Premières Rencontres Sociales du Sénat - La santé



Sénat - Palais du Luxembourg - 24 octobre 2005

Ouverture

Alain MILON, Sénateur du Vaucluse

Au nom de Christian Poncelet, Président du Sénat, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à l'occasion de ses premières « Rencontres sociales » consacrées à la santé. Avec plus de 350 milliards d'euros de recettes annuelles, le secteur de la santé est au coeur des préoccupations des Français. Depuis plus de trois ans, d'importantes réformes ont été menées à bien. L'heure est aujourd'hui à l'information et à l'explication de ces réformes sur le terrain.

Il est de la responsabilité du Sénat, assemblée législative à part entière, contrôleur vigilant de l'action gouvernementale et avocat des collectivités locales, d'évaluer la mise en oeuvre de ces réformes, notamment à l'occasion de la mise en place de l'acte II de la décentralisation.

C'est pourquoi Christian Poncelet, Président du Sénat, retenu dans son département, a souhaité organiser ces « Rencontres Sociales du Sénat », avec le soutien de l'ensemble des sénatrices et des sénateurs, ainsi qu'un grand nombre de partenaires économiques et de medias auxquels j'adresse en son nom les remerciements les plus sincères.

Chaque année, ces Rencontres sociales porteront sur un thème particulier. Cette année, le thème retenu est la santé. Il s'agit d'une occasion de faire le point, plus d'un an après l'adoption de la loi relative à l'assurance maladie, sur laquelle le Sénat et plus particulièrement la Commission des affaires sociales se sont fortement impliqués. Cette manifestation se déroule d'ailleurs à quelques jours de l'examen par le Sénat du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2006. Ce cadre d'examen et d'adoption rénové et modernisé des dépenses de santé devrait nous permettre de mieux légiférer en étant mieux informés.

Tout au long de cette journée, les nombreux intervenants sont invités à retracer le parcours du soin au fil de quatre tables rondes respectivement consacrées au patient, à l'offre de soin, à la décision et au financement.

Je tiens à saluer plus particulièrement les grandes écoles partenaires de ces rencontres, HEC et l'Ecole Nationale de Santé Publique de Rennes, qui se sont fortement impliquées dans la conception de ce programme. Tout au long de cette manifestation, un espace de rencontres, d'échanges et de démonstration vous permettra de mieux vous informer et de vous rencontrer. Profitez-en.

Permettez-moi pour conclure de me réjouir que ces « Rencontres Sociales du Sénat » aient lieu ce 24 octobre 2005, mois du soixantième anniversaire de la création de la Sécurité Sociale sur laquelle est fondé notre pacte social républicain. Je tiens à cette occasion à remercier le ministère de la Santé et des Solidarités de sa précieuse collaboration, puisqu'il nous a prêté l'exposition installée dans l'entrée du Sénat.

Je vous souhaite une excellente journée et de fructueux débats. Je cède à présent la parole à Monsieur Xavier Bertrand, ministre de la Santé et des Solidarités, à qui j'adresse au nom du Président du Sénat, de l'ensemble des sénatrices et des sénateurs et de tous les participants de cette rencontre, nos chaleureux remerciements pour sa présence parmi nous ce matin.

Xavier BERTRAND, Ministre de la Santé et des Solidarités

Je veux saluer l'initiative du Président Poncelet, à l'origine de ces « Rencontres Sociales du Sénat » consacrées à la santé. Elles témoignent de l'intérêt que porte la Haute Assemblée aux questions de société. En effet, pour accomplir un travail législatif de grande qualité, il est nécessaire d'être ouvert sur les débats qui animent la société civile.

Parmi tous ces enjeux sociaux, la santé est primordiale, car elle touche l'ensemble des Françaises et des Français dans leur vie quotidienne. La Sécurité Sociale, en ayant permis l'égal accès aux soins pour tous, est un des points d'ancrage de notre pacte social.

