COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

Mardi 4 décembre 2012

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement

La commission mixe paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement s'est réunie au Sénat le mardi 4 décembre 2012.

Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son Bureau qui a été ainsi constitué :

M. Raymond Vall, sénateur, président ;

M. Jean-Paul Chanteguet, député, vice-président ;

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat ;

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je tiens à rendre hommage au travail du Sénat. Le fait qu'il ait voté ce texte à l'unanimité et qu'une très large majorité l'ait adopté à l'Assemblée nationale laisse espérer une issue positive à cette réunion. Deux points appellent encore réflexion : le forum électronique et les gaz de schiste.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Ce texte, qui répondait à une urgence, est un texte a minima en matière de participation - nous aurions d'ailleurs aimé aller plus loin en la matière afin de rester fidèles à son esprit. Nous nous sommes efforcés d'assortir le principe de participation d'un principe d'information. Nous avons en outre enrichi le texte avec la publicité des permis d'exploration des gaz de schiste et amélioré la sécurité juridique des associations de protection de l'environnement ainsi que le droit à l'information. Personne n'a cherché à dénaturer ni à rejeter ce texte : les bases d'une discussion positive sont posées.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau)

La commission mixte paritaire a adopté l'article 1er A dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 1er

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Le premier sujet de discussion porte sur la mention, prévue par le Gouvernement mais supprimée par l'Assemblée nationale, du caractère non technique des décisions destinées au public. Pour rendre l'information utile au plus grand nombre, il est pourtant utile de préciser qu'elle ne sera pas rédigée en langage technocratique, d'où la proposition de rédaction n° 1.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Nous partageons votre souci de vulgarisation. Si l'on comprend bien ce que « technique » signifie, la notion de « non technique » est difficile à saisir. Nous en avons cependant conservé l'idée en proposant que la note de présentation précise les objectifs du projet...

M. Michel Teston, sénateur. - ... ainsi que son contexte.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - L'un n'exclut pas l'autre. Ce sont deux sujets parallèles.

M. Michel Teston, sénateur. - Ne pourrait-on pas concilier les deux approches en indiquant que la note précise de façon explicite les objectifs et le contexte du projet ?

M. Raymond Vall, sénateur, président. - Nous sommes, sur le fond, d'accord avec ces deux modifications.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Cette notion de « non technique » me semblait pourtant claire.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - Peut-être pourrait-on la remplacer par « intelligible ».

M. Gérard Cornu, sénateur. - Il est vrai que « non technique » manque de précision, même si l'on voit bien ce que vous voulez dire.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Ce n'est pas nous, c'est le projet de loi initial qui l'indiquait.

Mme Évelyne Didier, sénatrice. - Tout le monde veut que ce soit intelligible pour le citoyen. Il s'agit d'employer un langage courant, accessible à tous, même si le mot n'est pas très juridique. Nous pourrions au moins nous exprimer en ce sens lors du débat en séance publique.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Il est quand même gênant d'utiliser une notion peu claire alors que nous voulons une meilleure information. Notre rédaction est plus précise.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Les deux sujets sont indépendants : la disparition des mots « non technique » n'est pas compensée par la mention des objectifs.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Nous pouvons préciser que la note a un caractère général.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Attention, cela s'oppose à la précision. Les objectifs constitutionnels sont la clarté, l'accessibilité, l'intelligibilité. Remplaçons l'expression « non technique » par le terme « intelligible ».

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Une note de présentation, par nature, est « intelligible » et « non technique ». Inutile de le préciser. En revanche il convient de citer le contexte avant les objectifs. Restons-en à une rédaction générale.

Mme Laurence Abeille, députée. - Il faudrait ajouter que la note est « accessible ».

M. Florent Boudié, député. - Ce serait plus clair. De plus cette notion s'inscrit d'un point de vue juridique dans la perspective de l'accès au droit.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Attention l'accessibilité peut s'entendre dans un double sens : intellectuel mais aussi matériel.

M. Florent Boudié, député. - La confusion n'est pas possible dans la mesure où il est indiqué que la note précise les objectifs et le contexte.

Mme Valérie Lacroute, députée. - Je propose la rédaction suivante : « accompagnée d'une note de présentation générale précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet ».

M. Raymond Vall, sénateur, président. - La qualification « non technique » est-elle abandonnée ?

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Les mots « non technique » figuraient dans le texte du Gouvernement. Je n'assumerai pas devant les associations la responsabilité de leur retrait.

M. Michel Teston, sénateur. - Soyons précis sans utiliser des termes difficiles à définir. Une note non technique ? Je comprends l'intention, mais que recouvre cette notion ? Essayons de garder l'esprit de cette proposition de rédaction.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - La proposition de rédaction n° 1 prévoit de revenir à la rédaction du Gouvernement en précisant que la note est « non technique ».

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction n° 1.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je propose de rectifier la proposition de rédaction n° 2, afin de préciser dans la première phrase qu'une note de présentation « générale » est mise à disposition du public...

M. Gérard Cornu, sénateur. - ...« précisant le contexte et les objectifs ».

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - « Général » s'oppose à « précis ». Ce n'est pas mieux.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - La rédaction proposée devient : « une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs ».

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 2 ainsi rectifiée.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - La proposition de rédaction n° 3 reprend une rédaction qui avait été rejetée en séance, sur l'affichage dans les mairies concernées et en préfecture.

Mme Évelyne Didier, sénatrice. - Je souhaite que les élus puissent être informés du lancement d'un projet concernant leur territoire. Comment les citoyens seront-ils au courant si les élus ne le sont pas ?

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La liste des consultations prévues pour les projets nationaux est publiée tous les trois mois par voie électronique. Il est donc possible d'être informé. Cette proposition de rédaction est déjà satisfaite.

Mme Évelyne Didier, sénatrice. - On fait semblant...

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Une publication périodique ne supprime pas la nécessité d'une démarche volontaire pour consulter le projet. Certes, l'Assemblée nationale a également prévu que le projet est « sur demande, mis en consultation dans les préfectures et les sous-préfectures » ; partant, la commune, qui en aurait eu vent, pourra demander qu'une version papier soit consultable. Cependant, le problème demeure : comment la commune aura-t-elle été informée ? Le Gouvernement a indiqué qu'il était compliqué d'assurer la publicité d'un arrêté préfectoral dans toutes les communes. Il est en effet parfois difficile d'identifier le territoire concerné par l'arrêté. Cela crée des risques de contentieux. C'est pourquoi l'amendement n'avait pas été adopté.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Il était source d'insécurité juridique.

Mme Évelyne Didier, sénatrice. - Il ne faudrait pas qu'au nom de la sécurité juridique, on ne puisse pas informer les citoyens. Pourquoi ne parvenons-nous pas à inscrire le principe d'information dans les textes ?

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction n° 3.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - La proposition de rédaction n° 4 de Mme Didier a été débattue et rejetée en séance.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Nous n'avons pas changé d'avis.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - De même.

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction n° 4.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - La proposition de rédaction n° 5 prévoit la transmission aux conseils municipaux des projets de décision les concernant et leur octroie un délai d'un mois pour rendre un avis.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. -L'amendement a été examiné en séance, notre position est identique.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - De même.

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction n° 5.

La proposition de rédaction n° 6 est retirée.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - La proposition de rédaction n° 7 rétablit l'alinéa inséré par le Sénat et supprimé par l'Assemblée nationale rendant les observations sur un projet de décision accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - J'étais à l'origine de cet amendement. Il s'agissait de donner plus d'ambition au texte, en particulier dans le domaine de l'information. Pour faire vivre la participation du public, le projet de loi a choisi une méthode verticale : l'administration présente le texte au public qui lui délivre ensuite ses observations. Nous avons proposé que ces observations, qui proviennent souvent d'associations ou de personnes qui ont travaillé sur le sujet, soient accessibles au public. Cela donnerait à la participation un caractère autrement plus interactif. Si le public n'a pas accès à ce que disent les uns et les autres, il y a fort à parier que la parole publique restera la parole dominante sur le sujet.

