Mardi 6 mai 2014

- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, Présidente. -

Audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique, et de M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale, sur la poursuite de la réforme territoriale

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Mes chers collègues, je vous remercie d'être venus si nombreux. Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, merci beaucoup d'être présents devant la Délégation aux collectivités territoriales.

En introduction, je vais essayer de rappeler le contexte dans lequel notre travail s'inscrit ; le Premier ministre a prononcé son discours de politique générale le 8 avril dernier, et le projet de loi clarifiant l'organisation territoriale de la République devrait être présenté en Conseil des ministres le 14 mai prochain.

Depuis l'annonce de ce projet de loi, plusieurs voix se sont élevées, dans la majorité comme dans l'opposition, faisant entendre que la réforme serait plus logique et plus compréhensible si elle était globale et ne s'étalait pas dans le temps, au-delà de 2017 et de la mandature du Président de la République. Certains ont estimé que l'élection de binômes départementaux et celle de conseillers régionaux sur un découpage qui serait rapidement obsolète pouvait poser certaines questions. C'est alors que le report des élections a commencé à être évoqué. Ce matin, le Président de la République a ainsi déclaré qu'il avait demandé au Premier ministre d'accélérer le rythme de la réforme et qu'il serait « intelligent que les élections locales aient lieu après la réforme ».

Une réforme plus rapide et un report des élections permettraient une concordance de temps dans la mandature actuelle et manifesterait le souci de respecter les électeurs et leurs élus.

Le projet prévoit une réforme du périmètre des régions, le renforcement de l'intercommunalité et la suppression de la clause de compétence générale. Il semblerait également qu'il soit nécessaire d'apporter des précisions sur le paragraphe relatif aux conseils départementaux.

En conclusion, aux yeux des élus de tous bords il semble logique que la réforme soit annoncée et préalable aux prochaines élections.

Nos collègues auront l'occasion de s'exprimer pour préciser leur pensée, mais nous allons tout d'abord, Madame la Ministre, vous écouter sur la méthode et sur le fond.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique. - Ce dossier est à la fois simple et complexe. Le rythme des annonces est rapide et il est nécessaire d'échanger avec les groupes parlementaires.

Vous avez noté que, dans la loi modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui nous a permis de créer des métropoles, nous avons institué une conférence territoriale de l'action publique, qui permet de mener des discussions dans chaque région sur les perspectives en matière de gestion des compétences. Vous m'avez souvent rappelé que je n'avais jamais été favorable à la clause de compétence générale. Je vous le confirme.

Nous n'avions cependant pas discuté en janvier de la fin des départements, ni du périmètre des régions de France. Cette dernière question a toutefois été évoquée au Sénat. Avant la conférence de presse du Président de la République du 14 janvier, nous avions tenu un débat très intéressant et de qualité sur ce sujet, dont je retiens en conclusion qu'il était nécessaire d'agrandir le périmètre des régions de France. Néanmoins, les participants avaient fait état de positions divergentes sur les départements. Jean-Pierre Raffarin avait ainsi indiqué que, plus les régions sont grandes, plus la proximité sera nécessaire.

Le Président de la République a suivi ce débat et a confirmé, le 14 janvier dernier, la nécessité d'agrandir le périmètre des régions, certaines ayant un poids démographique et économique trop faible.

Avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, nous avions envisagé la suppression des départements dans les zones urbaines. À la fin du premier projet de loi, nous avions d'ailleurs commandé une étude sur les modalités de transfert des compétences des départements de la métropole du Grand Paris à d'autres entités. Cette étude fera sans doute base pour nous dans l'avenir proche et doit nous être remise cet été.

En outre, dans son discours de Tulle, le Président de la République a observé que, si les départements étaient supprimés, des questions pouvaient se poser dans les départements ruraux. Il semble en effet compliqué de supprimer les départements ruraux.

Le deuxième projet de loi porte donc cette perspective de la suppression des départements, que le Premier ministre Manuel Valls a confirmée lors de son discours de politique générale. La méthode est celle de la concertation entre un groupe tripartite exécutif, législatif et associations d'élus. Ce matin, le Président de la République a posé cette question et a l'intention d'en discuter avec les familles politiques.

Vous avez notamment fait état de la difficulté de gestion pour les conseils généraux d'un mandat débouchant sur la fin de la collectivité territoriale. C'est pourquoi le Président de la République souhaite échanger avec les familles politiques, ainsi que pour trouver des solutions pour les départements ruraux.

La clause de revoyure relative aux intercommunalités est fixée à 2015 par la loi RCT de 2010 et le Gouvernement souhaite un agrandissement du périmètre des intercommunalités, pour que ces dernières puissent porter le redressement et la vie des territoires, proximité comprise. Elles devront être plus grandes et des dérogations devront être prévues pour les zones de montagne.

Je tiens à rappeler que nous ne reviendrons pas sur les débats relatifs au premier projet de loi. Le second projet de loi répondra à vos demandes, notamment celles de René Vandierendonck, et apportera des précisions au sujet des compétences des régions, en termes de développement économique, d'enseignement, de recherche, de formation professionnelle, de transports, etc.

