RENCONTRES SÉNATORIALES DE LA JUSTICE



Palais du Luxembourg - Mardi 8 juin 2004

II. VERS UNE CULTURE DE L'EFFICIENCE

Une loi organique qui a été votée en 2001 organise une sorte de contrôle de l'utilisation des deniers publics. Comme j'ai eu beaucoup de mal à la lire -je vous l'avoue-, je souhaiterais que Mme Zamponi, qui est chargée de mission sur cette loi à la DSJ, vienne nous l'expliquer maintenant. Je lui donne la parole.

Mme Annie ZAMPONI , Chargée de Mission auprès du sous-directeur de l'organisation judiciaire et de la programmation -

Comme vous le savez sans doute, la loi organique relative aux finances publiques du 1 er août 2001 est la nouvelle constitution financière de l'Etat. C'est une loi qui a été votée à l'initiative du Parlement, majorité et opposition de l'époque rassemblées, qui a pour effet, en premier lieu, d'apporter une plus grande transparence et une plus grande lisibilité de la dépense publique aux Parlementaires, et en second lieu de donner aux gestionnaires une plus grande souplesse dans la gestion des crédits publics..

Pour ce faire, cette loi a prévu une disposition qui est la fongibilité asymétrique des dépenses de personnel de l'Etat... (Rires, applaudissements.) C'est un point extrêmement important.

En effet, la dispersion des crédits de l'Etat au sein de 841 chapitres se trouvera rassemblée au sein de missions, de programmes et d'actions. Pour le ministère de la justice, la mission « Justice » est divisée en six programmes :

- justice administrative,

- justice judiciaire,

- administration pénitentiaire,

- protection judiciaire de la jeunesse,

- soutiens aux programmes de la Chancellerie et organismes rattachés,

- accès au droit.

Au sein du programme "justice judiciaire", qui, je pense, est celui qui vous intéresse, nous aurons sept actions qui recouvriront les dépenses relatives :

- à la justice civile,

- à la conduite, à l'orientation et au jugement des affaires pénales,

- à l'enregistrement des décisions judiciaires,

- à l'activité civile et pénale de la Cour de Cassation,

- au Conseil supérieur de la magistrature, qui vient d'être rattachée à notre programme, et aux moyens qui seront dévolus à son fonctionnement,

- à une action de soutien : moyens de la direction des services judiciaires (crédits de personnel et de fonctionnement, immobiliers, informatiques) ;

- aux actions de formation conduites par l'ENM et l'ENG.

Les crédits afférents au budget des services judiciaires, qui sont, je vous le rappelle, de 2 milliards d'euros au budget 2004, sont évidemment directement concernés par cette loi organique, puisqu'il faudra s'efforcer de rattacher à chacune des actions, les coûts en personnel en matière de fonctionnement immobilier et en matière d'intervention qui lui sont affectés.

C'est donc un véritable changement qui va s'opérer dans la conception des budgets des juridictions et, parallèlement, dans la responsabilité qui sera confiée aux chefs de cour qui administreront ces crédits au niveau local.

M. Maurice PEYROT -

Merci d'avoir été aussi claire dans cette description difficile d'un domaine assez ardu.

Monsieur Cointat, quelles sont les attentes du Parlement pour une loi de ce genre ? Ne peut-il pas y avoir un risque entre l'efficience et -je vais prononcer le mot- la rentabilité ?

M. Christian COINTAT -

Il est bon que, dans la salle, tous nos amis prennent conscience du fait que, sur le plan budgétaire, nous sommes en train de changer de planète, mais je ne suis pas certain que tout le monde le réalise véritablement.

En effet, d'une disposition actuelle que nous connaissons et qui était d'approche plutôt comptable, nous allons passer à une approche plus politique et, d'un système plutôt statique, nous allons nous tourner vers un dispositif plus dynamique. En d'autres termes, d'une politique de moyens (même s'ils ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions et des attentes), nous passons à une politique de résultat.

Tout à l'heure, la présidente du tribunal de Chartres a dit : « Nous ne sommes pas soumis à une obligation de résultat ». C'est vrai sur le plan de l'acte juridictionnel mais, pour le fonctionnement des juridictions, c'est pourtant ce qui va se passer, désormais. C'est la raison pour laquelle il faut faire très attention à la façon dont nous allons l'évaluer.

Le Parlement, jusqu'à présent, de par la Constitution française, adopte le budget. En réalité, il ne l'adopte pas selon une vision anglo-saxonne qui rend la décision exécutoire. La Constitution française se limite à dire qu'il détermine les ressources et les charges de l'Etat, ce qui explique pourquoi on peut, deux ou trois mois après avoir passé des jours et des nuits pour voter le budget, apprendre que 20 % des crédits ont fait l'objet d'un "gel républicain". En réalité, c'est un gel anti-démocratique, puisque cela va à l'encontre du choix du Parlement, qui s'est prononcé sur une politique qui est mise à mal par un blocage de crédits jusqu'à la fin de l'année, la plupart du temps. C'est le système français.

La nouvelle loi organique relative aux lois de finances, c'est-à-dire, en gros, les nouvelles modalités budgétaires, va améliorer tout ce dispositif pour lui rendre -nous l'espérons en tout cas- une véritable lisibilité vis-à-vis tant du Parlement que des citoyens.

Cela signifie d'abord que, lorsqu'on a des crédits, c'est pour faire quelque chose, et donc pour faire une politique qui doit être clairement comprise pour que tout le monde sache exactement de quoi il ressort.

