je vous remercie.

L'avantage des rapports officiels de la Cour des comptes est qu'ils donnent du poids aux sujets qu'ils abordent, obligeant les uns et les autres à s'en saisir, comme on le voit s'agissant de l'élargissement de l'assiette de la CSPE.

Nous en arrivons aux représentants d'EDF. Si j'ai bien compris, vous voulez élargir encore plus la CSPE, qui, comme le précise bien le rapport de la Cour des comptes, concerne déjà non seulement la cogénération et les grandes énergies renouvelables, mais également toutes les autres, comme le biogaz, la biomasse ou la petite hydraulique. Vous considérez que les charges que vous supportez, notamment pour l'obligation d'achat, représentent un coût non négligeable, qui augmente évidemment lorsqu'on passe de quelques champs éoliens à des centaines de milliers de producteurs de photovoltaïque. Vous estimez que le déficit, dont vous assumez la trésorerie, représente lui aussi un coût important. C'est pourquoi vous voulez surcharger encore la CSPE.

Vous avez la parole, monsieur Piquemal.

M. Thomas Piquemal, directeur exécutif groupe en charge des finances d'EDF. - Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous donner la possibilité de nous exprimer sur le rapport de la Cour des comptes. La CSPE est un sujet qui nous occupe ; j'ai presque envie de dire qu'il nous préoccupe. En effet, ce mécanisme est déséquilibré et c'est EDF qui en subit les conséquences. J'interviens d'ailleurs en tant que directeur financier du groupe, et l'ensemble de mes observations seront faites à ce titre, puisque le déséquilibre est principalement d'ordre financier.

Je tiens tout d'abord à souligner - comme l'ont fait tous ceux qui se sont exprimés - la qualité et l'exhaustivité du rapport de la Cour des comptes, qui établit un diagnostic précis, complet et partagé, et formule des propositions que nous trouvons très intéressantes ; j'y reviendrai.

Le rapport met en évidence deux problèmes majeurs dans le domaine financier. Le premier problème est le déficit de compensation ; vous l'avez évoqué, monsieur le président. Ce déficit est très élevé : 3,8 milliards d'euros à la fin de l'année 2011, plus de 4 milliards aujourd'hui. Même EDF ne peut pas supporter un tel déficit de façon durable.

Le second problème, tout aussi important même s'il ne représente que quelques pourcents d'augmentation de la facture, comme M. Tognola l'a souligné, est l'évolution du poids de la CSPE dans la facture globale des consommateurs. À nos yeux, c'est un vrai sujet à un moment où EDF doit consentir des investissements importants.

J'aborderai tout d'abord le problème du déficit de compensation et des charges qu'il génère. La Cour des comptes observe dans son rapport que les charges de service public ont augmenté rapidement et que la CSPE n'a pas été relevée en conséquence. Des dispositions législatives ont certes été prises en 2010 pour remédier à ce problème de déficit, mais elles n'ont pas suffi compte tenu de l'ampleur des difficultés. Le déficit financé par la trésorerie du groupe EDF s'élevait à 500 millions d'euros en 2007 et à 700 millions en 2008 ; depuis lors, il a augmenté d'un milliard par an, et il devrait donc dépasser 4,5 milliards en 2012.

C'est autant de trésorerie d'EDF qui est ponctionnée, ce qui pose naturellement un problème à notre groupe. En effet, EDF a deux particularités. Dune part, nous sommes le groupe d'électricité qui investit le plus. D'autre part, à la différence de tous nos concurrents en Europe, notre programme d'investissement est à la hausse ; je pense principalement à la France, qui représente plus des deux tiers de nos investissements, avec plus de 7 milliards d'euros en 2011 - nous pourrions dépasser les 10 milliards en 2015. Pour financer ce programme d'investissement, nous avons recours aux marchés internationaux. Je ne suis pas ici pour commenter l'utilité des agences de notation ; je dirai simplement que nous sommes actuellement les mieux notés de notre secteur, et qu'il est très important que nous le demeurions.

Or le déficit de compensation représente plus de 10 % de notre dette et pèse donc d'autant sur notre structure financière et sur notre capacité à nous financer dans de bonnes conditions. En outre, ce déficit engendre des coûts de portage très significatifs pour notre groupe. Nous considérons donc que la charge financière occasionnée par ce déficit, qui n'avait pas été prévu lors de la création du dispositif, devrait être compensée par la CSPE elle-même.

Nous pensons que les modalités de calcul des charges financières devant faire l'objet d'une compensation devraient être précisées dans la loi et la réglementation. La prochaine loi de finances rectificative pourrait être l'occasion d'apporter cette précision.

Il en est de même des coûts de gestion. Monsieur le président, vous mentionniez tout à l'heure le nombre de champs ; ce sont autant de contrats que nous devons gérer. Ils entraînent des coûts de gestion de plus en plus significatifs pour l'entreprise EDF. L'esprit de la loi, c'est qu'EDF soit compensée pour la totalité des charges liées au service public de l'électricité ; aussi, tant le coût de portage que le coût de gestion devraient être inclus dans la liste des charges à compenser.

