ÉLUS LOCAUX ET ASSOCIATIONS : UN DIALOGUE RÉPUBLICAIN



PALAIS DU LUXEMBOURG, 28 JUIN 2001

PREMIÈRE TABLE RONDE : LE PAYSAGE ASSOCIATIF LOCAL

Cette première table ronde est présidée par M. Gérard MIQUEL, Sénateur du Lot, Secrétaire du Bureau du Sénat

Elle est animée par M. Pierre-Yves LE PRIOL, Chef de service auprès de la Rédaction en chef du journal La Croix.

M. Gérard MIQUEL, Sénateur du Lot, Secrétaire du Bureau du Sénat

La loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association est l'une des grandes conquêtes de la République, en ce qu'elle reconnaît la liberté fondamentale de s'associer sans en référer à une quelconque autorité. Célébrer son centenaire, c'est montrer que la liberté d'association est partie intégrante du patrimoine de l'histoire nationale.

Cette liberté a suscité des débats houleux avant de se trouver institutionnalisée. En effet, reconnaître à tout homme la liberté de s'associer équivaut à admettre que l'État ne doit pas tout superviser. Ceci explique que la période de la Révolution française, loin de la consacrer, a davantage tendu à se méfier des corporations, confréries et autres congrégations sous-tendant une vision jugée individualiste et restrictive de l'intérêt public. L'Empire a suivi la même logique en interdisant toute réunion de plus de vingt personnes. La société ayant changé, la troisième République a voulu libéraliser le régime : la loi sur la liberté d'association a été votée par le Parlement le 1er juillet 1901. Depuis, elle a résisté à deux guerres, trois Républiques et treize révisions constitutionnelles. Aujourd'hui, cette liberté est devenue intouchable car parfaitement consensuelle. Le tissu associatif, lui, n'a jamais été aussi dynamique.

Les associations fonctionnent grâce au dévouement des bénévoles, même si ce secteur emploie statistiquement plus d'un million de salariés. Elles permettent d'organiser la vie collective dans l'espace laissé vacant par les services publics et le secteur marchand et induisent, localement, une véritable dynamique sociale et culturelle. Au coeur de cette effervescence se mettent en oeuvre de nouvelles pratiques de la démocratie comme nouveaux espaces de liberté. Les associations se révèlent souvent indispensables de par leur fonction d'accompagnement au quotidien, s'adaptant sans cesse aux évolutions sociétales, prenant le relais lorsque le service public s'avère défaillant et faisant remonter les besoins locaux comme les problèmes sociaux. Nombre de collectivités les subventionnent, qui comprennent parfaitement leur rôle essentiel dans le développement local et le maintien de la population sur un territoire.

Nous devrons réfléchir, demain, pour mettre en place de nouvelles dispositions favorisant une meilleure application de la loi -- aménagement de la fiscalité, législation de la concurrence voire création d'un congé associatif. Quoi qu'il en soit, jamais centenaire n'aura été aussi bien portant !

M. Jean-Paul DELEVOYE, Sénateur du Pas-de-Calais, Président de l'Association des maires de France

Pour sa part, l'Association des maires de France (AMF), qui a analysé avec grand intérêt l'évolution des relations entre élus et associatifs, est frappée de constater qu'au moment même où s'exprime dans maints pays une interrogation quant à la légitimité d'un progrès semblant détruire des ressources sociales et environnementales se manifeste une véritable soif de réponses politiques dans des cadres non institutionnels et associatifs (organisations non gouvernementales, etc.). En effet, l'attente de nos concitoyens correspond, aujourd'hui, à des contraintes qui leur sont imposées et, notamment, au manque de connaissances face à un progrès dont les potentialités mais aussi les dangers apparaissent clairement. Ceci explique que la liberté d'expression se conjugue avec la soif de savoir. Il est donc besoin d'un espace nouveau, que j'appellerai tiers acteur, qui permette de situer les enjeux au coeur des préoccupations d'une population de caractère mondial. Nous voyons là tout l'intérêt de l'organisation associative de débat, à condition que celle-ci évite le piège de l'instrumentalisation par un pouvoir politique, économique ou philosophique.

