Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

II. ARTICLE DE M. THOMAS ZITTEL, UNIVERSITÉ DE MANNHEIM

Internet et les représentants américains

I. Les représentants américains s'intéressent-ils aux nouveaux médias ?

Cette étude est consacrée à l'impact d'Internet sur le comportement des membres de la Chambre des représentants américaine. Elle se fonde sur une modélisation simple du comportement des parlementaires, très répandue chez les théoriciens de la représentation. Les études dans ce domaine distinguent habituellement mandat impératif et mandat représentatif. Selon la manière qu'a le représentant d'envisager son rôle, la procédure de décision peut changer. Certains se considèrent comme des délégués et essaient de prendre leurs décisions de législateur en fonction des intérêts empiriques de leurs électeurs, d'autres comme des « trustees » et prennent plus de distance vis à vis de leurs mandants. Le délégué est avant tout un communicateur qui essaie de s'informer des intérêts de ses électeurs, alors que le « trustee » est avant tout un législateur, qui dialogue avec ses pairs et limite la publicité donnée à ses actions.

Des recherches empiriques ont montré que le comportement actuel des représentants américains oscille entre ces deux conceptions. Les représentants agissent parfois comme des délégués, parfois comme des « trustees ». La plupart conçoivent leur action comme un mélange de ces deux rôles. En conséquence, certains chercheurs ont créé une troisième catégorie qu'ils ont intitulé « politico ». Pour moi, il me paraît plus approprié de placer la manière dont chaque parlementaire conçoit son rôle sur une échelle dont les deux extrêmes sont figurés par le modèle du délégué ou du « trustee ».

Certains commentateurs ont vu dans les évolutions liées aux Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) un changement fondamental pour les institutions représentatives. Certains futurologues, comme Alvin Toffler ou John Naisbitt, ont prédit dans leurs best sellers que le travail du parlementaire serait bientôt obsolète et que nous verrions le passage d'une situation de dépendance vis à vis de nos représentants à la possibilité de nous représenter nous-mêmes en participant à des référendums électroniques. D'autres auteurs défendent la position contraire. Iain McLean, par exemple, considère que les nouveaux médias pourront aider les représentants à mieux prendre en compte les souhaits de leurs mandats en resserrant le lien qui les unit. Dans ce cas, les parlementaires seraient davantage amener à jouer un rôle de délégué qu'un rôle de « trustee ».

Toutes ces études considèrent, malgré les changements opérés à large échelle par les technologies des communications, que les évolutions du comportement du législateur sont tout sauf certaines : il n'y a pas de relation automatique et univoque entre changement technologique et changement politique. Toute évolution dépend de la décision que prennent les politiques eux-mêmes. Les représentants ont le choix et ils peuvent préférer préserver le statu quo malgré les changements de l'environnement technique externe.

Mes recherches se fondent sur l'analyse d'une institution très avancée sur le plan technologique : la Chambre des représentants américaine. Mon hypothèse de départ est que les controverses, dans un contexte technologique homogène, sont la meilleure preuve de l'existence de choix. Ainsi, j'ai étudié chez les membres du Parlement leurs différents modes d'utilisation d'Internet ainsi que leurs débats sur la manière de s'adapter à la société de l'information.

Je procéderai en trois étapes. Premièrement, je tracerai un bref tableau de l'interrelation entre Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication et comportement du législateur. Pourquoi croyons-nous qu'elles puissent avoir un impact sur le travail parlementaire ? Deuxièmement, j'étudierai l'utilisation d'Internet par les représentants américains et leur perception sur le rôle d'Internet dans le fonctionnement de leur institution. Mes données sont issues d'un questionnaire envoyé à tous les représentants qui a reçu plus de 35 réponses, de 25 entretiens avec des staffs parlementaires et des experts, et d'observations que j'ai pu faire quand j'ai travaillé comme assistant parlementaire en 1996/97. Ma présentation se terminera par quelques remarques sur la probabilité d'une évolution du législateur à l'aune de la société de l'information.