Ensuite, il ne faut pas que cette politique se heurte à des barrages, des cloisonnements et des contradictions au niveau administratif et politique. C'est la raison pour laquelle, désormais -c'est un grand changement-, le contrôle se fera a posteriori et non plus a priori, comme avant. L'ordonnateur et ses délégués (les ordonnateurs secondaires que sont les chefs de cour ou les ordonnateurs subdélégués et autres) auront donc une disponibilité des crédits, ce qu'on appelle la fongibilité, c'est-à-dire qu'ils vont pouvoir les répartir et les changer et qu'ils ne seront pas bloqués comme auparavant par des titres, chapitres, postes, sous-postes, etc.

Il y aura désormais une mission pour tout le ministère de la justice répartie en programmes à l'intérieur desquels il y aura des actions et les chefs de programme (c'est ainsi qu'on nomme désormais le nouveau dispositif) auront la possibilité de transférer des crédits d'un endroit à un autre. Cela leur donnera plus de responsabilités et de pouvoirs, mais ils devront aussi rendre des comptes et on devra juger leurs résultats à la lumière des politiques qui auront été définies, en se fondant sur des critères de performance.

Je pense que M. Barella aura l'oreille très ouverte, car comment arriver à déterminer des critères de performance en matière de justice ?

Je vais parler à titre personnel. Si on me parle de rendement, je réponds que c'est une catastrophe parce qu'on ne fait pas de la justice à l'abattage, c'est beaucoup plus grave et important que cela. Mais on ne peut pas non plus accepter que des délais énormes s'accumulent et dérangent le justiciable, qui ne comprend plus sa justice.

Il faut donc trouver un équilibre entre la masse de travail, sa complexité et la rapidité avec laquelle ce travail est fait. On en revient à ce que j'évoquais tout à l'heure sur la compréhension de la justice. Je sais que, lorsque j'ai procédé à plusieurs auditions dans le cadre des différents budgets dont j'ai eu à m'occuper au sein de la Commission des lois ou dans le cadre de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, plusieurs magistrats m'ont dit que lorsqu'une décision de justice est bien motivée, le justiciable, même s'il est condamné, la comprend. C'est très important et on ne peut pas bâcler les décisions de justice pour faire du rendement.

Je vous donne un exemple en tant que fonctionnaire européen. J'ai été directeur général du personnel du Parlement européen et j'ai eu affaire avec le tribunal de première instance des communautés européennes et avec la Cour de justice des communautés européennes, étant attaqué pas des collègues qui n'étaient pas contents de mes décisions. Il m'est arrivé de gagner et de perdre, mais je peux vous dire qu'en lisant un arrêt du tribunal ou de la Cour de justice et en voyant le cheminement intellectuel qui se traduisait par cet arrêt, jamais je n'ai dit : « Ils se sont trompés ». Je me suis dit qu'à certains moments, ils ne m'avaient pas compris, mais je comprenais que c'était souvent moi qui m'étais trompé alors que j'étais certain d'avoir raison auparavant.

Par conséquent, une bonne motivation de justice est une chose fondamentale qui doit être prise en compte dans les critères d'évaluation.

Pour autant, il faut aussi que vous-mêmes, au sein de la Chancellerie, tous les magistrats, les greffiers et les fonctionnaires de la justice, vous puissiez bien mettre au point les critères d'évaluation. En effet, nous savons tous que, lorsqu'on a une responsabilité à exercer, tous les critères sont très bien sur le papier, mais qu'il y a les gens que l'on veut avoir avec soi pour travailler et ceux qu'on ne veut pas avoir. Très souvent, il y a ceux qui sont toujours disponibles et prêts à travailler, à offrir leur temps, leurs connaissances et leur savoir sans compter et d'autres qui sont peut-être supérieurement intelligents mais qui préfèrent sortir et faire les 35 heures. Il n'y en a pas chez les magistrats, bien entendu, mais vous savez bien ce que je veux dire.

Le Parlement attend donc de cette nouvelle loi de finances plus de responsabilité pour lui. Vous savez en effet qu'à l'heure actuelle, 94 ou 95 % du budget sont composés de services qui sont déjà votés, qu'il faut renouveler et sur lesquels on n'a donc aucune prise. Il ne reste que peu de choses sur lesquelles on peut intervenir. Avec cette nouvelle loi, on va reparler des 100 % du budget et on va se mettre bien d'accord avec le gouvernement, quel qu'il soit, pour que les politiques qui seront décidées par le Parlement puissent être véritablement exécutées par les ministres, les ordonnateurs et tous ceux que vous êtes. Dans la justice et la magistrature, vous serez tous responsables.

Nous allons donc le suivre attentivement. Nous savons que nous pouvons compter sur la capacité qu'ont tous les magistrats, les greffiers et les fonctionnaires de justice pour exécuter cela, mais il faut une formation adéquate. J'ai été frappé, en visitant les différentes juridictions que j'ai pu rencontrer, de voir des magistrats, des greffiers et des assistants de justice motivés qui en veulent et qui croient en ce qu'ils font. Vous avez un métier passionnant et difficile. Malheureusement, j'ai ressenti aussi beaucoup d'amertume, parce qu'on ne donnait pas les moyens, qu'on encombrait les gens de tâches administratives, etc.