La Sécurité Sociale est aujourd'hui confrontée à un certain nombre de défis. En effet, si la Sécurité Sociale va mieux, elle n'est pas encore guérie d'un certain nombre de ses maux. Il nous a ainsi fallu à la fois réorganiser notre offre de soins. Cependant, les enjeux du vieillissement et de la dépendance, des maladies comme le cancer ou Alzheimer sont autant de défis que nous devons relever ensemble.

Plusieurs réformes importantes sont intervenues ces trois dernières années. Je pense d'abord à la réforme de l'assurance maladie mise en oeuvre par la loi du 13 août 2004, mais aussi au Plan Hôpital 2007, engagé en 2003. Il s'agit enfin de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004. Toutes ces mesures poursuivent le même objectif : mieux gérer et mieux organiser notre système de soins pour permettre le développement de sa qualité, et la prise en compte des priorités qui seront à l'origine de l'amélioration de la santé de nos concitoyens au XXIème siècle.

I. Le rôle majeur de la Sécurité Sociale dans les progrès en termes de santé de nos concitoyens.

La Sécurité Sociale, dont nous venons de fêter le soixantième anniversaire, est fondée sur deux valeurs, l'universalité et la solidarité, inscrites dans notre tradition républicaine. Il en résulte un principe simple : si chacun cotise selon ses moyens, chacun est soigné selon ses besoins.

Ce système est à l'origine d'améliorations marquantes en termes de santé publique. L'augmentation continue de l'espérance de vie en apporte la preuve. C'est aujourd'hui la deuxième au monde pour les femmes, et l'une des causes en est l'accès aux soins pour tous. Au-delà de la branche maladie, les autres branches de la Sécurité Sociale contribuent à la santé de nos concitoyens, notamment en leur assurant un niveau de vie leur permettant de mieux se nourrir et de mieux se soigner. Les conséquences de cette bonne santé globale de la population sont multiples.

Il est nécessaire d'avoir en tête un bilan lucide des avancées permises par la Sécurité Sociale, pour répondre aux besoins de santé de l'avenir. C'est ainsi que nous avons conçu la réforme de l'assurance maladie.

II. La réforme vise à répondre au défi majeur de nos politiques de santé : l'amélioration de la qualité de notre système de soins

La réforme développe une véritable ambition : retrouver les principes originels de l'assurance maladie en permettant une gestion et une organisation plus efficaces de notre système de santé. Pour cela, elle s'appuie sur le changement de comportements des acteurs, tant les patients que les professionnels de santé, à travers le principe de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Par ailleurs, elle redonne sens à la qualité des soins en permettant le développement des bonnes pratiques et l'amélioration de l'évaluation des services garantis. Enfin, elle prend en compte les priorités de santé publique.

La pérennisation de notre système de santé passe bien sûr par la réduction des déficits. Nous sommes en train de réaliser cet objectif : pour l'année 2005, le déficit s'élève à 8,3 milliards d'euros au lieu des 16 milliards prévus sans la réforme. Ce chiffre mérite d'être souligné, tant la performance est remarquable. Le changement des comportements et les efforts consentis par les Français commencent à porter leurs fruits.

Nous poursuivons cet effort de réduction des déficits, afin de garantir la pérennité de notre système de santé et dégager des marges de manoeuvre pour mieux prendre en compte les priorités de santé publique. Ainsi, j'ai déjà engagé toutes les démarches pour pouvoir par exemple rembourser d'avantages d'actes de prévention pour l'ostéoporose. Il ne s'agit pas de dépenser moins, mais bien de dépenser mieux et de soigner mieux.

1. Une meilleure organisation du système de santé

Cette réorganisation est rendue possible par une plus grande coordination entre les professionnels de santé, notamment entre la médecine de ville et l'hôpital. La mise en place d'un véritable parcours de soins coordonné pour le patient passe par la création d'un dossier médical personnel et l'institution du médecin traitant.

Par ailleurs, nous souhaitons parvenir à une réorganisation de l'offre de soins dans le domaine hospitalier. Notre objectif n'est en aucun cas de réduire cette offre, ni de fermer des hôpitaux de proximité, mais bien d'assurer à tous le respect de l'exigence de proximité et de l'impératif de sécurité. L'avenir est dans les complémentarités, dans un langage de vérité qui nous incite à travailler ensemble.