J'ajoute d'ailleurs que cette juste compensation permettrait d'effacer ces coûts dans les comptes d'EDF, augmentant d'autant non seulement le résultat avant impôt du groupe et donc la charge d'impôt qu'EDF acquitterait à l'État français, mais aussi le dividende versé par EDF à son actionnaire, si celui-ci le souhaite. Cette charge, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur Lévy, alimente d'autant le déficit budgétaire auquel vous faisiez référence.

Voilà donc un premier problème lié au déficit extrêmement significatif que supporte EDF.

Le deuxième problème, tout aussi important, tient au poids de cette taxe dans la facture du consommateur. Même si nos points de vue divergent quelque peu sur les scénarios, le rapport de la Cour des comptes montre bien toutes les hypothèses qui sous-tendent ces derniers. Que l'on retienne le chiffre de 9 milliards d'euros ou de 11 milliards d'euros à l'horizon 2020, la taxe devrait passer de 10 milliards d'euros à plus de 20 milliards d'euros à cet horizon. Même si l'augmentation de cette taxe ne représente que quelques points de hausse de la facture d'électricité, les recettes supplémentaires dégagées pourraient être consacrées notamment aux investissements très significatifs que doit faire le groupe EDF en France.

S'il est possible d'augmenter la facture du client, du consommateur français, il est très important que ce surcroît de recettes soit principalement consacré au financement des investissements supplémentaires que doit réaliser EDF, tant dans son parc de production - avant même Fukushima, nous avions prévu de doubler les investissements de maintenance du parc de production en France en les faisant passer de 1,7 milliard d'euros en 2010 à 3,5 milliards d'euros en 201 - que dans les réseaux - chaque année, nous augmentons très significativement les investissements visant à améliorer les réseaux : plus 10 % en 2011, et même 25 % si l'on considère les investissements visant à améliorer la qualité des réseaux.

Je le répète, s'il est possible d'augmenter la facture du consommateur, nous considérons qu'il est plus judicieux que ce surcroît de recettes soit procuré par une hausse du tarif intégré de vente, qui nous permet d'investir, plutôt que par celle de la taxe.

À ce titre, les pistes ouvertes par la Cour des comptes sur le financement des charges futures nous paraissent extrêmement pertinentes, qu'il s'agisse de l'élargissement du financement des énergies renouvelables à d'autres sources d'énergie ou de l'utilisation d'autres sources de recettes. Il est quelque peu paradoxal que le producteur d'électricité la plus décarbonée finance le développement des énergies renouvelables et en supporte en tout cas quasi exclusivement le déséquilibre.

Si EDF disposait d'une compensation pour le coût de portage de ses déficits, si EDF était compensée pour la totalité de ces coûts liés au service public de l'électricité, nous pourrions alors envisager, sur le plan purement financier, un étalement du remboursement de ce déficit sur une période bien plus longue que celle qui est actuellement prévue, au-delà de 2017. Cela permettrait de dégager une marge de manoeuvre dans l'augmentation mécanique prévue de cette taxe.

Je le répète, si le coût de portage et le coût financier nous sont compensés, nous pourrons envisager un étalement du remboursement de ce déficit.

En conclusion, je veux dire qu'EDF rejoint totalement la conclusion de la Cour des comptes quant à la nécessité de rechercher des moyens pour réduire le poids de la CSPE sur les factures d'électricité.

S'agissant de la couverture des charges futures, nous adhérons pleinement aux recommandations de la Cour quand elle suggère un élargissement des pistes de financement. Comme je viens de le dire, un étalement du déficit historique pourrait également être envisagé à titre de mesure complémentaire.

Dans l'immédiat, et vous me pardonnerez de profiter de l'occasion qui m'est offerte pour insister, c'est bien le problème du financement du déficit de compensation qui doit être résolu. Il est nécessaire que le principe de compensation intégrale des charges posé par la loi soit appliqué aux charges financières et aux coûts de gestion. De notre point de vue, ces charges doivent être expressément intégrées dans la liste des charges à compenser. Comme je l'ai indiqué plus haut, la prochaine loi de finances rectificative pourrait être l'occasion de procéder à ces aménagements législatifs et réglementaires.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Je vous remercie, monsieur Piquemal, de votre contribution, qui portait à la fois sur les aspects financiers, mais également sur l'autre volet du rapport.

Je ne suis ni surpris ni choqué de votre demande. Dans la mesure où vous assurez la trésorerie de la CSPE, et compte tenu des coûts et des problèmes que cela entraîne pour vous, il me semble normal que, en tant que directeur financier d'EDF, vous formuliez des demandes en matière financière.

Avant de passer la parole à M. le rapporteur, je voudrais rendre hommage au travail de la Cour des comptes. Parmi les recommandations de votre institution, madame, monsieur, celle qui m'a plu le plus - vous n'en serez pas surpris - se trouve non pas dans votre communication sur les suites données aux observations du rapport public de 2011, mais dans le rapport lui-même, quand vous suggériez une remise à plat de l'ensemble du système, qualifiant la CSPE de quasi-impôt, et appeliez de vos voeux un contrôle plus régulier de l'évolution de celle-ci, notamment par les parlementaires. Cela est d'autant plus pertinent quand on voit la tournure qu'elle prend, comme vous le rappelez dans votre communication.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Desessard, rapporteur. - Au préalable, je remercie la Cour des comptes du travail qu'elle a accompli ainsi que les différents orateurs qui sont intervenus au nom de la CRE, de la DGEC et d'EDF.

