AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DÉFENSE ET FORCES ARMÉES

Table des matières


Mercredi 22 mars 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président, et de M. Serge Vinçon, vice-président -

Traités et conventions - Approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de l'organisation internationale du travail - Examen du rapport

La commission a initialement procédé à l'examen du rapport de M. Hubert Durand-Chastel, sur le projet de loi n° 191 (1999-2000) autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de l'Organisation internationale du travail.

M. Hubert Durand Chastel, rapporteur, a tout d'abord présenté le rôle et le fonctionnement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui compte aujourd'hui 158 Etats membres, et qui a présidé, par l'adoption de conventions et de recommandations, à l'instauration d'un socle de normes minimales relatives aux conditions de travail.

Il a souligné que, sous l'impulsion de son nouveau directeur général, M. Juan Somavia, l'OIT, constatant qu'elle avait multiplié, par le passé, l'adoption de textes à caractère technique ou particulier souvent ratifiés par un faible nombre de pays, entendait désormais concentrer son effort sur la promotion des conventions concernant les droits les plus fondamentaux de l'homme au travail. Il a ajouté que la France soutenait cette évolution et avait, en ce sens, augmenté notablement ses contributions volontaires à l'organisation.

Le rapporteur a estimé que l'instrument d'amendement à la Constitution de l'OIT, adopté en 1997, s'inscrivait dans cette constitution, puisqu'il visait à prévoir une procédure d'abrogation des conventions devenues obsolètes ou sans objet.

Considérant que cette modification permettrait d'accélérer la révision des instruments périmés pour mieux promouvoir les normes prioritaires et renforcerait la cohérence et l'efficacité du système normatif de l'OIT, il a invité la commission à émettre un avis favorable sur le projet de loi.

M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le rapporteur sur la présence française au secrétariat de l'Organisation. Il a évoqué, plus généralement, la nécessité d'accroître la représentation française à la direction des organismes internationaux et souligné, en particulier, l'intérêt qui s'attacherait à confier à un Français la présidence de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), si le siège venait à se trouver vacant à la suite des nominations au Fonds monétaire international.

M. Jean Bernard s'est interrogé sur l'application des normes adoptées par l'OIT.

En réponse à ces interventions, M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la France a longtemps détenu (de 1974 à 1989), en la personne de M. Francis Blanchard, le poste de directeur général du Bureau international du travail ; elle dispose, en outre, d'un siège permanent au conseil d'administration de l'OIT ;

- l'OIT a constaté l'insuffisante application des normes internationales du travail dont le nombre a été multiplié au cours des dernières décennies ; c'est pourquoi elle entend réviser les instruments périmés ou peu appliqués, et concentrer ses efforts sur l'application des normes les plus fondamentales portant, notamment, sur le travail des enfants.

La commission a alors adopté le projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de l'Organisation internationale du travail.

Traités et conventions - Ratification des amendements à la Constitution de l'Organisation internationale pour les migrations - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Paul Masson sur le projet de loi n° 171 (1999-2000) autorisant la ratification des amendements à la Constitution de l'Organisation internationale pour les migrations.

M. Paul Masson, rapporteur, a d'abord rappelé que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait pour vocation première de mettre en oeuvre les moyens matériels nécessaires aux mouvements migratoires, liés en particulier aux situations d'urgence. Le rôle essentiellement " pratique " assigné à l'OIM trouve son origine dans les conditions mêmes de la naissance de cette organisation, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, alors que l'Europe connaissait un afflux de réfugiés évalué à quelque douze millions de personnes. Pour répondre aux besoins de ces populations, les Alliés avaient créé l'Organisation internationale pour les réfugiés, qui allait toutefois se trouver paralysée par les antagonismes issus de la guerre froide. Aussi, les responsabilités de cette organisation, dissoute en 1951, ont-elles été partagées entre le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, organisation spécialisée des Nations unies, et le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes (CIME), chargé du transport des migrants, et délibérément placé hors du système des Nations unies, afin de préserver cette structure de l'antagonisme Est-Ouest et de garantir ainsi son efficacité. Après avoir rappelé que les problèmes migratoires s'étaient pérennisés et progressivement étendus au-delà de l'Europe, M. Paul Masson, rapporteur, a indiqué que le statut du CIME avait été modifié en 1987, afin que soit reconnue la vocation mondiale d'une institution qui avait alors pris le nom d'" Organisation internationale pour les migrations ".