Nous avons bataillé, davantage d'ailleurs avec les services du ministère qu'avec la ministre que nous avons trouvée plutôt réceptive à cette idée. L'administration a peur de tout, et en particulier de faire partager, sur la même page que la sienne, les observations très pointues d'associations. Je suis désolée que vous ayez renoncé à une disposition qui introduisait un peu d'audace dans un domaine où tout reste à construire.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Nous n'avons pas supprimé cette disposition pour les raisons que vous indiquez. Précisément parce que nous avons beaucoup à faire dans le domaine de la participation, notre souci a été de procéder par étape. J'entends bien votre idée de forum électronique, mais pour être concernée par la problématique du gaz de schiste, j'en sais les risques, notamment en matière pénale. L'administration doit se prémunir. Votre idée nous plaisait, car nous sommes tous d'accord pour faire avancer le plus rapidement possible la participation du public ; aussi, après plusieurs réunions, avons-nous imaginé de la traduire, à l'article 1er bis A, par une expérimentation de dix-huit mois, après laquelle on verra s'il faut aller plus loin qu'avec un simple forum électronique.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - La suppression par l'Assemblée nationale de l'alinéa 7 résulte d'un amendement du Gouvernement qui a fait preuve de cohérence dans les deux assemblées. Je ne soupçonne personne ; simplement l'administration est réticente, et pour de mauvaises raisons. Si l'on craint une responsabilité pénale du type de celle des organes de presse, notamment du fait de diffamations ou d'insultes, je ne suis pas hostile à libérer l'administration de cette responsabilité, voire même à ce qu'on mette en place un modérateur.

Le plus important, ce sont les restrictions prévues à l'article 1er bis A : « à titre expérimental et pour une durée de dix-huit mois », et « sur certains projets de décrets et d'arrêtés ministériels » : non seulement la consultation des observations du public est conçue à titre expérimental, mais son champ est extrêmement restreint. Seuls quelques décrets et arrêtés ministériels seront concernés. Lesquels ? Nous voilà laissés à l'arbitraire de l'administration. Je comprends bien la frilosité de l'administration, moins celle du Parlement.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - La formule proposée par le Sénat avait l'avantage de la clarté et de la simplicité. Le Gouvernement nous renvoie déjà à une ordonnance ; l'amendement de l'Assemblée nationale lui laisse la porte ouverte : c'est lui qui déterminera par décret les projets concernés. Quant aux rapports, on sait ce qu'ils deviennent...

M. Michel Teston, sénateur. - Je suis favorable à la proposition de rédaction de Mme Rossignol. La disposition votée à l'Assemblée nationale, malgré sa pertinence, est limitée dans le temps comme dans son champ d'application. Prenons nos responsabilités : nous pouvons nous dispenser d'une phase d'expérimentation en mettant en place, dès à présent, un dispositif rendant accessible, par voie électronique, les observations faites sur un projet de décision. Car comme mon collègue Tandonnet, je m'interroge sur l'issue de l'expérimentation. Il ne faudrait pas que le rapport du Gouvernement soit l'occasion d'enterrer la publicité des observations.

M. Martial Saddier, député. - L'amendement a été discuté dans un esprit de compromis et de reconnaissance de l'important travail réalisé par le Sénat. Un autre argument plaide en faveur de l'expérimentation. Nous l'avons fait dire à la ministre en séance publique, son coût serait porté par l'État, sur des projets d'État, de façon à ce qu'au terme des dix-huit mois, nous connaissions le coût de la concertation pour les porteurs de projets.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - Le Sénat avait souhaité que la consultation ne prête pas à suspicion. Si l'administration consulte souvent, il n'est pas toujours possible d'avoir accès aux informations. Nous voulons une procédure loyale et transparente. Ce n'est pas une affaire de coût.

M. Florent Boudié, député. - Le rapport de synthèse sera toujours consultable. Nous parlons ici de la création d'un forum participatif. La question du coût se pose néanmoins, et elle justifie un périmètre d'expérimentation relativement restreint.

Si nous adoptons cette proposition de rédaction, nous devrons supprimer l'article 1er bis A qui crée un garant. Or il s'agit d'une revendication de longue date des associations, qui a fait l'objet d'un vote unanime au sein de notre commission ainsi que dans l'hémicycle. On ne peut réclamer la création d'un forum participatif et se prononcer contre la nomination - fût-elle expérimentale car il faut bien faire des compromis - d'une personnalité qualifiée, indépendante, qui veillera à l'impartialité de la procédure de consultation et du rapport de synthèse. C'est l'une des avancées majeures de ce projet de loi.

Mme Fanny Dombre-Coste, députée. - Je partage votre avis sur la difficulté pour l'administration de répondre à ce besoin de participation, qui dépasse le seul droit à l'information et les outils classiques de consultation. Nous n'étions d'abord pas favorables à la proposition du Gouvernement d'une expérimentation, car nous partageons l'objectif d'une participation pleine et entière du public. L'administration étant dépourvue de cette culture de participation, une phase d'expérimentation peut se révéler nécessaire afin de la faire évoluer dans le bon sens. S'en passer, c'est s'exposer à l'échec.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - L'argument du coût ne me convainc pas. Dans la nouvelle formulation, la synthèse est confiée à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale du débat public : le coût dépasse forcément celui de la simple mise à disposition des observations. C'est cette personnalité qualifiée que vous appelez garant ?

M. Florent Boudié, député. - En effet.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Ce terme ne figure pas dans l'article. Je crains que cette disposition modifie complètement la portée du texte : si l'on veut confier la synthèse à un garant, il faut le dire clairement.

M. Florent Boudié, député. - Le terme de garant n'étant pas une notion juridique, il ne faut pas s'attendre à le retrouver dans le texte.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Le terme existe pourtant dans le débat public.

M. Florent Boudié, député. - Certes. Le texte parle de personnalités qualifiées. Et pour des raisons de coût, cette disposition est aussi expérimentale.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Autant dire que le texte ne vaut pas grand-chose.

M. Florent Boudié, député. - C'est le fruit de compromis : la désignation d'une personnalité qualifiée faisait l'objet d'une forte demande, et nous avons trouvé cette forme expérimentale afin de convaincre le Gouvernement. Voilà une avancée très importante.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Deux limites sont dénoncées : d'une part, la durée d'expérimentation de dix-huit mois ; d'autre part, les pouvoirs donnés au Gouvernement. La proposition de rédaction n°13 que j'ai déposée élargit le champ du dispositif aux arrêtés préfectoraux : c'est une manière de dépasser la seconde limite. Quant à la limite temporelle, je propose, par un sous-amendement à la proposition de rédaction n° 7, qu'au terme de la phase expérimentale de dix-huit mois, on en revienne au mécanisme que vous aviez adopté au Sénat.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Je ne suis pas convaincue par le mécanisme d'expérimentation. Au-delà, je suis absolument réticente à ce que seuls le Gouvernement ou les préfets décident des projets qui seraient soumis au régime de cet article. En effet, dans votre rédaction, les actes administratifs qui bénéficient de la contribution du public et de la garantie offerte par la personnalité qualifiée seront choisis par l'administration, qui ne les tirera pas au sort... Pour tous les autres, il n'y aura ni garant, ni consultation du public. Et, comme la mission du garant a un coût, supérieur à ce qui est nécessaire pour ajouter des contributions sur une page web, l'autorité administrative sera tentée de faire cette sélection en fonction de son budget.

Nous ne discutons que d'une partie du projet de loi : nous avons accepté tout le reste. Nous ne détricotons nullement votre texte. Nous n'avons pas la même conception de l'exigence de participation du public, dont acte. Nous défendons l'idée que le public est lui-même expert et en capacité d'apporter de l'information au public.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Rassurez-vous, nous ne sommes pas venus à cette commission mixte paritaire avec une balance pour mesurer les dispositions adoptées ou rejetées... Nous n'avons sans doute pas la même conception de la participation. Vous avez parlé de frilosité, nous parlons plus volontiers d'ambition, car il s'agit d'une démarche nouvelle, que nul n'avait entreprise. Ce texte offre une opportunité de passer au niveau supérieur en matière de participation du public, et nous avons l'intention d'aller jusqu'au bout de cette logique.

Mme Laurence Abeille, députée. - Votre proposition de rédaction reliant le dispositif d'expérimentation avec celui proposé par Mme Rossignol signifierait-elle qu'une fois l'expérimentation terminée, le mécanisme défendu par Mme Rossignol s'appliquerait ?

