Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

PREMIÈRE SOUS-PARTIE - LES PARLEMENTS DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

I. ARTICLE DE M. KARL LÖFGREN, COPENHAGEN BUSINESS SCHOOL

Le Parlement danois dans le monde virtuel électronique

Pour qui développons-nous la démocratie ?

L'importance grandissante de l'Internet et d'autres réseaux électroniques dans les démocraties occidentales a suscité ces dernières années un nombre croissant d'études universitaires relatives à l'impact des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication sur les pratiques politiques. Cet intérêt s'est principalement concentré sur les évolutions possibles de la démocratie vers davantage de participation, en négligeant quelque peu les intermédiaires politiques comme les partis politiques par exemple. Mes études m'ont amené à analyser le triangle théorique représenté par les partis, la démocratie et les nouvelles technologies. Les relations entre les trois entités sont complexes et ne peuvent être représentées par la dichotomie entre tradition représentative et tradition participative de notre démocratie. De plus, la technologie joue aujourd'hui un rôle limité dans les innovations au sein des partis politiques.

Le Parlement danois, comme beaucoup d'autres institutions publiques, a mis en place un site public d'information sur le World Wide Web. Cette création suit la tendance au développement de sites publics sur le plan international, issu lui-même des politiques des Gouvernements pour favoriser l'entrée dans la société de l'information. Grosso modo , Internet est considéré comme un moyen d'élargir la diffusion d'information et d'accroître la transparence du processus législatif. Un des objectifs principaux, derrière la création d'un site web, est d'augmenter l'influence des citoyens. Dès lors, il importe de savoir si le site est « vraiment » démocratique et de quelle démocratie nous parlons en l'espèce. Sur la base des critères de March et Oison sur la gouvernance démocratique, j'ai étudié l'influence que pouvait avoir un site web sur la démocratie et la politique, dans un monde qui passe du « Gouvernement » à la « gouvernance ». Les résultats de mes recherches m'incitent à penser que le discours démocratique diffusé par le biais d'Internet perpétue les structures de pouvoir existantes, fondées sur l'élitisme et une vision « consumériste » de la démocratie, plutôt que sur de nouveaux modes de participation et de décision populaire.

S'agissant du site du Parlement danois, le premier critère que j'ai examiné est l'égalité d'accès et la participation. La grande majorité de la population ne dispose pas d'un accès aisé à Internet et les informations diffusées par le site web sont accessibles par d'autres moyens, plus traditionnels. Il est très difficile de savoir qui utilise le site web parlementaire, et pour quelles raisons. Toutefois, la majorité des utilisateurs appartient à un cercle restreint de professionnels (juristes, journalistes, parlementaires).

J'ai étudié ensuite dans quelle mesure le site web relatait les modes de prise de décision. Le site web est considéré comme un lieu de débat et d'échanges d'opinions, mais ne reflète pas l'ensemble du processus législatif tel qu'il se déroule dans la réalité au Parlement. Beaucoup de décisions sont prises par exemple dans des commissions dont les travaux ne sont pas publics. Aussi ne peut-on pas dire que le site web contribue tout à fait à rendre les travaux parlementaires plus transparents.

En troisième lieu, s'il est clair que les créateurs du site web n'avaient pas pour ambition de révolutionner le travail parlementaire, ils avaient pour objectif de rapprocher le Parlement des citoyens. Or le choix du contenu du site web a été conditionné par les besoins exprimés par un cercle restreint d'utilisateurs bien identifiés. Il est donc difficile d'évaluer l'impact du site sur les citoyens.

Enfin, j'ai examiné l'influence du site web sur le débat public. À l'occasion de l'anniversaire de la Constitution danoise, le Parlement danois a mis en place des forums électroniques sur divers aspects de cette Constitution, forums où les hommes politiques pouvaient rencontrer le public dans un contexte égalitaire, et sur un thème d'intérêt général. Au total, 550 personnes ont apporté leur contribution à ces forums, et le site web a été visité plus de 30.000 fois. Les organisateurs ont donc considéré cette expérience comme un succès. Pour ma part, je serais moins enthousiaste. Pour l'instant, aucune modification de la Constitution n'a été inscrite sur l'agenda politique du Danemark. En outre, assez présents au début des forums, les politiques ont progressivement diminué leur implication dans cette expérience.

En conclusion, le site du Parlement danois n'a pas encore induit aujourd'hui de changement profond dans les pratiques politiques.

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