Nous vous proposons deux schémas prescriptifs. Le premier concerne le schéma de développement économique d'innovation et d'internationalisation, qui sera un document important. Il ne s'agit pas d'une carte, mais d'un schéma d'orientation et de stratégie industrielle, économique et ayant également trait au tourisme. Le deuxième a trait au schéma régional d'aménagement du territoire, parce que les régions doivent prendre de grandes décisions relatives aux infrastructures. Ce schéma doit devenir opposable aux SCOT puis, je l'espère, aux PLU et aux PLUI. Nous nous trouvons en effet à présent face à des possibilités de gestion des territoires plus rationnelles, à condition que les régions ne gaspillent pas un temps excessif à des schémas qui ne servent à personne.

Enfin, il ne faut mettre en oeuvre qu'un échelon en ce qui concerne les aides directes aux entreprises. Il s'agit là d'une demande des entreprises, qui satisfait également ceux qui sont attentifs à la dépense publique. Seules les régions pourront donc exercer la compétence en matière d'aides directes ou entrer au capital des entreprises.

J'entends que l'ARF n'est pas complètement satisfaite, notamment dans le domaine de la gestion de toutes les organisations dont dépendent l'emploi et la formation professionnelle. Jean-Marc Ayrault puis Manuel Valls ont estimé que la gestion de l'emploi relevait de l'Etat, dont Pôle emploi est l'outil. Il n'en reste pas moins que les régions peuvent fédérer de nombreuses organisations, qu'il conviendrait d'ailleurs de rationnaliser.

Effectivement, il est surprenant de trouver dans le texte des éléments relatifs aux responsabilités des départements, alors que leur disparition a été annoncée. Nous confirmons pour les départements les solidarités envers les personnes ainsi que la prise en compte de la nécessité de travailler à l'égalité des territoires. Actuellement ces compétences de solidarité reviennent aux départements. Le texte de loi a donc été soumis au Conseil d'Etat dans cette rédaction et son examen en Assemblée générale interviendra dans les heures à venir. Nous avons la possibilité de rédiger une lettre rectificative concernant les départements. Nous pourrions prévoir, tant que les départements ne sont pas remplacés, que les compétences mentionnées dans le projet de loi relèvent « du département ou d'une entité territoriale devant être déterminée ». Nous laissons donc ouverte la porte du transfert vers une autre entité de la compétence actuellement dévolue aux départements.

Nous devons tenir parole et, dans ce projet de loi, nous avons tenu à redire la diversité des territoires en France. Nous devons donc accepter que les régions soient différentes et prendre en compte des transferts de compétences différents d'une région à une autre, en fonction de leurs spécificités.

Il n'a pas été facile de reconnaître la diversité des territoires. D'aucuns me l'ont rappelé lors de nos débats sur l'unité de la République, la garantie du droit, la proximité, etc. Cependant, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale ce matin, il n'y a pas d'égalité des citoyens devant le droit aujourd'hui, car nous constatons des situations d'hyper-richesse et des situations d'hyper-pauvreté. Notre travail sur les compétences et celui qui sera confié au ministre de l'Intérieur sur les découpages et les modes électoraux n'excluent pas que nous devions continuer à travailler sur la ressource. Sur ces questions, les situations actuelles ne sont pas du tout satisfaisantes. Je souhaite qu'avec cette réforme, nous retrouvions le sens de l'égalité des territoires et surtout de l'accès au droit.

M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale. - Je tiens à préciser que c'est un président de conseil départemental qui est chargé de mener à bien une réforme qui aboutira à la suppression des conseils généraux.

Depuis vingt ans, à gauche comme à droite, nous avons oscillé entre des volontés de suppression, de transformation et de diminution des conseils départementaux. Je me souviens avoir préconisé en 2008 ou 2009 la division par deux du nombre des conseils généraux et d'avoir envisagé que les départements puissent s'emboîter, notamment en Rhône-Alpes.

Les conseils généraux ont fait du bon travail depuis trente ans, ils se sont beaucoup investis dans leur mission très lourde. François Mitterrand, départementaliste s'il en fût, avait demandé à Gaston Deferre d'octroyer des compétences aux départements, à l'inverse de Pierre Mauroy, qui étaient plutôt régionaliste. Les départements ont donc dû assumer beaucoup de compétences depuis trente ans, et ils l'ont bien fait. Je respecte beaucoup cet attachement des conseillers départementaux à l'institution départementale, et je le partage.

Cependant, depuis trente ans, les intercommunalités sont montées en puissance, avec la loi Joxe de 1992, la loi Chevènement de 1999 et la montée en puissance des communautés de communes et d'agglomération.

Il convient de prendre acte du nouveau paysage territorial et d'en tirer les leçons. Entre les communautés de communes et les communautés d'agglomération, les conseils départementaux ont-ils encore un véritable rôle à jouer ? Les agglomérations de Grenoble et du pays Voironnais passent des conventions, organisent les transports, le développement économique, sans recourir au conseil départemental...

