Mardi 7 novembre 2017

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Projet de loi de finances pour 2018 - Audition de Mme Florence Parly, ministre des Armées

M. Christian Cambon, président. - Madame la ministre, nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir à nouveau, peu après le débat sur la revue stratégique de défense. Nous vous avons dit notre vigilance mais aussi notre appui à la nécessaire remontée en puissance des capacités de nos armées.

Vous venez nous présenter le budget de la défense pour 2018, qui constitue à l'évidence un réel effort de clarification et sincérité, malgré les contraintes de nos finances publiques. Je note son augmentation de près de 1,8 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale pour 2017 ; la poursuite des grands programmes d'équipement prévus par la loi de programmation militaire en cours, ainsi que le soutien à l'innovation ; la poursuite, également, des recrutements au bénéfice du renseignement et de la cyberdéfense ; une accentuation des efforts de protection des hommes et des emprises militaires, sujet déjà évoqué avec vous et vos collaborateurs ; le début d'application du plan « familles et conditions de vie des militaires » qui est votre marque personnelle dans ces nouvelles fonctions et que vous avez présenté le 31 octobre dernier.

Toutefois, quelques points nous préoccupent - c'est le rôle de la commission de les souligner. Quelle sera la vraie marge de manoeuvre financière, l'an prochain, de votre ministère ? En effet, une grande part de la hausse budgétaire prévue pour 2018 s'avère consommée d'avance - c'est aussi un effort de vérité qui est fait dans ce budget avec 200 millions d'euros pour la première étape du « resoclage » budgétaire des dépenses d'opérations extérieures. 420 millions d'euros par l'aggravation immédiate du report de charges lié à l'annulation de 850 millions d'euros de crédits intervenue en juillet dernier ; le reste, ou presque, pour financer des mesures arrêtées en 2016 qui n'avaient pas été inscrites dans la loi de programmation militaire tels que des recrutements, l'amélioration des conditions du personnel, de nouveaux équipements.

Quelles sont les assurances que la défense ne fera pas les frais de la régulation budgétaire de cette fin d'année ? C'est une forte inquiétude, car la fin de l'exécution 2017 conditionne l'entrée dans la gestion 2018. Les problèmes ne peuvent être éternellement reportés d'une année sur l'autre.

L'inquiétude tient d'abord aux ressources. Je rappelle que 700 millions d'euros de crédits restent gelés, que la direction générale de l'armement ne peut pas utiliser sur le programme 146 d'équipement des forces. De vous à moi, nous doutons sincèrement que le produit des cessions immobilières prévu, de 200 millions d'euros, soit entièrement au rendez-vous. On a toujours tendance à les surestimer, je ne reviens pas sur ce sujet qui suscite l'agacement.

L'inquiétude tient aussi aux dépenses. Quelque 360 millions d'euros de surcoûts d'opérations restent à couvrir, que ce soit pour les opérations extérieures ou pour les opérations intérieures. Est-ce que la gestion d'Irma est incluse dans ces 360 millions ? L'engagement de nos troupes, aux Antilles, qui a été magnifique, a entraîné des dépenses supplémentaires. La solidarité interministérielle jouera-t-elle, comme vous l'avez laissé espérer devant la commission des finances qui vous recevait la semaine dernière ? J'espère que vous avez trouvé des réponses favorables à Bercy.

Les reports de charges de la mission « Défense » seront-ils maîtrisés ? À quel niveau ? Au-delà de 2018, c'est l'entrée dans la prochaine loi de programmation militaire qui nous préoccupe, afin justement d'éviter les reports de charges systématiques qui faussent la vérité de ce que le Parlement a à apprécier.

Mme Florence Parly, ministre des armées. - Merci à tous de m'accueillir au sein de votre commission, après ce débat vif et intéressant en séance publique sur la revue stratégique.

Cette audition a lieu à un moment charnière. C'est le début d'une remontée en puissance exceptionnelle. Quelque 1,8 milliard d'euros de plus qu'en 2017 sont accordés cette année au budget de la mission « Défense ». C'est une augmentation inédite depuis vingt ans, qui s'inscrit dans la durée puisque chaque année jusqu'en 2022, 1,7 milliard d'euros supplémentaires seront accordés à la mission « Défense » avec l'objectif de consacrer 2 % de notre PIB à la défense en 2025.

C'est aussi un moment charnière pour notre stratégie puisque nous définissons la place de la France dans le monde, sa capacité à défendre ses concitoyens, ses intérêts et ses valeurs. La revue stratégique a dressé le constat d'un monde plus divisé, plus incertain. Nous nous appuierons dessus pour élaborer la prochaine loi de programmation militaire, qui portera une vision et non pas simplement des ajustements, et prendra en compte des moyens nouveaux pour disposer d'un modèle d'armée complet et équilibré.

C'est un moment charnière, enfin, pour les femmes et les hommes de la défense, qui se battent pour notre liberté, notre sécurité. J'ai présenté la semaine dernière un plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires, résultat de très nombreuses rencontres avec nos troupes pour comprendre ce qu'elles faisaient, comment et pourquoi, leur engagement, leurs questionnements et leurs aspirations. Je suis fière de ce plan qui répond très concrètement à leurs préoccupations quotidiennes. C'est un plan ambitieux de 300 millions d'euros de crédits sur cinq ans. Nous en tiendrons compte dans la loi de programmation militaire, mais 70 % des mesures ont vocation à entrer en vigueur dès 2018.

Ce budget à la hauteur des enjeux stratégiques répond aux préoccupations immédiates tout en préparant l'avenir. Tout ceci sera bien entendu encore plus consistant dans la loi de programmation militaire.

La hausse de 1,8 milliard de crédits budgétaires en 2018 porte le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour la mission « Défense » à 34,2 milliards d'euros contre 32,4 milliards d'euros en 2017, soit une augmentation de plus de 5 %. Ce n'est pas la première augmentation du budget des armées dans la période récente, puisqu'il a progressé de 600 millions d'euros en 2017, mais l'ampleur est trois fois plus importante.

Avec 190 millions de recettes issues de cessions qui s'ajouteront aux crédits budgétaires, le montant des ressources de la défense sera porté à 34,4 milliards d'euros, à comparer aux 32,7 milliards d'euros de 2017.

Ceci est la première étape d'une progression jusqu'en 2022, puisque le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une augmentation du budget des armées de 1,7 milliard d'euros par an chaque année jusqu'en 2022. Entre 2018 et 2022, ce sont donc 190 milliards d'euros que la Nation consacrera à sa défense. Si on les compare aux 160 milliards d'euros consacrés à la défense lors de chacun des deux précédents quinquennats, on constate qu'il s'agit de près d'une annuité budgétaire complète supplémentaire. C'est la concrétisation forte de l'engagement du Président de la République pour la protection et la défense de la France. L'effort de la Nation en faveur de sa défense passe à 1,82 % du PIB en 2018 contre 1,77 % en 2017.

Je souhaite répondre d'un mot aux interrogations légitimes sur le sens des 850 millions d'euros d'annulations de crédits réalisées cet été. Il s'agissait d'une contribution nécessaire à la solidarité gouvernementale afin de maîtriser notre déficit public. Je me suis engagée à ce que la protection et les conditions de vie du soldat en opération soient préservées et qu'il n'y ait aucune annulation de programme ; en accord avec les armées, nous décalerons simplement de quelques mois certaines livraisons sans lien direct avec les opérations sur le territoire national ni les opérations extérieures. Alors que, trop souvent, les changements de majorité en début de quinquennat se traduisent par des annulations de programmes ou la remise en cause de livraisons de matériels, ce n'est pas le cas ici.

Ce budget nous donne des bases solides pour préparer la prochaine loi de programmation militaire, et ce d'autant plus qu'il finance tous les engagements de nos prédécesseurs en faveur des armées, qu'il s'agisse de la fin des déflations des effectifs, des efforts faits sur le renseignement, du cyber ou des unités opérationnelles, de l'intensification de nos frappes au Levant à la suite des attentats tragiques du Bataclan ou de Nice. Aucun projet ni aucune ambition ne sont mis en attente. Il est rare qu'un premier budget de mandature honore toutes les promesses faites. C'est le cas cette année. Le budget que je vous présente permet d'absorber l'intégralité des coûts partis sans revue de programme ni revue de personnel.

J'entends parfois une petite musique qui insinue que régler les dettes du passé reviendrait un peu à atténuer la portée de l'augmentation de 1,8 milliard d'euros de notre budget. C'est un argument qui me surprend. Qu'aurait-on dit si nous avions remis en cause les programmes, les effectifs, ou réduit les missions extérieures ?

Il faut savoir solder le passé - passé dont je ne rougis nullement. Des bases saines sont indispensables pour pouvoir lancer des projets ambitieux.

Nous pourrons bâtir sereinement la prochaine loi de programmation militaire, qui prendra en compte, grâce aux travaux de la revue stratégique, une analyse fine du contexte international. Elle couvrira la période 2019-2025 avec trois priorités : restaurer la soutenabilité de nos engagements ; investir résolument dans l'avenir pour que nos armées puissent faire face aux menaces de demain ; permettre aux femmes et aux hommes de la défense de vivre l'exercice de leur métier dans les meilleures conditions possibles.

Le calendrier est le suivant : l'objectif est de déposer le projet de loi sur le bureau des assemblées en février en vue d'une promulgation l'été prochain nous permettant de préparer au mieux le PLF 2019.

Je ne reviens pas sur les menaces auxquelles nous sommes confrontés. La première est et reste le terrorisme. Ce n'est pas l'attentat de New York la semaine dernière qui nous fera changer d'avis. La deuxième est la stratégie de puissance des nations, telles que la Chine, la Russie et à la Corée du Nord.

Pour faire face à ces menaces, il est probable que l'intensité de l'engagement de nos forces en opération reste très élevée en 2018, en bande sahélo-saharienne, au Levant, en Atlantique et en Méditerranée, à l'Est de l'Europe. Nous resterons dans un effort de haut niveau. C'est pourquoi il faut assurer la soutenabilité des opérations, en luttant contre l'usure des matériels, accélérée par la dureté des théâtres et la durée des déploiements et en oeuvrant en faveur des personnels pour maintenir un équilibre entre préparation opérationnelle et engagement en opération. Ce budget prévoit ainsi un effort en faveur de l'activité afin de poursuivre le retour de la préparation opérationnelle vers les normes fixées par l'actuelle loi de programmation militaire. C'est une condition indispensable pour assurer que nos forces engagées maîtrisent tous les savoir-faire opérationnels dont elles ont besoin. C'est également une nécessité pour assurer le maintien de toutes les compétences et donc de notre modèle d'armées complet. C'est enfin un gage de notre attractivité et de la possibilité de faire monter les plus jeunes en qualification. De cette façon, nous assurons la pérennité de notre modèle de défense dans la durée.

En 2018, l'entretien programmé du matériel représentera plus de 3,9 milliards d'euros de crédits de paiements, soit 450 millions d'euros de plus qu'en 2017, afin d'atteindre les normes de la loi de programmation. Enfin, tirant les conclusions d'un niveau d'engagement structurellement élevé, le budget 2018 prévoit de porter la provision pour la couverture des opérations extérieures de 450 millions d'euros à 650 millions d'euros.

L'engagement sur notre territoire national mobilise chaque jour en moyenne 10 000 militaires pour la mise en oeuvre de notre posture permanente de sûreté, pour l'opération Sentinelle et pour d'autres plans gouvernementaux tels que Vigipirate. Leur engagement a favorisé une réponse rapide et efficace cet été aux Antilles et contre les feux de forêt.

Parmi eux, n'oublions pas les militaires qui tiennent la posture de dissuasion pour pouvoir monter en puissance sans délai, sur ordre du Président de la République. Le budget de la dissuasion nucléaire passera de 3,87 milliards d'euros à 4,04 milliards d'euros en 2018.

Pour répondre immédiatement aux menaces qui pèsent sur les Français et à l'engagement exceptionnel de nos forces, nous avons décidé d'une enveloppe de 200 millions d'euros pour la protection de nos femmes et de nos hommes. Nous protègerons mieux les combattants, notamment en remplaçant les gilets pare-balle actuels par 49 000 nouveaux gilets, plus efficaces, plus légers et plus protecteurs. Le paquetage des soldats a aussi été sensiblement amélioré et continuera de l'être. Nous renforcerons également la protection des équipements avec l'emploi de plus de véhicules blindés sur les théâtres d'opération et une généralisation progressive de l'emploi de véhicules blindés pour la plupart des missions de nos armées.

Il faut aussi garantir la protection des installations militaires. Nous renforcerons la protection des sites du ministère contre une potentielle attaque terroriste. Le budget consacré aux infrastructures s'élèvera à 105 millions d'euros dédiés au renforcement des protections actives comme passives des emprises militaires les plus vulnérables, en particulier les dépôts de carburant et de munitions, les écoles et les hôpitaux. Cet effort se doublera d'un investissement humain avec la création de 150 postes pour renforcer la sécurité-protection des emprises de la défense. Ces mesures étaient demandées depuis longtemps par nos armées.

Sur les conditions de vie des militaires et de leurs familles, j'insisterai sur une seule mesure, sans incidence budgétaire : celle qui consiste à donner de la visibilité à nos militaires lorsqu'ils sont soumis à des mutations géographiques, celles-ci pouvant avoir lieu tous les deux ans. Ainsi, 80 % des mutations seront annoncées cinq mois avant la date d'affectation. Un suivi minutieux de cet engagement sera mené pour en assurer la traçabilité et voir s'il est possible de monter le niveau d'exigence.

La masse salariale du ministère, c'est-à-dire les crédits du titre 2 de la mission « Défense », sera augmentée de 300 millions d'euros, à 11,7 milliards hors pensions. Le montant du plan catégoriel pour 2018, quant à lui, s'élèvera à 136,5 millions d'euros, soit un ordre de grandeur comparable à celui de 2017 et en très nette augmentation par rapport à 2015 où il s'élevait à 10 millions d'euros. Ce plan catégoriel de 2018 intègre à hauteur de 124,2 millions d'euros le financement de mesures déjà engagées, dont le financement en année pleine de mesures initiées en 2017 ou encore le financement de mesures interministérielles. Il comprend également des mesures nouvelles, en particulier pour rétablir l'attractivité du ministère vis-à-vis des personnels civils, grâce à l'accroissement de l'enveloppe dédiée au complément indemnitaire annuel - en hausse de 8,8 millions d'euros, il sera porté à 20,8 millions d'euros.

Il est impérieux de préparer les équipements à l'avenir. Parfois très anciens, ils doivent être renouvelés. Les crédits d'équipements atteindront 18,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros, ou 7 % par rapport à 2017, pour la modernisation des matériels des forces armées et l'entretien des infrastructures. Je ne citerai que quelques livraisons ou commandes : le premier avion ravitailleur en vol MRTT ; les premiers véhicules blindés multirôles lourds Griffon ; une frégate multimissions ; des fusils de nouvelle génération HK416 ; les deux premiers bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers ; mais aussi, pour la maîtrise de l'information, le premier avion léger de surveillance et de reconnaissance.