Le rapporteur a ensuite rappelé les quatre grandes missions de l'OIM : assurer le transfert organisé des réfugiés ; fournir, à la demande des Etats, des services de préparation à la migration ; mettre en place des services similaires pour le retour volontaire des migrants ; organiser des échanges de vues sur la coopération dans le domaine des migrations. Il a souligné que l'OIM s'était acquis une véritable compétence dans le domaine du transfert ordonné des personnes déplacées, comme l'avait montré son action récente en faveur du retour dans leur pays de quelque 67.000 Timorais de l'Est et de 85.000 Kosovars.

M. Paul Masson, rapporteur, a alors évoqué les amendements au texte constitutif de l'OIM sur lesquels le Sénat était appelé à se prononcer. Il a souligné que ces modifications poursuivaient un objectif général de rationalisation, à travers la simplification des procédures de décision (suppression du Comité exécutif, allégement du mode d'adoption des amendements), la mise en place d'un mécanisme de sanctions plus effectif en cas de retard de paiement des contributions obligatoires, la limitation à deux mandats de l'exercice des fonctions de directeur général et de directeur général adjoint.

Le rapporteur a rappelé que la France avait longtemps observé une position réservée vis-à-vis de l'OIM -dont elle s'était retirée en décembre 1966, en raison notamment d'une influence américaine jugée excessive, avant de réintégrer cette organisation, progressivement, à partir de 1981, afin d'utiliser les services de l'OIM face à l'afflux des réfugiés en provenance du sud-est asiatique. Il a estimé que l'OIM présentait un intérêt indéniable pour notre pays, à l'heure où l'approche multilatérale des questions liées à l'immigration tendait à se généraliser, notamment dans le cadre de la mise en place de la politique de codéveloppement. Il a souligné par ailleurs que l'OIM avait donné des manifestations récentes d'ouverture sur le monde de la francophonie avec l'élection, au poste de directeur général adjoint, d'une personnalité sénégalaise, Mme Ndioro Ndiaye. Il a alors invité la commission à adopter le présent projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a demandé des précisions sur la définition des migrations humanitaires. Il s'est demandé, en particulier, dans quelle mesure les statistiques pouvaient séparer les départs forcés de ceux liés à des raisons économiques, alors qu'il existait des "zones grises " où de telles distinctions n'apparaissaient pas clairement. Il a cité, à cet égard, les mouvements de population entre le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire.

M. Paul Masson, rapporteur, après avoir rappelé que les mouvements migratoires avaient toujours constitué " la respiration du monde ", est revenu sur l'immigration des Burkinabés en Côte d'Ivoire, en observant qu'elle répondait aux besoins des populations des deux pays, même si elle avait introduit, dans certaines régions, une modification sociologique parfois source de tensions. Il a souligné qu'il importait de distinguer entre l'immigration individuelle, les mouvements migratoires collectifs traditionnels et, enfin, les déplacements de personnes provoqués par les conflits. L'action des organisations internationales telles que l'OIM porte principalement sur cette dernière catégorie de migration. Le rapporteur a ajouté que la prise en compte des phénomènes migratoires constituerait, à l'avenir, une dimension essentielle de la politique de l'Union européenne.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le gouvernement allemand avait décidé d'encourager l'immigration de personnes compétentes dans le domaine des nouvelles technologies. Il a souligné en outre qu'une récente étude de l'ONU avait estimé que la France aurait besoin, d'ici 2050, de l'apport de 1,47 million d'émigrés pour maintenir sa population à son niveau actuel. S'il a reconnu, avec M. Michel Caldaguès, que ces chiffres appelaient beaucoup de circonspection, il a néanmoins estimé que la baisse de la natalité, conjuguée dans notre pays avec le vieillissement de la population, ne pourrait pas rester sans conséquences sur l'immigration.