Nous devons néanmoins nous poser la question des espaces ruraux. Cependant, à l'exception de cantons très reculés, 80 % à 90 % de la population vit de la même façon. Les espaces ruraux et urbains s'interpénètrent dans tous les départements, à l'exception de quelques-uns, dans le Sud-ouest et dans les zones de montagne.

Pour remédier à cette situation, les intercommunalités peuvent monter en puissance, nous pouvons également créer des conseils des communautés au niveau départemental, qui assureront la péréquation entre les communautés plus riches et celles qui le sont moins.

Le Président de la République et le Premier ministre veulent aller plus vite. L'expérience nous montre en effet que, dans ce domaine, si l'on ne va pas assez vite, on s'enlise et aucune réforme n'est menée à bien. Il faut donc aller plus vite et décaler les élections. Les grandes associations d'élus (régions/départements/communes) nous ont d'ailleurs toutes demandé le report des élections, au moins d'une année.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Vous n'avez pas abordé la question du découpage des régions. J'habite dans la région Centre, où le terme de « fusion » n'a aucun sens. Il faudrait donc donner davantage de précisions ce sujet.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique. - Nous avons déjà eu ce débat à la fin du mois de janvier avec le Président de la République, qui avait employé le terme de « fusion » lors de sa conférence de presse. A l'occasion de la réunion du conseil stratégique de la dépense publique, j'avais mentionné l'impossibilité, à mon sens, de ne procéder qu'à des fusions.

Le Premier ministre a volontairement utilisé l'expression « bassin de vie » lors de sa déclaration de politique générale. Nous souhaitons travailler sur cette notion, car certains vivent dans une intercommunalité, leurs enfants sont scolarisés dans une autre, et ils travaillent eux-mêmes dans une autre région. Or, lorsque nous nous penchons sur les bassins de vie, notamment aux frontières des régions, nous manquons d'éléments de repères pour nos populations. Nous souhaitons donc favoriser les fusions lorsqu'elles sont opportunes, mais l'Etat doit aussi jouer son rôle. Il conviendra donc de fusionner, de redécouper et de réécrire des périmètres. L'Ile-de-France détient par exemple 31 % du PIB français et n'estime pas nécessaire de s'agrandir, ce qui peut sembler sage. D'autres régions font des demandes de réécriture totale. Nous aurions pu considérer que les élections régionales allaient servir à déterminer des périmètres, mais nous ne souhaitons pas que les élections régionales deviennent un référendum sur des identités.

Quelques délibérations ont déjà été adoptées par les conseils régionaux, ou le seront sous peu, et nous prendrons en compte toutes les propositions, dans un travail aussi fin que possible. Nous pourrons d'ailleurs revenir sur ce sujet précis devant la délégation, lorsque les travaux auront avancé.

M. Rémy Pointereau. - Il est vrai que, depuis longtemps, nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'une véritable réforme territoriale. Nous avons déjà beaucoup débattu sur l'intelligence territoriale dans de nombreux comités et commissions. Toutefois, nous n'avons jamais connu autant d'incertitudes qu'aujourd'hui. Quels investissements allons-nous pouvoir effectuer dans nos communautés de communes et nos départements ? Nous constatons des incertitudes et des inquiétudes et nous regrettons que les conseillers territoriaux n'aient pas été mis en place. Ces derniers auraient pu être mis en place depuis deux ans et auraient permis de rapprocher les départements des régions. Vous expliquiez d'ailleurs, il y a deux ans, que la place ne serait pas suffisante dans les hémicycles des régions, alors qu'il va s'avérer nécessaire de supprimer des sièges de région et d'agrandir ceux de la région métropole qui sera choisie, ce qui nécessitera donc des frais importants.

Avant d'avancer sans concertation qu'il faut supprimer telle collectivité et agrandir les communautés de communes, il serait opportun de lancer un audit financier afin de connaître les réalités des collectivités et d'avoir davantage de vision sur les coûts. Il aurait fallu se poser des questions en amont. Les citoyens attendent en effet de l'efficacité et de la proximité.

Au sujet des compétences générales, il convient de déterminer ce qu'est une véritable compétence.

Enfin, quelle forme prendront les élections départementales de 2016 ? Suivront-elles le nouveau découpage, le nouveau mode de scrutin ? Quel est l'intérêt d'opter pour un système de scrutin qui sera supprimé six ans plus tard ? Ces élections auront en effet un coût.

J'insiste donc sur les grandes inquiétudes et les incertitudes relatives à ces sujets.

M. Rachel Mazuir. - Je tiens à féliciter Madame la Ministre, qui est soumise à de nombreuses variations depuis deux ans sur ces questions de réformes territoriales. Elle a beaucoup de mérite à nous supporter. Quant à André Vallini, son action montre bien son dévouement.

Je suis pour ma part président du département de l'Ain, mais je ne serai pas candidat à ma propre succession.