En 2018, le programme 146 relatif à l'équipement des forces disposera de 13,6 milliards d'euros pour les engagements, soit 35 % de plus qu'en 2017 pour réaliser des commandes structurantes, telles qu'un sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda ; 3 ravitailleurs MRTT ; 8 000 fusils d'assaut HK416 ; la rénovation de 55 avions de combat Mirage 2000-D ; 20 véhicules légers Griffon. Tout ceci contribuera à renforcer notre base industrielle et technologique de défense et à soutenir l'emploi et l'innovation.

Les infrastructures ont souvent été le parent pauvre des arbitrages contraints et difficiles réalisés au cours des années précédentes. Leur budget augmentera de 300 millions d'euros en 2018 pour atteindre 1,5 milliard d'euros. Il s'agit de renforcer l'effort de maintenance au profit du parc existant et de mieux garantir une finalisation des infrastructures dans des délais compatibles avec le rythme de livraison des nouveaux équipements militaires. Cela permettra aussi de satisfaire les besoins résultant de l'augmentation des effectifs des armées, de l'amélioration des conditions de vie des personnels et de la sécurisation et de la protection des emprises militaires.

L'innovation est au centre de nos priorités. Elle n'est pas un gadget mais une condition de la supériorité de nos forces armées sur le terrain, ainsi que la garante de la performance de notre industrie de défense à l'export.

En 2018, le budget des études est stable à 720 millions d'euros et participe à un effort de recherche et développement global de 4,7 milliards d'euros. Je soutiendrai également, pour la prochaine loi de programmation militaire, une revalorisation rapide du budget des études pour le porter à un milliard d'euros par an.

La modernisation n'est pas une nouveauté. Le ministère des armées s'est beaucoup modernisé au cours des années précédentes ; il continuera à le faire. J'aurai à coeur de rechercher l'efficacité dans l'emploi des deniers publics élevés qui nous sont confiés. La modernisation aura pour objectif d'améliorer et de simplifier le fonctionnement du ministère, en nous appuyant sur la transformation numérique déjà amorcée. Le quotidien des personnels civils et militaires du ministère en sera simplifié.

En matière de cyberdéfense et de renseignement, le budget 2018 consolide les moyens engagés, fortement majorés au cours des années précédentes. De 2014 à 2017, les effectifs dédiés au renseignement et à la cyberdéfense avaient progressé de près de 1 800 emplois ; en 2018, 850 nouveaux postes seront dédiés aux services de renseignement, à l'état-major des armées et à la direction générale de l'armement. Pour la cyberdéfense seule, les effectifs auront presque doublé en cinq ans, pour atteindre fin 2018 un total de plus de 2 200 postes. Les effectifs des services de renseignement seront quant à eux passés de 7 660 en 2013 à 8 200 début 2017 ; ils seront près de 9 000 fin 2018.

Sur le plan organisationnel, la création, en 2017, d'un commandement de la cyberdéfense illustre la volonté du ministère de s'adapter aux défis de demain et de consolider la place accordée au renseignement et à la cyberdéfense. D'ici 2019, l'objectif est de disposer de 2 600 combattants numériques.

Je n'ai pas, dans cet exposé, pu aborder d'autres thèmes centraux pour notre ministère et pour notre société en général, tels que les anciens combattants, le lien armées-Nation ou le projet de service national universel.

Je conclurai en soulignant que la France doit assurer sa défense. Elle doit être autonome. Notre pays doit disposer d'un système d'armée complet et être capable d'intervenir partout où ses intérêts sont menacés. C'est le sens de la hausse du budget que je vous présente. Je ne peux pas pour autant me résoudre à voir, pour la France, un horizon limité à notre périmètre national. Notre avenir passe aussi par l'Europe, par la construction d'une Europe de la défense qui nous rende plus forts à plusieurs, nous aide à innover et à réussir. Nous le devons à nos concitoyens qui attendent que nous préservions les conditions de leur sécurité.

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis du programme 146 « Équipement des forces » - Pour 2018, la hausse annoncée de 1,8 milliard d'euros se trouve presque entièrement neutralisée par les retards à rattraper : 200 millions d'euros pour un premier « resoclage » budgétaire ; des surcoûts d'opérations extérieures ; 420 millions d'euros pour le report de charges lié à l'annulation des 850 millions d'euros de crédits en juillet dernier ; près d'un milliard d'euros pour financer les recrutements ; l'amélioration des conditions de travail du personnel ; les acquisitions d'équipements décidées en avril 2016 mais non inscrites dans la loi de programmation militaire...

Pour 2019, la situation ne me paraît guère meilleure. Certes le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une nouvelle hausse de 1,7 milliards d'euros, mais le processus de « resoclage » des opérations extérieures se poursuivra. Il faut donc déduire 200 millions d'euros. En outre, le reste des 850 millions d'euros annulés en 2017 devra être déboursé, soit environ 430 millions d'euros. Quant aux mesures décidées en 2016 mais non inscrites dans la loi de programmation militaire actuelle, elles exigeront 1,2 milliard d'euros. Que restera-t-il de la hausse ? C'est d'autant plus préoccupant qu'à partir de 2020, les besoins de renouvellement de la composante océanique de la dissuasion deviendront très lourds. Ne risque-t-on pas de manquer la remontée en puissance des forces conventionnelles pourtant si nécessaire ?

Vous avez fait une annonce sur les drones lors de l'université d'été de la défense à Toulon en septembre dernier. Avec Gilbert Roger, nous avons rédigé un rapport et échangé avec vous sur ce sujet. Pourriez-vous dire à l'ensemble de la commission dans quel délai les drones MALE Reaper seront armés ? La demande d'armement a-t-elle déjà été faite au Sénat américain ? Les drones Patroller seront-ils eux aussi armés ? L'enjeu est important pour nos industriels.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis du programme 146 « Équipement des forces » - Madame la ministre, vous vous activez beaucoup pour obtenir le dégel des 700 millions d'euros de crédits qui ont été gelés - ils le seront peut-être en décembre. Vous avez habilement démontré que votre ministère avait su s'adapter aux conséquences de cette coupe très brutale. Mais cela ne donne-t-il pas raison à Bercy, qui pourrait être tenté de reproduire une telle coupe l'été prochain ? Quelles en sont les conséquences sur la relation entre l'État et les industriels, ainsi que sur l'équipement des forces ?

Rien n'a été annoncé quant au financement du surcoût des opérations intérieures alors que l'opération Sentinelle est pérennisée. Votre ministère prendra-t-il toutes les dépenses à sa charge ?

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Merci de votre message clair et rassurant ; néanmoins le diable est toujours dans les détails. Vous avez nommé un spécialiste au chevet du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, Christian Chabert, ancien directeur du service de la maintenance aéronautique, ingénieur général de l'armement. Qu'attendez-vous de sa mission ? Peut-elle être couronnée de succès si les efforts fournis par les armées et la direction générale de l'armement pour soutenir nos exportations - le Soutex - font supporter une charge trop lourde aux armées, en retardant des livraisons de matériels neufs, en augmentant par conséquent les coûts du MCO d'équipements vieillissants maintenus en fonction, enfin en privant les armées de formateurs, qui, par définition, ne peuvent accomplir les formations nécessaires au sein des armées pour garantir le bon niveau de préparation opérationnelle pendant les missions Soutex ?

Le coût du Soutex n'était pas prévu dans la loi de programmation militaire. L'avez-vous évalué ? Entre le Soutex pour les sous-marins australiens, celui pour le Rafale et d'autres, il semble que 200 postes à temps plein supplémentaires sont nécessaires en 2017 et 2018. Pouvez-vous confirmer que les services de soutien, sur-sollicités, ne sont pas une fois encore la variable d'ajustement de ces besoins non prévus ? Enfin, le groupe de travail mis en oeuvre depuis deux ans sur le financement du Soutex a-t-il abouti ? Les industriels prendront-ils mieux en charge ces coûts supportés par nos armées ?

Mme Christine Prunaud, rapporteure pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - La loi de finances pour 2018 prévoit une augmentation pour le programme 178 de 450 millions d'euros pour l'entretien programmé du matériel - c'était une grande demande des militaires, je l'ai constaté dernièrement lors d'un déplacement à Balard avec M. Bockel. En revanche, je souhaite plus d'informations sur la préparation opérationnelle des militaires.

Le manque de matériel disponible, la remontée de la force opérationnelle terrestre et le manque de crédits ont induit la mise en place de régimes d'entraînement différenciés, qu'il s'agisse de la préparation opérationnelle différenciée ou de la formation modernisée et l'entraînement différencié des équipements de chasse, dont la mise en place a d'ailleurs pris du retard. Pouvez-vous confirmer que les équipements seront maintenus à des niveaux satisfaisants, pour ne pas réduire les capacités de l'armée ni menacer la sécurité de nos soldats ?

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - Un rapport de notre commission des affaires étrangères a évalué le besoin des armées à 2 500 créations nettes de postes par an. Dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, le cadrage budgétaire de la future loi de programmation militaire est désormais connu. La trajectoire de l'évolution des effectifs est-elle d'ores et déjà établie précisément ? Vous avez évoqué un certain nombre de cas, tels que les 2.600 combattants numériques. Peut-on connaître les évolutions envisagées pour les différentes armées ?

Le Président de la République a récemment renouvelé son opposition à l'application dans les armées de la directive européenne sur le temps de travail de 2003. Des négociations avec Bruxelles avaient été engagées pour fixer des exemptions, en particulier en situation opérationnelle ou en entraînement. Où en sommes-nous ? Ne risque-t-on pas un contentieux européen ?

Quel bilan tirez-vous de la politique des réserves ?

Enfin, si le futur service national n'est pas un service militaire, ne doit-il pas concerner un autre budget que celui de la défense ?

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». - Tous les crédits que Bercy a repris au ministère des armées et que vous annoncez comme réabsorbés par vos services sont importants. Vous n'êtes pas une magicienne : ces crédits ont bien disparu.

M. Dominique de Legge avait dans un rapport chiffré les besoins immobiliers à 2,5 milliards d'euros. Vous n'avez pas eu le temps de lui répondre lors de votre audition à la commission des finances la semaine dernière. Comment l'effort sera-t-il assuré pour répondre à ces besoins partout sur le territoire national ?

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Plus de 20 % d'accroissement du budget de l'action 3 pour le renseignement et la cyberdéfense, cela mérite d'être souligné. On nous fait toutefois part de difficultés concernant les recrutements en cours. Quelles sont les actions correctives sur ce point ?

Depuis 2014, la moyenne du budget de l'action 7 est de 726,8 millions d'euros, pour un objectif de 730 millions : on est parfaitement dans la ligne annoncée. Vous annoncez un objectif d'un milliard d'euros dans la prochaine loi de programmation militaire, pour couvrir l'ensemble des domaines industriels et techniques et faire face à la concurrence internationale. Quels seront vos moyens pour le réaliser ? La lettre-plafond pluriannuelle que le Premier ministre a adressée à l'ensemble du Gouvernement peut conduire à raboter quelques ambitions ici et là.

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - L'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera) a connu de nombreuses turbulences ces derniers mois. On est parvenu à un accord sous la forme d'un contrat d'objectifs et de performance pour les quatre prochaines années. Cependant des questions restent en suspens, notamment en matière d'infrastructures. Il a fallu procéder à des réparations en urgence sur le site de Modane-Avrieux. Qu'en est-il des implantations d'Île-de-France, à Châtillon, Meudon, Palaiseau, qui à ma connaissance, restent toujours en attente d'arbitrages ? Qu'en est-il de la situation financière de l'Onera qui semble fragile ? Les augmentations annoncées concernant les études amont seront-elles dirigées vers l'Onera ?

M. Philippe Paul - Madame la ministre, vous avez évoqué le gel de 700 millions d'euros de crédits. Seront-ils oui ou non dégelés ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Devant l'association des journalistes de défense, alors que vous abordiez les questions sociales, vous avez déclaré que vous ne pouviez pas vous satisfaire du taux actuel de féminisation des armées, qui est de l'ordre de 15 %. Comment entendez-vous faire évoluer les choses ? Êtes-vous en relation avec le ministère de l'éducation nationale, avec l'université, avec la formation continue pour traiter le problème à la racine ? Aucun corps social ne peut être hermétique aux évolutions des modes de vie, y compris l'armée. Comment pouvez-vous agir pour rendre les modes de vie actuels compatibles avec les exigences d'un métier militaire ?

Mme Gisèle Jourda. - Ma question portera essentiellement sur le dossier des réserves miliaires et de la garde nationale. À en croire la déclaration du général François Lecointre, les armées auront le plus grand mal à remplir les missions qui leur sont confiées sans le renfort des réservistes. Il est important de gagner la bataille de la fidélisation. J'ai rédigé un rapport, avec mon collègue Jean-Marie Bockel, sur les réserves militaires et la garde nationale. Nous avons assisté à la montée du dispositif. Quid de la mise en place du portail informatique destiné à l'inscription des jeunes, qui avait suscité un enjouement ? Les moyens financiers seront-ils au rendez-vous ? Surtout, notre rapport mettait l'accent sur la territorialisation eu égard aux déserts militaires dans l'Hexagone. Face aux menaces, il est très difficile de redonner de la dynamique aux réserves dans certains secteurs. Nous avions également mis l'accent sur le volet des ressources humaines, qui est essentiel. Il importe que les réservistes ne soient pas uniquement dirigés vers des missions statiques de type Sentinelle.

M. Bernard Cazeau - Vous avez annoncé il y a quelques semaines la mobilisation de plus de 300 millions d'euros de crédits sur cinq ans pour les familles militaires. Vous avez évoqué le logement, les crèches. Quels crédits leur seront affectés dans le budget 2018 ?

M. Ronan Le Gleut. - Ma question est double et est liée aux outre-mer. Devant la montée des déstabilisations, est-il envisagé un redéploiement du dispositif miliaire ? Si oui, les moyens attribués par le projet de loi de finances sont-ils adéquats ? Par ailleurs, les enjeux maritimes sont immenses pour la France. Ils sont militaires et stratégiques bien sûr, mais aussi économiques. Un effort budgétaire est-il envisagé pour répondre à ces enjeux, en particulier en ce qui concerne de nouveaux navires adaptés aux besoins spécifiques liés à nos espaces maritimes ?

M. Robert del Picchia - Je serai rapide puisque mon collègue Pascal Allizard a posé la question que je souhaitais soulever des 2 600 combattants du numérique. Je laisse mon temps de parole à Mme la ministre pour nous répondre.

