Les quatrièmes et cinquièmes rencontres sénatoriales de la justice



Colloques organisés par M. Christian Poncelet, président du Sénat - Palais du Luxembourg - 20 juin 2006 et 5 juillet 2007

LES 5èmes RENCONTRES SÉNATORIALES DE LA JUSTICE

JEUDI 5 JUILLET 2007

Palais du Luxembourg

Compte rendu des débats

La séance est ouverte à 9 h 35.

M. Emmanuel KESSLER .- Mesdames et Messieurs, bonjour et bienvenue dans cette salle pour assister aux 5 èmes Rencontres sénatoriales de la justice enregistrées sur la Chaîne parlementaire. J'aurai le plaisir de vous accompagner, pour Public Sénat, sur l'ensemble de la matinée. Au cours de cette matinée, nous allons accueillir un certain nombre de sénateurs, et vous-mêmes, en tant que professionnels de la justice, vous aurez l'occasion de vous exprimer sur toutes les questions de fond sur lesquelles travaille actuellement le Sénat.

Auparavant, pour ouvrir solennellement et officiellement ces Rencontres et vous donner le contexte dans lequel elles se déroulent, M. Christian Poncelet, Président du Sénat, va vous souhaiter la bienvenue au palais du Luxembourg.

Intervention de M. Christian Poncelet, Président du Sénat

M. Christian PONCELET .- Je vais tout d'abord solliciter votre indulgence et vous demander de m'excuser pour le retard avec lequel j'ouvre votre colloque. J'ai dû installer, pour sa première intervention au Sénat, Mme le Garde des Sceaux, Ministre de la justice, qui intervient aujourd'hui dans un débat concernant la peine plancher. C'est la première fois qu'elle intervient dans notre assemblée et, par conséquent, surtout s'agissant d'une femme, l'élégance commande que le Président l'accueille. C'est ce que j'ai fait avec plaisir.

Mes chers collègues, monsieur le Premier Président, mesdames et messieurs les magistrats et fonctionnaires de justice, monsieur le Bâtonnier, mesdames et messieurs les avocats, mesdames et messieurs, je suis heureux de vous accueillir une nouvelle fois cette année au Sénat. Ces rencontres sont en effet, pour moi et l'ensemble de mes collègues, une occasion de remercier les chefs de cour et chefs de juridiction, magistrats et fonctionnaires pour l'accueil qu'ils ont bien voulu réserver aux sénatrices et sénateurs au sein des juridictions. Ils auront l'occasion de vous le dire dans quelques instants.

Je vous demande de noter que le Sénat est la seule assemblée démocratique qui envoie ses élus en stage dans les entreprises, les institutions judiciaires et les forces armées. Bien sûr, ils y vont volontairement, puisque c'est une proposition qui leur est faite et que nombreux sont celles et ceux qui y souscrivent. Sur 331 sénatrices et sénateurs, presque 300 ont accompli ces stages et les ont même renouvelés. En la circonstance, je respecte les recommandations de mon ministre prédécesseur vosgien, Jules Ferry, qui disait : « Le Sénat est là pour veiller à ce que la loi soit bien faite ». Encore faut-il pour cela que ceux qui la construisent appréhendent bien la matière sur laquelle ils vont légiférer. Je me réjouis donc de cette démarche.

Je sais que les sénatrices et sénateurs ont toujours été bien accueillis dans les institutions judiciaires et qu'eux-mêmes ont été heureux de rencontrer les hommes et femmes de justice, et inversement.

Je tiens donc à vous dire combien je suis attaché à ces stages et combien j'en suis fier. J'ai souhaité, dès le début de mon mandat, que le Sénat s'ouvre davantage sur le monde professionnel. Les stages des sénatrices et sénateurs dans les juridictions, les entreprises et les forces armées ont contribué à ce que j'ai appelé la politique d'ouverture. Ils nous permettent de découvrir des secteurs d'activité essentiels à la vie de la nation.

C'est la cinquième année que ces stages se déroulent au sein des cours d'appel et des tribunaux de grande instance et plus de la moitié des sénatrices et sénateurs en ont effectué un, voire deux pour certains d'entre eux.