Tout cela va devoir être effectivement revu, mais cela signifie qu'à partir du moment où on vous donne le pouvoir de gérer votre argent, il faudra aussi que vous vous organisiez pour assumer ces responsabilités. C'est fondamental.

C'est cette évolution que nous attendons pour que, finalement, avec des crédits qui ne sont pas illimités, on puisse faire mieux et plus et dans de meilleures conditions. Quelqu'un a dit tout à l'heure que les moyens constituent un élément fondamental.

Une dernière remarque avant d'en terminer. Un point va mériter une réflexion approfondie, aussi bien au niveau du Parlement que des différents ministères : le problème de la gestion du personnel. En tant qu'ancien directeur général du personnel, je m'y intéresse particulièrement. On vous donne les moyens financiers, ce qui est nouveau, mais on ne vous donnera pas les ressources humaines ou, du moins, vous ne pourrez pas y toucher comme vous pourriez parfois le souhaiter. Quand, dans une juridiction, vous n'avez pas assez de moyens en personnel, si on vous donne les moyens financiers, vous ne pourrez pas véritablement remplir les missions qui vous sont confiées, comme cela devrait pouvoir se faire.

C'est donc une réflexion qui doit se poursuivre à ce niveau. Bien entendu, lorsque M. Barella viendra me voir pour que nous discutions ensemble dans le cadre des budgets à venir, je ne veux pas qu'il me fasse de reproches : il n'est pas question de toucher au statut ni à tous les droits et devoirs de la fonction publique des magistrats, des greffiers et autres, mais il faut quand même que l'on revoie, à mon sens -je le dis à titre personnel-, cet équilibre entre les moyens financiers et les ressources humaines sans lequel les politiques ne peuvent pas être véritablement réussies dans tous leurs éléments.

C'est un défi et une chose qui vont demander un changement de culture profond, mais je crois que, tous, nous devons nous prendre par la main pour réussir ce challenge car il en vaut la peine.

(Applaudissements.)

M. Maurice PEYROT -

Cette loi sera appliquée à partir de 2006, mais une expérience est déjà tentée à Lyon. M. Falletti va nous en parler.

M. François FALLETTI -

En effet, ce qui vient d'être rappelé et exposé par M. le Sénateur mérite tout à fait de retenir notre attention et notre détermination. Il est vrai que les moyens ne sont pas extensibles à l'infini. Après tout, nous sommes tous contribuables et nous avons à coeur que l'argent public soit utilisé le mieux possible.

Depuis l'automne dernier, la Cour d'appel de Lyon est déjà engagée dans le travail de ce qui sera le droit commun en 2006. Cela dit, le chemin reste long. C'est un travail difficile et un grand chantier, mais, après tout, peut-être pourrons-nous dégager un certain nombre de choses. La Cour d'appel de Lyon s'est donc engagée dans ce chantier à partir de l'automne 2003 avec la Direction des services judiciaires, comme Mme Zamponi l'a rappelé.

En réalité, nous sommes confrontés aux vraies difficultés de notre institution : il faut anticiper, ce qui n'est pas toujours notre fort, mettre en oeuvre (nous y arrivons, mais nous n'avons pas nécessairement tous les outils) et évaluer, ce qui n'est pas très facile pour nous.

Sur l'anticipation, un certain nombre de choses devraient être intégrées maintenant. Le principe de la nouvelle loi de finances, c'est qu'il faut, dès le printemps de l'exercice suivant, programmer ses plafonds d'emplois, dire de combien de magistrats et de fonctionnaires on aura besoin, et indiquer le montant des crédits nécessaires, après quoi tout cela passe en loi de finances.

Quand nous avons commencé à le faire, au mois d'octobre, c'était évidemment un peu tard et nous avons perdu beaucoup de temps à essayer de bien nous mettre d'accord sur le niveau des plafonds d'emplois. Nous y sommes arrivés, mais anticiper, c'est aussi savoir comment on va faire fonctionner les régies dans le nouveau système. C'est ainsi que nous avons eu des difficultés sur les frais de justice en fin d'année parce que les régies ne pouvaient plus fonctionner dans les mêmes conditions. Il a donc fallu suspendre les paiements au début de l'année 2004. Les leçons sont tirées et nous saurons comment faire ultérieurement.

Nous étions aussi dans l'attente du décret qui a fixé la qualité d'ordonnateur secondaire sur les chefs de cour, décret qui est sorti tout récemment.

Le paysage s'est donc éclairci, mais nous avons vraiment cheminé pendant six mois sur ces difficultés, auxquelles s'ajoutaient et continuent de s'ajouter un certain nombre de choses.

Il faut anticiper sur les plafonds d'emplois, mais comment voulez vous fixer votre plafond d'emplois 2005 sans avoir déjà une idée des conditions dans lesquelles se réalise l'exercice en cours ? C'est là que nous manquons cruellement, encore aujourd'hui, des outils informatiques, des outils d'analyse, des outils d'évaluation qui sont en train d'être mis au point.

De même, l'évaluation se fait à partir d'indicateurs de résultats et de performances qui sont, là aussi, en cours d'affinement avec la Direction des services judiciaires, mais il faudra bien y arriver puisque cela conditionne toute la démarche d'évaluation et d'anticipation. C'est comme un balancement permanent qui va se dérouler.