M. Ladislas Poniatowski - Où en est le dossier des sous-marins polonais ? Ce dossier, qui n'est pas très bien parti, n'est pas perdu pour autant. Les Polonais doivent remplacer leurs sous-marins norvégiens. Les deux compétiteurs en jeu sont l'Allemagne et la France. Or l'Allemagne n'a pas de meilleures relations que nous avec la Pologne ! Qui plus est, l'armée polonaise est très intéressée par notre Scorpène 2000, non à cause de son système de propulsion, mais en raison des fameux missiles MdCN qui l'équipent. Vous avez rencontré en septembre votre homologue polonais. Comment la visite s'est-elle passée ? Y croyez-vous encore ?

M. Hugues Saury. - Nos soldats oeuvrent sans relâche pour la sécurité de nos concitoyens. La capacité de projection des forces est un défi permanent et un enjeu doctrinal, en particulier lorsque l'insécurité géopolitique mondiale nous conduit à mener des actions sur tous les continents. Le maintien en conditions opérationnelles est un vaste sujet. Il dépasse évidemment le seul volet industriel. Le volent humain est primordial. Dans quelle mesure parvenons-nous à maintenir le bon niveau d'entraînement de nos soldats ? Face au turn over inhérent à la professionnalisation de l'armée et aux difficultés de fidélisation des soldats, ces derniers bénéficient-ils de temps de repos suffisants entre deux opérations ? A-t-on les moyens de prendre en compte leur usure morale et physique ?

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - En 2018, 720 millions d'euros sont prévus pour les études. Est-il envisagé d'y intégrer le futur porte-avions ?

M. Christian Cambon, président. - Madame la ministre, comme vous le savez, le Sénat souhaite participer à la réflexion sur la mise en oeuvre du service national universel. La secrétaire d'État a annoncé que le début du travail de la commission interministérielle était imminent. Le Sénat y sera-t-il associé ? Nous nous apprêtons demain matin à désigner nos collègues sénateurs qui travailleront sur le sujet. Leur participation sera-t-elle intégrée au titre de la représentation nationale ?

Mme Florence Parly, ministre. - Certaines questions ont des thématiques communes. En ce qui concerne les conditions de la gestion 2017, j'ai demandé à plusieurs reprises et avec insistance le dégel des crédits aujourd'hui gelés à hauteur de 700 millions d'euros. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous en dire plus que ce que j'ai déjà dit la semaine dernière devant la commission des finances du Sénat.

Je suis néanmoins très confiante. Si ces crédits sont dégelés trop tardivement, cela n'aura pas le même impact, en particulier pour les entreprises auxquelles ils sont destinés. Je précise que nous accordons une attention toute particulière aux petites et moyennes entreprises, mais elles ne sont pas les seules. J'espère arriver à mes fins avant le 31 décembre 2017, vous pouvez compter sur mon obstination !

M. Christian Cambon, président. - Et vous sur la nôtre !

Mme Florence Parly, ministre. - Vous m'avez interrogée sur les OPEX et les opérations intérieures. Dans les surcoûts estimés à 360 millions d'euros, au-delà des 1,1 milliard d'ores et déjà provisionnés, figurent les surcoûts liés à Sentinelle et aux missions intérieures que nous menons, y compris les surcoûts liés à vos interventions menées aux Antilles dans le cadre d'Irma.

Une question a été posée sur les conséquences des annulations. Le fait d'absorber apparemment sans dommages trop visibles 850 millions d'euros d'annulation ne risque-t-il pas d'inciter le ministère des finances à reconduire l'année prochaine ce type de mesures ?

Pour gérer ces 850 millions d'euros d'annulation, nous avons réduit à hauteur de 430 millions d'euros un certain nombre de versements à des organisations dont la trésorerie était très largement suffisante, voire pléthorique. C'est donc sur le solde de 420 millions d'euros que nous avons procédé à un certain nombre de décalages de programmes : commande de radars nouveaux pour les avions légers de surveillance et de reconnaissance ; livraison de tourelleaux téléopérés pour les véhicules Griffons ; acquisition d'une charge utile ROEM pour le drone MALE ; livraison de pod de détection départ missiles pour la nouvelle génération de Rafale Marine.

Un troisième volet est lié à la gestion de cette annulation, à savoir la renégociation d'un certain nombre de contrats avec les industriels. Le standard F4 du Rafale est en renégociation pour ce qui concerne la durée des études. Idem pour les frégates de taille intermédiaire où nous renégocions les conditions logistiques. Enfin, en ce qui concerne les Mirage 2000-D, nous décalons une tranche conditionnelle du programme de rénovation. Nous escomptons de cette renégociation 90 millions d'euros d'économies définitives.

Tout cela incitera-t-il Bercy à reconduire l'opération ? Je l'ignore, mais rien ne se perd, rien ne se crée : ces 420 millions d'euros de programmes décalés se retrouveront l'année prochaine. Comme on nous demande par ailleurs de limiter le montant des reports de charges d'une année sur l'autre, la contradiction dans les injonctions apparaîtra au grand jour. De là à conclure qu'il n'y aura pas d'autres opérations d'annulations brutales, je ne m'y risquerais pas !

Monsieur Perrin, je n'ai rien à redire à l'arithmétique que vous avez mentionnée pour 2018. Il est vrai qu'en 2019 nous retrouverons la question des 420 millions. Nous avons également l'ambition d'augmenter de 200 millions d'euros supplémentaires le « resoclage » des provisions pour les OPEX. La progression de 1,7 milliard d'euros est très importante en termes d'efforts demandés aux finances publiques ; elle accompagne des décisions qui ont un impact dans un temps long.

Vous m'avez également interrogée sur les drones armés. Nous commanderons mi-2018 des Reaper. En préalable à cette commande, nous avons demandé début octobre aux États-Unis de pouvoir armer ces drones. Par ailleurs, j'ai rappelé à mon homologue, le général Mattis, la nécessité d'instruire rapidement cette demande afin que nous puissions en bénéficier de cette commande le plus rapidement possible. Même si aujourd'hui notre priorité reste le Reaper, nous avons également l'intention d'armer les drones Patroller.

Je précise que le surcoût des missions intérieures s'élève à 174 millions d'euros nets, y compris l'impact de l'opération Irma.

Jean-Marie Bockel m'a interrogé sur les pistes d'amélioration du MCO, sujet de préoccupation majeur. J'ai demandé à Christian Chabbert de cibler son analyse sur l'amélioration de la disponibilité des avions, car leur taux d'indisponibilité est extrêmement élevé. Je n'ai pas encore reçu ses conclusions.

En ce qui concerne le soutien aux opérations d'exportation, nous mobilisons un certain nombre de moyens intrinsèques des armées, qu'il s'agisse de l'armée de l'air ou de la marine. Le coût de ce soutien ne peut pas être passé sous silence. J'ai donc l'intention, dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire, de prévoir une enveloppe pour accompagner ces flux d'exportation que nous souhaitions poursuivre.

La directive sur le temps de travail est un vieux problème, c'est presque un serpent de mer, puisqu'il date de 2003. Nous sommes aujourd'hui confrontés à un certain nombre de contentieux engagés par des militaires, devant les tribunaux nationaux ou devant la Cour de justice de l'Union européenne. Il ne semble pas réaliste, alors que l'échéance définitive pour la transposition de cette directive est prévue pour la fin de l'année 2017, d'en envisager la renégociation, d'autant que la France était à l'initiative de cette directive. En revanche, nous travaillerons avec beaucoup de détermination à la négociation des exemptions. Le fait que nos partenaires européens prennent conscience de la gravité des menaces qui pèsent sur l'Europe et le fait que le concept d'Europe de la défense commence à prendre de la consistance nous aidera à obtenir, je l'espère, la bienveillance des autorités européennes en matière d'exemptions. À défaut, les recours engagés ne pourront qu'aboutir.

Bref, nous travaillons sur ce dossier. Nos travaux seront rendus très rapidement au Président de la République qui s'est ému à juste titre de cette situation.

M. Christian Cambon, président. - Les chiffres sont impressionnants : 6 000 ETP pour la gendarmerie !

Mme Florence Parly, ministre. - La gendarmerie a pris l'initiative de transposer à sa manière cette directive, ce qui est dommageable pour la disponibilité des forces dont disposait la gendarmerie, mais aussi pour le reste des forces armées puisque cela crée un précédent dont nous ne souhaitons surtout pas l'extension.

En ce qui concerne les effectifs, nous bénéficierons de 1 500 créations de postes sur la période 2018-2022, conformément à la lettre plafond qui nous a été envoyée au mois d'août. Cependant, la loi de programmation militaire dépasse l'échéance de 2022 et doit s'étendre jusqu'en 2025. Nous avons donc l'espoir d'accentuer cette dynamique de créations de postes.

J'ai été interrogée sur la poursuite de la montée en puissance des études amont. Les crédits de 720 millions d'euros seront probablement insuffisants pour faire face à un certain nombre de programmes majeurs pour les trente prochaines années, surtout dans la perspective d'un nouvel avion de combat en lien avec les Britanniques, de la montée en puissance de la cybersécurité ou de l'accroissement de la coopération avec la recherche civile.

En ce qui concerne l'Onera, il joue un rôle important pour la recherche et le développement dans le domaine aéronautique. Nous avons dû intervenir pour régler le problème de la soufflerie de Modane, dont les faiblesses structurelles devront être résolues au plus vite. En 2016, 15 millions d'euros ont été dégagés, 5 millions d'euros en 2018 et en 2019. Le budget de cet organisme est d'environ 240 millions d'euros pour 2018, dont un peu plus de 107 millions proviennent des subventions de l'État. L'Onera continuera à bénéficier d'un soutien important.

L'effort que je viens de mentionner sur les études amont devraient également bénéficier à cet opérateur, que nous continuerons de soutenir résolument. Concernant plus spécifiquement les implantations parisiennes, des échanges sont en cours entre l'Onera, les services de l'État et les départements.

Un certain nombre de sites devront être regroupés à terme, mais le schéma pluriannuel de stratégie immobilière, qui sera signé avant la fin de l'année, devrait permettre de répondre à une partie des questions qui ont été posées.

Les forces de souveraineté outre-mer représentent 8 300 personnes. Elles sont fortement sollicitées, qu'il s'agisse de la Guyane, de la Réunion, de la Nouvelle-Calédonie, des Antilles ou de la Polynésie française. Au cours des dix dernières années, les effectifs ont diminué de 25 %, voire de 50 % en Polynésie. Mais ils ont augmenté en Guyane de plus de 10 %. Pour ce qui concerne les capacités de surveillance et de protection, j'ai demandé le renouvellement des patrouilleurs. Une commande a été lancée en octobre 2017 pour un troisième patrouilleur léger guyanais qui sera affecté aux Antilles afin de combler temporairement les ruptures de capacité.

En ce qui concerne le plan famille, quels sont les moyens prévus en 2018 pour le logement et les crèches ? Nous avons ménagé une enveloppe de près de 13 millions d'euros, hors logement : un peu moins 5 millions d'euros pour l'action sociale ; 2,5 millions d'euros pour accompagner la formation professionnelle des conjoints ; et un peu plus de 5 millions d'euros pour améliorer les conditions d'hébergement. S'y ajouteront des moyens pour le logement majorés de 16 millions d'euros pour 2018. Notre objectif est également de créer 240 places de crèche supplémentaires.

Le recrutement et la fidélisation constituent un enjeu majeur. Nous n'avons pas de problèmes en termes de recrutement, mais nous rencontrons des difficultés en matière de fidélisation. C'est avant tout pour cette raison que le plan famille a été lancé.

Des indemnités ont été prévues en 2017 : indemnités de mise en oeuvre et de maintenance des aéronefs ; indemnités d'absence du port base ; indemnités spéciales de sécurité aérienne ; prime de haute technicité. Ces efforts seront poursuivis en 2018. J'espère que le plan famille apportera un heureux complément à ce premier arsenal.

La réserve monte en puissance. Nous avons tenu avec Gérard Collomb, il y a quelques semaines, un comité de la garde nationale. Nous sommes optimistes sur la réalisation de l'objectif, qui est d'atteindre 70 000 réservistes au titre de la garde nationale en 2018. S'agissant de la part qui incombe au ministère des armées, il y a eu 28 000 réservistes en 2015, 32 300 en 2016, presque 36 000 en 2017 et nous visons 40 000 réservistes en 2018. La réserve est attractive puisque trente à quarante postulants se présentent chaque jour.

Des mesures indemnitaires avaient été décidées en 2017 : prime de fidélité ; prime d'allocation d'études spécifiques ; participation au financement du permis de conduire. Afin d'accroître l'attractivité de la réserve en 2018, j'ai souhaité raccourcir les délais de paiement des soldes des réservistes : nous visons quarante-cinq jours. Nous souhaitons développer le portail numérique de recrutement et de réengagement. De plus, nous désirons favoriser les partenariats avec les entreprises.

Vous m'avez interrogée également sur mon pronostic quant à nos chances de voir la Pologne commander nos sous- marins. J'ai rencontré mon homologue polonais. J'ignore si la Pologne passera commande, même si l'attrait de l'armée polonaise pour nos missiles plaide en notre faveur. Je ne lâcherai pas l'affaire tant qu'elle n'aura pas été conclue, vous pouvez là aussi compter sur ma détermination !

Les études pour le deuxième porte-avions font-elles partie des crédits 2018 ? Non, ces crédits figureront dans la prochaine loi de programmation militaire.

Oui, monsieur Cambon, les sénateurs seront bien parties prenantes de la future commission pour définir les contours du service national. Toutes vos initiatives pour accélérer le processus de désignation de membres pour siéger dans cette commission sont les bienvenues.

J'ai également été interrogée sur la politique immobilière du ministère. Nous disposons d'un patrimoine extrêmement hétérogène, constitué de locaux administratifs, d'infrastructures opérationnelles et de logements. Ces postes de dépenses ont été très contraints les années précédentes. Voilà pourquoi un effort sera consenti dans le cadre du plan famille. Il sera bien sûr poursuivi dans la durée. Sur ce point, je vous renvoie également à la future loi de programmation militaire.

M. Christian Cambon, président. - Vous avez été interrogée sur les femmes militaires...

Mme Florence Parly, ministre. - Effectivement, 15 % de femmes est un taux trop bas. Il faut attaquer le problème à la fois à la base et au sommet. Au sommet, je veille à promouvoir les femmes qui sont en situation d'accéder à des postes de responsabilité. En général, les mérites des candidatures féminines ne sont pas moindres que celles de leurs camarades masculins. Néanmoins, nous sommes tributaires d'un vivier encore trop étroit. Il convient donc de faciliter l'engagement des femmes dans nos armées, notamment en tant que militaire du rang. En effet, 48 % des officiers sont des militaires issus du rang... Cette politique prend du temps. Il est essentiel que le plan famille puisse contribuer à un partage plus harmonieux entre la vie militaire et la vie familiale.

Bien que le taux de femmes dans les classes préparatoires scientifiques reste incroyablement bas, autour de 10 % à 15 %, il atteint presque 20 % dans les écoles d'officiers. Ce qui est tout de même mieux. Par ailleurs, je me réjouis qu'un certain nombre de jeunes femmes sortent majors de leur promotion. L'ensemble de ces mesures, mises bout à bout, contribuera à améliorer la féminisation de nos armées.