Je me bornerai à poser une question au représentant d'EDF.

Monsieur, vous nous dites qu'EDF souhaiterait réduire l'important écart qui existe entre ce qu'elle avance pour payer les producteurs et ce qu'elle perçoit à travers la CSPE, à savoir 3,8 milliards d'euros. Vous nous dites que vous souhaiteriez être remboursés non seulement de cette somme, mais également des coûts financiers que vous supportez en raison de cette situation. C'était le premier point de votre intervention et, jusque-là, on vous comprend.

Ensuite, c'était l'objet de votre deuxième point - que j'ai mis du temps à comprendre et je ne suis même pas certain de l'avoir bien compris ! -, vous dites que la CSPE pose problème pour les ménages en raison de son coût et que, plutôt que d'aider au développement des énergies renouvelables, il vaudrait mieux aider EDF dans ses investissements.

En tout cas, c'est ce que j'ai compris, même si j'espère avoir mal compris !

Autrement dit, vous portez un jugement consistant à dire que, pour diminuer la charge pesant sur la facture des ménages, il faudrait mettre fin à la politique de soutien aux énergies renouvelables.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Vous avez mal compris !

M. Jean Desessard, rapporteur. - C'est en tout cas ce que j'ai cru comprendre. Ou alors il faudra qu'on m'explique la teneur de ce deuxième point !

Enfin, j'ai cru comprendre que vous considériez que le coût très élevé de la CSPE était dû aux énergies renouvelables et qu'il vaudrait bien mieux favoriser les investissements traditionnels d'EDF.

Permettez-moi de vous faire part de mon désaccord. En tout cas, si j'ai mal compris vos propos, je vous remercie de les clarifier.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Monsieur Piquemal, vous avez le droit de vous défendre !

Pour ma part, j'ai bien compris que vous supportiez l'impopularité que représente la charge de la CSPE, qui est imputée sur la facture des consommateurs français. Cette facture recouvre à la fois l'électricité que vous produisez et que vous vendez, les investissements que vous devez faire et la CSPE.

M. Thomas Piquemal. - Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la possibilité de clarifier mon propos.

Je voudrais dire deux choses.

Premièrement, le développement des énergies renouvelables se trouve naturellement au coeur de la stratégie d'EDF. Nous l'avons démontré en 2011 lorsque nous avons intégré la totalité d'EDF Énergies Nouvelles dans la stratégie industrielle du groupe. Nous le démontrons en mobilisant chaque année 1,2 milliard d'euros en faveur du développement de nouvelles capacités dans le domaine des énergies renouvelables, soit la part la plus importante des investissements que le groupe EDF consacre au développement de nouvelles capacités.

Mon propos ne portait ni sur le mix énergétique, ni sur la politique énergétique telle qu'elle a été décidée, ni sur la stratégie de développement du groupe.

Voici ce que je voulais dire, très concrètement. Un abonné au tarif bleu paie en moyenne 135 euros le mégawattheure par an. Dans ces 135 euros, il y a 40 euros de taxes - dès que la CSPE sera passée à 10 euros. Le solde, c'est ce qui nous permet d'investir aussi bien dans les réseaux que dans la maintenance ou dans le développement de nouvelles capacités d'énergies renouvelables.

Mon propos consistait simplement à dire que, si le Gouvernement décide d'augmenter le prix du mégawattheure - cela relève de sa responsabilité - par un accroissement des taxes, cette mesure ne nous permettra pas de financer l'augmentation de nos investissements.

C'est la raison pour laquelle EDF doit être une force de proposition et suggère au contraire d'étaler l'augmentation de cette taxe sur une plus longue période afin de permettre à notre groupe de développer ses investissements ou d'autres sources d'énergie.

M. Jean Desessard, rapporteur. - L'important est que je comprenne bien, même si je suis beaucoup plus lent que mes collègues ou d'autres personnes ici présentes. (Sourires.)

Monsieur le directeur financier d'EDF, vous nous dites que la CSPE ne vous permet pas d'investir. Pourtant, vous en bénéficiez puisque vous avez remporté récemment trois appels d'offres dans le domaine de l'éolien offshore, à un tarif assez élevé, comme l'a constaté la Cour des comptes. La CSPE vous permet donc, à vous comme à d'autres producteurs d'électricité, de réaliser des investissements. C'est pourquoi je n'accepte pas d'entendre dire que les taxes, en particulier la CSPE, empêchent la réalisation d'investissements.

Pour que nous nous comprenions bien, j'aimerais savoir pourquoi vous dites que la CSPE ne permet pas la réalisation d'investissements, alors que je viens de vous démontrer le contraire, du moins partiellement ? Peut-être les représentants de la Cour des comptes apporteront-ils un complément d'information. Je n'arrive toujours pas à comprendre.

