Jeudi 20 mai 2021

- Présidence de M. Bernard Jomier, président -

La réunion est ouverte à 14 h 05.

« Gestion économique de l'épidémie de Covid-19, quelles conséquences pour les territoires ? » - Audition de MM. Patrick Arnaud, directeur général de Serre-Chevalier domaine skiable, filiale de la Compagnie des Alpes, Olivier Léna, directeur interrégional AntillesGuyane de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et Jean-François Rial, président de l'Office du tourisme de Paris

M. Bernard Jomier, président. - Nous poursuivons nos travaux consacrés à la dimension territoriale de la crise sanitaire, en nous intéressant plus particulièrement à ses conséquences économiques et sociales.

Toutes les régions françaises, métropolitaines comme ultramarines, zones urbaines comme rurales, littorales ou montagnardes ont été très sévèrement impactées par les conséquences économiques et sociales de la pandémie. Dans les zones où le tourisme constitue une mono-activité ou, en tout cas, une activité prépondérante, la chute de la fréquentation a eu et a encore des conséquences très fortes - je pense évidemment aux stations de sports d'hiver chères au coeur à notre rapporteur mais aussi aux sites qui dépendent quasi exclusivement du tourisme international pratiquement disparu depuis le début de la pandémie. Paris est dans ce cas de figure.

Bien sûr, nous ne pourrons pas balayer tous les sujets, d'autant que toutes les commissions permanentes du Sénat suivent la gestion de la crise sanitaire dans leurs secteurs de compétences, en particulier la commission des affaires économiques. Mais il nous a paru important d'approfondir notre analyse de ses conséquences de fond et de long terme. Pour formuler des recommandations pour l'avenir, il est primordial de disposer d'une analyse approfondie de l'impact économique et social de la crise, ce qui présente un caractère conjoncturel, d'une part, et ce qui relève d'une tendance de fond, d'autre part.

Pour y parvenir, nous accueillons aujourd'hui : MM. Patrick Arnaud, directeur général de Serre-Chevalier domaine skiable, filiale de la Compagnie des Alpes ; Olivier Léna, directeur interrégional Antilles-Guyane de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et Jean-François Rial, président de l'Office du tourisme de Paris.

Merci d'avoir répondu à notre invitation. Comme vous l'avez compris, nous attendons beaucoup de vous car au-delà de l'analyse de votre situation, nous apprécierions que vous contribuiez à la réflexion que nous conduisons sur l'éventuelle nécessité d'adaptations territoriales.

Je vais vous céder la parole pour un propos liminaire de huit minutes environ. Puis je donnerai la parole à nos deux rapporteurs, Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, pour qu'ils puissent vous interroger, avant que l'ensemble des collègues qui le souhaiteraient vous posent à leur tour leurs questions. Je vous précise que notre table ronde est diffusée sur le site internet du Sénat.

M. Patrick Arnaud, directeur général de Serre-Chevalier domaine skiable, filiale de la Compagnie des Alpes. - Je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer l'impact qu'a eu la crise sanitaire sur les stations de ski. C'est d'autant plus utile que les médias donnent souvent de nous une image déformée. Nous avons d'ores et déjà tiré quelques enseignements de cette crise et je vous ferai part de nos réflexions sur la manière dont nous envisageons de rebondir et dont on pourrait, à l'avenir, contrer les effets négatifs de ce type d'épisodes.

La fermeture des stations de ski a évidemment constitué, sur nos territoires, un véritable séisme. Le tourisme y est une mono-activité, en particulier en hiver. L'interdiction de réouverture des remontées mécaniques affecte tout un écosystème.

Contrairement à ce qui a pu être dit, les touristes n'ont pas été nombreux dans les stations de ski cette année. La fréquentation s'est établie à 20 % des chiffres habituels et s'est concentrée exclusivement pendant les périodes de vacances scolaires. D'un point de vue économique, la situation est encore plus désastreuse, car les touristes présents ont moins dépensé qu'habituellement. Les pertes économiques sont de 100 % pour le domaine skiable et les restaurateurs, de 95 % pour les moniteurs de ski, mais aussi de 80 % pour les magasins de sport.

S'il est vrai que les clients qui se sont rendus à la montagne cette année ont apprécié leur séjour, ils ne représentent qu'un client sur les cinq qui viennent habituellement. Par ailleurs, beaucoup se sont rendu compte que les autres activités proposées à la montagne étaient plus physiques encore que le ski, d'autant que la montagne n'était pas sécurisée dans les mêmes conditions que les années précédentes. Je pense que la plupart d'entre eux se tourneront à nouveau vers le ski lors de leurs prochains séjours et que la crise n'aura eu qu'un effet modeste sur l'intérêt qui peut être porté à d'autres activités.

