Premières Rencontres Sociales du Sénat - La santé



Sénat - Palais du Luxembourg - 24 octobre 2005

Clôture

Gérard COMYN, Directeur, Commission Européenne

Cette journée a permis de discuter de thèmes très intéressants, dont certains sont le fruit de débats dans les autres Etats membres, qu'il s'agisse de la problématique de la maîtrise des coûts de santé, des personnes âgées, du financement de recherches très importantes comme la médecine moléculaire, autant de domaines dans lesquels la coopération au niveau européen est requise.

Le rôle de l'Union n'est pas de s'immiscer dans des décisions de politique nationale mais de traiter de questions qui, de par leur caractère global, ne peuvent être traitées au niveau d'un seul Etat membre.

I. La mobilité du patient en Europe

La mobilité des citoyens s'est accrue considérablement durant cette dernière décennie, qu'il s'agisse de touristes, de retraités s'installant à l'étranger ou de travailleurs transfrontaliers ou transrégionaux. Ainsi, en Espagne, à certains moments de l'été, les hôpitaux comportent plus de patients de nationalité étrangère que de ressortissants espagnols.

Etant donné que tout citoyen est un patient potentiel, il était devenu indispensable de définir un contexte légal pour cette mobilité. En voici quelques grandes lignes : les citoyens de l'Union Européenne sont libres de se faire soigner dans d'autres Etats membres. Les services de santé et les soins médicaux sont du ressort des Etats membres.

Sur un plan plus technique, il ne peut y avoir de mobilité sans que les systèmes d'information de santé nationaux soient interopérables. Pour donner un exemple, que peut faire un citoyen français avec sa carte Vitale une fois sorti des limites de l'hexagone ? Comment peut-il accéder à son dossier informatisé ? La question se pose évidemment aux Allemands qui vont bientôt disposer d'une carte santé, aux Autrichiens et aux Slovènes qui ont une carte santé opérationnelle.

II. La création d'un espace d'information européen unique pour la santé

En bref les situations en Europe sont très diverses, mais le problème global reste le même : la mobilité du patient en Europe n'est pas encore possible du fait de contraintes à la fois techniques et légales. Ceci a conduit à une communication proposant aux Etats membres un plan d'action pour la construction d'un « espace européen d'information pour la santé » qui repose l'interopérabilité entre les différents systèmes d'information nationaux.

Ce système d'interopérabilité est en train d'être mis au point par un groupe de représentants des Etats membres. Les Etats membres travaillent ensemble sur un certain nombre d'éléments suivants :

· l'identité du patient ;

· les problèmes d'accès aux dossiers électroniques ;

· les problèmes d'accréditation ;

· les problèmes de prescription électronique ;

· les problèmes légaux.

Nous élaborons également un certain nombre de lignes directrices qui permettront à la plupart des Etats membres qui n'ont rien de commencer bâtir un système de santé offrant le maximum d'interopérabilité avec les systèmes des pays déjà dotés d'une infrastructure

Cet espace européen d'information pour la santé favorisera, outre la mobilité des patients, le développement des marchés de la santé pour les industriels qui souffrent de la fragmentation actuelle du marché de la santé ; l'expansion de la recherche en ouvrant l'accès à des bases d'information nouvelles. Il sera en outre une sorte de « Google de la santé », dans la mesure où le dossier du patient sera distribué entre les divers endroits où les soins ont été apportés et permettra ainsi de retrouver toute information relative à la santé d'un patient à travers l'Europe.

Puisque cette journée est tournée vers la maîtrise des coûts, ayons à l'esprit quelques chiffres relatifs aux gains attendus : Pour le Canada, le dossier médical informatisé devrait permettre d'économiser cinq milliards de dollars par an dont 3,4 milliards au titre des effets indésirables des médicaments et 1,6 milliards à celui de la redondance des tests coûteux. Aux Etats-Unis, où existe un plan d'action comparable à celui lancé en Europe, on estime à 5 % des dépenses annuelles de santé les économies provenant de la réalisation d'un tel espace d'information, soit 77,8 milliards de dollars par an.

