Mardi 6 novembre 2012

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président

Loi de finances pour 2013 - Mission « Justice » - Audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, garde des sceaux

La commission procède à l'audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Justice »).

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je suis ravi de vous accueillir, madame la ministre, pour présenter le budget de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - C'est un honneur de m'exprimer devant votre commission dont j'apprécie l'ambiance studieuse et sereine. J'étais venue une première fois au mois de juin pour parler avec vous du harcèlement sexuel : vous aviez alors contribué, par votre initiative et par les auditions menées, à combler un vide juridique et à éclairer le Gouvernement.

Le budget de la justice, que j'ai tenu à présenter aux rapporteurs le jour même de son adoption en conseil des ministres, est un budget prioritaire, conformément aux engagements du Président de la République : il augmentera de 4,3 %, s'établissant à 7,7 milliards d'euros ; 1500 emplois seront créés en trois ans, dont 500 dès l'an prochain.

Parmi nos priorités, la jeunesse est incontestablement la première. En 2013, 205 éducateurs ou psychologues seront recrutés, afin de réduire à 5 jours, le délai de prise en charge des jeunes ayant fait l'objet d'une décision judiciaire. Nous entendons y parvenir durant l'exercice 2013 et non au 1er janvier 2014, comme la loi de mars 2012 le prescrit. Les magistrats, plus nombreux, apporteront aux actes de délinquance une réponse rapide, indispensable message de non-impunité adressé aux jeunes. Nous le devons également aux victimes. La réponse éducative, elle, prend du temps. Dans le cadre d'un partenariat avec l'Education nationale, nous affecterons de nouveaux éducateurs dans les classes relais, dont les résultats sont très satisfaisants : 82 % des jeunes rejoignent ensuite le système éducatif classique.

Il est important que les tribunaux pour enfants disposent d'une grande diversité de réponses, notamment des solutions en milieu ouvert. Le nombre des familles d'accueil passera à 450 en 2013, contre 350 aujourd'hui ; l'indemnité journalière sera portée de 31 à 36 euros. Certains parlementaires demandent un changement de leur statut et un alignement sur celui des familles avec lesquelles les conseils généraux travaillent dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. J'en étudie les implications. Cela aurait pour conséquence l'abandon du régime de l'indemnité et serait sans doute onéreux. Les familles d'accueil, bénévoles, constituent une réponse adaptée pour ces jeunes, en leur apportant la présence et l'accompagnement, voire l'affection, dont ils ont besoin. Le taux de non-récidive en milieu ouvert est de 80 %. Mais les centres éducatifs fermés et les centres éducatifs renforcés ne seront pas oubliés. Enfin nous soutenons le secteur associatif habilité, dont les créances s'élèvent à 35 millions d'euros... Nous allégerons ce poids de 10 millions d'euros, pour leur permettre de continuer à assurer leur mission d'intérêt public auprès des mineurs.

La deuxième priorité concerne la justice civile et l'amélioration du fonctionnement des juridictions. La justice civile représente 70 % de l'activité judiciaire. Pour elle, 150 postes de magistrats seront créés. Les crédits informatiques seront doublés pour moderniser et sécuriser les procédures tout en dégageant des emplois. Les frais de justice -frais d'expertise, de recherche d'ADN, de téléphonie, d'analyses psychologiques, etc.- constituent un casse-tête budgétaire car ils sont difficiles à évaluer en début d'exercice. Nous avons prévu une dotation de 477 millions en 2013, en hausse de 15 %. La Justice a une réputation de mauvais payeur - c'est ainsi que nous avons reçu une facture de la Poste de 60 millions d'euros ! Depuis juillet les juridictions ont épuisé leur budget et en sont réduites à vider les fonds de tiroir, lorsqu'il en reste... Elles nous appellent au secours, elles ne pourront finir l'année.

Parallèlement nous cherchons à optimiser les dépenses, à les mutualiser, pour réaliser des économies d'échelle. Les frais de fonctionnement sont en baisse de 7 %, conformément à la lettre de cadrage du Premier ministre. Le ministère de la justice prend ainsi sa part à l'amélioration des finances publiques. Les juridictions ont pu manifester quelques inquiétudes, mais relativisons : en 2011, 21 millions d'euros de crédits de fonctionnement ont été ponctionnés pour les frais de justice, or ceux-ci font l'objet d'une dotation en hausse de 62 millions, ce qui met à l'abri les dotations pour frais de justice. La modernisation informatique renforcera la sécurité des procédures et dégagera des emplois qui pourront être redéployés.

En outre, il est nécessaire de réfléchir à l'office du juge et au périmètre de son intervention, comme on me l'a signalé dans les juridictions. L'accumulation des textes a considérablement étendu les missions du juge. J'ai commandé une étude sur ce sujet à l'Institut des hautes études sur la justice qui rendra ses conclusions en mars 2013, tandis que la direction des services judiciaires a créé un groupe de travail réunissant tous les métiers. Ces travaux alimenteront également la réflexion sur les tribunaux d'instance et leur articulation avec les tribunaux de grande instance. Des expérimentations seront menées. Je remercie le président Sueur pour sa proposition de loi différant de deux ans la disparition des juges de proximité, initialement prévue début 2013, car les tribunaux d'instance ne sont pas pour l'instant capables d'absorber ce surcroît d'activité. Ce sursis sera utile pour redéfinir les missions. La formation des juges de proximité devra tout de même être améliorée, afin d'apaiser les multiples contestations dont ils sont l'objet...

J'ai installé le 18 septembre le comité d'organisation de la conférence de consensus de prévention de la récidive, afin de mener une réflexion sur le sens de la peine et l'utilité du temps de l'incarcération. Les travaux de ce comité indépendant devraient durer 5 mois jusqu'à la conférence de consensus qui se tiendra en février 2013. Le comité met en place un jury indépendant en vue de cette conférence. Il a aussi pour mission de proposer les termes d'un consensus, en se penchant sur toutes les études françaises et internationales sur la prévention de la récidive ; et de proposer des réponses originales ou ayant fait leurs preuves ailleurs. Le taux de récidive est important, surtout après les courtes peines d'incarcération. Je crois le consensus possible car il y a déjà, au Parlement, une convergence sur le diagnostic.

Pour développer les alternatives à l'incarcération, 120 postes sont créés : 70 juges d'application des peines, 10 parquetiers, 40 greffiers, ainsi que 63 emplois de conseillers dans les services d'information et de probation. Les crédits des aménagements de peines augmentent de 12 % afin de renforcer l'offre de placements extérieurs. Le nombre des bracelets électroniques, 8 000 aujourd'hui, doublera durant le quinquennat. Ce dispositif ne saurait cependant se limiter à une surveillance. De même qu'il est nécessaire d'éviter les sorties sèches - encore 80 % des cas - ou d'adapter la surveillance sur les reliquats de peine, il faut mettre en place un accompagnement des personnes concernées.

Les travaux d'intérêt général (TIG) sont en baisse relative. Ils sont répartis inégalement sur le territoire, selon les communes, en fonction des organismes qui les accueillent. La chancellerie a publié un guide afin de donner une nouvelle impulsion à ce dispositif qui constitue une peine à part entière, et une peine active. En outre nous créons 250 places de semi-liberté. Avec les peines aménagées et les quartiers nouveaux concept, ce sont au total 800 places nouvelles en alternative à l'incarcération.

L'aide aux victimes est importante. Nous cherchons à sensibiliser les auteurs d'actes de délinquance à l'exigence de respect envers les victimes ; d'ici un an des bureaux d'aide aux victimes seront installés dans chaque tribunal d'instance et les associations disposeront en moyenne d'un poste de juriste à mi-temps tandis que la dotation qui leur est destinée augmentera de 8 % ; enfin l'action du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, jusque là consacrée aux trois-quarts à la vidéosurveillance, sera redéployée, à hauteur de 70 %, vers l'aide aux victimes, la prévention de la délinquance, la présence sur le territoire ou la coordination avec la politique de la Ville. Enfin les crédits consacrés à l'aide juridictionnelle, accessible aux citoyens dont le revenu est inférieur à 929 euros, passeront à 271 millions, en hausse de 16 %.

Autre point, les projets immobiliers. Pour l'immobilier judiciaire, 20 villes sont concernées. Trois constructions de tribunaux en partenariat public-privé (PPP) étaient prévues : celui de Caen, urgent, sera maintenu. A Perpignan, un projet sous maîtrise d'ouvrage publique aboutira avec un délai de 18 mois. A Lille, la maire m'ayant indiqué qu'un terrain du ministère de la Défense se libérait, j'ai lancé la procédure. Les crédits de l'immobilier pénitentiaire augmentent de 8,8 %, affectés à des rénovations lourdes - la Santé, les Baumettes, Fleury-Mérogis - ou à des travaux d'entretien ou de réhabilitation, en hausse de 20 %, car c'est souvent la négligence qui provoque les dégradations. Le programme de rénovation des établissements vétustes est maintenu. Les établissements pénitentiaires seront équipés de parloirs familiaux et d'unités de vie familiale d'ici à la fin du quinquennat. Le nombre de places passera de 53 000 à 63 500. Dans le même temps une réflexion est lancée sur l'architecture carcérale, le personnel soulignant les difficultés d'animation et de vie dans les nouveaux établissements de très grande taille.

En ce qui concerne les dépenses de personnel du ministère, un décret a prévu que le régime indemnitaire des magistrats serait augmenté en trois tranches successives, étalées jusqu'en janvier 2013. Cet engagement consommera l'intégralité de l'enveloppe dédiée à ce poste dans le budget. Nous ne sommes donc pas en mesure de réaliser l'effort d'équité dû à certaines catégories ; la rémunération des agents de catégorie C, qui n'a pas évolué depuis dix ans, sera revalorisée en 2014, celle des greffiers en 2015. Enfin 7 millions seront consacrés au personnel pénitentiaire afin de compenser les contraintes de travail  dans un milieu marqué par la surpopulation carcérale tandis que 5 % des postes restent vacants. Ce budget traduit ainsi des engagements politiques en choix budgétaires.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Les trois programmes de la mission justice sont marqués par des augmentations de postes. Je salue, madame la ministre, votre force de conviction et votre pugnacité.

Mme Catherine Tasca, rapporteure pour avis du programme « justice judiciaire ». - Je vous remercie pour cet exposé très utile aux parlementaires. Les professionnels sont nombreux à saluer l'effort budgétaire du Gouvernement en faveur de la justice. Il reste néanmoins des points noirs.

En premier lieu, une nouvelle organisation budgétaire des cours d'appel a été mise en place l'an dernier, réforme larvée des cours d'appel selon certains, consistant à étendre les périmètres des budgets opérationnels de programme (BOP) en regroupant différentes cours d'appel sous la responsabilité d'une seule. Les gains engrangés sont-ils à la hauteur des inconvénients occasionnés ? L'indépendance des cours d'appel est mise à mal, leur gestion soumise à la tutelle d'une autre cour parfois très éloignée. La cour d'appel de Toulouse préside ainsi aux destinées budgétaires des cours d'appel de Montpellier et de Nîmes. Conserverez-vous cette organisation ou envisagez-vous de la modifier ?

Quels principes ont été retenus pour la réforme de l'école nationale des greffes ? En particulier, quelle est votre position sur le stage de pré-affectation des greffiers stagiaires qui ampute le temps de formation d'un tiers ?

Les personnels des greffes ont vu leurs conditions de travail se dégrader au fil des réformes successives. Ils ont fait face aux difficultés, avec un sens du service public exemplaire ; les juridictions leur doivent beaucoup. Or ils sont découragés et déçus, constatant l'absence de toute mesure les concernant cette année. Aucune solution n'est-elle envisageable dès 2013 ?

Enfin quelles décisions comptez-vous prendre concernant la révision des mesures de tutelle le 1er janvier 2014 ? Les juridictions ne sont pas prêtes. Comment remédier au problème ?

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial de la commission des finances. -Madame la ministre, je vous félicite pour ce budget novateur et pour la qualité des réponses apportées à notre questionnaire.

J'ai constaté dans le passé une sous-estimation systématique des frais de justice. Or elle crée des tensions et porte atteinte au principe d'égalité. Les retards s'accumulent parfois depuis plusieurs années et certains examens, psychiatriques notamment, ne sont plus accomplis. La maîtrise des frais de justice ne réside pas dans leur contingentement : ils dépendent de l'appréciation du juge et, à les limiter, nous provoquerions une inégalité entre les justiciables capables de financer les expertises refusées et les autres. Il faut progresser en matière de gestion, de rationalisation, et de déconcentration. Vous avez fait des annonces importantes.

Vos services nous ont précisé que sur les 500 créations de postes, 20 concernaient les juridictions administratives. Il y a là un certain impérialisme, mais tout à fait acceptable !

Quels projets de moratoire ou d'annulation de décisions non encore appliquées envisagez-vous ?

Quels moyens de contrôle mettrez-vous en oeuvre dans le cadre des PPP qui requièrent une maîtrise d'ouvrage très forte ?

Egalement la construction de nouvelles prisons a longtemps été privilégiée à la réhabilitation ; or elle n'est pas suffisante. Evitons, surtout, de construire de nouvelles structures dans des déserts. A Rennes, avec le soutien de la population, je me suis toujours opposé au déménagement de la Centrale des femmes, située au coeur de la ville. C'est un élément essentiel de réinsertion.

Enfin le principe d'égalité religieuse dans le milieu carcéral a longtemps été oublié. Certaines religions n'ont pas en prison de représentants attitrés en nombre suffisant. Je constate un effort.

Vous nous présentez un budget novateur. J'espère que les suivants suivront la même logique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis du programme « administration pénitentiaire ». - J'ai vu dans les priorités énoncées, développement des aménagements de peines et des alternatives à la prison, incarcération en dernier recours, etc., une volonté de vous inscrire dans la continuité de la loi pénitentiaire dont j'ai été le rapporteur. Vous augmentez les crédits des placements à l'extérieur. Le bracelet électronique, en effet, requiert un accompagnement humain, inexistant aujourd'hui. Le nombre d'emplois de conseillers d'orientation et de probation créé dans ce budget est insuffisant. Il en va de même pour la semi-liberté et la libération conditionnelle. Quels moyens humains consacrerez-vous aux aménagements de peine ? Les maires, dans le département du Nord, sont désireux de développer les TIG mais ils souhaitent être accompagnés.

Sur les infrastructures, qu'en est-il des projets du nouveau programme immobilier lancé par la précédente majorité, par exemple la maison d'arrêt de Lille-Loos ? La construction a été prévue puis différée. Les prisons de Mulhouse, de Colmar, d'Ensisheim, que j'ai visitées, sont fortement dégradées. Où en est-on à Lutterbach ? Combien de places opérationnelles les établissements pénitentiaires compteront-ils en 2015 ? Quelle sera la proportion de cellules individuelles ?

Les fouilles intégrales constituent un problème. Le personnel carcéral accepte mal certaines dispositions de la loi pénitentiaire. Pourquoi ne pas développer les portiques à ondes millimétriques, expérimentés à Lannemezan depuis des années ? Trop cher, répond l'administration. Mais leur coût, 150 000 euros, ne représente qu'une place de prison ! Envisagez-vous leur généralisation ? De même, comptez-vous lancer un programme d'expérimentations sur les systèmes de brouillage des téléphones portables dans l'enceinte des prisons ?

Enfin je suis inquiet pour le devenir d'un certain nombre d'associations culturelles, très présentes en milieu carcéral, fonctionnant avec le concours de bénévoles et grâce aux subventions financées par les locations de téléviseurs. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Les associations devront-elles réduire leurs activités ?

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis du programme « protection judiciaire de la jeunesse ». - L'an dernier, je m'étais montré indulgent car la période était difficile. Cette année, je peux me réjouir librement : l'augmentation du nombre de postes, dont 205 pour la protection judiciaire de la jeunesse  (PJJ), le souci de redonner vie au secteur associatif, de tels éléments marquent un coup d'arrêt à la politique brutale provoquée par la RGPP. Quelles perspectives entendez-vous tracer pour la PJJ, dans le cadre du plan stratégique 2012-2014, après celui de 2008-2011 ? Sur le secteur associatif, le mot-clef est la diversité. On ne peut mettre un éducateur derrière chaque mineur délinquant... Pour moi, le centre éducatif fermé n'est pas le sommet de la sanction. Un jeune peut être d'abord placé en CEF avant d'être pris en charge par une association. La situation est complexe et il faut soutenir le secteur associatif et son savoir-faire dans l'éducation.

A Douai, où je me suis rendu récemment, l'hôpital, la gendarmerie, la PJJ se sont associés pour résoudre certains problèmes, en matière d'addictions ou de violences sexuelles par exemple. Comment développer ce type de partenariats qui offrent des modes de prise en charge adaptés ?

Enfin quelle solution apporterez-vous à la question des mineurs étrangers isolés ? Comment régler les relations conflictuelles entre l'État et les conseils généraux sur ce point ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je répondrai d'abord à Mme Tasca. La réforme des BOP était déjà en cours à mon arrivée. Dix pôles, plus quatre en outre-mer, regroupent les 37 cours d'appel. Dans chaque groupe, une cour exerce sur les autres une forme de tutelle. Lorsque j'ai pris connaissance de cela, les négociations budgétaires avaient commencé et je n'ai pas voulu les fragiliser. J'ai néanmoins tenu à préserver l'autonomie des cours d'appel. Elles n'ont pas été touchées par la réforme de la carte judiciaire, mais celle-ci n'a pas été sans conséquences. Lorsque l'on superpose les cartes, celle des directions interrégionales de l'administration pénitentiaire, et de la protection judiciaire, le ressort des cours d'appel et les régions administratives, on constate une certaine confusion. Il conviendrait de remettre un peu de cohérence.