La justice change, se modernise et évolue dans des circonstances parfois difficiles avec des contraintes lourdes (pressions médiatiques, sécurité des tribunaux, réforme budgétaire et comptable, inflation législative), mais sans qu'il soit porté atteinte à son indépendance et à sa mission de gardienne des libertés individuelles. Cette impérieuse nécessité et cette haute mission, essence de la justice, sont au coeur de ce qu'on appelle communément le pacte républicain. Le Sénat, qui ne les méconnaît pas, saura les faire vivre dans le cadre des réformes à venir.

Ces changements et cette modernisation, mes collègues peuvent, à l'occasion des stages, les constater et en discuter avec tous les acteurs de la vie judiciaire : magistrats, avocats, fonctionnaires, travailleurs sociaux, policiers et gendarmes et, bien sûr, avec les justiciables eux-mêmes. Pour autant, je sais que ces stages nous sont précieux à tous ici lorsque nous faisons, nous, sénatrices et sénateurs, ce qui est notre vocation : la loi. L'expérience acquise, les relations nouées, les sites visités pendant ces stages nous permettent de légiférer avec, je veux le croire, un peu plus de clairvoyance et de sagesse, imprégnée du bon sens local.

Tout comme ces stages qui ne sont pas directement rattachés au processus législatif mais le nourrissent, l'activité des commissions et délégations du Sénat n'est pas systématiquement liée à l'actualité législative. Ce n'est ni le lieu, ni le moment de reprendre ici les débats qui, pour certains, se sont déroulés récemment dans l'hémicycle.

Evoquant l'hémicycle, permettez-moi de citer Mme la Ministre de la justice, Mme Rachida Dati, qui, dans quelques instants, va présenter son projet de lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs dans la salle des séances, ce qui explique qu'elle ne puisse être des nôtres en cet instant.

Ce travail de fond hors actualité législative que mène le Sénat est fait d'auditions, rapports et autres activités grâce auxquels il se construit un regard propre, solide et cohérent nous avons la faiblesse de le penser sur la société. Cela lui permet d'être parfois à l'origine de réformes importantes et d'être toujours à l'écoute de la société française.

Je parlais tout à l'heure du travail que nous recommandait Jules Ferry. J'ai noté dans mon prochain rapport que plus de 94 % des amendements présentés par le Sénat sont repris par le gouvernement et l'Assemblée nationale. C'est manifestement un compliment que nous pouvons nous adresser à nous-mêmes. Si d'autres ne le font pas, nous sommes bien obligés de le faire.

Ce sont ces travaux à propos desquels j'ai souhaité cette année, à l'occasion de ces cinquièmes rencontres, retenir votre attention. Ils illustrent, je crois, le souci de la Haute Assemblée, que j'ai l'honneur de présider, d'être toujours en prise avec l'institution judiciaire et ses missions.

Il s'agit également d'un juste retour des choses. Ils sont souvent nourris des auditions ou des contributions de certains d'entre vous : magistrats, responsables d'administration centrale, syndicalistes, représentants des mouvements associatifs, etc. Bien sûr, la liste n'est pas exhaustive.

Parce que les meilleurs d'entre nous devaient contribuer à ces rencontres, j'ai sollicité pour intervenir ici le Président de la Commission des finances, le Président de la Commission des lois et le Président de la Délégation pour l'Union européenne afin qu'ils présentent les travaux de leurs commissions et délégation. Mais, bien sûr, les sénateurs de toutes tendances pourront intervenir, faire part de leurs observations, de leurs sentiments et, éventuellement, de leurs ressentiments afin de nourrir ce débat.

J'ai également sollicité deux collègues membres de la Commission des lois sur des thèmes particuliers sur lesquels ils ont conduit d'importantes réflexions.

Le Président de la Commission des finances, Jean Arthuis, confrontera la valeur qui fonde la justice, son indépendance, à l'exigence de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 : rendre des comptes sur l'emploi des fonds publics. Ce sera sans doute également pour lui l'occasion d'évoquer les avancées constatées en matière de frais de justice. Elles démontrent la capacité de l'institution à concilier impératifs budgétaires, efficacité et indépendance.

