Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

VIII. INTERVENTION DE M. YVES COCHET, DÉPUTÉ DU VAL D'OISE

« L'Internet va tout changer, mais l'Internet ne va rien changer. Je me propose de vous expliquer ce paradoxe apparent. En 1997, le président de l'Assemblée nationale et quelques députés ont souhaité améliorer le site web de l'institution, pour en faire un véritable outil d'ouverture à l'ensemble des citoyens internautes. Ce travail de refonte a abouti à un nouveau site en mai 1998, dont la fréquentation a décuplé en deux ans.

Cela dit, nous souffrons d'une insuffisance, tant sur le plan quantitatif que qualitatif des compétences qui nous permettraient d'aller plus loin. Un député de base n'a autour de lui qu'une équipe réduite de trois ou quatre personnes, et à l'heure actuelle, loin de lui simplifier la vie, l'Internet est plutôt une source de travail supplémentaire, puisque la messagerie électronique est un canal de communication en plus ouvert aux sollicitations de toutes sortes.

Nous faisons également face à l'insuffisante implication des députés eux-mêmes. En effet, une minorité des députés utilise les outils multimédias de manière courante, aussi naturellement qu'ils utilisent le téléphone ou le fax. La formation des utilisateurs prendra sans doute encore beaucoup de temps, et la révolution culturelle est loin d'être achevée.

Voyons maintenant quel a été l'impact des nouvelles technologies sur mon travail de député. C'est d'abord l'accès facilité à des réseaux qui permettent de mobiliser des forces ou un nombre de militants important en très peu de temps.

En deuxième lieu, j'ai accès à deux bases de données, gérées par la société ORT, l'une dans le domaine juridique, l'autre qui donne accès aux grands journaux français et aux dépêches des principales agences de presse, mises à jour régulièrement. Il s'agit dans les deux cas d'outils de recherche très puissants, qui ont eux aussi changé quelque peu ma vie.

Plus prosaïquement, l'Internet ne change pas grand-chose à l'équilibre des pouvoirs. Les outils électroniques sont certes plus efficaces d'un point de vue fonctionnel mais ils n'augmentent pas le pouvoir dont on dispose. Le vrai pouvoir de décision réside dans la discussion en face-à-face, dans la relation humaine, et il en sera sans doute ainsi tant que l'homme ne sera pas une machine. »

IX. INTERVENTION DE M. ANDREW MILLER, DÉPUTÉ BRITANNIQUE

« Sommes-nous en train d'instaurer de nouvelles relations entre les élus et les citoyens ? Que sont ces rapports aujourd'hui ? Que seront-ils à l'avenir ? Quelles sont les pistes de développement ? Telles sont quelques-unes de questions que j'aborderai.

Au Royaume-Uni, il ne fait aucun doute que les rapports entre les élus et les citoyens ont changé. Les journaux, de nos jours, ne rapportent plus le détail des débats du Parlement : ils mélangent le compte rendu et le commentaire, et le contrôle final sur ce qui mérite d'être écrit ou non est placé dans les mains de Monsieur Murdoch et de quelques-uns de ses amis... Pour ma part, j'ai délibérément décidé de me passer de site web personnel. Lorsque j'ai été élu pour la première fois, en 1992, je n'ai pas jugé utile de construire de site web dans la mesure où ma circonscription ne compte pas d'institution académique ou d'université importante, qui sont les pionniers des nouvelles technologies dans notre pays. Il n'en reste pas moins que le développement des sites web parlementaires a permis d'améliorer l'information des citoyens. En 1995, lorsque tous les députés sont devenus accessibles par le web, nous avons reçu un e-mail d'une dame qui estimait qu'il s'agissait de la meilleure nouvelle pour la démocratie depuis l'octroi du droit de vote aux femmes, au début du siècle ! Nos conseils municipaux, eux aussi, sont à la pointe de l'évolution technologique. On peut même dire qu'il est plus facile de gérer la démocratie participative au plan local que dans les parlements nationaux. Je reçois de la part de mes électeurs un nombre croissant de courriers électroniques.

Qu'en sera-t-il dans l'avenir ? Un chercheur allemand m'a signalé l'existence d'un parti politique dont les membres ne se sont jamais réunis autrement que virtuellement. Pour notre part, si nous voulons combler le déficit démocratique auquel nous sommes confrontés, il faudra bien nous résigner à consentir les investissements pour les équipements nécessaires à l'utilisation des nouvelles technologies. Je ne crois pas à l'avenir des consultations permanentes des citoyens sur tous les sujets. Il n'en reste pas moins que l'on pourra faire appel très facilement à des jurys citoyens, que nous consulterons par voie électronique.

En matière de « gouvernance » électronique, je souhaiterais donner un exemple très simple, qui peut sans doute s'appliquer à tous les pays. Au Royaume-Uni, lorsque vous subissez un deuil dans votre famille, vous pouvez avoir affaire jusqu'à 27 agences Gouvernementales, pour annuler le permis de conduire, solder les comptes bancaires, etc., et ce au moment même où vous êtes le moins capable de gérer tout cela. Avec les nouvelles technologies, les administrations Gouvernementales ont l'opportunité d'offrir aux citoyens une porte d'entrée intégrée, derrière laquelle tous les services concernés seront automatiquement informés pour ce qui les concerne. Je vous conseille de visiter, à cet égard, le site www.centrelink.gov.au

Il est primordial que la technologie soit facile d'accès. Pour cela, elle ne doit pas copier les modèles papier. La signature numérique doit bénéficier d'une diffusion universelle. Au point de vue parlementaire, il est clair que la nature des rapports entre les citoyens et leurs élus a changé, et un élu qui ne le comprendrait pas n'a sans doute pas un grand avenir. »

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