M. Florent Boudié, député. - Pourquoi ne pas raccourcir le délai de dix-huit mois ? Élargir le champ d'application et raccourcir la période de transition, voilà les éléments d'un bon compromis.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - La restriction du champ du dispositif, plus que tout autre aspect, me pose problème : le législateur se dépouille étonnamment de ses compétences pour laisser l'administration déterminer au cas par cas le champ de l'article qu'il a voté - c'est l'arbitraire total !

M. Jean-Paul Chanteguet, député, vice-président. - C'est fréquent.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - J'ai sans doute tort de n'avoir pas une confiance absolue dans l'enthousiasme participatif de l'administration...

M. Jean-Paul Chanteguet, député, vice-président. - Nous votons la loi, pas le règlement.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Deuxième interrogation : après dix-huit mois, vous proposez que l'on en revienne à la proposition du Sénat, c'est-à-dire que le champ soit élargi automatiquement, sans qu'il soit besoin de repasser devant le Parlement.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Une autorité administrative n'a pas besoin d'un texte législatif pour lancer une expérimentation.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Sauf que cela ne s'est encore jamais fait.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Le Gouvernement n'avait d'ailleurs laissé que quinze jours à la consultation. Il a des progrès à accomplir.

Mme Odette Herviaux, sénatrice. - Ancienne élue locale, je crois aux vertus de l'expérimentation. Ce texte contraindra l'administration à renouveler en profondeur son fonctionnement, il sera d'application complexe : donnons-nous dix-huit mois pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. L'Assemblée nationale a voulu que la synthèse des observations du public soit accompagnée d'un document énonçant les motifs de la décision : c'est une obligation très forte. Lorsqu'un plan local d'urbanisme est annulé, c'est dans les trois quarts des cas parce que la décision du commissaire enquêteur n'était pas suffisamment motivée. Sur des sujets aussi difficiles que ceux-ci, nous risquons de voir fleurir les contentieux.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Nous pourrions ajouter au II de l'article premier : « A compter du 1er juillet 2014, les observations déposées sur un projet de décision sont accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision ». Nous maintiendrions ainsi une période expérimentale, et laisserions à l'administration le soin de décider quels textes elle soumet à consultation. Un rapport serait déposé six mois avant la fin de l'expérimentation, et quelles que soient ses conclusions, les observations du public sur toutes les décisions seraient rendues accessibles après cette date.

M. Jean-Pierre Chanteguet, député, vice-président. - C'est ce que proposait Mme Buis.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Dans ces conditions, une expérimentation de dix-huit mois se justifie.

M. Raymond Vall, sénateur, président. - Il s'agit de laisser à l'administration le temps de se familiariser avec une procédure complexe.

M. Michel Teston, sénateur. - Si nous nous rangeons à cette proposition, il faudra modifier le cinquième alinéa de l'article 1er bis A, puisque la question de la généralisation de l'expérimentation ne se posera plus.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - En effet, il faudrait arrêter la phrase à « procédant à son évaluation ».

M. Henri Tandonnet, sénateur. - Le texte sera bancal. Encore une fois, l'administration peut décider à tout moment d'une expérimentation.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Je suis de votre avis, mais efforçons-nous de trouver un compromis. Pour faire du bon travail législatif, il faut d'abord poser le principe de l'accessibilité des observations du public, puis prévoir une période transitoire de dix-huit mois.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 7 ainsi rectifiée.

La proposition de rédaction n° 8 est rejetée.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 9.

La proposition de rédaction n° 10 devient sans objet.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Je n'ai pas déposé de proposition pour revenir sur le principe, introduit par l'Assemblée nationale, de la motivation de tous les actes administratifs relevant du champ du projet de loi. Après tout, c'est le problème du Gouvernement. Le pari n'en est pas moins audacieux : il n'est pas sûr que l'administration ait les moyens de motiver toutes ses décisions. Les spécialistes de droit public que j'ai entendus se sont dits perplexes, mais curieux... Si le Gouvernement s'oppose à ce principe, nous aurons du mal à le défendre, d'autant que le Conseil d'État interdit la motivation par formule récurrente.

M. Florent Boudié, député. - Il n'y a là aucune difficulté, car la procédure est très particulière : les raisons de fait et de droit de la décision feront justement l'objet de la procédure de consultation, et seront rappelées dans le rapport de synthèse.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - On peut craindre cependant une multiplication des contentieux.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 11.

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 1er bis A

La proposition de suppression n° 12 est retirée.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 13 étend le champ de l'expérimentation aux arrêtés préfectoraux.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - C'est inapplicable. Comment désignera-t-on de Paris une personnalité pour consulter le public sur la chasse au colvert en Lot-et-Garonne ?

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Oui, il paraît difficile de désigner un garant du débat public pour chaque arrêté préfectoral entrant dans le champ d'application de la loi.

M. Jean-Pierre Chanteguet, député, vice-président. - Le décret prévu à l'alinéa 4 déterminera à quels textes la procédure s'appliquera.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Il est vrai que seule l'accessibilité des observations du public est de droit à l'issue du délai de dix-huit mois, non la présence d'un garant.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je rectifie ma proposition de rédaction pour apporter la même précision à l'alinéa 4.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 13 ainsi rectifiée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis A dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 1er bis

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Avec ma proposition de rédaction n° 14, je souhaite rétablir l'article 1er bis parce qu'en l'état actuel du code minier, une commune n'est pas avertie de la délivrance d'un permis exclusif de recherches concernant son territoire. Le Gouvernement explique que ce code sera réformé. Peut-être, très probablement, reste que l'examen du projet de loi en conseil des ministres n'interviendra pas en décembre comme prévu. Nous tenons beaucoup à l'adoption de cette disposition transitoire, qui ne préjuge pas des votes à venir.

Mme Évelyne Didier, sénatrice. - Je souhaitais déposer une proposition de rédaction identique, car sans une telle disposition, nous verrons fleurir les opérations d'enfouissement de CO2.

M. Jean-Paul Chanteguet, député, vice président. - A condition de trouver 500 millions d'euros pour chacune.

Mme Évelyne Didier, sénatrice. - J'ai appris incidemment que ma commune était concernée par un projet - l'enquête a eu lieu pendant les mois d'été... Or dans un secteur de mines comme le mien, il y a des failles et le gaz risque de remonter. Il n'est pas normal que les collectivités ne soient pas averties. L'administration n'est pas prête à partager l'information.

M. Alain Houpert, sénateur. - Le CO2 est plus lourd que l'air : il descendra et vous aurez de l'eau gazeuse.

M. Jean-Paul Chanteguet, député, vice président. -Le projet de réforme du code minier a, en effet, pris du retard. Thierry Tuot, le président du groupe de travail, rendra ses premières conclusions fin décembre ; les services rédigeront ensuite le projet de loi que nous pouvons attendre pour mai ou juin 2013. Cependant, mieux vaut éviter d'introduire ce qui s'apparente à un cavalier. Au sujet des permis exclusifs de recherche - qui concernent les hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, et non le stockage de CO2 - le Gouvernement a une position très claire. La plupart des demandes sont aujourd'hui bloquées, et certaines ont été requalifiées en demandes de permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels, c'est-à-dire d'huile ou de gaz de schiste. L'administration est très vigilante, le pouvoir politique aussi. Voilà pourquoi, comme le Gouvernement, nous avons été favorables à la suppression de cet article.

M. Michel Teston, sénateur. - Je ne partage pas cet avis. Pour avoir beaucoup travaillé sur cette question lors de l'examen de la proposition de M. Christian Jacob sur les gaz de schiste, je pense qu'il ne faut pas attendre la réforme du code minier. En effet, celui-ci n'établit pas de distinction entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Si deux des trois permis concernant le Sud-Ardèche ont été retirés, qu'en sera-t-il du permis de la plaine d'Alès ? Son titulaire sera-t-il habilité à engager ultérieurement des recherches ? Insérons dès maintenant cette disposition, la discussion sur la refonte du code minier en sera plus sereine. Nous partageons avec Jean-Paul Chanteguet le même objectif, mais notre approche est différente.

Mme Sabine Buis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - En effet nous partageons la même analyse sur le fond mais divergeons sur la méthode. J'ai constaté, au cours de plusieurs réunions avec des collectifs citoyens à la préfecture de l'Ardèche, que les pouvoirs publics nous renvoyaient à chaque fois à la réforme du code minier. Ne donnons pas une autre solution, attendons ce texte.