M. Thomas Piquemal. - En fait, c'est l'augmentation de la CSPE, qui pèse sur la facture acquittée par le consommateur, qui obère la capacité d'augmentation des investissements. Mon propos ne vise aucunement à remettre en cause la masse des investissements qui doivent être faits dans le domaine des énergies renouvelables, investissements qui expliquent la hausse de ces charges de 2 milliards d'euros à 9 milliards ou 11 milliards d'euros d'ici à 2020. Ce n'est pas du tout mon propos. Mais c'est de dire que la hausse de cette taxe est trop significative sur la facture du consommateur et c'est la raison pour laquelle nous pensons qu'élargir ...

M. Jean Desessard, rapporteur. - Vous portez bien un jugement sur les énergies renouvelables ! Permettez-moi de vous le dire !

M. Thomas Piquemal. - ... et qu'élargir l'assiette de cette taxe à d'autres formes d'énergie permettrait d'en limiter la hausse.

M. Jean Desessard, rapporteur. - On y arrive ! Vous dites qu'il y a un effort trop important pour l'énergie renouvelable par rapport à ce que vous souhaiteriez et qui serait le nucléaire !

M. Thomas Piquemal. - Pour l'électricité ! Pour l'électricité !

M. Jean Desessard, rapporteur. - Franchement, là, il faut nous expliquer.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Bon, monsieur le rapporteur, là vous êtes dans un débat polémique.

M. Jean Desessard, rapporteur. - Mais non ! Je voudrais simplement comprendre.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Monsieur le rapporteur, vous n'aurez qu'à inscrire ces conclusions dans votre rapport.

M. Jean Desessard, rapporteur. - Monsieur le président, je ne voudrais pas qu'il subsiste d'ambiguïtés à la fin de cette audition.

Monsieur Piquemal, vous faites une première réflexion sur ce que coûte à EDF l'écart financier. Je comprends très bien. S'agissant de votre deuxième point, si vous nous dites que le mécanisme de la CSPE ne vous permet pas d'investir dans les énergies renouvelables, ce qu'on peut entendre, alors expliquez-nous pourquoi. Mais vous ne pouvez pas, de manière imprécise et floue, dire que la hausse de la CSPE destinée à développer les investissements en faveur des énergies renouvelables - et vous en profitez par ailleurs, comme je viens de l'indiquer - empêchera EDF d'investir ailleurs.

Puisque je ne pense pas qu'EDF envisage d'investir dans le gaz ou le pétrole, j'aimerais que vous nous disiez ce que vous entendez par « investir ailleurs », puisqu'il ne s'agit pas des énergies renouvelables.

Monsieur le président, je peux l'entendre, mais j'aimerais bien que ce soit clairement dit devant cette commission d'enquête.

Si EDF considère que les investissements en faveur des énergies renouvelables sont trop importants, c'est que vous avez d'autres investissements à faire, en particulier dans le nucléaire. Que cela soit dit !

M. Jean-Claude Lenoir. - Et les réseaux !

M. Jean Desessard, rapporteur. - Et les réseaux, certes ! Mais ne dites pas que les investissements en faveur des énergies renouvelables sont trop importants.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Monsieur Piquemal, pour ma part, je vous ai très bien compris. Néanmoins, vous avez le droit de répondre une dernière fois à M. le rapporteur, qui fera de votre réponse ce qu'il voudra dans son rapport.

M. Thomas Piquemal. - Je n'ai jamais dit, ni pensé, ni écrit que les investissements en faveur des énergies renouvelables étaient trop importants.

M. Ladislas Poniatowski, président. - En effet, il n'a pas dit cela !

M. Jean Desessard, rapporteur. - Mais si !

M. Thomas Piquemal. - D'ailleurs, le développement des énergies renouvelables est au coeur de la stratégie d'EDF et c'est dans ce secteur que ses capacités connaissent la plus importante croissance.

En revanche, financer le développement des énergies renouvelables uniquement par l'augmentation de la CSPE, qui repose sur la seule production d'électricité, est, selon nous, source de déséquilibre. C'est la raison pour laquelle nous sommes très favorables à l'idée contenue dans le rapport de la Cour des comptes consistant à élargir l'assiette de cette compensation à d'autres formes d'énergie, de telle sorte que ce ne soit pas simplement le consommateur d'électricité qui subisse la hausse de cette taxe et paie le développement des énergies renouvelables.

Tel était le sens de mon propos. Je n'ai certainement pas dit que nous investissions trop dans le domaine des énergies renouvelables. C'est un axe stratégique majeur du groupe EDF.

M. Ladislas Poniatowski, président. - En tant que président du groupe d'études de l'énergie, je me réjouis qu'EDF ne soit plus simplement un « horrible » producteur d'énergie nucléaire, mais investisse également de manière massive dans les énergies renouvelables. De même, je me réjouis que vous ayez remporté trois appels d'offres dans le domaine de l'énergie éolienne offshore, même si je trouve le prix de cet offshore un peu élevé.