J'ai été interrogée sur la préparation opérationnelle. Je peux vous répondre sur la partie aérienne : notre objectif est de réaliser 11 000 heures de vol par an, et 6 200 heures de simulateur et d'entraînement. Aujourd'hui, nous n'y sommes pas. Je n'ai pas avec moi les chiffres exacts, je vous les transmettrai par écrit.

En conclusion, je ne résiste pas au plaisir de vous dire que vingt-six femmes occupaient des postes d'officiers généraux en 2015 ; elles étaient trente en 2016 ; elles sont trente-cinq en 2017 !

M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie, madame la ministre, de toutes ces précisions. Je vous félicite une nouvelle fois pour le plan famille, qui était très attendu. Il semble répondre aux attentes de nos soldats et de leur famille. Par ailleurs, je ne peux que vous recommander la plus grande fermeté pour tenter de dégeler les 700 millions d'euros de crédits gelés. Un certain nombre de nos collègues conditionnent leur vote à ce que le Gouvernement décidera sur ce point. Mais vous pouvez compter sur notre soutien pour parvenir à ce modèle d'armée complet que nous appelons de nos voeux.

La réunion est close à 18 h 15.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mercredi 8 novembre 2017

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30

Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » - Examen du rapport pour avis

M. Christian Cambon, président. - Nous ouvrons l'examen des avis de la commission sur le projet de loi de finances pour 2018, par celui portant sur le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

M. Rachel Mazuir, co-rapporteur pour avis. - Cette action, qui représente plus de la moitié des crédits de ce programme, recouvre, pour l'essentiel, les crédits du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale dont ceux de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI), ceux du GIC (Groupement interministériel de contrôle), les fonds spéciaux et les subventions destinées à deux établissements publics de formation, l'Institut des hautes études de défense et de sécurité nationale (IHEDN) et l'Institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ).

Dans un budget marqué par la volonté de réduire la dépense publique, cette action, il faut le souligner, progresse. Elle est dotée de 352 millions d'euros en AE (+1 %) et de près de 354 en CP (+ 3%). C'est pour l'essentiel la conséquence de la poursuite de la montée en puissance du GIC pour la mise en oeuvre de la loi de 2015 relative au renseignement et celle de l'ANSSI, dont vous parlera Olivier Cadic.

Je vous présenterai, pour ma part, les crédits affectés aux autres entités.

S'agissant du coeur historique du SGDSN, M. Gautier vous a exposé, le 11 octobre, la diversité de ses missions. Je voudrais formuler deux observations :

Nous constatons un développement des missions et une intensification de l'activité. L'aggravation des menaces a donc des conséquences. Pour illustrer mon propos, je relève que le rythme des réunions du conseil de défense et de sécurité nationale, s'est encore intensifié (40 réunions depuis le début de 2017). Deuxième exemple : la poursuite des déclinaisons du plan VIGIPIRATE rénové, en décembre 2016, avec l'adoption en 2017 des plans PIRANET et PIRATEMER et la préparation d'un plan METROPIRATE.

D'autre part, le SGDSN devient la structure de portage d'un ensemble d'entités plus ou moins autonomes comme l'ANSSI, le Centre des transmissions gouvernementales ou le GIC. Ensemble qui, tant en crédits qu'en effectifs, dépasse largement le coeur historique du SGDSN.

Si ces entités rattachées ont vu leurs moyens croître, tel n'a pas été le cas depuis plusieurs années du SGDSN qui a perdu 25 emplois depuis 2009 avec, pour conséquence, un affaiblissement de la fonction « Soutien » dont les effectifs représentaient 15% du total et ne représentent aujourd'hui qu'un peu plus de 7%. Votre commission avait fait cette observation l'année dernière.

Les effectifs du SGDSN stricto sensu sont maintenus dans le projet de loi de finances pour 2018, mais les crédits hors titre 2 (8,3 M€ contre 11 M€ en 2017) subissent une baisse importante. Sans doute, le budget des deux directions (« Protection et sécurité de l'État, affaires internationales et technologiques ») sera-t-il, selon le SGDSN, maintenu « à un niveau permettant son intervention dans l'ensemble des actions interministérielles concernées », mais il exigera un effort d'économies de fonctionnement et de productivité important dans un contexte de menace élevée.

Ma seconde série d'observations concerne le GIC.

La loi relative au renseignement de juillet 2015 a modifié sensiblement ses missions. Il est le pivot interministériel de gestion de l'ensemble des techniques et assure, pour leur mise en oeuvre, un rôle de conseiller auprès du Premier ministre, et de correspondant privilégié de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

La place du renseignement dans la lutte contre le terrorisme entraîne dans le même temps une intensification de son activité comme l'a montré le dernier rapport de la CNCTR.

Pour ce faire, il doit adapter ses structures et son organisation et réaliser un certain nombre d'investissements.

Le rattachement effectif de son personnel au service du Premier ministre est effectif depuis l'année dernière. Au total, le GIC disposera fin 2017 de 200 ETP. Le plafond est porté à 215 en 2018 et à l'horizon 2020, il devrait employer 234 personnes. Cette perspective a été réévaluée en cours d'année 2017 en raison des prévisions d'activités. Il faut s'en féliciter. En conséquence, le titre 2 est porté à 12,6 M€.

Un effort budgétaire a été réalisé pour accompagner sa montée en puissance. Les crédits hors titre 2 sont élevés à 16,6 millions d'euros en 2017. Pour 2018, il est prévu de stabiliser cette enveloppe à 15,6 M€ réparti aux ¾ pour les crédits d'investissement et pour ¼ en fonctionnement.

Comme l'a rappelé la Délégation parlementaire au renseignement dans ses deux derniers rapports publiés, et votre commission, l'année dernière, la montée en puissance du GIC constitue le point sensible pour la mise en oeuvre efficace de la loi relative au renseignement. Nous approuvons en conséquence le renforcement de son autonomie et son financement. Les modalités techniques de son adossement au SGDSN ont été précisées au cours de l'exercice 2017, dans un projet de convention dont la signature est imminente.

Quelques mots sur les fonds spéciaux. L'enveloppe a été portée à 67,8 millions d'euros en 2017 pour accompagner la montée en puissance des services de renseignement dans la lutte anti-terroriste. C'était une recommandation de la Commission parlementaire de vérification des fonds spéciaux. La dotation baisse légèrement à 67,4 M€. C'est regrettable pour deux raisons, au-delà du symbole envoyé aux services très sollicités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, cela crée de l'incertitude sur la capacité d'engagement d'opérations et cela risque d'obliger le Gouvernement à compléter la dotation en cours d'année, pour financer des dépenses prévisibles, comme il avait pris l'habitude de le faire, ce qui avait été critiqué par la CVFS.

Enfin, j'en viens aux deux opérateurs l'IHEDN et l'INHESJ. L'un et l'autre achèvent leur restructuration. L'exercice 2018 constitue une respiration dans la mesure où pour la première fois depuis longtemps les crédits et les plafonds d'emplois sont reconduits. Les établissements sont invités à développer leurs ressources propres. Pour ce faire, il serait utile d'apporter de la souplesse en matière de gestion des effectifs surtout lorsqu'il s'agit de recruter pour mettre en place des formations qui apportent des ressources nouvelles. Les deux instituts sont engagés dans de nouvelles démarches de négociation d'un plan stratégique pour l'INHESJ et de formalisation d'un contrat de performance pour l'IHEDN. Si la mutualisation des capacités entre les deux instituts engagée depuis 2011 se concrétise sur le plan du soutien, elle reste à conforter pour l'offre de programmes dans les domaines comme l'intelligence économique ou le continuum sécurité/défense. À nos yeux, cette démarche mériterait d'être consolidée au niveau stratégique par l'implication croisée des deux directeurs dans l'élaboration des plans stratégiques et contrats de performance respectifs.

M. Olivier Cadic, co-rapporteur pour avis. - Je m'associe aux propos de Rachel Mazuir et formulerai pour ma part quelques observations concernant l'ANSSI.

La cyberdéfense est un enjeu majeur. Dans une société de plus en plus connectée, les systèmes d'information sont des points de vulnérabilité. Assurer la protection contre une cybercriminalité puissante et virulente, mais aussi face au développement de l'espionnage et désormais, des actions d'ingérence de puissances étrangères, comme on a pu l'observer lors des campagnes électorales américaines et françaises, est devenu un impératif. Selon le rapport « Symantec 2017 », la France est passée au 8ème rang des pays où la cybercriminalité est la plus active et au 4ème rang en Europe. Le rapport observe une recrudescence des e-mails contenant des pièces jointes malveillantes. Un mail sur 131 est malveillant dans le monde contre 220 en 2015. Le rapport enregistre une hausse de 36 % du nombre de rançongiciels et en a identifié plus de 100 nouvelles familles. Cette activité se révèle toujours plus lucrative ; la rançon moyenne est passée en un an de 294 à 1077 $. Ce type d'attaques n'a pas progressé en France sans doute parce que seules 30% des victimes paient les rançons contre 64% aux États-Unis. En mai 2017, l'attaque massive à base de logiciels malveillants, exploitant une faille de Windows, a touché plus de 100 000 systèmes dans près de 100 pays dont ceux d'un certain nombre de grandes entreprises, en France et à l'étranger, ainsi que le service de santé britannique. Notre pays n'est pas épargné par les vols d'identifiants. Avec 85,3 millions d'identifiants volés, elle pointe à la 2ème place mondiale. Enfin, 2016 a connu la plus grande attaque par déni de service distribuée exploitant des réseaux d'objets connectés marquant l'émergence fulgurante de ce risque. Au plus fort de cette action massive, on enregistrait des attaques toutes les 2 minutes.

Face à cette menace croissante, l'ANSSI met en oeuvre la stratégie nationale de sécurité informatique. Elle a développé toute une série d'activités à partir de ses laboratoires d'expertise. Son périmètre d'action s'est élargi au-delà de la protection des administrations de l'État. Les textes d'applications de la LPM de décembre 2013 concernant les opérateurs d'importance vitale sont désormais publiés. Elle investit dans la mise au point de certains produits de sécurité. Elle en labélise d'autres, mais aussi des prestataires de confiance et des filières de formation. Elle apporte du conseil aux services déconcentrés de l'Etat, aux collectivités territoriales et aux entreprises grâce au déploiement d'un réseau en région. Enfin, elle a participé à la création de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr, ouverte le 17 octobre, qui met en relation particuliers et administrations locales avec des spécialistes susceptibles de leur venir en aide.

Pour autant, un point de faiblesse demeure. Trois ans après la publication de la Politique de sécurité des systèmes d'information de l'Etat (PSSIE), le retard, au regard des objectifs de conformité affichés peine à être comblé. L'insuffisance des moyens consacrés à la sécurité dans les ministères ainsi que des contraintes techniques et d'organisation qui ne permettent pas toujours à l'ANSSI de déployer des sondes dans des conditions adaptées à la menace, ni de recueillir toutes les informations nécessaires pour assurer une détection optimale, explique cela. Les ministères régaliens sont les bons élèves, mais quand on voit les attaques se développer comme en Grande-Bretagne en mai dernier, contre les services de santé, on peut légitimement être inquiet. Ce point avait déjà été relevé l'année dernière.

Il nous semble nécessaire qu'une inspection identifie les difficultés et propose un plan d'action et que soient étudiés rapidement les moyens permettant à l'ANSSI d'imposer ses préconisations aux directions des systèmes d'information des ministères.

La politique de cyberdéfense connaîtra sans doute en 2018 de nouveaux développements. Une revue est conduite par le SGDSN, et vous aurez également remarqué la présence accentuée du cyber dans la revue stratégique de défense qu'est venue nous présenter Arnaud Danjean récemment.

Pour ce faire, l'ANSSI voit ses moyens progresser en 2018.

Ses effectifs passeront de 547 à 572 ETP, +25. L'Agence considère toutefois que son effectif devrait être d'une centaine d'agents supplémentaires. Au vu des perspectives actuelles, à raison de 25 ETP par an, cette cible ne devrait être atteinte qu'en 2022. C'est pour nous un facteur de préoccupation, compte tenu de l'évolution des menaces. Espérons que la revue de cyberdéfense sera un levier en faveur d'une montée en puissance plus rapide. Les problèmes de recrutement et de fidélisation des cadres sont en voie de solution progressive, mais la vigilance demeure car les spécialistes de la sécurité informatique continueront à être très recherchés, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

La faiblesse du vivier demeure inquiétante. L'engagement de l'ANSSI dans une politique de labélisation des formations est positif, mais il devrait être conforté par une action plus intense du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour orienter les universités et les grandes écoles à développer ces filières et à diffuser dans toutes les filières la culture de la cybersécurité qui est désormais, soyons-en conscients, un enjeu majeur de société.

Les crédits affectés à l'ANSSI sont compris dans le budget du SGDSN, ce qui ne permet pas une lecture aisée des documents budgétaires. Il serait souhaitable, ce sera une de nos recommandations, de les faire apparaître indépendamment, sous forme d'une unité opérationnelle à l'instar du GIC, qui comme l'ANSSI est un service à compétence nationale.

Ils progressent sensiblement en crédits de paiement atteignant 73,39 M€ (+ 11,4%) et sont stables en autorisations d'engagement (- 1,1%). La principale opération d'investissement concerne le centre de stockage des données pour stocker et traiter les données recueillies lors des cyberattaques. L'investissement est porté par le ministère de l'intérieur pour un coût total de 24,2 millions d'euros, que le SGDSN finance aux trois-quarts. Les AE (18,2 millions d'euros) ont été transférées en 2016. En 2018, 6 millions sont inscrits en CP. Pour le reste, les crédits servent, pour l'essentiel, au développement de produits de sécurité pour la protection des informations classifiées, à des acquisitions de matériel informatique, au fonctionnement des systèmes d'information sécurisé, à la politique d'expertise scientifique et technique de l'Agence et à son fonctionnement opérationnel.

Globalement, nous sommes satisfaits de l'évolution des crédits de cette action et donc de ce programme 129 et vous proposons d'exprimer un avis favorable à l'adoption de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».

M. Jean-Marie Bockel. - La menace évolue à une vitesse incroyable et il faut saluer la mobilisation croissante des autorités publiques qui ont pris suffisamment tôt conscience de l'ampleur de cette menace et su réagir rapidement en développant les moyens nécessaires pour y faire face. Je mesure l'effort accompli, même s'il ne faut pas baisser la garde. Il me semble que nous devons maintenant développer notre action à l'international, dans des enceintes comme les Nations unies. C'est un point que nous avions esquissé dans le rapport de la mission d'information de la commission sur ce sujet en 2012. Il est souhaitable que des règles du jeu puissent être établies pour lutter contre la cybercriminalité et réguler autant que faire se peut le comportement des États dans le cyberespace. Même si elles ne sont pas toujours respectées, on sait que, à la longue, elles font peser sur les États un risque de réputation et de marginalisation auquel ils sont sensibles, même les moins démocratiques d'entre eux.