Quant au permis d'Alès, les collectifs citoyens seront reçus par le préfet du Gard et Delphine Batho, qui les avait reçus en ma présence, a accepté de diligenter une commission indépendante. Le Gouvernement est prêt à reconsidérer sa position et à admettre qu'il s'agit d'hydrocarbures non conventionnels. Cette réflexion aboutira lors de la refonte du code minier.

Mme Odette Herviaux, sénatrice. - Certes, il est nécessaire que nos travaux soient cohérents avec la réforme du code minier. Cependant, il ne s'agit ici que d'une procédure d'information du public préalable à la délivrance des permis exclusifs de recherche, dont le champ excède le gaz de schiste, et concerne également l'extraction du sable en mer par exemple. Nous avons été vaccinés contre la désinformation.

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Nous sommes d'accord sur le fond. Tout est affaire de tactique juridique. Je ne doute pas de l'ambition du Gouvernement de conduire une réforme du code minier, ni de sa fermeté ; je sais aussi que rien ne vaut que ce qui est écrit dans la loi. Il ne s'agit ici que de la réforme du code de l'environnement, non du code minier. En outre, cette proposition de rédaction, loin de constituer un cavalier législatif, étend le champ d'application du texte. L'inscrire à titre transitoire dans le code de l'environnement n'est pas préjudiciable, et cela aura le mérite de baliser la discussion sur la refonte du code minier. Enfin nous ne mettons en place qu'une procédure d'information pour l'octroi des permis, sans délibérer sur le fond. Il n'y a aucune procédure de participation à ce jour, et il en faut une pour l'article L. 122-1 du code minier.

M. Henri Tandonnet, sénateur. - La délivrance d'un permis exclusif de recherche constitue-t-elle une décision réglementaire ou individuelle, auquel cas elle relève du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, sénatrice, rapporteure pour le Sénat. - Il s'agit d'un acte individuel. C'est pourquoi la proposition de rédaction l'inclut dans le texte.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 14 qui rétablit l'article 1er bis dans la rédaction du Sénat.

Article 1er ter

La commission mixte paritaire maintient la suppression de l'article 1er ter.

Article 2 bis

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 bis dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 4

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 6

La commission mixte paritaire adopte l'article 6 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 7

La commission mixte paritaire adopte l'article 7 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 8

La commission mixte paritaire adopte l'article 8 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 8 bis (nouveau)

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 16 puis l'article 8 bis dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 9

La commission mixte paritaire adopte l'article 9 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 10 (nouveau)

La commission mixte paritaire adopte l'article 10 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement.

Jeudi 6 décembre 2012

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme s'est réunie au Sénat le jeudi 6 décembre 2012.

La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président, M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président, M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur pour le Sénat, Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Je propose à Mme le rapporteur Bechtel de présenter les modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte adopté par le Sénat.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'Assemblée nationale n'a pas modifié l'article 1er.

À l'article 2, qui rend possibles les poursuites, en France, des auteurs de délits terroristes commis à l'étranger, notre commission a substitué à la notion de « personne titulaire d'un titre de séjour » celle, plus large et déjà connue de notre droit pénal, de « personne résidant habituellement sur le territoire français ». Il s'agit d'éviter une non-application aux citoyens européens, qui résident en France sans titre de séjour.

La commission des Lois de l'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de M. Éric Ciotti, un article 2 bis A nouveau qui mentionne expressément le chantage dans la liste des infractions pouvant être qualifiées d'actes de terrorisme. Le chantage est contenu dans la notion d'extorsion. C'est un amendement que je qualifierais de pédagogique...

La commission a supprimé l'article 2 bis, introduit par le Sénat, qui crée une incrimination spécifique de recrutement en vue de participer à un groupement terroriste ou de commettre un acte terroriste. Les auditions ont fait apparaître qu'une telle incrimination risquait d'affaiblir la définition d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

En séance publique, l'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative du groupe SRC, un article 2 quater A qui aligne les conditions d'indemnisation des victimes du terrorisme sur le droit commun, comme le souhaitaient les associations de victimes.

Sur proposition du gouvernement, elle a introduit des articles 2 quater, 2 quinquies et 2 sexies pour faciliter le gel des avoirs financiers, en étendant l'application des dispositions existantes aux personnes qui incitent à des actes de terrorisme, en autorisant la publication sous forme de simples extraits des décisions de gel des avoirs, en prévoyant la communication d'informations couvertes par le secret bancaire.

À l'article 3, notre commission est revenue sur la restriction du dispositif de la commission d'expulsion aux seuls cas d'activités à caractère terroriste, afin de rester dans la logique du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Nous avons toutefois maintenu la possibilité, pour la commission d'expulsion, d'accorder un nouveau délai en cas de motif légitime, ce qui était l'un des apports majeurs du Sénat, mais avons souhaité que les délais soient fixés par décret en Conseil d'État.

La commission a rétabli l'article 5, supprimé par le Sénat, qui ratifiait l'ordonnance du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure. Un amendement du gouvernement est venu compléter la rédaction.

Enfin, en séance publique, l'Assemblée nationale a introduit un article 6 bis créant deux mentions nouvelles : « mort pour le service de la Nation » et « victime du terrorisme ». J'imagine qu'elles donneront lieu à débat.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Ce texte a fait l'objet de modifications importantes à l'Assemblée nationale, avec notamment plusieurs enrichissements suggérés par le gouvernement. Le résultat est un texte assez différent de celui qui a été voté par le Sénat.

À l'article 2, l'Assemblée propose de revenir à la formulation « résidant habituellement sur le territoire français ». Soit...

L'article 2 bis A insère le mot « chantage », dans un but que vous qualifiez de pédagogique. Je n'en vois pas trop l'intérêt, il faudra en débattre.

Nous considérons que l'article 2 bis, qui créait une incrimination pour le recrutement, améliorait le texte. Le Sénat maintient sa position.

À l'article 2 quater A, les modifications proposées ne posent pas problème.

Les articles 2 quater, 2 quinquies et 2 sexies nouveaux sont des enrichissements dus à Bercy... Il n'en avait été nullement question devant le Sénat... Nous acceptons ces ajouts, en soulignant toutefois qu'il s'agit d'une extension importante des pouvoirs de l'administration.

Sur l'article 3, le débat reste pendant, tant sur le champ d'intervention de la commission d'expulsion que sur le renvoi au décret en Conseil d'Etat pour le délai.

Sur l'article 5 de ratification, le Sénat maintiendra sa position.

Quant aux deux nouvelles dispositions créant les mentions « mort pour le service de la Nation » et « victime du terrorisme », elles méritent également que nous en débattions, au moins pour améliorer la rédaction.

Article 2

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 bis A

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Je suis réservée sur cet article qui certes ne mange pas de pain, comme on dit, mais alourdit inutilement le droit. Dans le code pénal, le chapitre « Extorsion » couvre l'extorsion proprement dite mais également le chantage.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Je partage cette observation. Nous avions eu nous aussi ce débat au Sénat et avions considéré comme redondant de viser spécifiquement le chantage, couvert par la notion d'extorsion.

La commission mixte paritaire supprime l'article 2 bis A.

Article 2 bis

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - L'Assemblée nationale a supprimé cet article. Il ressortait en effet des auditions que cette incrimination ne sert à rien et risque d'affaiblir l'incrimination actuelle d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme. Plus large et plus souple, celle-ci permet de saisir les personnes à divers stades.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Cet article a été introduit sur amendement de MM. Hyest et Mercier. Il s'agit de viser les actes de recrutement quand ils ne sont pas suivis d'effets. Ces agissements ne sont pas réprimés dans le droit actuel.

M. Michel Mercier, sénateur. - Nous avons déposé cet amendement après avoir rencontré des magistrats, qui ont regretté l'absence d'incrimination quand les faits ne sont pas suivis d'un acte de terrorisme. L'acte de recrutement est en lui-même un délit pénal qu'il faut sanctionner. L'incrimination d'associations de malfaiteurs ne répond pas à tous les cas. Nous maintenons notre position.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Nous souhaitons tous que la loi soit la moins bavarde possible ; je connais la vigilance de M. Mercier en la matière. En l'espèce, la provocation publique à commettre des actes de terrorisme est déjà incriminée dans la loi du 29 juillet 1881. Le recrutement et l'entraînement relèvent soit de l'association de malfaiteurs, soit du nouvel article 113-13 du code pénal. Enfin, les articles 421-1 et 312-10 du même code répriment déjà le fait de menacer, d'exercer des pressions ou un chantage. Les magistrats antiterroristes nous ont dit ne pas souhaiter trop de précisions : plus une définition est large, plus elle est efficace. Écoutons les praticiens et ne surchargeons pas le texte.