Le Président de la Commission des lois, Jean-Jacques Hyest, évoquera le travail de sa commission, naturellement en charge des questions de justice. Je sais par ailleurs qu'il vous parlera d'un sujet qui lui tient particulièrement à coeur et à propos duquel il vient de rendre, avec nos collègues Portelli et Yung, un important rapport intitulé « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent ».

Le Président de la Délégation pour l'Union européenne, Hubert Haenel, nous apportera l'indispensable éclairage européen sur ces questions qu'il connaît parfaitement.

Le Sénateur Charles Gautier vous présentera pour sa part le résultat de la mission qu'il à menée avec le Sénateur Pierre Fauchon sur le recrutement et la formation des magistrats, démontrant ainsi que ce n'est pas parce qu'une loi vient d'être votée qu'un sujet perd de son actualité.

Enfin, le Sénateur Jean-René Lecerf vous présentera le résultat des auditions menées par la Commission des lois sur la question si importante pour les familles de la résidence alternée.

Mesdames et Messieurs, je souhaite que cette matinée vous permette ainsi de mieux comprendre et, je l'espère, d'apprécier la façon dont le Sénat travaille, de démontrer l'intérêt qu'il porte à la justice et de faire connaître les résultats de ses réflexions. Que celles-ci vous incitent à débattre et à prolonger le dialogue engagé, au cours de futures rencontres.

Je vous souhaite bon courage et un bon travail en vous remerciant d'avoir eu la gentillesse de m'écouter. Bonne journée à tous.

(Applaudissements.)

M. Emmanuel KESSLER .- Merci de votre intervention, Monsieur le Président, qui a rappelé le cadre dans lequel se déroulent ces 5 èmes Rencontres.

Le déroulement de notre matinée va être un peu perturbé du fait du débat, qui a lieu actuellement dans l'hémicycle, sur le projet de loi concernant la récidive, certains des sénateurs qui sont à mes côtés devant « naviguer » entre notre salle et l'hémicycle où ils doivent participer, voire intervenir dans une partie du débat. C'est notamment le cas du Président de la Commission des lois, Jean-Jacques Hyest, qui va nous rejoindre tout à l'heure. Je vous propose donc que nous nous adaptions à la présence des uns et des autres en adoptant un ordre d'intervention différent de celui qui est indiqué sur votre programme compte tenu de ces impératifs.

Nous allons tout d'abord entendre les témoignages de ce que certains sénateurs ont vécu ces derniers mois à travers les stages qu'ils ont suivis dans des juridictions. Comme cela a été souligné par M. Poncelet, une quinzaine de stagiaires sénateurs se sont rendus dans différents tribunaux pour en voir le fonctionnement et en retirer des témoignages et je sais que c'est une chose à laquelle le monde de la justice est désormais très attaché.

Nous aborderons ensuite les différents thèmes évoqués tout à l'heure par M. Poncelet à travers un point liminaire de chacun des sénateurs qui ont travaillé sur ces questions.

Nous ménagerons également, après chaque intervention, un temps de débat avec vous, en nous fixant un maximum d'une demi-heure par thématique afin que cette rencontre soit la plus interactive possible et que s'instaure cet esprit d'échange avec le Sénat qui mène actuellement non seulement son travail législatif mais aussi, comme le disait M. Poncelet à l'instant, une réflexion de fond pour faire avancer la réflexion sur des questions qui, demain, feront peut-être l'objet de nouveaux projets de loi, en dehors de l'activité législative immédiate, tout en facilitant cet échange entre les sénateurs qui mènent ce travail et vous-mêmes qui travaillez au coeur du fonctionnement de la justice.

Le premier à intervenir sera Jean-Pierre Michel, qui a le privilège d'être Sénateur de Haute-Saône et magistrat d'origine et qui a lui-même effectué un stage au Tribunal de grande instance de Bobigny, une juridiction très sollicitée dont on parle beaucoup, d'autant qu'il a été au tribunal pour enfants entre le 11 et le 14 mars 2007.

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