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. - Je retiens de l'intervention de M. Piquemal que, premièrement, EDF considère qu'elle n'a pas à être le banquier de la CSPE et que, deuxièmement, la mise en oeuvre des énergies renouvelables et le recouvrement des moyens nécessaires à cette fin avaient un coût pour l'opérateur, coût dont celui-ci demande la prise en compte.

Dans leurs rapports respectifs, la Cour des comptes, la CRE et la DGEC ont effectivement avancé cette idée que la CSPE aurait pu être portée différemment et qu'une fiscalité différente ou d'autres contributeurs auraient pu être envisagés.

Vous n'avez pas abordé une question ; peut-être vous a-t-elle interpellés et c'est pourquoi je vais vous la poser.

La place croissante qu'occupent les énergies renouvelables, même si leur importance diffère selon les situations, a déjà un impact sur le prix de l'énergie. Tout à l'heure, il a même été rappelé que le prix de l'électricité était parfois négatif. De toute évidence, on mesure bien l'effet qu'a cette part croissante des énergies renouvelables sur les marchés.

Immanquablement, compte tenu des perspectives à l'horizon 2015 ou 2020 et au-delà, et compte tenu de ce qu'est le modèle économique de l'énergie, l'évolution du prix de l'énergie et l'impact des énergies renouvelables seront des éléments importants.

S'agissant de ce volet très général, je prendrai l'exemple du photovoltaïque, ce dont Mme Pappalardo ne s'étonnera pas, puisqu'il a été dit tout à l'heure que, dans les perspectives pour 2020, nous étions très au-dessus de ce qui était envisagé et souhaité.

Pour ne prendre que cette énergie, si l'on s'en tient à une considération globale, je ne suis pas certain que nous approchions très précisément les coûts. Le pré-rapport Charpin de décembre 2010 consacré au développement de la filière photovoltaïque considérait, comme tout le monde - en premier lieu la commission - que le secteur des particuliers ne devait pas être affecté par le moratoire. D'ailleurs, celui-ci reste aujourd'hui en dehors des appels d'offres, sauf que le prix est fixé trimestriellement, ce qui ne va pas sans poser des difficultés dans un marché qui est incertain.

Or il est aujourd'hui l'un de ceux qui ont été le plus impactés par le moratoire, avec des effets importants sur le plan économique. Et pourtant le solaire photovoltaïque recouvre en fait deux économies : d'une part, la grosse économie des fermes, avec la nécessité d'un raccordement au réseau et d'un renforcement de ce réseau, avec tous les problèmes que cela soulève ; d'autre part, l'économie des particuliers, qui se situe dans la philosophie de l'autoconsommation à l'allemande, si je puis dire.

Si j'ai voulu évoquer cet exemple, c'est pour souligner que, dans notre approche des énergies renouvelables et de la CSPE, il conviendrait peut-être d'aller plus loin dans l'étude des énergies, parce qu'il peut y avoir des impacts non négligeables en termes de coût, notamment si l'on prend en compte les réseaux. Et l'on sait que ceux-ci auront demain un effet sensible dans la formation des prix.

M. Gilles-Pierre Lévy. - Je ne suis pas sûr de savoir répondre avec précision à cette question, qui nous interpelle sur plusieurs sujets relativement incertains.

En particulier, l'exercice qui consiste à reprendre a posteriori les prévisions de prix réalisées pour l'électricité et les différentes énergies voilà trois, cinq ou dix ans est en général assez démoralisant pour les prévisionnistes.

En ce qui concerne maintenant l'impact de la production d'énergie diffuse sur les réseaux, je ne sais pas exactement où en est EDF. Il me semble d'ailleurs que RTE et ERDF sont, tout autant qu'EDF, concernés par l'évaluation des investissements nécessaires à l'adaptation de notre réseau à cette forme différente de production d'électricité. Il est évident que cette adaptation aura un coût, comme tout changement, par définition. Lorsque nous avons construit les centrales nucléaires, nous avons également dû modifier notre réseau.

Pour ma part, je ne suis pas capable aujourd'hui de dire quel peut être exactement l'impact de ces modifications.

Mme Michèle Pappalardo. - En effet, nous n'en sommes pas capables, et je ne suis pas sure au demeurant que quelqu'un en soit véritablement capable. Il faut travailler sur le fond, c'est-à-dire sur les conséquences réelles de ces évolutions sur le réseau, et aussi faire la part entre ce qui relève de la maintenance du réseau et ce qui a trait à l'évolution de celui-ci.

Ensuite, faut-il, comme vous le suggérez, « affecter » le réseau à tel ou tel type d'énergie ? Je n'en sais rien. En revanche, une chose est claire : il y a des dépenses à faire. Le directeur financier d'EDF l'a dit, et nous l'écrivons aussi dans notre rapport sur le nucléaire.

Nous avons des dépenses importantes à faire, et il faut sans doute considérer le sujet globalement, d'où notre réflexion sur la question de savoir si certaines dépenses doivent reposer sur le seul consommateur d'électricité ou sur une base plus large. C'est en effet une vision globale des coûts et de la production qu'il faut avoir avant d'essayer de régler finement chaque type particulier de dépenses.