Un argument financier explique la volonté de suppression des départements. Cependant, en quoi les départements coûtent-ils cher ? Les structures intercommunales et départementales étaient en place durant les Trente Glorieuses, mais elles n'étaient pas réputées coûter trop cher à cette époque.

La création de la métropole lyonnaise, agrégeant les fonctionnaires des communautés alentour, nécessite une augmentation des salaires de ces derniers de 20 %. Si les fonctionnaires du département dépendaient de la région, leurs primes augmenteraient de 40 %. Il faudrait donc dire ce que l'on veut.

Je suis néanmoins d'accord : il convient de réduire le nombre de régions et de départements. Cependant, quelle société voulons-nous ? Souhaitons-nous que toutes les décisions soient prises dans les métropoles et que les fonctionnaires remplacent les élus ? Souhaitons-nous recentraliser au niveau des régions, laisser les citoyens prendre des initiatives, avoir des relations de proximité ? Je n'ai pas ces réponses pour l'heure, ce qui est regrettable.

Cette réforme nous est présentée avec des sondages annonçant que 60 % des Français souhaiteraient la disparition des départements. Si ces questions n'étaient posées qu'aux ruraux, les réponses seraient sans doute différentes. Les urbains doivent-ils décider du devenir des territoires ruraux, qui aspirent à des services publics dont ils ne disposent plus ?

Je suis prêt à aller dans le sens d'une modification, mais je souhaite obtenir des réponses aux vraies questions. Or, je ne suis pas en mesure d'expliquer aux 2 300 fonctionnaires de l'Ain à quoi ils serviront demain. Ces questions ont été passées sous silence, sous le prétexte flou de la modernité.

Dans la région PACA, entre la métropole niçoise, la métropole Aix-Marseille et celle de Toulon, que restera-t-il à la région ? Les métropoles sont venues bousculer les situations et je me demande dans ce contexte à quoi servent les régions, qui ne sont pas en charge de la proximité.

Mes réflexions sont peut-être iconoclastes mais elles touchent des sujets de fond. Je ne suis pas favorable à cette société urbaine dans laquelle les territoires ruraux s'apparenteront à des réserves d'indiens.

M. Charles Guené. - Je suis élu depuis une trentaine d'années et j'essaie d'avoir de l'audace. J'éluderai pour commencer la question de la date des élections, qui relève du pari et de la stratégie électorale.

Les problèmes des départements peuvent être envisagés sous l'angle de la gouvernance. Pourquoi les départements ne seraient-ils pas gérés demain par les présidents d'EPCI ? Il convient de réfléchir aux éléments qui doivent rester gérés au niveau départemental et à ceux qui doivent échoir aux EPCI, voire à certains pôles d'équilibre territorial et rural (PETR).

Dans les territoires ruraux, notre premier problème a trait à la gouvernance des départements, qui n'ont pas su assurer ce virage. Nous constatons donc des doublons.

Le problème du timing se posera ensuite. Avant d'envisager le redécoupage des régions, il faut ainsi envisager le maillage de l'échelon inférieur. Les PETR et les EPCI auront souvent la taille d'un arrondissement et nous devrons sans doute faire éclater certains départements. Une fois que cette organisation territoriale entre métropoles et ruralité aura été mise en oeuvre, nous pourrons tracer le contour des régions. Dès lors, il me semble que le timing de la réforme n'est pas des plus opportuns.

Mme Renée Nicoux. - Lorsque l'on parle de départements, évoquons-nous le découpage physique de ces territoires ou le conseil général ? Cette question pose celle de la représentation de l'Etat dans les départements.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique. - Il s'agit des conseils généraux.

Mme Renée Nicoux. - Les conseils généraux sont très importants dans la vie rurale. Il s'agit du lieu de la solidarité entre les communes. Si l'on confère des missions trop importantes aux intercommunalités dans les zones rurales, nous créerons de nouveaux départements. La dernière réforme, qui consistait à créer des intercommunalités d'une certaine taille, a déjà donné des résultats intéressants et aller au-delà poserait des problèmes du côté de la proximité.

Par ailleurs, quel avenir est envisagé pour les petites communes ? Les compétences des intercommunalités s'accroissent et des missions communales très importantes leur sont transférées. Les conseils départementaux et les maires n'auront sans doute gérer à terme que les petites choses au quotidien, et non les décisions les plus importantes ! La question de la représentation de ces territoires au sein des intercommunalités se posera dès lors. Nous devons également réfléchir au mode d'élection des membres des conseils syndicaux dans les intercommunalités.

M. Alain Richard. - Je pense que rien n'est décidé. La réforme est décidée par le Président de la République et par le Premier ministre, qui ne prendront pas de décisions inconsidérées. Il me semble que leurs choix ne sont pas faits.

Cette réforme s'inscrit également dans la perspective des 50 milliards d'euros d'économie, dont 10, à réaliser, il faut donc veiller à ce qu'elle n'induise pas de surcoûts. Or une réforme coûte de l'énergie, du temps et de l'argent.