Je tiens également à dire un mot de la démographie médicale. Il n'est pas possible de parler de qualité et de sécurité sans évoquer ce problème. Je ne crois pas à l'obligation, mais je pense que nous n'avons jamais suffisamment donné ses chances à l'incitation, pour permettre à un certain nombre de professionnels de s'installer dans des zones concernées. Je pense également à la question des études et de la pratique médicale. Nous sommes capables de prouver qu'il n'y a aucune fatalité et que nous n'aurons pas demain les déserts médicaux que d'aucuns nous promettent.

Enfin, la qualité des soins doit être garantie par un pilotage renforcé de l'assurance maladie. C'est en ce sens que nous avons créé, à la suite de la loi du 13 août 2004, la Haute autorité de santé. Elle a déjà rendu un certain nombre d'avis motivés par des questions simples : quel est l'intérêt du patient, quelles sont les pratiques porteuses de qualité ?

2. La qualité procède aussi d'une meilleure gestion, rendue possible par la responsabilisation de tous les acteurs

La lutte contre les fraudes et les abus dans notre système de santé est une exigence qui provient des fondements mêmes de la Sécurité Sociale : la solidarité a pour corollaire la responsabilité. La Cour des comptes estime entre 6 et 8 milliards le coût de ces mauvaises pratiques. Avant de nous poser des questions sur le financement de notre Sécurité Sociale, il faut avant tout y voir clair et être capable de diminuer les dépenses inutiles, afin de pouvoir investir dans la prise en charge des maladies.

Il est possible de lutter contre les abus tout en promouvant la qualité. Cela passe par une responsabilité accrue de tous les acteurs, patients comme professionnels de santé. La baisse sensible des indemnités journalières des arrêts de travail constitue un premier indice de la réussite de nos réformes.

Ensuite, il est possible de réduire les déficits par la qualité, la non-qualité coûtant cher. L'ANAES stigmatise ainsi les coûts d'infections nosocomiales, de réhospitalisation, mais aussi les coûts liés aux pertes de dossiers, d'analyses, d'examens, aux erreurs et aux surtemps de travail. La réorganisation de notre système de santé et sa meilleure gestion devraient permettre de participer à cette orientation vers la qualité.

3. La qualité est aussi rendue possible par la recherche et l'amélioration de la pratique médicale

Pour autant, il ne faut pas nous contenter de l'existant : il nous faut aller plus loin en améliorant la pratique médicale et en développant la recherche.

Ainsi, nous avons rendu obligatoire l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) des médecins. Par ailleurs, nous développons, sur la base du volontariat, l'accréditation des équipes médicales dans les établissements de santé. Ces deux dispositifs sont placés sous l'égide de la Haute Autorité de Santé. Enfin, nous allons considérablement accroître l'effort de formation continue de tous les professionnels de santé dont le caractère obligatoire va entrer dans les faits en 2006.

La recherche participe de l'amélioration de santé de nos concitoyens dans tous les domaines, dans la vie quotidienne comme pour les maladies les plus rares ou les plus difficiles à traiter actuellement. Nous souhaitons ainsi renforcer le rôle de l'hôpital comme lieu de contact entre savoir universitaire, recherche et soins, et développer la recherche clinique. A cet égard, il est nécessaire de conforter la place de l'INSERM. Notre objectif est également de mettre en place des incitations financières, dans le cadre d'une enveloppe appelée MERRI (Mission Enseignement, Recherche, Référence et Innovation), pour financer des projets de recherche en matière de santé publique.

Enfin, les nouvelles technologies représentent un atout évident dans la recherche de la qualité. Je pense notamment à la télémédecine, ou au dossier médical personnel. Mais, là aussi, il s'agit de mettre la technique au service de l'humain, du patient comme des professionnels de santé.