S'agissant du photovoltaïque, on voit avec intérêt les conséquences des dispositions qui ont été prises. Il faudra bien entendu les évaluer pour savoir si l'on est sur la bonne voie ou si l'on peut rendre le dispositif plus efficace ou plus efficient, mais sans se départir, à mon sens, d'une vision globale de l'évolution du système électrique et de l'objectif que l'on cherche à atteindre à court, moyen et long terme.

M. Jean-Claude Lenoir. - Je me permets d'engager très brièvement un échange entre les membres de la commission.

Je comprends que les travaux de celle-ci touchent à leur fin et que la rédaction du rapport a déjà commencé. Il me semble toutefois que les auteurs de la proposition ayant conduit à la création de cette commission d'enquête n'ont pas complètement atteint leurs objectifs, tant s'en faut, et qu'ils cherchent désormais à ouvrir un débat sur la CSPE pour finalement mettre en cause la part du nucléaire en France.

Je suis pour ma part en désaccord avec la perception qui vient d'être retenue des propos de M. Piquemal...

M. Ladislas Poniatowski, président. - Nous aurons ce débat entre nous, mon cher collègue...

M. Jean-Claude Lenoir. - Je tenais néanmoins à le dire dans cette enceinte.

Je rappelle également que la CSPE a été créée par la loi du 10 février 2000, d'initiative gouvernementale, qui visait à ouvrir le marché français à la concurrence.

À l'époque, les énergies renouvelables étaient balbutiantes et l'impact de la CSPE sur la facture d'électricité avait été jugé relativement modeste.

C'est le développement des énergies renouvelables, à la suite notamment du Grenelle de l'environnement et des initiatives prises par les gouvernements qui se sont succédé à partir de 2002, qui a conduit à cette augmentation très importante de la CSPE.

Aujourd'hui, nous devons, en tant que parlementaires, assumer nos responsabilités. C'est bien parce que nous avons voulu, sur l'initiative du Gouvernement, développer les énergies renouvelables que le problème se pose.

À cet égard, je souhaiterais que les représentants d'EDF puissent me préciser quelle est exactement, au sein du surcoût induit par les énergies renouvelables, la part imputable à la mise à niveau des réseaux. En effet, quand on parle des énergies renouvelables, on ne parle que de la production. Mais la production d'énergie renouvelable a aussi un impact considérable sur les réseaux. J'aimerais donc que vous puissiez me communiquer ce chiffre, même si je doute que vous puissiez me le fournir dès à présent.

Je rappelle également que le budget d'EDF est constitué de recettes et de dépenses, et que les recettes sont pour partie fixées par les pouvoirs publics et le Gouvernement. C'est la différence entre les tarifs et les prix du marché.

Je souhaiterais par conséquent savoir, sur 100 euros de recettes, quelle part résulte des tarifs, c'est-à-dire de ressources décidées par les pouvoirs publics, et quelle part relève d'un prix de marché librement négocié en France ou à l'étranger.

Je retiens de vos propos un problème qui ne doit pas être sous-estimé : les décisions gouvernementales impactent le budget d'EDF aussi bien en termes de dépenses liées à la CSPE qu'en termes de recettes. Il faut donc bien trouver une solution pour être cohérents.

M. Jean Desessard, rapporteur. - Je suis d'accord avec vous sur un point, monsieur Lenoir : il est effectivement important que l'on puisse savoir réellement quelle part d'investissement il convient d'affecter à l'adaptation du réseau aux nouvelles formes de production d'énergies renouvelables.

Il me semble toutefois très difficile de la chiffrer.

Pour le moment, EDF, RTE et ERDF nous ont dit que cette adaptation aurait un impact important, sans pouvoir toutefois nous préciser si elle pouvait s'intégrer aux charges de rénovation normale du réseau ou si elle engendrerait un surcoût trop important. Nous n'avons jamais eu de chiffres détaillés. Il serait donc opportun que nous puissions évaluer réellement ce coût, en le différenciant, comme cela a pu être fait sur l'actualisation des mesures post-Fukushima.

Pour conclure, et afin de relativiser le propos de mon collègue, je précise que les dernières explications que vous avez données, monsieur Piquemal, m'ont permis de mieux comprendre le deuxième point de votre argumentaire.

Si vous avez signalé que la CSPE était élevée, c'est parce que vous souhaiteriez que cette taxation repose non pas simplement sur les consommateurs d'électricité, mais sur les consommateurs d'énergie en général. Je n'avais pas entendu cet argument et je vous remercie de l'avoir précisé. Dans ce cas, le deuxième point de votre exposé devient beaucoup plus compréhensible.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Puisqu'il y a des amendements à la question « réseaux » de Jean-Claude Lenoir, je rappelle pour ma part que, aux termes de la loi, ce sont les producteurs qui doivent assumer les coûts de raccordement de toutes les énergies nouvelles. Si, au-delà du raccordement, on doit renforcer le réseau sur deux ou trois kilomètres, c'est à la charge d'ERDF.