La ministre indique que la réforme nécessite de redécouper des régions. Une fusion consiste à mettre en commun des dettes, des patrimoines, des engagements pris sur plusieurs décennies, ce qui peut parfois s'avérer très complexe. Des scissions précédant la constitution de nouvelles régions par fusion multiplieraient la charge de cette réforme par quatre ou cinq.

La ministre a également évoqué une suppression des départements, alors que le secrétaire d'Etat a évoqué celle des conseils départementaux, ce qui est très différent. Les départements constituent en effet une collectivité mentionnée comme telle dans la Constitution, qui prévoit qu'une loi ordinaire peut en ajouter, et non en supprimer.

En ce qui concerne les missions sociales des départements relatives au handicap, aux personnes âgées, au RSA et au travail social, la découpe des structures départementales de gestion en unités plus petites représente un risque de dispersion des moyens et de surcoûts. L'idée qu'une agglomération remplace le département sur son territoire et que les ruraux doivent se débrouiller dans l'espace restant n'ira sans doute pas plus loin.

La réflexion qui va s'engager aura pour objectif de conserver le territoire départemental et la collectivité et d'utiliser les intercommunalités comme cadre électoral. Pierre-Yves Collombat a repris cette idée que j'avais aussi eue sans en faire état.

Dans ce cas, la taille de l'intercommunalité ne peut pas être définie en fonction d'un nombre de ses habitants mais en fonction du rapport numérique de sa population avec celle du département. Si l'assemblée délibérante d'un département compte 30 ou 40 personnes, la plus petite intercommunalité ne doit pas être beaucoup plus restreinte qu'un quarantième du département.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique. - La proposition relative au mode de scrutin a également été relayée par Jean-Pierre Sueur, afin de mettre en place des regroupements d'intercommunalités et un scrutin sous forme d'arrondissements, avec des listes. Ce débat a donc déjà été tenu.

Si les choses n'ont pas été fixées plus avant par le Premier ministre et le Président de la République, c'est que nous avons encore besoin de réponses. Le Président de la République, même s'il nous enjoint de réunir les ruraux et les urbains plutôt que de les opposer, a précisé qu'une solution était nécessaire pour les départements ruraux.

Pour revenir sur l'intervention de M. Pointereau, les audits financiers ont bien été effectués et n'ont pas constitué le fait déterminant. Cependant, dès lors que le Président de République souhaite une fusion des régions ou une réécriture du paysage régional et que le Premier ministre évoque une suppression des départements en 2021, il nous a semblé que le mieux était d'aller vite. La question n'est pas seulement posée : la réforme est sur la table. C'est pourquoi il vaut mieux aller vite.

Nous devons conjuguer efficacité et proximité, nous devrons prendre en compte le fait que les intercommunalités n'avaient pas leur dimension actuelle lorsque nous avons commencé à envisager de rassembler les départements. Vous-mêmes appeliez de vos voeux cette deuxième partie du projet de loi, afin que les compétences des intercommunalités soient mieux définies, plus claires, plus fortes. Nous allons répondre à vos attentes avec ce projet de loi. Force est de reconnaître que les intercommunalités jouent un rôle plus fort à présent qu'il y a dix ans.

Je ne souhaite pas que nous continuions à construire un mur entre les ruraux et les urbains. Les milieux ruraux n'ont pas des problèmes différents de ceux des milieux urbains, même si des questions se posent différemment en termes de ressources, de logement, etc. Les espaces ruraux sont en outre essentiels au développement du pays, comme je vous l'ai déjà dit. L'indépendance alimentaire est en jeu pour 2030 et ce sujet sera vital pour l'Europe. Nous devrons donc protéger les milieux ruraux et « réécrire l'urbanisme rural », selon votre heureuse expression. Nous nous posons aussi la question de la ressource en milieu rural. Il ne s'agit pas d'opposer urbains et ruraux, mais de se pencher sur les ressources et les services à déployer dans les milieux ruraux, afin de régler ce conflit que vous avez montré du doigt.

La région PACA travaille avec les métropoles sur les stratégies industrielles, le développement, le bassin méditerranéen, etc. Les élus locaux sont responsables et capables de discuter. La région PACA ne pose pas de problème plus complexe que les autres régions.

Par ailleurs, concernant le report des élections, mettons de côté nos querelles partisanes et revenons aux faits. Pouvons-nous nous poser la question des élections régionales et cantonales en toute sérénité compte tenu des options que nous ouvrons ? Le Président de la République souhaite interroger les partis politiques sur ce sujet ce qui ne relève pas de la stratégie électorale mais d'une nécessité de timing.

En outre, nous avons déjà évoqué la question de l'élection des présidents d'intercommunalités au suffrage universel direct. La gouvernance de la structure qui assure 80 % de l'investissement et du fonctionnement pose une question de démocratie.

Certaines communes n'ont plus les moyens d'agir, il faut donc renforcer les intercommunalités. Nous n'avons pas d'autre solution que l'intercommunalité pour conserver les communes, lesquelles restent les structures de base de la République.