J'ai maintenu les BOP pour 80 % des dépenses, correspondant à des charges communes. En revanche, j'ai fait extraire 20 % des crédits des BOP pour les laisser à la disposition des présidents de cours d'appel. Grâce à ces moyens, ils gardent la main sur leurs juridictions, sur le recrutement d'assistants ou le paiement de vacations. C'est une décision d'attente. Je discute avec tous, chefs de cours, représentants du personnel, administration, afin de déterminer comment remédier à des situations absurdes, déconcertantes, qui compliquent la vie de tout le monde. Soit dit en passant, dès lors que l'on quitte l'approche superficielle se pose la question de la cartographie.

Le Conseil d'État a estimé que le fait de confier des tâches de greffier à des stagiaires ne portait préjudice ni au statut ni au fonctionnement des juridictions. Je m'interroge sur cette période de préaffectation, mais ce stage assure une arrivée plus rapide des greffiers dans les juridictions... Quant à l'indemnité pour les greffiers, je ne peux hélas pas inventer une ressource que je n'ai pas.

M. Alain Richard. - La seule variable d'ajustement, ce sont les effectifs.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Baisser les effectifs pour augmenter les indemnités ? Cela m'étonnerait beaucoup que les intéressés y soient favorables.

En revanche, il y a le passage de la catégorie C à la catégorie B par lequel on accède, non à un meilleur traitement, mais à des tâches plus gratifiantes. Faute de pouvoir consentir un effort sur l'indemnité ou les recrutements, nous faisons en sorte d'améliorer les conditions de travail : le budget informatique a ainsi été doublé.

Dans la loi de 2007, la validité des décisions de tutelle a été fixée à cinq ans. Le délai a déjà été prorogé et les dossiers existants devront être traités avant le 1er janvier 2014. Notre taux de réalisation devrait passer de 40 % au 1er octobre à 75 % à la fin 2013 grâce à l'effort des juridictions. Restera un stock de 25 % : une nouvelle prorogation du délai sera nécessaire, par voie législative. Des aménagements pourraient être envisagés. Une durée plus longue serait plus adaptée, comme pour les cas de handicap lourd.

M. Jean-Jacques Hyest . - Plus que la durée, ce qui importe c'est la manière dont on surveille les associations ou les particuliers tuteurs.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Effectivement. Ces dispositions visent à protéger les personnes sous tutelle.

Monsieur le rapporteur Edmond Hervé, il n'y a aucun impérialisme de notre part à l'égard de la justice administrative mais un acte de générosité. Après avoir bataillé pour obtenir mes 500 postes, j'ai dû partager avec la justice administrative...

M. Alain Richard. - Qui est aussi la vôtre.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Oui, mais la justice administrative se targue tellement de son indépendance ! J'ai d'abord fait la moue mais c'est bien volontiers que j'accorde ces 20 postes.

Tirant les enseignements de l'expérimentation menée dans les ressorts de Dijon et de Toulouse en matière de citoyens assesseurs, nous avons interrompu son extension... Dès le mois de juin, les procureurs et les procureurs généraux m'ont indiqué que ce dispositif s'avérait coûteux - notamment du fait de l'indemnisation des assesseurs - et rallongeait la durée des audiences de 30 %. Nous déciderons de la suite au vu de l'évaluation définitive, qui aura lieu fin 2012.

Les PPP, dans le domaine pénitentiaire, judicaire ou administratif, coûtent cher. Ceux négociés au premier semestre 2012 posent des problèmes, que nous pensions pouvoir lever - coût des loyers, durée, coût à la sortie, faible marge de manoeuvre. J'ai arrêté ceux qui étaient trop chers et maintenu ceux dont l'interruption auraient été trop coûteuse. Pour ceux qui n'ont pas été engagés, je m'autorise un examen approfondi. J'ai ainsi diligenté une inspection sur l'opération de la Cité judiciaire dans le quartier des Batignolles. Le contrat n'offre pas de marge de manoeuvre mais nous allons tout de même tenter d'en ouvrir une. Ce PPP représente en effet un investissement de 600 millions d'euros sur 27 ans et l'État paierait, d'ici 2043, un loyer annuel moyen de 90 millions, soit au final 2,6 ou 2,7 milliards d'euros. C'est un contrat dans lequel on ne s'engage pas à la légère.

M. René Vandierendonck. - Pourrons-nous obtenir le rapport que vous avez demandé à l'inspection générale ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Oui mais après ma réunion demain avec le Premier ministre : je lui présenterai trois options possibles. Parfaitement d'accord avec vous sur l'architecture et sur la localisation des centres pénitentiaires dans le désert. Les familles ne peuvent pas s'y rendre, ce qui isole des détenus.

Le culte musulman est effectivement le plus pénalisé en prison, avec seulement 80 ETP (équivalents temps plein) sur 1548 vacations. J'ai augmenté ce chiffre de 15 ETP, permettant de couvrir 30 établissements en 2013 et 30 supplémentaires en 2014.

Monsieur le rapporteur Jean-René Lecerf, il y a effectivement de bonnes dispositions dans la loi pénitentiaire et je m'y réfère explicitement dans la circulaire générale de politique pénale. Les décrets d'application sont en cours de finalisation.

En matière d'aménagements de peine, je rappelle que nous recrutons 63 conseillers d'insertion et de probation. Sans doute en faudrait-il davantage. Mais il existe d'autres types d'accompagnements, qui peuvent être assurés par des associations. Nous les envisageons, au moins à titre provisoire. Nous ouvrirons 250 places de semi liberté, ce qui, en plus des aménagements dans les quartiers nouveau concept, représentera 800 places. Lorsque nous augmentons le nombre de PSE, nous augmentons aussi celui de surveillants car il faut poser et surveiller le PSE dans des salles de contrôle.

Le nouveau programme immobilier (NPI) existait, mais sans budget ! Beaucoup d'autorisations d'engagement, pas de crédits de paiement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Quelles sont les opérations que vous estimez indispensables ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. -  Je vous en ferai parvenir la liste complète.

Je prendrai une décision sur Lutterbach fin novembre au vu des éléments techniques que j'ai mis à l'étude. Je suis allée sur place. Le projet déclenche bien des passions, des deux côtés, pour ou contre.

Mme Catherine Troendle. - Comme notre rapporteur M. Lecerf a pu s'en rendre compte, les établissements de Colmar, de Mulhouse et d'Ensisheim sont dans un état désastreux. Nous attendons avec beaucoup d'impatience votre réponse sur Lutterbach car nous avons enfin trouvé un lieu qui n'est pas un désert.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - C'est ce qui s'appelle une pression affectueuse !

Sur la durée du quinquennat, il est prévu de porter le nombre de places opérationnelles à 63 500. Pour 2013, ce sera 58 321 places et 49 160 cellules ; et 58 832 pour 2015.

Les fouilles constituent effectivement un vrai problème. Le prix d'un portique à ondes millimétriques est bien de 150 000 euros. J'ai demandé un plan d'aménagement au directeur de l'administration pénitentiaire, sans trop d'illusions car comment trouver les financements... Je ne vais pas supprimer des places pour financer des portiques !

Le brouillage est une bonne solution car l'introduction de portables conduit de nombreux gardiens à revendiquer le maintien de la fouille intégrale et systématique. Pour les Baumettes, le coût du brouillage était de 120 000 euros que je n'ai malheureusement pas trouvés.

J'ai également demandé à l'administration pénitentiaire de réfléchir, en coordination avec le parquet et les forces de sécurité, aux modalités de fouille des visiteurs. Mais la question est délicate.

Je partage votre avis sur les associations culturelles.

Monsieur le rapporteur Nicolas Alfonsi, la PJJ a effectivement perdu près de 600 postes ces dernières années. Je vais faire, à la demande de cette administration, auditer la réorganisation. Ces bouleversements ont obligé les intéressés à innover, à trouver les moyens d'amortir les pertes de postes, à appliquer de nouvelles méthodes. La PJJ a développé un savoir-faire qui mérite d'être partagé. Conformément à mes instructions, elle s'appuie sur le terrain, et s'implique dans les différentes structures de concertation territoriales.

Le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, et après lui le maire de Paris qui rencontre les mêmes problèmes, m'ont alertée sur le sort des mineurs étrangers isolés. La convention avec la Croix Rouge venait à échéance fin juin. Je l'ai prorogée de trois mois, puis à nouveau jusqu'à la fin de l'année. Entre temps, un groupe de travail interministériel - auquel participent l'association des départements de France, les représentants de la Croix Rouge, de France Terre d'Asile et d'autres associations - se réunit pour élaborer une solution.

M. Pierre-Yves Collombat. - Quid du projet de reconstruction de la prison de Draguignan qui constitue un sacré problème pour la région et la ville ?

Mme Virginie Klès. - Un travail sera-t-il engagé avec les opérateurs téléphoniques ou internet ? Les tarifs appliqués en cas de demandes de la justice devraient aussi être harmonisés.

Je croyais que vous aviez pu dégager 2 millions d'euros d'économies liés à la contribution de la Chancellerie à l'Établissement public d'insertion de la défense, qui aurait dû accueillir de jeunes mineurs délinquants. Mais de tels placements n'ont pas eu lieu et ces crédits n'ont sans doute jamais été budgétés. Déception, l'économie n'est donc pas réelle. Au moins, abrogeons la loi de décembre 2011, si personne ne l'applique.

Envisagez-vous de revoir l'architecture des prisons, le caractère déshumanisé des nouveaux établissements constituant un facteur de violence ?

Enfin, un travail avec le ministère de la santé sera-t-il engagé pour mieux répartir les missions, concernant les nombreux détenus qui relèvent davantage des soins, y compris contraints, que du seul enfermement ?

M. Jean-Jacques Hyest. - J'ai entendu parler d'une plateforme unique pour les interceptions judiciaires, solution économique à l'instar de ce qui existe pour les interceptions de sécurité. C'est, comme en informatique, un domaine où la justice a toujours des progrès à faire...

Concernant les citoyens assesseurs, tirer argument du seul allongement de la durée des audiences pour s'y opposer me paraît curieux. Je suis plus favorable aux assesseurs reconnus qu'à des citoyens tirés au sort. Mais la participation des citoyens à la justice peut être une bonne chose. Il n'y a qu'à regarder le système britannique : il n'est pas pire que le nôtre.

Compte tenu de l'augmentation du nombre de mineurs délinquants, ne faut-il pas un certain nombre d'établissements de type centres éducatifs fermés ? Le président de la République a pris un engagement précis.

M. Christophe Béchu. - La tentation existe aujourd'hui pour les juges de recourir au placement judicaire dans un établissement de l'aide sociale à l'enfance faute de places en centres éducatifs fermés. On mêle ainsi des jeunes en danger avec d'autres qui auraient dû être enfermés. C'est cela qui cause des difficultés aux travailleurs sociaux des maisons d'enfants à caractère social (Mecs).

La maison d'arrêt d'Angers, qui date de 1856, est classée monument historique, ce qui empêche de modifier la taille des cellules ou de relever les balustrades de protection sur les coursives, alors que la taille moyenne des individus a augmenté en 150 ans. En outre, le taux d'occupation est de 186 %. Le projet fait l'unanimité sur place, mais il semble repoussé à 2017. Merci de nous rassurer ! Quelle que soit la vision que nous avons de la politique pénale, et de la légitimité des peines, nul ne peut se satisfaire des conditions indignes d'incarcération qui règnent dans certains établissements.

M. Christian Cointat. - Pourriez-vous nous assurer que l'encadrement des frais de justice n'assèchera pas les possibilités d'expertise à la fin de l'année ? Il ne faudrait pas que des criminels préméditent leurs actes à cette période pour échapper aux techniques d'investigation les plus modernes !

Quand allez-vous mettre un terme à la postulation, qui coûte fort cher au justiciable ? La France est une et indivisible, pourquoi un tel cloisonnement entre les ressorts ?

En Polynésie, une nouvelle prison doit être construite pour remplacer celle de Faa'a, qui est dans un état épouvantable. À Papeari, choisi pour implanter le nouveau centre, c'est un tollé... Cette prison sera-t-elle construite et quand ?

Où en est-on des discussions en vue de la construction d'un centre de détention digne de ce nom en Nouvelle-Calédonie ? La prison de Nouméa est la première que j'aie visitée et j'en ai gardé une aversion définitive pour toutes les prisons.

M. Yves Détraigne. - Je me réjouis de l'augmentation de 4,3 % du budget de la justice. Quelle sera la suite du débat que nous avons eu début octobre sur la réforme de la carte judicaire ? La presse ayant évoqué la réouverture du tribunal de Tulle, des crédits sont-ils prévus pour un ajustement de la carte judiciaire ?

M. Jean-Jacques Hyest. - C'est la seule préfecture sans tribunal.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - M. Détraigne pense à Tulle et il a bien raison.

M. Jean-Jacques Hyest. - C'est parce qu'il pense à autre chose.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Oui, il pense qu'il en faudrait d'autres.

M. Christian Favier. - Mon groupe votera les crédits de la justice dont il salue l'augmentation, qui est suffisamment rare pour être soulignée. Je salue aussi vos orientations concernant les PPP, procédure dont on connaît les dangers. Dispose-t-on d'éléments statistiques expliquant la baisse des TIG, si utiles dans les collectivités ?

De plus en plus de jeunes sont placés par un juge dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements, qui ne leur sont pas destinés. Cela aboutit à des situations explosives. Comment faire ?

Enfin, l'effort annoncé pour la PJJ est particulièrement nécessaire : à Ivry, aux côtés des six éducateurs spécialisés employés par la collectivité, l'Etat débloque... 0,5 poste au titre de la PJJ !

Mme Nicole Bonnefoy. - Envisagez de mettre en place une action de groupe à la française, allant éventuellement au-delà du domaine de la consommation ? C'est un sujet sur lequel le Sénat, sa commission des lois en particulier, a travaillé.

M. Michel Delebarre. - À la prison de Dunkerque, on en est réduit à installer des cellules préfabriquées dans la cour. Madame la Ministre, je vous y invite.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Notre collègue Thani Mohamed Soilihi avait plusieurs questions à vous poser. Il s'inquiète de la fermeture de l'une des deux études d'huissiers de Mayotte - alors qu'il en faudrait trois - ce qui présente des risques de conflit d'intérêts et de paralysie. Il demande si le conseil départemental de l'accès au droit est bien en cours d'installation. Il évoque enfin les coûts élevés d'interprétariat et des déplacements - Mayotte relèvant de la Cour d'appel de La Réunion - et la situation des mineurs étrangers isolés, en grand nombre sur ce territoire.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - À Draguignan, les travaux commenceront en 2013 pour s'achever en 2016.

M. Michel Delebarre. - Heureux homme que M. Collombat !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Madame Klès, le marché de la plateforme télématique est bouclé ; l'opérateur retenu est Thales. Il a fallu parfois faire de la spéléologie pour retrouver tous les éléments du dossier mais très prochainement, je saisirai la Cnil pour qu'elle se penche sur le cadre juridique de cette plateforme, source d'économies sur les frais de justice.

Concernant l'Epide, la discussion se poursuit entre les ministères concernés. Le nombre de places qui nous est proposé ne correspond pas à ce stade à la contribution de 2 millions d'euros - sur un total de 8 - qui nous est demandée. J'ajoute que les associations proposent d'autres solutions de prise en charge.

Nous avons eu une séance de travail consacrée à l'architecture et à la localisation des centres pénitenciers. L'administration étant plus à l'aise avec les schémas habituels, il existe, c'est vrai, une certaine inertie. Mais nous y arriverons.

La coopération avec le ministère de la santé se poursuit s'agissant tant de la prise en charge que des soins. Le programme que nous finançons en matière d'hospitalisation contrainte porte sur 770 places dont 440 dès 2013.

Je considère moi aussi que la présence des citoyens dans la justice est une bonne idée, qui n'est pas une fantaisie imaginée ex nihilo...

M. Jean-Jacques Hyest. - Non, ils siègent aux assises !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Mais l'expérimentation a mis en lumière des problèmes de formation. Le ralentissement des décisions a inévitablement provoqué des retards dans les audiencements.

Monsieur Hyest, l'engagement du président de la République sera tenu en matière de CEF. Leur nombre sera effectivement doublé au cours du quinquennat ; mais ils ne remplaceront pas des foyers classiques comme l'avait prévu le précédent Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest. - Il y a eu également des créations !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Oui, mais au moins un tiers des ouvertures ont été de simples substitutions.

M. Jean-Jacques Hyest. - De toutes façons, les foyers se vidaient très vite.

M. Christian Cointat. - Puisqu'on les fermait...

M. Jean-Jacques Hyest. - Il y a eu un rapport de la Cour des comptes.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - A mon arrivée, j'ai trouvé 18 projets de remplacement. J'ai mis fin à ces substitutions. D'autant qu'en milieu ouvert, le taux de non récidive est de 80 %. Il faut construire des CEF en plus des structures existantes. Quatre centres fermés sont prévus en 2012 puis quatre autres en 2013. Cela prend du temps : pour la construction d'un centre géré par le service public - il en existe aujourd'hui 9 contre 33 confiés à des associations habilitées - il faut deux ans. Cela se fera au cours du quinquennat, Monsieur Hyest, soyez patient. Les CEF ont été conçus pour un certain type de public. Lorsque l'on y envoie des jeunes qui n'en ont pas le profil, on ne leur rend pas service - ni au centre.

M. Christophe Béchu. - J'évoquais plutôt le cas où des jeunes, qui relèvent du CEF, sont envoyés en Mecs.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Il faut que le juge ait le choix. Il y a des problèmes de répartition sur le territoire -pendant longtemps, il n'y a pas eu de centre fermé en Ile-de-France par exemple- ainsi que d'encadrement et de définition des profils des jeunes accueillis. Nous avons financé une étude du CNRS sur la gradation, du CEF à l'incarcération.

