Jeudi 6 octobre 2016

- Présidence de M. Jean-Marie Bockel, président -

Débat d'orientation et lancement de nouveaux travaux de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales

M. Jean-Marie Bockel, président. - La session 2015-2016 a été marquée par deux réussites : celle du groupe de travail sur la simplification du droit de l'urbanisme animé par Rémy Pointereau avec le soutien du président du Sénat et de toutes les instances de notre assemblée ; la signature d'une charte de partenariat avec le Conseil national d'évaluation des normes présidé par Alain Lambert. Elle prévoit un échange d'information - il ne fallait pas faire double-emploi - la création d'une méthodologie innovante et des actions conjointes. Rémy Pointereau va maintenant établir le bilan du groupe de travail qu'il préside.

M. Rémy Pointereau, président du groupe de travail sur la simplification de l'urbanisme. - Le bureau du Sénat, par une décision du 12 novembre 2014, a confié à notre délégation la mission de simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales. Nous avons travaillé d'arrache-pied et produit la proposition de loi déposée avec Jean-Marie Bockel et la proposition de loi constitutionnelle de janvier 2016 inscrivant dans la Constitution les trois principes « prescripteur-payeur », « une norme créée, une norme supprimée », ainsi que la transposition a minima des actes législatifs européens. Cette dernière, adoptée par le Sénat, attend d'être examinée à l'Assemblée. Nous avons enfin produit le rapport avec Philippe Mouiller sur les normes applicables aux collectivités dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

Sur les normes existantes - le stock - le Sénat a d'abord adopté une résolution invitant le Gouvernement à simplifier sur treize points concrets le cadre règlementaire de l'urbanisme et de la construction. Six de ces préconisations ont d'ores et déjà trouvé un début d'application, alors que les sept autres sont en cours d'instruction par le Secrétariat général à la modernisation de l'action publique (SGMAP) et la Direction générale aux collectivités territoriales (DGCL).

Nous nous sommes surtout lancés dans un travail ambitieux de simplification législative du droit de l'urbanisme. À l'initiative du président du Sénat et de Jean-Marie Bockel, un groupe de travail inter-commissions a été lancé en février 2016, avec Marc Daunis et François Calvet pour rapporteurs. Nourri de plus de 10 000 réponses à la consultation nationale que nous avons mise en ligne, et travaillant de façon transpartisane, le groupe de travail a d'abord abouti à une proposition de loi réunissant vingt-cinq mesures de simplification de nature législative, dans les domaines du contentieux de l'urbanisme, des documents d'urbanisme, du dialogue État-collectivités, de la protection du patrimoine et de l'accessibilité, qui sera examinée en séance publique le 25 octobre prochain, et qui aura besoin de votre soutien pour se rapprocher - je l'espère - de l'unanimité.

Le groupe de travail a ensuite produit un rapport d'information contenant trente-quatre recommandations complémentaires, portant notamment sur la fabrique de la norme, reprises pour l'essentiel par le Conseil d'État : structuration d'un réseau interministériel de la simplification, formation à la simplification à l'ENA et dans les Instituts régionaux d'administration (IRA), renforcement de l'évaluation ex post, recours plus fréquent à l'expérimentation.

Le Conseil d'État n'aime peut-être pas assez le Parlement... Il plaide en effet pour que l'on passe par ordonnances, ce qui est pour nous une fausse bonne idée : elles ne prennent pas beaucoup moins de temps qu'un texte parlementaire, mais surtout, sans l'éclairage qu'offrent les rapports législatifs et les débats en commission et en séance, elles livrent une norme brute et laissent le juge dans l'ignorance des intentions réelles du législateur. La qualité du droit produit est, en outre, parfois critiquable, comme en témoigne l'oubli par l'ordonnance recodifiant le livre 1er du code d'un des motifs de révision des PLU pourtant l'une des dispositions les plus débattues de la loi Alur...

Notre groupe de travail a enfin dressé la liste de quarante-cinq mesures de nature règlementaire, actuellement instruites par les services des ministères compétents. Un comité de suivi s'est d'ailleurs tenu vendredi dernier au secrétariat d'État chargé de la simplification, auquel participaient nos services.