S'agissant des indemnisations, elles ont été lentes à arriver, mais il faut reconnaître qu'en ce qui nous concerne, elles devraient nous permettre de surmonter la période de crise en limitant grandement les dégâts. Elles couvrent approximativement 70 % de nos charges fixes. Nous sommes néanmoins inquiets de voir que beaucoup d'entreprises des territoires de montagne ont été très mal indemnisés, alors qu'ils ont eux aussi subi les conséquences de la fermeture des remontées mécaniques : je pense aux magasins de sport, aux hébergeurs. La santé financière de beaucoup d'entre eux est menacée.

Nous avons des inquiétudes quant au retour des touristes étrangers à l'avenir. Cette année blanche aura pu casser leurs habitudes. D'autres pays ont fait le choix de maintenir leur domaine skiable ouvert. C'est le cas de la Suisse qui a pu préserver 80 % de son activité. Il faudra que nous mettions en place des plans de commercialisation et de communication d'envergure pour attirer de nouveau les touristes étrangers, d'autant que la Suisse ou l'Autriche misent beaucoup sur le tourisme de montagne et ont jusqu'ici une force de frappe plus importante qu'Atout France.

En ce qui concerne l'impact de la crise sur les investissements, la Compagnie des Alpes a souhaité maintenir un haut niveau d'investissement pour l'été prochain afin de soutenir les territoires sur lesquels elle opère et de préserver sa compétitivité. Les aides publiques nous y aident. Mais si nous venions à perdre des parts de marché ou que notre fréquentation devait baisser sous l'effet de l'instauration de quotas, nous n'aurions plus le même niveau d'autofinancement et nous devrions revoir nos investissements à la baisse.

La lutte contre le dérèglement climatique nous impose d'investir pour demeurer compétitif et faire évoluer notre offre pour répondre à cet enjeu. Il va nous falloir investir de manière différente et, si possible, moins onéreuse. Nous sommes convaincus qu'il faut opérer une transition environnementale. Nous avons d'ailleurs déjà mis en place un programme d'énergies renouvelables à Serre-Chevalier et de nombreux domaines skiables français réalisent des investissements dans ce domaine. Nous pensons néanmoins qu'il serait juste que cette transition environnementale se fasse au niveau mondial et concerne tous les secteurs d'activité.

Nous ne comprenons pas pourquoi les stations de ski sont aujourd'hui si décriées d'un point de vue environnemental. Ce ne sont pas des gouffres énergétiques. La pratique du ski ne porte pas atteinte à l'environnement. Les Français n'empruntent pas l'avion pour venir dans nos stations. Toutes nos infrastructures fonctionnent à l'électricité. Nous avons fait beaucoup de progrès sur l'hébergement : les bâtiments ont été isolés, les appartements de ski ne sont plus les « cages à lapin » d'autrefois.

Nous n'avons d'ailleurs pas compris en quoi la population courait plus de risque de contamination en se rendant dans une station de ski qu'en restant à domicile ou en allant passer les fêtes en famille, comme elle y a été autorisée. Les vacances au ski sont avant tout des vacances familiales et non festives : seule une part tout à fait marginale des touristes fréquente les bars et les boites de nuit.

La mise en place d'un tourisme durable appelle en revanche une vraie réflexion sur la manière d'étaler la fréquentation de nos sites. C'est une question essentielle pour toutes les zones touristiques, qu'elles soient en montagne ou sur le littoral. En montagne, la taille de nos infrastructures est liée au nombre très important de touristes que nous accueillons pendant les vacances scolaires. Il faut garder à l'esprit que la France est l'un des seuls pays européens dont les dates de vacances scolaires sont aussi concentrées. Ce n'est pas forcément justifié, puisque le classement PISA montre que tous les pays qui ont des vacances plus étalées que la France obtiennent de meilleures performances éducatives.

M. Olivier Léna, directeur interrégional Antilles-Guyane de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). - Cette audition de l'INSEE entre pleinement dans notre mission d'orientation des politiques publiques. J'organiserai mon propos en distinguant les conséquences conjoncturelles des conséquences structurelles de la crise sur les Antilles et la Guyane. Pour rappel, ces territoires ont été soumis, à l'instar du territoire hexagonal, à un confinement strict du 17 mars au 11 mai 2020, puis à une levée de confinement progressive qui a pu différer selon que l'on se situait en Guadeloupe, en Martinique ou en Guyane.

La Guyane a connu un couvre-feu quasiment toute l'année avec une restriction particulière du vendredi soir au lundi matin, suivi d'un nouveau confinement à compter du 14 mai 2021. La Martinique a, pour sa part, connu un deuxième confinement dès novembre et décembre 2020 et un troisième confinement fin avril 2021. La Guadeloupe s'est vue appliquer une semaine de restrictions en octobre 2020, puis la fermeture de certains commerces en mars 2021 et, enfin, un second confinement qui a pris fin le 19 mai dernier. Au-delà de ces mesures restrictives, ces territoires ultramarins ont connu plusieurs aménagements spécifiques relatifs aux motifs impérieux qui conditionnaient leur accès, qui ont pu pénaliser leur économie et le tourisme.