M. Alain Anziani, sénateur. - Le texte adopté par le Sénat est plus précis. Prenez le cas de quelqu'un qui propose un cadeau : est-il couvert actuellement ? Je ne vois pas en quoi cette nouvelle incrimination affaiblirait le délit d'association de malfaiteurs. Mieux vaut anticiper, d'autant que le principe d'opportunité des poursuites demeure. Le parquet peut choisir d'attendre, s'il cherche à « remonter » une filière.

M. Guillaume Larrivé, député. - Je trouve l'argumentation de M. Mercier tout à fait pertinente et ferai donc entendre une voix discordante au sein de la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Le texte du Sénat couvre les cas en amont de l'incrimination actuelle d'association de malfaiteurs : il est adapté à ce que nous visons, et n'affaiblit pas l'incrimination actuelle.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Je remercie les intervenants pour leurs observations pertinentes. Seul l'argument de viser les cas « en amont » ne tient pas : pour cela, nous avons les services d'enquête, auxquels il faut laisser le maximum de souplesse. Les incriminations actuelles sont-elles suffisamment précises ? Dès lors que rien n'est laissé hors du champ des possibilités de poursuite, il n'y pas lieu de donner trop de précisions.

Il serait malvenu de préciser davantage la notion d'association de malfaiteurs. Les promesses, dons et autres incitations au terrorisme peuvent déclencher une surveillance des services, voire des poursuites pénales sous le chef de l'association de malfaiteurs. Le nouvel article 113-13 couvrira également les délits commis à l'étranger. Bref, les mailles du filet sont suffisamment fines : nous pouvons attraper toutes les sortes de poissons.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Si l'affaire prend tournure, il vaut mieux que des poursuites pénales s'engagent. Or, dans certains cas, il ne sera pas possible d'invoquer l'association de malfaiteurs, si cette notion n'est pas précisée. Quant aux délits de presse, ils ne sont pas sanctionnés par les mêmes peines... On n'affaiblirait pas le droit actuel en adoptant la nouvelle incrimination : bien au contraire, on resserrerait les mailles du filet. Moi qui ne suis guère favorable à la multiplication des incriminations, je considère que l'amendement Mercier répond à un vrai problème, soulevé par plusieurs des personnes auditionnées.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Nous n'avons rien entendu de tel...

M. Alain Marsaud, député. - Je m'en veux de ne pas soutenir M. Mercier, dont j'ai, en tant qu'ancien magistrat, apprécié le travail place Vendôme. Mais je vous livrerai cette remarque d'ancien combattant : il ne faut pas toucher à la définition de l'association de malfaiteurs donnée par la loi du 9 septembre 1986. Les services de renseignement, mais aussi les magistrats, sur cette base, font ce qu'ils veulent et c'est très bien. Sans cet outil formidable, longtemps critiqué par les gouvernements de gauche et les syndicats, on n'aurait pas enregistré les mêmes succès... N'y touchez pas, oubliez-le !

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - J'entends vos arguments, mais le texte du Sénat ne touche pas à l'incrimination existante. Nous avons entendu les mêmes personnes que vous, et notamment des juges d'instruction...

M. Alain Marsaud, député. - Des procureurs aussi !

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - En l'état actuel du droit, une tentative de recrutement, si elle n'est pas suivie d'effets, ne peut être poursuivie sous le chef de l'association de malfaiteurs. Soyons cohérents : nous parlerons tout à l'heure du gel des avoirs en cas d'incitation à commettre des actes de terrorisme...

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 bis dans la rédaction du Sénat.

Article 2 ter

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Nous n'avons fait ici que nettoyer quelques références qui ne sont plus exactes. Sur le fond, la rédaction est comparable à celle du Sénat.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Fort bien.

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 ter dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 quater A

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Cet article, issu d'un amendement présenté par le groupe SRC et moi-même, répond à une demande des associations de victimes du terrorisme, en alignant sur le droit commun le délai de prescription imparti à celles-ci.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - C'est un progrès indéniable.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Je vous propose cependant quelques améliorations rédactionnelles.

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 quater A dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserves de modifications rédactionnelles.

Article 2 quater

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Comme les deux suivants, cet article provient d'un amendement du gouvernement inspiré par le ministère de l'Economie et des finances. L'article L. 562-1 du code monétaire et financier autorise le ministre en charge de l'économie à geler pour six mois tout ou partie des fonds détenus par des personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme. Le gouvernement a souhaité que les personnes qui en incitent d'autres à commettre des actes terroristes soient aussi visées.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Je comprends l'intention, mais cet article 2 quater étend considérablement le champ de la sanction administrative. Bien que la notion d'incitation figure déjà dans certains textes, sa définition n'en est pas moins problématique. Il faudrait en tout cas remplacer « les incitent » par « y incitent ».

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Pourquoi ne pas remplacer « inciter » par « appeler », terme qui viserait des actes positifs ?

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Le verbe « inciter » peut être critiqué, mais « appeler » renvoie à des actes publics. Quant au verbe « encourager », proposé par Bercy, il était bien trop large.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - J'avais la même idée que le président Sueur. Le gouvernement semble surtout avoir en tête certains prêches.

M. Alain Marsaud, député. - Ce problème sémantique ne mérite pas que l'on s'y attarde. Le ministère de l'Economie veut se mêler de ce texte, mais cet article ne sera jamais appliqué, pas plus que celui qui fut inséré dans la loi du 23 janvier 2006 dont je fus rapporteur. Ces groupes de militants n'ont pas d'argent.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Vous nous incitez donc à supprimer l'article...

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Je suis navrée d'apprendre que nous votons des textes inutiles, mais pour ma part, je ne considère pas d'où viennent les amendements : il n'y a qu'un Gouvernement. Certes, la notion d'incitation a une connotation plus pénale qu'administrative, mais « appeler » est trop étroit.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Je vais donc mettre aux voix le texte de l'Assemblée nationale - avec une correction grammaticale - puis, s'il n'est pas adopté, une version où le verbe « inciter » sera remplacé par le verbe « appeler ».

M. Alain Anziani, sénateur. - J'insiste : le verbe « appeler » change la nature des faits visés.

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 quater dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve d'une modification rédactionnelle.

Article 2 quinquies

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Cet article est de portée modeste, je ne suis pas certaine d'ailleurs qu'une disposition législative soit nécessaire... Il prévoit que la publication des arrêtés de gel d'avoirs, pour la sécurité des auteurs des décisions, pourra se faire sous forme d'extraits.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Nous sommes modestement d'accord...

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 quinquies dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 2 sexies

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - L'article L. 562-8 du code monétaire et financier autorise l'échange d'informations couvertes par le secret bancaire entre les organismes financiers requis et la direction générale du Trésor, afin de vérifier l'identité des personnes concernées par un gel d'avoirs. Mais un gel n'est efficace que s'il y a des actifs sur un compte. Il est donc indispensable que les banques, ainsi que Tracfin, puissent transmettre aux services de l'Etat des informations relatives aux mouvements de comptes, afin que la décision de gel soit prise au moment opportun. Tel est l'objet de l'article 2 sexies.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Je vous suis : les temps changent, le droit doit s'y adapter.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Cette faculté ne concerne-t-elle que des actes de terrorisme ?

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Non, c'est une mesure générale.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Les sénateurs étaient attachés à ce que ce projet de loi soit restreint à la lutte antiterroriste.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Le texte d'origine était de portée très limitée. On veut saisir l'occasion pour faire passer toutes sortes de mesures... Celle-ci mérite débat.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Votre préoccupation est légitime, mais l'Assemblée nationale a examiné le texte dans une optique différente : elle a considéré qu'il concernait la sécurité intérieure dans son ensemble. Certes, le gel est une mesure très intrusive, mais il ne s'agit ici que de donner à l'administration les moyens de la prendre au meilleur moment.

Il n'est pas bon d'inscrire dans un code des mesures trop spécifiques.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - J'ai souvenir de certains textes fourre-tout, traitant de terrorisme, de sécurité et de bien d'autres choses encore...