Notre délégation a donc pris au sérieux sa mission, mais il reste beaucoup à faire : la simplification est un combat de tous les jours. Le Conseil d'État, qui la préconise, a ainsi annulé au cours de l'été une partie de l'arrêté du 8 décembre 2014 simplifiant les règles d'accessibilité des ERP anciens, qui les avait libérés des dispositions concernant les espaces de manoeuvre avec demi-tour, les espaces de manoeuvre de porte et l'espace d'usage devant les équipements, dès lors que l'accès au bâtiment était matériellement impossible à une personne en fauteuil roulant. Cette annulation touchera particulièrement les commerces des centres villes historiques présentant des rues en pente. Nous ne sommes pas toujours aidés par la haute administration !

Nous sommes à un « moment simplification ». J'en veux pour preuve l'accueil fait à nos travaux, le rapport du Conseil d'État ou encore la publication du dernier numéro de la Revue française d'administration publique entièrement consacré à ce sujet. Reste à savoir comment nous nous projetons dans l'avenir. L'urbanisme était signalé par 67 % des élus répondant à notre questionnaire de l'automne 2014, mais d'autres sujets doivent désormais être traités.

M. René Vandierendonck. - Ce travail pragmatique est précieux. Quelle meilleure reconnaissance pouvait-on espérer que la parution d'un rapport du Conseil d'État sur la simplification et la qualité du droit - le troisième sur ces questions ? Pour la première fois, le Conseil d'État se remet en cause lui aussi, et admet la responsabilité du Gouvernement : études d'impact défaillantes, quasi absence des études et évaluations ex-post, expérimentations possibles mais jamais tentées. Le Conseil d'État semble même ouvert à une procédure analogue au rescrit en matière d'urbanisme. Nous avons donc intérêt à nous appuyer sur lui et à y aller franco. Attention cependant : le recours systématique à la proposition de loi favorise le détournement indirect, quand c'est le Gouvernement qui l'inspire et se dispense ainsi d'étude d'impact. Il faudra gérer finement la proposition de loi à l'ordre du jour du 25 octobre, pour qu'on ne puisse pas dire d'elle : un petit tour au Sénat et puis s'en va... J'ai apprécié la manière ouverte et constructive avec laquelle vous avez conduit ce travail.

M. Jacques Mézard. - Aujourd'hui, partout dans le pays, il y a une prise de conscience que l'accumulation des normes est un boulet pour la Nation. Le Sénat, en pointe dans ce domaine, doit poursuivre son travail. Nos collègues élus locaux ne supportent plus cette diarrhée législative et réglementaire. Il faudra continuer la destruction des multiples bidules qui contribuent à produire de la norme, agences ou observatoires, devenus le dada de ce Gouvernement - cela permet de caser un certain nombre d'amis et de faire du lobbying. Si nous ne pouvons pas y mettre un terme, tentons au moins d'y mettre un frein.

Mme Françoise Gatel. - Nous pouvons être satisfaits de ce rapport. Avec Dominique de Legge, nous avons organisé des réunions dans notre département pour le présenter. Les élus ont compris l'intérêt des mesures de simplification que vous préconisez. Ils ont compris que nous avons choisi d'aboutir à un consensus pour que ces mesures prospèrent à l'Assemblée. C'est un exemple d'action déterminée du Sénat. Ces mesures simples et efficaces permettront d'oxygéner notre action sur le terrain.

M. Jean-Marie Bockel. - Évoquons maintenant la suite de nos travaux. Trois pistes ont été étudiées en fonction des résultats de la consultation des maires lancée par la délégation à l'automne 2013, mais aussi des attentes identifiées dans le rapport du groupe de travail sur l'urbanisme. Il s'agit de recueillir l'avis des membres de la délégation sur ces pistes avant de contacter les commissions permanentes - avec lesquelles nous ne devons pas nous placer dans une concurrence stérile - et la délégation aux entreprises, par exemple.

La première piste est le pouvoir réglementaire excessif des fédérations sportives et son incidence sur les finances des collectivités. De nombreux rapports ont porté sur cette question, comme celui de la mission commune d'information du Sénat sur le sport professionnel en avril 2004, et celui d'Alain Lambert et Jean-Claude Boulard sur la lutte contre l'inflation normative en mars 2013.

