Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

VI. INTERVENTION DE M. JOS VAN GENNIP, SÉNATEUR NÉERLANDAIS

« Je m'intéresserai à une fonction particulière des nouvelles technologies : la fonction d'édition et de publication de l'information. Elles nous offrent en effet une chance historique, à nous parlementaires, de battre en brèche l'hostilité ou la froideur que nous manifeste généralement la presse traditionnelle, en nous permettant de publier nos propres bulletins et nos propres journaux électroniques. Il est évident que les nouvelles technologies renforcent l'attrait de la fonction politique. Dans le domaine des Affaires étrangères, par exemple, les nouvelles technologies permettent de concilier vie nomade et communication facile. On peut désormais tout à la fois être éloigné géographiquement et participer activement à la vie de sa propre famille, par Internet, par courrier électronique ou par vidéoconférence interposés.

En août 1990, lorsque l'Irak a envahi le Koweït, j'étais adjoint au directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères. Tous les responsables étaient partis en vacances et il fallait pourtant décider de ce que serait la participation néerlandaise à la mobilisation internationale qui se dessinait. Avant même d'arriver à mon bureau, je savais par CCN ce qui s'était passé dans le Golfe. Lorsque je découvrais les télégrammes codés envoyés par nos ambassades, ils étaient déjà dépassés par les informations relayées par CNN, ce qui ne manquait pas de mettre en colère les ministres et les ambassadeurs. Pourtant, une bonne part des services diplomatiques du monde entier continuent à fonctionner comme si de rien n'était, en se fiant aux dépêches fournies par leurs services de renseignements. Pendant la guerre du Vietnam, il fallait plusieurs jours avant que les images d'un village en feu ne parviennent aux télévisions occidentales. Aujourd'hui, les images sont transmises instantanément, ce qui ne permet plus aux dirigeants de préparer leurs réactions. On voit donc que les nouvelles technologies ont considérablement changé la donne dès lors que des enjeux mondiaux doivent être tranchés. L'exemple du refus de l'Accord Multilatéral sur les Investissement (AMI), est à ce titre particulièrement probant.

Ce qui était hier du domaine exclusif des experts ou des "sources bien informées" est aujourd'hui du domaine public. Ainsi, la relation entre les médecins et leurs patients a radicalement évolué. Les politiques eux-mêmes ne peuvent plus se permettre de ne pas tenir compte des discussions qui se développent sur le Net. Peut-être les internautes ne sont-ils pas encore représentatifs, mais il ne faut pas oublier que sur le Net, il n'existe pas de majorité silencieuse : on n'écoute que ceux qui cherchent à se faire entendre.

Par ailleurs, quelles sont les possibilités offertes par l'utilisation des réseaux électroniques entre parlementaires, sur un plan régional, transnational ou mondial ? On peut très bien imaginer que les contacts entre parlementaires de différentes nationalités puissent permettre de prévenir ou d'empêcher le développement de conflits de toute nature. Hitler a commencé par se rendre maître de la radio, Kennedy de la télévision. Aujourd'hui, Al Gore pense que s'il arrive à maîtriser les nouvelles technologies, il sera le prochain président des États-Unis. Pourtant, à mes yeux, le plus gros apport des nouvelles technologies se trouve ailleurs : si des entreprises mondiales sont amenées à changer radicalement de stratégie pour s'adapter au développement impératif du commerce électronique, nous devrons à notre tour nous interroger pour déterminer comment exploiter au maximum les possibilités des nouvelles technologies pour les secteurs non commerciaux. Comme le disait M. Robert Badinter, Hercule Poirot, avait raison : la révolution aura d'abord lieu dans nos neurones. ».

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