III. La santé au XXIème siècle, d'autres défis qui participent de la même démarche de qualité au service de la santé de tous
1. La poursuite de l'action en direction des grandes priorités de santé publique

Plusieurs grands défis de santé publique, de solidarité aussi, concernent notre société dans son ensemble. Il s'agit d'abord de la meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes, pour lesquelles nous menons de nombreuses actions, et avons créé la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Le handicap constitue une autre de nos priorités d'action. La mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005, initiée par le Président de la République, a permis de nombreuses avancées en faveur des personnes handicapées. Mais il est nécessaire de poursuivre cet effort de solidarité et de cohésion sociale en direction de nos concitoyens handicapés.

Par ailleurs, plusieurs plans, mis en oeuvre par la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, témoignent de notre engagement pour relever les grands défis de santé. Je prends ainsi l'engagement de mener à bien l'ensemble de ces plans de santé publique.

2. Une nécessaire accentuation des efforts en matière de prévention et de risques sanitaires

Notre système de santé est considéré comme l'un des meilleurs au monde en matière curative. Désormais, il est nécessaire de réorienter notre système de soins vers la prévention. Nos concitoyens veulent ainsi avoir l'assurance de vieillir en meilleure santé que par le passé. La prévention répond justement à cet impératif car elle permet d'être soi-même dépositaire de son capital santé et responsable de sa santé.

Nous avons donc besoin de faire prendre dès maintenant le virage de la prévention à notre système de santé, notamment en matière de lutte contre le cancer, les maladies cardiovasculaires et l'obésité. Grâce à la prévention, je suis persuadé que nous sommes capables de mieux maîtriser nos dépenses de santé et d'offrir davantage de bien-être à nos concitoyens.

Plusieurs agences de santé remplissent une mission de veille sanitaire, et il est nécessaire de développer leur mission d'expertise, notamment dans la prévention des risques les plus importants. La pandémie de grippe aviaire illustre parfaitement la nécessité d'accentuer nos efforts en matière de prévention et de veille sanitaire, ainsi que de développer la coopération internationale sur ces sujets.

3. Une meilleure prise en compte des dimensions européenne et internationale

La santé est un bien public mondial. C'est la raison pour laquelle il nous faut développer la coopération internationale en matière de santé, notamment en ce qui concerne les pandémies, et plus particulièrement le sida, le paludisme et la tuberculose. Nous comptons également promouvoir la vision française de la protection sociale, comme élément indispensable du développement durable. Nous voulons renforcer le rôle de l'OMS et de ses normes, dans une approche multilatérale d'enjeux de santé devenus mondiaux.

Dans le cadre de l'Union Européenne, nous devons saisir un certain nombre d'opportunités. Il s'agit aussi bien des actions de coopération transfrontalière, de la création d'instruments de recherche communs, du partage de nos expériences de réformes, de nos bonnes pratiques en matière de santé. En effet, la création d'un espace de soins pour tous fait partie de la constitution d'un modèle social européen.

Toutes les tables rondes organisées aujourd'hui vont permettre de faire le point sur les grands enjeux des politiques de santé à venir. L'une d'entre elles possède un titre sur lequel je voudrais insister : « La Santé, une affaire de choix ». Je pense en effet que les politiques de santé publique sont cruciales, car elles nous conduisent à faire des choix qui engagent l'ensemble de la société. Il est donc légitime que ces choix reflètent les aspirations de la société, notre conception de l'intérêt général, de la cohésion sociale, de la solidarité et de l'équité. C'est la raison pour laquelle des rencontres comme celles-ci sont nécessaires, pour contribuer à la définition de nos priorités communes.

Je souhaite insister sur le choix que nous avons fait lors de la réforme de l'assurance maladie, celui de l'orientation de notre système de santé vers la recherche d'une qualité toujours accrue. Ce choix est simple, mais il nous faut avoir le courage d'en décliner toutes les conséquences, depuis la meilleure réorganisation de notre offre de soins jusqu'à la lutte contre les risques sanitaires, ou encore la prise en compte de grandes priorités de santé publique. Et cela n'est possible que si nous avons conscience que l'amélioration de la santé au XXIème siècle relève de notre responsabilité à tous.

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