Il s'agirait non pas de s'attaquer à la réglementation en vigueur des installations sportives mais de renforcer les procédures de contrôles mises en place en 2009 avec la création d'une commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres). L'idée directrice serait de renforcer dans le processus d'examen des projets de normes par la Cerfres et, le cas échéant, par le Conseil national d'évaluation des normes le poids des porteurs des intérêts des collectivités. Un compromis serait à rechercher pour que les nouvelles normes soient mieux discutées en amont.

Compte tenu du caractère réglementaire de la matière, il s'agirait d'élaborer une résolution du Sénat. Ce travail pourrait être réalisé avant la fin de l'année en vue d'un débat en séance publique - et toute la dynamique que cela peut créer - en duo avec la commission de la culture, très attentive à ces questions et au positionnement des fédérations sportives.

La deuxième piste est la simplification pour la revitalisation des centres villes et centres-bourgs. Le rapport du groupe de travail présidé par Rémy Pointereau rappelle en effet sur ce sujet les propositions de l'association « Villes de France » présidée par Caroline Cayeux, sénateur-maire de Beauvais, dans Le Manifeste, Faire vivre le coeur des villes, publié le 15 mars 2016, et suggère d'ouvrir ce chantier de simplification.

À titre personnel, c'est la piste que me convainc le moins. Je ne crois pas que ce problème appelle d'abord de la simplification. En matière d'urbanisme, il y a sans doute de la matière, en termes de surtransposition de droit européen, certainement. Mais la lecture du nouveau livre de Sylvain Tesson, qui a parcouru la France en diagonale et en décrit le paysage défiguré, me conduit à dire que cela ne concerne pas seulement les centres villes. Je ne suis pas sûr qu'une simplification puisse porter sur la mise en place d'équipements publics, notamment culturels ; la politique foncière est un sujet en soi, enfin je ne vois pas comment nous pourrions travailler sur les réseaux de transport.

La troisième piste est la facilitation de la commande publique des collectivités territoriales. C'est un sujet de préoccupation important pour les élus locaux, désigné par 24,7 % des répondants à la consultation de novembre 2014. Mais il peut difficilement donner lieu à des propositions de réforme dans les prochains mois, si peu de temps après l'ordonnance du 23 juillet 2015 qui intègre la réglementation européenne tout en simplifiant et en rationalisant les différents textes en vigueur. Sa mise en place nécessitera du temps avant de produire ses effets sur le terrain, avec des ajustements jurisprudentiels ou techniques encore inconnus. Élaborer à ce stade une nouvelle réforme nous ferait tomber dans le piège de la volatilité de la norme, dont nous voulons sortir. Orientons-nous plutôt vers une première évaluation à la fin 2017, après le prochain renouvellement.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Attention aux redondances. Il y a eu une mission commune d'information sur la commande publique dont les recommandations sont très complètes. Il serait peut-être superfétatoire d'en rajouter.

Mme Nelly Tocqueville. - La question des normes produites par les fédérations sportives est un sujet fondamental : lorsque les commissions de contrôle passent, les élus des petites communes sont confrontés à leur méconnaissance de ce qui est exigé et à l'incapacité financière de leurs communes pour faire les travaux.

M. Michel Le Scouarnec. - Tout à fait d'accord.

M. Christian Manable. - Les élus de petites communes trouvent que ce pouvoir des fédérations est insupportable !

M. Jean-Marie Bockel. - Ceux des plus grandes communes aussi ! Le problème est aussi que les mêmes règles sont appliquées partout.

M. René Vandierendonck. - En tant que membre de la mission d'évaluation de la commission des lois, j'ai rencontré le préfet du Cantal, qui m'a expliqué qu'après la RGPP, les effectifs de tous les services déconcentrés de l'État étaient passés de 164 à 100... Pour faciliter la démarche pour les maires, et en attendant une vraie décentralisation, il faudrait étoffer l'ingénierie dans les services déconcentrés.