Le nombre de mineurs incarcérés est stable depuis une dizaine d'années, environ 700, et la délinquance des mineurs augmente moins vite que celle des majeurs.

M. Nicolas Alfonsi. - N'a-t-elle pas augmenté cette année ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Mais la hausse n'est pas spectaculaire, elle ne justifie pas la création de nombreuses structures nouvelles !

M. Christophe Béchu. - Je vous interpellais sur le caractère absurde consistant à mettre dans la même chambre des enfants auteurs de violences et des enfants victimes de violences.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Bien sûr, il y a même eu récemment des agressions. La question des catégories de jeunes accueillis est essentielle ; elle est l'un des enjeux de l'inspection que j'ai commandée. Je n'ai aucun document sur la prison d'Angers, pas le plus petit début d'une pré-étude, alors que des engagements avaient été pris par écrit auprès des parlementaires. Il n'y a pas de dossier et je ne puis donc estimer le coût des travaux. Mais je partage votre indignation sur les conditions d'incarcération dans certains établissements. Monsieur Cointat, ne vous inquiétez pas, les frais de justice seront toujours financés et jusqu'au 31 décembre les tribunaux engagent les dépenses.

- Présidence de M. Jean-Pierre Michel -

M. Christian Cointat. - Je souhaitais vous l'entendre dire.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Que la commission des lois me dise ce qu'elle pense de la postulation, système qui me semble lourd et coûteux. On peut imaginer une réforme. Il serait intéressant de réfléchir plus globalement sur la profession d'avocat.

Le projet de Papeari est signé depuis juillet. On m'a dit il y a un mois que les difficultés locales s'étaient apaisées... Quant à la Nouvelle-Calédonie, la mission qui en revient m'a fait un rapport oral des travaux et me rendra le document écrit le 15 novembre.

Monsieur Détraigne, je ne sais pas quelle est la source de vos informations sur Tulle ; en tous cas, ce n'est pas la Chancellerie. J'ai indiqué à la tribune du Sénat que je regardais les choses ressort par ressort. Tulle est en effet la seule préfecture qui ait perdu son tribunal. Il y a d'autres cas où les justiciables ont désormais de réelles difficultés d'accès aux tribunaux. Si quelque chose est fait pour Tulle, la même chose sera faite ailleurs.

Pourquoi les TIG sont-ils en recul ? Peut-être faute d'accompagnement. Je pense qu'il est utile que la PJJ travaille en coordination avec les conseils généraux, notamment pour les jeunes qui relèvent à la fois de l'ASE et des procédures pénales sur lesquels se concentre l'activité de la PJJ. Une meilleure articulation est souhaitable, sans remettre en cause le partage des compétences.

J'ai demandé une étude sur la meilleure formule concernant l'action de groupe. Il s'agit notamment d'éviter une dérive des honoraires, peut-être de prévoir une médiation obligatoire, un choix entre opt in et opt out. Faut-il un véhicule législatif large, applicable à tous les champs, consommation, santé, environnement ? Ou une procédure limitée à un domaine précis ? Les objections semblent plus fortes contre la première solution. Le ministère chargé de la consommation réfléchit lui aussi à un texte. J'ai des séances de travail avec Benoît Hamon et l'arbitrage sera rendu sous peu. Il convient de protéger les citoyens mais aussi d'éviter toute perversion possible du dispositif. La procédure civile, qui a ma préférence, est l'option maximum : je ne suis pas certaine qu'elle pourra prévaloir car notre droit est fragmenté. Le Sénat pèsera dans ce débat.

Monsieur Delebarre, vous me dites que la prison de Dunkerque est très vétuste, mais le plan triennal ne prévoir rien à son sujet.

M. Michel Delebarre. - Cela fait des années qu'à la demande de l'administration, nous y travaillons. Nous avons proposé un nouveau site.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Ce cas fait partie de ceux sur lesquels je ne trouve strictement aucun financement.

M. Michel Delebarre. - Nous avons pourtant souvent communiqué avec l'administration sur ce dossier.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Je vais à nouveau l'interroger.

M. Jean-Pierre Michel, vice-président. - Nous vous remercions, Madame la ministre.

Relations entre police et citoyens et contrôles d'identité - Audition de M. Dominique Baudis, Défenseur des Droits

La commission procède à l'audition de M. Dominique Baudis, Défenseur des Droits, sur son rapport relatif aux relations entre police et citoyens et aux contrôles d'identité.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous sommes heureux d'accueillir M. Dominique Baudis. La présence de membres de différentes commissions montre combien ce sujet intéresse. La création du Défenseur des droits avait fait débat au Sénat. Comme je l'ai déjà dit publiquement, la vigueur avec laquelle vous accomplissez votre mission a fait taire toutes les préventions initiales. Vous venez de publier un rapport qui a suscité beaucoup d'intérêt, sur les rapports entre la police et les citoyens, et plus particulièrement sur les contrôles d'identité. Nous sommes tous attachés aux fonctionnaires de police et aux militaires de la gendarmerie qui assument les difficiles missions de sécurité. Nous sommes également très attentifs à la situation de nos quartiers, de notre jeunesse, à ce que les relations entre les agents chargés d'assurer la sécurité et l'ensemble des citoyens soient apaisées et propres à assurer la confiance dans l'institution républicaine. Des propositions, des annonces ont été faites. Vous avez considéré le problème dans toute son ampleur, procédé à beaucoup d'auditions, étudié les exemples étrangers, et produit un rapport dense et riche d'informations.

M. Dominique Baudis, Défenseur des droits. - Merci de votre invitation. Le débat sur les relations entre police et population existe dans toutes les démocraties. C'est même un signe de vitalité démocratique : il n'y a que dans les sociétés totalitaires que la question ne se pose pas ! Selon les périodes, le débat se cristallise sur différents sujets. En France, ce sont les contrôles d'identité qui ont cristallisé la controverse, et ce depuis la fin des années soixante-dix et la loi Sécurité et liberté de 1981. Ce n'est pas le principe même du contrôle qui fait débat mais plutôt la façon dont celui-ci s'exerce et le sentiment, relayé par de nombreuses associations, que les contrôles cibleraient plus particulièrement certains publics : les personnes d'origine non européenne, jeunes, à la tenue vestimentaire non conventionnelle. Bref, un jeune issu de l'immigration et portant un sweat à capuche a bien plus de chances d'être contrôlé qu'un quinquagénaire blanc en costume et cravate.

Depuis mon entrée en fonctions en juin 2011, j'ai rencontré les associations en pointe sur le sujet : Human Rights Watch, Amnesty International, SOS Racisme, etc. J'ai engagé un travail de réflexion avec mon adjointe chargée de la déontologie dans le domaine de la sécurité, Mme Françoise Mothes, et avec le secrétaire général de notre institution M. Richard Senghor. Entre février et octobre 2012, nous avons entendu les parties concernées - associations, syndicats de policiers, direction générale de la gendarmerie nationale - et participé à des réunions, dont certaines au Sénat à l'initiative de Mme Benbassa, rencontré des parlementaires, présidents de groupe ou de commission ou, comme M. Pozzo di Borgo et Mme Benbassa, auteurs de propositions de loi. Nous nous sommes également rendus dans des pays, souvent cités en exemple, où le contrôle d'identité s'accompagne de la remise d'une attestation par le contrôleur. Nous y avons rencontré les autorités de police, les associations, les responsables politiques locaux. Nous avons conclu ce travail de réflexion par un colloque qui s'est tenu à Paris en octobre.

Ce rapport, qui dresse l'état des lieux, rend compte de toutes les auditions ; il reprend les arguments pour ou contre la remise d'un document lors des contrôles d'identité. Cette pratique est expérimentée en Espagne à Fuenlabrada, dans la banlieue de Madrid, et surtout en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au Canada, où le dispositif est déjà ancien.

Première conclusion, l'examen de ces pratiques montre que la délivrance d'un document réduit mécaniquement le nombre de contrôles, ne serait-ce que parce que les opérations prennent plus de temps. Deuxième conclusion, le débat sur le caractère discriminatoire ou non du contrôle, c'est-à-dire le ciblage au faciès, ne s'est pas éteint. Au contraire, il n'en est que plus vif. En France, les contrôles ne laissant pas de trace, les intéressés expriment un simple ressenti. Dans les pays qui pratiquent le récépissé, on dispose de chiffres, car l'appartenance ethnique ou raciale de la personne contrôlée figure sur le document. Ce dispositif n'est donc pas transposable en France : il faudrait réviser la Constitution, notre système républicain interdisant de répartir les personnes en catégories en fonction de leur appartenance ethnique.

La troisième partie du rapport, intitulée « Perspectives », formule des propositions à l'intention des pouvoirs publics. La première, la plus générale, porte sur l'indentification des fonctionnaires de police. Depuis la loi du 12 avril 2000, tout fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions doit être identifiable (pas forcément par son nom) par le citoyen. Les fonctionnaires de police ont longtemps porté un numéro de matricule de manière visible sur leur uniforme ; il a disparu en 1985, quand un nouvel uniforme a remplacé l'ancien. L'étude des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, des prises de position du Conseil de l'Europe ou du Commissaire européen aux droits de l'homme montre qu'il est nécessaire, dans une société démocratique, que les fonctionnaires de police soient identifiables par les citoyens, afin d'autoriser d'éventuels recours. Nous préconisons donc le rétablissement du matricule visible.

Les auditions et le débat organisé au Sénat ont fait apparaître un deuxième problème : celui des palpations de sécurité, qui ne sont encadrées ni par le code de procédure pénale, ni par le code de déontologie de la police nationale ou la charte de la gendarmerie nationale, mais laissées à l'appréciation des forces de l'ordre sur le terrain. Certains policiers disent toujours commencer par la palpation par souci de sécurité ; d'autres estiment qu'elle ne doit pas être systématique. La direction générale de la gendarmerie nationale indique quant à elle que la palpation est exceptionnelle. Bref, les pratiques sont très différentes. Il nous paraît nécessaire d'introduire dans le code de procédure pénale et le code de déontologie de la police nationale, qui est en phase de réécriture, un dispositif encadrant la palpation de sécurité et lui donnant une base juridique.

Troisième sujet, la délivrance ou non d'une attestation lors du contrôle. Les solutions anglo-saxonnes ne sont pas transposables en l'état, je l'ai dit, mais rien n'empêche d'imaginer un dispositif ad hoc. Toute mesure devra toutefois être préalablement expérimentée sur un territoire délimité : l'absence d'expérimentation préalable s'est toujours soldée par un échec. Certaines collectivités locales souhaitent être territoires d'expérimentation, à commencer par la ville de Paris qui a voté un voeu en ce sens.

Trois dispositifs sont envisageables. Le plus léger consiste à remettre un ticket de contrôle anonyme : le contrôleur demande ses papiers à la personne contrôlée et lui remet en contrepartie un ticket sur lequel figure son numéro de matricule. Cette solution a l'avantage d'être rapide et de rétablir une forme d'égalité entre le contrôleur et le contrôlé.

Deuxième solution, l'attestation nominative. Le contrôleur remet une attestation qu'il va devoir remplir : y figure le nom de la personne contrôlée, le lieu, la date, l'heure et éventuellement le motif du contrôle. Un tel document aura une valeur probante plus importante que le simple ticket : des contrôles à répétition, a fortiori par le même fonctionnaire, étaieraient un recours auprès de la juridiction administrative ou du Défenseur des droits. Dans ce cas de figure, seule la personne contrôlée conserve l'attestation.

Troisième solution : la délivrance d'une attestation nominative, dont le contrôleur conserve un double. Ce double peut être rendu anonyme, comme le proposent M. Pozzo di Borgo et Mme Benbassa dans leurs textes, ce qui n'empêche pas une évaluation statistique de l'activité de la police. Il peut aussi être nominatif. Dans les deux cas se pose la question de la création d'un nouveau fichier, nominatif ou non, qui pose des problèmes : conservation, finalité, etc. Des centaines de milliers de données seraient enregistrées et utilisables dans le cadre d'une enquête policière. Les citoyens ne risquent-il pas d'estimer qu'un tel dispositif, qui retrace leurs déplacements, est liberticide et met en cause leurs droits individuels ? Quoi qu'il en soit, nous estimons qu'aucune option ne peut être retenue sans avoir d'abord été expertisée pendant plusieurs mois et sur un ou plusieurs territoires.

Enfin, il est apparu au fil des auditions qu'il manque un lieu de dialogue permanent entre les associations et les forces de sécurité. Notre institution est disponible pour participer au cycle de formation initiale et continue des fonctionnaires de police, et pour représenter un lieu de dialogue car il y a, de part et d'autre, beaucoup de fantasmes, de procès d'intention, de méconnaissance réciproque des motivations. Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance pourraient jouer ce rôle au niveau local.

Le rapport est disponible sur le site internet du Défenseur des droits ; nous y analysons également les deux propositions de loi déposées par des membres du Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Merci pour cet exposé, qui était, comme à l'accoutumée, fort pédagogique et précis.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Je suis élu du VIIème arrondissement de Paris, sans doute une des circonscriptions les plus conservatrices de France ; on pourrait penser que nous n'y rencontrons guère ces problèmes. Mais c'est oublier que le VIIème voit passer trois à quatre mille manifestations par an. La gestion de ces manifestations par les policiers est souvent source de tensions. J'ai rencontré les associations qui défendent l'idée du récépissé. Selon l'Observatoire national de la délinquance, entre 1996 et 2007, les outrages à agent sont passés de 17 000 à 31 000, preuve qu'il y a un problème de confiance entre forces de l'ordre et citoyens. Le rapport du CNRS et du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales, étayé par celui de Human Rights Watch, montre que l'on est contrôlé onze fois plus souvent quand on est jeune, six fois plus quand on est noir, huit fois plus quand on est arabe. Il y a bien un contrôle au faciès. La suppression de la police de proximité a aggravé ces dysfonctionnements.

J'ai essayé de me placer dans la logique de la police. Les policiers que j'ai interrogés m'ont tous répondu qu'ils n'étaient pas contre le principe du récépissé, mais ils ont été irrités par les déclarations du Mouvement des jeunes socialistes selon lesquels la même personne ne pourrait plus être contrôlée plus de deux ou trois fois, règle à laquelle les policiers s'opposent. Ce discours a donné une image négative du dispositif.

En tant qu'ancien inspecteur général de l'Éducation nationale en charge des problèmes d'hygiène et de sécurité, je suggère de confier la supervision du contrôle à l'inspection générale des services du ministère de l'intérieur : il serait bon que la hiérarchie soit directement impliquée.

Le débat au Conseil de Paris a été nourri, et le voeu du groupe communiste pour que Paris soit territoire d'expérimentation a été voté par les socialistes, les Verts, ainsi que par le groupe centriste que je préside.

Mme Esther Benbassa. - Monsieur le Défenseur, je vous félicite pour ce rapport : vous avez su relayer les points de vue des personnes que vous avez, comme nous, entendues et en faire la synthèse. La question qui me préoccupe le plus est celle de l'attitude de la police. Lors du colloque, les policiers américains ont expliqué qu'ils donnaient une carte de visite lors des contrôles. Les polices américaine, anglaise ou espagnole sont favorables aux contrôles avec récépissé, elles ne s'en plaignent pas. En France, en revanche, ce dispositif suscite l'opposition frontale des syndicats, qui semblent y voir une atteinte à leur propre pouvoir. Le collectif « Stop le contrôle au faciès » a diffusé des films qui montrent la hargne des personnes contrôlées, l'humiliation qu'elles ressentent lors de ces contrôles jugés dégradants. En face, la police refuse même le ticket. Ce décalage interpelle. Nos policiers ne bénéficieraient-ils pas de la même formation que leurs homologues étrangers ? Il faudrait les former à l'antiracisme, aux droits de l'homme, à l'anthropologie. Fabien Jobard et René Lévy, dans une étude scientifique, ont démontré que les policiers arrêtent en priorité certaines personnes - rarement des femmes ou des personnes âgées, mais plutôt des enfants présentant des signes ethniques distinctifs... Il faut adopter une approche comportementaliste, changer l'imaginaire de nos policiers, travailler en amont, car leur attitude suscite l'énervement dans les banlieues et incite à l'émeute et à l'opposition. Je ne me situe pas du côté de la police, mais de ceux qui sont contrôlés et qui subissent des humiliations.

M. Jean-Yves Leconte. - En lien avec l'actualité législative, je souhaite vous interroger sur les bases juridiques des contrôles d'identité. Les dispositions de l'article 78-1 du code de procédure pénale sont prises sous réserve de la législation spécifique portant sur les étrangers, qui sera évoquée en séance publique cette semaine à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées. Or, l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) donne la possibilité de contrôler l'identité et la validité du titre de séjour d'un étranger dès lors qu'on peut déduire d'éléments objectifs sa nationalité étrangère. Une telle formulation n'encourage-t-elle pas les contrôles au faciès ? Il faut sans doute être doué pour détecter le caractère étranger d'une personne sans s'en remettre à des éléments tels, justement, que le faciès ou les signes extérieurs ! La base juridique du contrôle d'identité doit être claire et précise. Comment lutter contre les contrôles au faciès quand une telle disposition d'une législation spécifique y incite ?