Par ailleurs, une étude tout à fait intéressante révélant la forte adéquation entre structures familiales et politiques amène à penser que notre principal problème, aujourd'hui, tient dans l'éclatement du pacte républicain face à la montée des individualismes. La consécration du citoyen consommateur induit, pour l'avenir, l'alternative entre une mosaïque d'intérêts catégoriels situant État et les collectivités locales dans un espace public dont chacun cherchera à tirer un avantage particulier et, à l'opposé, un espace où nous pourrons tirer la richesse individuelle pour la mettre au profit d'un bien-être collectif. Or le monde associatif, lieu de médiation et de communion, me paraît là aussi correspondre à la nécessité non pas d'une liberté d'expression mais d'une capacité de discussion, d'échange et de mobilisation. Ceci apparaît d'autant plus important que nous sommes confrontés, aujourd'hui, à la disparition des outils de socialisation classique que constituaient la cellule familiale, l'entreprise, l'église, l'école ou la rue et que nous sommes davantage dans des cadres où l'espace public s'avère un lieu d'agressivité.

Le monde associatif joue sans doute un rôle sociologique primordial, dans la mesure où il peut reconstruire la dignité d'un homme en lui permettant de redevenir acteur autour d'un projet ou simplement d'une écoute, dans un monde qui a plutôt tendance à le traiter dans le handicap et l'isolement. C'est la raison pour laquelle, au-delà des aspects traditionnels entre collectivités locales et monde associatif et du débat afférent à l'instrumentalisation politique et financière, nous avons besoin d'un milieu associatif qui permette de donner du sens à la vie de nos concitoyens. La collectivité locale est une communauté de vie à laquelle chacun peut apporter sa contribution sous forme de réflexion et de propositions. Le milieu associatif peut induire la stabilisation du pacte républicain, en faisant en sorte que chacun enrichisse autrui de sa propre différence.

Par rapport à ce formidable enjeu de socialisation, nous devons mener une véritable réflexion sur la qualité de l'action associative comme sur celle de l'action politique. Or s'il ne peut pas y avoir de politique locale convenable sans une administration locale efficace, peut-il y avoir une vie associative sans une administration associative locale efficiente ? D'où la nécessité de réfléchir à des statuts professionnels d'animation des associations, qui permettraient de soutenir un bénévolat actuellement en difficulté bien qu'au coeur de la vie associative. Nous devons soutenir ce bénévolat, de même que nous devons éviter le piège de la professionnalisation.

Au moment où nous fêtons un centenaire alerte, nous avons donc, les uns et les autres, à retrouver le vrai sens de la démocratie, que je définirai comme une respiration démocratique en quatre temps : la pédagogie des enjeux ; l'organisation d'un débat ; la décision politique ; l'adhésion à cette décision politique. Nous voyons clairement toute la place du monde associatif dans cette respiration à quatre temps. C'est un formidable enjeu qui s'ouvre devant nous.

M. Philippe LIGNEAU, Vice-président de l'Union nationale interfédérale des oeuvres privées sanitaires et sociales (VNIOPSS)

Parlant au nom des associations de solidarité travaillant dans le secteur médico-social et dans celui de la santé, il me faut dire quels problèmes nous rencontrons dans nos rapports avec les élus territoriaux pour bien vivre notre fonction de veille civique. Ces difficultés portent sur deux points.

Le premier point consiste à savoir conjuguer notre action avec celle des élus territoriaux dans l'observation sociale de proximité. Cette observation sociale se révélant fort inégale d'un territoire à l'autre, il convient de mieux définir comment nous pouvons croiser nos regards pour produire des diagnostics plus justes, tant il est vrai que les lacunes essentielles consistent en des déficiences structurelles quant à la connaissance des besoins sociaux. Il s'agit donc de mieux connecter les réseaux existants les uns aux autres, de passer à une observation sociale systématique et d'appliquer des méthodes d'une plus grande rigueur dans l'analyse des résultats.

Le second point consiste à aider les élus territoriaux non seulement dans l'application des décisions politiques locales mais également dans la préparation de celles-ci. Les expériences de terrain peuvent permettre d'éviter certaines erreurs et enrichir la qualité de l'action finale. Au demeurant, une vérification de la manière dont seront suivies les applications devient alors possible. Il me semble que la législation met en place, au niveau communal, des possibilités de conjugaison de l'action des associations avec celle des élus locaux. Le monde associatif peut jouer, ici, un rôle de relais et d'informateur privilégié.

En définitive, je voudrais souligner le fait que dans tous les cas, le partenariat est à approfondir sinon à construire. Il n'est pas de règles précises de collaboration à développer : simplement, il est des bonnes volontés partenariales à mettre en pratique de façon concertée.