2. Nouveaux médias et travail parlementaire : quelques remarques théoriques

Laissez-moi dire une première chose sur le parlementaire comme délégué et pourquoi l'Internet peut être un facteur de renforcement de ce rôle.

Considérer le travail du parlementaire comme celui d'un délégué demande deux conditions préalables étroitement liées aux technologies de l'information et de la communication :

- Tout d'abord, la possibilité de prendre connaissance des intérêts de ses mandants de manière claire et instantanée. Le modèle du « pur » délégué suppose que le représentant ait une connaissance parfaite des opinions de ses électeurs pour chaque décision qu'il a à prendre dans le processus législatif.

- La seconde condition est la transparence absolue du processus de décision qui permet au public de suivre la position de chaque parlementaire, à chaque prise de décision. La publicité du processus législatif est une condition importante pour impliquer le public. Les citoyens doivent ainsi être informés et formés aux particularités du travail parlementaire. Ils doivent être capables de prendre en compte les enjeux du débat pour participer au processus et l'influencer. Mais, surtout, la publicité des travaux altère le comportement des parlementaires et les incite fortement à agir comme des délégués. En effet, la rationalité des acteurs nous amène à considérer que leur but principal consiste à se faire réélire. La transparence du processus, conjugué avec le facteur électoral, incite les parlementaires à mettre en oeuvre les souhaits de leurs électeurs.

L'Internet, et ses applications variées, permet au public de mieux communiquer ses voeux aux élus. Cela est vrai pour de multiples raisons :

1) Il ajoute de nouveaux canaux de communication aux autres médias existants comme le téléphone, la lettre ou le fax et augmente ainsi le flux d'informations.

2) Internet est un média rapide et donne aux électeurs la possibilité de réagir rapidement et en amont des votes, qui sont à l'ordre du jour. De même, l'interactivité des médias électroniques permet aux parlementaires de sonder leurs électeurs en envoyant un questionnaire électronique, avant de prendre une décision.

3) Internet réduit les coûts. Cela est vrai, à l'échelon individuel, pour l'e-mail. L'e-mail est un moyen simple et bon marché d'exprimer son opinion, sur un sujet, immédiatement auprès d'un parlementaire. Cela est vrai également au niveau d'un groupe car l'e-mail est un moyen économique de mobilisation. Certaines recherches récentes ont mis en évidence des groupes qui n'existeraient pas sans l'Internet. Certaines applications sur Internet permettent de réduire les coûts de traitement du courrier et rendent les équipes des parlementaires plus efficaces. Parce qu'il fait économiser du temps, le courrier électronique peut être géré à effectifs constants. De plus, la visioconférence, le « chat », les forums sont des moyens interactifs qui ne coûtent pas le même temps que le ferait le déplacement à une réunion par exemple. Internet réduit les coûts de communication et permet d'accroître l'interactivité entre électeurs et élus.

4) Les forums et la visioconférence sont des modes de communication décentralisés et interactifs. Les médias de masse comme la presse ou la télévision sont en fait des tribunes avec un orateur et des spectateurs. Sur Internet, chacun est à la fois orateur et spectateur en même temps. Ce média ne donne pas à chacun un rôle prédéfini. Il introduit le parlementaire dans une conversation directe, publique, et le prive du contrôle de l'agenda. Toute question peut lui être posée.

A côté de cette possibilité pour le public de mieux donner son avis, le nouveau média Internet améliore la transparence de la procédure parlementaire. La diffusion de l'information est facilitée. Internet permet d'éviter les goulets d'étranglement et la sélection d'information que l'on retrouve dans le traitement de l'information parlementaire par les autres médias de masse. Le world wide web permet de mettre à disposition du public de grandes quantités d'information et ce à des coûts moins élevés. Enfin, les moteurs de recherche, par exemple, permettent de retrouver l'information facilement.