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Pour votre information, l'article voté par l'Assemblée nationale vise le financement du terrorisme, le blanchiment d'argent ainsi que les loteries, jeux et paris truqués.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Il est déjà arrivé qu'on vote à l'unanimité des mesures spécifiques concernant le terrorisme.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Je rappelle le titre du projet de loi : dispositions relatives à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Je vous propose de nous prononcer sur la rédaction de l'Assemblée nationale, étant entendu qu'il faut faire une correction de forme en ajoutant « la première phrase est complétée par les mots » avant « et de surveiller les opérations portant sur les fonds, les instruments financiers et les ressources économiques desdites personnes ».

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 sexies dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de cette modification rédactionnelle.

Article 3

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - L'article concerne la procédure d'expulsion du fait d'activités terroristes. Le premier alinéa tel que rédigé par le Sénat a été adopté par l'Assemblée nationale. Voyons la suite de l'article.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Le Sénat, contre l'avis de son rapporteur, a entendu cibler l'article sur les activités à caractère terroriste. Pour moi, je n'ai pas changé d'avis et suivrai donc l'Assemblée nationale, sauf sur le renvoi des délais à un décret en Conseil d'État - mieux vaut préciser les choses dans la loi.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Sur l'essentiel, nous sommes d'accord avec le Sénat pour créer un nouveau délai, lié à une demande de renvoi pour motif légitime. Nous avons élargi le champ pour rester dans la logique du code d'entrée et de séjour des étrangers (Ceseda). Quant au décret en Conseil d'État, il me semble nécessaire pour préciser la mécanique de mise en oeuvre des délais.

M. Alain Anziani, sénateur. - Il y a donc trois points en discussion. Le renvoi pour motif légitime ne donne pas lieu à beaucoup de débats, je m'en félicite. Faut-il ou non mentionner le délai dans la loi ? Je n'y vois pas d'obstacle. Enfin, nous sommes très attachés à ce que ce texte reste centré sur la lutte contre le terrorisme, et qu'il n'y ait pas de confusion entre dispositions relatives au terrorisme et dispositions relatives à l'immigration. Même s'il est vrai que c'est une disposition du Ceseda, nous devons éviter tout amalgame.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Outre qu'il respecterait la hiérarchie des normes, le renvoi au décret a une utilité : nous éviter des développements infinis dans la loi pour nous prémunir contre toute interprétation abusive.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Nous sommes d'accord sur le renvoi pour motif légitime. Quant à inscrire explicitement qu'il s'agit d'une procédure d'expulsion du fait d'activités à caractère terroriste, nous sommes quelques-uns à y tenir, car il y a eu trop de textes qui, par une sorte de propension idéologique, visaient à la fois le terrorisme, la sécurité, l'immigration, pêle-mêle. Il est plus cohérent de légiférer sur le terrorisme uniquement, même si une autre position peut se défendre aussi. Je propose de voter séparément sur cette question.

La commission mixte paritaire adopte le I, alinéa 1er, de l'article 3 ainsi que la première phrase du second alinéa du I dans la rédaction du Sénat.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Il faut donc réécrire tout l'article, car le système de renvois ne fonctionne plus.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Nous proposerons un texte avant la fin de la séance. Concernant le délai, faut-il qu'il soit fixé par décret en Conseil d'État comme le propose l'Assemblée nationale, ou la loi doit-elle le fixer à un mois comme l'a prévu le Sénat ? Nous n'avons qu'à nous prononcer sur ce point précis, qui figure au second alinéa du I.

La commission mixte paritaire rejette la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Je propose de retenir la rédaction du Sénat en ajoutant : « les modalités de mise en oeuvre de ce délai sont fixées par un décret en Conseil d'État ».

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - En effet, il faut prévoir explicitement un décret. De toute façon, cette procédure ne sera pas appliquée : nous avons créé une garantie pour rien. Mais autant qu'elle soit complète !

M. Alain Anziani, sénateur. - Rappelons qu'en cas d'urgence absolue, l'administration n'a pas besoin de demander l'avis de la commission.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée rapporteur. - Cela ne concerne qu'une cinquantaine de cas par an.

La commission mixte paritaire rejette la rédaction modifiée proposée par le Sénat. Puis elle rejette la rédaction initiale du Sénat.

M. Michel Mercier, sénateur. - Le gouvernement n'aura qu'à déposer un amendement.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Trouvons plutôt une solution nous-mêmes. Je vous propose, dans cette attente, de réserver le vote sur l'article.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Je suis d'accord. Mais je ne vote pas les articles par morceaux et c'est à mon sens la totalité de l'article qui est ainsi remise en discussion.

Article 5

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Cet article porte sur la ratification de la partie législative du code de la sécurité intérieure. Supprimé par le Sénat, il a été rétabli par l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Pourquoi le Sénat a-t-il supprimé cet article ? Il estimait n'avoir pas assez de temps pour examiner les articles de ce code. Mais ceux-ci ne comprennent que des dispositions législatives déjà examinées par le législateur : ce sont des codes photographiques, comme on dit. Il me semble assez habituel que le Parlement ratifie des codes sans les examiner en détail : il est censé en connaître toutes les dispositions ! C'est pourquoi l'Assemblée nationale a fait droit à la demande du gouvernement de prévoir ici la ratification du code de la sécurité intérieure, qui est un code utile et intéressant.

Deux modifications ont été introduites par un amendement du Gouvernement : un changement de référence sur la protection juridique des gendarmes pour tenir compte de la loi de 2010, avec mon avis favorable, et un deuxième changement, présenté en réalité par le ministère de l'Intérieur, que je n'approuvais pas puisqu'une ordonnance suivra qui révisera ce même code de la sécurité intérieure pour inclure la récente législation sur les armes.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Nous maintenons notre position. Les délais ne sont pas suffisants pour procéder à cette ratification : si l'on ne veut pas donner un blanc-seing, il y a un réel travail de vérification à effectuer. C'est pourquoi je propose de supprimer l'article.

M. Alain Anziani, sénateur. - Je partage la position du rapporteur. Le Sénat refuse ce type de textes qu'il n'a pas le temps d'examiner au fond - ici il y a 550 articles. Une codification « à droit constant » ? Nous voulons le vérifier !

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Je comprends la démarche de pureté du Sénat. Il ne s'agit pas de donner un blanc-seing, mais de changer le statut de quelque chose qui existe déjà. Ma démarche est plus pragmatique : si nous devions reprendre la totalité de ces 550 articles, nous ne le ferions pas dans des conditions si différentes de ce que nous sommes en train de faire. Nous aurions quinze jours tout au plus et la ratification ne donnerait pas lieu à un travail en profondeur...

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Lorsque nous avons examiné les ordonnances sur l'outre-mer, nous avons découvert de nombreuses erreurs, lacunes... Si l'on considère que le travail fait par les technocrates est parfait, il ne fallait pas inscrire la ratification des ordonnances dans la Constitution ! Un exemple : le fait que les « écoutes » judiciaires soient dans le code de la sécurité intérieure me gêne quelque peu !

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Je comprends le point de vue de M. Hyest, mais il n'est pas incompatible avec le nôtre : nous pourrions décider d'une mission d'information chargée d'expertiser le véritable contenu de ce code. Mais pour l'heure, il est plus cohérent, en terme de sécurisation du cadre juridique, de donner force de loi à des textes déjà en vigueur.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Le travail des commissions est utile dans ces cas-là. L'expérience prouve que l'examen des ordonnances par le parlement est profitable.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Je ne le conteste pas, mais cela n'empêche pas de ratifier.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Je comprends le point de vue de M. Hyest : cela anoblit le travail du parlement que de vouloir examiner en profondeur des dispositions, même s'il les a déjà étudiées et votées. Mais il y a aussi l'article 6 : il faudra une nouvelle ordonnance pour modifier le code de la sécurité intérieure, à cause du vote tout récent de la loi sur les armes. Cela fournira au Parlement ce temps de réflexion que vous estimez nécessaire.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Oui, on pourra tout faire d'un coup...

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - J'ai beaucoup de sympathie pour le travail du Parlement, et une grande considération pour l'oeuvre du Conseil d'État, lequel est une institution très remarquable.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Lorsque le Conseil d'État procède à la codification, il ne le fait que d'une main tremblante ; il est extrêmement attentif à ne déborder en rien de ce qui a été la volonté du législateur.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - En effet, et notre collègue M. Gélard ne manque jamais de nous le rappeler.