Nous constatons donc, en mesurant les impacts de cette crise sur les territoires ultramarins, des restrictions de déplacements, des fermetures d'établissements et un ralentissement du secteur du tourisme. Aussi, s'il est exact d'affirmer que ces territoires ont été moins exposés que le territoire hexagonal à la crise sanitaire, il ne faut pas oublier que leur situation initiale et leurs particularités, moins favorables et plus dépendantes des aléas conjoncturels, les fragilisaient davantage. D'où l'intérêt de distinguer finement les conséquences conjoncturelles des conséquences structurelles.

En effet, l'impact de la crise en outre-mer a été plus mesuré en raison d'un moindre développement de l'activité marchande et d'une moindre représentation des secteurs privés exposés à la crise - hormis bien sûr le tourisme, qui peut représenter jusqu'à un tiers du produit intérieur brut (PIB) local, notamment en Guadeloupe. En revanche, le retrait des mesures de soutien organisées par l'État risque d'avoir des effets amplifiés par rapport à l'Hexagone et doivent absolument tenir compte des difficultés spécifiques de ces territoires en matière de formation et d'insertion sur le marché du travail.

En définitive, on peut conclure à une crise qui a moins touché les territoires ultramarins, mais cette analyse doit être relativisée, notamment au regard des conséquences à long terme.

Voyons maintenant l'évolution au cours de la crise de trois indicateurs spécifiques à ces territoires : l'activité et la consommation, le taux d'emploi et de chômage, le commerce extérieur. Pour la mesure de la baisse d'activité, l'impact économique du premier confinement a été, de façon conjoncturelle, moins fort aux Antilles-Guyane qu'ailleurs : une baisse d'activité se situant entre 20 et 25 %, se traduisant par une baisse du PIB local de 3 % aux Antilles et de 4 % en Guyane. Fin juin 2020, on observe en Guyane une contraction de la consommation des ménages de 22 %, en Guadeloupe de 28 %, en Martinique de 27 %.

Les indicateurs relatifs à l'emploi et au chômage sont un peu moins pertinents que dans l'Hexagone, en raison d'une économie informelle assez développée, fondée sur l'agriculture et le commerce, et d'une activité échappant pour une large part à nos compilations statistiques. Nous sommes toutefois en mesure d'affirmer que beaucoup de personnes, qui vivaient de cette économie informelle, se sont retrouvées sans activité du jour au lendemain : nous nous référons, pour approcher cette réalité, à la distribution d'aide alimentaire d'urgence, dont nous savons qu'elle a été particulièrement dynamique en Guyane.

En 2020, le taux d'emploi des personnes de 15 à 64 ans est globalement stable sur l'ensemble de ces territoires, tandis que le volume d'heures travaillées a reculé. Nous en déduisons que le recours massif au chômage partiel a permis de préserver l'emploi.

Par ailleurs, les interdictions de déplacement et les restrictions d'activité sont à l'origine d'une baisse du taux de chômage, dont il ne faut pas oublier qu'elle est en « trompe l'oeil ». En effet, je vous rappelle qu'une personne en situation de chômage, au sens du Bureau international du travail (BIT), se définit par trois critères : avoir travaillé, être disponible pour travailler et être en recherche active d'emploi. La crise sanitaire ayant neutralisé ces deux derniers critères, de nombreuses personnes inactives se sont donc vues retirer la qualité de chômeur. Aussi, à l'instar du taux d'emploi, le taux de chômage ne saurait approcher de façon pertinente la réalité de ces territoires.

Concernant le commerce extérieur en 2020, parallèlement à la baisse de la consommation déjà évoquée, les importations et les exportations ont connu une baisse similaire, de sorte que la balance commerciale n'est globalement pas touchée. Nous observons en Martinique un impact de la balance commerciale essentiellement sur les exportations (- 22 %) et importations (- 5 %) de carburants. En Guyane, les importations accusent une baisse de 8,4 % et les exportations diminuent de 14,2 %. En Guadeloupe, les importations diminuent de 7 % et les exportations se replient de 9 %. On observe donc que la balance commerciale, en raison de la baisse de la consommation, n'est pas foncièrement touchée. Plus largement, on peut en déduire une certaine hausse de l'épargne.

J'en viens, enfin, aux impacts sur le tissu économique des trois territoires ultramarins, en commençant par le secteur moteur du tourisme, très touché. En décembre 2020, les hôtels de Guadeloupe perdent un tiers de leur chiffre d'affaires. Le phénomène est comparable pour les restaurants, même si la clientèle résidente en a quelque peu limité ces effets. En Martinique, c'est une perte de 90 % du chiffre d'affaires des hôteliers que l'on déplore en novembre 2020.

Les mesures de soutien aux deux autres grands secteurs d'activité de l'économie locale - le BTP et le service public - ont joué un grand rôle dans sa préservation relative. Il est en effet incontestable que la résistance des économies ultramarines doit beaucoup aux mécanismes de soutien mis en place par l'État (chômage partiel, prêts garantis) ; la reprise risque donc d'être particulièrement délicate à compter de l'interruption de ces mesures. En Guadeloupe, ce sont près de 2 000 entreprises qui ont bénéficié de prêts garantis pour un montant de 400 millions d'euros, montant qui la place en troisième position pour le recours à ce dispositif, après la Corse et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA).

