Mercredi 16 avril 2014

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

La réunion est ouverte à 10 h 10.

Déplacement d'une délégation de la commission au Québec du 23 au 27 septembre 2013 - Examen du rapport d'information

M. Raymond Vall, président. - C'est notre première réunion depuis la fin des élections municipales et le changement de Gouvernement. Je voudrais donc d'abord féliciter nos nombreux collègues élus ou réélus lors de ce scrutin, qui nous ont montré qu'on peut être sénateur et élu local avec efficacité. Vous le savez tous aussi, notre collègue Laurence Rossignol nous a quittés pour être secrétaire d'État à la famille, aux personnes âgées et à l'autonomie. Je ne sais pas encore si son suppléant viendra rejoindre notre commission. Par ailleurs, deux de nos collègues vont probablement devoir céder leur place aux ministres qu'ils suppléaient : Stéphane Mazars pour Anne-Marie Escoffier et André Vairetto pour Thierry Repentin. Enfin, je voudrais saluer l'arrivée parmi nous de Sophie Primas qui quitte la commission de la culture et prend la place de notre collègue Michel Doublet qui, lui, rejoint la commission de la culture. Nous avions déjà travaillé avec Sophie Primas lors de l'examen de la proposition de loi visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.

Premier point à l'ordre du jour ce matin : l'examen du rapport sur le déplacement d'une délégation de notre commission au Québec du 23 au 27 septembre derniers.

M. Gérard Cornu. - J'ai l'honneur de vous présenter le rapport effectué à la suite du déplacement de quatre membres de la commission au Québec en septembre dernier. J'aimerais commencer par saluer Jean-Luc Fichet, Hervé Maurey et Rémy Pointereau qui m'accompagnaient lors de ce déplacement, et que je souhaite associer à cette présentation.

Notre délégation avait pour mission d'étudier les politiques locales en matière d'énergies renouvelables et de gaz de schiste dans ce pays, avec cette particularité que le Canada, contrairement à la France, est un État fédéral, dont le Québec constitue l'une des provinces.

Le Québec a été fortement avantagé par la nature : c'est un véritable réservoir d'eau. L'électricité provient à 98 % de l'énergie hydraulique. L'entreprise d'État, Hydro-Québec, dont nous avons rencontré les représentants à Montréal, gère d'immenses ensembles de barrages, qu'elle peut ouvrir ou fermer quasiment instantanément pour ajuster l'offre à la demande. L'électricité est donc abondante, propre et surtout constante, contrairement aux autres énergies renouvelables généralement intermittentes. Pour vous donner une idée, l'électricité est tellement bon marché au Québec que 70 % des foyers se chauffent par ce moyen en hiver. Le prix de l'électricité est en outre le même partout, par péréquation, que l'on se situe dans la communauté inuit du Nord ou en plein centre de Montréal. Le tarif pratiqué est plat : ni dégressif, ni progressif.

Le Québec est donc un modèle en termes d'électricité renouvelable. À titre de comparaison, le mix électrique pour l'ensemble du Canada se répartit comme suit : 65 % d'hydroélectricité, 14 % de nucléaire, 12 % de charbon, et 9 % de gaz naturel.

À côté des 98 % d'hydroélectrique, le reste de la production québécoise est assuré par quelques centrales thermiques et par de l'éolien. La seule et unique centrale nucléaire du pays, Gentilly 2, a été fermée fin 2012. Le mix électrique québécois est donc très vert. C'est un avantage commercial significatif par rapport à son principal partenaire et rival commercial, à savoir le Nord-Est des États-Unis. Certaines entreprises américaines sont d'ailleurs intéressées par l'achat d'électricité avec des certificats d'économie verte. Le Québec profite également du pic de demande aux États-Unis durant l'été, du fait de la climatisation, pour vendre ses surplus à bon prix sur le marché spot. Hydro-Québec a en outre une gestion très fine de ses importations d'énergie. L'entreprise importe parfois de l'électricité des États-Unis, quand c'est avantageux économiquement. En effet, les centrales thermiques américaines ne peuvent pas être arrêtées rapidement. En fonction de l'évolution de la demande, elles se trouvent parfois à produire de l'électricité en surplus. Hydro-Québec ferme alors ses turbines hydroélectriques - les responsables de l'entreprise nous ont expliqué que cela pouvait être fait en une minute - et achète à prix négatif de l'électricité aux Américains.

Malgré la manne hydroélectrique, et donc une incitation très limitée à varier le mix énergétique, le Québec investit pour développer des sources d'énergies alternatives. Le Gouvernement utilise en particulier l'éolien dans une optique d'aménagement du territoire, pour développer économiquement certaines régions. Les projets éoliens se font généralement en associant financièrement les municipalités concernées, et dans le but de développer des filières locales. Les entreprises décrochant les contrats doivent par exemple s'engager à recourir à de la main-d'oeuvre ou à des entreprises locales. La raison d'être de l'éolien au Québec est donc bien une volonté politique d'aménagement du territoire, et non la rentabilité économique des projets.

Le Québec est également en pointe pour ce qui est du développement d'éco-quartiers. Plusieurs projets innovants ont été lancés ces dernières années, avec là encore un enjeu en termes d'aménagement du territoire. Nous avons pu, par exemple, visiter le quartier de la Tohu à Montréal. La Tohu était une ancienne décharge, aujourd'hui fermée. L'objectif est désormais d'en faire un immense parc ouvert au public. La décharge a été enterrée. Des tuyaux récupèrent le biogaz s'échappant encore des déchets en décomposition. Ce biogaz doit servir à alimenter les infrastructures sportives, culturelles et industrielles qui ont été ouvertes autour du parc. C'est un projet ambitieux de réhabilitation de l'espace urbain, en plein coeur d'un quartier défavorisé, actuellement en pleine revitalisation du fait du projet de parc.