L'impact de ce nouveau média sur le travail parlementaire est ainsi fondé sur les nouvelles fonctionnalités technologiques qu'il recèle. Toutefois, la thèse de cet article est que la transposition du changement technique au changement politique ne peut s'opérer que par un processus de décision politique. Les parlementaires touchés par ce changement technologique doivent décider s'ils sont prêts à s'adapter à un nouvel environnement de communication et s'ils souhaitent devenir de purs délégués. Ils doivent faire trois choix différents pour initier un changement de cette nature : sur l'infrastructure technologique, sur la stratégie de communication et sur l'organisation de l'institution.

Par infrastructure, j'entends les canaux de transmission pour se connecter à Internet, le hardware, le software et l'expertise nécessaire pour maintenir et gérer les systèmes. Le changement politique ne peut s'opérer sans infrastructures techniques. Les parlementaires doivent donc décider de se doter des moyens nécessaires. L'utilisation des outils liés à Internet peut être sélective ou extensive. E-mails, sites web, visioconférences et « chats » sont à la disposition des parlementaires et leur utilisation est laissée à leur discrétion. À eux de décider de leur stratégie de communication. Un site web peut être conçu pour être plutôt interactif, ou informatif, et plus ou moins intégrer d'éléments multimédia. Il peut n'être que la version électronique d'une brochure de campagne ou bien plus que cela. Les parlementaires peuvent décider de faire évoluer leur communication en fonction d'Internet ou l'intégrer dans la politique existante.

L'amélioration des infrastructures techniques existantes, l'adoption de nouveaux moyens de communication et le changement de stratégies individuelles de communication ne suffit pas pour induire un changement de l'organisation. Les organisations sont communément définies comme le cadre d'un comportement social stable dont les règles peuvent être formelles ou informelles. Les parlementaires doivent décider s'ils veulent faire évoluer leur organisation en fonction des possibilités technologiques offertes par Internet et si leur communication avec le public doit s'en trouver affecté.

Laissez-moi maintenant aborder le cas de la Chambre des représentants. Ce cas illustre la thèse selon laquelle le rôle des parlementaires n'est pas déterminé par les technologies et que les représentants ont le choix malgré l'ampleur du changement lié aux NTIC.

3. Les représentants américains dans la société de l'information

a) L'infrastructure

Je ne dirai pas grand chose des choix techniques réalisés par la Chambre des représentants dans la mesure où ils apparaissent peu contestables.

La Chambre des représentants a réalisé des investissements importants pour rénover son réseau de communication depuis le 104 e Congrès, à partir de janvier 1995. Elle a mis en réseau l'ensemble des bureaux des parlementaires par une double fibre optique qu'ils soient à Washington ou en circonscription. L'administration a mis en place un serveur web qui héberge les sites des parlementaires et des commissions ainsi qu'un serveur de messagerie qui gère les boites aux lettres de chaque bureau. Les installations sont maintenues par le « House Information Ressources » (HIR), une agence du Congrès qui employait en 1999, 222 personnes. Un des seuls problèmes réside dans le débit de l'accès à Internet qui est suffisant pour de simples courriers mais ne supporte qu'un nombre limité de fichiers audio et vidéo.

Les installations de chaque bureau se sont développées dans les mêmes proportions. Tous les staffs parlementaires, dont le budget annuel moyen est de un million de dollars, ont indiqué qu'ils n'avaient pas eu de difficulté à s'équiper. Tous sont raccordés par le biais de la boucle locale.

Aucun des staffs parlementaires interviewés ne s'est doté individuellement des équipements nécessaires à la visioconférence ou au « chat ». Quand un parlementaire souhaite participer à un tel événement, il a recours à des prestataires extérieurs comme le Washington Post ou d'autres services en ligne. Des efforts sont faits au sein des commissions parlementaires pour se doter de moyens de visioconférence. La commission des sciences est particulièrement en avance avec une salle équipée de matériels de pointe : 2 grands écrans plats, système vidéo intégré. Dès qu'un micro est activé, la caméra pointe sur la personne qui va parler.

Toutes les commissions ont les compétences pour utiliser au mieux Internet. 21 des 35 commissions ont un « administrateur système » tandis que certaines ont placé cette responsabilité dans les mains d'un assistant, d'un directeur de la communication ou d'un administrateur. Ces personnels reçoivent une assistance du HIR qui assure également des formations. Il existe également des contrats avec des sociétés extérieures pour diverses prestations graphiques.