Tel est le type de réalisation au niveau européen qui peut apporter une valeur certaine aux actions des Etats membres. Cette réalisation est construite par les Etats membres, la Commission ne jouant qu'un rôle de catalyseur et offrant un support budgétaire à un certain nombre d'opérations. Je vous fixe rendez-vous en 2010 pour voir si les chiffres avancés et si les résultats escomptés sont conforme aux attentes affichées.

Christian PONCELET, Président du Sénat

Cette première édition des « Rencontres Sociales du Sénat »consacrée à la santé et au parcours de soins'achève. Je sais que les débats de cette journée ont été denses et fructueux, ce dont je me réjouis. Tous mes collègues sénatrices et sénateurs sont particulièrement fiers que notre assemblée ait organisé ces Rencontres sociales à l'occasion du soixantième anniversaire de la Sécurité Sociale, ce pacte social républicain auquel nous sommes si attachés.

Je profite de cette occasion pour remercier Philippe Bas de son précieux concours ainsi que de celui de la direction de la Sécurité Sociale pour l'exposition du soixantième anniversaire que nous avons pu présenter depuis ce matin.

Lorsque j'ai décidé d'organiser, avec le soutien de mes collègues Sénatrices et Sénateurs ces premières Rencontres sociales, j'ai examiné les domaines d'activité sur lesquels le Parlement était intervenu avec force et détermination depuis le début des années 2000. Celui de la santé s'imposait, compte tenu des réformes de grande envergure, telles que celles relatives aux droits des malades, à l'assurance maladie ou au handicap.

Aujourd'hui, comme vous le savez, le budget de la Sécurité Sociale dépasse de loin celui de l'Etat. Chaque année les Français dépensent davantage pour leur santé, entraînant par là même des comportements consuméristes qui influent directement sur nos politiques de santé. Est-ce à dire comme Jules Romains que « la santé n'est qu'un mot, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide » ? Si vous le voulez bien, prenons résolument le parti de ne pas supprimer ce mot de notre vocabulaire.

A quelques jours de l'examen par le Sénat du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2006, qui se déroule dans un cadre juridique rénové, dynamisé et modernisé, l'avenir de notre système de santé exige de chacun d'entre nous des choix difficiles. Ces choix sont difficiles, parce qu'au-delà de l'évolution de nos sociétés contemporaines, nous n'avons pas toujours su anticiper et nous adapter dans ce domaine particulièrement sensible. Sans doute s'agit-il là d'un réflexe de pays « trop gâté » alors même que d'aucuns estiment qu'il porte en lui les stigmates d'un certain repli.

Face à un tel constat que certains qualifieraient d'alarmiste alors qu'il n'est que réaliste, doit-on chercher le ou les responsables ? Non, mais le temps de l'inaction est terminé. Il n'y a de déclin que si nous acceptons aujourd'hui de baisser les bras et de poursuivre une politique de gestion modeste alors que notre politique de soins exige l'ambition. Le gouvernement l'a compris puisque depuis plus de trois ans notre pays a été réformé comme jamais il ne l'avait été depuis plus de trente ans.

Pour certains, ces réformes sont nettement insuffisantes. Pour d'autres, ces réformes sont excessives car elles remettent en cause l'ensemble des droits acquis. Notre pays est depuis longtemps habitué à ces sempiternels combats idéologiques qui conspirent à son immobilité. Il est grand temps d'y mettre fin. Notre avenir en dépend. Notre santé en est le prix. La France doit se doter d'une politique de santé ambitieuse.

En guise de conclusion, j'adresse mes chaleureux remerciements au ministre de la Santé, Xavier Bertrand, et à vous, Philippe Bas. De fait, tout élu est conduit un jour ou l'autre, si sa mission s'interprète comme la défense de l'intérêt général, à l'impopularité. Cependant, la noblesse de l'élu consiste justement à accepter cette impopularité au nom de l'intérêt général. Enfin, je remercie mes collègues Sénatrices et Sénateurs, les partenaires économiques, les medias et les grandes écoles qui ont participé activement au succès de cette manifestation.