Le modèle énergétique québécois est un modèle unique. L'entreprise Hydro-Québec gère, en situation de monopole, les grands barrages et la distribution d'électricité. L'énergie hydraulique permet de stocker l'électricité et de gérer très finement le commerce de l'énergie avec les États-Unis et les autres provinces, tout en garantissant des prix très bas au consommateur québécois. Le kWh d'électricité à Montréal coûte en effet 6,8 centimes de dollars canadiens, contre 12 à Ottawa ou 21 à New York. À titre de comparaison, le prix de l'électricité en France est d'environ 13,5 centimes d'euros, donc 17 centimes de dollars. En Allemagne, il s'élève à 36 centimes de dollars. L'électricité québécoise est particulièrement compétitive. Le revers de cette médaille est l'effet fortement désincitatif en matière d'économies d'énergie. Les filiales des entreprises françaises établies sur place nous ont indiqué qu'il n'était pas évident de mener au Québec des projets d'efficacité énergétique du fait de l'effondrement des prix de l'énergie.

Le mix énergétique québécois est donc un modèle intéressant, mais difficilement transposable ailleurs dans le monde. En France, nous n'avons, par exemple, plus beaucoup de marges de manoeuvre en termes d'aménagements de barrages sur nos cours d'eau.

Le deuxième axe d'étude de notre déplacement concerne la politique d'indépendance énergétique menée par le Québec. Pour bien en comprendre les enjeux, il faut revenir sur le contexte politique québécois.

Au niveau provincial, l'élection générale de 2012 a vu l'arrivée au pouvoir du Parti Québécois, parti souverainiste qui souhaite la séparation du Canada. Leur principal opposant est le Parti libéral, favorable au maintien au sein de l'État fédéral, et qui vient de remporter les élections générales la semaine dernière. Au niveau fédéral, le gouvernement élu en 2011 est un gouvernement conservateur. Les relations entre le Parti québécois et la capitale canadienne étaient difficiles, à l'époque où nous avons réalisé cette mission, du fait de la volonté d'indépendance de la province. Dans ce climat politique très particulier, le programme d'indépendance énergétique était un des aspects cruciaux de la politique menée par le gouvernement provincial. L'arrivée au pouvoir du Parti libéral va peut-être faire évoluer les priorités.

Si le Québec est indépendant pour son électricité, il est en revanche totalement dépendant de l'extérieur pour ses hydrocarbures. Pour pallier cette dépendance, le Québec travaille principalement sur deux politiques : l'électrification dans les transports et les gaz et pétroles de schiste.

Les transports constituent un gisement considérable d'économies d'énergie. Le gouvernement a investi 516 millions de dollars sur la période 2013-2017 pour encourager les véhicules électriques et développer des filières industrielles dans ce domaine. Dans le cadre de cette politique des transports, le sujet du train à grande vitesse est une question récurrente. Nous avons été surpris de l'absence de ligne à grande vitesse entre Québec et Montréal. À plusieurs reprises par le passé, un projet a été envisagé entre ces deux villes, avec un prolongement éventuel jusqu'à Toronto. La rentabilité incertaine et le coût considérable du projet, 29 milliards de dollars, ont conduit à abandonner cette idée. En outre, les habitudes de déplacement des Québécois, qui ont le réflexe de la voiture et de l'avion plus que la culture du train, n'incitent pas à poursuivre dans cette voie. La politique d'électrification des transports au Québec ne devrait donc pas passer par le train à grande vitesse.

Au Québec a eu lieu un débat, à peu près au même moment qu'en France, sur l'exploitation des gaz et pétroles de schiste. Le Québec dispose d'un gisement conséquent de gaz de schiste : le gisement d'Utica. Sa spécificité est qu'il se situe sous des zones fortement urbanisées, le long du fleuve Saint-Laurent. La problématique de l'exploitation de cette ressource est donc comparable à celle que nous connaissons en France, où les gisements semblent se trouver dans des zones fortement peuplées, en Île-de-France notamment. C'est très différent de la situation d'autres provinces canadiennes, en particulier la Colombie britannique, autour de Vancouver, où la densité de population est extrêmement faible et où l'exploitation soulève donc moins de problèmes d'acceptabilité.

Pour bien comprendre les enjeux du débat au Québec, nous avons rencontré l'ensemble des parties prenantes : gouvernement provincial, agence publique en charge de l'étude d'impact environnemental, consortium d'entreprises pétrolières et gazières, ONG... Ces rencontres nous ont permis de retracer la chronologie des décisions et de mieux cerner les positions en présence.

Au Québec, le droit minier est similaire au droit français. Les ressources souterraines, pétrole et gaz, appartiennent à la province, et non aux propriétaires privés du terrain. Le ministère des ressources naturelles distribue les permis et encadre l'exploitation du sous-sol. À partir de 2009, des permis d'exploitation des gaz de schiste ont été accordés à de grandes entreprises gazières. Les habitants des rives et de la plaine du Saint-Laurent ont vu s'installer, du jour au lendemain, parfois à deux pas de chez eux, des têtes de puits de forage, sans aucune information ou consultation préalable. Des associations environnementales et de riverains se sont progressivement constituées. Face à l'ampleur de la mobilisation, le gouvernement a alors confié au Bureau d'audience publique sur l'environnement la mission d'évaluer l'impact environnemental des gaz de schiste. Le bureau a mené une longue campagne de débats publics dans toutes les villes concernées et commandé de nombreuses expertises. Le rapport produit par le bureau a mis en évidence un certain nombre de dangers, notamment quant à l'étanchéité des forages, avec les risques de contamination de l'eau potable que cela implique. Ces éléments n'ont évidemment pas contribué à l'acceptabilité sociale de ces projets.

Le débat s'est finalement arrêté du fait de deux évolutions : d'une part, le gouvernement a pris un moratoire sur la fracturation hydraulique, d'autre part, les prix du gaz ont fortement chuté.

Les entreprises gazières que nous avons rencontrées mettent en avant l'évolution des techniques et la nécessité d'une exploration scientifique. Ils soutiennent en particulier l'idée d'un projet pilote, surveillé de sa conception à son exploitation par les autorités et par des experts indépendants, afin d'apaiser le débat public.