Je profite donc de cette occasion pour adresser ce message à EDF : il est inadmissible que, en ce moment, votre filiale ERDF tente parfois de faire supporter le coût de ce nécessaire renforcement du réseau à des collectivités territoriales, des villes ou des syndicats d'électricité. Je voulais profiter de cette occasion pour apporter cette précision.

M. Thomas Piquemal. - Je vous avoue que j'étais venu aujourd'hui pour parler de la CSPE et de son déséquilibre, et absolument pas du coût des investissements dans les énergies renouvelables.

Je ne pourrai donc malheureusement pas vous communiquer aujourd'hui de chiffres précis, comme j'aurais souhaité le faire.

Si vous me permettez, nous reviendrons vers vous avec ces chiffres - c'est la moindre des choses.

Certes, il y a un coût - on le voit bien de manière intuitive -, mais il est couvert par les investissements réalisés par RTE et ERDF, et donc par la réglementation « TURPE » - tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

Tout à l'heure, je parlais d'une facture moyenne de 135 euros TTC par mégawattheure. Sur cette somme, 50 euros environ vont à RTE et ERDF. Ces coûts sont donc d'ores et déjà pris en compte par une réglementation spécifique.

ERDF et RTE engagent actuellement la discussion sur le TURPE 4, la quatrième période de réglementation.

Vous me posez ensuite la question de la part du tarif dans les recettes d'EDF en France. Deux composantes de nos recettes sont fixées par le tarif, ou, plus exactement, par une réglementation : d'une part, les tarifs intégrés de vente ; d'autre part, le prix de l'ARENH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique.

En effet, à l'issue de la réforme du marché français, réalisée par la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, ou loi NOME, nous devons, comme vous le savez, vendre jusqu'à 25 % de notre production d'origine nucléaire à un prix qui est déterminé par les pouvoirs publics. Celui-ci est aujourd'hui fixé à 42 euros par mégawattheure - je précise qu'il s'agit là uniquement de la part « fourniture d'énergie ».

Si nous faisons la somme de ce que nous vendons au tarif, soit environ 80 % des recettes du groupe, et de ce que nous vendons au titre de l'ARENH, nous arrivons à plus de 90 % des recettes d'EDF en France qui sont fixées par le Gouvernement ou par voie réglementaire.

Je précise également que nous parlons d'un tarif intégré. Si je reprends la base de 135 euros par mégawattheure, il faut retirer 40 euros de taxes. Nous parvenons donc au taux de 90 %, tout compris.

M. Jean-Claude Lenoir. - Votre liberté n'est donc pas très grande.

M. Thomas Piquemal. - Elle est bien encadrée. C'est la raison pour laquelle nous nous devons d'être une force de proposition à même d'avancer des solutions techniques, en l'occurrence financières, dont la mise en oeuvre permettra aux pouvoirs publics de retrouver, s'ils le souhaitent, des marges de manoeuvre sur la facture des consommateurs.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Je voudrais poser une question aux représentants de la Cour des comptes.

L'une de vos pistes de réflexion a éveillé ma curiosité, mais j'ai besoin d'une explication : vous suggérez de faire supporter la gestion de tout ce mécanisme non pas aux producteurs d'électricité, mais au transporteur. Pourriez-vous préciser votre idée ? Quels seraient ses avantages et ses inconvénients ?

Mme Michèle Pappalardo. - Ce ne sont que des pistes de réflexion, et non des propositions. Vous les retrouvez d'ailleurs dans l'annexe, mieux précisées que dans le texte.

En l'occurrence, nous ne les avons pas inventées. Elles émanent notamment du ministère des finances, plus particulièrement de la direction du Trésor, qui mène une réflexion sur la transparence du marché et le rôle que l'on fait jouer à EDF à travers ce dispositif de la CSPE, par rapport à la vision qu'ils ont d'une ouverture plus large et plus normale du marché, avec des rôles qui pourraient être identiques pour tous les producteurs, au-delà du seul producteur historique.

D'où l'idée qu'il serait, au moins sur le papier, peut-être plus logique de faire reposer le dispositif de la CSPE non pas sur les producteurs, mais sur l'unique transporteur.

Comme je l'ai dit, nous n'avons pas été plus loin dans cette réflexion, mais nous l'avons mentionnée, car elle est intéressante à examiner, au moins sous l'angle théorique. Je précise toutefois que je n'en ai discuté ni avec EDF, ni avec la DGEC, ni avec la CRE.

M. Ladislas Poniatowski, président. - À l'arrivée, la somme sera toujours imputée sur la facture du consommateur.

Mme Michèle Pappalardo. - Cette réflexion sur la liquidité et la transparence n'a pas de conséquences financières immédiates.

Toutefois, ceux qui portent ce genre d'idées pensent sans doute aussi que le fait d'augmenter la liquidité et la transparence peut avoir in fine une incidence sur le coût du dispositif.

Mais je n'ai vu aucun chiffrage à ce sujet et je n'ai absolument pas approfondi la question.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Ce faisant, vous élargissez quelque peu l'assiette, mais pas autant que dans d'autres pistes de réflexion que vous nous suggériez.