Si on considère les choses sur le moyen terme, ce sont des éléments porteurs (c'est mon point de vue personnel sans, je pense, faire preuve d'un excès d'optimisme), mais c'est un chantier considérable, d'autant qu'il s'y ajoute la question des frais de justice dorénavant limitatifs, sur laquelle je vais m'arrêter quelques secondes.

Cela signifie que l'on détermine une enveloppe en début d'exercice. Pour la Cour d'appel de Lyon, il a été dit qu'en 2004, nous aurions droit à 12 millions d'euros (M€), plus 3 M€ de réserve nationale, soit 15,3 M€ en tout pour 2004, en se référant forcément aux chiffres de 2002, qui étaient connus au moment où on a déterminé ce niveau. Le problème, c'est que les frais de justice soulèvent des mises en règlement qui sont parfois très différées et que nous avons, au cours des quatre premiers mois de l'exercice 2004, près de 13 % de l'enveloppe qui sont obérés par les règlements de l'exercice antérieur.

Il faudra donc réfléchir sur l'adéquation ou l'adaptation du mécanisme de l'annualité par rapport à la situation particulière des frais de justice, sans quoi nous aurons des difficultés.

Encore un mot sur les frais de justice pour vous montrer à la fois les risques, mais aussi l'intérêt de la démarche. Aujourd'hui, les frais de justice évoluent beaucoup à la hausse pour toutes sortes de raisons que les gens dans la salle connaissent bien : on a notamment de plus en plus recours à des démarches coûteuses, on systématise l'empreinte génétique pour les fichiers, on a recours à des écoutes téléphoniques ou à des interceptions qui sont également très coûteuses, les malfaiteurs utilisent de multiples téléphones mobiles et tout cela coûte évidemment cher. Chacun ici a en mémoire bon nombre d'exemples : les expertises ou les analyses psychologiques qui sont effectuées, les enquêtes de personnalité, etc. Tout cela a un coût et on nous demande d'y avoir recours.

Il s'y ajoute un taux d'élucidation à la hausse qui signifie davantage de mesures qui coûtent, en termes de frais de justice, pendant les gardes à vue. Rien que pour la Cour d'appel de Lyon, pour une enveloppe de 12 M€, on dépense 500 000 € au titre des mesures en garde à vue.

Ce sont des sommes qui s'ajoutent et il est évident que nous avons besoin d'une bonne connaissance de ce que coûtent les actes, d'une part, pour pouvoir présenter notre enveloppe en début d'exercice et, d'autre part, pour essayer de faire un peu de "chasse au gaspi". Je suis de ceux qui pensent qu'on peut lutter contre un certain nombre de dépenses injustifiées. En ce qui concerne les empreintes génétiques, par exemple, il est vrai que, demain, les laboratoires, dont le statut va changer puisqu'ils vont passer en établissements publics, vont facturer en frais de justice. Il faudra donc veiller à ce que les prix n'explosent pas et à faire jouer certains mécanismes de concurrence, dans la qualité, sur ce point précis.

De même, s'agissant des écoutes ou des interceptions téléphoniques, il est tout à fait clair, alors que c'est un chiffre qui représente un pourcentage très important du montant des frais de justice pénaux, que nous avons besoin d'arriver à des économies d'échelle : un juge d'instruction qui prescrit une écoute ou une interception téléphonique risque d'engager une dépense considérable alors que ces opérations regroupées en marché peuvent donner lieu à des économies d'échelle substantielles.

Je passe sur la préservation des scellés et une meilleure gestion d'un certain nombre de gardiennages. J'ai des exemples précis en tête sur lesquels nous pouvons mieux faire.

Sur tous ces points, mieux connaître, c'est mieux gérer, et cela ne doit porter atteinte ni à l'indépendance de la décision du magistrat sur les opérations nécessaires ni, bien sûr, à la qualité globale de la justice telle qu'elle est rendue. Il est clair que ce mécanisme de meilleure connaissance est indispensable et qu'il nous fait encore défaut dans une large mesure.

Nous sommes en train de construire les outils, de les développer et de les consolider, et je pourrais donner beaucoup d'exemples sur le travail qui a été engagé par la Cour d'appel de Lyon depuis le début de l'année sur ces questions de frais de justice ou de détermination d'indicateurs. Je trouve qu'en quelques mois, même si nous avons encore beaucoup de chemin à faire, nous avons parcouru une certaine distance.

Maintenant, mon voeu, puisque je suis dans les locaux de la représentation nationale, c'est que cet effort qui est considérable et qui va être engagé de manière globale par l'institution judiciaire soit bien compris comme un effort de clarté et de transparence interne. En effet, les magistrats ne sont pas là pour dépenser à fonds perdus et sans aucune responsabilité par rapport à leurs décisions. Ils savent bien ce que coûtent les choses et ils ne demandent pas mieux qu'on leur donne les moyens de travailler dans des conditions de qualité qui, en outre, arrivent à ne pas coûter de manière inutile pour la société et la collectivité.

Une fois cet effort réalisé, il faut que les bénéfices de l'opération puissent véritablement être tirés par l'institution. Parmi ceux-ci, il y a la fongibilité (je ne dirai pas asymétrique), c'est-à-dire le fait que ce que nous aurons pu faire puisse être reporté avec beaucoup de souplesse sur un meilleur fonctionnement interne des juridictions. Pour cela, dans une situation dans laquelle nous connaîtrons mieux le fonctionnement et les coûts, nous pourrons continuer d'améliorer la qualité de la justice.