Les pétroles de schiste constituent une problématique à part. Contrairement au gaz, compte tenu des cours du baril de pétrole, il y a un réel intérêt économique à exploiter le pétrole de schiste au Québec. Un gisement a été découvert dans la région de l'île d'Anticosti, dans l'estuaire du Saint-Laurent. Ce gisement est estimé à 48 milliards de barils. L'île en elle-même est peu peuplée, mais il s'agit d'une réserve naturelle protégée. De nombreuses ONG environnementales s'opposent donc actuellement au projet.

Ces exemples montrent l'importance de la manière dont on démarre un projet pour son acceptabilité sociale. Face à la question de la perception du risque, l'enjeu d'information et de transparence est crucial. En France, l'apaisement du débat passe probablement par la poursuite d'une recherche transparente et indépendante sur ces questions.

Ce déplacement a donc été riche en enseignements, en particulier sur l'articulation entre politique énergétique et aménagement du territoire. Bien que le modèle énergétique québécois soit unique, certains des enjeux, notamment en termes de sécurisation de l'approvisionnement énergétique ou d'acceptabilité sociale des projets, recoupent parfaitement les débats que l'on peut avoir aujourd'hui en France.

M. Rémy Pointereau. - Il faut retenir de ce déplacement que les 98 % d'électricité hydraulique produits au Québec ne contribuent pas à encourager la recherche sur des énergies alternatives. L'isolation thermique dans les bâtiments laisse souvent à désirer. Il y a un gaspillage important de l'électricité, du fait de son coût dérisoire. Beaucoup d'économies d'énergie restent à faire.

Le modèle québécois n'est pas applicable en France. Pour autant, je pense que nous ne sommes pas allés au bout de la réflexion sur l'aménagement de nos cours d'eau et le développement de l'hydroélectricité dans notre pays.

Concernant le gaz de schiste, le Québec a adopté un moratoire. Le sujet a été abandonné en partie du fait de l'abondance de l'électricité et du boom des gaz de schiste aux États-Unis. La recherche scientifique est toutefois poursuivie. La France devrait faire de même.

Un autre fait marquant de notre déplacement a été la visite du complexe environnemental Saint-Michel, cette ancienne décharge reconvertie en parc. Des gymnases, des équipements culturels ont été construits autour du site, le tout dans un quartier en difficulté à l'époque. C'est là un exemple que nous pourrions suivre.

En matière de transports, comme Gérard Cornu l'a indiqué, nous avons constaté qu'il n'y a aucun espoir de créer une ligne à grande vitesse entre Québec et Montréal.

M. Gérard Cornu. - Nous étions étonnés qu'ils n'aient pas de ligne à grande vitesse ; ils étaient étonnés que nous ne poursuivions pas la recherche sur les gaz de schiste...

M. Michel Teston. - J'ai noté que ce rapport ne prend pas position sur la délicate question de l'exploitation des huiles et gaz de schiste, question qui divise profondément les membres de notre assemblée. Il a présenté le contexte québécois et ses enjeux, ainsi que la manière dont le débat a eu lieu. La vocation de ce rapport d'information n'est en effet pas de prendre position mais bien de rendre compte des politiques énergétiques au Québec. À ce titre, je souhaite souligner la qualité et l'intérêt du travail qui vient de nous être présenté.

M. Alain Fouché. - Le système, tel qu'il est organisé en France, passe par un certain nombre de procédures, de délais, d'enquêtes. Quelle est, au Québec, la conception de la concertation dans le domaine des nouvelles énergies et de l'impact environnemental des projets ?

M. Louis Nègre. - Ce rapport nous donne un compte rendu très intéressant de ce qui se fait au Québec, en particulier en matière d'hydroélectricité. Je conclus de cette présentation que le Québec n'est pas un modèle de développement durable... Tout l'enjeu, au niveau planétaire, est d'éviter de gaspiller l'énergie. L'abondance de l'électricité sur place ne favorise pas les comportements économes.

Le dossier gaz de schiste au Québec montre l'importance d'une concertation en amont pour garantir, en aval, une acceptabilité sociale. Nous pourrions nous en inspirer utilement, sachant qu'en France, nous avons un excès dans l'autre sens du fait de la lourdeur de nos procédures et de leur complexité. J'aimerais d'ailleurs pouvoir lire le rapport qui a été produit au Québec à la suite du débat public sur les gaz de schiste. Cela pourrait nous éclairer.

Ma troisième observation concerne le small business act, que j'ai vu apparaître dans les lignes de ce rapport. C'est un dossier sensible. Les États-Unis et le Canada semblent l'appliquer, tandis qu'il est interdit de le faire chez nous. Cela devrait nous inspirer sur la démarche à avoir. Je rappelle à ce titre que Christian Estrosi, président de la métropole Nice Côté d'azur, a déposé une proposition de loi pour faire en sorte qu'on puisse faire appel à des entreprises locales.

Dans les Alpes-Maritimes, nous avons une immense décharge qui produit du biogaz. Nous le brûlons. Le parc évoqué à Montréal semble utiliser ce biogaz. Comment cela fonctionne-t-il ? Quelle est la distance entre les équipements utilisant ce gaz et l'ancienne décharge ? Cela pose-t-il des problèmes de pollution ?

M. Raymond Vall, président. - La récupération du biogaz était-elle prévue dès le départ dans la décharge que vous évoquez ? Peut-on mettre en place le même type de dispositif dans une décharge déjà existante depuis plusieurs décennies ?