Je rappelle toutefois que cette préservation de façade ne tient pas compte des difficultés du secteur informel, par définition exclu du soutien de l'État.

M. Jean-François Rial, président de l'Office du tourisme de Paris. - Je m'exprimerai comme président de l'office du tourisme de Paris, mais aussi comme président du groupe « Voyageurs du monde » et je suis également responsable, pour l'ensemble des agences de voyage, des discussions avec le Gouvernement sur les mesures d'accompagnement de notre secteur.

Il est indéniable que notre activité a connu un effondrement : près de 70 % de baisse de la fréquentation de Paris, estimée cette année à 13 millions de visiteurs contre 36 ou 38 millions en temps normal. Le tourisme représente 13 % de l'emploi en Île-de-France. Le tourisme d'affaires a connu une évolution similaire.

Les aides de l'État ont été colossales : le fonds de solidarité, le chômage partiel et les aides aux charges fixes à travers la prise en charge de 70 % des pertes sur l'excédent brut d'exploitation (EBE) ont assuré un soutien exceptionnel, qui ferait davantage craindre pour la soutenabilité des finances publiques que pour celles des entreprises. En effet, on déplore très peu de faillites, même moins que d'habitude. La seule inquiétude porte sur la sortie de crise : l'ouverture graduelle des frontières pose la question du rythme de reprise de notre activité et de la nécessité de maintenir - au moins partiellement et dans un premier temps - les aides distribuées pour notre secteur. Le Gouvernement y est en tout cas sensibilisé.

Certains établissements, particulièrement endettés avant la crise, connaîtront sans doute quelques difficultés, mais cela n'empêchera pas leur reprise. Je suis donc très optimiste sur l'intensité de la reprise. Il faut simplement assurer notre accompagnement pendant encore quelques mois, avant le retour des touristes américains notamment.

Je formulerais une seule critique : on s'est beaucoup concentré sur un contrôle des arrivées internationales dans les aéroports et assez peu sur les arrivées terrestres en provenance de l'Union européenne, représentant pourtant 80 % des entrées. Or il me semble que l'investissement de l'État aurait pu être inversé, d'autant qu'il est assez facile de déployer la batterie d'outils de contrôle (contrôle de l'embarquement, tests, quarantaine) en aéroport et que les arrivées terrestres se prêtent davantage à des contournements.

Va-t-on assister à une explosion du tourisme durable ? Personnellement, je n'y crois pas dans un avenir immédiat. La frénésie de départs et de vacances que j'anticipe risque plutôt à court terme de reproduire le modèle préalable à la crise.

M. Bernard Jomier, président. - Merci beaucoup ; c'est intéressant de voir, pour la prospective, des approches qui peuvent être un peu différentes. Est ce qu'elles doivent amener à des dispositifs différents ? Là où le tourisme prend les traits d'une mono activité, ou en tout cas d'une activité très importante, vous semblez demander que les mécanismes de soutien se poursuivent jusqu'à ce que les touristes reviennent, notamment les touristes internationaux.

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - Merci aux différents intervenants qui, par leurs propos, nous montrent un panel de ce qu'est la France touristique dans sa diversité. Je voudrais revenir sur l'intervention Patrick Arnaud en particulier.

Nous avons, à l'occasion des travaux de la mission, commandé une étude de comparaison de plusieurs pays de l'arc alpin, des différentes réponses apportées par les gouvernants à la crise, soit au niveau national, soit au niveau territorial. Ce travail montre que l'impact en termes touristique a été évidemment moindre dans les pays où l'ouverture des stations a été totale ou partielle.

Mais c'est aussi là où la prévention sanitaire était organisée, notamment avec un outil hospitalier de proximité. En effet, un des points de l'argumentaire gouvernemental, en France, pour fermer les stations était de dire : nous n'ouvrons pas car il risque d'y avoir des pressions sur le milieu hospitalier de proximité, par une augmentation des flux d'urgences liés aux activités sportives de montagne. On constate donc une prévention sanitaire plutôt bonne dans ces pays de l'arc alpin, ainsi qu'une territorialisation des décisions.

Or, il me semble que, côté français, l'ouverture des stations, et des remontées mécaniques, a été proscrite d'emblée. L'outil sanitaire de proximité, a fait l'objet de débats, sur l'accompagnement lié à la crise du coronavirus tout d'abord, mais aussi et surtout sur l'impact de la fréquentation saisonnière sur cet outil qui, s'il est dimensionné pour l'accueil des touristes, ne l'est plus si on y ajoute les patients hospitalisés dans le cadre de la crise sanitaire.

J'aimerais donc vous interpeller sur ces deux points : la prévention sanitaire et l'adaptation des outils sanitaires de proximité aux flux touristiques, d'une part, et sur la question de la territorialisation des décisions d'autre part.