M. Jean-Jacques HYEST, Sénateur de Seine-et-Marne, premier Vice-président du conseil général de Seine-et-Marne

L'action sociale, qui représente la moitié des budgets des conseils généraux, constitue bien l'une des responsabilités fondamentales de ceux-ci. Néanmoins, si les départements collaborent avec les associations dans ce domaine, il n'en demeure pas moins que les politiques publiques n'ont souvent fait que suivre les initiatives associatives. Plus particulièrement, les associations de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence couvrent un champ extrêmement vaste et mènent des actions de terrain patentes.

A mon sens, la rencontre entre politiques publiques et associations doit, pour être fructueuse, inclure une discussion sur les objectifs (concrétisée par des contrats d'objectifs) et prévoir l'évaluation des résultats. A titre d'exemple, le Parlement a récemment imposé aux associations touchant plus d'un certain montant de fonds publics l'obligation d'avoir un commissaire aux comptes. Cette mesure a été critiquée mais elle me paraît légitime, compte tenu du fait que les associations, par leur proximité, leur savoir-faire et leur souplesse, remplissent pratiquement le rôle d'une délégation de service public.

Néanmoins, si des progrès me paraissent avoir été opérés, les associations, qui jouent un rôle considérable dans la vie locale, courent certains risques du fait du nombre de salariés qu'elles emploient parfois et du caractère de véritables structures entrepreneuriales rigides qu'elles revêtent alors. Ceci est également valable pour les associations qui naissent sur initiative des collectivités publiques et pour lesquelles ce problème de gestion me paraît crucial. Dans le domaine culturel, notamment, la collectivité ne doit pas accaparer l'ensemble du pouvoir décisionnel, sans quoi l'association mise en place n'en est plus véritablement une.

M. Pierre-Yves LE PRIOL

Est-ce qu'il y a là une critique sous-jacente de la loi de 1901, afférente à sa souplesse excessive ?

M. Jean-Jacques HYEST

Non. Pourtant, il serait nécessaire que les services publics soient un peu plus souples dans leur gestion. En effet, il arrive parfois que l'on utilise ce moyen par défaut. Certes, les jurisprudences sont de plus en plus sévères en matière de gestion de fait mais d'une manière générale, il me paraît intéressant, en termes de vie sociale des collectivités et politiques publiques, de disposer d'associations mettant en oeuvre des partenariats véritables.

Mme Jacqueline COSTA-LASCOUX, Présidente de la Ligue de l'enseignement

La Ligue de l'enseignement, fondée en 1866, est à l'origine du dialogue républicain. Elle représente 33 000 associations locales, au nom desquelles je vais m'exprimer par la suite. L'idée centrale de mon propos tient dans le fait que nous avons besoin de réfléchir à une reconnaissance mutuelle avec les pouvoirs publics, qui soit une reconnaissance de qualité. Je déclinerai cette idée autour des trois niveaux de reconnaissance que constituent l'espace public, les politiques locales et le dialogue républicain.

Le premier temps de la reconnaissance a donc trait à l'espace public. En effet, les collectivités locales se développent sur des territoires publics -- communes, intercommunalité, régions, départements -- et bénéficient toutes d'une architecture du pouvoir, localisée dans les locaux des hôtels de ville ou de région. Or les associations locales, elles, souffrent continuellement de problèmes de locaux pour tenir leurs réunions ou informer les publics auxquels elles s'adressent. Mettre fin à cette querelle des locaux constitue réellement la première étape vers une reconnaissance de qualité. Dans cette optique, les Maisons des associations mises en place dans certaines municipalités constituent une réponse valable, en ce qu'elles mettent à disposition des locaux ouverts et permettent un travail en réseau.

Le second temps de reconnaissance concerne les politiques locales, qui sont sources de nombreux malentendus. Nous avons dit que les associations se révèlent diverses et souples sur le plan juridique. Néanmoins, nombreuses sont celles qui s'inscrivent dans un temps plus long que celui des représentants du peuple, tout en mettant en oeuvre un temps de l'éphémère. Par conséquent, il me semble que nous ne devons pas tenter de domestiquer le temps associatif mais davantage nous atteler à le considérer dans sa diversité et parler clairement de contraintes budgétaires, juridiques ou institutionnelles le cas échéant. L'éphémère crée parfois, politiquement, un impact plus grand que le temps électoral. Les choses ne sont pas incompatibles. De même, le temps des politiques publiques liées aux politiques associatives comporte une pédagogie de l'état de droit, des valeurs de la République et de la citoyenneté à laquelle les associations peuvent tout à fait contribuer.