M. Ladislas Poniatowski. - Pourriez-vous nous décrire très concrètement en quoi consiste le rançonnage informatique ?

M. Olivier Cadic, co-rapporteur. - Je partage l'appréciation de Jean-Marie Bockel sur l'action à mener dans les enceintes internationales. Une agence se crée au niveau européen dans laquelle l'ANSSI est impliquée.

S'agissant du rançonnage, cela consiste, pour une organisation criminelle, à bloquer l'accès aux données qui permettent d'exploiter un système informatique, qui peut être un système de production industrielle ou de transport, comme le système d'information d'une entreprise ou d'une administration en les cryptant et en sollicitant une rançon en échange de la clef de décryptage, rançon acquittée en général en monnaie virtuelle (type bitcoin) pour empêcher la traçabilité de la transaction. Il ne s'agit pas de vols ou de destruction de données, encore que certaines attaques puissent combiner tous ces aspects.

M. Rachel Mazuir, co-rapporteur. - Ces moyens nouveaux de cyberattaque peuvent paralyser des services publics de base, dont la vulnérabilité s'est accrue avec l'introduction de systèmes informatiques à base de réseaux et d'objets connectés. On n'a pas encore tout à fait mesuré l'ampleur de ces risques et ce qui m'inquiète un peu, c'est le retard de certaines administrations à faire tous les efforts nécessaires pour s'en protéger. C'est un travail de sensibilisation que nous devons mener.

M. Christian Cambon, président. - Je voulais vous livrer une anecdote qui est celle d'un expert en sécurité informatique qui a montré, au cours d'un congrès international de médecins, comment, au moyen d'un logiciel acquis à bon marché, il était en mesure de recueillir en quelques minutes et en direct des données présentes dans les mémoires de téléphones mobiles de participants en ne connaissant que leur seule identité. Tout cela pour démontrer que ces technologies se diffusent à grande échelle.

La commission donne, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Action extérieure de l'Etat » - Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » - Examen du rapport pour avis

M. Christian Cambon, président. - Nous poursuivons l'examen des avis de la commission sur le projet de finances pour 2018, par celui portant sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ». Cet avis ne fera pas l'objet de vote, celui-ci étant réservé jusqu'à la semaine prochaine, après l'examen des deux autres programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat », le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».

M. Jean-Pierre Grand, co-rapporteur pour avis. - Le programme 151 finance les dépenses du réseau consulaire et, donc, l'ensemble des services destinés aux Français établis hors de France (qui sont environ 2 millions) ainsi qu'aux Français de passage à l'étranger qui représentent, quant à eux, un flux de plus de 21 millions de personnes par an. De ce programme relève aussi la délivrance des visas. Je commencerai par une présentation des crédits du programme 151 et céderai ensuite la parole à mon collègue co-rapporteur Rachid Temal.

Pour 2018, les crédits du programme 151 enregistrent une baisse de 18,8 millions d'euros, soit environ 4,9% et s'établissent à 368,44 M€. Une part importante de ce budget est constituée de crédits de personnel (228,43 M€).

La baisse enregistrée pour 2018 s'explique par le caractère temporaire de l'enveloppe (15,3 M€) prévue en 2017 pour les élections présidentielle et législatives. Elle est aussi liée, dans une moindre mesure, à la diminution des crédits de titre 2 (- 3,85 M€).

Pour le reste, les crédits destinés au programme 151 connaissent peu d'évolution en 2018 :


· Les crédits de fonctionnement du réseau consulaire représentent 12,4 millions d'euros, un montant bien modeste pour faire fonctionner le premier réseau consulaire mondial.

Composé de 212 postes au 1er janvier 2017, celui-ci n'a cessé de se restructurer et d'innover pour offrir une présence universelle à moindre coût. Cela a été rendu possible grâce au développement de formes allégées de présence consulaire telles que les postes à gestion simplifiée et les agences honoraires, ainsi qu'à une politique volontariste de modernisation des procédures et de simplification des démarches pour les usagers.

C'est ainsi que se met progressivement en place un « consulat numérique », dont une étape majeure fut en 2016 la mise en service du registre en ligne des Français à l'étranger. L'année 2018 verra, quant à elle, le lancement de la pré-demande en ligne des passeports et des cartes d'identité ainsi que de la possibilité de payer en ligne les droits de chancellerie.

L'envoi postal sécurisé des passeports biométriques, qui évite aux usagers de revenir au consulat pour le retrait, est entré en vigueur en septembre 2017 dans 36 pays représentant 60 % des passeports délivrés. Certes, le basculement, le 15 septembre dernier, du traitement des demandes de cartes d'identité dans le système « TES » génère un recul dans les facilités offertes aux usagers puisque ceux-ci ne peuvent plus transmettre leurs demandes par l'intermédiaire des consuls honoraires. Les demandeurs de cartes sont désormais priés de se rendre au poste consulaire dont ils dépendent, seul doté des appareils de lecture des empreintes, ce qui peut occasionner des déplacements fastidieux. Pour la remise est envisagé à moyen terme un système d'envoi sécurisé des cartes d'identité sur le modèle de celui instauré pour les passeports. Mais, soulignons-le, cela ne sera possible, pour des raisons de sécurité, que dans les pays garantissant la présence d'un opérateur postal fiable.

Quoiqu'en baisse par rapport à l'année précédente, l'activité du réseau en direction des Français de l'étranger est restée soutenue en 2016 : 231 932 demandes de passeports traitées, 75 369 cartes d'identité délivrées, 116 365 actes d'état civil établis.

? Les crédits d'intervention destinés à l'aide sociale s'élèvent pour 2018 à 17,6 millions d'euros, soit peu ou prou le même montant qu'en 2016. Ces crédits, rappelons-le, servent principalement à financer les prestations d'aide sociale délivrées par les postes aux personnes en difficulté - la communauté française à l'étranger n'étant pas, contrairement à une idée reçue, composée seulement d'expatriés aisés -, ainsi que des subventions de faible montant destinées à des centres médico-sociaux, des organismes d'entraide ou oeuvrant en faveur de l'adoption internationale. A noter, cette année, une réévaluation de l'enveloppe destinée à financer les rapatriements sanitaires et hospitalisations d'urgence.

? Enfin, l'enveloppe de crédits destinée aux bourses scolaires est reconduite en 2018 à 110 millions d'euros. C'est une stabilisation dont nous prenons acte, après des années de diminution puisque son montant en loi de finances était passé de 125 millions d'euros en 2015, à 115 millions d'euros en 2016, puis à 110 millions d'euros en 2017. Cependant, comme les années précédentes, la dotation budgétaire sera complétée par un nouveau prélèvement sur l'excédent d'exploitation constaté fin 2014 dans les comptes de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Cette « soulte » représenterait encore 9,6 millions d'euros fin 2017 et, compte tenu du montant estimé du prélèvement pour 2018, elle s'élèverait encore à 7,6 millions d'euros fin 2018. Grâce à cette soulte apparemment inépuisable, la réévaluation de la dotation budgétaire paraît pouvoir être différée cette année encore. Elle n'en sera pas moins nécessaire à moyen terme au vu de l'augmentation continue du nombre d'inscriptions dans le réseau de l'AEFE et de la progression des frais de scolarité (en moyenne +1 400 € en quatre ans).

Un mot sur les visas, qui font l'objet de l'action n° 3, les crédits inscrits à cette action étant exclusivement des crédits de personnel. En 2016, le nombre de demandes (3,5 millions) a légèrement fléchi (-1,5 %), les attaques terroristes sur le territoire national ayant eu un net impact sur la demande de visas pour le tourisme. Plus de 3 millions de visas n'en ont pas moins été accordés, le taux de refus s'établissant à 11%. Les recettes associées à cette activité restent donc importantes, quoiqu'en légère baisse en 2016 : 185,7 millions d'euros contre 187 millions d'euros en 2015. Conséquence de cette baisse : le programme 151 n'a pu bénéficier en 2017 de produits issus des recettes visas qui lui avaient permis en 2015 de financer quelques emplois à temps plein « hors plafond » au profit de l'activité visas. Celle-ci est toutefois repartie à la hausse sur le premier semestre 2017 (+ 15 %), laissant espérer de meilleurs résultats en fin d'année. Je passe maintenant la parole à mon collègue co-rapporteur.

M. Rachid Temal, co-rapporteur pour avis. - Je souhaiterais, particulièrement à l'attention de ceux d'entre nous qui rejoignent cette commission, dresser un tableau de la population française à l'étranger en 2016, dernière année pour laquelle les chiffres sont connus. Je reviendrai ensuite sur le déroulement des scrutins électoraux qui ont donné lieu à une forte mobilisation du réseau consulaire en 2017.

Comme l'a indiqué mon collègue en introduction, les Français établis hors de France représentent une communauté de plus de 2 millions de personnes, dont 1,8 million inscrites au registre au 31 décembre 2016, soit une hausse de 4,16 % par rapport à l'année précédente. Il est vraisemblable que la perspective des élections présidentielle et législatives de 2017 ait incité un certain nombre de Français non encore inscrits à le faire. La possibilité, à compter de juin 2016, de s'inscrire en ligne au registre a sans doute joué aussi dans cette hausse.

L'Union européenne est la première zone à accueillir des Français, elle en compte environ 660 000 en 2016. Elle est suivie de l'Amérique du Nord (260 000) et de l'Afrique (257 000). Les cinq premiers pays en termes de communauté française étant la Suisse (180 000), les Etats-Unis (158 000), le Royaume-Uni (140 000), la Belgique (125 000) et l'Allemagne (118 000).

En 2016, la taille de la communauté française à l'étranger croît dans toutes les régions du monde, sauf en Afrique subsaharienne et en Amérique latine où elle stagne.

Concernant la situation des communautés françaises se trouvant à l'étranger, je souhaiterais mettre l'accent sur deux préoccupations : d'une part, la sécurité ; d'autre part, les conséquences du Brexit sur la situation des Français résidant au Royaume-Uni.

La sécurité des Français résidant à l'étranger est une priorité pour le gouvernement, comme l'a rappelé le ministre lors de son audition. On pense, bien sûr, à la menace terroriste, mais il y a aussi, ne l'oublions pas, les séismes, les catastrophes naturelles, les crashs aériens.... Les consulats sont en première ligne pour y faire face. Sous l'égide du centre de crise et de soutien, ils élaborent des plans de sécurité rassemblant toutes les informations nécessaires en cas de crise, les modes opératoires et les mesures à prendre pour la mise en sécurité des ressortissants.

A ce sujet, j'ouvre une parenthèse pour évoquer la directive sur la protection consulaire. Devant être transposée d'ici le 1er mai 2018, cette directive européenne, qui impose à tout Etat membre d'apporter aux ressortissants des Etats membres non représentés dans un Etat tiers la même protection consulaire qu'à ses propres ressortissants, pourrait avoir des conséquences particulièrement lourdes pour la France, compte tenu de l'étendue de son réseau consulaire. Le gouvernement a veillé à ce qu'un mécanisme de remboursement des frais engagés soit prévu. Néanmoins, nous ne pourrons demander le remboursement que des frais que nous mettons nous-même à la charge de nos propres ressortissants, ce qui exclut les rapatriements collectifs en cas de crise. Il nous faudra être vigilants à toute dérive.

Un mot maintenant des perspectives concernant nos compatriotes résidant au Royaume-Uni, qui sont tout particulièrement inquiets des conséquences du Brexit. Cette inquiétude se manifeste déjà depuis un an par une forte sollicitation des consulats européens sur le territoire britannique (demandes de naturalisation, de titres d'identité...). Certes, le 26 juin 2017, le Royaume-Uni a présenté une « proposition relative aux droits des citoyens de l'UE » offrant des droits assez semblables à ceux actuellement garantis par l'UE et qui vise à faciliter l'obtention de statut de résident permanent pour les citoyens établis depuis plus de 5 ans. Néanmoins, de nombreux points doivent encore être précisés, les inquiétudes concernant notamment le maintien des droits sociaux et de l'accès aux soins pour les retraités, la possibilité pour les étudiants d'obtenir facilement des visas d'études ainsi que la lenteur et la complexité de la procédure pour obtenir ce statut de résident permanent. Nous ne manquerons pas d'être attentifs à ce dossier tout au long des négociations.

Enfin, je voudrais revenir sur les scrutins électoraux qui se sont déroulés en 2017 - élection présidentielle d'avril-mai et élections législatives de juin -. En effet, c'est le réseau consulaire qui a organisé ces scrutins au profit des quelque 1,3 million de Français à l'étranger inscrits sur les listes électorales.

Plusieurs innovations introduites récemment devaient faciliter leur déroulement. Ainsi, la possibilité, ouverte aux consulats depuis novembre 2015, de transmettre les procurations aux mairies par voie électronique, qui permet une baisse significative des délais d'acheminement.

Vos rapporteurs regrettent en revanche que l'obligation de choisir entre l'inscription sur la liste électorale consulaire et celle de la commune française de rattachement, prévue par la loi du 1er août 2016, en vue d'éviter les problèmes liés à la double inscription, n'ait pu entrer en vigueur en vue des scrutins de 2017. Cette mesure suppose en effet l'intégration des listes électorales consulaires dans le Répertoire électoral unique, opération informatique longue et complexe qui est en cours.

Concernant les modalités de vote, n'était autorisé pour l'élection présidentielle que le vote à l'urne ou par procuration alors que pour les élections législatives, le vote par correspondance l'était également. Le recours au vote électronique, initialement envisagé pour les élections législatives, a dû être suspendu en raison d'un risque important de cyber-attaques. En conséquence, le dispositif prévu pour le vote a été renforcé : le nombre de bureaux ouverts et les tournées consulaires destinées à recevoir les procurations des électeurs ont été augmentés, le délai d'inscription pour le vote par correspondance a été reporté. Malgré ces correctifs, le taux de participation aux élections législatives a été moins élevé que lors des élections législatives de 2012, pour lesquelles le vote électronique avait concerné 57 % des électeurs. Le vote électronique n'est pourtant pas une solution abandonnée - il reste, à ce jour, l'une des quatre modalités de vote autorisées pour les élections consulaires de 2020 -, mais le nouveau contexte oblige à prendre davantage de précautions pour garantir la sécurité des scrutins.