M. Benoît Huré. - Dans les Ardennes, nous avons un centre de stockage des déchets ménagers, certifié ISO 14001 depuis une dizaine d'années. C'est une société d'économie mixte. Afin notamment d'éviter les nuisances olfactives, au fur et à mesure de l'empilement des déchets dans les casiers, on gainait le biogaz et on le brûlait dans des torchères. Depuis maintenant cinq ans, avec un procédé allemand, nous transformons ce gaz en électricité, électricité ensuite revendue dans des conditions intéressantes. Les moteurs sont refroidis par de l'eau. Cette eau produit une vapeur surabondante dont on se sert en partie pour traiter les lixiviats. Nous avons envisagé pendant un temps de créer un réseau de chaleur vers le village le plus proche, à trois kilomètres, mais les déperditions auraient été trop importantes. Nous venons de développer une autre idée avec une entreprise d'insertion : nous construisons des serres maraichères et florales, à un kilomètre de distance. Ces serres utilisent la vapeur d'eau pour se chauffer. Cela donne une réelle compétitivité au produit fini. Cette entreprise d'insertion a réussi la prouesse d'être certifiée « production biologique ».

Il s'agit d'une initiative portée par des collectivités. C'est un cercle vertueux.

M. Raymond Vall, président. - Je propose que nous allions voir cela sur place.

Mme Hélène Masson-Maret. - J'ai récemment produit avec André Vairetto un rapport sur la mise en valeur du patrimoine naturel de la montagne. Nous avons entendu à cette occasion des interlocuteurs qui ont affirmé qu'il restait des marges de manoeuvre sur l'hydroélectricité, en particulier sur des cours d'eau de faible importance. Cette énergie cause cependant des dommages collatéraux, en termes d'esthétique, d'érosion des rives, ou encore de lâcher de sédiments. Faire des barrages a un impact.

Concernant l'acceptabilité du risque, il a été rappelé qu'il faut prévenir et consulter les populations en amont, quel que soit le type d'infrastructures qu'on souhaite créer. Je crois qu'il faut insister également sur l'acceptabilité de l'esthétique, des nuisances sonores, ainsi que des convois de camions éventuels. La préoccupation principale est bien sûr la santé, mais on ne pas non plus dénaturer les paysages, y compris au profit des énergies renouvelables. Je vais vous donner un exemple : la ville de Victoria aux Seychelles, qui est un grand port et l'un des plus beaux sites du monde, est aujourd'hui entourée d'une trentaine d'éoliennes. L'impact esthétique est épouvantable ; l'impact écologique est excellent.

Au Québec, comment les riverains ont-ils vécu l'installation de puits de forages à proximité de leurs habitations ?

M. Charles Revet. - Ce rapport donne un état des lieux très intéressant des politiques mises en oeuvre au Canada. Il est toujours utile d'aller sur place. J'espère donc que nous aurons l'occasion de visiter le centre de stockage des déchets dont nous a parlé Benoît Huré. Je crois que le rôle du parlementaire ne s'arrête pas au constat, il doit aller sur le terrain.

Nous avons encore un potentiel de développement de l'hydraulique en France. La difficulté consiste en partie dans l'empilement des normes. Dans mon département, quand un particulier veut restaurer un moulin en bord de rivière pour produire son électricité, l'ONEMA impose toute une série de contraintes coûteuses.

Pour finir, je rappellerai que nous sommes parfois dans une situation de surproduction d'électricité similaire au Québec du fait de notre énergie nucléaire. Par ailleurs, l'eau utilisée pour le refroidissement pourrait être réutilisée pour produire de l'énergie hydraulique, voire pour développer l'aquaculture.

M. Roland Ries. - Ces missions d'information ont vocation à étudier ce qui se fait dans d'autres pays et voir si c'est transposable en France. Une des idées intéressantes, qui existe aux États-Unis également, est le small business act. Il s'agit finalement de contourner et de contrôler le libéralisme économique pour ce qui concerne la commande publique. Chez nous, il y a des premiers pas dans cette direction avec une directive européenne qui permet d'intégrer des clauses environnementales dans le cahier des charges de la commande publique. C'est une manière indirecte de privilégier des entreprises locales. C'est une bonne chose. Trop longtemps nous avons été excessivement libéraux dans un monde qui en réalité ne l'est pas. Je pense qu'il faut continuer dans ce sens, sinon nous resterons dans une concurrence faussée.

M. Robert Navarro. - Je voudrais saluer la qualité et l'objectivité du rapport qui nous a été fait. Sur la question de l'acceptabilité sociale des projets, je crois qu'il s'agit d'un point central : il ne sert à rien d'avoir de grandes idées si on est dans l'incapacité de les faire appliquer. Sur des sujets aussi complexes que les gaz de schiste ou les énergies renouvelables, il est très difficile de faire accepter des projets sur le terrain. Nous avons un problème d'acceptabilité et de pédagogie. Rappelons-nous de l'écotaxe, qui avait fait l'unanimité chez les élus, dont on a besoin pour financer nos infrastructures, et qui est aujourd'hui suspendue.

M. Alain Houpert. - Nos cousins québécois ont quitté la vieille maison française. En quittant la France, le Finistère de l'Europe, ils ont oublié notre administration gallo-romaine. Nous empilons ici les administrations. On a vu fleurir en Bretagne les bonnets rouges contre l'écotaxe. Charles Revet parlait de l'ONEMA. Cet organisme est dans un zèle extraordinaire. Nous avons oublié le bon sens, contrairement aux Québécois.

M. Raymond Vall, président. - Le débat s'éloigne du rapport. J'aimerais rappeler que nous sommes des élus, et que nous contribuons nous-mêmes à cet empilement des normes. L'administration n'est pas seule responsable. La classe politique est pour quelque chose au désenchantement actuel.

M. Benoît Huré. - Ce débat est transversal à toutes les formations politiques et à toutes les commissions sénatoriales. Je me suis battu localement pour avoir un parc naturel régional. Il existe depuis maintenant deux ans. Les recrutements se sont multipliés dans le parc. Ces personnels s'invitent aux réunions dans la vie locale. Lors de la dernière réunion, il y avait plus de fonctionnaires présents que d'élus.

M. Gérard Cornu. - Beaucoup des réflexions évoquées dépassent le cadre de ce compte rendu de mission. Je remercie Rémy Pointereau d'avoir apporté des précisions complémentaires sur le modèle québécois.

Je rappelle que l'objet de ce rapport est de rendre compte fidèlement, sans prendre parti, des éléments observés sur place.