Nous n'évoquerons ni les circonscriptions électorales ni les modes d'élection sans avoir décidé des compétences. Par le passé, nous avons en effet d'abord évoqué le mode de scrutin pour nos assemblées départementales avant d'aborder les compétences du département, ce qui n'a pas fonctionné. Nous aurions préféré à l'époque arrêter de discuter du scrutin pour discuter des compétences, mais nous avons perdu ce match.

Le Premier ministre a confirmé que nous allions évoquer les compétences avant d'en venir au sujet des élections. Nous souhaitons faire notre possible pour que le texte soit discuté avant l'été, afin que cette discussion sur les compétences soit aussi avancée que possible au Sénat avant d'en venir au mode de scrutin.

M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale. - Je ressens également des inquiétudes dans mon département, où les élus sont dans l'incertitude. Il faut donc aller plus vite. Le calendrier était trop distendu et trop flou.

Nous, socialistes, avons peut-être excessivement diabolisé les conseillers territoriaux, je le concède. Cependant, les conseillers territoriaux avaient ce défaut qu'ils maintenaient les deux niveaux d'assemblées, régional et départemental, sans suppression malgré la baisse du nombre d'élus.

Par ailleurs, je ne suis pas certain qu'il faille augmenter le nombre de sièges des conseillers régionaux en proportion de la taille des régions qui vont s'agrandir.

Les compétences sociales constituent un véritable problème et seront très compliquées à transférer. Nous pouvons cependant envisager que les intercommunalités passent des conventions pour gérer d'anciens foyers départementaux. Quant au RSA, j'entends de nombreuses voix avancer que son transfert en direction des caisses d'allocations familiales peut être envisagé. Pour l'APA et la PCH, la région pourrait gérer les schémas de gérontologie de façon cohérente, et les intercommunalités pourraient les décliner en versant ces prestations. Il faut d'abord voter la réforme, et ces transferts nécessiteront ensuite un certain temps.

En outre, durant les Trente Glorieuses, les régions n'étaient pas mises en place, ni la décentralisation. L'Etat était alors omnipotent et personne, sans doute, ne souhaite revenir à cette situation, en tout cas sur ce plan.

Comme l'a très bien dit Mme Lebranchu, si nous souhaitons sauver les communes, il faut faire monter en puissance les intercommunalités. C'est la seule façon de sauver la commune comme échelon de proximité avec un maire. De nombreuses toutes petites communes, de moins de 100 habitants, ne sont pas intéressées par les fusions, même si elles acceptent que leurs compétences soient absorbées au niveau de l'intercommunalité.

Enfin, je remarque que l'article 72 de la Constitution permet de supprimer une collectivité territoriale, en en créant une nouvelle en lieu et place d'une collectivité existante.

M. Yannick Botrel. - Concernant le périmètre des régions, je souscris aux propos tenus par Madame la Ministre. La fusion pure et simple réduira certains territoires à la périphéricité et créera forcément des insatisfactions. Certes, des difficultés techniques pourront être rencontrées, mais j'observe que des intercommunalités ont parfois éclaté et que nous avons trouvé les moyens de résoudre ces problèmes techniques.

Notre pays a profondément changé et la montée en puissance des intercommunalités a été très nette, notamment en Bretagne. Elle s'est confirmée ces dernières années. Le transfert des compétences a été réalisé sans grandes difficultés et les communes ont effectué ces transferts de bonne grâce dans la plupart des cas. Cette montée en puissance des intercommunalités est réelle et il convient de la prendre en compte. La clause de compétence générale est très relative concernant les communes. Lorsque ces dernières prétendent délibérer sur une compétence qu'elles ont transférée, le sous-préfet les met en demeure d'y renoncer.

Concernant la métropolisation, la ville de Rennes irrigue le tiers du département des Côtes-d'Armor, ce dont il a fallu tenir compte au niveau régional en matière de transport. Les aires géographiques des grandes métropoles régionales ont tendance à s'étendre et celles de Rennes et de Nantes ne sont plus séparées que par dix kilomètres. Des populations se sont installées dans cet espace entre les métropoles, leurs besoins devront donc être pris en considération.

La disparité des territoires est réelle et la réforme dont il est question aujourd'hui ne saurait être abordée sans que les moyens financiers des collectivités, et en particulier la péréquation, soient évoqués.

Les départements sont à présent pris en tenaille entre les intercommunalités, qui ont grossi et vont encore développer leur aire géographique, puisque la réforme va dans ce sens, et les régions. Je constate qu'au sein des Côtes-d'Armor certaines intercommunalités sont en capacité d'oeuvrer largement en matière de solidarité territoriale plus que le département lui-même. Certaines d'entre elles disposent de moyens financiers supérieurs à ceux du conseil départemental.

Ce dernier a déconcentré ses services et a créé des Maisons du département, qui auront les moyens de fonctionner, que leurs directives viennent de Rennes ou de Saint-Brieuc.

En outre, les élus ont besoin de clarifications, car la situation est confuse depuis deux ans que cette question de la décentralisation a été abordée.