Ma crainte serait qu'à partir du moment où cet effort a été engagé, on dresse une situation de contraintes excessives par rapport à des besoins qui sont tout de même, au fil du temps, en augmentation près régulière et très constante. Certes, il y a le contribuable, mais il y a aussi le justiciable qui a parfois du mal à comprendre pourquoi on n'a pas engagé telle ou telle démarche susceptible de rendre des décisions de qualité.

Voilà le grand enjeu devant lequel nous nous trouvons. Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je pense que, sinon, on passe à côté d'un chantier considérable pour l'institution.

(Applaudissements.)

M. Maurice PEYROT -

Vous avez surtout été très complet. Y a-t-il des réactions sur ce sujet, qui est parfois un peu opaque mais qui, comme M. Falletti vient de le montrer, est capital ?

Mme Lucie LE HOUX , présidente du TGI de Cahors -

En tant qu'ancien juge d'instruction, je suis extrêmement sensible à ce qu'a dit M. le Procureur général sur la nécessité d'engager des sommes pour rechercher à charge et à décharge la vérité dans un dossier d'instruction, mais je voulais signaler un autre point qui m'inquiète un peu et qui est totalement imprévisible : un courrier dont nous avons été destinataires par le secrétariat d'Etat au droit des victimes et qui nous donne l'obligation, avant la fin du mois de juin, de dire comment nous comptons accueillir les victimes (ce que nous faisons déjà), mais aussi comment nous comptons leur donner des salles (ce qui devient plus compliqué) et des accès particuliers (c'est encore plus compliqué).

Il se pose surtout le problème du personnel, que vous avez signalé. J'ai un tribunal dans lequel je n'ai pas d'accueil un certain nombre d'heures par jour (je fais parfois l'accueil moi-même, ce qui surprend les gens), et je crains que les victimes ne disposent pas de moyens en personnel que je ne peux pas leur donner puisque je ne les ai pas.

M. Renaud CHAZAL de MAURIAC , premier président de la Cour d'appel de Paris -

La loi organique relative aux lois de finances repose sur deux principes auxquels il faut adhérer sans réserve : permettre au Parlement de mieux contrôler la dépense publique et imposer aux administrations de se fixer des objectifs et de déterminer les moyens humains et financiers nécessaires pour les atteindre. C'est une révolution culturelle, comme vous l'avez justement indiqué, et nous y adhérons pleinement.

Ce qui nous inquiète, c'est l'exigence technocratique qui se dessine derrière et qui est porteuse de perversité. En effet, je pense que nous n'allons pas vers une suffisante progressivité de la mise en musique du nouveau dispositif.

Il faut savoir qu'aujourd'hui, nous n'avons pas de normes de travail reconnues pour les magistrats. Nous n'avons même pas de normes de travail reconnues pour les fonctionnaires de justice. Il faudra du temps pour y parvenir car c'est une chose extrêmement délicate. Tout le monde comprendra en un mot que mille affaires correctionnelles à Nice ne valent pas mille affaires correctionnelles à Brest... (Rires.)

Nous sommes donc en présence d'un premier défi qui est celui des références d'activité.

Nous avons un deuxième défi qui a été très justement exposé par M. Falletti et qui est celui de l'anticipation et de la prévision. Nous avons une capacité d'expertise qui est aujourd'hui insuffisante.

Nous avons un troisième défi qu'il faut donner en chiffres : la Cour d'appel de Paris aura une enveloppe globale d'environ 270 M€ sur laquelle 150 M€ correspondent à des dépenses de rémunération, environ 50 M€ à des dépenses de fonctionnement et 60 M€ à des frais de justice. Les frais de justice ont augmenté, dans ce ressort, en un an, de 5 M€. En cinq ans, cela fait 25 M€, ce qui représente la moitié des dépenses de fonctionnement.

Sur les frais de justice, environ 60 %, parfois plus, sont des frais générés par des décisions de la police ou de la gendarmerie, c'est-à-dire des décisions sur lesquelles nous n'avons pas un contrôle complet.

Nous sommes passés de la religion de l'aveu, qui était sans doute contestable, à l'approche scientifique de la preuve. Cela a un coût et on ne peut pas à la fois nous dire un jour : « Il est indispensable que vous modernisiez vos approches et que vous vous mettiez au niveau de certaines démocraties plus avancées que nous en matière de détermination des éléments de preuve » et, un autre jour : « Vous vous débrouillez avec l'enveloppe qui va vous être donnée. Si vous avez une dépense de frais de justice qui s'accroît, vous prendrez sur les dépenses de fonctionnement ! » C'est un discours qui n'est pas acceptable.

Je terminerai en disant que nous sommes en présence d'un défi que nous sommes tous prêts à relever, qui, à mon avis, est fondé sur une analyse très saine de ce que doit être le management de l'institution judiciaire, mais auquel on nous a très mal préparés. Il faudra donc faire preuve peut-être d'un peu de patience.

(Applaudissements.)

M. Maurice PEYROT -

Merci beaucoup.

M. Christian COINTAT -

Je tiens à remercier M. le Premier Président de ses remarques qui sont frappées au coin du bon sens et qui prouvent qu'il maîtrise bien la question, mais il reste deux écueils qu'il n'a pas évoqués.