Concernant la concertation, le Québec dispose d'un bureau d'audience publique en matière environnementale. Les événements notamment autour des gaz de schiste ont fait prendre conscience de la nécessité de les faire intervenir le plus en amont possible.

Pour répondre à Louis Nègre, je crois qu'on ne peut pas dire que le Québec n'est pas un modèle de développement durable. Leur production électrique est propre, grâce à l'énergie hydraulique, même s'il reste des avancées possibles en matière d'économies d'énergie.

Concernant le gaz de schiste, il faut à mon sens faire confiance aux experts, mais aussi et surtout réaliser une large concertation en amont.

Le small business act est à mon sens une très bonne chose. Il faut cependant que les entreprises locales aient la capacité technique de réaliser les projets, en particulier d'infrastructures.

M. Louis Nègre. - En France, nous avons des labels et des niveaux de qualification qui permettent de déterminer qui peut faire quoi.

M. Gérard Cornu. - L'ancienne décharge que j'ai mentionnée à Montréal s'étend sur 192 hectares. La récupération du biogaz était prévue. Personne n'envisageait pour autant de créer un immense parc et un éco-quartier en pleine ville. Ce projet est remarquable.

Sur l'acceptabilité du risque, peut-être sommes-nous allés trop loin sur l'intégration du principe de précaution à la Constitution.

La publication du rapport d'information est autorisée à l'unanimité.

Mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées - Demande de saisine pour avis, nomination d'un rapporteur pour avis et examen du rapport verbal

La commission demande à se saisir pour avis projet de loi n° 447 (2013-2014) habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et nomme M. Jean-Jacques Filleul rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. - Je vous remercie de la confiance que vous m'avez accordée en me nommant à l'instant rapporteur de ce projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. Ce texte a été adopté en conseil des ministres mercredi dernier. Il sera examiné en séance publique le lundi 28 avril.

La présentation de ce rapport verbal intervient donc « dans l'urgence », et cela pour deux raisons.

Tout d'abord, parce qu'il y a une réelle urgence à parvenir à la mise en oeuvre, dans tous ses aspects, de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Adoptée à une très large majorité sur les bancs de notre assemblée, cette loi a fixé un cap ambitieux en matière d'accessibilité, objectif qu'elle a accompagné de délais de réalisation et de pénalités. Destinée à rattraper le retard qu'accusait notre pays dans ce domaine, la loi de 2005 a d'ores et déjà rendu possible nombre d'avancées tangibles. Mais elle n'a malheureusement pas rempli toutes ses promesses. Plusieurs raisons peuvent être invoquées : une parution tardive des textes d'application, l'absence d'évaluation préalable du coût des travaux nécessaires, une mauvaise appréciation des délais de réalisation, un manque de suivi des différentes mesures, ainsi qu'un défaut de hiérarchisation qui a découragé plus d'un acteur. Moi-même, je me souviens avoir été confronté en tant qu'élu local, à des estimations exorbitantes réalisées par des experts, de travaux qui pouvaient être effectués à moindres coûts. Ainsi, le délai du 11 février 2015, imposé pour l'accessibilité des services de transport collectif, ne pourra - cela est certain aujourd'hui - être respecté, même par les autorités organisatrices de transport les plus volontaristes.

Pour autant, - et je crois qu'il faut le dire clairement - l'objectif d'accessibilité défendu par cette loi n'a jamais été remis en cause - et ne saurait l'être. C'est la raison pour laquelle il n'est pas question de repousser la date-butoir de 2015, inscrite dans la loi de 2005, sauf à décrédibiliser cette exigence fondamentale et à récompenser les acteurs qui ne se sont pas investis dans ce domaine par défaillance ou simplement par attentisme. La priorité est donc que le Gouvernement puisse prendre rapidement les mesures nécessaires à la concrétisation effective de l'impératif d'accessibilité, et cela de façon pragmatique, en suivant un calendrier réaliste et adapté. J'y reviendrai tout à l'heure.

Deuxième élément justifiant la procédure accélérée : le fait que le projet de loi intervient à l'issue d'un travail très approfondi et concerté, effectué sur la durée, par notre collègue Claire-Lise Campion, que je voudrais féliciter. Claire-Lise Campion a remis au Premier ministre en mars 2013 un rapport intitulé « Réussir 2015 ». Deux de ses propositions phares ont été retenues par Jean-Marc Ayrault :

1) d'une part, la mise en place d'agendas d'accessibilité programmée - les Ad'AP -, par lesquels les acteurs s'engagent sur un calendrier de réalisation des travaux de mise en accessibilité. L'adoption d'un Ad'AP permettra de bénéficier d'un report des délais fixés par la loi de 2005, dont le non-respect est autrement soumis à des sanctions ;

2) d'autre part, une adaptation de certaines règles qui, dans la pratique, se sont révélées peu opérationnelles par rapport à l'objectif recherché ou doivent être modifiées en raison de l'évolution des technologies. Cette adaptation s'effectuera par la voie réglementaire. Pour prendre un exemple précis, la largeur minimale d'une place de stationnement réservée aux personnes en situation de handicap, de 3,30 mètres, qui est problématique pour de nombreuses communes, pourra être aménagée sous conditions en fonction de la configuration du terrain.

À la demande du Premier ministre, Claire-Lise Campion a réuni, d'octobre 2013 à janvier 2014, l'ensemble des acteurs concernés (représentants des personnes en situation de handicap, collectivités territoriales, acteurs économiques, autorités organisatrices de transport...) pour définir les modalités d'application de ces deux propositions. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'inspire directement de ces travaux de concertation.

Si notre commission s'en est saisie pour avis, c'est parce qu'il comporte, à ses articles 2 et 3, un volet consacré aux transports et un autre à l'aménagement de la voirie.

Dans ces deux domaines, voici ce que la loi de 2005 avait défini :

1) Premièrement, elle avait prévu l'adoption, par les autorités compétentes en matière de transport, de schémas directeurs d'accessibilité. Or, en 2012, seuls 61 % des schémas directeurs attendus avaient été adoptés, et 15 % d'entre eux n'avaient même pas été initiés. De même, seule la moitié des autorités organisatrices de transport urbaines avaient adopté leur schéma.