La commission mixte paritaire supprime l'article 5.

Article 6

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - L'article 6 est très classique. Il autorise le gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour modifier le code de la sécurité intérieure afin d'y inclure les dispositions de la loi relative au contrôle des armes. Il a été rédigé de manière classique, pour respecter la hiérarchie des normes, abroger les dispositions devenues sans objet, et étendre aux Terres antarctiques et australes françaises les dispositions prévues par cette loi.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - J'y souscris.

La commission mixte paritaire adopte l'article 6 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 6 bis

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Un amendement déposé par le gouvernement, et sous-amendé à l'Assemblée nationale, a introduit, avec cet article 6 bis, deux novations qui émanent en fait de la société civile. Il s'agit d'abord d'ajouter au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre un chapitre 1er bis du livre IV, qui va faire suite au chapitre « Mort pour la France », et qui s'intitulera « Mort pour le service de la Nation ». Il concernera, d'une part, les militaires décédés en service ou en raison de leur qualité de militaire - ce qui est le cas des militaires tués par Mohamed Merah - d'autre part, les agents publics tués dans l'exercice de leurs fonctions ou en raison de leur qualité, par exemple un employé de préfecture tué au guichet par un déséquilibré. Le droit à pension et le statut de pupilles de la nation pour les enfants sont calqués sur les dispositions concernant les « morts pour la France » - sans oublier une inscription de plein droit, sur demande, sur le monument aux morts de la commune.

En deuxième lieu, nous avons ajouté, à l'article 9 de la loi de 1986, des dispositions visant les « victimes du terrorisme ». La mention sera désormais portée sur l'acte de décès. Les autres droits sont déjà assurés. Je vous proposerai une rédaction un peu différente de celle adoptée à l'Assemblée nationale, mais qui ne modifie pas le fond de l'article.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Il s'agit d'un enrichissement soudain, advenu par amendement du gouvernement à l'Assemblée nationale. Le I ne suscite pas de difficultés - j'aurais seulement préféré « mort au service de la Nation», plutôt que «pour le service », mais le ministère de la défense semble attaché à la seconde formule, pour des raisons qui m'échappent. Je penche aussi pour une décision discrétionnaire du ministre compétent, concernant la mention sur l'acte de décès, non une mention automatique. L'expression « sur avis favorable du ministre » peut susciter des problèmes.

Le II crée plus de difficultés qu'il n'en résout. S'il est maintenu, mieux vaut prévoir une décision du ministre, prise avec l'accord des ayants-droit. Enfin, je ne suis pas enthousiasmé par des dispositions rétroactives pour viser un cas particulier.

M. Georges Darmanin, député. - Les familles des deux jeunes enlevés au Niger par les terroristes d'Aqmi, et tués l'an dernier lors de l'intervention des forces spéciales françaises, ont été reçues par M. Sarkozy et à nouveau par M. Hollande il y a quelques semaines. Elles réclament vérité et reconnaissance. Elles sont de ma circonscription et j'ai soutenu leur requête en présentant un amendement, le ministre M. Valls en a également déposé un. Je souhaite ardemment que la CMP vote l'article 6 bis : les familles feront ainsi leur travail de deuil. Nous parlons de victimes visées par des terroristes parce que françaises : la Nation a un devoir d'accompagnement. Mme le rapporteur a sous-amendé l'amendement du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté l'article à l'unanimité.

Mme Éliane Assassi, sénateur. - Mon propos peut paraître décalé, mais des femmes meurent aussi pour la Nation. La langue française est ainsi faite que le masculin domine, mais c'est insatisfaisant.

M. Alain Anziani, sénateur. - Cet amendement ne procède pas d'une bonne méthode parlementaire. Le Sénat n'en a pas eu connaissance, il n'y a pas eu de débat. On peut comprendre que nécessité fasse loi, mais enfin... Sur le fond, la mention « mort pour le service de la Nation » ne me choque pas, elle correspond à une demande forte des associations. Cette mention fait en outre écho au « mort pour la France » inscrit sur les monuments aux morts de nos villages, ce qui en renforce encore la portée symbolique. Je suis favorable à la proposition de rédaction de la rapporteure. Et je suis d'accord qu'il faut un filtre, en l'occurrence la décision du ministre.

M. Jean-Patrick Courtois, sénateur. - Je suis favorable à cette disposition. Une question pratique toutefois : si la femme du préfet Érignac avait été tuée en même temps que son époux, celui-ci serait mort « pour le service de la Nation », mais elle, aurait-elle eu droit à une quelconque mention ?

M. Sébastien Pietrasanta, député. - Il y a toujours la mention « victime du terrorisme ».

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - À supposer qu'il s'agisse de terrorisme...

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Je suis d'accord avec les modifications proposées. Le préfet Érignac a bien été tué « en raison de ses fonctions ou de sa qualité ». Une question : existera-t-il encore des « morts pour la France » ? La mention s'appliquera-t-elle aux militaires tués alors qu'ils étaient engagés dans des opérations extérieures ?

Mme Virginie Klès, sénatrice. - Je crains qu'on n'ouvre une boîte de Pandore avec cette disposition. Que prévoyez-vous pour les élus, ceux par exemple tués dans le massacre au conseil municipal de Nanterre ? Cela me paraît sans fin...

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Monsieur Hyest, le cas des militaires tués en service se comprend outre les cas du chapitre « Mort pour la France », c'est implicite.

La mode est à la féminisation - jusqu'à l'horreur - des titres. Il est évident que le texte applique aux femmes mortes pour le service de la nation.

M. Jean-Patrick Courtois. - Et les conjoints ?

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Ceux qui seraient tués au cours d'un acte de terrorisme sont visés par le chapitre relatif aux victimes du terrorisme, s'il ne s'agit pas d'un acte terroriste, par le chapitre suivant.

Quant aux élus, ils sont compris, me semble-t-il, dans la catégorie d'agent public, auquel il faut donner un sens extensif.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Les événements de Nanterre ont-ils donné lieu à un texte législatif ?

M. Gérald Darmanin, député. - Cette tuerie fut une horreur, mais pas un acte terroriste.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - On voit là les limites de cet article, qui introduit une discrimination entre un passant victime d'un attentat terroriste et celui qui est tué par une balle perdue dans un règlement de compte entre gangs. Nous ne sommes pas à l'abri d'une question prioritaire de constitutionnalité.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Nous sommes conscients de la haute valeur symbolique de cette mesure.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Les deux rapporteurs se sont concertés. La proposition de rédaction de Mme Bechtel a évolué et prévoit désormais que le ministre compétent tranche. En revanche, la mention que le texte serait désormais « applicable aux décès survenus à compter du 1er janvier 2002 » ne figurait pas dans la version que j'ai eue sous les yeux...

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Je veux tout d'abord remercier M. Mézard, à qui nous devons la principale avancée, à savoir la décision du ministre. Pourquoi 2002 ? La Chancellerie a suggéré cette date, qui couvre l'attentat de Karachi.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Valeur symbolique, fort bien, mais au nom du symbole, ne faisons pas n'importe quoi ! Les difficultés d'exécution seront nombreuses, il y aura toujours des cas oubliés. Le texte est non seulement rétroactif mais calé sur une date et un évènement choisis arbitrairement : drôle de façon de légiférer.

À l'alinéa 12, je préfèrerais que l'on inscrive « ministre compétent » plutôt que « ministre de la Justice ».

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Nous savons que le débat est très sensible, qu'il est suivi par les familles des victimes.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La rétroactivité n'est pas une nouveauté, monsieur Mézard : la loi de 1986 comme celle de 1990 étaient également rétroactives.

Il n'y a pas de ministre « compétent » : les victimes du terrorisme n'ont pas de ministre de tutelle. La loi de 1986 sur l'indemnisation des victimes du terrorisme étant largement judiciaire, il paraît logique de renvoyer au ministre de la Justice, même si le choix est forcément arbitraire.

M. Michel Mercier, sénateur. - Nous devons tous faire un effort si nous voulons parvenir à un résultat. La direction des affaires civiles et du Sceau, qui est en charge de l'état civil, dépend du ministre de la Justice : c'est donc lui le ministre compétent. La rédaction est satisfaisante. Quant à la date de 2002, elle est forcément arbitraire. L'important est de panser les blessures...