Je souhaiterais que nous ne nous contentions pas de demi-mesures, que nous puissions tenir compte du fait que les territoires ne sont pas identiques et que nous ayons une vision prospective de l'avenir de la France. Je rejoins les propos tenus par Mme la Présidente : la réforme doit être globale et effectuée dans un temps limité.

M. Jean-Étienne Antoinette. - Ces débats ont déjà eu lieu en Martinique et en Guyane, une loi organique a créé la collectivité unique avec la fusion de la région et des départements.

Concernant le calendrier, des élections auraient dû se tenir à la fin de l'année 2012, puis une nouvelle date a été fixée au mois de mars 2014. Cette réforme territoriale ayant déjà eu lieu, devons-nous attendre 2016 ?

M. Jean-Pierre Vial. - J'ai évoqué à plusieurs reprises la nécessité d'une étude d'impact pour disposer d'éléments qui semblent nécessaires et importants. Cette étude d'impact doit également comporter une dimension politique. Nous avons toutefois l'impression que cette réforme répond à un enjeu de mode, sur le thème du millefeuille. Nous baladons les compétences d'une collectivité à l'autre, ce qui ne me semble pas normal.

Je suis de plus en plus frappé et inquiet de constater que la rigidité de notre pays ne dépend pas de nos collectivités, mais de notre organisation centralisée. L'Angleterre, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie comptent sur des régions puissantes, auxquelles de véritables pouvoirs ont été attribués. Or la France est très centralisée, très rigide, alors que la présente réforme ajoutera encore de la rigidité.

Plus nous souhaitons des régions fortes, plus les problèmes de proximité se posent. Effectivement, la politique sociale peut parfois être assumée par les intercommunalités, comme c'est d'ailleurs le cas en Alsace. Les grandes agglomérations n'auront aucune difficulté à assumer ces compétences, mais le fossé s'agrandira avec les territoires ruraux, qui ne disposeront pas de moyens humains ni financiers. Plus les régions seront renforcées, plus ce fossé se creusera.

Les régions sont déjà très éloignées du terrain et je crains qu'à l'avenir, les élus et les collectivités soient de moins en moins nombreux, contrairement aux administrations et aux agences régionales. La démocratie locale se trouverait dès lors fortement diminuée du fait de la disparition des élus.

M. André Reichardt. - Je ne comprends pas l'intérêt de cette réforme. S'agit-il d'améliorer l'efficacité sur le plan de l'économie et de l'emploi ? Nous constatons un problème structurel en matière d'économie et d'emploi, et la totalité des Français nourrissent de fortes attentes à ce titre. Cette réforme a-t-elle pour objectif de réaliser des économies ?

Ce n'est pas simplement en augmentant la taille des régions que nous pourrons être plus efficaces sur le plan de l'économie et de l'emploi, mais c'est en augmentant les compétences, les moyens et les responsabilités des régions. Or, cette réforme ne me semble pas prendre ce chemin, alors que les régions souhaiteraient disposer de davantage d'outils sur le plan de l'emploi, de la formation professionnelle, etc.

Si cette réforme a pour objectif de réaliser des économies, nous ne pourrons pas en réaliser en découpant des régions, ce qui nécessitera en effet du temps, de l'énergie et de l'argent. Nous ne réaliserons pas non plus d'économies sur la suppression des départements.

Si nous étions clairs sur l'objectif, les réponses viendraient toutes seules.

Si le Conseil constitutionnel accepte un nouveau report, une véritable réforme sera nécessaire. Cette réforme, il faudra l'expliquer. Nous devons tirer des leçons de l'échec du référendum sur la fusion du conseil régional d'Alsace avec les conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, en Alsace, et faire preuve de davantage de clarté vis-à-vis de la population. Cette réforme devra donc être expliquée, d'autant qu'aucun référendum n'est prévu. Pour ce faire, vous devrez avoir bien défini vos orientations et savoir ce que vous souhaitez. Or votre réforme n'est pas claire, vos deux objectifs ne sont pas compatibles et ce report des élections d'une année pourrait s'avérer insuffisant.

M. Philippe Dallier. - Je me réjouis de l'inversion du calendrier : la réforme d'abord, les élections ensuite. Je me réjouis également de l'accélération de la réforme, même si je mesure la difficulté de la tâche.

Je souhaite cependant être certain d'avoir bien compris le calendrier. Il est prévu que les élections soient repoussées à 2016. À cette date, nous voterions dans le cadre de régions redécoupées ou fusionnées. Nous nous penchons également sur le sort des conseils départementaux, nous ferions monter en puissance les intercommunalités et, en 2016, les électeurs sauront globalement sur quelle base leur territoire sera administré.

Il faut rouvrir le débat concernant les départements au sein de la métropole du Grand Paris. Je repose la question des trois départements de la petite couronne et de Paris en tant que département. Il serait en effet paradoxal que la question des conseils départementaux ait été traitée partout en France, mais que ces conseils perdurent dans le Grand Paris, où ils n'ont selon moi aucun sens.