Philippe BAS, Ministre délégué à la Sécurité Sociale, aux Personnes âgées,
aux Personnes handicapées et à la Famille

Monsieur le Président du Sénat, je vous remercie de votre accueil et d'avoir organisé cette journée d'échanges et de travail autour d'un thème qui me tient particulièrement à coeur, celui de la santé. Je crois également que les « Rencontres Sociales du Sénat » méritent d'être reconduites d'année en année.

Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui et de clore cette journée de travail. Je tiens à souligner à mon tour le caractère indispensable de la collaboration entre le gouvernement et le Parlement pour renforcer notre Sécurité Sociale et relayer l'attachement de tous les Français à cette institution qui est au coeur du pacte républicain.

De même, vous avez eu raison de refuser de faire vôtres les conceptions que Jules Romains prête au docteur Knock. De fait, la profession médicale est pleinement engagée dans la réforme de l'assurance maladie pour faire en sorte que chaque euro dépensé soit réellement utile à la santé.

I. La réussite du système de santé et d'assurance maladie français

Dans un domaine où l'on voit tant de dénigrements et de critiques, je voudrais signaler que nous avons raison d'être fiers de notre système de santé et de notre système d'assurance maladie. Certes, les déficits sont excessifs. Cependant, le gouvernement s'attèle à leur réduction, grâce au vote de la loi du 13 août 2004. En outre, ces déficits ne disqualifient en rien notre système d'assurance maladie, dont les performances sont exceptionnelles quand on les compare avec celles des autres systèmes. En effet, on oublie trop souvent à quel point notre Sécurité Sociale est une éclatante réussite.

Citez-moi un pays dans lequel l'accès aux soins est mieux assuré. Citez-moi un pays dans lequel la solidarité de tous devant la santé est mieux assurée. Citez-moi un pays dans lequel, depuis soixante ans, le progrès médical est systématiquement incorporé dans les délais les plus brefs au montant des remboursements pris en charge par l'assurance maladie. En réalité, vous ne trouverez pas un tel pays. Ainsi, nos voisins ont leurs listes d'attente et leurs exclusions, notamment pour les personnes âgées, que nous acceptons de prendre en charge pour des interventions chirurgicales à tous les stades du troisième âge.

Ensuite, l'année dernière, nous avons incorporé à la liste des médicaments remboursables 196 nouveaux médicaments. Malheureusement, on ne nous parle aujourd'hui uniquement des médicaments qui feront l'objet d'un déremboursement. Cependant, il est nécessaire d'instaurer une respiration à la liste des médicaments remboursables si nous voulons continuer la prise en charge du progrès médical. Pour ma part, je préfère faire sortir de la liste des médicaments d'habitude et de confort pour pouvoir ajouter à cette même liste des médicaments à haute valeur ajoutée.

Nous avons des raisons d'être profondément attachés à ce système de santé et de vouloir le maintenir. Aux Etats-Unis, la couverture sociale peut être de qualité. Cependant, plus de 40 millions de personnes en sont exclues, y compris une partie des classes moyennes. Voulons-nous ce genre de système en France ? En quoi est-il supérieur ? De fait, les indicateurs de santé américains ne sont pas meilleurs que les nôtres.

Par conséquent, arrêtons de faire comme si notre modèle de Sécurité Sociale n'était pas le bon et de dire qu'il est archaïque sous le seul prétexte qu'il engendre des déficits excessifs, dont la proportion par rapport au montant des dépenses est pourtant nettement inférieure à celle du budget de l'Etat. C'est la raison pour laquelle le gouvernement s'attèle à réduire les déficits de l'Etat.

II. Premiers résultats et conditions de réussite de la réforme

Avant la réforme qui a été présentée par Philippe Douste-Blazy et Philippe Bertrand l'année dernière, la Commission des comptes estimait qu'en l'absence d'action, le déficit de l'assurance maladie se serait élevé à 16 milliards d'euros. Or cette réforme est bien intervenue et a permis de ramener ce déficit à 8,3 milliards à la fin de 2005. Ce résultat devrait être au moins reconnu.