Le premier est ce que j'appelle le "condominium". Quand j'étais jeune, j'ai travaillé aux Nouvelles-Hébrides (le Vanuatu aujourd'hui) et cela rejoint bien la dualité de la décision. Dans l'ordonnateur secondaire, il y a la dualité de la décision et il faudra prendre à deux des mesures d'anticipation, d'évaluation et donc de prospective qui touchent des domaines aussi faciles à régler que les bâtiments, le coût de la procédure pénale, les dépenses du civil, etc.

Cela va être extrêmement difficile, mais, d'un autre côté, cela obligera chacun à prendre des responsabilités nouvelles sur lesquelles, finalement, on était content de se débarrasser sur les contrôleurs financiers et autres procédures de contrôle a priori. Maintenant, il faudra rendre des comptes ensuite. C'est la première des deux difficultés.

La seconde est plus grave : le ministère des finances va-t-il véritablement se mettre sur la nouvelle planète dont j'ai parlé ? Va-t-il changer ? Si c'est le cas, tout marchera bien. Sinon, j'ai peur que cela ne marche pas. C'est la raison pour laquelle je peux vous dire que les commissions des finances, tant du Sénat que de l'Assemblée nationale, sont extrêmement vigilantes à ce sujet. On peut donc espérer que cela marche, mais, comme Alphonse Allais, je ne ferai pas de prévision parce que c'est dangereux, surtout quand cela concerne l'avenir !

(Rires, applaudissements.)

M. Maurice PEYROT -

Merci. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez trente secondes pour conclure, mais vous savez le faire.

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT -

Tout d'abord, je vous remercie, au nom des parlementaires, en particulier du Sénat, de nous avoir dit ce que, d'après vous, est, doit être et pourrait être l'évolution en matière de déontologie des magistrats, car c'est évidemment au Parlement que, si un projet de loi est déposé, il appartiendra de décider.

En ce qui concerne le budget, ce que nous avions n'était pas satisfaisant. C'est le président Edgar Faure qui, je crois, définissait la discussion budgétaire par trois mots : liturgie, litanie, léthargie... (Rires.) Cela ne servait pas à grand-chose puisqu'on n'avait pas beaucoup de prise dessus ; c'est le moins que l'on puisse dire...

On nous propose un autre système qui me paraît très compliqué et extrêmement difficile à mettre en oeuvre, sachant qu'il faut prévoir encore les charges nouvelles. La loi Perben 2, par exemple, dont j'ai déjà parlé, prévoit qu'il y aura des juridictions interrégionales et donc des frais de déplacement beaucoup plus importants pour tout le monde, la protection des témoins et l'infiltration. Tout cela devra être pris en compte.

Il arrive aussi que des ministres de l'intérieur (je parle à titre personnel et je n'engage pas le Sénat dans sa majorité, évidemment) prévoient des lois de programme qui sont ensuite remises en cause par des ministres de l'économie et des finances. Serons-nous à l'abri du gel en la matière ? Ce n'est pas sûr. Il y aura une expérience à faire et nous la ferons ensemble en 2006, c'est-à-dire juste avant 2007. Je souhaite à la majorité bien du plaisir !

(Applaudissements.)

M. Maurice PEYROT -

Merci. Les travaux reprendront cet après-midi dans cette même salle.

* * *

Complément écrit à l'intervention de M. Christian RAYSSEGUIER :
« Quel mode d'emploi pour la mise en oeuvre de la loi organique
relative aux lois de finances ? »

Le poids des difficultés financières de l'Etat conjugué à ses engagements externes, impose à toutes les administrations une maîtrise accrue de la performance, c'est-à-dire l'obligation d'obtenir les meilleurs résultats avec les moyens disponibles. Cette exigence d'efficience s'impose à tous les services publics de l'Etat y compris à la justice dont le Conseil constitutionnel rappelle que « si l'on admet que la justice est un service public, il est indéniable qu'il s'agit d'un service public spécifique dont l'existence et le fonctionnement sont exigés par la Constitution » .

La justice n'échappe donc pas à ces exigences de rigueur et de rationalisation budgétaire et ce, même si un effort particulier a été consenti pour le budget de notre ministère en augmentation très sensible au cours des dernières années (29 % en cinq ans) et dont la loi d'orientation et de programmation votée le 9 septembre 2002 prévoit, pour les cinq années à venir, la mobilisation de moyens de fonctionnement et d'investissement importants.

Ce contexte budgétaire nécessite une mobilisation importante de tous les responsables centraux et locaux pour définir et mettre en oeuvre une politique budgétaire rationnelle. Croire que l'amélioration du service public de la justice n'est conditionnée que par l'augmentation de ses moyens serait une erreur préjudiciable à l'institution.

Par ailleurs, les réformes en cours, réforme de l'Etat, relance de la déconcentration, mise en place de nouvelles procédures budgétaires issues de la L.O.L.F. imposent à toutes les administrations de nouveaux modes de pilotage.

Avec la L.O.L.F., c'est une véritable révolution sur le plan budgétaire, « on change de planète ». D'une vision statique on passe à une vision dynamique, d'une approche comptable, on passe à une approche politique, d'une politique de moyens, on passe à une politique de résultats. Il s'agit moins désormais d'édicter des normes et d'imposer des modèles de fonctionnement que d'être en mesure d'élaborer des objectifs, de mobiliser les acteurs autour de grands projets, de donner sens et cohérence à leurs initiatives et de les aider dans l'incertitude qui peut parfois être la leur face aux situations qu'ils connaissent. C'est aussi évaluer les résultats obtenus et ainsi pouvoir corriger, adapter les stratégies mises en oeuvre.