Je crois pouvoir dire que, dans tous les cas, et c'est mon ressenti en tant que sénateur et élu local, nous sommes restés toutes et tous sur notre faim, et cela malgré les informations, malgré les analyses positives qui ont été faites dans les territoires, notamment par les agences régionales de santé (ARS) et parfois en lien avec les autorités préfectorales. L'État est resté campé sur ses positions initiales et n'a pas fait de distinctions territoriales.

Pourriez-vous nous dire M. Arnaud, et cette question peut évidemment s'élargir à la situation ultramarine, si vous pensez que l'on peut faire mieux et si oui, quelles seraient éventuellement vos recommandations en la matière ?

M. Bernard Jomier, président. - Alors, on va même élargir aux Parisiens, aujourd'hui on va parler de tout le monde !

M. Patrick Arnaud. -  Je voudrais préciser en introduction que nous sommes tous conscients que c'est une crise extrêmement difficile à gérer, que toutes les décisions ne peuvent pas être bonnes du premier coup, et que nous sommes solidaires en tant que citoyens et républicains des décisions compliquées qui ont été prises au niveau national. Cela dit, notre mission d'information a surtout pour objet de dire comment nous pourrions faire mieux la prochaine fois.

Sur la question hospitalière, je ne peux pas me substituer à l'ARS, ni aux soignants, même si à Serre-Chevalier, ville du briançonnais, tout le monde se connaît, et que nous discutons de ces sujets avec les urgentistes, les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM). Les professionnels de santé nous disent qu'ils ne craignaient pas la saison d'hiver, puisque l'hôpital est dimensionné pour accueillir les blessés du ski chaque hiver, et que les hospitalisés covid parmi la population locale n'étaient heureusement pas très nombreux. Ils se sont plutôt embêtés tout l'hiver.

Cela rejoint la question de la territorialité des décisions car c'est méconnaître le fonctionnement du ski que de penser que toutes les vacances au ski se terminent avec un pneumothorax ou dans le coma ; et fort heureusement ! Quand on se blesse au ski, c'est souvent une entorse ou une fracture et cela se termine généralement au cabinet médical du coin et le vacancier retourne chez lui le soir. Le sujet de la capacité d'accueil, n'aurait pas dû, selon moi, prendre les proportions qu'on lui a données l'hiver dernier car c'est un faux sujet.

Ensuite, pour répondre à votre question sur la territorialisation des décisions, nous avons eu l'impression qu'elles étaient prises avec un a priori assez fort sur la façon dont fonctionnent les stations de ski, qui ne correspond pas à nos réalités. S'il avait été possible de tenir compte des différences de fonctionnement d'une station à l'autre - même si je conçois que ce soit très délicat - le Gouvernement aurait peut-être pris des décisions un peu différentes.

Évidemment je fais bien la différence entre les périodes de confinement et de non confinement, en période de confinement il est clair qu'aucune activité n'était possible.

M. Bernard Jomier, président. - Je crois que Jean-Michel Arnaud a une réponse très intéressante à sa première question puisque monsieur Patrick Arnaud lui a indiqué que l'argument sanitaire, qui avait été souvent invoqué, pour ne pas ouvrir les stations de ski, avec l'accidentologie et le risque de la surcharge des hôpitaux de la région, serait un argument qui ne serait pas nécessairement fondé.

La deuxième question de notre rapporteur portait sur la territorialisation des décisions, notamment en matière d'aides, ainsi que les décisions d'ouvrir ou de ne pas ouvrir, question qui concerne également les territoires ultramarins.

M. Olivier Léna. - On a du mal à mesurer l'économie informelle dans ces territoires d'outre-mer. Nous disposons d'éléments sur la santé des entreprises, et sur le soutien qu'on leur apporte, et cela représente une température de l'économie. Mais de par l'existence de cette économie informelle, on a du mal à mesurer toutes les disparités créées par cette crise, notamment du point de vue de la pauvreté et des écarts d'inégalités de revenus. Ainsi pendant le confinement avec un territoire fermé, des personnes qui ne travaillent pas et des entreprises dans une logique d'économie informelle, sans tourisme, il est certain qu'on a assisté à un accroissement des inégalités.

On sait d'après l'enquête Épidémiologie et Conditions de vie mise en place par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarité et de la santé (Drees), l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Santé Publique France et l'Insee, que, dès mai 2020, la part des personnes déclarant une dégradation de leur situation financière pendant le premier confinement est d'environ un quart et qu'elle est d'autant plus importante que leur niveau de vie est faible.

En Guyane par exemple, les décisions sanitaires s'inscrivent toujours dans un juste équilibre entre le confinement et la préservation de la cohésion territoriale et sociale du territoire. Il y a toujours un juste arbitrage entre les deux, en se demandant par exemple si la fermeture des frontières n'aura pas des conséquences sur l'accroissement des inégalités. C'est un premier élément de réponse.