En ce qui concerne les gares, un schéma directeur national a été établi pour les gares desservies par un service ferroviaire national, les autres gares étant traitées dans le cadre des schémas directeurs élaborés par les régions.

2) Deuxièmement, la loi de 2005 avait prévu l'élaboration d'un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE), destiné à rendre accessibles l'ensemble des aires de circulation piétonne et de stationnement. Or, seuls 13 % de ces plans avaient été adoptés en 2012, couvrant 30% de la population.

3) La loi de 2005 imposait aussi l'accessibilité de tout matériel roulant acquis lors d'un renouvellement de matériel. Dans ce domaine, les progrès ont été sensibles dans le secteur du transport urbain, puisqu'en 2012, 90 % des autobus étaient à plancher bas et 69 % étaient équipés d'une palette rétractable. Mais le transport interurbain n'a pas connu de telles avancées.

Je rappelle que le volet « transports » de la loi 2005 n'a pas été assorti du même dispositif de sanctions pénales que celui relatif aux établissements recevant du public, sauf en ce qui concerne les gares. Le partage des responsabilités entre les différents acteurs intervenant dans la chaîne du déplacement - autorités organisatrices de transport (AOT) et responsables des infrastructures, qu'elles soient ferroviaires ou routières - rendait difficile l'application de sanctions correctement ciblées.

J'en viens aux modifications inscrites dans le projet de loi d'habilitation sur ces différents points.

L'article 2 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances trois séries de mesures pragmatiques pour répondre au défi de l'accessibilité des transports.

Au 1°, est posé le principe suivant lequel les points d'arrêt des transports urbains et des transports routiers non urbains à aménager sont ceux qui revêtent un caractère prioritaire au regard de critères qui seront déterminés par l'ordonnance. Alors que la loi de 2005 imposait une mise en accessibilité de l'ensemble des équipements dans un délai relativement court (dix ans), la démarche proposée est de se concentrer dans un premier temps sur les infrastructures les plus fréquentées ou à proximité d'autres équipements accessibles. Le Gouvernement est aussi autorisé à préciser les impossibilités techniques qui empêchent la mise en accessibilité de certains arrêts et rendent obligatoire l'instauration de transports de substitution.

L'article vise également à étendre l'obligation d'accessibilité du matériel roulant, aujourd'hui circonscrite au renouvellement du matériel. L'objectif est de fixer une proportion de parc de matériel roulant routier devant être accessible, lorsqu'il est utilisé dans le cadre d'un service public. Compte tenu de la durée de vie de ces matériels, il est envisagé d'assurer une mise en accessibilité progressive, jusque 2030 environ. Ces obligations relatives au matériel roulant devront être intégrées dans les marchés publics ou délégations de service public et leur mise en oeuvre devra faire l'objet d'une délibération annuelle des AOT.

L'accessibilité des transports scolaires pourra être adaptée et recentrée sur les demandes individuelles d'aménagement formulées par les personnes concernées, alors que la loi de 2005 ne distinguait pas ce type de transport des autres et imposait une accessibilité uniforme du réseau desservi dans ce cadre. Or, la parfaite application de ces dispositions entraînerait des dépenses disproportionnées pour certaines collectivités.

Par ailleurs, la procédure de « dépôt de plainte », prévue par la loi de 2005 pour signaler les obstacles à la libre circulation des personnes à mobilité réduite - qui était ambigüe, dans la mesure où elle peut être confondue avec le dépôt d'une plainte pénale - pourra être renommée procédure de « signalement des obstacles à la libre circulation ».

En ce qui concerne les gares, abordées au 2° de l'article 2, les obligations de mise en accessibilité pourront être modulées en fonction du caractère prioritaire des gares et les délais de mise en oeuvre pourront être adaptés. Le Gouvernement pourra aussi préciser les cas dans lesquels l'obligation d'accessibilité peut être assurée par la mise en place d'un transport de substitution. Le Gouvernement est également autorisé à revoir en conséquence les conditions d'application des sanctions pénales prévues par la loi de 2005.

Il s'agit encore une fois de faire preuve de réalisme : avec un coût moyen d'aménagement par gare de 2,8 millions d'euros en province et 10 millions en Ile de France, la mise en accessibilité des 1 500 gares existantes est évaluée par le rapport de Claire Lise Campion à 6,5 milliards d'euros... Or, les investissements annuels sur l'ensemble du réseau ferroviaire sont de l'ordre de 3,5 milliards d'euros, dont 1 à 1,5 milliard pour son amélioration !

Le 3° de l'article prévoit la mise en place de schémas directeurs d'accessibilité - agendas d'accessibilité programmée ou SDA-Ad'AP, qui pourront prendre la suite des schémas directeurs d'accessibilité. Ces documents sont semblables aux agendas d'accessibilité programmée mentionnés à l'article premier de la loi pour les établissements recevant du public. Comme l'a énoncé Claire-Lise Campion, il s'agit de « rattraper en quelques années, selon une programmation ferme et financée, le retard constaté pour la mise en accessibilité d'un ou plusieurs établissements recevant du public ou d'un réseau de transport. » Ces schémas devront ainsi « concilier à la fois précision des objectifs à atteindre et souplesse dans la façon de les atteindre », en commençant par les travaux jugés prioritaires.

Par ces agendas, élaborés à l'issue d'une concertation avec les représentants des personnes en situation de handicap, les autorités compétentes en matière de transport devront prendre des engagements précis pour assurer l'accessibilité des transports, en les assortissant d'un calendrier de réalisation qui ne devra pas dépasser une certaine durée (3 ans pour les transports urbains, 6 ans pour les transports interurbains, 9 ans pour le transport ferroviaire, selon les conclusions de la concertation). Ils devront être déposés avant le 31 décembre 2014 ou au plus tard douze mois après la publication de l'ordonnance, si l'AOT s'engage à entrer dans une telle démarche.