Quant au temps du dialogue républicain, il apparaît que si les associations alimentent le souffle même de la République, elles le font dans la complémentarité à tous les niveaux de décision -- débats, élaboration des choix, mise en oeuvre des décisions, évaluation réciproque des politiques publiques et associatives, etc. Il n'est pas de démocratie qui ignore l'un des maillons de cette chaîne. C'est donc sur le temps long de la décision des politiques publiques dans son ensemble que les associations peuvent apporter quelque chose, autant en termes de valeurs et d'intérêt général qu'en rapport à la qualité du quotidien de la vie démocratique. Nous ne sommes pas des auxiliaires inféodés mais des professionnels ou bénévoles compétents. Par conséquent, ne soyons pas comme ces personnages de la peinture de la Renaissance italienne qui considèrent la place publique à travers l'embrasure dune porte ou d'une fenêtre, en soulevant un rideau !

M. Jean HUCHON, Sénateur de Maine-et-Loire, Vice-président du conseil régional des Pays de la Loire

Si elle est connue et reconnue au niveau communal, l'action des associations semble moins visible sur le plan régional. Pourtant, elle n'en demeure pas moins importante à ce niveau, comme le démontrent les chiffres qui caractérisent ma région des Pays de la Loire : 53 % des habitants de cette région déclarent participer à une association ; 30 % d'entre eux déclarent prendre part à deux associations ; 1 669 associations reçoivent un soutien financier du conseil régional, pour un montant de 1 100 millions de francs, soit exactement le quart du budget régional. L'importance du mouvement associatif apparaît donc patente.

Dans le cadre des instances régionales, nous tentons de faire en sorte que ce mouvement associatif ne nous considère pas comme un "guichet automatique", dispensateur régulier de fonds publics. Comme l'a précisé Philippe Ligneau, nous prônons la mise en place de partenariats véritables, négociés à tous les niveaux de décision -- débats, discussions, élaboration des programmes, etc. En outre, nous préférons éviter l'institutionnalisation des associations et nous atteler à coordonner l'action des bénévoles et des para-fonctionnaires. Dans cette optique, nous menons un travail permanent et de longue haleine. On constate que l'émergence de la Région a conduit certaines associations à se structurer et à régionaliser leur ressort territorial.

Cette régionalisation, qui concerne les grandes associations, exprime le besoin d'une plus grande cohérence des actions et d'une meilleure planification des projets.

Pour les actions culturelles, les interventions à caractère humanitaire ou les animations plus locales, la Région a mis en place un fonds spécifique. Il permet d'aider des opérations qui n'entrent pas dans le champ classique de la région mais, qui méritent un soutien compte tenu de leur intérêt et de leur originalité.

M. Hubert BRIN, Président de l'Union nationale des affaires familiales (UNAF)

L'UNAF, créée en 1945, a pour mission légale de donner son avis aux pouvoirs publics sur tous les sujets d'intérêt familial et de représenter l'ensemble des familles françaises et étrangères vivant sur notre territoire. Pourtant, si la raison d'être des associations familiales est d'exprimer les besoins des familles et personnes aux niveaux national et local, nous sommes régulièrement accusés de politisation.

Certes, il arrive parfois que des associations affichent un positionnement de projet de société, facilement assimilable, dès lors, à un choix politique partisan. Plus généralement, la question de la représentativité des associations se pose, au niveau local, lorsqu'il s'agit d'exprimer des besoins collectifs. Pour autant, il advient également que la majorité ou l'opposition locale prenne appui sur des revendications associatives pour justifier sa propre action politique. Tout ceci ne nous dispense pas non plus de considérer objectivement les diverses positions revendiquées par telle association, qui peuvent s'avérer, à certains moments, démagogiques ou populistes.