Un second élément de réponse, c'est qu'aujourd'hui, au-delà des prêts garantis par l'État, du maintien du chômage partiel, avec le préfet de chacune des régions, des plans de relance d'activités y sont mis en place. Ces plans sont construits autour de trois axes : la transition écologique, la cohésion économique et territoriale et la compétitivité des entreprises. Tout l'enjeu est d'identifier les secteurs qui seront porteurs et générateurs d'effets d'entrainement sur le moyen-long terme. On voit bien que le paradigme de développement de ces territoires est fondé sur un triptyque : le tourisme, le BTP et le service public. Des amortisseurs économiques ont été mis en place, ils ont permis d'atténuer cette crise. Aujourd'hui si on doit inscrire ces territoires dans une logique de moyen-long terme, il faut mener un travail d'identification des secteurs avec les acteurs locaux, ainsi que les voix de l'aménagement du territoire, qui permettront de les développer à moyen long-terme. Ces plans de relances territoriaux et cette identification sont en cours.

M. Bernard Jomier, président. - Il est vrai que les territoires ultramarins sont ceux qui ont bénéficié de la réponse la plus territorialisée à la crise. Qu'en est-il à Paris, Jean-François Rial ?

M. Jean-François Rial. - Concernant les stations de ski et l'accidentologie, je ne saurais répondre. En ce qui concerne la territorialisation, en revanche, si je conçois sa pertinente pour les collectivités d'outre-mer, je reste sceptique quant à son application aux mesures sanitaires en métropole, compte tenu du fait que le virus ne connaît pas les frontière.

M. Bernard Jomier, président. - La question portait davantage sur la territorialisation des mesures économiques que sanitaires.

M. Jean-François Rial. - Selon moi, il n'y a pas de différence. Le sanitaire génère l'économique, donc je ne crois pas à cette différentiation territoriale. En revanche je crois à la différenciation des activités : par exemple, les hôtels de montagne n'ont pas les mêmes problématiques que ceux à Paris. Il est donc possible de mettre en place des mesures spécifiques pour le tourisme d'affaires dans cette ville, mais définies par activité.

M. Bernard Jomier, président. - M. Arnaud, êtes-vous satisfait par ces réponses ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - J'en prends acte...

M. Bernard Jomier, président. - Je passe donc la parole à notre second rapporteur.

M. Roger Karoutchi, rapporteur. - Pour résumer, le « quoi qu'il en coûte » a couté très cher mais, au final, les entreprises des différents secteurs s'en sortent à peu près : il y a peu de faillites, peu de cessation d'activité, car les aides - chômage partiel, fonds de soutien, aides sectorielles, plan de relance - ont été si massives que la crise a été circonscrite à sa dimension sanitaire, sans devenir une crise économique. La question est donc : et maintenant ? Si tout va bien, et que nous ne sommes pas reconfinés en raison d'un nouveau variant, comment sortir de tout cela ?

Vous l'avez tous dit : les touristes internationaux ont disparu. Je pense sincèrement que si l'on rouvre les frontières et les lignes aériennes, ils reviendront. Il n'y a pas de raison pour qu'un Américain ou un Japonais ne vienne plus visiter notre pays, ou qu'un habitué du ski n'y retourne pas. En revanche, avez-vous une idée, à partir des estimations faites en 2020 et 2021, du nombre de touristes européens et extra-européens qui sont quand même venus visiter la France ?

En Île-de-France, y a-t-il des projets de campagnes de communication à destination spécifiquement des touristes extra-européens, pour les faire revenir ? La Guyane, les Antilles, ont-elles des programmes spécifiques visant les touristes américains ?

Deuxième question : on observait, avant la crise, des « secousses » dans tous les secteurs touristiques - montagne, outre-mer, Île-de-France, etc.  -, tant sur l'organisation touristique que sur la capacité d'attraction. Par ailleurs, le constat avait déjà été fait que le secteur était émietté. Avez-vous le sentiment que la crise va pousser à une plus grande concentration de l'activité économique dans ce secteur ? Les entreprises qui ont survécu vont-elles changer de stratégie après la crise, que ce soit pour se regrouper comme pour préparer l'avenir ?

Troisième question : nous entendons souvent dire qu'il faut maintenir les aides en sortie de crise car l'activité ne repart pas d'un coup. Mais le Gouvernement dit de plus en plus que le « quoi qu'il en coûte » a un prix, et que le retrait des aides se fera en sifflet, c'est-à-dire progressivement (en juin, en septembre, puis en fin d'année, etc.). Quelle est votre vision de cette réduction des aides ? Faut-il les maintenir ? Ou les réduire pour ne pas aggraver les déficits publics ? Le secteur est-il menacé, si elles sont réduites trop vites ?