M. Jean-René Lecerf. - J'ai été rapporteur du projet de loi sur la création de la Halde. Je me rappelle de nos difficultés pour imaginer des instruments de mesure des discriminations. Comment lutter contre un tel phénomène sans pouvoir en mesurer l'intensité ? Le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran) était d'accord avec moi pour aller vers des statistiques ethniques. De grandes entreprises évolueraient plus vite vers une réduction des discriminations si l'on pouvait leur montrer la composition ethnique de leur personnel. J'avais alors été attaqué par deux de nos anciens collègues, MM. Mélenchon et Romani, qui alléguaient le caractère universel du citoyen, et qui ajoutaient que le problème se résoudrait de lui-même par les unions mixtes. Je ne suis pas sûr, pour ma part, que l'on puisse ainsi balayer de tels sujets. Peut-on aménager des dispositifs compatibles avec la Constitution, ou faut-il la modifier ? Il est évident que si de telles statistiques existaient, les policiers exerceraient une forme d'autocensure sur les contrôles qui aujourd'hui nous embarrassent.

M. René Vandierendonck. - Je voudrais faire deux remarques. Tout d'abord, les incidents les plus notables se produisent avec la BAC, je l'ai observé à Roubaix. Il y a un problème de doctrine d'emploi au sein de la police. Les modalités d'intervention ne sont pas identiques d'un corps à l'autre, d'une institution à une autre.

Il aurait fallu, dans votre rapport, aller plus loin, et faire des préconisations sur le contenu des formations proposées aux différents agents de police. Car c'est bien, essentiellement, d'un problème de formation qu'il s'agit. A l'époque où M. Joxe était ministre de l'intérieur, j'avais obtenu, avec M. Diligent, l'implantation d'une école nationale de police à Roubaix : hélas, être situé au coeur de quartiers difficiles n'avait pas conduit cet établissement à s'ouvrir aux difficultés environnantes. Il est pourtant souhaitable que les forces de l'ordre s'acculturent au territoire où elles exercent leur métier. Et tout manquement à la politesse chez les jeunes doit être sévèrement sanctionné.

M. Christophe Béchu. - Ce rapport n'est pas « contre la police ». Mais le statu quo n'est pas possible, car il engendre un sentiment d'humiliation. Il importe de restaurer la confiance dans cette institution de la République qu'est la police. Si l'on veut faire du droit comparé, il faut se demander si l'exaspération suscitée, en France, chez les policiers par l'idée de récépissé n'est pas liée à l'ampleur des contraintes administratives qu'ils subissent déjà. La chaîne procédurale à laquelle ils sont soumis est extrêmement lourde, comme j'ai pu le voir lorsque j'ai eu l'occasion de passer une nuit avec la BAC ou avec les gendarmes : pour un flagrant délit, sans gravité et ne souffrant d'aucune contestation, que de temps perdu en procédures, avant de pouvoir retourner sur le terrain !

N'allons pas non plus renverser le contrôle d'identité. Que ce ne soit pas essentiellement au policier, désormais, d'attester son identité ! Reste qu'une amélioration de la formation est indispensable, pour mettre fin à certains abus. Le ministre M. Valls a eu raison d'y insister dès son arrivée aux affaires, le tutoiement doit être proscrit. Cela peut paraître superficiel mais a un poids symbolique important.

Il ne faut pas oublier que ce débat entre contrôleurs et contrôlés se fait devant les citoyens. Évitons par nos propos de donner le sentiment que les contrôles au faciès sont si répandus. L'idée d'une forme d'oppression de contrôleurs blancs sur des contrôlés de couleur est également erronée : de nos jours, nombreux sont les policiers qui ont la même couleur de peau que ceux qu'ils contrôlent.

Le rétablissement du matricule, qui ne bouleverse pas l'ordre juridique existant, pourrait devenir rapidement l'objet d'un consensus, en mettant fin à un anonymat qui ne satisfait personne.

M. Gaëtan Gorce. - La police a une tâche déjà suffisamment difficile pour que nous n'inscrivions pas, en adoptant une attitude polémique, notre démarche contre elle. Il est néanmoins moral de veiller à ce qu'elle respecte un certain nombre de règles. Le contrôle d'identité, qui consiste à exercer la force publique pour exiger de quelqu'un qu'il interrompe ses mouvements pour rendre compte de son identité, est considéré en droit, à juste titre, comme une intervention forte qui doit donc être strictement encadrée, surtout si elle en vient à devenir une menace contre le principe de non-discrimination.

Le droit et les règles qu'il impose doivent être mieux connus. Le climat général est important aussi, et le Gouvernement comme le Parlement doivent s'exprimer avec mesure. Le ministre de l'intérieur a eu raison de ne pas intervenir directement dans la polémique sur le récépissé : cela aurait donné à ses services l'impression qu'il les remettait en cause, alors que son message doit être d'affirmer sa confiance en eux, tout en y posant des conditions, conditions qu'il lui faut sans cesse rappeler.

Un débat comme celui que nous avons se tient en général sous le coup d'une émotion publique, d'un incident, donc d'éléments épars. Beaucoup de ressenti, peu de chiffres. J'ai pu être tenté mais finalement j'ai beaucoup de mal à me ranger à une information ethnique, qui serait une rupture par rapport à la règle de l'universalité... Ne pourrait-on imaginer une saisine d'autorités comme le Défenseur des droits ou le Parlement, pour nourrir le débat par des informations concrètes ?

Mme Nathalie Goulet. - J'ai deux sujets de préoccupation. J'ai voté contre le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Nous voyons bien que le modus operandi des gendarmes est différent de celui des policiers. Mais à présent ils partagent un bloc de formation. Comme nous allons bientôt examiner le budget du ministère de l'intérieur, peut-être pourriez-vous nous faire des propositions financières chiffrées sur ce point ?

L'équilibre entre libertés individuelles et exigence de sécurité relève d'une alchimie complexe. Je travaille en ce moment sur les manquements relevés dans l'affaire Merah : l'information était disponible, mais elle n'a pas été analysée. De même, si l'on s'engage dans un processus de collecte d'informations sur les contrôles d'identité, que fera-t-on des données ainsi récoltées ?

M. Jean Boyer. - Notre société est malade, nous en avons tous conscience. Et il est bien difficile de la soigner. Les agents qui représentent l'autorité se sentent désarmés, souvent découragés. Quand ils arrêtent un jeune en train de commettre une bêtise, toute sa bande, par les moyens de communication modernes, est bientôt informée et ils n'ont que le temps de se replier ! Les actes de délinquance sont inspirés par le spectacle qu'offrent les médias et en particulier la télévision, qui n'exhibe que sexe et violence. Quand on n'a pas de travail, on est vite porté à commettre des actes répréhensibles. Dans les conclusions du rapport, je n'ai trouvé malheureusement mention d'aucun remède. Les accidents de la route diminuent à due proportion du nombre de radars installés. C'est mathématique. Or, dans le sujet qui nous occupe, il ne s'agit pas de mathématiques mais d'humain... Comment inverser l'inquiétante courbe ascendante de la délinquance ? D'autres pays y ont-ils réussi ? Tout vient de ce que notre société est malade.

M. Christian Cointat. - Personne n'aime être contrôlé, et je peux témoigner de ce que les contrôles auxquels mes nombreux voyages de représentant des Français établis hors de France m'exposent peuvent parfois avoir d'odieux. On a évoqué les méthodes différentes de la police et de la gendarmerie : la seconde semble moins sujette à ces difficultés, peut-être en raison de son statut militaire, qui lui confère davantage de respect et de distance vis-à-vis des personnes contrôlées. Mais avec la police il y a parfois des comportements inacceptables. Il faut donc sans doute prévoir une meilleure formation au contrôle. Lorsqu'il y a respect, les choses se passent bien. Sans respect, des dérapages sont inévitables, d'un côté comme de l'autre. Il faut donc édicter des normes précises sur la manière de faire les contrôles. La solution qui sera retenue par le Défenseur des droits sera certainement la meilleure, et je m'en remets à sa sagesse, pourvu toutefois que cette solution ne comporte pas la constitution d'un fichier.

M. Dominique Baudis. - L'option qui consiste à confier à l'inspection générale des services (IGS) ou à l'inspection générale de la police nationale (IGPN) la charge de suivre les contrôles et d'enregistrer les données rendues anonymes me semble en effet la meilleure. Ces corps ont, par nature, vocation à constater des comportements répétitifs et abusifs comme ceux que nous visons. Ils ont également les moyens - notamment humains - d'assumer cette tâche. Nous n'en avons pas la capacité ! Notre activité serait brusquement décuplée. Déjà, les quelque onze ou douze agents du pôle « déontologie de la sécurité » ont vu le nombre de réclamations tripler depuis la réforme qui fait que tout citoyen (et non plus seulement des parlementaires) peut saisir la commission nationale de déontologie et de sécurité.

Lors du colloque, des policiers venus de Londres, de New York, d'Ottawa, de Toronto se sont tous faits les défenseurs du dispositif qui existe dans leur ville. Mais la majorité d'entre eux y étaient hostiles lorsqu'il a été mis en place ! Il a fallu entre deux et quatre ans pour qu'ils y adhèrent. Il résulte de cette pratique une baisse du nombre des contrôles, mais une hausse de leur efficacité : une plus grande proportion est effectivement suivie de poursuites. Ainsi, le niveau de service rendu par les forces de police ne baisse pas. Espérons que ce colloque aura permis aux participants français de se familiariser avec cette idée. Je le répète, la formation est le coeur de tout, mais je ne pouvais y consacrer le rapport, tel n'était pas notre sujet.

M. Richard Senghor, secrétaire général du Défenseur des droits. - Il existe des dispositions spécifiques aux étrangers : Ceseda, Schengen... Notre rapport ne traite pas de ce que l'on dénonce parfois sous le terme de « chasse aux étrangers », même si celle-ci aboutit en effet à la réalisation de contrôles au faciès. Nos voisins espagnols sont dans cette logique de dissociation des personnes contrôlées selon leur nationalité. Nous parlons, nous, du contrôle de droit commun, exercé sur des personnes qui, quelle que soit leur origine, sont françaises. Il est effectué sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale, pour tout motif et en toutes circonstances. La formulation juridique a été validée par le Conseil constitutionnel. Or ce contrôle donne à certains l'impression d'être plus souvent visés.

M. Dominique Baudis. - La question des statistiques ethniques n'est pas nouvelle. C'est un vaste débat. J'ai pour ma part raisonné à droit constant. Le Conseil constitutionnel a estimé en novembre 2007 que « si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race ». Nous avons travaillé dans le cadre existant.

Il est vrai que nous avons de très gros efforts à faire dans le domaine de la formation. Mais nous n'avons pas centré le rapport sur ce point, afin de ne pas donner l'impression de contourner le coeur du sujet.

L'argument le plus souvent évoqué par les policiers est la surcharge de travail que leur imposent des obligations juridiques toujours plus nombreuses. De ce fait, ils passent plus de temps dans les bureaux et moins sur le terrain. Il serait en effet intéressant de mener une étude comparative sur le poids de ces charges administratives dans différents pays.

Il est exact que la police s'est beaucoup ouverte à la diversité, comme le soulignent souvent les syndicats. Sur le terrain du reste, les policiers de couleur sont parfois victimes d'injures, traités de « collabos ».

En fait, nous avançons à l'aveugle dans ce débat, sans guère de données chiffrées, excepté celles, parcellaires, fournies par les associations, les syndicats. Combien y a-t-il de contrôles d'identité ? Personne ne le sait, car un contrôle sans suite ne laisse aucune trace. Une expérimentation, à l'échelle d'une grande ville ou d'un réseau de transport, permettrait d'y voir plus clair et d'extrapoler à partir des chiffres collectés.

Il faut nuancer l'opposition entre gendarmerie et police, car les gendarmes travaillent surtout en secteur rural, même si certains, en zone périurbaine, sont confrontés aux mêmes types de problèmes que les policiers.

On ne peut pas vraiment faire de parallèle avec les problématiques soulevées par l'affaire Merah, c'est même l'inverse : si des informations sont collectées à l'occasion des contrôles d'identité, il faudra veiller à ce qu'elles ne puissent pas devenir un instrument de surveillance, ce qui se retournerait contre les droits des personnes que nous cherchons à protéger.

L'important est de rétablir une relation de confiance entre la population qui se sent discriminée et la police. Il y a différents moyens envisageables, susceptibles de changer le climat dans lequel les contrôles peuvent se dérouler. Mais il est nécessaire, avant d'en retenir un, de procéder à des expérimentations. C'est aux élus et au gouvernement de choisir le remède pour sortir du statu quo : j'ai borné mon rôle à présenter un éventail aussi ouvert que possible des options. La formation, quoi qu'il en soit, est la clé de tout le processus.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La parole est à notre rapporteur budgétaire pour avis sur le programme « Protection des droits et libertés », au sein de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».

Mme Virginie Klès. - La loi organique du 29 mars 2011 ne donne pas au Défenseur des droits la personnalité juridique. Cela vous pose-t-il des problèmes dans l'exercice de vos missions ?

Pouvez-vous nous éclairer sur l'organisation et le fonctionnement de votre institution ? Comment se sont répartis les rôles, après un an de fonctionnement, entre les adjoints et les collèges ?

M. Dominique Baudis. - Il y a trois collèges, que je réunis environ toutes les six semaines, la même semaine si possible. Je préside chacun personnellement, les adjointes que j'ai choisies assurant la vice-présidence. Hormis une personne qui n'est jamais venue, la participation à ces réunions est très bonne. Il faut dire que le nombre de membres de chaque collège est limité, ce qui permet à chacun de prendre la parole. Je fixe l'ordre du jour, en relation avec l'adjointe concernée, le secrétaire général et les services. Mais je fais droit à toutes les demandes qui me sont adressées par les membres de chaque collège, qu'il s'agisse d'ajouter un point à l'ordre du jour ou des questions diverses.

M. Luc Machard, directeur général des services du Défenseur des droits. - Le fait de disposer de la personnalité juridique aurait été source de plus d'inconvénients que d'avantages. Si nous avions constitué un programme à nous seuls, nos crédits ne seraient pas fongibles, ce qui nous aurait enlevé la souplesse de gestion qui nous est permise aujourd'hui par notre regroupement au sein d'un programme budgétaire, avec la Cnil et le CSA. Les tâches de contrôle, d'évaluation, et de reddition de comptes nous auraient incombé, ce qui eût été lourd. Aujourd'hui, les services du Premier ministre nous assistent dans ces fonctions. De surcroît, la direction du budget semble décidée à soumettre les organismes dotés d'une personnalité juridique aux mêmes règles que les autres, notamment à la règle de séparation des crédits du titre II et du titre III. Les avantages techniques liés à la personnalité juridique vont donc s'amenuiser, sans que les charges qu'elle impose diminuent. Grâce à vous, les moyens qui nous sont alloués suffisent à notre bon fonctionnement.

Mme Virginie Klès. - Et pour ester en justice ?

M. Dominique Baudis. -La loi organique nous reconnaît la capacité de déposer des observations devant toute juridiction civile, pénale ou administrative, y compris de notre propre initiative, si nous estimons devoir nous saisir d'une affaire.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Merci pour les analyses que vous nous avez présentées. Il nous reste à prendre des décisions politiques !

Mercredi 7 novembre 2012

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président

Nomination d'un rapporteur

Mme Virginie Klès est nommée rapporteur de la proposition de loi n° 72 (2012-2013), présentée par M. Jean-Pierre Sueur, relative aux juridictions de proximité.

Vérification du droit au séjour et délit d'aide au séjour irrégulier - Examen des amendements au texte de la commission

La commission procède ensuite à l'examen des amendements sur le texte n° 86 (2012-2013) de la commission sur le projet de loi n° 789 (2011-2012) relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 4

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'amendement n° 10 a pour objet d'harmoniser la rédaction du nouvel article 67-1 du code des douanes avec celle de l'article 78-6 du code de procédure pénale en prévoyant que l'officier de police judiciaire doit être averti et donner son accord préalable lorsque des douaniers souhaitent lui présenter un contrevenant.

M. Pierre-Yves Collombat. - Comment cela fonctionnera-t-il ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Cette procédure s'applique déjà pour les policiers municipaux, les agents de sécurité de la SNCF...

M. Pierre-Yves Collombat. - ... mais il me semble que les agents des douanes peuvent difficilement leur être assimilés.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Le Gouvernement a souhaité donner un pouvoir supplémentaire aux agents des douanes et, dans ce cadre, il importe de préciser qu'ils ne peuvent accompagner une personne vers un local de police qu'à la demande d'un officier de police judiciaire.

La commission adopte l'amendement n° 10.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'amendement n° 1 propose d'indiquer expressément dans la loi que les poursuites pénales à l'encontre d'un étranger se rendant coupable d'entrée irrégulière sur le territoire ne pourront être engagées que lorsque les faits auront été constatés en état de flagrance.

La commission adopte l'amendement n° 1.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'amendement n° 10 propose de modifier la rédaction de l'article L. 622-4 du CESEDA afin que ne puissent faire l'objet de poursuites pénales, sur le fondement du délit d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier, des personnes par ailleurs tenues par un devoir de secours en application du code civil. Il convient de rappeler en effet que l'article 212 du code civil prévoit que les époux sont tenus d'un devoir d'assistance l'un envers l'autre, même lorsqu'ils sont séparés de corps ou que la communauté de vie a cessé.

La commission adopte l'amendement n° 6.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'amendement n° 2 est rédactionnel.

M. Jean-Jacques Hyest. - L'expression « personne morale sans but lucratif » me paraît devoir être remplacée par la formulation suivante « personne morale ne poursuivant pas de but lucratif ».

La commission adopte l'amendement n° 2 rectifié ainsi que les amendements de coordination n°s 7, 3 rectifié, 8, 4 rectifié, 9 et 5 rectifié.

EXAMEN DES AMENDEMENTS EXTÉRIEURS

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Examinons à présent les autres amendements.