On peut ainsi considérer que la Chambre des représentants américaine est en réseau.

b) La stratégie de communication du Congrès sur Internet

Ces différents schémas montrent les différentes utilisations liées à Internet.

Parlementaires avec sites web et e-mails publics (1998)

Fig. 1 : Members with Websites and Public E-mail, 1998

N= 35

Nombre de sites web et de messageries électroniques parmi les représentants américains

Fig. 2: The Diffusion of Websites and Public
E-mail among US Representatives

N= 32

À la fin 1998, les sites web sont devenus des moyens de communication très courants dans les bureaux du Congrès. La plupart des représentants utilisent le World Wide Web pour diffuser leurs informations (34 des 35 interrogés par l'enquête). Une large majorité utilise également l'e-mail

(31 sur 35), mais, comparé aux sites web, les chiffres sont légèrement inférieurs. L'hésitation est donc plus grande concernant la diffusion d'un e-mail public.

Utilisation par les représentants américains de la visioconférence et du

« chat » (1998)

Fig. 3: Members Use of Video Conferencing and Online Chatting in the US House, 1998

N=32

Une minorité très faible des parlementaires utilise la visioconférence (3 sur 32) ou le « chat » (5 sur 32) pour communiquer avec le public. De plus, dans la plupart des cas, l'utilisation de ces outils est sporadique. Les représentants qui ont répondu indiquent qu'ils ont travaillé avec ces instruments un ou quelques fois. Aucun n'en a une utilisation régulière.

La vraie question est de savoir comment les représentants utilisent le web et l'e-mail. Peu de données sont disponibles. Certaines recherches distinguent différentes stratégies. Ma propre enquête m'a permis de distinguer les problématiques liées à l'interactivité de celle liées à l'information et de définir les différents objectifs que les parlementaires assignent à leurs sites web.

Buts assignés aux sites web parlementaires

Fig. 4: Goals/Visions Related to Congressional Homepages

N= 30

Onze staffs interviewés ont une vision très traditionnelle de leur site web et se donnent pour objectif à travers Internet de donner des informations basiques sur les parlementaires et les services. Par contre, 19 staffs ont eux indiqué qu'ils souhaitaient que leur site soit le plus informatif et le plus interactif possible.

Il y a donc un fossé entre les parlementaires qui explorent toutes les fonctionnalités du web et ceux qui voient dans leur site un simple reflet de leurs publications « papier ». Le même fossé existe en ce qui concerne la fréquence de mise à jour.

Mise à jour des sites web parlementaires (1998)

Fig. 5: Topicality of Congressional Websites, 1998

N=31

L'actualisation des sites est un élément important de compréhension du processus législatif par le citoyen. 10 staffs sur 31 indiquent qu'ils actualisent leurs pages plusieurs fois par an ou mensuellement. Il est évident qu'un site mis à jour aussi rarement et irrégulièrement n'apporte pas grande chose à la communication entre élus et électeurs. Ceci est sans doute différent avec les sites web de 18 staffs qui effectuent des mises à jour quotidiennes ou hebdomadaires. Les éléments mis en ligne ne se trouvent en général pas alors sur d'autres supports.

L'interactivité est également un facteur non négligeable.

L'interactivité des sites parlementaires : les listes de diffusion

Fig. 6: Interactivity of Congressional Websites:

Electronic Newsletters

N=31

Le degré d'interactivité peut être mesuré notamment en fonction de l'existence d'une liste de nouveautés à laquelle les électeurs peuvent s'abonner. Seuls 5 sites parlementaires en sont pourvus.

Enfin, en ce qui concerne l'e-mail, il est particulièrement intéressant de constater de quelle manière il est répondu aux messages des internautes.