M. Jean-François Rial. - Je partage tous les propos de M. Karoutchi. Mais figurent également des éléments de réponse dans vos questions, avec lesquels je suis en désaccord. Je suis, moi aussi, convaincu que les touristes internationaux vont revenir très vite. Il y a eu 70 à 80 % de baisse du nombre de touristes internationaux en 2020 (dans le détail, cette chute a atteint quasiment 100 % pour ceux situés hors Union européenne). Mais 2020 et 2021 sont des saisons que l'on pourrait qualifier d'achevées : il y a eu 13 millions de touristes dans le Grand Paris en 2020 contre 36 millions d'ordinaire, et il devrait y en avoir entre 17 millions et 20 millions en 2021. Je suis persuadé qu'en 2022, on retrouvera au moins une activité égale à celle de 2019, à tout le moins pour le tourisme de loisir.

Faut-il dès lors engager une campagne de communication pour les faire revenir ? Surtout pas, car ce sera naturellement le cas ! Au sein du groupe Voyageurs du monde, les demandes de voyages en Union européenne émanant de Français s'établissent déjà à un niveau qui est le triple des demandes enregistrées en temps normal. Il y a une vraie soif de consommer, de voyager. Cibler la clientèle américaine et japonaise qui ne vient plus est donc inutile.

Concernant les aides, il est possible, sans que cela ne coûte trop d'argent à l'État, de les maintenir pour les secteurs qui ne rouvrent pas totalement. Le « quoi qu'il en coute » a couté cher car les secteurs éligibles étaient nombreux. Or plusieurs activités vont désormais fonctionner normalement à compter de juillet. Je pense donc qu'il faut pondérer ces aides selon l'évolution de l'activité. Par exemple, un chômage partiel à 100 % en juillet et août, donc sans reste à charge, si l'activité reste sous les 80 % ; a contrario, une baisse de ce dispositif si l'activité est bonne. Car ainsi les dépenses publiques réalisées jusqu'à présent n'auront pas été engagées pour rien, ce qui serait le cas si un retrait rapide entraînait des faillites.

Je rappelle d'ailleurs qu'en Île-de-France, 50 % du tourisme émane des Français eux-mêmes. Une fin d'accompagnement bien pensée ne serait donc pas trop onéreuse ; il est à ce titre plus utile de maintenir les aides que de financer des campagnes de communication.

M. Olivier Léna. - Le constat fait par les Sénateurs est le bon : les entreprises ont été bien aidées et ont résisté. Je rappelle toutefois que, compte tenu de la place l'économie informelle en outre-mer, cela a pu accentuer des inégalités sociales.

En ce qui concerne le tourisme, les établissements en Martinique ont perdu 90 % de leur chiffre d'affaires. Certes, je fais la même analyse que vous : les touristes vont revenir. Mais n'oublions pas que nous sommes dans une logique de big bang : la crise peut persister, notamment en raison des variants, comme en Guyane avec le variant brésilien. Le secteur public local étant parfois dans un état déplorable en outre-mer, les touristes peuvent également craindre l'absence de soin dans le cas où ils tomberaient malades, et donc faire le choix de ne pas venir.

M. Jean-François Rial. - Bien entendu, lorsque je mentionnais le retour des touristes, je faisais référence à la période post-crise sanitaire. Si cette dernière perdure sur tel ou tel territoire, ou au niveau mondial, la situation actuelle persisterait. Mais d'après les retours que je peux en avoir, les vaccins devraient régler ces problématiques, y compris celles des variants.

M. Olivier Léna. - Par rapport au Grand Paris, le secteur public local est pitoyable... Des lits d'hôpitaux ont parfois été créés dans les secrétariats... Même si les vaccins règlent 90 % de la crise, je crains que les touristes n'osent pas revenir tout de suite.

M. Jean-François Rial. - En Guyane, vous avez raison, mais il n'y a de toute façon pas de touriste...

M. Olivier Léna. - Il y a un tourisme d'affaires...

M. Jean-François Rial. - Mais ce dernier reste marginal. En Martinique, je constate que les réservations chez mes confrères sont massives, alors que cette destination vient seulement de passer en vert, sous condition de vaccination. Les touristes n'ont pas l'air d'avoir peur des problématiques de soins.

M. Bernard Jomier, président. - M. Léna, souhaitez-vous terminer votre propos ? Par ailleurs, l'interrogation de M. Karoutchi portait sur l'ensemble des entreprises, au-delà du seul secteur du tourisme, qui est certes une activité économique importante.

M. Olivier Léna. - Le rapporteur a raison : nous sommes davantage dans une logique de crise sanitaire qu'économique. Le bilan des aides est mitigé en outre-mer, en raison de la place de l'économie informelle. Nous observons une détérioration des conditions de vie, une pauvreté qui s'accentue... Au-delà de la question de savoir s'il faut maintenir ces aides, qui est un débat pertinent, je pense qu'il faut de toute façon privilégier une analyse au cas par cas, en regardant la situation financière des entreprises. En lien avec la direction régionale des finances publiques, nous essayons d'identifier les problématiques de chacune, et de voir comment nous pouvons les accompagner au plus près.

Le fait que le nombre de réservations augmente ne nous met pas à l'abri d'un retournement de situation, qui peut être rapide.