Article premier

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'amendement n° 6 vise à supprimer la possibilité générale pour les forces de l'ordre de contrôler les titres de circulation et de séjour d'une personne tout en leur conservant cette faculté dans le cadre des contrôles d'identité des articles 78-2 et suivants du code de procédure pénale. Le Gouvernement dans son amendement n° 26 a proposé d'inscrire dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation relative au contrôle de titres effectué sur le fondement de l'article L. 611-1 du CESEDA en précisant que la qualité d'étranger ne peut être déduite que d'« éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé », ceci afin d'éviter les contrôles au faciès. L'amendement de nos collègues du groupe CRC aurait pour effet de judiciariser la procédure qui, s'agissant des étrangers en situation irrégulière, doit, selon nous, conserver son caractère administratif. Je n'y suis pas favorable.

M. Jean-Yves Leconte. - Les contrôles d'identité se fondent sur l'article 78-2 du code de procédure pénale. Par ailleurs, les dispositions spécifiques visées par l'article L. 611-1 du CESEDA sont parfaitement justifiées. Je retirerai mon amendement n° 13 compte tenu de l'amendement n° 26 du Gouvernement. Je souhaite néanmoins attirer l'attention de la commission sur la nécessité d'une rédaction de l'article L. 611-1 suffisamment claire pour éviter tout contrôle au faciès.

Mme Esther Benbassa. - Attention à ne pas confondre le contrôle au faciès qui concerne très majoritairement les citoyens français et le contrôle de l'identité des étrangers !

M. Pierre-Yves Collombat. - Il me paraît contradictoire de rechercher les critères les plus objectifs de contrôle tout en évitant le contrôle au faciès...

M. Alain Richard. - Tout état démocratique souverain a la maîtrise du droit de séjour sur son territoire. Il ne s'agit pas des mêmes modalités de contrôle que celles applicables aux personnes de nationalité française ou aux personnes titulaires d'un séjour régulier. Il s'agit d'un domaine totalement spécifique. Le Gouvernement nous propose de retenir le seul repère dont nous disposons, à savoir la jurisprudence de la Cour de cassation. Toutes les mesures de contrôle qui ne seraient pas conformes au principe fixé par cette jurisprudence seraient annulées. Les services de police et de gendarmerie ont nécessairement des instructions sur la façon d'interpréter la jurisprudence de la Cour de cassation.

M. Jean-Pierre Michel. - Si le dispositif prévu par le Gouvernement ne reçoit pas d'application générale, nous devrons en conclure que le contrôle appliqué aux étrangers est davantage encadré que celui concernant les Français. Il faudra demander au Gouvernement, en séance publique, d'étendre, dans les plus brefs délais, la jurisprudence de la Cour de cassation à tous les contrôles d'identité.

Mme Éliane Assassi. - Je souscris aux observations de Mme Esther Benbassa et de M. Jean-Pierre Michel. Introduire de la subjectivité dans la loi ne me paraît pas de bonne méthode.

M. Jean-Yves Leconte. - Je veux préciser à l'attention de Mme Esther Benbassa que les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale ne prennent pas en compte les préoccupations liées au contrôle au faciès. C'est la raison pour laquelle je pose la question de la rédaction de l'article L. 611-1 du CESEDA.

M. Alain Richard. - La seule base du contrôle des personnes en séjour régulier en France est de nature pénale. Le contrôle doit alors se fonder sur la présomption de l'existence d'une infraction ou sur l'utilité pour les services d'entendre la personne dans le cadre d'une enquête. En revanche, le contrôle des personnes en séjour irrégulier est une question administrative qui déclenche des mécanismes différents justifiant d'autres critères d'appréciation.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je remercie notre collègue Alain Richard pour cette clarification. Il faudrait aussi que, dans la pratique, les contrôles d'identité des personnes de nationalité française soient subordonnés à la présomption de commission d'une infraction.

M. Christophe Béchu. - Je suis excédé par la présentation selon laquelle ce serait les « blancs » qui contrôleraient les « gens de couleur ». Il faut éviter tout raccourci laissant penser qu'il y a un racisme latent parmi les forces de l'ordre dont la diversité est pourtant à l'image de la société tout entière. Il ne faut pas laisser croire que tous les torts sont du même côté sauf à légitimer des actes de violence inexcusables à l'égard des forces de sécurité dont des incidents récents nous ont donné l'exemple.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La police et la gendarmerie accomplissent un travail difficile. Il n'y a pas de clivage sur ce sujet.

M. Jean-Jacques Hyest. - C'est à l'occasion des contrôles d'identité prévus par le CESEDA, contrôles que l'on peut améliorer avec l'application de la jurisprudence de la Cour de cassation, que l'on vérifie la validité des titres de séjour de l'étranger en France.

M. Jean-Pierre Michel. - Nous approuvons l'amendement du Gouvernement mais nous l'interrogerons sur les conditions dans lesquelles les contrôles d'identité sont exercés sur la base du code de procédure pénale.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Le débat que nous venons d'avoir est allé bien au-delà du champ couvert par le projet de loi. Il existe soit des contrôles de titres effectués dans le prolongement des contrôles d'identité, soit des contrôles de titres effectués en dehors de tels contrôles et qui, à l'évidence, doivent se faire sur la base des critères objectifs extérieurs à la personne. C'est pourquoi, le Gouvernement a proposé d'intégrer la jurisprudence de la Cour de cassation afin de rappeler les conditions dans lesquelles ce second type de contrôle doit intervenir. Il va de soi qu'on ne pourra régler toutes les questions liées aux contrôles d'identité à l'occasion de l'examen de ce texte.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.

Mme Éliane Assassi. - Notre amendement n°7 vise à restaurer le rôle constitutionnel du juge judiciaire, en prévoyant que, comme cela était le cas avant la loi du 16 mars 2011, le juge des libertés et de la détention se prononce sur la rétention au bout de 48 heures, et non au bout de cinq jours. Il y a urgence, car 25% des personnes placées en rétention sont éloignées dans un délai inférieur à cinq jours, donc avant d'avoir pu voir le juge.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Je comprends très bien vos arguments, mais il me semble que ce texte ne constitue pas un cadre approprié pour y répondre. Nous légiférons ici pour mieux encadrer les conditions dans lesquelles les étrangers en situation irrégulière peuvent être contrôlés, afin d'adapter notre droit à la jurisprudence de la Cour de justice. Nous aurons l'occasion prochainement de débattre de la question plus générale du droit des étrangers, le ministre de l'Intérieur a d'ailleurs annoncé un texte pour l'an prochain.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je partage ce que vient de dire notre rapporteur. Néanmoins, je souligne que cette question de l'intervention du juge judiciaire est importante. Il faudra y revenir.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°7.

Mme Éliane Assassi. - L'amendement n°8 est défendu.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Je ne suis pas favorable à cet amendement. Je rappelle que le texte que nous examinons vise à encadrer les conditions dans lesquelles les étrangers en situation irrégulière peuvent être contrôlés. Il constitue une amélioration par rapport à la situation antérieure. Les dispositions relatives aux contrôles d'identité, qui n'offrent que quatre heures aux services de police pour procéder aux vérifications, ne sont pas suffisantes. Ne conserver qu'elles risqueraient d'encourager un examen expéditif de la situation des intéressés.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°8.

Mme Éliane Assassi. - L'amendement n°10 est un amendement de repli. Il propose de limiter la retenue à quatre heures, avec une possibilité de prolonger la mesure pendant six heures avec l'autorisation du procureur de la République si cela s'avère nécessaire.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Nous avons eu ce débat lors de notre précédente réunion. Je propose d'en rester à la position adoptée par la commission : une première période de 10 heures, prolongeable pendant six heures après information du procureur.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°10.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous en venons à deux amendements identiques, l'un du Gouvernement, l'autre des membres du groupe UMP. L'amendement n°2 rect. de M. Mézard poursuit également le même objectif. Il s'agit de revenir au texte initial du Gouvernement s'agissant de la durée de la retenue.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Soyons cohérents. Notre commission a décidé lors de sa précédente réunion de demander qu'à l'issue d'une période de retenue de dix heures, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République des motifs pour lesquels la mesure doit être prolongée de six heures supplémentaires. Je ne vois pas de raison de revenir à ce que nous avons décidé. Ces amendements montrent des convergences inattendues...

M. Jean-Jacques Hyest. - La solution proposée par la commission nous paraît compliquée. La durée de 16 heures initialement proposée par le Gouvernement est acceptable. Je rappelle qu'il s'agit d'une durée maximale : en tout état de cause les personnes ne seront pas retenues plus longtemps que cela n'est nécessaire. Sur ce point, nous soutenons le Gouvernement !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Naturellement, chacun est libre de voter comme il l'entend.

M. François Zocchetto. - Notre groupe aurait pu déposer un amendement identique. 10 heures, ce n'est pas suffisant. Sur ce point, l'argumentaire du Gouvernement est très clair. Il est excessif de demander à la police de retourner devant le procureur de la République au bout de 10 heures. 16 heures est raisonnable, c'est moins qu'une journée. Nous voterons donc cet amendement.

M. Jean-Yves Leconte. - Ces amendements remettent en cause la position adoptée par notre commission. J'ai déposé un amendement qui demandera un rapport au Gouvernement, car je considère que 16 heures ne doit pas devenir une norme automatique. Pour ma part, je maintiens ma position initiale.

Mme Esther Benbassa. - Cet amendement du Gouvernement m'interpelle : à quoi servons-nous ? A quoi bon améliorer les textes en commission si c'est pour revenir au texte du Gouvernement en séance ? J'ai soutenu les améliorations apportées au dispositif par le rapporteur. Il est inadmissible que le Gouvernement refuse de prendre en compte le travail des parlementaires !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Comme je l'ai déjà dit, chacun est libre de son vote.

M. François Pillet. - Ce débat sur l'amplitude horaire de la mesure doit être ramené à des considérations pratiques. Si le contrôle a lieu à 21 heures, il ne sera pas possible d'obtenir les renseignements utiles pendant la nuit. La solution du « 10 heures + 6 heures » adoptée par la commission n'est pas très pragmatique.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - J'attire votre attention sur le fait que le texte adopté par notre commission il y a 15 jours ne remet pas en cause la durée maximale de 16 heures. Il demande seulement à l'officier de police judiciaire de rendre compte, au bout de 10 heures, des diligences accomplies et des raisons pour lesquelles la retenue doit être prolongée. L'objectif est d'éviter que l'étranger ne puisse être retenu alors que l'administration n'aurait pas accompli les diligences nécessaires. Naturellement, je me réjouis du soutien apporté par l'opposition au ministère de l'Intérieur. Mais, pour ma part, je reste sur ma position. Si l'un de ces amendements devait toutefois être adopté, l'amendement de notre collègue Jacques Mézard me paraît préférable car il maintient les dispositions que nous avions introduites sur le contrôle du médecin.

La commission émet un avis favorable aux amendements n°1 de MM. Buffet et Hyest et n°26 du Gouvernement.

M. Jacques Mézard. - Je vais retirer mon amendement n°2 rect.

M. Gaëtan Gorce., rapporteur. - Dans ces conditions, je propose de sous-amender les amendements n°s 1 et 26 afin de conserver les dispositions sur le contrôle du médecin.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il s'agirait alors de sous-amendements déposés au nom de notre commission.

La commission adopte les sous-amendements.

M. Jean-Yves Leconte. - L'amendement n°14 n'a pas vocation à être adopté mais seulement à obtenir l'assurance que le FAED ne pourra pas être consulté à l'occasion d'une mesure de retenue.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Nous avons déjà abordé cette question. Il est vrai que l'étude d'impact laisse penser que la consultation de ce fichier serait possible dans le cadre d'une mesure de retenue. Or le décret et l'avis de la CNIL sont très clairs : le FAED ne peut pas être consulté dans le cadre d'une opération de police administrative. Le Gouvernement nous le confirmera en séance. Je demanderai alors à notre collègue de retirer son amendement au bénéfice de ces observations.

La commission décide de demander le retrait de l'amendement après avoir obtenu l'avis du Gouvernement.

M. Jacques Mézard. - Je retirerai mon amendement n°3 qui n'avait de sens que si la solution du « 10 heures + 6 heures » était maintenue.

M. Jean-Yves Leconte. - Mon amendement n°15 poursuit le même objectif que mon amendement n°14 : attirer l'attention du ministre sur la nécessité d'assurer une transmission du dossier complet au procureur de la République. Je suis prêt à le retirer sous réserve de ces assurances.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Nous avions évoqué cette question il y a quinze jours. J'avais alors demandé le retrait de cet amendement, ma position aujourd'hui demeure identique.

La commission décide de demander le retrait de l'amendement n°15.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Sur l'amendement n°16, le contrôle du juge judiciaire va de soi, inutile à mon sens de le préciser.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Cet amendement pourra peut-être être retiré ?

La commission décide de demander le retrait de l'amendement n°16.

M. Jean-Yves Leconte. - L'amendement n°17 demande un rapport du Gouvernement au Parlement. Le but est de nous assurer que la durée de 16 heures n'est pas utilisée systématiquement jusqu'à son terme par les services de police et de gendarmerie.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Sur cette question, je m'en remets à la sagesse de notre commission.

M. Alain Richard. - La demande d'un rapport au Gouvernement est souvent une façon de sortir d'une difficulté politique... Cela ne relève pas du domaine de la loi ! En outre, nous disposons d'outils pour demander des informations au Gouvernement, comme les questions écrites par exemple.

Mme Catherine Tasca. - Je suis totalement d'accord avec notre collègue Alain Richard. Nous avons une fonction de contrôle de l'action du Gouvernement, que nous pouvons exercer tout au long de l'année. Nous pouvons utiliser les questions écrites ou les questions orales par exemple. Il est d'ailleurs souvent bien plus efficace d'utiliser ces procédures que de demander un rapport...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Notre collègue Jean-Yves Leconte souhaite obtenir des explications du ministre en séance. A cette fin, pourquoi ne pas donner un avis favorable à son amendement ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Les questions écrites ont souvent beaucoup de « succès », au sens qu'avait ce mot au XVIIème siècle...

La commission n'ayant pu se départager, elle n'émet pas d'avis concernant cet amendement.

Mme Éliane Assassi. - L'amendement n°19 est un amendement de coordination à son amendement auquel la commission n'est pas favorable.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°19.

Article 3

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°9.

Article 5

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°18.

Article 6

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n°11. Le délit de maintien irrégulier sur le territoire est nécessaire : lorsque l'administration aura épuisé toutes les voies dont elle dispose pour éloigner l'étranger, il faut pouvoir l'incriminer s'il se maintient sur le territoire.

M. Jean-Yves Leconte. - Mon amendement n°19 n'est qu'une clarification.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Nous aurons un débat en séance pour préciser à quel moment le délit pénal est constitué. L'amendement que nous avons adopté lors de l'élaboration du texte de la commission clarifie déjà bien les choses. Il faut que nous sachions si le gouvernement entend qu'une personne libérée par le JLD puisse être poursuivie. De notre point de vue, ce n'est pas le cas.

M. Jean-Yves Leconte. - Il est préférable d'être clair pour éviter de nouvelles condamnations par la Cour de justice de l'Union européenne.

M. François Pillet. - Le code de procédure pénale est déjà suffisamment épais : ne le compliquons pas encore davantage.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°19.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°20.

M. Jean-Yves Leconte. - Pouvez-vous me confirmer que mon amendement n°21 est satisfait ? En tout cas, je le maintiens afin d'évoquer ce problème en séance.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°21.

Article additionnel avant l'article 8

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - L'amendement de Mme Benbassa, en proposant de remplacer le mot « circulation » par le mot « transit », restreint excessivement le champ du délit.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°5.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°12 rectifié.

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°22.

Article 8

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°4.

Article 9

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°23.

Article 10

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°24.

Article 11

La commission décide de donner un avis défavorable à l'amendement n°25.

La commission adopte les avis suivants :

Examen des amendements du rapporteur

Article

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article 2

Retenue d'un étranger aux fins de vérification de sa situation administrative

Sous-amdt 38 à l'amdt 1

M. Gaëtan Gorce

Adopté

Article 4

Nouvelles procédures pour les contrôles douaniers

37

M. Gaëtan Gorce

Adopté

Article 5

Suppression des dispositions sanctionnant pénalement le séjour irrégulier lorsque les mesures prévues par la directive « retour » n'ont pas été mises en oeuvre à l'encontre de l'étranger

28

M. Gaëtan Gorce

Adopté

Article 8

Extension de l'immunité pénale applicable au délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers

29

M. Gaëtan Gorce

Adopté avec rectification

33

M. Gaëtan Gorce

Adopté

Article 9

Application des dispositions du projet de loi relatives au délit d'aide au séjour irrégulier à Wallis et Futuna

30

M. Gaëtan Gorce

Adopté avec rectification

34

M. Gaëtan Gorce

Adopté

Article 10

Application des dispositions du projet de loi relatives au délit d'aide au séjour irrégulier en Polynésie française

31

M. Gaëtan Gorce

Adopté avec rectification

35

M. Gaëtan Gorce

Adopté

Article 11

Application des dispositions du projet de loi relatives au délit d'aide au séjour irrégulier en Nouvelle-Calédonie

32

M. Gaëtan Gorce

Adopté avec rectification

36

M. Gaëtan Gorce

Adopté

Examen des amendements extérieurs

Article

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article premier

Extension de la procédure de contrôle des documents autorisant le droit de circuler et de séjourner en France

6

Mme Eliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

13

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Retrait ou défavorable

26

Gouvernement

Favorable

Article additionnel avant l'article 2

 

7

Mme Eliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Oas d'avus

(partage des voix)

Article 2

Retenue d'un étranger aux fins de vérification de sa situation administrative

8

Mme Eliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

10

Mme Eliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

1

MM. François-Noël Buffet, Jean-Jacques Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire

Favorable

27

Gouvernement

Favorable

2 rect.