En contrepartie de la conclusion de ces documents, les autorités organisatrices de transport pourront bénéficier d'une suspension ou d'une prorogation des délais prévus par la loi de 2005, dans des limites qu'établira l'ordonnance.

Des sanctions administratives sont prévues dans trois cas :

- si l'AOT ne respecte pas les obligations que l'ordonnance aura fixées en matière d'information du préfet et de la commission communale ou intercommunale pour l'accessibilité aux personnes handicapées ;

- si l'AOT ne respecte pas les délais prévus pour la remise du schéma directeur d'accessibilité - agenda d'accessibilité programmée ;

- enfin, si l'AOT ne met pas en oeuvre les obligations de formation des personnels en contact avec le public et d'information des usagers qui seront établies par l'ordonnance.

Le produit de ces sanctions sera affecté à un fonds dédié à l'accessibilité universelle, comme le prévoit l'article 3 du projet de loi.

Cet article 3 autorise par ailleurs le Gouvernement à exonérer les communes en dessous d'un certain seuil démographique - 500 habitants, d'après l'étude d'impact annexée au projet de loi - de l'obligation d'élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE) et, pour les communes entre 500 et 1 000 habitants, à limiter le PAVE aux axes les plus fréquentés. Ces seuils ont été recommandés par le groupe de concertation. Cette mesure devrait répondre aux difficultés éprouvées par les petites communes, qui ne disposent pas des ressources techniques ou des crédits d'ingénierie pour réaliser cette tâche.

L'article 3 prévoit enfin un plus large accès des chiens guides d'aveugle et d'assistance des personnes handicapées dans les transports et les lieux publics.

Il annonce également un élargissement des commissions communales et intercommunales pour l'accessibilité aux personnes handicapées, qui seront renommées, afin d'y inclure des représentants des personnes âgées et des acteurs économiques.

Sur les délais de ces habilitations, l'article 4 du projet de loi dispose que les ordonnances devront être prises dans un délai de 5 mois à compter de la publication de la loi, et être accompagnées d'un projet de loi de ratification déposé devant le Parlement dans un délai de 5 mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Au total et pour conclure, ce projet de loi d'habilitation, élaboré à l'issue d'une large concertation avec les représentants des personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap, les collectivités territoriales et les acteurs économiques, me semble constituer un bon équilibre entre l'ambition d'une accessibilité effective des transports à compter de 2015 et les difficultés de ceux qui doivent la mettre en oeuvre, notamment les collectivités territoriales. Les mesures qui y sont annoncées constituent un relais efficace de la loi de 2005, qui maintient la date-butoir de 2015, tout en prévoyant des possibilités d'aménagement rigoureusement encadrées.

À défaut d'un tel texte, la crédibilité même de la démarche de mise en accessibilité serait remise en cause, alors qu'il s'agit d'un impératif pour notre société.

Il s'agit bien, en effet, de façon réaliste et pragmatique, de rattraper les retards constatés par rapport à l'échéance de 2015 inscrite dans la loi de 2005. Réaliste, car la démarche adoptée tient compte des coûts des différentes mesures, qui ont désormais été évalués, et des moyens dont disposent les divers acteurs pour les mettre en oeuvre. Pragmatique, parce qu'elle cible les aménagements à réaliser en priorité, en acceptant que toutes les infrastructures ne soient pas rendues accessibles en un jour, mais suivant un calendrier échelonné. Ce calendrier n'en restera pas moins impératif, puisque des procédures de suivi de l'avancement des opérations seront instituées.

Je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi, en rappelant encore une fois l'importance du respect de cette exigence.

M. Rémy Pointereau. - L'approche pragmatique du rapporteur mérite d'être saluée. Les bonnes intentions du législateur en 2005 ont conduit à négliger les difficultés pratiques de la mise en accessibilité des bâtiments ; les coûts pèsent particulièrement lourd pour nos petites communes. Dès lors, différencier les obligations en fonction de seuils de population semble une bonne chose. Les commissions communales ou intercommunales pour l'accessibilité ne jouent parfois pas leur rôle de façon satisfaisante et nous avons tous en tête des exemples où, sur le terrain, les exigences réglementaires ont conduit à des solutions chères, absurdes ou impraticables. Ce texte raisonnable et progressif mérite d'être voté.

M. Michel Teston. - Ce projet de loi prolonge les remarquables travaux de notre collègue Claire-Lise Campion, chargée de dresser le bilan de la loi de 2005, qui avait constaté l'impossibilité pratique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui d'en respecter les trop grandes ambitions. Sans remettre en cause ses objectifs, que tous partagent, il s'agit de mettre en place un calendrier plus réaliste. Le vote rapide de ce projet de loi d'habilitation est d'autant plus nécessaire que, faute d'un nouveau délai, nos collectivités seront exposées à un insupportable risque contentieux.

M. Francis Grignon. - Le problème est particulièrement important dans le domaine des transports et je m'interroge sur la possibilité de trouver des solutions qui vont plus loin dans le pragmatisme, en adaptant le fonctionnement même des services publics. Plutôt que de remettre à plat toute l'organisation et l'infrastructure d'une ligne, ne vaudrait-il pas mieux, par exemple, généraliser les solutions de transport à la demande, via des centrales de réservations spécialisées ?

M. Charles Revet. - Sur la forme, je regrette les conditions d'examen un peu précipitées de ce texte auxquelles s'ajoute le recours à la procédure des ordonnances. Sur le fond, comme tous mes collègues parlementaires, j'ai été confronté au quotidien aux problèmes que posent les exigences excessives des normes d'accessibilité dont le coût pour les collectivités est effectivement parfois beaucoup trop important.

M. Raymond Vall, président. - Je vous rappelle qu'assurer la sécurité juridique des collectivités justifie justement l'urgence de l'examen de ce texte, et que, si nous ne nous sommes saisis que pour avis, la commission des affaires sociales, saisie au fond, a mené des travaux de longue haleine sur le sujet de l'accessibilité.