Mme Michèle Pappalardo. - En effet, tous les niveaux possibles d'augmentation de l'assiette sont envisageables.

M. Gilles-Pierre Lévy. - Il s'agit surtout de placer les producteurs à égalité. Certes, on élargit un peu l'assiette, mais comme l'un des producteurs détient la plus grande part du marché, cela ne changerait pas radicalement la situation, sachant que, dans tous les cas, il faut bien que quelqu'un paye à la fin.

M. Jean Desessard, rapporteur. - Il me semble que l'on pose la question dans le rapport : l'obligation d'achat s'applique-t-elle seulement à EDF, ou à tous les producteurs ?

Le transfert sur le transporteur unique, RTE, permettrait donc de résoudre ce problème, si j'ai bien compris le sens de votre réflexion.

Mme Michèle Pappalardo. - Dans les grandes lignes, c'est cela, en effet.

M. Jean Desessard, rapporteur. - J'en reviens à la notion exprimée dans le deuxième point de M. Piquemal, que j'ai eu du mal à comprendre, à savoir que la CSPE ne devrait pas être simplement payée par les consommateurs d'électricité. C'est un point important, car cela changerait la nature même du dispositif.

J'aimerais avoir sur ce point l'avis de la CRE et de la DGEC.

M. Jean-Claude Lenoir. - Je précise aux membres de la commission que toute personne qui consomme de l'électricité, quel que soit son fournisseur, paye la CSPE.

L'idée de transférer sur le TURPE est néanmoins intéressante car certains consommateurs, notamment industriels, bénéficient d'exonérations - je pense que c'est à cela que vous faisiez référence. Dans ce cas, la CSPE serait acquittée y compris par ces gros consommateurs.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Le rapport ne fait pas référence à ce genre d'exonérations, me semble-t-il.

Mme Michèle Pappalardo. - Il y a en réalité deux sujets de réflexion.

Le premier porte sur les règles d'exonérations actuelles. En effet, plus la CSPE augmente, plus les exonérations augmentent également. Si vous doublez la contribution unitaire, vous doublez les exonérations. Mme Pivet signalait qu'une partie des exonérations ont été dirigées vers les entreprises industrielles, mais pas seulement, puisqu'elles concernent aussi la SNCF, par exemple.

Le deuxième sujet de réflexion porte sur l'idée qui consiste à mettre les producteurs à égalité et à ne pas faire porter l'équilibre du système sur le seul producteur historique, EDF.

Mais cette piste n'a pas de lien avec celle qui concerne les exonérations. Rien n'empêcherait parallèlement de laisser subsister des exonérations, de les doubler ou de les supprimer.

Mme Esther Pivet. - Je crains de ne pouvoir me prononcer au titre de la CRE sur l'élargissement de l'assiette de la CSPE. En revanche, la CRE est prête à participer à un groupe de travail sur ce sujet.

M. Julien Tognola. - Sur l'élargissement, je ne peux que redire que la question est complexe, face à une charge qui augmente et qui pèse sur les consommateurs d'électricité. L'idée de la répartir sur une assiette un peu plus large est assez naturelle. En même temps, les prix des autres énergies sont eux aussi très élevés, et rien ne garantit qu'ils augmenteront moins vite que ceux de l'électricité.

Du point de vue de la maîtrise des coûts, le fait que l'ensemble des coûts liés à la production d'électricité soient visibles sur la facture du consommateur d'électricité procède plutôt d'une logique vertueuse.

Quoi qu'il en soit, à ce stade, il ne peut s'agir que d'une piste de réflexion.

M. Ladislas Poniatowski, président. - Monsieur le rapporteur, si, demain, une réflexion est engagée sur ce sujet, je suis sûr que la DGEC aura beaucoup de suggestions à faire. Mais taxer, demain, le consommateur de fioul, de gaz ou de biocarburant, c'est un problème politique, pas seulement technique. Tout le monde pourra participer à ce débat, mais la décision ne sera pas facile.

Mes chers collègues, si vous n'avez plus de questions, il me reste, au nom du rapporteur, en mon nom et au nom du Sénat tout entier, à remercier la Cour des comptes pour le travail qu'elle a accompli.

Je remercie également la CRE, la DGEC et EDF d'avoir participé à ce débat.

Vous retrouverez certainement des éléments de vos conclusions et de ce débat dans le rapport de notre commission.

M. Jean Desessard, rapporteur. - À mon tour, je remercie l'ensemble des participants, tout d'abord la Cour des comptes, à la fois pour son premier rapport, qui a lancé en partie cette commission d'enquête, et pour ce rapport complémentaire, remis dans des délais très contraints. Je remercie également les représentants de la CRE, de la DGEC et d'EDF de s'être déplacés de nouveau, car nous nous sommes déjà rencontrés à plusieurs reprises.

Le rapport de la commission touche désormais à sa fin. Nous essaierons de tenir le délai, fixé au 4 juillet. Une part importante sera en effet consacrée à la CSPE. Si des pistes existent, il n'en demeure pas moins que de nombreuses interrogations subsistent sur le système à mettre en place, comme vous nous l'avez signalé aujourd'hui.