M. Patrick Arnaud. - À ce stade il me semble difficile d'apporter des réponses définitives aux questions que vous posez. Je ne partage pas entièrement l'optimisme des différents intervenants et je pense qu'il est nécessaire d'envisager dès maintenant tous les scénarios d'évolution du virus.

J'entends que les réservations sont en forte croissance, c'est une bonne nouvelle.

M. Jean-François Rial. - J'insiste sur le fait que le tourisme reprend en flèche, en particulier aux États-Unis où il est déjà revenu à son  niveau de 2019. Si la crise sanitaire s'interrompt, je suis convaincu qu'il y aura beaucoup de monde sur les pistes de ski dès l'hiver prochain.

M. Patrick Arnaud. - Je partage en partie votre avis mais il reste des zones d'incertitude. On ne peut pas tout miser sur la disparition du virus. La question du passeport vaccinal est pleinement posée, ainsi que celle des restrictions de circulation imposées aux voyageurs au sein de l'Union européenne. Je pense qu'il faut être prêt à réagir si la situation se dégrade à nouveau.

De plus, les considérations environnementales auront probablement fait leur chemin et l'on peut s'interroger sur la façon dont les touristes auront intégré cette dimension à leurs choix de destination. En matière de trafic aérien, les compagnies misent sur la poursuite de la crise pendant plusieurs années avant de revenir au trafic d'avant crise.

Concernant les aides apportées aux entreprises, nous sommes tous des contribuables. Nous avons donc conscience du fait qu'il faudra rembourser ces sommes d'une manière ou d'une autre. Les aides doivent diminuer et être adaptées au cas par cas, en tenant compte de la fréquentation des lieux concernés.

Sur ce point, il me semble qu'il faut être très attentif à la sortie de l'activité partielle. Si l'activité tarde à reprendre, il est nécessaire de permettre aux entreprises de recourir à cet outil. Lorsque l'activité reprendra pleinement, l'entreprise aura besoin de ses salariés et la sortie du dispositif se fera naturellement.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Je souhaiterais revenir sur la situation du tourisme en France car je ne partage pas tout à fait l'avis de M. Vial. Le tourisme français correspond pour moitié à du tourisme de loisir et pour moitié à du tourisme d'affaires. Tant qu'il n'y aura pas de salon, de foire ou de séminaire, le tourisme d'affaires va rester nul.

De plus, les réservations enregistrées à ce jour témoignent d'une redéfinition de la carte du tourisme de loisir, avec le développement de la façade atlantique au détriment du littoral méditerranéen.

À ce jour, la ville de Cannes demeure sinistrée et les hôtels y sont vides. De même à Paris, les hôtels n'envisagent pas d'ouvrir car le carnet de réservation ne se remplit pas. Les faillites sont moins importantes car le secteur vit sous perfusion. De nombreuses aides sont déployées mais elles ne font que retarder les difficultés.

Des réflexions sont en cours au sein des tribunaux de commerce pour créer une nouvelle catégorie de redressement judiciaire visant à restructurer les dettes des entreprises, y compris les prêts garantis par l'État.

Ainsi, ne craignez-vous pas la disparition de beaucoup de petites entreprises qui constituent, avec les professions libérales, les artisans, les commerçants, le tissu économique de la France ?

M. Jean-François Rial. - Je partage l'avis de Mme Garabedian sur la reprise du tourisme de loisir. Dans le tourisme d'affaires, il y a deux catégories d'activités qui représentent chacune la moitié du secteur. Il y a d'abord les touristes d'affaires, qui voyagent seuls ou avec de petites équipes pour des séminaires en format restreint. Ceux-ci vont revenir assez vite après la fin de la crise.

Je suis en revanche plus inquiet concernant le tourisme de salon : pour qu'il puisse reprendre à plein, il faut que l'ensemble des destinations mondiales soient ouvertes. Le tourisme de salon connaissait déjà un ralentissement avant la crise mais il risque de continuer à perdre des parts de marché. Certaines destinations, comme Cannes, doivent se poser la question de leur modèle touristique.

Je pense cependant que sur l'ensemble du tourisme d'affaires, l'activité devrait revenir pour l'essentiel.

Concernant le choix des hôteliers parisiens de rester fermés cet été, il faut rappeler que l'activité des hôtels de la capitale pendant la période estivale est toujours assez limitée. Par conséquent, je ne suis pas étonné que plusieurs hôtels attendent la rentrée pour rouvrir leurs portes.

Je pense qu'il y aura en effet des faillites après la reprise. La transformation des prêts garantis par l'État en quasi-fonds propres ou en dette à long terme ne permettra pas de sauver les entreprises les plus fragilisées, surtout lorsque les modèles d'affaires eux-mêmes sont remis en cause.

M. Bernard Jomier, président. - Pour clore cette réunion, je souhaite remercier les trois intervenants pour leurs échanges passionnés et passionnants, qui nourriront nos travaux.

La réunion est close à 15 h 35.

Cette réunion fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.