Je citerai trois exemples pour illustrer mon propos. Premièrement, lorsque l'UNAF s'est portée partie civile contre la mairie de Vitrolles, il s'est bien évidemment agi d'une position politique mais nous l'avons tenue au nom des missions qui nous ont été confiées de défendre l'ensemble des familles françaises et étrangères vivant sur notre sol. Nous n'avons pas mené une politique partisane contre tel ou tel parti de Vitrolles. Deuxièmement, il est arrivé que dans le cadre de la mise en place de politiques urbaines dans certains quartiers dits difficiles, des associations tenues par des habitants se trouvent écartées. A mon sens, nous ne sommes pas, ici, dans le cadre d'une démarche de partenariat et de reconnaissance du secteur associatif. Enfin, il est arrivé que l'un de nos représentants aux offices d'HLM s'engage dans une action politique municipale d'opposition contre notre gré. Son avis s'est trouvé, aux yeux du maire, représentatif de celui de l'opposition et non plus de l'ensemble des familles.

Dans le rapport entre élus et associations, nous devons réfléchir quant à la manière d'avancer sereinement en vue de la reconnaissance de la place des uns et des autres. Si les associations sont l'expression du premier mot, les élus politiques sont celle du dernier, dans la mesure où il convient, à un moment, de trancher en fonction de l'intérêt général. Il n'en demeure pas moins que le rôle des associations est de faire remonter l'intérêt de la population.

M. Pierre-Yves LE PRIOL

Nous allons pouvoir ouvrir le débat. Au préalable, je propose aux intervenants de réagir à l'une de ces interventions s'ils le souhaitent. En résumé, il apparaît que les associatifs ont exprimé leurs souhaits d'un partenariat approfondi tout au long du processus de décision et de moyens en termes de locaux, tandis que les élus ont mis en avant leur crainte du système de guichet automatique et le risque de bureaucratisation...

M. Gérard MIQUEL

Je préciserai qu'une loi est entrée en application, qui prévoit de nouvelles formes d'organisation territoriale (la loi pour l'aménagement durable du territoire). Il me semble qu'elle constitue un cadre de partenariat organisé tout à fait intéressant de par la mise en place de conseils de développement conduisant à l'élaboration de chartes de territoire. Le rôle des associations me paraît primordial dans l'élaboration de ces chartes, qui nous permettront de concrétiser des financements pour mener à bien des projets territoriaux intéressants.

M. Philippe LIGNEAU

En ce qui concerne la question de l'évaluation des résultats, je pense qu'il nous faut inévitablement la considérer de face. La sphère associative de solidarité est tout à fait favorable à ce type de démarche. La difficulté tient dans ce qu'il nous faudra moduler les méthodes d'évaluation en fonction du secteur considéré. Quant au risque de bureaucratisation, il m'apparaît effectivement réel pour les structures de taille importante. Néanmoins, les élus territoriaux peuvent nous aider à le prévenir.

Mme Jacqueline COSTA-LASCOUX

J'ajouterai simplement que je suis heureuse de la mise en place des conseils de développement et des projets de chartes de territoires, qui complètent habilement les dispositifs nationaux.

M. Pierre-Yves LE PRIOL

Merci. La parole est maintenant à la salle.

Débat avec le public

M. Gérard BRABANT, brigadier-chef de la police nationale

Je tente actuellement de créer une association dénommée Action emploi Île-de-France, dont l'objectif consiste à organiser une bourse de l'emploi pour les conjoints des salariés ou fonctionnaires affectés en Île-de-France. Bien que cette création ne requière aucun fonds public puisqu'elle se fonde sur le mécénat privé -- lequel s'est d'ores et déjà engagé à hauteur de 3 000 promesses d'emploi en CDI --, le préfet de police de Paris y a posé son veto. Je ne trouve pas cela légitime et je vous demande, aujourd'hui, d'intervenir en ma faveur.

M. Pierre-Yves LE PRIOL

Apparemment, il n'est pas de limitation au droit associatif pour les policiers. En outre, votre initiative semble fort intéressante. Nous en parlerons cet après-midi avec le Sénateur que vous avez déjà contacté.

M. Georges DE RIVAS, Maison de l'Europe

Il a été question de trancher en faveur de l'intérêt général dans la perspective d'un partenariat constructif entre élus et associatifs. Qu'est-ce qu'un acteur de la vie associative peut bien répondre à un élu local qui se trouve ne pas connaître la Journée de l'Europe et concéder, en privé, ne s'intéresser qu'aux retombées électorales des diverses initiatives ? Ne pourrions-nous pas envisager la création d'une sorte de comité d'éthique ou d'intercession ?