Pour conclure, même si nous ne votons pas aujourd'hui sur ce programme, je tiens à préciser que je m'abstiendrai car s'il est vrai que l'essentiel de la diminution de ce budget est liée à l'absence de l'enveloppe exceptionnelle prévue en 2017 pour l'organisation des élections, les crédits de titre 2 du programme connaissent aussi une baisse alors que l'activité du réseau et le nombre de Français à l'étranger ne cessent d'augmenter. Cela pose question pour l'avenir.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour cette présentation très détaillée. Ce programme est important pour nos compatriotes qui décident de quitter la France de manière temporaire ou plus permanente et qui sont, comme vous l'avez rappelé, de plus en plus nombreux. Or, malgré le surcroît d'activité que cette croissance implique pour notre réseau consulaire, les moyens de celui-ci continuent de baisser. Les récents discours du Président de la République à la Conférence des Ambassadeurs et devant l'Assemblée des Français de l'étranger allaient tout à fait dans le bon sens, s'agissant du rôle de la France dans le monde et de la contribution qu'y apportent les Français à l'étranger. Et pourtant, dans le détail, les crédits d'aide sociale dévolus aux conseils consulaires pour aider nos compatriotes à l'étranger sont en diminution (-1,84%) alors que ceux alloués aux organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES) progressent. Par ailleurs, je m'interroge sur la baisse (- 3,24 %) des crédits de personnel consacrés à l'activité « visas » alors que celle-ci est en forte croissante. Là encore, je relève un décalage entre la volonté affichée et la réalité des moyens alloués.

M. Richard Yung. - Concernant la suppression de la réserve parlementaire, je note qu'un nouveau dispositif associant les parlementaires à la distribution de subventions sur leurs territoires est en train d'être adopté par l'Assemblée nationale. Il faudra peut-être que, le moment venu, nous fassions de même pour les parlementaires des Français de l'étranger afin de restaurer cette modeste marge de manoeuvre que la réserve représentait pour ceux-ci (3 millions d'euros par an). Concernant les bourses scolaires, la stabilisation de la dotation constatée cette année fait suite à une forte diminution les années précédentes, alors même que le nombre d'élèves augmente chaque année de 4 %. Quant au prélèvement sur l'AEFE, il est discutable car il s'opère sur des réserves constituées par les cotisations versées par les parents d'élèves pour financer les projets de développement des établissements. Ce n'est pas une manière satisfaisante de financer l'enseignement français à l'étranger. Concernant le soutien que le réseau consulaire français apporte aux autres Etats qui, soulignons-le, existe depuis longtemps dans le cadre de l'entraide consulaire communautaire, la difficulté pour mettre en oeuvre les remboursements sera de recenser précisément les nationalités des ressortissants bénéficiant d'une assistance, alors que les circonstances (évacuations en cas de crise notamment) ne s'y prêtent pas toujours.

M. Olivier Cadic. - Je remercie les rapporteurs d'avoir évoqué la situation des Français vivant au Royaume-Uni qui sont effectivement inquiets et dans l'incertitude quant à leur avenir. Je voudrais revenir sur l'obligation qui est faite aux Français de l'étranger de se rendre aux consulats pour effectuer une demande de passeport qui représente une forte contrainte. Certes, un dispositif Itinera de recueil mobile des demandes a été mis en place pour les personnes résidant loin des postes. Pour autant, sa mise en oeuvre s'avère fastidieuse et coûteuse, y compris en termes de personnel. Le système, au demeurant, manque de fiabilité. A l'inverse, l'Allemagne autorise ses consuls honoraires à disposer des équipements permettant le recueil des données biométriques, et, partant, des demandes de passeports, un dispositif qui a, semble-t-il, fait ses preuves. Ne devrait-on pas s'en inspirer pour éviter des déplacements à nos concitoyens et des coûts à l'administration consulaire ? Les rapporteurs pourraient-ils interroger le ministre à ce sujet ? L'organisation actuelle n'est pas satisfaisante. A titre d'exemple, depuis la fermeture l'année dernière du consulat d'Edimbourg, les Français installés en Ecosse qui souhaitent faire une demande de passeport doivent se rendre à Londres en avion.

M. Robert del Picchia. - Pour les Français de l'étranger, les crédits de la réserve parlementaire bénéficiaient surtout aux écoles. Ils permettaient le financement de petits projets ou l'achat de matériels pour de petits montants, ce qui n'en constituait pas moins une aide appréciée par chaque établissement. Espérons qu'une solution pourra être trouvée avec le gouvernement. Concernant les prélèvements sur les réserves de l'AEFE en vue du financement des bourses scolaires, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'avis sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». J'avais interrogé le ministre de l'époque sur la pratique consistant à ponctionner les fonds de roulement des établissements du réseau de l'AEFE, qui m'avait répondu que cela s'était produit une fois, mais ne s'était pas renouvelé. Or, je peux témoigner que cela continue. Le lycée français de Vienne s'est ainsi vu prélever un million d'euro, somme qui avait été provisionnée à partir des cotisations versées par les parents d'élèves pour participer à la réhabilitation du réfectoire. Ce procédé est très mal perçu par les parents d'élèves contributeurs, dont un grand nombre sont, rappelons-le, des parents d'enfants étrangers scolarisés dans notre réseau. Il faut que cette pratique cesse. Concernant l'aide que nos consulats doivent apporter aux ressortissants des autres Etats membres, il faut souligner que c'est une charge pour notre réseau car nombre de nos partenaires ont peu de consulats à l'étranger. J'aimerais être sûr qu'il y aura des remboursements. S'agissant de la suspension du vote électronique pour les élections législatives, le risque était surtout mis en avant par les médias, dans le contexte des suites de la campagne présidentielle américaine. Pourtant les enjeux n'étaient pas comparables. Quand bien même on aurait eu un doute sur une élection, il suffisait de la refaire ; à l'échelle d'un consulat, ce n'était pas insurmontable. Les risques, au demeurant, existent tout autant pour le vote à l'urne. Enfin, j'observe que parfois ce sont les mesures draconiennes prises en matière de sécurité du vote qui in fine empêchent les électeurs de voter. J'espère qu'on reviendra au vote électronique pour les élections consulaires, je le souhaite d'autant plus que j'étais à l'origine de la loi sur le vote électronique à ces élections. C'est une question d'ordre pratique pour de nombreuses personnes résidant loin des bureaux de vote.

M. Christian Cambon, président. - C'est aussi un enjeu pour la participation des Français de l'étranger aux élections qui, alors que leur nombre s'accroît, ne sauraient être privés de ce droit.

M. Ronan Le Gleut. - Je tiens à saluer le travail présenté par les rapporteurs et leurs observations tout à fait pertinentes. Vous avez fait référence aux postes à gestion simplifiée (PGS), mais il faut aussi évoquer le développement inquiétant des postes à présence diplomatique (PPD), qui sont des ambassades dont la section consulaire a été supprimée et dont les services consulaires sont assurés par un poste consulaire de rattachements. C'est par exemple le cas au Honduras, au Cap-Vert, au Paraguay, une vingtaine de pays étant aujourd'hui concernés.

M. Christian Cambon, président. - C'est une vraie difficulté dont nous reparlerons lors de l'examen du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». Certaines ambassades ont vu leurs moyens réduits à portion congrue.

M. Jean-Pierre Grand, co-rapporteur. - Nous prenons acte de vos remarques et nous relayerons vos principales observations et interrogations à l'occasion de notre intervention en séance publique. Concernant la réserve parlementaire, il faut redire qu'il ne s'agissait pas de clientélisme, mais d'apporter un soutien de la République à des concitoyens éloignés du territoire national, un soutien peu élevé mais important pour ses bénéficiaires. Concernant les prélèvements sur les réserves de l'AEFE, il faut admettre que, lorsque l'on met toutes les pièces dans la même bourse, il est difficile de dire ensuite d'où elles viennent et c'est une méthode bien connue que de puiser à la fin dans ce qui reste. Il faudrait pouvoir distinguer l'origine des fonds via une comptabilité analytique. Nous ne manquerons pas de soulever cette question.

Concernant le décalage entre les discours et la réalité, c'est malheureusement une pratique assez courante. S'agissant de la baisse des crédits de titre 2 prévus à l'action 3 au profit des visas, elle s'explique par une diminution attendue des fonds reversés par le Fonds de sécurité intérieure (FSI), compte tenu de la réduction des travaux et dépenses engagés pour aménager les locaux destinés à l'accueil du public ou payer du personnel, cette évolution étant elle-même corrélée à l'externalisation croissante du traitement des demandes de visas.

M. Rachid Temal, co-rapporteur. - Je partage les observations qui ont été faites sur les contraintes liées au système sécurisé de recueil des demandes de passeports et les limites du dispositif mobile Itinera, qui présente à la fois des problèmes de fiabilité et de disponibilité. Le modèle de deuxième génération est en train d'être déployé, alors que le ministère travaille à la mise au point d'une troisième version qu'on espère plus performante. Nous insisterons sur ce sujet en séance publique. Concernant les bourses scolaires, au-delà de la question du prélèvement sur les réserves de l'AEFE, il me semble que l'enjeu est celui de la présence française dans le monde et de la contribution du réseau français d'enseignement au rayonnement de notre pays. On ne peut se contenter de rustines. Sur la protection que les postes consulaires français sont susceptibles d'apporter à titre individuel aux ressortissants d'autres pays européens, il est difficile de prévoir à ce stade quels seront les effets d'une directive qui n'est pas encore en application, mais nos craintes sont liées à l'étendue de notre réseau. Même si l'entraide consulaire entre Etats membres existait déjà pour la gestion des crises, il s'agit là d'un contexte tout à fait nouveau. Il nous faudra en évaluer les effets quand nous aurons un peu de recul. De même pour les Français résidant au Royaume-Uni, dont nous suivrons attentivement l'évolution de la situation. Malgré sa modestie, ce programme 151 est important car il supporte le service public destiné aux Français de par le monde. Quant à la réserve parlementaire, il ne s'agissait pas, en effet, de clientélisme, mais d'un dispositif public. Il faudra que le mécanisme destiné à la remplacer concerne aussi les Français de l'étranger, qui ne sauraient être des Français de second rang.

M. Jean-Pierre Grand, co-rapporteur. - Je confirme que des valises Itinera de troisième génération sont en train d'être développées. Concernant les bourses, nous indiquerons que le prélèvement sur les réserves de l'AEFE peut avoir des conséquences. Enfin, il faudrait voir aussi ce que nous pourrions faire au niveau de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pour dégager quelques marges de manoeuvre au profit des Français de l'étranger.

M. Olivier Cadic. - Quel est le coût du nouveau modèle Itinera ? Les décisions sont prises sans concertation et sans analyse préalable des coûts. Il faudra investiguer cette question.

M. Christian Cambon, président. - Mes chers collègues, je vous rappelle que le vote sur ce budget est réservé dans l'attente de l'examen la semaine prochaine des autres programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

La commission réserve son vote jusqu'à la fin de l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » le 15 novembre 2017.

Projet de loi de finances pour 2018 - Mission « Aide publique au développement » - Programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » - Examen du rapport pour avis

M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur pour avis. - Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit un montant de 2,7 milliards d'euros pour la mission Aide publique au développement, qui regroupe les programmes 209 et 110 respectivement gérés par le ministre chargé des affaires étrangères et celui chargé des finances.

Ceci représente une augmentation d'environ 100 millions d'euros des crédits de paiement, entièrement absorbée par la réévaluation de la contribution de la France au fonds européen de développement (FED).

Les taxes affectées au développement se monteront quant à elles à environ 800 millions d'euros de taxe sur les transactions financières (TTF), comme l'année dernière, et 210 millions d'euros de taxe de solidarité sur les billets d'avion.

À ce propos, je rappelle que la France s'efforce depuis plusieurs années d'aboutir à l'instauration d'une TTF européenne, sous la forme d'une coopération renforcée. Un accord partiel était intervenu entre dix États-membres le 8 décembre 2015. Toutefois, le Gouvernement estime que le Brexit rend nécessaire une réévaluation des effets potentiels de l'instauration d'une telle taxe. Il me semble indispensable que cette évaluation ait lieu au plus vite pour savoir si nous pouvons continuer à avancer dans cette direction, la TTF restant une valeur sûre en matière de financement du développement. Nous avons aujourd'hui, il me semble, assez de recul sur les effets de la TTF française pour pouvoir en tirer des enseignements.

Parmi les crédits de paiement de la mission APD, 850 millions d'euros financent donc le FED. Il faut souligner que les priorités de ce fonds sont en partie les nôtres : il alimente notamment des fonds fiduciaires pour l'Afrique, tel que le « Fonds Bêkou » pour la République centrafricaine ou le « Fonds d'urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière » ; environ 200 millions d'euros permettent de bonifier les prêts de l'AFD ; 290 millions d'euros alimentent les dons faits par cette agence : c'est mieux que l'année dernière mais encore assez modeste au regard des besoins ; près de 600 millions d'euros contribuent aux divers fonds multilatéraux de développement, au premier rang desquels le fonds de développement rattaché à la Banque mondiale et le fonds africain de développement.

Je rappelle que la mission « Aide publique au développement », dont je viens de décrire sommairement la composition, ne représente qu'une partie de notre aide au développement. Il faut en effet y ajouter la comptabilisation, selon certaines règles, des prêts de l'AFD, soit 1,7 milliard d'euros environ. En font également partie plus de 2 milliards de frais d'écolage (études en France des étrangers issus des pays en développement) et d'aide aux réfugiés, bien que ces crédits n'entrent pas à proprement parler dans une politique d'aide au développement au sens traditionnel du terme. À noter que l'aide française aux réfugiés comptabilisée dans l'aide publique au développement passe de 395 millions d'euros en 2012 à 422 millions d'euros en 2016. Enfin, un montant élevé de crédits transite directement de la TTF vers le fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui finance des fonds multilatéraux, notamment le « Fonds mondial Sida ».

À cet égard, il faut saluer un effort de transparence puisque les affectations du FSD pour 2018 sont davantage détaillées dans le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement », ce qui était indispensable compte tenu du transfert d'une partie significative de notre aide vers ce Fonds.

Au total, notre aide s'élève à 0,38% du revenu national brut (RNB) en 2016, au lieu de 0,37% l'année précédente, ce qui place la France en cinquième position des donneurs en montant, en douzième position en proportion du RNB. Malgré un léger sursaut ces deux dernières années, nous sommes désormais assez loin derrière nos deux principaux partenaires européens, qui ont tous deux dépassé les 0,7% du RNB consacrés à l'aide publique au développement. L'Allemagne et le Royaume-Uni versent ainsi trois fois plus de dons que la France. Il y a bien entendu des raisons budgétaires à cette situation, mais il faut clairement prendre conscience des conséquences du point de vue de notre influence et de notre image à long terme dans le monde.

Voilà pour les grandes tendances financières.

Je voudrais par ailleurs faire deux remarques relatives à nos deux principaux opérateurs dans ce secteur, Expertise France et l'AFD.

Tout d'abord, la rationalisation de notre dispositif d'expertise internationale n'est pas achevée. La Cour des comptes a indiqué cet été dans un référé qu'il était nécessaire d'engager un rapprochement entre Expertise France et le plus gros opérateur résiduel d'expertise non fusionné en 2014, Civipol. Nous verrons la réponse du Premier ministre. Il en est sans doute de même pour l'opérateur d'expertise de la justice et pour plusieurs opérateurs agricoles. Les modalités peuvent toutefois être complexes en fonction des statuts divers de ces opérateurs. Ce sujet suppose donc une réflexion approfondie, avec notamment comme échéance le prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) prévu en février 2018.