M. Georges Labazée. - je vais évoquer un cas pratique : le département des Pyrénées-Atlantiques est propriétaire de trois sites majeurs, deux stations de ski et le train de la Rhune, qui domine la Côte basque. À qui ces équipements seront-ils transférés ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique. - Concernant la métropole du Grand Paris, j'avais pris soin, à l'Assemblée nationale, d'expliquer pourquoi nous demandions une étude, non sur la suppression des départements de la zone concernée, mais sur les modalités des transferts. Nous avions ainsi souhaité disposer de l'étude d'impact à la fin de l'été à venir, pour fournir les résultats de cette étude à la mission de préfiguration.

Nous devrons nous donner du temps et revenir devant la délégation, notamment sur des sujets précis. Il reste qu'il n'est pas facile de lancer l'évolution de la métropole, suite à certaines velléités de revenir sur l'écriture de la loi.

Par ailleurs, les Länder allemands ne sont pas beaucoup plus grands que nos régions, mais des questions de compétences et de dotations de l'Etat entrent en ligne de compte, ce qui différencie les problématiques. Concernant les régions de France, Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger ont souhaité accélérer le redressement de notre pays et conforter les régions de France dans leur mission de contribuer à l'amélioration de notre secteur productif. Cette volonté s'inscrivait dans le contexte d'une multiplication des conventions interrégionales qui ajoute un nouvel échelon d'administration, qui prend de l'importance, notamment en ce qui concerne les pôles de compétitivité. C'est à partir de ce constat que l'idée d'adapter les régions à la réalité a émergé presque naturellement. Il s'agit d'adapter la réalité institutionnelle à la réalité de terrain, d'accélérer ainsi le développement économique en se dotant de véritables stratégies industrielles et en supprimant les doublons.

Dans le même temps, une véritable réforme est nécessaire et nous devons réécrire la charte de la déconcentration. Notre projet d'écriture des territoires de notre pays est donc global. Ce n'est pas au niveau des régions que nous allons réaliser des économies, mais nous savons que la mutualisation des communes et intercommunalités permettra d'en réaliser. Le Président de la République prend acte du besoin de réécrire un paysage institutionnel qui correspond à la nécessité du développement de nos territoires. Il a pris acte du fait urbain, et nous devons, pour nos populations, écrire cette vision de la France du XXIe siècle.

Au sujet des rigidités, l'Etat est toujours écrit sans prendre en compte la Commission européenne ni la décentralisation. Il convient donc de réécrire l'Etat également. Dans les territoires départementaux, l'Etat n'est plus à la hauteur des tâches qui doivent être les siennes, ce qui rejoint le sentiment d'abandon que nous avons évoqué. Ce sentiment n'est pas lié aux collectivités territoriales, mais à l'absence de l'Etat sur des pans entiers de notre territoire.

Il faut, en outre, intégrer les fonctionnaires dans cette réforme, réécrire la charte de la déontologie, garantir que les transferts de personnels seront bien menés, recréer une forme de mobilité entre les fonctions publiques, etc. Les organisations syndicales sont d'accord pour ouvrir ces chantiers dès le mois de mai.

Nous allons donc construire sur ces trois piliers : réforme territoriale, réforme de l'Etat et réorganisation de la fonction publique. Vos interventions vont dans le même sens : vous nous demandez d'écrire ce projet et souhaitez davantage de lisibilité concernant ces trois piliers.

Au sujet des outremers, je n'ai pas la réponse à la question posée, dont je prends note. Je me pencherai sur ce sujet spécifique avec le ministère de l'Intérieur. Le Président de la République nous a effectivement fait travailler sur le territoire hexagonal, et non sur la Corse ni sur les outremers.

Enfin, en Bretagne, nous constatons que deux grandes collectivités touchent quatre départementaux et en recoupent certains, ce qui pose donc question.

M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale. - En Isère, le conseil général décline son action sur ses 13 territoires, avec des Maisons du conseil général. 70 % de nos agents (environ 3 800 sur 4 600) travaillent sur les territoires, et 70 % des actions du département sont déclinées sur les territoires. Nous comptons 27 intercommunalités et nous souhaitons parvenir à une quinzaine. Nous y travaillons d'ailleurs déjà.

La proximité est effectivement importante, mais si nous faisons monter en puissance les intercommunalités autant que les régions, nous pourrons compter sur des élus de proximité et des services proches des gens. Certaines communautés de communes enjambent deux départements, c'est le cas en Chartreuse.

En Isère, nous avons également notre petit train, celui de La Mure. Il s'agit d'un joli petit train, qui coûte cependant très cher au département. Si la région souhaite le prendre en charge, je n'y verrais que des avantages. L'Isère ne gère plus de stations de ski, mais les communautés de communes pourront s'occuper des stations de ski si elles montent en puissance.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, merci beaucoup pour cette réunion. Nous avons abordé de nombreux sujets, les élus ont exprimé leurs craintes et leurs questions. Avant que la commission des Lois du Sénat soit saisie, si vous le souhaitez et en avez la possibilité, il pourrait être opportun de discuter de sujets thématiques, notamment les régions et les départements, avec notre délégation.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique. - Nous en sommes d'accord.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Merci beaucoup.