Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

III. INTERVENTION DE M. STEPHEN COLEMAN LONDON SCHOOL ON ECONOMICS AND POLITICAL SCIENCE

« Au XVIIIème siècle régnait déjà la notion de représentation virtuelle, dont le principal défenseur en Grande-Bretagne était le député et philosophe Burke. Il considérait que les citoyens de peu de bien devaient être exclus de la politique, et que seule une minorité de possédants intéressés devait détenir le pouvoir pour le compte du peuple. La théorie de la représentation virtuelle est aujourd'hui discréditée. Au XIXème siècle est apparu le suffrage universel, le nombre d'électeurs a été multiplié par 2 et la part de votants est passée de 1 % à 2,5 % de la population. En 1928, les femmes ont obtenu enfin le droit de vote, et la représentation virtuelle est devenue réelle puisque les mandats étaient confiés aux élus par le peuple pour le représenter dignement.

Malheureusement, la discussion politique, qui devrait être un des piliers de la démocratie, s'est atrophiée depuis, pour devenir une délibération virtuelle entre une élite politique et une élite journalistique. L'émergence des nouvelles technologies pourrait nous donner quelques raisons d'être plus optimistes. Toutefois, si l'on part du principe que le débat démocratique est d'autant plus efficace que la majorité se tait et qu'on laisse le débat aux seuls professionnels, les nouvelles technologies ont peu de chance de se développer dans la vie politique...

Plusieurs projets sont en cours au sein du Parlement britannique pour accroître l'interactivité dans le fonctionnement démocratique. Dans ce cadre, nous avons fixé quatre objectifs principaux à une échéance de trois ans.

Qu'est-ce que le Parlement ? Il y a un problème de méta-données lorsque l'on parle de démocratie parlementaire. Face à une avalanche d'informations, il faut réussir à faire un tri judicieux. Nous travaillons avec le site de la BBC à la mise sur pied d'une nouvelle section où le citoyen pourra trouver deux types de renseignements. D'abord, à quel interlocuteur doit-il s'adresser, entre son représentant local, son député à Westminster ou à son eurodéputé ? Ensuite, il s'agit d'expliquer ce qu'est la représentation. Nous travaillons par ailleurs avec les producteurs des rapports filmés du parlement. D'ici 18 mois, il suffira d'entrer le nom d'un député ou de taper un thème pour obtenir toutes les interventions de ce député ou tous les travaux disponibles sur ce thème.

Comment les sites parlementaires peuvent-ils aider à la diffusion des informations ? Il ne s'agit pas seulement d'ouvrir une porte nouvelle, par le web, pour permettre au public de participer aux débats du parlement. Il s'agit aussi de donner les moyens à des citoyens qui n'ont pas accès habituellement aux députés de s'exprimer. Ainsi, une discussion sera organisée, sous la forme d'une enquête parlementaire en février 2000, sur la violence conjugale. Les femmes battues n'ont évidemment pas l'habitude de prendre la parole devant le Parlement : nous allons donc les inviter à le faire.

Comment convaincre les parlementaires d'utiliser les nouvelles technologies ? Il est inutile de brancher le Parlement sur le web si les parlementaires eux-mêmes ne partent pas à la découverte de ces techniques. Nous allons donc leur proposer de disposer d'un bureau virtuel.

Comment s'adresser aux différentes communautés ? Nous nous intéressons enfin à la question des communautés, des groupes d'intérêt. L'un des défauts du discours parlementaire habituel est de s'adresser aux citoyens dans leur ensemble, alors que les députés souhaitent le plus souvent parler aux électeurs de leur circonscription ou aux membres d'une communauté d'intérêts particulière. Nous étudions donc la possibilité de diffusion de programmes numériques très ciblés à destination de ces communautés. »

Page mise à jour le

Partager cette page