Travaillant sur l'activité portuaire pour un rapport demandé par Alain Vidalies, j'ai été estomaqué par la complexité des procédures françaises prévues pour l'instruction des crédits européens. Cela intéresse le rural comme l'urbain. Les procédures prennent le double de temps qu'il en faut en Belgique ! Et on fait miroiter aux maires ces crédits issus du Fonds européen de développement économique régional (Feder), du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ou du Fonds social européen (FSE)... Vous me direz que c'est la région qui devra faire. Mais cela n'apporte aucune réponse à la superposition de règles d'instruction spécifiquement françaises. Or c'est une des rares sources de financement qui restent encore en France.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Il faut de la transversalité. Avec Éric Doligé, nous travaillons sur l'évolution des missions assurées par les services déconcentrés de l'État. Si nous voulons agir sur l'inflation normative, il faut prendre en compte la diversité des situations territoriales.

M. Louis Pinton. - Les observations des uns et des autres illustrent bien notre trouble. La révision générale des politiques publiques (RGPP) a certes diminué les effectifs de l'administration, mais les difficultés que cette dernière rencontre ne sont que le signe de la complexité : c'est parce que c'était complexe qu'il y avait beaucoup de gens pour s'en occuper. La durée que prend l'instruction des crédits européens en France implique de mettre du personnel à disposition pour régler le problème ; on peut aussi regretter qu'on ne diminue pas la tâche. En fait, les effectifs diminueront de toute façon ; il faudrait prendre une hache pour tout simplifier.

Cela passera par une responsabilité donnée aux élus. On ne peut pas promettre de faire simple et d'être protégé de tout. Comme le disait Benjamin Constant, mettre de la norme partout, c'est sous-traiter sa morale personnelle au collectif, mais c'est aussi habituer le citoyen à transgresser. Il faut redonner leur liberté aux élus et leur dire : faites ce que vous croyez bon, plutôt que de leur mettre des barrières. Nous devons être nos propres médecins pour soigner cette maladie.

M. Bernard Delcros. - Les petites collectivités n'ont ni les moyens humains ni les moyens financiers pour faire face aux normes. Le problème principal est que les mêmes règles sont censées s'appliquer partout de la même façon. Maire d'une commune de 400 habitants, j'ai trois projets bloqués à cause de normes que les gens ne comprennent plus. Il faudrait que le préfet applique les normes en fonction du bon sens du terrain.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je suis président d'une communauté d'agglomération dont le territoire comprend des mines de potasse ayant une valeur patrimoniale. Ce sont des zones qui étaient autrefois riches grâce à la mine, et qui sont aujourd'hui appauvries. Nous avons des projets pour y installer des entreprises, mais qui tombent à l'eau à cause de normes excessives. Mes collègues sont désespérés.

Je vous propose donc de cibler notre programme de travail sur les installations sportives. Les réflexions existantes sur la question sont soit anciennes, soit limitées. Nous pourrons produire des propositions concrètes assez facilement.

En parallèle, nous pouvons aussi entamer une réflexion sur la question des aides européennes pour une prochaine séance, après laquelle nous commencerons à prendre des contacts avec les commissions concernées et désignerons des rapporteurs.

Je vous propose de laisser de côté la problématique de la revitalisation des bourgs centres.

Il en est ainsi décidé.

M. Rémy Pointereau. - Ce sujet est récurrent, car son impact financier est considérable. Le maire de Châteauroux, par exemple, a dépensé 1,5 million d'euros pour construire un terrain de football en pelouse synthétique qui respecte les normes de la Fédération pour la deuxième division. Depuis, ces règles ont changé, et le terrain n'est plus conforme. C'est inacceptable ! Une solution simple serait de faire payer les prescripteurs.

La revitalisation des centres villes et centres-bourgs est une priorité. Dans les communes rurales, c'est un vrai problème. Accessibilité, normes environnementales, règles architecturales... En réalité, il s'agit de questions économiques et d'aménagement du territoire. Ce sujet pourrait être traité par une commission transversale, comme le sont les questions liées aux règles d'urbanisme, dans la foulée des normes sportives. Pour donner plus de poids à nos recommandations, une proposition de loi vaudrait mieux qu'une simple résolution.