M. Jean-Paul DELEVOYE

Soyons francs : il est clair qu'un élu pense à sa réélection. Le soupçon d'instrumentalisation de la vie associative par le politique -- et inversement -- est donc voué à perdurer. L'important me paraît être de rebondir sur la nouvelle forme de management politique qui se met en place. Aujourd'hui, nous sommes dans une logique de réflexion quant à l'organisation concertée d'une offre territoriale. D'où le besoin d'espaces de discussions et de propositions. Ceci explique que je ne soutiens pas exactement Hubert Brin dans ses termes de premier ou dernier mot à avoir.

M. Philippe CHEVALIER, responsable départemental d'une association de parents d'élèves

Nous intervenons depuis trois ans sur le dossier des politiques éducatives locales. A ce titre, nous avons obtenu, en juillet 1997, que des textes fondent dans chaque département des comités départementaux de pilotage, avec une égalité de représentation entre usagers, associations, représentants territoriaux, etc. Dans mon département, ce groupe s'est enfin mis en place en septembre 2000, au bout de neuf mois de tractations. Or en novembre 2000, un nouveau décret est paru, qui a subitement modifié l'ordre des partenaires. Ainsi, le premier partenaire est devenu le maire, le second partenaire les directions régionales et le troisième le conseil général, la CAF, etc. Les associatifs n'occupent que la dernière place, en qualité de membres de complément. Jacqueline Costa-Lascoux a utilisé une image picturale ; j'utiliserai, pour ma part, une image audiovisuelle : à la Plaine-Saint-Denis, les acteurs de complément sont qualifiés de figurants !

M. Jean-Jacques HYEST

Les organisations étatiques se scindent malheureusement en une multitude de commissions, dont les réunions ne sont pas nécessairement pertinentes et induisent des pertes de temps. Des méthodes de concertation efficaces restent à mettre en place. Il est vrai, par ailleurs, qu'en tant que parlementaires, nous avons tendance à peaufiner la représentation, de peur d'oublier quiconque...

M. Pierre-Yves LE PRIOL

Est-ce que vous voulez dire que les élus n'ont pas à être présents dans tous ces types d'instance et que vous accepteriez, parfois, de vous effacer ?

M. Jean-Jacques HYEST

Non. Je crois que cela dépend de l'objet. Néanmoins, cette maladie de la "réunionite" constitue une perte de temps.

M. Gérard MIQUEL

Nous perdons beaucoup de temps dans les grandes messes au niveau départemental ou régional. L'action efficace et la collaboration entre élus et associatifs doivent se faire sur le terrain.

M. Philippe DURAND, représentant d'une association parisienne

Je voudrais simplement évoquer les difficultés économiques que rencontrent souvent les petites associations engagées dans les politiques de quartiers. Ces associations ont besoin d'une reconnaissance statutaire et de financements ad hoc. Par ailleurs, je pense qu'il faut réfléchir au statut du bénévolat, lequel représente, pour les petites associations, le mode d'implication majeur.

M. Jean-Paul DELEVOYE

La notion de contrat vers laquelle nous nous dirigeons ne sera pas sans poser problème quant à la définition des objectifs et méthodes d'évaluation et à la qualité des acteurs mais aussi des actions engagées. En outre, la notion de logique procédurale, dont la lenteur fragilise parfois gravement certaines associations, m'inspire un système d'annualisation budgétaire. Je crois qu'il nous faut aller vers une contractualisation pluriannuelle. Enfin, la question du statut des bénévoles rejoint celle du statut des élus : comment trouver une juste compensation dans ce cadre, alors que paradoxalement, l'implication dans la vie associative se révèle davantage un facteur de risque que de reconnaissance ?

M. Jean-Jacques WEBER, président d'une association de tourisme gastronomique

L'association que je préside a coutume d'en recevoir une soixantaine d'autres à dîner deux fois l'an dans des châteaux du Loir-et-Cher. Or je viens d'apprendre que la loi des 35 heures n'autorisera plus la tenue de ces réunions pour des raisons d'heures de repos à récupérer. Est-ce là la fin du tourisme gastronomique en France ?

M. Pierre-Yves LE PRIOL

Votre question a davantage trait à la thématique du temps de travail qu'à celle de la loi de 1901...

M. Jean DUMONTEIL

Nous en resterons là pour cette première table ronde, dont je remercie une fois encore les intervenants. Nous allons aborder, à présent, la deuxième table ronde, présidée par Paul Girod.

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