Dans ce nouveau contexte, l'inspection générale des services judiciaires, comme toutes les inspections générales des autres ministères, connaît une évolution sensible de ses missions d'évaluation des services et des juridictions. Elle constate le développement de ses fonctions d'audit, d'expertise et de conseil et devient l'un des acteurs de la mise en oeuvre de la L.O.L.F.

Mais avant d'évoquer le rôle spécifique de l'inspection générale dans la mise en oeuvre de la L.O.L.F. et les nécessaires mutations de son statut, je souhaite vous livrer quelques analyses et réflexions de l'inspection générale sur les évolutions nécessaires de la gestion et de l'administration des juridictions, au regard notamment du travail réalisé en 2003 sur l'évaluation des services administratifs régionaux (S.A.R.).

I - Une nécessaire professionnalisation des fonctions de gestion et d'administration au sein des services judiciaires

Pour certains, l'indépendance de l'institution judiciaire implique que le magistrat administre lui-même. Pour d'autres, elle ne devient réalité que si le juge est déchargé de toute tâche de gestion.

La plupart des pays européens ont adopté des pratiques intermédiaires. C'est également le cas de la France qui a choisi de confier aux chefs des cours d'appel, selon le principe de la dyarchie, la co-responsabilité de l'administration et de la gestion des juridictions.

Il est essentiel que la déconcentration ne génère pas de phénomènes de dépendance des responsables judiciaires à l'égard des autorités administratives régionales ou locales. L'administration et la gestion des moyens de l'institution judiciaire doivent demeurer sous la responsabilité des magistrats qui doivent être en capacité d'opérer les choix stratégiques .

C'est une des raisons pour lesquelles, le garde des Sceaux, avec l'accord du ministère des finances, a fait le choix d'attribuer aux chefs de cour la qualité d'ordonnateur secondaire et de personne responsable des marchés (P.R.M.), ce qui était déjà le cas pour les juridictions administratives depuis plusieurs années.

La responsabilité des chefs de cour devient donc de plus en plus lourde ; ils seront désormais passibles de la cour de discipline budgétaire.

Les moyens et les pouvoirs qui leur sont délégués sont de plus en plus importants :

- plus de 98 % des crédits de fonctionnement des juridictions et des crédits vacations sont désormais déconcentrés

- le principe de la fongibilité (asymétrique) des crédits nécessitera des choix importants sur une masse de crédits qui sera multipliée par 8.

Ce nouveau mode de pilotage des juridictions induit impérativement la professionnalisation de la gestion.

Aussi, est-il indispensable que les chefs de cour bénéficient d'une formation continue adaptée à ces nouvelles responsabilités afin de leur permettre d'effectuer des choix éclairés . Pour ce faire, l'école nationale de la magistrature en liaison avec les conférences des premiers présidents et des procureurs généraux va organiser, pour la première fois cette année, des cycles de formation à destination des chefs de cour. Il convient d'ajouter que les chefs de juridiction et de greffe bénéficiaient déjà d'une telle formation, communément appelée « formation des cadres ».

Il est tout aussi indispensable que les chefs de cour bénéficient de l'assistance de spécialistes de la gestion et de l'administration . La création des SAR (services administratifs régionaux) en 1996 a été une étape essentielle dans cette professionnalisation : en effet, pour la première fois, du personnel des services judiciaires (greffiers en chef et greffiers) était affecté de manière exclusive aux tâches de gestion et d'administration.

Les SAR, placés sous l'autorité directe des chefs de cours, ont compétence dans les domaines de la gestion budgétaire, de la gestion des ressources humaines, de l'informatisation déconcentrée et de l'immobilier, pour ce qui est de l'entretien des bâtiments.

L'étude de l'inspection générale sur ces services a permis de mettre en évidence qu'une meilleure optimisation de l'emploi des ressources humaines et budgétaires des juridictions nécessitait, d'une part de créer au sein des services judiciaires une filière d'administrateurs ayant vocation à intégrer, dans le cadre d'une mobilité, d'autres administrations, d'autre part d'avoir recours à des spécialistes d'autres corps de l'Etat.

Enfin, une gestion efficace suppose la mise à disposition des responsables, d'outils performants de management. Tel est notamment le cas du contrôle de gestion qui s'impose avec l'entrée en vigueur de la L.O.L.F.

Début 2004, l'inspection générale a été chargée par le garde des Sceaux de mettre en oeuvre le contrôle de gestion dans les services judiciaires. Pour cette mission, l'I.G.S.J. est assistée de l'inspection générale des finances.

Il s'agit de fournir aux responsables de chaque échelon hiérarchique les indicateurs pertinents qui leur permettront de mesurer l'activité des services et des juridictions et d'apprécier les moyens nécessaires pour en optimiser les résultats.

Un groupe de travail composé des directions de l'administration centrale et de représentants des juridictions (chefs de cour et de juridiction, représentants des SAR et des greffes) a été mis en place en avril 2004. Dans un premier temps, le groupe s'emploie à définir quatre types d'indicateurs : les données de contexte socio-économique, les indicateurs d'activités (civile, pénale et administrative), les indicateurs de gestion budgétaire et enfin, les données de gestion des ressources humaines. Ce travail sera achevé à la mi-juillet.