M. René Vandierendonck. - Certes, mais l'essentiel des règles concernées relèvent du pouvoir réglementaire. Une proposition de loi n'aurait donc qu'un impact limité.

M. Rémy Pointereau. - Nous pouvons sans doute aller plus loin qu'un simple projet de résolution.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous ne devons pas nous l'interdire, bien sûr, mais il est trop tôt pour en décider. Une proposition de loi aurait le défaut d'ajouter un texte supplémentaire, quand nous cherchons à simplifier. Les collègues qui seront désignés pour être membres de la commission - et dont plusieurs devront appartenir à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication - devront évaluer les différentes options pour retenir la plus pragmatique.

M. Dominique de Legge. - De quelle nature sont les normes sportives ? Les règles d'accessibilité ou d'urbanisme sont claires, elles sont édictées par des ministres et ont un fondement juridique bien identifiable. La norme sportive est-elle opposable ? Sur quoi se fonde l'autorité d'une fédération sportive pour créer une contrainte de droit public ?

M. Jean-Marie Bockel, président. - Il s'agit d'une délégation de pouvoir règlementaire.

M. Dominique de Legge. - Vraiment ?

M. René Vandierendonck. - C'est ce que dit le Conseil d'État.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Assurément, sur le plan politique, la question mérite d'être soulevée.

M. Louis Pinton. - Chaque fédération organise ses compétitions et fixe leurs règles et leurs normes. Il n'y a pas de chevauchement avec l'action publique.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Si.

M. Louis Pinton. - Si les règles ne sont pas respectées, la fédération organise ses compétitions ailleurs, voilà tout.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Justement, nous cherchons le moyen de sortir de ce piège.

M. Jacques Mézard. - En tant que président d'une communauté d'agglomération d'une région où l'on joue au rugby, je sais que ce sont les chaînes de télévision qui désormais imposent leurs normes. Elles peuvent, par exemple, vous demander de faire passer l'éclairage d'un stade de 800 à 1600 lux - ce qui accroît le coût de 1,2 million d'euros -, et vous n'avez pas le choix ! Il faut dire stop, sinon les villes moyennes ne pourront plus accueillir de compétitions sportives de haut niveau.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Sur cette question, les collectivités territoriales de toutes tailles doivent se montrer solidaires. Il faut mettre le holà.

M. Michel Le Scouarnec. - J'ai voulu faire un ensemble sportif, sur cinq hectares, contenant deux terrains. Le premier était en herbe, mais on m'a expliqué qu'il lui manquait quelques mètres pour être homologué. Le second était en pelouse synthétique. L'ensemble a coûté 600 000 euros. Mais c'était sans compter l'aménagement des abords ! Il a fallu créer un parking, deux vestiaires pour arbitres, et deux vestiaires pour équipes. Au total, la facture s'est élevée à 2,2 millions d'euros.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous désignerons des rapporteurs lors de notre prochaine réunion. D'ici là, donnons-nous le temps de la réflexion.

M. René Vandierendonck. - Lors d'une audition, M. Lambert avait déclaré que la seule manière de contenir le pouvoir règlementaire délégué aux fédérations sportives était de rendre systématique la prise en charge par l'État ou par elles-mêmes de tout surcoût induit par leurs modifications normatives.

M. Rémy Pointereau. - Notre première vague de travail sur la simplification a reçu un bon accueil sur le terrain. Il faut donc continuer, avec pragmatisme et efficacité. Évitons d'accroître la complexité contre laquelle nous luttons par une proposition de loi de 50 articles. Ce sujet inquiète les communautés de communes, car il relève de leurs compétences.

Intervention de M. Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et président du conseil départemental de l'Orne

M. Jean-Marie Bockel, président. - Nous entendons à présent, par visioconférence, M. Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et président du Conseil départemental de l'Orne, sur la méthodologie de la simplification normative à travers l'expérience du CNEN, et la réforme des services déconcentrés de l'État vue par les départements. À mes côtés siège Mme Pérol-Dumont, qui travaille avec M. Doligé à un rapport sur les services déconcentrés de l'État.

M. Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et président du conseil départemental de l'Orne. - Merci pour votre invitation. Je regrette de ne pouvoir être physiquement parmi vous, ma santé m'interdisant d'entreprendre des déplacements importants.