M. Jacques Mézard

Retrait après avis du Gouvernement

14

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Retrait ou Défavorable

3

M. Jacques Mézard

Retiré

15

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Retiré

16

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

Article additionnel après l'article 2

 

17

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

Article 3

Aide juridique pour l'étranger en retenue

9

Mme Eliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article 5

Suppression des dispositions sanctionnant pénalement le séjour irrégulier lorsque les mesures prévues par la directive « retour » n'ont pas été mises en oeuvre à l'encontre de l'étranger

18

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Demande de retrait

Article 6

Dispositions pénales punissant le fait, pour un étranger en situation irrégulière, de se maintenir sur le territoire alors que les mesures propres à permettre son éloignement ont été effectivement mises en oeuvre

11

Mme Eliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

19

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

20

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Retiré avant séance

21

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

Article additionnel avant l'article 8

 

5

Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues

Défavorable

12 rect.

Mme Eliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

Défavorable

Article 8

Extension de l'immunité pénale applicable au délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers

22

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Retiré avant séance

4

M. Jacques Mézard

Demande de retrait

Article 9

Application des dispositions du projet de loi relatives au délit d'aide au séjour irrégulier à Wallis et Futuna

23

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

Article 10

Application des dispositions du projet de loi relatives au délit d'aide au séjour irrégulier en Polynésie française

24

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

Article 11

 

25

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés

Défavorable

Représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération - Examen du rapport et du texte de la commission

Puis la commission examine le rapport de Mme Virginie Klès et le texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 754 (2011-2012) relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Virginie Klès, rapporteur. - La proposition de loi déposée par notre collègue Alain Richard est un texte court et concis, assez consensuel. Il traite de la représentation des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

L'objet de la proposition de loi est d'introduire de la souplesse dans la représentation des communes au sein des EPCI en cours de constitution en permettant d'augmenter l'effectif de leurs organes délibérants tout en restant dans une stricte neutralité budgétaire pour les EPCI concernés.

Aujourd'hui, avec les règles actuelles, il n'est pas toujours facile de trouver un consensus entre les communes sans parvenir à la constitution d'assemblées pléthoriques.

La loi offre déjà une souplesse en permettant de relever de 10 % l'effectif de l'organe délibérant sous certaines conditions spécifiques.

La proposition de loi propose de relever ce quota à 25 % du nombre de conseillers communautaires, tout en restant au sein d'une enveloppe budgétaire fixe dédiée au versement des indemnités de fonction. Cette faculté peut être utilisée sous réserve d'un accord local pris à la majorité des deux tiers. Par ailleurs, s'agissant du versement des indemnités de fonction aux délégués communautaires, il faudra certainement simplifier les dispositions les régissant, puisqu'aujourd'hui, des délégués des communautés de communes bénéficiant d'une délégation de fonction ne peuvent percevoir d'indemnités.

En ce qui concerne le nombre de vice-présidents des organes délibérants, il est important, là encore, de redonner de la souplesse aux EPCI, en permettant un relèvement de leur nombre, tout en l'encadrant avec un plancher de quatre et un plafond de quinze. Il n'est pas nécessaire d'aller au-delà de ce nombre.

Cette proposition de loi donne un message à la société civile : les élus se fixent des limites et des contraintes ; il n'y aura pas d'alourdissement des charges si l'EPCI recourt à la faculté d'augmenter le nombre de ses vice-présidents puisque cette faculté s'effectuera au sein d'une enveloppe indemnitaire fixe.

Enfin, je suis favorable à un assouplissement des règles régissant les suppléants des conseillers communautaires dont il faut faciliter l'application. Aujourd'hui, la voie de la procuration à un autre conseiller communautaire dans les communautés de communes est privilégiée par le texte de la loi, la suppléance étant subsidiaire. Je vous propose donc de modifier la priorité : le suppléant a d'abord voix au chapitre. Il convient d'élargir la suppléance à l'ensemble des communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération, quel que soit le nombre de ses délégués communautaires, et non de la réserver, comme c'est le cas aujourd'hui, aux communes disposant d'un seul délégué.

M. Alain Richard. - Une réflexion sur le mode d'emploi de la proposition de loi. Notre champ d'initiative est immense mais notre capacité à la transformer en loi est contrainte. Au cours de la navette de l'examen de la loi du 29 février 2012, nous nous sommes limités à la question des effectifs des organes délibérants pour éviter les sujets d'opposition entre les différentes tendances politiques et permettre l'adoption du texte dans le temps qui nous était imparti.

Autre réflexion : nous devrions plutôt parler de moindre réduction des effectifs que d'augmentation. Aujourd'hui, le code général des collectivités territoriales ne fixe aucune limite au nombre de membres du Bureau. Il en fixe une pour le nombre de vice-présidents, à savoir 30 % de l'effectif de l'instance délibérante. La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a plafonné ces deux effectifs de façon drastique. La proposition de loi vise simplement à introduire une meilleure transition entre les modes de représentation actuellement pratiqués et celui envisagé à l'avenir. Quand on organise la réduction des effectifs d'une assemblée élue, on procède généralement par paliers.

En ce qui concerne le changement d'effectifs résultant de la loi du 16 décembre 2010, les réductions sont verticales, notamment dans l'espace péri-urbain : une commune de 5 000 habitants a, par exemple, un conseiller communautaire. Quand une intercommunalité est constituée de nombreuses petites communes, la souplesse de 10 % offerte par la loi est déjà consommée par l'attribution d'un siège minimum attribué aux petites communes.

Je perçois la proposition de loi comme une transition. Le législateur dans quatre ou cinq ans évaluera le système.

M. Pierre-Yves Collombat. - Sur le plan général, je regrette que cette proposition de loi soit une proposition « Pélissard bis » plutôt qu'une proposition « Sueur-Richard nouvelle mouture ».

Dans le terme « intercommunalité », il y a le mot « commune ». Il s'agit d'un contrat passé entre communes, une « coopération de communes » comme la qualifiait Jean-Pierre Chevènement en 1999. Il n'y a donc pas de raison qu'elles n'aient pas la plus grande liberté possible pour fixer les règles de leur fonctionnement. Avec 15 % supplémentaires de délégués, on va créer 45 % de problèmes en plus.

M. Christian Favier. - Je suis favorable à l'abrogation de la loi du 16 décembre 2010. Il faut repartir des conclusions des Etats généraux. Nous ne voyons pas l'intercommunalité comme un nouvel échelon. Au nom de la libre administration des collectivités territoriales, l'intercommunalité doit rester du libre choix des collectivités. Il n'y a donc pas lieu de légiférer en la matière mais nous sommes tout à fait disponibles pour travailler à un nouveau projet.

M. Philippe Bas. - Même s'il n'est pas sans inconvénient, je soutiendrai ce texte car c'est un parti pris de confiance envers les élus locaux. Les assemblées dont les membres sont trop nombreux deviennent vite des chambres d'enregistrement et connaissent une faible implication de leurs membres. S'agissant du nombre de vice-présidents des structures intercommunales, leur trop grand nombre dilue aussi les responsabilités.

Ce texte est pragmatique et lève un certain nombre de freins qui provoquent des réticences de la part des petites communes qui ont peur de ne pas être suffisamment représentée dans les EPCI.

J'approuve également le choix d'opérer ces modifications à enveloppe budgétaire constante.

Il ne semble pas opportun, contrairement à l'opinion exprimée par M. Collombat, d'attendre une vaste réforme législative en espérant refonder le système ; mieux vaut plutôt soutenir des interventions ponctuelles.

M. Jean-Patrick Courtois. - En tant que rapporteur de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, je souhaiterais en rappeler la philosophie : l'accord amiable est à privilégier et constitue donc le principe ; le tableau servant à la répartition n'est que la dérogation et n'intervient qu'à défaut d'accord pour éviter d'aboutir à des assemblées pléthoriques. Il faut admettre qu'à la suite des fusions d'EPCI qui auront lieu dans le cadre des schémas départementaux de coopération intercommunale, la marge de manoeuvre de 10 % n'est plus tenable. La possibilité d'augmenter le nombre de délégués communautaires dans la limite de 25 % est donc opportune. Je soutiendrai cette proposition de loi.

Pour les suppléants des délégués communautaires, il me semblerait préférable d'instituer un suppléant seulement pour les communes qui n'auraient qu'un nombre de délégués titulaires d'au maximum 5 ou 7 membres. Au-delà, il sera problématique de désigner un suppléant qui soit de la même sensibilité politique que le titulaire.

Mme Catherine Tasca. - Je tiens à féliciter la rapporteure pour la clarté et la rigueur de son rapport et l'auteur de la proposition de loi pour nous proposer un texte modeste mais dont l'utilité est immédiate. La carte de l'intercommunalité n'est pas totalement achevée et ce texte devrait faciliter les décisions en suspens. Certes, ces dispositions seront peut-être transitoires mais elles permettront d'accompagner la refonte de l'intercommunalité.

La proposition de la rapporteure sur les suppléants est très utile pour apaiser les craintes des petites communes. Il est judicieux de donner pour siéger à l'assemblée communautaire la priorité au suppléant de la commune sur les autres.

Mme Jacqueline Gourault. - Lors de l'examen en 2010 de la loi de réforme des collectivités territoriales, une interrogation avait déjà surgi sur la limite des 10 % applicables au nombre des délégués communautaires. Un amendement avait même proposé à l'époque d'élever ce plafond à hauteur de 20 %. Après avoir mené quelques simulations sur des cas concrets, le plafond retenu de 25 % me semble toutefois trop élevé. Sans déposer d'amendement à ce stade, je pense que le choix de 20 % serait plus raisonnable.

Concernant les vice-présidents, leur nombre est actuellement fixé entre 4 et 15. Le pourcentage de 20 % est sans doute limitatif dans certains cas. La modification apportée est donc une liberté bienvenue sous réserve de maintenir la limite maximale à 15 vice-présidents. Toute faculté laissée au-delà de ce plafond serait inévitablement utilisée.

Enfin, je partage l'avis de notre collègue Jean-Patrick Courtois sur la désignation rendue obligatoire d'un suppléant par chaque commune membre de l'EPCI.

Globalement, je ne vois aucun problème majeur sur ce texte.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Selon les données fournies par la direction générale des collectivités locales (DGCL), le nombre de délégués communautaires s'élève actuellement à environ 90 000 et atteindrait, si l'ensemble des dispositifs existant était utilisé, 93 000. L'utilisation des facultés permises par cette proposition de loi, dans leur version maximaliste par l'ensemble des EPCI concernés, élèverait le niveau des délégués communautaires à 105 000. C'est bien la preuve qu'actuellement les élus locaux sont raisonnables dans la fixation du nombre des délégués communautaires.

Pour les vice-présidents, leur nombre, actuellement compris entre 19 000 et 25 000, pourrait avoisiner, après la réforme des collectivités territoriales, les 22 - 23 000 élus. Le changement ne sera donc pas fondamental.

Pour répondre à M. Collombat, la présente proposition de loi ne fait que contraindre la minorité d'EPCI, à peine 5 %, qui abuse du cadre légal actuel sans restreindre excessivement les autres EPCI.

En réponse à M. Favier, la solution proposée est raisonnable au regard des besoins exprimés.

Concernant l'interrogation de M. Bas sur le moyen d'impliquer les élus dans les structures intercommunales, la délégation est un bon outil. L'indemnisation des conseillers communautaires des structures de moins de 100 000 habitants nécessite une réflexion plus longue.

Sur la question des suppléants, le délai d'ici la séance publique permettra la réflexion. En revanche, le choix d'un plafond à 25 % pour la fixation du nombre de délégués communautaires doit être maintenu.

Je remercie, enfin, pour ses propos Mme Tasca dont je partage pleinement l'avis.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à modifier la rédaction des règles encadrant l'enveloppe budgétaire en faveur des vice-présidents des EPCI. Si le nombre de délégués communautaires augmente, celui des indemnités des vice-présidents devrait mécaniquement diminuer à due proposition. Aussi, je vous propose de ne pas prendre en compte les délégués communautaires supplémentaires pour le calcul de cette enveloppe budgétaire qui ne conduit pas nécessairement à une augmentation concomitante du nombre de vice-présidents.

Mme Jacqueline Gourault. - Cette proposition est meilleure que celle retenue par la proposition de loi !

L'amendement n° COM-4 est adopté.

M. Pierre-Yves Collombat. - Je constate que faire confiance à l'intelligence des territoires a ses limites ! Le problème est qu'il y aura nécessairement des blocages là où les fusions résultant de la refonte de la carte intercommunale aboutiront à de grandes agglomérations. Pourquoi donc introduire des contraintes pour les assemblées communautaires alors que, au regard des statistiques données par la rapporteure, les abus ne sont pas avérés ? Laissons aux communes le soin de fixer librement le nombre de délégués communautaires !

Au sein des bureaux des EPCI, une nouvelle distinction va exister entre les membres qui sont vice-présidents et ceux qui ne le sont pas alors que c'est un organe capital dans la recherche du consensus. Ce n'est pas ma conception de l'intercommunalité ! D'où mon amendement n° COM-1.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je demande le retrait de cet amendement ou propose, à défaut, un avis défavorable.

La loi incite les communes à réfléchir globalement et non séparément. Le nombre limité de vice-présidents aide les petites communes à la négociation pour obtenir des vice-présidences. Ce constat actuel m'invite donc à maintenir un élément de contrainte vis-à-vis des structures intercommunales.

M. Pierre-Yves Collombat. - Penser régler le problème démocratique des intercommunalités par ce biais est illusoire ! Le nombre élevé de délégués est la conséquence des grandes intercommunalités qui naissent de fusions.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je ne prétends pas résoudre tous les problèmes démocratiques de ces structures mais seulement aider aux négociations.

L'amendement n° COM-1 n'est pas adopté.

Article 2

Mme Jacqueline Gourault. - Mon amendement COM-7 me semble satisfait par celui du rapporteur ; je le retire donc.

L'amendement n° COM-7 est retiré.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise, par un accord adopté à la majorité des deux tiers, à permettre d'augmenter le nombre de vice-présidents à 30 % de l'effectif de l'organe délibérant tout en plafonnant le nombre à quinze.

M. Pierre-Yves Collombat. - Je préfère la rédaction antérieure à celle proposée aujourd'hui.

M. Alain Richard. - Cet amendement a été en fait inspiré par une remarque de notre collègue Jacqueline Gourault. Les bureaux des EPCI ont parfois plusieurs dizaines de membres. Or, comme chaque vice-président doit avoir une délégation, la découpe des délégations relève de la politique du salami. Une compétence d'assainissement de l'eau peut ainsi être divisée entre 3 ou 4 vice-présidents, selon le diamètre des tuyaux ! Pour faire gagner les EPCI en légitimité et en crédibilité, le nombre de vice-présidents doit être limité.

M. Jean-Patrick Courtois. - Je suis tout à fait d'accord avec cet amendement qui est dans la logique du texte.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Argument supplémentaire : cet amendement permet d'harmoniser les règles avec celles applicables aux conseils municipaux !

L'amendement n° COM-5 est adopté.

L'amendement n° COM-8 est satisfait.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - L'amendement COM-6 concerne les délégués suppléants. Si besoin, je vous propose de retravailler la question d'ici la séance publique pour prendre en compte la remarque de Jean-Patrick Courtois.

L'amendement n° COM-6 est adopté.

M. Pierre-Yves Collombat. - J'ai bien conscience que l'amendement COM-2 s'écarte de la problématique en discussion. Parmi les obligations fixées au préfet pour l'établissement du schéma départemental de la coopération intercommunale figure la réduction du nombre des syndicats de communes et des syndicats mixtes. Ce n'est pas anodin car cette suppression pose le problème de leur compétence. C'est pour cela qu'en novembre 2011, nous avons adopté la proposition que je vous représente ici. Aujourd'hui, nous sommes dans la difficulté et c'est pour cela que je souhaite que l'on traite de nouveau cette question.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Je suis convaincue, et je crois que c'est un sentiment partagé au sein de la commission, du bien-fondé de cet amendement. Je serai donc plutôt favorable.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'ai tendance à soutenir cet amendement. Nous nous sommes beaucoup battus pour maintenir un certain nombre de syndicats.

Mme Jacqueline Gourault. - Je voudrais une précision sur le sens de la rédaction proposée pour le 4° de l'article L. 5210-1-1 III du CGCT : l'intercommunalité pourra-t-elle exercer la compétence du syndicat au nom d'une partie seulement de ses communes membres ?

M. Pierre-Yves Collombat. - Non. Ce sera possible si l'intercommunalité veut assumer la compétence. Si elle ne le veut pas, elle ne l'exercera pas.

M. Jean-Patrick Courtois. - Qui alors l'exercera ?

M. Pierre-Yves Collombat. - Alors, c'est la difficulté. Le syndicat subsistera. Je propose de généraliser la disposition adoptée pour les syndicats scolaires, sinon, on va au devant de difficultés énormes.

M. Alain Richard. - C'est un délaissé en quelque sorte. Nous avons eu un débat en séance au Sénat. Personnellement, je suis très fermement en défaveur du partage territorial au sein de la communauté. Quand l'intercommunalité est compétente, elle reprend la compétence de l'ancien syndicat. Sinon, par défaut, la compétence revient à la commune ou au syndicat qui subsiste.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Soit l'EPCI a strictement la même compétence, il reprend donc la totalité de la compétence du syndicat ; soit l'EPCI n'a pas strictement la compétence du syndicat, le syndicat subsiste ou les communes reprennent la compétence.

M. Alain Richard. - Aujourd'hui, en vertu de la loi du 16 décembre 2010, l'objectif est de réduire le nombre de syndicats et de supprimer les doubles emplois. Si l'EPCI n'exerce pas strictement ladite compétence, le syndicat subsiste.