Au cours du dernier trimestre, le groupe élaborera les tableaux de bord qui seront utilisés à chaque échelon hiérarchique par les juridictions du premier degré, les cours d'appel et l'administration centrale et constitueront les données objectives nécessaires à l'instauration d'un dialogue de gestion constructif.

L'objectif assigné à l'inspection générale consiste à développer, dès le premier trimestre 2005, un contrôle de gestion « rudimentaire », « rustique », avec les indicateurs actuellement disponibles (indicateurs financiers, indicateurs d'activité civile et pénale, indicateurs de ressources humaines et indicateurs d'environnement) et des éléments de comparaison (moyennes nationales, moyennes de groupe). Le développement des outils informatiques, en particulier la création d'un Info centre national devrait permettre, à un horizon de quatre à cinq ans, de mettre en place un contrôle de gestion complet.

Venons-en maintenant au rôle spécifique de l'inspection générale dans la mise en oeuvre de la L.O.L.F.

II - Le rôle spécifique de l'inspection générale dans la mise en oeuvre de la L.O.L.F. i

En premier lieu, l'inspecteur général est membre de droit du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) , comité créé par décision du comité interministériel sur la réforme de l'Etat (CIR) du 15 novembre 2001.

Le CIAP, présidé par un inspecteur général des finances, réunit les corps de toutes les inspections générales. Il est chargé de réaliser l'audit des programmes définis par les différents ministères dans le cadre de la nouvelle structuration budgétaire induite par la L.O.L.F.

Les premiers audits, débutés en 2004, dits « audits initiaux » ou de structuration, sont réalisés en amont de la présentation du programme dans le projet de budget soumis au Parlement. Ces audits croisés ont notamment pour objet d'évaluer la cohérence du périmètre des programmes, la pertinence et la qualité des indicateurs de résultats, la fiabilité et la stabilité des processus qui permettent de les obtenir.

Un inspecteur général adjoint a été désigné pour assister aux réunions du CIAP. Un inspecteur, et bientôt deux, participe aux audits. Ils ont reçu une formation spécifique dispensée par le CIAP avec l'aide notamment de l'inspection générale des finances.

Un des inspecteurs va participer, au cours du dernier trimestre 2004, à l'audit d'un programme du ministère de l'intérieur (programme Police Nationale). Actuellement, il dirige l'audit de deux programmes du ministère de la justice (programme « Accès au droit » et programme « Soutien »).

A compter de 2006, date d'entrée en vigueur de la L.O.L.F., le CIAP procédera aux audits dits « de réalisation ». Ces audits, réalisés a posteriori, ont pour objet de s'assurer de la réalité des résultats et des informations contenues dans le rapport annuel de performance présenté au Parlement.

En deuxième lieu, l'inspection générale participe depuis deux ans maintenant, en qualité d'expert, aux différents travaux en cours au sein du ministère de la justice sur la mise en oeuvre effective de la L.O.L.F. Elle a ainsi apporté sa contribution à la définition du périmètre des programmes et aux choix des objectifs et des indicateurs.

Enfin, l'I.G.S.J. participe au contrôle de la qualité des contrôles internes mis en place au sein de toutes les directions du ministère de la justice et pourrait participer à la rédaction du rapport annuel de performance présenté au Parlement, tout comme elle est chargée de la préparation du rapport du garde des Sceaux au Parlement sur la première année (2003) d'exécution de la loi de programmation pour la justice (L.O.P.J.) .

Conclusion

Les nouvelles missions ainsi confiées à l'inspection générale et les exigences d'efficacité et d'optimisation des moyens qui s'imposent bien évidemment aussi à l'I.G.S.J., conduisent à une réflexion sur une éventuelle réforme de ses statuts.

Depuis bientôt un an, les membres de l'inspection générale ont entrepris un travail de réflexion et d'élaboration du projet de service de l'I.G.S.J. dans lequel est exposé le statut actuel de l'inspection et de ses inspecteurs, son organisation interne, la nature et l'étendue de ses missions, la déontologie de ses membres, la méthodologie suivie au cours de leurs travaux et les modalités de suivi de leurs préconisations. Ce projet sera adopté dans les prochaines semaines et présenté au garde des Sceaux.

Élaboré à droit constant, ce travail a également été l'occasion d'évoquer les perspectives d'évolution de l'inspection générale qui doivent lui permettre de répondre de manière encore plus efficace aux nouvelles missions qui sont les siennes notamment celles liées à la recherche d'une meilleure efficience des juridictions et services dépendant du ministère de la justice.

À la différence des inspections générales des autres ministères, l'inspection générale des services judiciaires n'est pas un corps. Cela signifie d'une part que l'on ne fait pas carrière à l'inspection, d'autre part que seuls les magistrats peuvent être nommés en qualité d'inspecteurs. Le recours à des compétences extérieures ne peut se faire que dans le cadre de missions ponctuelles ; les membres d'autres administrations ou d'autres corps de l'État ne peuvent être nommés à l'inspection générale qu'en qualité de chargés de mission ; ce statut limite grandement les candidatures extérieures.

Parmi les mesures prévues dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme du ministère de la justice (SMR), figure une réforme globale de l'inspection qui « consisterait, notamment, à regrouper, dans une inspection générale du ministère de la justice, véritable corps d'inspection, l'ensemble des services d'inspection technique du ministère et à faire bénéficier l'inspection du concours permanent, comme inspecteurs, de professionnels venant d'autres ministères et spécialisés dans le contrôle de gestion, l'audit et les questions budgétaires » .

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