Nous allons poursuivre l'action entreprise. Ainsi, la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2006 va ramener ce déficit de l'assurance maladie à 6,1 milliards l'année prochaine. Seul cet effort nous permettra d'éviter des mesures radicales telles la hausse des impôts ou la baisse du niveau général des prises en charge. Nous voulons donc mettre en oeuvre une méthode dont la méthode repose sur le changement des comportements et le principe directeur sur la responsabilité de chacun.

Désormais, 32 millions d'assurés sociaux acceptent de passer par le médecin généraliste plutôt que de tâtonner pour rechercher plusieurs spécialistes et d'effectuer des analyses inutiles. Il s'agit ainsi d'avoir une bonne maîtrise du parcours de soin que chacun d'entre nous va suivre. Les Français ont confiance en leur médecin généraliste, ce qui va nous permettre de construire un parcours de soin plus efficace pour la santé de chacun et beaucoup moins dépensier.

Ensuite, la convention des médecins est simple, rustique et robuste. Elle indique qu'il est nécessaire de prescrire moins d'antibiotiques, d'antidépresseurs et d'arrêts de travail et plus de médicaments génériques. Les médecins sont également là pour être vigilants, et non pas systématiquement complaisants vis-à-vis des demandes du malade. Il convient également de souligner la responsabilité des caisses d'assurance maladie dans la lutte contre la fraude, tant il est vrai que la fraude représente la mort de la solidarité.

En résumé, nous avons tous une responsabilité, qui seule peut faire naître des comportements plus vertueux afin de réduire une évolution des dépenses par des arguments médicaux raisonnés.

III. De nouvelles marges d'action dégagées par la réduction des déficits

De plus, lorsque nous sommes efficaces pour réduire la progression des dépenses de santé, nous réussissons à nous créer de nouvelles marges d'action pour répondre à des besoins cruciaux de la population française que nous n'aurions pas pu financer en laissant filer les déficits.

A cet égard, il convient de mentionner deux exemples. Ainsi, le besoin d'équipement et de recrutement pour appliquer aux personnes âgées les soins dont elles ont besoin est immense. L'année prochaine, la réduction des déficits va permettre de mettre en oeuvre une augmentation de 9 % des dépenses d'assurance maladie pour les établissements médico-sociaux prenant en charge des personnes âgées dépendantes.

En outre, l'argent issu de la Journée nationale de solidarité a été sanctuarisé dans la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Ainsi, nous allons ajouter aux 9 % déjà mentionnés 4% issus de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. En conséquence, l'année prochaine, les budgets soins pour les personnes âgées augmenteront de 13 %.

En outre, nous augmenterons l'année prochaine de plus de 400 millions d'euros les dépenses de soin en faveur des personnes handicapées pour augmenter l'offre de service du secteur médico-social en leur faveur.

Tel est le sens de cette réduction des déficits à hauteur de 25 % l'année prochaine, ce qui représente un effort considérable. Que l'on cesse de répéter partout que l'effort de réduction des déficits n'est pas suffisant : il va à l'extrême possible, pour permettre de reprendre le chemin de l'équilibre aux horizons définis dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie.

En guise de conclusion, je tiens à rappeler que la République n'est pas seulement le suffrage universel et la démocratie. La République constitue aussi un choix de vie pour tous nos compatriotes qui repose sur un certain nombre de valeurs et sur deux piliers fondamentaux :

· l'école, qui assure l'égalité des chances entre tous les Français devant l'éducation ;

· la Sécurité Sociale, qui assure l'égalité des chances entre tous les Français devant la santé.

La République est aussi un idéal qui repose sur la liberté, l'égalité et la fraternité. Ne le laissons pas dépérir. Il en va en effet de l'avenir de notre pacte social et de notre cohésion nationale. C'est la raison pour laquelle nous sommes si attentifs à résoudre ce problème de déficit. En effet, derrière la résolution du problème de déficit figure le pacte républicain et l'avenir de la Sécurité Sociale, à laquelle nous sommes si profondément les uns et les autres attachés.

Christian PONCELET

Je vous remercie de votre intervention, Monsieur le ministre. Simplement, je souhaite vous faire d'une dernière remarque. En effet, vous avez parlez de solidarité. Or la solidarité est un mot qui s'exprime facilement, mais qui s'applique plus difficilement.

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