La simplification des normes est indispensable, tant la prolifération de celles-ci occupe notre temps de cerveau disponible. La mission de réduire leur enchevêtrement kafkaïen rappelle le mythe de Sisyphe. Voilà sept ans déjà que je préside le CNEN, et j'ai examiné dans cette fonction plus de 2 000 textes réglementaires.

Je m'en tiendrai à quelques recommandations précises. D'abord, tous les acteurs du droit doivent se mobiliser. En effet, les normes couvrent tant le champ réglementaire que le domaine législatif. À cet égard, la charte de partenariat que nous avons conclue est un succès.

Tout a été écrit sur la simplification. Le bon diagnostic a été porté, et le bon traitement a été défini. Mais patients et médecins, au lieu de l'appliquer, en cherchent toujours un qui soit toujours plus sophistiqué. Du coup, nous roulons à tombeau ouvert vers le chaos juridique. Appliquons le traitement qui existe, sans chercher à en rajouter. Le seul reproche que je lui ferais est qu'il commence par des solutions trop générales, qui ajoutent encore des règles aux règles. Mieux vaudrait un changement dans la pratique. Quoi qu'il en soit, cessons de nous renvoyer la responsabilité, car tous les acteurs en ont leur part : gouvernements, parlement, administration, et même la population, qui demande sans cesse davantage de droit tout en se plaignant de sa complexification. Une action collective et solidaire est nécessaire.

Il faut cesser de courir après l'idéal qui serait de couvrir par le droit l'infinie diversité des actions humaines. C'est impossible ! Même les contrats bilatéraux n'y parviennent pas. La loi ne doit fixer que des lignes directrices, de portée générale, en exprimant le maximum avec le minimum de mots, comme disait Portalis. Les domaines respectifs du règlement et de la loi doivent être respectés tels qu'ils sont définis aux articles 34 et 37 de la Constitution. Le législateur n'a rien à gagner à empiéter sur le domaine du règlement, sauf à perdre de sa majesté et de son autorité. Pour autant, ancien parlementaire, je sais combien la tentation est grande.

Utilisons le droit d'amendement avec plus de stratégie. Ayant été sénateur pendant vingt ans, on ne saurait me soupçonner de vouloir porter atteinte au droit d'amendement. Mais l'amendement doit écrire la loi, pas le règlement. Sinon, le Gouvernement ne manque pas de le déformer. Les administrations centrales spéculent constamment sur vos amendements pour en extraire ce qu'elles souhaitent. L'amendement parlementaire parfait est celui dont l'exposé des motifs décrit exactement l'objectif, et dont le dispositif fixe une ligne directrice générale.

Il faut adhérer sans crainte à l'esprit de l'article 41. C'est l'orientation qu'a prise le président du Sénat, et j'y applaudis. Il ne s'agit pas d'une atteinte à votre droit d'amendement, mais d'un appel à son utilisation efficace. Rapporteur général du budget, j'ai déposé de nombreux amendements destinés à être retirés. Pourquoi ? Pour empêcher le Gouvernement de manipuler au niveau règlementaire ce qui avait été l'intention du législateur.

Ne croyez pas au bénéfice d'un raffinement supplémentaire des études d'impact. Les exigences françaises en matière d'étude d'impact ex ante sont largement suffisantes. Ce qui surprend à l'étranger, c'est que nous brillons moins dans les études ex post, alors que ce serait la seule manière d'améliorer la méthodologie des études ex ante.

En faisant évoluer nos pratiques, à droit constant, nous disposons donc de leviers considérables. Chaque institution doit se replacer au coeur de son domaine propre. J'ai été heureux et fier d'être parlementaire - davantage que d'être ministre - et j'aime le Parlement. En ces temps difficiles, il doit incarner la sagesse. Le peuple français est déboussolé par la marche folle du monde. Les élus locaux sont pour lui le dernier rempart. Je vois bien, au CNEN, que l'État, lorsqu'il contrôle, empêche ou ralentit, invoque la volonté du législateur.