Ensuite, je crois qu'il faut réfléchir à la cohérence d'ensemble de notre organisation en matière d'aide au développement. Nous avons d'un côté un opérateur, l'AFD, qui réalise à la fois l'élaboration, le financement et la mise en oeuvre des projets. De l'autre, une politique d'aide au développement qui n'est plus explicitement représentée au Gouvernement. Cette situation est singulière en Europe. En outre, alors qu'on évoque sans cesse la nécessité d'une « Équipe France du développement », la coopération entre l'AFD et Expertise France reste insuffisante. Seule une petite partie des financements de l'agence d'Expertise provient en effet de l'AFD, qui est pourtant sur le papier un de ses financeurs « naturel ». Nos auditions vont se poursuivre sur l'ensemble de ces sujets, notamment sur la question du budget des opérations humanitaires dirigées par le Centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay.

Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais vous soumettre, avant de passer la parole à Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteur pour avis. - Je souhaiterais tout d'abord revenir sur la trajectoire financière de notre aide publique au développement pour les prochaines années.

Au cours de l'été, le Président de la République a annoncé une remontée à 0,55% du RNB au terme du quinquennat. Ceci nous replacerait dans la situation de 1995, année depuis laquelle notre APD a régulièrement régressé en part du RNB. Nous ne pouvons que saluer cette annonce.

Une telle progression suppose à la fois une hausse des crédits budgétaires et une augmentation des prêts de l'AFD.

S'agissant du premier point, le projet de loi de programmation des finances publiques en cours d'examen prévoit une croissance de plus de 16% des crédits de l'APD pour 2018-2020. Nous serons naturellement très attentifs à l'effectivité de cette hausse pour les budgets à venir. Surtout après les annulations de crédit de juillet dernier!

Et en tout état de cause, il faudra cependant jouer à plein sur l'effet de levier des crédits budgétaires pour atteindre l'objectif. D'une part, les crédits affectés aux dons engagés par l'AFD permettent en effet de mobiliser d'autres financements européens ou en provenance des fonds multilatéraux. D'autre part, les crédits de bonification permettent à l'agence d'augmenter ses prêts.

La question est de savoir si les moyens dont disposera l'AFD à partir de l'année prochaine selon le PLF 2018 sont suffisants pour initier cet effet de levier ?

Ces moyens sont certes en hausse. Les autorisations d'engagement pour les dons de l'AFD augmentent ainsi de 67 millions d'euros et les bonifications pour les prêts de 55 millions d'euros, tandis que la ressource à condition spéciale, les prêts du Trésor à l'AFD sur compte spécial, est abondée de 25 millions d'euros supplémentaires. Il s'agit de progressions significatives.

Toutefois, d'une part, ces hausses ne compensent pas l'annulation de crédits budgétaires effectuée en cours d'été. L'AFD a ainsi subi une coupe de 136 millions d'euros en AE et de 118 millions d'euros en CP !

D'autre part, la progression prévue en 2018 semble bel et bien insuffisante pour aller vers les 0,55% du RNB à l'horizon 2022 : objectif qui supposerait en effet une augmentation totale d'environ 1 milliard d'euros d'APD supplémentaire chaque année, avec une hypothèse de croissance du PIB de 1,7%.

Une fois ce constat fait, quelques remarques.

D'abord, seule la pérennisation de l'affectation de 270 millions d'euros en provenance de la TTF à l'AFD, pour renforcer ses dons, lui permettra d'accroître substantiellement son effort financier. C'est le sens de l'amendement adopté par les députés, qui va à l'encontre de l'affectation, par le projet de loi initial, de cette somme au Fonds de solidarité pour le développement (le FSD), celui-ci ayant vocation à financer l'aide multilatérale. Il me semble que cette réorientation de l'aide vers le bilatéral va dans le bon sens. Pour autant, le regroupement d'associations de développement « Coordination Sud », que nous avons auditionné, préconise d'aller au-delà et d'affecter l'intégralité de la TTF à l'aide au développement pour réellement atteindre l'objectif fixé : ce serait certainement une des solutions à retenir pour augmenter de manière significative l'aide publique au développement à partir de 2019.

Deuxième remarque : comme l'a indiqué le directeur général de l'AFD, Rémi Rioux, lors de son audition, l'année 2018 peut être mise à profit par l'agence pour se mettre en ordre de bataille. En effet, au-delà de la vision purement financière, l'AFD est bien l'opérateur qui élabore les projets et en suit la mise en oeuvre. C'est dire que pour ajouter plusieurs milliards d'euros d'engagements d'ici 2020 dont une grande partie en dons, il est nécessaire de réaliser au préalable un énorme travail de repérage, de préparation et d'élaboration de ces projets. Le relatif désengagement observé ces dernières années en matière d'éducation par exemple, que notre collègue Hélène Conway-Mouret avait à juste titre souligné l'année dernière, ou encore en matière d'agriculture, suppose une remontée en puissance et une appropriation des pratiques les plus novatrices.

Troisième remarque : il sera malgré tout sans doute nécessaire de revoir à la hausse la trajectoire financière de l'AFD pour atteindre cet objectif des 0,55% en prévoyant un apport aussi rapide que possible en nouvelles autorisations d'engagement.

Je souhaiterais également évoquer les activités de Proparco, la filiale de l'AFD qui se consacre au soutien du secteur privé dans les pays en voie de développement. Cette activité revêt à mon sens une importance essentielle dans la mesure où notre aide ne peut avoir un effet d'entraînement sur le développement économique que si elle dynamise directement les entreprises, en particulier les PME locales, mais également les petites entreprises françaises qui apportent sur place une expertise unique, notamment en matière d'énergies renouvelables.

En 2016, Proparco a autorisé 84 nouveaux concours pour un montant total de 1,3 milliard d'euros. En décembre 2016, cet organisme s'est fixé comme objectif de doubler ses engagements annuels par rapport à 2015, pour passer à 2 milliards d'euros, et de tripler ses impacts en faveur du développement durable d'ici 2020.

Notons que dans un rapport du 30 octobre dernier, l'ONG Oxfam salue l'engagement de l'AFD et de Proparco en Afrique subsaharienne dans le domaine de l'accès à l'énergie, mais regrette toutefois que les financements de ces organismes restent majoritairement orientés vers les grandes infrastructures centralisées, qui ne peuvent être mises en place que dans des pays possédant déjà une certaine richesse, et pas suffisamment vers les petites unités décentralisées qui constituent souvent la meilleure solution dans des pays très pauvres. C'est là un point sur lequel nous devons rester vigilants.

Il convient également de souligner un autre aspect positif de l'activité de Proparco : tout en étant bien dans ses priorités un organisme de développement au même titre que l'AFD, Proparco s'efforce davantage de favoriser l'investissement des entreprises françaises. Elle facilite pour ce faire les contacts entre entreprises françaises et entreprises locales et soutient les filiales locales d'entreprises françaises. Elle finance également des projets sur lesquels des fournisseurs français sont positionnés.

Enfin, j'évoquerai brièvement un autre enjeu actuel, le rapprochement de l'AFD avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ce rapprochement s'est en particulier traduit par la mise en place toute récente d'un véhicule d'investissement commun, doté de 600 millions d'euros, pour accompagner des projets d'infrastructures dans les pays en développement, et qui pourrait, par effet de levier, générer 8 milliards d'euros d'investissement. Il s'agit notamment, selon M. Rioux, de tenter de rattraper notre retard sur la Chine, qui s'est illustrée par la réalisation de nombreuses infrastructures lourdes en Afrique au cours des dernières années. Si nous ne pouvons qu'approuver cette orientation qui contribuera à rendre la France plus visible dans cette région du monde, il faut encore une fois souligner que la priorité reste de créer les conditions du développement dans les zones défavorisées par des projets d'une taille adaptée au contexte local. C'est là l'un des risques de la croissance rapide de l'AFD qui, tout en changeant d'échelle, doit conserver sa vocation initiale.

Il nous reviendra ainsi de nous assurer que l'agence continue à respecter cette équation complexe de notre politique de développement : tout à la fois oeuvrer pour faire sortir des populations de la pauvreté, agir conformément aux intérêts de la France, notamment au Sahel où nos armées sont engagées, et enfin promouvoir un développement durable conformément à l'accord de Paris de 2015.

Chers collègues, au vu de ces remarques, et singulièrement celle relative aux doutes sur la capacité de respecter la trajectoire budgétaire annoncée pour la mandature, je vous proposerai à titre personnel, dans un positionnement complémentaire avec celui de mon co-rapporteur, de nous abstenir sur ce budget, en signe de notre vigilance pour les années à venir.

M. Christian Cambon, président. - En tant qu'ancien rapporteur de l'APD, je reste convaincu de la nécessité d'évaluer ces politiques de développement. Il faut s'assurer que l'argent que nous dépensons est bien utilisé. Il y a aussi la question de la lourdeur de certains processus, par exemple au niveau du Fonds européen de développement (FED), dont les délais de décaissement sont parfois trop longs. Or il est essentiel d'investir en Afrique car seul un tel investissement nous permettra de soulager à long terme nos forces armées dans cette région.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je partage le constat des rapporteurs sur le fait qu'il n'y a plus aujourd'hui de pilote dans l'avion : le développement mérite une impulsion politique. Nous avons plaidé avec notre ancien collègue Henri de Raincourt pour un ministère de plein exercice, et aujourd'hui il n'y a même plus de secrétaire d'Etat chargé de ce sujet. Dans les priorités sectorielles, il faut aussi insister sur la démographie ! Nous ne pouvons pas occulter cette question centrale, et notamment son impact sur l'éducation.

M. André Vallini. - Je regrette également qu'il n'y ait plus de secrétaire d'Etat chargé du développement. Il est vrai que le FED fonctionne lentement et pas toujours de manière satisfaisante. Nous essayons de réorienter notre politique davantage vers le bilatéral que vers le multilatéral : c'est plus rapide et plus efficace, même si le multilatéral reste important. Enfin, il y a effectivement un doute très fort sur la trajectoire vers les 0,55% annoncés par le Président de la République ; ce doute est notamment très fort chez les ONG ; celles-ci sont très déçues du contraste entre cet objectif et le budget pour 2018, qui ne permet pas d'en prendre le chemin. Je rappelle que 0,55% du RNB, ce n'est pas à la hauteur, le chiffre admis par la communauté internationale étant de 0,7%. Le Royaume-Uni a atteint cet objectif pour l'avoir inscrit dans la loi, à l'initiative des conservateurs et avec le soutien des travaillistes. La comparaison avec l'Allemagne n'est pas valable car celle-ci ne fait pas les mêmes efforts militaires que la France et le Royaume-Uni. Je partage donc la position de Marie-Françoise Pérol-Dumont qui préconise que nous nous abstenions sur ces crédits.

M. Richard Yung. - Je ne partage pas cette vision des choses. Il y a une responsabilité collective de la baisse de l'enveloppe de l'aide au développement. Mais il y a déjà eu de grands efforts à la fin du quinquennat précédent, avec notamment le renforcement des fonds propres de l'AFD ; quant aux 5,5%, ils sont bien une étape sur le chemin des 7%. Certes, nous sommes en retard par rapport aux Anglais et aux Allemands et nous devons rattraper ce retard. Concernant Proparco, elle ne s'intéresse qu'aux grands projets. En dessous de 500 millions, elle n'agit pas. Or nous avons besoin de soutien aux PME locales aussi bien que françaises.

M. Olivier Cadic. - On a souligné l'effort accompli par les Allemands et les Britanniques pour atteindre les 0,7% ; il faut rappeler qu'il y a aussi un effet en termes de commerce extérieur : j'ai ainsi pu mesurer les conséquences de l'absence de l'AFD dans les Balkans. Par ailleurs, comment peut-on encore justifier que l'AFD soutienne des projets en Chine ?

M. Robert del Picchia. - On m'a signalé que les demandes de soutien des PME françaises à Proparco étaient parfois rejetées pour ne pas laisser soupçonner du favoritisme... Concernant le FED, j'avais étudié la question et je m'étais aperçu que le contrôle de ce fonds était perfectible. Il faudrait peut-être nous pencher sur cette question.

M. Christian Cambon, président. - Les projets de développement du Royaume-Uni ne sont-ils pas parfois contrôlés par des entreprises privées ? Un tel contrôle a conduit à l'abandon de l'aide britannique à l'Inde, malgré les liens qui unissaient les deux pays.

M. Pascal Allizard. - Lors d'une audition, il nous a été signalé que le Premier ministre avait déjà envoyé des lettres de cadrage pluriannuelles aux ministères, notamment à celui des armées, dont il résulte clairement que les trajectoires annoncées ne seront pas respectées. Ne faut-il pas que ceci se traduise dans nos réflexions et dans nos votes ?

M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur. - Tout ceci montre que nous ne pouvons pas en rester à ce rapport budgétaire. Il n'y a plus de direction politique de l'aide au développement. L'AFD fixe ses propres orientations. Par ailleurs, les petites entreprises échappent quelque peu au soutien public. D'un autre côté, nous sommes conduits à intervenir militairement dans certaines régions instables, ce qui est très coûteux. En Afrique, notre retrait en matière d'éducation est préoccupant alors que le tiers de la population mondiale sera africain dans moins d'un siècle. Il est donc indispensable que nous puissions davantage creuser ces questions.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteur. - Concernant les prêts à la Chine, il y a un intérêt en matière de développement durable, et il n'y a pas de coût pour l'Etat. Certes, 0,55% du RNB consacré à l'APD, c'est sans doute insuffisant. Mais nous partons de loin ! La question est de savoir si ces 0,55% sont tenables : le budget pour 2018 laisse planer le doute ! D'où ma proposition d'abstention. Concernant Proparco, il est vrai que les plus petites entreprises sont insuffisamment aidées, y compris les petites unités françaises. Concernant la démographie, il est exact que plus de 450 millions de jeunes arriveront sur le marché du travail dans les prochaines décennies en Afrique subsaharienne ! Concernant l'expertise, il convient sans doute de poursuivre la réforme avant, dans une phase ultérieure, de réfléchir à un rapprochement avec l'AFD. Je signale par ailleurs que celle-ci peut, depuis un an, travailler dans les Balkans, région dans laquelle elle a commencé de prospecter. Enfin, l'absence de secrétariat d'Etat est sans doute un mauvais signal : raison de plus pour manifester notre vigilance !

M. Christian Cambon, président. - Je rappelle que le bureau de la commission a décidé d'évaluer de manière plus approfondie la question de la poursuite de la réforme de l'expertise internationale et des relations entre l'AFD et Expertise France.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » (24 voix pour, 11 abstentions).

Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Gouvernement de l'État d'Israël, d'autre part - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Gilbert Bouchet, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et Israël.

Signé en juin 2013, cet accord s'inscrit dans le cadre de la politique européenne d'aviation civile visant notamment à créer un espace aérien commun avec les pays du voisinage.

À cet égard, quatre accords ont déjà été signés par l'Union européenne :

- deux au titre du partenariat oriental, avec la Géorgie en 2010 et la Moldavie en 2012 ;

- et deux au titre de la coopération euro-méditerranéenne, avec le Maroc en 2006 et la Jordanie en 2010.

S'inspirant très largement de ces précédents, cet accord met en place un cadre juridique unique, harmonisé sur la base du droit européen, pour la libre exploitation des services aériens entre les États membres de l'Union européenne et Israël. Il facilite ainsi les déplacements et favorise les échanges entre ces territoires.

Le trafic aérien y est d'ailleurs très important, puisqu'il s'est élevé à 10,2 millions de passagers l'an dernier, soit un accroissement de plus d'un tiers du trafic par rapport à 2013, année de signature de l'accord.

Le marché français a quant à lui atteint 1,1 million de passagers en 2016, soit une progression de 11 % sur trois ans. Ce marché se concentre essentiellement sur la ligne Paris-Tel-Aviv ; sur cette route, 430 000 passagers ont voyagé l'an dernier avec une compagnie française, à savoir Air France ou sa filiale Transavia France.

Cet accord se distingue toutefois des accords similaires précédemment conclus sur quelques points. En effet, sans préjudice de l'harmonisation souhaitée par l'Union européenne, des adaptations ont été accordées à l'État israélien pour tenir compte des spécificités de son marché aérien ainsi que de sa législation, et permettre ainsi la conclusion de l'accord.

Tout d'abord, la libéralisation des services aériens ne sera effective qu'à compter de 2018. Cela permettra aux compagnies israéliennes de s'adapter afin d'affronter une concurrence nouvelle et accrue. Durant cette période transitoire, les limitations de fréquences hebdomadaires auxquelles sont assujettis les transporteurs aériens pour certaines lignes resteront en vigueur. Elles concernent les droits dits « de troisième et quatrième libertés », qui permettent d'embarquer et de débarquer des passagers sur le territoire de l'autre partie.

Dans le domaine de la sécurité - qui concerne toutes les actions de prévention des accidents -, l'accord permet à Israël de continuer d'appliquer les normes américaines, qui sont reconnues au moins équivalentes à celles mises en oeuvre au sein de l'Union européenne.

Dans le domaine de la sûreté - qui fait référence à la prévention des actes de terrorisme et de malveillance -, il n'était pas envisageable de procéder à une harmonisation des normes compte tenu du niveau d'exigence très élevé de l'administration israélienne en la matière. À défaut d'harmonisation, les parties ont convenu de collaborer pour parvenir à la reconnaissance mutuelle de leurs normes, comme celles relatives à l'inspection filtrage des passagers et de leurs bagages à main.

Enfin, la directive européenne sur l'aménagement du temps de travail du personnel mobile dans l'aviation civile est rendue applicable à l'État d'Israël. Des écarts seront toutefois tolérés par rapport à cette directive, ce qui contribuera à équilibrer les conditions de concurrence entre les compagnies européennes et israéliennes.

De son côté, Israël a pris des engagements pour se conformer au cadre européen :

- d'une part, sur la gestion du trafic aérien, en signant notamment un accord avec Eurocontrol - organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne -, ce qui marque une étape importante dans la mise en oeuvre du ciel unique européen ;

- et d'autre part, sur la protection de l'environnement, en signant, au même titre que l'Union européenne, un programme de compensation et de réduction des émissions de carbone.

Pour conclure, cet accord marque une nouvelle étape dans la création d'un espace aérien unique, élargi aux pays du voisinage européen. Après les accords conclus avec le Maroc et la Jordanie, il s'agirait du troisième accord euro-méditerranéen ratifié par la France, et du deuxième avec un pays du Proche Orient.

Il se substituera à l'accord bilatéral franco israélien de 1952, sauf pour les pays et territoires français d'outre-mer qui ne font pas partie de l'Union européenne - à savoir la Nouvelle-Calédonie et les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, à l'exception de Saint-Martin.

En conséquence, pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux que recommander l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.

L'État d'Israël a d'ores et déjà notifié au Secrétariat général du Conseil l'achèvement de sa procédure interne de ratification, de même que vingt États membres de l'Union.

Pour ce qui nous concerne, l'examen en séance publique est prévu demain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité.

Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Gilbert-Luc Devinaz, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et l'Algérie, qui a pour objet de rationnaliser et de moderniser le cadre actuel de la coopération judiciaire pénale bilatérale. Celle-ci repose toujours sur un protocole judiciaire de 1962 relatif à l'entraide judiciaire en matière civile et en matière pénale.

À titre liminaire, il convient de rappeler que La France et l'Algérie entretiennent des relations politiques et institutionnelles denses, manifestées notamment par la signature, en 2012, de la déclaration d'Alger sur l'amitié et la coopération. Cette coopération s'appuie sur le Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) et le Comité mixte économique franco-algérien (COMEFA), qui se réunissent annuellement et ont permis la conclusion d'une série d'accords de coopération. Les liens humains sont également toujours forts. Fin 2015, 40 000 Français étaient inscrits au registre des Français établis hors de France en Algérie, dont plus de 90% étaient des binationaux franco-algériens et fin 2016, 600 000 Algériens étaient titulaires d'un titre valide de séjour en France.

Voyons tout d'abord le contexte de la négociation de cette convention, demandée par l'Algérie en 2007, sur la base d'un projet rédigé par la France. La coopération judiciaire en matière pénale avec l'Algérie, c'est-à-dire l'aide à la collecte de preuves destinées à être utilisées dans des affaires pénales transnationales, est très intense et les flux échangés sont parmi les plus importants entretenus avec les pays du continent africain - les premiers s'agissant des demandes reçues par la France et les seconds après le Maroc s'agissant des demandes transmises par la France. Ces échanges connaissent deux difficultés récurrentes, à savoir le maintien de la peine de mort dans le code pénal algérien, même si un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 1993, et le fait que l'Algérie ne reconnaisse pas la binationalité, ce qui donne lieu à des refus d'exécution des demandes d'entraide de la part des autorités algériennes. Depuis 2010, 506 demandes d'entraide judiciaires ont été adressées par la France à l'Algérie, dont 136 sont toujours en cours. Le délai moyen d'exécution par l'Algérie - 12 mois environ - est relativement satisfaisant. Sur la même période, les autorités algériennes ont adressé à la France, 163 demandes d'entraide, dont 32 sont toujours en cours. Signe d'une coopération bilatérale étroite dans la lutte contre le terrorisme, les demandes visant des infractions terroristes représentent, de part et d'autre, le nombre élevé d'environ 10 %.

Passons maintenant au contenu de cette convention qui s'inspire largement des mécanismes de coopération existant au sein de l'Union européenne et dans le cadre du Conseil de l'Europe. Elle pose le principe standardisé de « l'entraide pénale la plus large possible » et interdit de refuser l'entraide au seul motif qu'elle se rapporte à une infraction fiscale ou en opposant le secret bancaire ou bien encore une compétence juridictionnelle concurrente, ce qui permettra de résoudre les difficultés liées à la double nationalité. Les motifs traditionnels de refus d'entraide sont conservés - infractions politiques, atteinte à la souveraineté, à la sécurité, l'ordre public et autres intérêts essentiels - et la France pourra ainsi la refuser dans un dossier, qui pourrait aboutir à une condamnation à mort en Algérie, en invoquant une atteinte à sa souveraineté et à son ordre public. La partie algérienne a réclamé deux stipulations : l'obligation de rédaction de la demande d'entraide dans les deux langues, sauf urgence, et la mise en place d'un dispositif, inspiré du protocole additionnel de 2015 à la convention franco-marocaine d'entraide judiciaire en matière pénale, dans le cas de l'exercice d'une compétence extraterritoriale. En ce qui concerne ce second point, qui était chacun s'en souvient le point sensible de la convention franco-marocaine, si par exemple, une procédure est engagée auprès d'un juge français par une personne qui n'a pas la nationalité française pour des faits commis par un Algérien en Algérie, la partie algérienne, une fois informée par la partie française, recueillera auprès de la partie française ses observations en vue de l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire en Algérie. La partie française sera ensuite informée des suites de la procédure algérienne et appréciera alors les suites à donner à sa propre procédure. Ces échanges d'informations permettront d'assurer une conduite efficace des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites, sans préjudice des règles applicables en matière de compétence quasi-universelle.

Si l'inspiration est la même, la rédaction de ces dispositions est très différentes de celles, homologues, du protocole signé avec le Maroc, car elles affirment beaucoup plus clairement que le juge français garde, dans tous les cas, la pleine maîtrise de la procédure, puisque c'est lui qui décidera de sa clôture ou non. Enfin, la présente convention permet aussi d'obtenir de très amples informations en matière bancaire, de recourir à des interceptions de télécommunications, ainsi qu'à des livraisons surveillées pour lutter contre les opérations de blanchiment d'argent et les trafics de stupéfiants. De plus, tenant compte des progrès techniques réalisés depuis 1962, elle prévoit l'audition par vidéoconférence des témoins, des experts et des parties civiles.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, d'autant que la présente convention n'entraînera aucune modification des dispositions législatives ou règlementaires actuellement en vigueur. De plus, comme les chiffres cités l'ont montré, ce sont les autorités judiciaires françaises qui en bénéficieront le plus puisqu'elles formulent trois fois plus de demandes d'entraide judiciaire que les autorités algériennes.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 9 novembre 2017, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris. Ce texte sera alors définitivement adopté, puisque l'Assemblée nationale l'a déjà adopté, le 2 août dernier, également après un examen en procédure simplifiée.

M. Christian Cambon, président. - Cette convention s'inscrit dans le droit fil du protocole sur la convention d'entraide judiciaire en matière pénale avec le Maroc que nous avons adopté en 2015, tout en offrant de solides fondements juridiques.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

Nomination de rapporteurs

La commission nomme rapporteurs :

M. Claude Haut sur le projet de loi n° 382 (2016-2017) autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou ;

M. Raymond Vall sur le projet de loi n° 576 (2016-2017) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie ;

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont sur le projet de loi n° 614 (2016-2017) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République socialiste du Viet Nam et du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République socialiste du Viet Nam ;

M. Ronan Le Gleut sur le projet de loi n° 6 (2017-2018) autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet ;

MM. Robert del Picchia et André Vallini sur le contrat d'objectifs et de moyens 2017-2020 de Campus France, en application de l'article 6 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat.

Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne -Groupe de suivi sur les négociations commerciales - Désignation des membres

M. Christian Cambon, président. - Mes chers collègues, nous devons procéder à plusieurs désignations.

Tout d'abord, au sein du Groupe de suivi sur le Brexit et la refondation de l'Union européenne : c'est une structure commune aux affaires étrangères et aux affaires européennes, qui fait un suivi des négociations de sortie qui vont s'étaler jusqu'en 2019, mais aussi - mais surtout ! - de la refondation de l'UE. Des rapports sont publiés en tant que de besoin, deux l'ont été en 2017. Ce groupe était le premier à dire qu'un échec des négociations était possible, et à réclamer, lors d'une conférence des 26 Ambassadeurs de l'Union européenne au Sénat, que la refondation de l'Union passe avant le Brexit dans nos priorités.

Ce groupe est constitué de 20 sénateurs, répartis à la proportionnelle des groupes politiques, et désignés au sein des deux commissions concernées, 10 membres chacune, ce qui donne pour notre commission :

- pour le groupe Les Républicains, MM. Pascal Allizard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Ronan Le Gleut, Ladislas Poniatowski et moi-même ;

- pour le groupe Socialiste et républicain, MM. Gilbert-Luc Devinaz et Jean-Marc Todeschini ;

- pour le groupe La République en Marche, M. Richard Yung ;

pour le groupe Union centriste, M. Olivier Cadic ;

pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen : M. Jean-Noël Guérini.

La commission des affaires européennes désignera demain ses 10 membres, parmi lesquels figureront deux autres membres de notre commission : Mme Gisèle Jourda et M. Thierry Foucaud.

Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.

Le groupe Brexit se réunira dès demain à 11h30 avec nos homologues de la commission « Brexit » de la Chambre des communes, salle A120.

Toutefois, les auditions les plus importantes ont lieu devant la commission dans son entier : notez tous l'audition de Michel Barnier le jeudi 16 novembre à 12h30 pour faire le point sur les négociations.

S'agissant des désignations au sein du groupe de suivi sur les négociations commerciales, nous formons un trio avec les commissions des affaires européennes et des affaires économiques, avec 5 membres chacun. Pour notre commission, sont désignés :

- pour le groupe Les Républicains, Jean-Paul Emorine,

- pour le groupe Socialiste et républicain, Rachel Mazuir,

- pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen, Raymond Vall,

- pour le groupe Les Indépendants - République et territoires, Jean-Louis Lagourgue,

- et pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, Thierry Foucaud.

Les autres groupes sont représentés dans les autres commissions.

Il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.

Questions diverses

M. Christian Cambon. - J'ai proposé au Bureau de la commission, qui l'a accepté, de désigner un groupe de travail sur le service national universel, qui rendrait un rapport d'information d'ici le printemps, en vue de faire nos propres propositions au gouvernement. Je propose de confier la co-présidence de ce groupe à Jean-Marie Bockel pour la majorité (qui a déjà travaillé sur la garde nationale) et à Jean-Marc Todeschini pour l'opposition.

M. Ladislas Poniatowski. - Il ne faudrait pas qu'il n'y ait dans un groupe que des sénateurs en faveur de ce projet ...

M. Christian Cambon. - Naturellement ; la commission en a déjà largement dit ce qu'elle en pensait et mis en avant l'impérieuse nécessité de préserver les moyens des armées. D'ailleurs, je souhaite que chaque groupe qui le souhaitera puisse avoir un représentant dans le groupe de travail ; par ailleurs, je demande au groupe d'ouvrir ses auditions à tous les membres de la commission qui le souhaiteraient. Pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, en application de l'article 6 de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, la commission est saisie du contrat d'objectifs et de moyens 2017-2020 de Campus France, sur lequel elle doit s'exprimer dans un délai de six semaines, soit avant le 28 novembre prochain.

Je vous propose que Robert del Picchia et André Vallini nous présentent leur avis sur ce COM la semaine prochaine, à l'issue de la présentation de leur avis sur le programme 185. Le programme 185 comprend en effet les crédits de Campus France et ces deux présentations seront donc très complémentaires. Pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé. MM. Robert del Picchia et André Vallini sont donc désignés rapporteurs pour le projet d'avis de la commission sur le contrat d'objectifs et de moyens 2017-2020 de Campus France.

La réunion est close à 12 heures.