Modes de réponses aux mails électroniques

Fig. 7: Modes of Responding to Constituent

E-mail in Member Offices

M=30

Seuls 8 des 30 staffs parlementaires répondent aux e-mails par voie électronique. Certains vont même jusqu'à utiliser des applications sophistiquées qui filtrent les mails par critère géographique - la plupart des parlementaires ne répondent qu'aux messages provenant de leur circonscription- ou par mots clés pour les rediriger parfois vers les commissions compétentes. La majorité des 22 autres staffs répond par courrier traditionnel, envoyant auparavant un accusé de réception électronique. L'autre moitié imprime même le mail plutôt que d'opter pour un mode de lecture électronique. Ce mode de traitement fait perdre beaucoup de temps et devient redondant par rapport au courrier papier.

L'utilisation d'Internet varie donc selon les parlementaires et peut être selon la conception qu'ils ont de leur rôle. Pour connaître les souhaits de ses électeurs, il paraît nécessaire d'utiliser tous les canaux de communication disponibles et d'user d'Internet de la manière la plus efficace. La transparence et la publicité des processus législatifs impliquent que les sites web soient riches et fréquemment mis à jour. Les sites doivent également être très interactifs pour être sûr que les électeurs bénéficient de l'information qu'ils demandent. Si ce n'est pas le cas, Internet aura rénové les infrastructures techniques des Parlements sans changement significatif dans le mode de travail et de communication des représentants.

c) Le fonctionnement de la Chambre des Représentants et Internet

Quel va être l'impact des changements liés aux NTIC sur le règlement de la Chambre des représentants qui est un des fondements de l'institution? Pour répondre à la question, j'ai regardé les débats de cette assemblée sur la manière de réformer le règlement en fonction des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication. Le premier débat que j'ai trouvé posait la question du contenu : qu'est-ce qui doit être communiqué, qu'est ce qui doit être rendu public à travers l'Internet ?

Sur un plan administratif très basique, il s'agissait de savoir comment adapter des règles existantes aux nouveaux moyens de communication électroniques. Quand les staffs et commissions ont commencé à envoyer des messages de « news », par exemple, le statut et le contenu de cette communication sont devenus des enjeux importants. Le Congrès trace en effet une frontière très ténue entre campagne de communication d'une part et communication officielle des parlementaires, qui ne peut servir à des fins électorales, d'autre part. En effet, les dispositions réglementaires précisent que des fonds publics ne peuvent financer des campagnes électorales. Pour respecter cette règle, tout mailing destiné à plus de 500 personnes, émis en interne, est soumis à une commission spécialisée pour vérifier l'objet du mail électronique. Les parlementaires se plaignent aujourd'hui de la perte de temps que représente cette vérification et remarquent que les avantages liés à l'électronique, la vitesse notamment, sont perdus du fait de la mise en place de cette procédure.

Plus fondamentalement, les règles de fonctionnement d'un Parlement vont-elles être altérées en fonction des nouvelles technologies de l'information et de la communication ? La signification de l'accès public au travail parlementaire prend en effet deux sens différents. Dans le cadre d'une audition publique par exemple, vous pouvez assister à celle-ci sans pour autant que son compte-rendu soit publié. La décision de publication dépend de la Présidence de chaque commission. Des raisons de coût sont souvent évoquées pour justifier la limitation de certaines publications. Dans le cas même d'une publication, le nombre de copies est limité et leur obtention n'est pas gratuite. Les délais de publication sont également relativement longs. La création de la chaîne parlementaire, en 1979, a fait évoluer les pratiques mais C-SPAN diffuse les événements de manière sélective, notamment pour tenir compte de l'audience.

Dès lors, le speaker de la chambre, Newt Gingrich, a promis en 1994 de faire en sorte que tous « les documents parlementaires soient disponibles dans leur version électronique pour que le citoyen puisse avoir l'information en même temps que le lobby le plus influent ». Des groupes de travail ont été mis en place.

Toutefois, aucun progrès n'a pu être accompli durant le 104 e Congrès. Le Règlement a été modifié durant le 105 e Congrès en incitant chaque commission à diffuser autant que possible leurs informations par voie électronique, ce qui laisse une grande marge d'appréciation aux différentes commissions.