M. Louis Nègre. - Je souhaiterais tout d'abord soutenir la position de notre collègue Charles Revet : c'est bien la première fois que j'observe une telle précipitation pour l'examen d'un projet de loi. Notre rôle, au Sénat, en général, est de prendre un certain temps pour peaufiner les textes qui nous sont transmis. La vitesse inhabituelle avec laquelle nous examinons celui-ci ne s'explique pas, d'autant qu'il n'y a pas de problème au fond. Nous ne sommes pas à une semaine près.

Par ailleurs, je souhaiterais savoir si Madame Campion était la seule signataire du rapport qui a été évoqué.

M. Raymond Vall, président. - Oui, Madame Campion était la seule signataire du rapport au Premier ministre, mais, pour le Sénat, elle avait précédemment effectué un rapport avec Isabelle Debré.

Je ne crois pas, en revanche, que vous ayez raison s'agissant de la critique du calendrier d'examen de ce projet de loi. En effet, repousser son adoption risquerait d'être mal compris par les associations représentatives des personnes en situation de handicap, qui pourraient considérer que nous cherchons à renier ce que nous avions voté en 2005.

M. Louis Nègre. - Nous sommes toutefois d'accord sur le fait que la loi adoptée en 2005 répondait à de nobles objectifs et qu'elle nous a permis de prendre conscience du problème du handicap. Les progrès réalisés sont certes insuffisants, mais incontestables. Le projet de loi que nous examinons a le mérite de répondre à des préoccupations de terrain, en établissant un calendrier plus réaliste et conforme aux remontées que nous avons des collectivités territoriales et des entreprises de transport notamment.

M. Yves Chastan. - Depuis de nombreuses années, nous nous doutions tout de même que les échéances ne seraient pas tenues au niveau des collectivités territoriales, s'agissant par exemple de l'accessibilité aux moyens de transports ou aux bâtiments publics. Ce projet de loi doit être voté très rapidement car les objectifs fixés par la loi de 2005 ne seront pas respectés, ce qui est susceptible d'ouvrir la voie à de nombreux contentieux.

Je rappellerai que la loi de 2005 a néanmoins permis aux élus locaux et représentants des personnes en situation de handicap, mais aussi aux personnes à mobilité réduite, de mieux se comprendre au sein des commissions d'accessibilité.

Ce projet de loi doit tenir compte des réalités de terrain et laisser la place à une certaine souplesse dans les délais de mise en oeuvre des objectifs, qui sont fort opportunément maintenus. Le chemin à parcourir reste en effet considérable et les autorités concernées, dont certaines sont nouvelles, doivent disposer de temps pour s'adapter.

J'insiste sur le fait que des moyens devront être alloués aux collectivités territoriales pour leur permettre d'atteindre les objectifs fixés.

M. Robert Navarro. - Dans la mesure où nous sommes d'accord sur le fond, je ne comprends pas bien les positions de nos collègues Charles Revet et Louis Nègre. Ce projet de loi introduit davantage de souplesse dans les délais et fait preuve de pragmatisme. Personnellement, je n'aurais même pas fixé de nouvelle date butoir car nous ne connaissons pas les dotations prévues !

Par ailleurs, je souhaiterais indiquer que la mise en place de moyens de transports individualisés ne saurait remplacer dans certaines zones, notamment d'affluence touristique, les investissements en matière d'adaptation des infrastructures et des matériels.

M. Francis Grignon. - Mon plaidoyer vise à combiner à la fois des infrastructures adaptées dans les zones d'affluence et à mettre en oeuvre des moyens de transport à la demande dans les zones moins peuplées, pas pour remplacer l'un par l'autre.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. - Je tiens tout d'abord à souligner que ce texte est un texte d'équilibre global, élaboré après négociations, parfois difficiles, avec les associations représentatives de personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite.

Je rejoins la position de notre collègue Rémy Pointereau concernant les petites communes. S'agissant des commissions d'accessibilité, il est vrai que leurs positions peuvent parfois être excessives, mais il est souvent possible d'aboutir à des solutions de compromis, par exemple, par l'intermédiaire du Conseil des Sages.

Je souhaite préciser, sur un autre sujet, que des moyens de financement adaptés seront proposés aux collectivités territoriales, notamment pour les petites communes, en plus des aides de la Banque publique d'investissement. Le gouvernement s'exprimera prochainement sur ce sujet.

Michel Teston a bien compris l'intérêt de voter cette loi pour éviter un risque important de contentieux.

Pour faire écho aux propos de notre collègue Francis Grignon, j'indiquerai que la mise en place de mécanismes de transports de substitution, en particulier dans le cadre des transports scolaires, est prévue dans le cadre des ordonnances que le gouvernement pourrait être habilité à prendre sur la base de ce projet de loi.

Je rappellerai à notre collègue Charles Revet, qui s'étonne des conditions dans lesquelles serait examiné ce texte, que la commission du développement durable n'est saisie que pour avis et que la commission des affaires sociales, saisie au fond, a étudié ce projet de manière approfondie.

Je souhaiterais confirmer à notre collègue Louis Nègre que ce texte d'équilibre global est accepté par les associations représentatives des personnes en situation de handicap et les associations d'élus.

Avant de conclure sur l'importance cruciale de ce projet de loi pour poursuivre l'accessibilité des transports et de la voirie, je remercie notre collègue Yves Chastan d'avoir insisté sur le fait que des délais étaient nécessaires pour répondre aux objectifs ambitieux assignés aux élus locaux, et je précise à Robert Navarro qu'il sera toujours temps même si cela n'est pas souhaitable, d'étudier, dans quelques années, une nouvelle date butoir si nous nous apercevons que nous n'atteignons pas les objectifs prévus dans les nouveaux délais indiqués par le projet de loi.

La commission adopte à l'unanimité le rapport verbal pour avis sur le projet de loi n° 447 (2013-2014) habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission demande à se saisir pour avis sur le projet de loi n° 357 (2013-2014) d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et nomme M. Ronan Dantec rapporteur pour avis.

La réunion est levée à 12 h 05.