M. Jean-Patrick Courtois. - Ainsi la compétence n'est donc pas transférée automatiquement à l'EPCI.

M. Michel Mercier. - Il est vrai que la communauté de communes va réfléchir à la reprise de la compétence mais elle n'en a pas l'obligation. Elle pourra modifier ses compétences.

L'amendement n° COM-2 est adopté.

M. Pierre-Yves Collombat. - L'amendement du rapporteur étant meilleur que le mien, je retire l'amendement COM-3.

L'amendement n° COM-3 est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je consulte la commission sur l'ensemble du texte ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - On m'annonce un nouvel amendement du Gouvernement sur le projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées. Il n'est pas satisfaisant de recevoir deux amendements à 22 heures 30 hier soir et un troisième aujourd'hui alors que la commission a achevé l'examen des amendements déposés sur ce texte.

Je vous propose donc d'examiner ce dernier amendement lors de notre réunion de cet après-midi.

Accord de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Augmentation du nombre de sièges au sein des conseils communautaires

Mme KLÈS, rapporteur

4

Amélioration rédactionnelle

Adopté

M. COLLOMBAT

1

Suppression du plafonnement du nombre de conseillers communautaires par EPCI

Rejeté

Mme GOURAULT

7

Suppression de la diminution de l'enveloppe dédiée au versement des indemnités de fonction

Retiré

Article 2

Augmentation du nombre de vice-présidents au sein des conseils communautaires

Mme KLÈS, rapporteur

5

Possibilité d'augmenter de 30 % le nombre de vice-présidents dans la limite de quinze

Adopté

Mme GOURAULT

8

Possibilité d'augmenter de 30 % le nombre de vice-présidents dans la limite de quinze

Retiré

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme KLÈS, rapporteur

6

Extension des règles de la suppléance à toutes les communes membres d'une communauté de communes et d'agglomération

Adopté

M. COLLOMBAT

2

Modification des orientations du schéma départemental de coopération intercommunale

Adopté

M. COLLOMBAT

3

Modification des règles de suppléance

Retiré

Nationalité française aux pupilles de la Nation - Examen du rapport et du texte de la commission

Puis la commission examine le rapport de rapport de M. Christian Cointat et le texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 749 (2011-2012) visant à accorder la nationalité française aux pupilles de la Nation.

M. Christian Cointat, rapporteur. - L'institution des pupilles de la Nation a été créée par la loi du 27 juillet 1917. Le dispositif mis en place permet à la Nation d'adopter, et de prendre en charge, les enfants de parents morts ou grièvement blessés pour la France.

Ce dispositif a d'abord été utilisé à la suite des guerres de 1914 et 1940. Il s'est ensuite appliqué aux guerres d'Indochine et d'Algérie. Il a progressivement été étendu à d'autres situations comme celle des enfants de victimes d'actes de terrorisme ou celle des enfants d'élus, morts dans l'exercice de leur mandat.

La loi du 9 décembre 2004 a prévu que la qualité de pupille de la Nation pourrait être accordée à des majeurs de plus de 21 ans à titre moral. Il s'agit de l'expression d'un devoir de mémoire et de reconnaissance, qui n'emporte aucune obligation de soutien, matériel notamment, de l'État envers ces pupilles.

La proposition de loi de notre collègue Jean-Yves Leconte vise à compléter ce dispositif, en accordant la nationalité française aux pupilles de la Nation qui la demandent.

Avant d'être nommé rapporteur de ce texte, je croyais qu'il en était déjà ainsi. En effet, il me semble tout à fait curieux que l'adoption par une personne physique puisse permettre à l'adopté d'obtenir la nationalité française, alors que l'adoption par la Nation n'emporte pas une telle conséquence, alors même que la mention de l'adoption par la France est portée en marge de l'acte de naissance du pupille. C'est pourquoi, je vous invite à soutenir ce texte.

Pour être aussi favorable que possible aux enfants, le dispositif a conservé une limite d'âge fixée à 21 ans, âge de l'ancienne majorité. Au-delà de 21 ans, l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) ne gère plus les situations des pupilles de la Nation.

Au cours des auditions, j'ai été très surpris que personne ne puisse me donner une estimation précise du nombre de personnes susceptibles de bénéficier de l'accès à la nationalité française prévu par la proposition de loi.

Si, pour les pupilles de moins de 21 ans le calcul est aisé - un seul enfant serait concerné -, il n'en est pas de même une fois cet âge dépassé. Se pose par exemple la question du nombre de pupilles de la Nation ayant perdu la nationalité française au moment de la décolonisation de l'Algérie, du Maroc ou de la Tunisie. Au total, le texte pourrait concerner quelques milliers de personnes.

Je vous proposerai de compléter la proposition de loi par un article tendant à conférer aux étrangers ayant la qualité de pupille de la Nation, le même droit au séjour que celui reconnu aux ressortissants de l'Union européenne. Il s'agit de l'amendement n° 4. Il paraît en effet surprenant qu'une personne adoptée par la France n'ait pas accès à son territoire.

Quant aux amendements n°s 1, 2 et 3, ils ne sont pas dissociables les uns des autres. Je les ai déposés, pour votre information, pour que vous puissiez vous prononcer en toute connaissance de cause.

En l'état actuel de la proposition de loi, l'octroi de la nationalité française est de droit. Elle est accordée sur simple déclaration.

En l'absence de connaissances précises sur le nombre de bénéficiaires potentiels de ce dispositif, il pourrait être envisagé de distinguer en fonction de l'âge du pupille.

L'objet de l'institution des pupilles de la Nation est d'apporter aux enfants de ceux qui sont tombés pour la France, aide et protection jusqu'à leurs 21 ans. Il est donc tout à fait justifié de leur ouvrir un droit à la nationalité sur simple déclaration.

En revanche, s'agissant des pupilles de plus de 21 ans, l'exigence de protection n'est plus la même et le lien avec la France a pu s'affaiblir avec le temps. Dans cette hypothèse, la procédure de naturalisation, qui est actuellement applicable aux enfants de légionnaires étrangers tués ou grièvement blessés au combat, pourrait apparaître plus adaptée, à la condition qu'elle soit rendue plus accessible aux intéressés, par la dispense des conditions de stage et de résidence.

Quant aux pupilles « à titre moral », ils auraient la possibilité de réclamer la nationalité française par déclaration, dans le délai de trois ans après le prononcé du jugement d'adoption.

Je vous l'ai dit... Ces amendements visent à lancer le débat. Si vous estimez que, malgré l'absence d'évaluation du nombre de personnes qui seront concernées par l'acquisition de la nationalité française, le risque peut-être pris, s'il s'agit d'une volonté politique affirmée, je suis tout à fait disposé à retirer ces trois amendements.

En revanche, je tiens à l'amendement n° 4, sur l'accès au territoire des pupilles de la Nation.

M. Jean-Yves Leconte. - Je tiens à remercier notre rapporteur pour la qualité de son travail. Cette proposition de loi est la reprise d'un texte qui avait été déposé par notre ancienne collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il me semble évident d'accorder la nationalité française à une personne déclarée pupille de la Nation.

Il s'agit de réparer une injustice, presque une erreur, de notre droit de la nationalité.

Pour moi, l'octroi de la nationalité française est fondé sur la qualité de pupille de la Nation. Je ne vois pas de raison de distinguer selon l'âge de la personne. Je préfère donc conserver la rédaction actuelle de la proposition de loi.

Notre rapporteur a toutefois raison, il y a un risque. Pour certains dossiers, les plus anciens, il sera difficile de retrouver la trace de la qualité de pupille de la Nation. Certaines archives ont disparu. La Nation a parfois perdu la mémoire...

Il est donc important que nous ayons ce débat, pour ne pas tromper ceux qui pourraient s'attendre, dès le lendemain de l'adoption de la loi, à avoir la nationalité française.

Mme Hélène Lipietz. - J'ai moi-même vu les effets du droit actuel, ma tante, âgée de 98 ans est pupille de la Nation au titre de la guerre de 14.

Je citerai, en particulier, le cas de pupilles de la Nation, ressortissants algériens, qui vivent en Algérie et n'ont pas de visa pour venir sur la tombe de leurs pères, morts pour la France, au champ d'honneur.

J'approuve donc totalement l'amendement n° 4 du rapporteur qui répare une véritable injustice.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mes chers collègues, la commission se réunira pour l'examen des amendements extérieurs. Il y aura ensuite un examen en séance publique, au cours duquel nous pourrons interroger le Gouvernement. Nous sommes en première lecture et la procédure accélérée n'a pas été engagée... Ce débat très intéressant pourra donc avoir lieu.

C'est pourquoi, si les trois amendements du rapporteur sont des amendements d'appel, je suggère qu'ils soient retirés. Il s'agit d'un retrait « positif ». Ils pourront tout à fait être repris au titre des amendements extérieurs pour la séance.

M. Christian Cointat, rapporteur. - Monsieur le président, je m'apprêtais à faire la même proposition. Je retire les amendements n°s 1, 2 et 3.

M. André Reichardt. - Monsieur le président, votre proposition est intéressante. Tout sénateur qui le souhaite pourra donc reprendre les amendements du rapporteur pour la séance publique. Nous pourrons ainsi débattre à nouveau de ce sujet, en fin de semaine prochaine.

Les amendements n°s 1, 2 et 3 sont retirés.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous consulte sur le texte ainsi amendé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article unique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. COINTAT, rapporteur

1

Limitation aux pupilles de moins de 21 ans de l'accès à la nationalité française par déclaration

Retiré

M. COINTAT, rapporteur

2

Accès à la nationalité française par naturalisation pour les pupilles de plus de 21 ans

Retiré

M. COINTAT, rapporteur

3

Possibilité de réclamer la nationalité française par déclaration dans les 3 ans du jugement d'adoption

Retiré

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M. COINTAT, rapporteur

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Droit de séjour des pupilles de la Nation

Adopté

Loi de finances pour 2013 - Mission « Outre-mer » - Programme « Crédits en faveur des départements d'outre-mer » - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Félix Desplan, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Outre-mer », « crédits affectés aux départements d'outre-mer »).

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous propose de commencer par l'examen des avis sur les crédits de l'outre-mer.

M. Jean-Yves Leconte. - Comme je ne pourrai assister à la discussion de l'amendement du gouvernement au texte sur le droit au séjour, je voudrais indiquer que comme il est conforme à ceux que j'ai déposés, j'y serai favorable.

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis (crédits des départements d'outre-mer). - Pour la deuxième année consécutive, l'avis budgétaire outre-mer est confié à deux rapporteurs : M. Cointat vous présentera celui sur les collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), et moi celui sur les départements d'outre-mer.

Le projet de loi de finances pour 2013 est, pour reprendre les termes de Victorin Lurel devant notre commission, un « budget de combat pour le redressement et la reconstruction du pays ». Les crédits de la mission « outre-mer» progressent de 3,4 % en autorisations d'engagement (AE), soit 2,19 milliards d'euros, et de 3,8 % pour les crédits de paiement (CP), soit 2,04 milliards d'euros. A périmètre constant, l'augmentation est de 7 % en autorisations d'engagement et de 4 % en crédits de paiement pour le programme « Emploi outre-mer ». Elle est de 0,6 % en AE et de 7 % en CP pour le programme « Conditions de vie outre-mer ».

La mission ne représente que 13 % de l'effort total de l'État en faveur de l'outre-mer qui, si l'on y ajoute les dépenses fiscales, s'élève à 16,98 milliards d'euros en AE et à 16,83 milliards d'euros en CP. On peut regretter que le ministère des outre-mer, devenu ministère de plein exercice, n'ait autorité que sur une part modeste de cet ensemble.

La politique de défiscalisation, à laquelle la Cour des comptes et la commission des finances ont consacré des travaux récents, représente 3 milliards d'euros en AE et 3,2 milliards d'euros en CP. Ce dispositif coûteux manque d'une évaluation des dépenses fiscales. Pourtant, malgré les critiques qui lui sont adressées dans un contexte de crise budgétaire, il contribue au développement de l'outre-mer, ce qui n'exclut pas une correction des mécanismes qui le nécessitent.

Je ne reviendrai pas sur les évolutions institutionnelles de Mayotte et de La Réunion pour lesquelles je vous renvoie aux deux rapports de notre commission. En Guyane et en Martinique, les collectivités uniques se mettent en place dans le cadre de commissions tripartites, réunissant État, départements et régions. Associées à l'ensemble des mesures d'application de la loi du 27 juillet 2011, ces commissions ont rendu un avis positif sur l'ordonnance fixant les règles budgétaires, financières et comptables et sur celle déterminant les modalités de transfert des personnels, des biens et des finances. Les modalités des élections et le statut des futurs conseillers ont été définis par un décret du 27 janvier 2012. L'instruction budgétaire et comptable unique devrait être rédigée pour la fin 2013.

En Guadeloupe, les réflexions autour du projet guadeloupéen de société se poursuivent. Le principe de la collectivité unique ayant été adopté les 8 et 9 décembre 2011, les électeurs pourraient être consultés sur le changement de statut du département, le moment venu.

Les difficultés budgétaires des communes des DOM constatées par la Cour des comptes en 1994 sont toujours d'actualité aujourd'hui. Elles s'expliquent par l'absence de sincérité des comptes et par la forte volatilité de recettes en grande partie d'origine douanière. En outre, la mise à jour insuffisante des bases fiscales complique le recouvrement des impôts locaux. Enfin, la forte croissance des charges de fonctionnement tient plus spécifiquement aux dépenses de personnel. Rappelons que le taux de chômage moyen des DOM s'élève à 25 % de la population active, touchant surtout les moins de 25 ans, ce qui a conduit les collectivités à recruter massivement. Cette politique d'amortisseur social apparaît aujourd'hui dispendieuse dans un contexte de croissance limitée des ressources budgétaires et fiscales.

Comment faire face à cette situation ? L'amélioration de l'identification des bases fiscales et du recouvrement des recettes fiscales relève, hélas !, du bon vouloir des administrations de l'État. Les dispositifs contractuels existants, tels que Cocarde (contrat d'objectif communal d'aide à la restructuration et au développement) et les contrats d'accompagnement spécifiques aux communes de Guyane ont permis d'apurer les dettes de communes en quasi-cessation de paiement. Mais leur trésorerie demeure toujours tendue, ce qui appelle de nouveaux dispositifs d'assainissement. Je souhaite vivement que le gouvernement fasse rapidement des propositions en ce sens.

La question de la surpopulation carcérale des établissements pénitentiaires domiens demeure toujours d'actualité mais recouvre de profondes disparités. Le centre pénitentiaire de Majicavo, à Mayotte, se distingue ainsi par un taux de surpopulation de 229 %. En Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, il est compris entre 120 % et 167 %. En revanche, il est inférieur à 100% pour les trois centres pénitentiaires de la Réunion. Face à cette situation préoccupante, des décisions avaient été prises d'agrandissement des établissements existants ou de construction de nouveaux. Compte tenu des contraintes budgétaires, les projets de Basse-Terre, de Baie-Mahault et de Saint-Pierre-de-la-Réunion ont été abandonnés. En effet, le gouvernement a décidé d'affecter en priorité les crédits d'investissement à la poursuite des opérations déjà engagées en mai 2012 et aux mises en conformité les plus urgentes. L'extension du centre pénitentiaire Ducos en Martinique et celle du centre pénitentiaire de Remire-Montjoly en Guyane sont ainsi maintenues. A la Réunion, le centre de détention du Port fait l'objet d'une rénovation des quatre ailes de détention. Enfin, d'importants travaux d'extension porteront la capacité d'accueil de la maison d'arrêt de Majicavo de 105 à 267 places. Ce projet, estimé à 60,4 millions d'euros, devrait être achevé en 2014 pour une mise en service au premier semestre 2015.

On peut regretter que la livraison de l'ensemble de ces projets intervienne trop tardivement, alors que les conditions de détention ont atteint, dans certains établissements, un seuil inacceptable. En outre, comme l'illustre le cas de Majicavo, les extensions programmées suivent avec retard la hausse des peines d'emprisonnement, ce qui pose le problème de l'exécution des peines prononcées par les tribunaux.

S'agissant de la question de l'immigration illégale, on constate que leur situation économique rend les DOM attractifs pour leurs voisins. Toutefois, les spécificités géographiques de la Guyane et de Mayotte y accentuent la pression des migrations clandestines exceptionnellement élevée et la mise en place de politiques de contrôle plus difficile. En Guyane, la population immigrée clandestine serait comprise entre 30 000 et 60 000, voire 80 000 personnes, soit de l'ordre 25 % de la population. Pour Mayotte, cette population s'élève entre 50 000 à 60 000 personnes, ce qui représente environ un tiers de la population officielle. La Guadeloupe est touchée dans une moindre proportion : 10 000 à 20 000 personnes en situation irrégulière, équivalant à 2,5 % de la population. La Martinique et la Réunion sont moins concernées.

Une politique active de reconduite à la frontière a été mise en place depuis dix ans, qui s'est traduite en Guyane, en 2010, par un record de 9 000 reconduites contre 4 000 en 2002. A Mayotte, il y en a eu 26 405 en 2011, soit 50 % de l'objectif national ! En dix ans, c'est l'équivalent de la population mahoraise qui aurait été expulsé. Les chiffres officiels sont faussés par les réitérants, c'est-à-dire les personnes qui, après avoir été reconduites à la frontière, reviennent sur le territoire dont elles ont été expulsées. En Guyane, il est facile de revenir après une expulsion de l'autre côté du fleuve, à Albina pour un Surinamien ou à Oiapoque pour un Brésilien.