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Il y a encore des familles de victimes d'attentats antérieurs à 2002.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Les sénateurs n'ont pas été saisis en séance publique du sujet, la rétroactivité n'est pas satisfaisante, c'est incontestable. Mais il y a des considérations de sensibilité, de morale, de reconnaissance. Des actes atroces ont été commis sur le territoire de la République française ou ailleurs. Pensons aux familles, et votons sur la proposition de rédaction du rapporteur de l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Je m'interroge sur l'opportunité de maintenir l'alinéa 14 : « Les enfants des personnes dont l'acte de décès porte la mention « victime du terrorisme » ont vocation à la qualité de pupille de la nation ». La disposition existe déjà dans notre droit.

M. Yann Galut, député. - Conservons cette mention ici, au nom du parallélisme des formes et pour la clarté.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - J'avais parié que quelqu'un tiendrait à cette précision redondante. Pari gagné, je m'incline...

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Je partage vos scrupules juridiques, mais je mets donc aux voix votre proposition de rédaction, y compris cette phrase.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction. Puis elle adopte l'article 6 bis dans la rédaction issue de ses travaux.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Revenons donc à l'article 3. Un compromis ne semble pas hors de portée. Il serait fâcheux que notre commission mixte paritaire échouât sur cet écueil...

M. Alain Anziani, sénateur. - Continuons d'être constructifs. Pourquoi ne pas viser les activités « à caractère sensible », ce qui serait plus large que la rédaction du Sénat, et renvoyer au décret en Conseil d'Etat pour fixer le délai ? Je demanderais alors au ministre de nous confirmer en séance que ce délai sera bien d'un mois.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Que signifie « sensible » ?

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - La CMP a voté tout à l'heure en faveur d'une procédure spécifique aux activités terroristes - c'est la première phrase du second alinéa du I, que nous avons adoptée. Renvoyons au décret en Conseil d'Etat la fixation du délai et nous demanderons des assurances du ministre en séance.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - « Sensible » est bien délicat... En revanche, va pour un décret en Conseil d'Etat.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - La concession des sénateurs porte sur le point le moins important. Que le délai soit défini par la loi ne me choquerait pas. Nous conservons en tout état de cause l'apport principal du Sénat, c'est-à-dire le nouveau délai, en cas de motif légitime. Un décret devra de toute façon déterminer les modalités d'opposabilité.

Quant au champ d'application de la procédure, n'inventons pas à présent la notion d' « activités à caractère sensible ». Et soyons clairs : nous n'acceptons pas de limiter le texte à la lutte antiterroriste. L'Assemblée nationale, tout au long du projet de loi, a entendu traiter, plus largement, de terrorisme et de sécurité intérieure. La CMP vient du reste de voter des dispositions générales. En outre, la rédaction du Sénat complique excessivement les choses. La procédure en tout état de cause ne sera pas appliquée, le ministre recourra toujours à l'expulsion en urgence absolue.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Nous en faisons un casus belli. Ce texte ne porte pas seulement sur le terrorisme mais sur la sécurité plus largement et ici sur les étrangers qui troublent gravement l'ordre public. Si la CMP échoue pour cette raison, tant pis. L'Assemblée nationale aura le dernier mot.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Il m'est arrivé de lire la Constitution...

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - Je ne fais que rappeler le droit. Si, à l'article 3, la CMP adopte un texte qui n'est pas celui de l'Assemblée nationale, celle-ci rejettera les conclusions de la CMP.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Chaque assemblée se prononcera souverainement, et la Constitution s'appliquera.

M. Jacques Mézard, sénateur, rapporteur. - Je regrette que M. Urvoas sorte l'arme atomique, alors que j'allais proposer une solution consensuelle sous la forme d'une proposition de rédaction : que la loi fixe elle-même le délai, mais donne à la procédure un champ d'application plus large que le seul terrorisme. Nous faisons hélas les frais des divergences entre les groupes socialistes des deux chambres. Monsieur Urvoas, nous connaissons la Constitution. Quand on a le pouvoir, on est le plus fort : mais à nous le seriner chaque jour, on finit par provoquer des réactions au Sénat.

M. Michel Mercier, sénateur. - La dernière proposition de M. le rapporteur correspond exactement à ce que souhaite l'Assemblée nationale. Avec cette proposition, tous les cas dans lesquels il y a menace à l'ordre public sont concernés. Dans la majorité à laquelle j'appartiens, nous n'aurions jamais osé aller aussi loin !

M. Jean-Jacques Urvoas, député. - Le fait de rappeler simplement les termes de la Constitution n'est pas forcément vexatoire et si ce rappel a pu apparaître comme tel aux yeux des sénateurs qu'on m'en excuse.

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - Je ne pense pas que vous nous vexerez jamais.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - La CMP doit se prononcer sur deux points. Nous avons déjà voté sur la question de savoir si les dispositions ne s'appliquent qu'en cas de terrorisme. Je propose que nous revotions sur ce point, ainsi que sur la question des délais.

Mme Marie-Françoise Bechtel, députée, rapporteur. - Il faudra de toutes façons, pour que le délai courre, une lettre recommandée avec accusé de réception, comme pour le droit d'asile : nous devons donc bien prévoir un décret...

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. - C'est extraordinaire : auparavant, en vertu de l'article 34, la loi fixait les principes et le règlement les modalités d'application, non pas nécessairement par décret en Conseil d'État mais par décret. Quand une loi n'est pas applicable en elle-même, le pouvoir réglementaire a toujours la possibilité de préciser les choses par décret : cela n'a pas disparu ! Il n'y a pas à le préciser dans l'article !

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Votons en tant que CMP, chaque assemblée se déterminera ensuite.

M. Jean-Jacques Urvoas, député, vice-président. - La procédure que vous proposez me convient. Mais nous aurions peut-être dû commencer par discuter de la proposition de rédaction de M. Mézard, qui rédige l'ensemble de l'article et me paraît pouvoir être adoptée par la majorité d'entre nous.

La réunion est suspendue et reprend quelques minutes après.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Une CMP n'a de sens que s'il y a un vrai souci d'arriver à un accord : je me souviens de précédents fâcheux, où nous avions à peine le temps d'ouvrir nos dossiers qu'un échec était déjà entériné. Je suis attaché, comme nous tous, à la défense de la séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu : le fonctionnement normal de la République nous donne une légitimité pour nous prononcer. Votons sur la proposition de rédaction de M. Mézard.

M. Alain Anziani, sénateur. - Il est fondamental d'éviter la confusion entre les terroristes et l'ensemble des étrangers. Cette rédaction a beaucoup de mérites, en particulier celui de se rattacher à l'article 522-2 du Ceseda et, par conséquent, de viser uniquement les étrangers qui représentent une menace grave pour l'ordre public et dont l'expulsion est une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et la sécurité publique.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président. - Les tribunaux, le cas échéant, apprécieront si les deux conditions sont réunies.

La commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction proposée par le rapporteur du Sénat.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.

- Présidence de M. Gilles Carrez, président -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2013

La commission mixte paritaire a tout d'abord constitué son bureau et désigné :

M. Gilles Carrez, député, président ;

M. Philippe Marini, sénateur, vice-président ;

M. François Marc, sénateur,

- et M. Christian Eckert, député, respectivement rapporteur pour le Sénat et rapporteur pour l'Assemblée nationale.

Le Sénat ayant rejeté en première lecture le projet de loi de finances pour 2013, tous les articles restaient en discussion. En application de l'article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire a donc été saisie de l'ensemble du projet de loi.

Après les interventions de MM. Gilles Carrez, Philippe Marini, Christian Eckert et François Marc, suivies d'un large débat, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l'échec de ses travaux.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

La commission mixte paritaire a tout d'abord constitué son bureau et désigné :

M. Gilles Carrez, député, président ;

M. Philippe Marini, sénateur, vice-président ;

M. François Marc, sénateur,

- et M. Christian Eckert, député, respectivement rapporteur pour le Sénat et rapporteur pour l'Assemblée nationale.

Le Sénat ayant rejeté en première lecture le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, tous les articles restaient en discussion. En application de l'article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire a donc été saisie de l'ensemble du projet de loi.

Après les interventions de MM. Gilles Carrez, Philippe Marini, Christian Eckert et François Marc, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l'échec de ses travaux.