Le principe de libre administration, enfin, ne peut retrouver de sa vitalité que si nous séparons bien la loi du règlement.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - Merci pour cette impressionnante synthèse. Avec Éric Doligé, je travaille à un rapport sur le rôle des services déconcentrés de l'État, qui simplifiera - je l'espère - la vie des élus locaux. Que pourrions-nous préconiser pour que ces services n'exercent plus seulement de tatillonnes missions de contrôle a posteriori, mais viennent en aide, a priori, aux collectivités territoriales ? Notamment, l'application des normes - qu'il faut absolument cesser de multiplier - doit tenir compte des réalités locales.

M. Rémy Pointereau. - Merci pour votre travail au CNEN. C'est un travail de fourmi, infiniment précieux. Notre délégation travaille également beaucoup, notamment sur la proposition de loi relative à l'urbanisme qui sera discutée le 25 octobre prochain. Oui, nous arrivons à un chaos législatif. Le principe de précaution n'a-t-il pas conduit à la prolifération des normes ? Ne faudrait-il pas lui préférer un principe d'innovation, ou de prévention ? La France légifère beaucoup trop : cinquante textes par an, contre douze en Angleterre ou quinze en Allemagne. Comment travaillent ces deux pays ? Ils ont réfléchi à la limitation des normes... Ne devrions-nous pas prendre exemple sur eux pour arrêter l'inflation normative ?

M. René Vandierendonck. - Vous imprégnez la démarche transpartisane de notre délégation.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Vous en fûtes d'ailleurs le premier président !

M. René Vandierendonck. - Les moyens du CNEN sont-ils suffisants ? Vous avez dit que la meilleure manière de juguler le pouvoir règlementaire délégué aux fédérations sportives était de rendre systématique la prise en charge par l'État ou par elles-mêmes de tout surcoût induit par leurs modifications normatives. Est-ce toujours votre avis ?

M. Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et président du conseil départemental de l'Orne. - L'application des normes par des fonctionnaires doit être managée, et devrait l'être par le Secrétaire général du Gouvernement (SGG). Mais celui-ci préfère que ce soient les élus locaux qui sollicitent les administrations en cela, car il estime que, venant de lui, de telles remarques pourraient être mal reçues. Ce sujet est important, car c'est l'État qui rend une norme applicable ou inapplicable. Ne désespérons pas : si nous donnons aux préfets des outils d'appréciation clairs, ils s'en empareront. Actuellement, ils se sentent obligés d'être plus royalistes que le roi, en quelque sorte.

C'est la bonne articulation entre l'action de l'État et celle des collectivités territoriales qui compte. Pour l'assurer, il faut laisser aux collectivités territoriales les domaines non stratégiques, car elles sont mieux placées pour les traiter.

Une révision constitutionnelle du principe de précaution est peu probable. Il y a une pression mondiale sur ce sujet, qui rend la chose impossible. M. Chirac avait subi cette influence, et si nous n'avions pas été quelques-uns à résister, même la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aurait été modifiée. Il serait plus efficace de développer le recours au principe de proportionnalité, bien connu des universitaires et du droit communautaire, et au principe d'adaptabilité.

L'idée de faire payer les prescripteurs est inspirée du principe « pollueur-payeur ». Le coût d'une décision doit être pris en compte par le décideur.

Par ailleurs, je souhaite vous alerter sur les risques que comporte la régionalisation des administrations déconcentrées de l'État. C'est une recentralisation masquée, qui accroîtra la désertification des territoires et conduira à une prise en considération moindre des diversités locales. Les décisions qui étaient prises en proximité vont remonter, ce qui va à l'encontre de l'esprit de la réforme de 1982. Il n'est que de voir, déjà, la dépendance des préfets de département à leur préfet de région. Le préfet de département n'est même plus pris au téléphone par les administrations centrales ! Les parlementaires ne s'aperçoivent peut-être pas si bien de ces évolutions que les élus locaux, car ils ont un accès direct aux ministres. Or, au niveau local, le dialogue avec le préfet, plus accessible que les administrations centrales, est primordial.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie de ce message fort. Certes, nombre d'élus locaux sont dans une grande détresse. Ils ont besoin d'être soutenus à travers ces évolutions, car autrefois, le cadre était plus clair. Merci encore.