Sans renoncer à toute régulation de l'immigration, il convient de la coupler avec des politiques de coopération régionale, actuellement trop peu développées. Afin de réduire les flux d'immigration illégale, mieux vaut en effet aider les pays d'origine et les faire bénéficier de nos savoir-faire pour améliorer leur niveau de vie.

Après ce tour d'horizon, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits proposés par le PLF pour 2013.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il est tout à clair qu'il faut une politique plus active et plus vigilante en matière d'immigration clandestine. Je demeure à cet égard préoccupé par les relations entre les Comores et Mayotte. Nous avons reçu M. Christnacht et avons demandé à l'être par MM. Fabius et Valls. Il faudrait que cette politique se concrétise, que notre pays se dote de mesures de contrôle de cette immigration plutôt que se contenter de constater les dégâts, parfois tragiques.

Comment sera mis en oeuvre le projet de loi sur la régulation économique outre-mer ? Qu'attendez-vous précisément, dans les mois qui viennent, en matière de maîtrise des prix ? Nos compatriotes ultramarins souhaitent des effets concrets.

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - Déjà, au cours de notre mission à Mayotte et à la Réunion, nous avions constaté que dépenser 50 millions d'euros chaque année pour reconduire chez eux des personnes qui reviennent quelques jours après n'avait pas de sens. Aussi, avions-nous souhaité une réflexion avec les Comores sur une politique de coopération. A l'époque, on nous avait indiqué qu'elles étaient réticentes. Il semble que l'esprit des dirigeants soit en train d'évoluer et qu'un dialogue serait désormais possible. Nous avons bon espoir que les deux parties acceptent des mesures de bon sens. Les raisons de cette immigration sont connues ; elles tiennent au niveau de vie, à la santé et à l'éducation. Les actions de coopération régionale à entreprendre sont classiques. Nous devons créer les conditions de développement sur les îles d'origine des immigrés, afin que ces derniers trouvent chez eux ce qu'ils viennent chercher à Mayotte.

Le projet de loi prévoyant une régulation des prix en outre-mer a été adopté par le Sénat, puis à l'Assemblée nationale, et Serge Larcher présentera ce soir les conclusions de la commission mixte paritaire. Le ministre lui-même ne se berce pas d'illusions ; il sait qu'il s'agit là de lutter contre des habitudes, un puissant lobbying, mais aussi une mentalité. Or, il faut du temps pour faire évoluer les esprits, faire prendre conscience, surtout à quelques-uns, que la situation dont ils profitent est préjudiciable à la majorité de la population. Il conviendra également de se donner les moyens d'encadrer, de contrôler et de vérifier les prix. Pour ce faire, les mesures coercitives ne sont pas nécessairement les plus efficaces. Même si dans certains domaines, nous aurons sans doute des résultats rapidement, la ténacité restera de mise. Lorsque le ministre des outre-mer a commencé à présenter ce projet, il a rencontré de très fortes oppositions, mais les tensions commencent à baisser grâce à un travail de pédagogie. Avec de la patience et en allant progressivement, nous parviendrons à éviter des prix injustifiés.

La commission se prononce en faveur de l'adoption de ces crédits.

Loi de finances pour 2013 - Mission « Outre-mer » - Programme « Crédits en faveur des collectivités d'outre-mer, de la Nouvelle Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) » - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Christian Cointat, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Outre-mer »), pour la partie consacrée aux collectivités d'outre-mer, à la Nouvelle Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. - Notre excellent collègue l'a dit, il s'agit d'un « budget de combat » qui s'inscrit, à mes yeux, dans la continuité des budgets présentés par le précédent gouvernement. Je ne puis donc que recommander d'ores et déjà un avis favorable à son adoption.

S'agissant de la défiscalisation, j'ajouterai qu'en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, des mécanismes locaux s'ajoutent aux dispositifs nationaux, ce qui aboutit par cumul des deux à des aberrations où la défiscalisation peut atteindre un coût pour les finances publiques de 110 % du montant du projet.

De surcroît, les magistrats de la Cour des comptes nous ont expliqué que l'Etat pouvait financer à hauteur de 100 un investissement de 70. L'un d'entre eux l'a vérifié en s'adressant à un cabinet de défiscalisation. Quand j'ai naïvement demandé pourquoi on ne ramenait pas la déduction à 70, ils m'ont expliqué que sans bénéfice pour le contribuable, il n'y aurait plus d'investissement. D'où la nécessité de modifier le dispositif, sans doute au moyen de dégrèvements fiscaux en faveur du bénéficiaire de l'investissement, afin d'assurer une rentabilité convenable à son projet. Le responsable d'une chaîne hôtelière internationale en Polynésie m'avait expliqué en 2008 que si un investissement n'avait pas un taux de rentabilité de 4%, il n'était pas autorisé à le réaliser. Je rejoins tout à fait Félix Desplan : si l'apport financier de la défiscalisation est nécessaire, d'autres modalités pourraient être définies lorsque la rentabilité du dispositif n'est pas optimale.

A l'occasion de plusieurs missions de la commission des lois - y compris récemment à Mayotte et à la Réunion - nous avons réalisé qu'hors de la coopération régionale, il n'y avait point de salut. Il existe un ambassadeur thématique pour l'Océan Pacifique, un pour l'Océan indien, et un pour l'Océan Atlantique, lequel n'est curieusement pas compétent pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces ambassadeurs peuvent jouer un rôle considérable dans le développement économique à condition qu'on leur donne les moyens et qu'ils soient en situation d'exercer leurs missions. Or leurs moyens sont dérisoires, pour ne pas dire indécents, et ils résident à Paris. Quoique cette localisation facilite les rencontres avec les ambassadeurs des pays concernés, ils ne sont pas dans l'ambiance. Nous devrions conforter leurs moyens. La compétence de l'ambassadeur chargé de l'Atlantique devrait en outre recouvrir Saint-Pierre-et-Miquelon. Cela éviterait la situation aberrante où il traite de coopération régionale avec le Québec pour les départements français des Amériques sans prendre en compte Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour les collectivités d'outre-mer, la possibilité de disposer d'une représentation dans un poste diplomatique et consulaire est particulièrement importante. La Nouvelle-Calédonie a ainsi déjà installé un délégué à Auckland au sein de l'ambassade de France ; elle réfléchit à l'opportunité de faire de même en Australie, en Papouasie-Nouvelle Guinée, au Vanuatu et à Fidji. Ce coup de fouet donné à la coopération régionale est très prometteur et plus efficace que la formule, coûteuse, des bureaux de représentation. Il convient toutefois de bien respecter l'esprit comme la lettre de la loi : ces délégués doivent être installés dans les représentations diplomatiques et consulaires françaises, car c'est la France qui est concernée.

Un tour d'horizon des collectivités : pour Saint-Pierre-et-Miquelon, il est indispensable de renforcer la coopération régionale avec le Canada.

Saint-Martin connaît d'importants problèmes financiers, parce qu'on lui a donné l'autonomie fiscale ... sans la capacité de recouvrer l'impôt qui lui est dû. Il semble heureusement que les services de Bercy fassent désormais preuve d'une plus grande compréhension à son endroit.

Saint-Barthélemy connaît une bonne situation financière au point de « subventionner » la métropole. Alors qu'en principe, les transferts de compétences s'accompagnent de transferts de charges, ici c'est le contraire : Saint-Barthélemy doit verser de l'argent à l'Etat au motif qu'avec l'autonomie fiscale on lui a aussi transféré un « potentiel fiscal » supérieur à ses besoins financiers. Cela constitue une remise en cause de la liberté fiscale et budgétaire des collectivités. De plus, le traité de rétrocession à la France par la Suède prévoyait que les habitants de Saint-Barthélemy seraient dispensés d'impôt sur le revenu.

En Nouvelle-Calédonie, le secteur du nickel se développe bien, les transferts de compétences se poursuivent... Quant à l'avenir, il reviendra au prochain comité des signataires de l'envisager. En revanche, la situation est alarmante pour la prison de Nouméa. Il est temps que l'Etat, la Nouvelle-Calédonie et la ville de Nouméa aboutissent à une décision. L'essentiel est que l'on dispose le plus vite possible d'un établissement digne de ce nom. Deux options : soit on rénove la prison actuelle, ce qui me semble difficile, soit on en construit une nouvelle, tout de suite.

Je suis très inquiet au sujet de la Polynésie française dont l'économie décline. Le versement à la collectivité d'un reliquat de 34 millions d'euros par l'Etat assurera la trésorerie jusqu'à la fin de l'année. Espérons surtout que les élections de l'an prochain apporteront cinq années de stabilité et que l'économie repartira, d'autant que la Polynésie française dispose d'atouts considérables.

A Wallis-et-Futuna, il faut incontestablement engager le dialogue avec les autorités coutumières et les élus locaux pour aménager le statut actuel, inconstitutionnel au regard de la révision de 2003. Nous ne sommes plus à l'abri d'une question prioritaire de constitutionnalité. Sachons ouvrir le plus vite possible une discussion qui sera longue et devra être menée à son terme.

S'agissant des TAAF, en tant que membre du conseil consultatif de ce territoire, j'ai pu constater un manque de 950 000 euros depuis la création du registre international français et la suppression du « pavillon Kerguelen ». Le budget est bouclé chaque année grâce à un tour de force. Nous arrivons à la fin de l'emprunt souscrit pour l'achat du navire Marion Dufresne qui arrive à son terme en 2014. Cependant, ce bateau commence à vieillir ; il nous faudra le rénover ou le remplacer, ce qui nécessitera un investissement important. Rien n'est prévu au budget 2013, alors que cette opération devra intervenir au plus tard en 2015.

M. René Vandierendonck. - J'émettrai sans surprise un avis favorable. Savez-vous à combien se monte la politique de défiscalisation outre-mer ? A 2,95 milliards d'après la loi de finances pour 2012, soit plus que les crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durable ». J'ai en tête les échanges à l'Assemblée nationale entre le rapporteur général de la commission des finances, M. Christian Eckert, et le ministre des outre-mer, Victorin Lurel. Ce dernier a rappelé le maintien du plafond de dépense fiscale décidé par le Premier ministre en raison de la fragilité de ces économies. J'aimerais toutefois que le rapport de l'Inspection générale des finances nous soit distribué, et que nous puissions, avec nos collègues d'autres commissions, travailler à optimiser ces dépenses, à les rendre plus productives. Nos deux rapporteurs seront-ils associés aux réflexions annoncées par M. Cahuzac ? Lorsque vous reviendrez devant nous l'an prochain j'aimerais que ce soit pour nous présenter une meilleure façon d'utiliser ces montants.

M. Gaëtan Gorce. - Je m'interroge depuis des années sur ces dispositifs de défiscalisation. Par exemple, en Nouvelle-Calédonie, on encourage davantage la spéculation ou la rente qu'un véritable développement. Les salaires bonifiés des fonctionnaires s'y ajoutant, l'on aboutit à une économie protégée et inflationniste où il est particulièrement difficile de vivre lorsque l'on ne bénéficie pas de ces rémunérations. Si, pour des raisons d'urgence, ces questions ne sont pas examinées cette année, il ne sera pas possible de s'exonérer plus longtemps d'une réflexion sur la façon dont la République a conçu ses politiques de développement dans ces territoires. Je ne demande pas que l'on retire ces milliards mais qu'ils soient utilisés dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une plus grande égalité.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. - En effet, la défiscalisation n'apporte pas la rentabilité attendue. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris le mécanisme qu'a décrit la Cour des comptes, mais j'en retiens qu'un investissement de 70 donnait droit à une déduction fiscale de 100, parce que sans incitation fiscale, les investisseurs ne viendraient pas outre-mer. Or le ministre des outre-mer nous a bien dit combien l'outre-mer en avait besoin.

Le montant global de l'effort de l'État pour l'outre-mer est de 17 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 3 milliards de défiscalisation. Ces 17 milliards sont nécessaires, ils doivent également être utiles. Malgré des indicateurs de performance plus précis, je ne sais toujours pas si la prise en charge par l'État des charges sociales pour diminuer le coût du travail est efficace ou non. Nous ne ferons peut-être pas en une année tous les progrès nécessaires. La réponse du ministre sur l'amendement de M. Eckert a été sans appel... pour 2013. Pourtant, à droite comme à gauche, nous pouvons nous accorder sur l'idée que l'argent doit être mieux utilisé. Comme le disait Alphonse Allais, il faut demander plus à l'impôt, et moins au contribuable, c'est-à-dire donner une meilleure rentabilité à l'argent public.

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - Nous avons bien connu certains travers de la défiscalisation : à Saint-Martin, de nombreux hôtels ont été construits à la faveur de ces dispositifs sans étude de marché préalable : ils n'ont jamais servi. Certains ont acheté des bateaux, abus plus manifeste encore. C'était une manne dont les plus malins profitaient par appât du gain. Les contrôles ne suffisent pas encore.

Ne pourrait-on pas financer le développement de l'outre-mer sans s'exposer à de tels abus ? C'est toute la réflexion à avoir. Le ministre nous a promis de faire établir dans six mois un rapport sur la défiscalisation. Sur cette base, nous pourrions, en préparant le budget 2014, orienter le financement du développement de l'outre-mer vers d'autres pistes, qui coûtent moins à la Nation. Je souhaite être associé à ce travail, car, tout en défendant les intérêts des outre-mer, je me sens, comme nous tous, comptable de l'usage des deniers publics.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. - Le budget a quatre missions essentielles : subvenir aux besoins de l'État, assurer la solidarité nationale, procéder à une redistribution des moyens et inciter les citoyens à faire des dépenses utiles à tous. La défiscalisation correspond à la quatrième de ces missions. Encore faut-il maîtriser la dépense ainsi générée : en Guadeloupe, par exemple, la défiscalisation a provoqué une surcapacité en matière de transport. Bien contrôlée, la défiscalisation peut être bénéfique. Trop souvent, l'on défiscalise plutôt que d'inscrire des crédits au budget en faveur de l'outre-mer, ce qui demande plus d'autorité. Tant que le ministre n'aura pas autorité sur l'ensemble des dépenses relatives à l'outre-mer, il y aura malheureusement des pertes en ligne. J'espère que nous pourrons les limiter d'ici l'an prochain.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - S'agissant des ambassadeurs thématiques, j'ai voté l'amendement proposé par une de nos collègues en séance : dans cette période d'économies, est-il nécessaire d'ajouter aux services diplomatiques une flopée d'ambassadeurs à l'intitulé parfois si général, voire flou, qu'on se demande si leur affectation, d'ailleurs assez problématique sinon virtuelle, répond à une réelle nécessité ? Même si certains assurent des missions transversales que vous avez évoquées, il faut faire preuve de rigueur et renoncer à récompenser par ce type de poste des services rendus...

M. Gaëtan Gorce. - ... ou l'absence de services rendus !

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. - Nous y avons réfléchi, et avons entendu les trois ambassadeurs chargés de la coopération régionale. Utiles dans leurs fonctions, ils ont besoin de plus de moyens. Nous nous sommes demandé si l'on ne pourrait pas confier ce rôle à l'un des ambassadeurs de France dans les Caraïbes, aux Comores ou à Madagascar, etc. En outre, l'on aurait pu imaginer que l'ambassadeur pour l'océan Indien soit en poste à Saint-Denis de la Réunion. Cependant, il s'agit essentiellement d'une tâche de coordination, mais liée à la République française, à ses départements et collectivités d'outre-mer. Ils nous ont toutefois paru plus utiles que d'autres ambassadeurs thématiques, et l'on devrait revoir leur situation et leurs moyens.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous avez plaidé avec talent, pour les trois ambassadeurs en question ; il en existe plus de vingt, aux intitulés divers et variés.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. - Je ne les connais pas ! Sauf celui qui s'occupe des pôles.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - M. Rocard est extrêmement actif et travaille beaucoup. Il reste une quinzaine de postes : des économies sont possibles.

La commission adopte à l'unanimité un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Vérification du droit au séjour et délit d'aide au séjour irrégulier - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission

Article 6

M. Jean-Pierre Sueur, président. - M. Leconte a annoncé qu'il était favorable à l'amendement n° 39 déposé par le Gouvernement.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Cet amendement rappelle que le délit de maintien irrégulier est constitué si la personne se maintient sur le territoire une fois que l'ensemble des mesures dont dispose l'administration pour assurer la bonne exécution d'une décision de reconduite à la frontière ont été régulièrement et complètement exécutées. Je n'ai pas le sentiment qu'il apporte grand chose. Et nous faire parvenir au dernier moment un amendement que nous avions évoqué il y a quinze jours nous oblige à bouleverser l'ordre du jour : ce procédé mérite que nous le rejetions. Avis défavorable.

M. René Vandierendonck. - Je le demande avec crainte et révérence, mis à part les légitimes susceptibilités procédurales qu'il peut froisser, cet amendement n'apporte-t-il pas d'utiles précisions rédactionnelles ? Mais je ne veux pas aller contre le rapporteur ...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Vous allez m'obliger à changer d'avis ... Il est vrai que cet amendement précise, enfin, des dispositions sur lesquelles nous interrogions le ministère depuis un mois. Cependant, le procédé me paraît déplacé, et j'ai le sentiment que nous avions répondu à la question par la disposition que nous avions votée il y a quinze jours. Quelles sont les diligences dont il est question et quand sont-elles accomplies... « régulièrement » ? On attend de l'administration qu'elle agisse régulièrement. Je peux m'en remettre à la sagesse de la commission, car je ne souhaite pas cautionner ce type de procédé. Le ministre pourra expliquer sa rédaction en séance.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il est vrai que le « régulièrement » est troublant...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Ce terme vise les situations dans lesquelles le juge des libertés et de la détention aurait remis en liberté un étranger au motif que les conditions dans lesquelles il aurait été retenu n'auraient pas été satisfaisantes. Mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39.