Un autre aspect de cette question a été fourni par un groupe proche de Ralph Nader. Celui-ci a en effet demandé d'élargir l'accès du public à l'information en accroissant le nombre de documents publiés, proposant notamment de diffuser certains projets de textes et des études du « Congressional Research Service » (CRS), une agence issue de la Bibliothèque du Congrès. Cette demande a pris un relief supplémentaire quand le représentant Christopher Says et le Sénateur John Mac Cain ont déposé une proposition de loi allant dans ce sens. Selon eux, les études du CRS n'étaient jusqu'alors diffusées que sur l'Intranet du Congrès. Les citoyens pouvaient obtenir ces documents par le biais de leurs représentants mais ignoraient évidemment quelles études étaient disponibles. Ils étaient dépendants de la bonne volonté de leur Représentant.

A côté des questions de contenu a été posé le problème de savoir qui avait le droit de communiquer sur le site Internet de la Chambre des représentants. Les groupes minoritaires ont en effet bien du mal à se faire entendre et n'ont pas nécessairement les moyens de gérer des sites indépendants.

L'utilisation des NTIC par les commissions offre des perspectives intéressantes. Un des membres de la commission des Lois, Scott McInnis, en mai 1996, a ainsi participé à une réunion de commission par visioconférence. Certaines auditions de personnalités qualifiées ont lieu aujourd'hui par visioconférence pour réduire le temps et les coûts de transport. Mais, par contre, la participation d'un parlementaire à une réunion de commission par visioconférence ne s'est pas reproduite. Il reste à savoir si la participation aux travaux des commissions par ce biais peut être autorisée. Faut-il l'autoriser uniquement pour les auditions ou pour d'autres réunions ? Le vote par ce biais est-il possible ?

Ces questions ont des implications importantes sur le travail du parlementaire. S'il est possible de faire une grande part du travail législatif .sur Internet, les parlementaires pourront passer plus de temps en circonscription. Ils seront plus proches de leurs électeurs mais plus loin de leurs collègues parlementaires, ce qui pourrait avoir des conséquences sur leurs positions politiques. Leur information sur les voeux des électeurs devrait être accrue.

Si certains observateurs appellent à un Congrès électronique, les parlementaires sont peu sensibles à cette idée. Ils expliquent que le contact avec leurs collègues est une des conditions nécessaires au travail législatif. Certains soulignent même les dangers à faire voter les parlementaires de leur circonscription, avec les électeurs à la porte de leur bureau. Fin 1999, ce débat n'a de toute façon pas donné beaucoup de fruits.

4. Du « trustee » au délégué : l'avenir du travail législatif dans la société de l'information

Les NTIC recèlent la possibilité de transformer le rôle du parlementaire en délégué des intérêts des électeurs mais la décision de le faire ou non est évidemment entre les mains des politiques. Tandis que les sites parlementaires fleurissent et que les infrastructures techniques de la Chambre des Représentants ont été profondément rénovées, les stratégies de communication et l'organisation du travail parlementaire ont été moins altérées.

Dans le même environnement technologique, le comportement des parlementaires et l'utilisation d'Internet diffèrent. Leurs avis varient sur l'évolution de leur rôle par le biais de l'Internet. Les choix technologiques sont les moins controversés tandis que les choix de d'organisation et d'organisation le sont évidemment beaucoup plus. Les choix de communication se situent eux au milieu de l'échelle. Ainsi, l'impact des NTIC sur le travail parlementaire est loin d'être simple et direct.

Cette conclusion doit être mise en rapport avec les expériences des autres Parlements. Leurs choix sont-ils identiques à ceux de la Chambre des Représentants américaine ? Si les choix institutionnels ne sont pas dictés par des évolutions technologiques, par quels autres éléments sont-ils influencés ? L'impact des NTIC est ainsi conditionné par un grand nombre de variables. L'avenir du travail parlementaire dans la société de l'information sera fonction de facteurs très différents, la technologie n'étant que l'un d'eux.

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