M. Paul Masson, rapporteur, a observé, à cet égard, que dans la situation française de déflation démographique, le maintien du dynamisme de notre économie passait nécessairement par l'apport d'une main-d'oeuvre spécialisée. Il a ajouté que les mouvements migratoires devaient s'organiser dans cette perspective, sur la base d'accords avec les pays d'immigration et dans le cadre de quotas. Une telle politique apparaît naturellement, a-t-il estimé, incompatible avec l'immigration clandestine.

M. Christian de La Malène et M. Xavier de Villepin, président, ont alors souligné la nécessité, pour la commission, de mener une réflexion sur les enjeux internationaux de la question migratoire dont l'importance apparaissait cruciale pour notre pays.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Chaîne parlementaire Public Sénat - Communication

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé aux membres de la commission le démarrage prochain de la chaîne parlementaire Public Sénat. Il a indiqué qu'il avait fait savoir à M. Jean-Pierre Elkabbach, président directeur général de cette chaîne, que la commission était toute disposée à participer aux émissions de Public Sénat, notamment par la retransmission de certaines auditions de la commission ou celle de débats restreints portant sur des sujets internationaux importants. Il a précisé que les projets de retransmission d'auditions seraient soumis à l'accord de la personne entendue et à l'avis des membres de la commission.

Traités et conventions - Convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile France-Vietnam - Examen du rapport

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Caldaguès sur le projet de loi n° 218 (1999-2000), autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam.

M. Michel Caldaguès, rapporteur
, a tout d'abord évoqué l'ouverture, prudente et très progressive, entreprise par les autorités vietnamiennes, tant dans le domaine politique que dans le domaine économique. Celle-ci s'est notamment traduite par le recours aux capitaux étrangers, la reconnaissance de l'initiative privée et la réduction du secteur public, ces réformes s'effectuant cependant à un rythme très mesuré.

Le rapporteur a précisé que, après en avoir été dans un premier temps épargné, le Vietnam a subi les effets de la crise asiatique, la croissance, de l'ordre de 7 à 12 % par an depuis 1992, ayant été ramenée à 5,8 % en 1998 et à 4,8 % en 1999.

Il a évoqué les relations du Vietnam avec ses voisins, en particulier la Chine, et souligné que l'intégration régionale constituait une priorité de sa diplomatie, comme en témoigne son adhésion en 1995 à l'Association des nations du sud-est asiatique (ASEAN). M. Michel Caldaguès, rapporteur, a également fait état de la normalisation des relations avec les Etats-Unis, dont le secrétaire d'Etat à la défense venait de se rendre à Hanoi.

S'agissant des relations bilatérales franco-vietnamiennes, le rapporteur a souligné le soutien marqué de la France pour la réintégration du Vietnam dans la communauté internationale, en particulier lors de la régularisation de ses relations avec les institutions financières internationales et de la conclusion d'un accord-cadre avec l'Union européenne.

Il a observé l'intensification des échanges économiques franco-vietnamiens, la France étant le premier partenaire occidental du Vietnam, et l'importance de l'aide publique française, de l'ordre de 400 millions de francs en 1998. Parmi les divers domaines de coopération, M. Michel Caldaguès, rapporteur, a particulièrement mentionné les actions en faveur de l'éducation et de la formation, par l'enseignement bilingue dans le primaire et le secondaire, la création de filières universitaires francophones et de nombreuses formations techniques bilingues. Il a également précisé que l'attribution de bourses par le gouvernement français permettait chaque année à environ 600 Vietnamiens de suivre des formations en France.

Le rapporteur a évoqué la situation de la langue française, dont le nombre de locuteurs demeure faible, bien que la francophonie recueille un écho favorable auprès des autorités vietnamiennes.

M. Michel Caldaguès, rapporteur, a ensuite présenté la convention d'entraide judiciaire en matière civile, signée le 24 février 1999 entre la France et le Vietnam.

Il a estimé que cette convention illustrait la place importante acquise par la coopération française dans le domaine juridique. Celle-ci s'appuie notamment sur la Maison du droit franco-vietnamienne, créée en 1993 à Hanoï, qui contribue à former des juristes francophones et participe à la refonte du système juridique vietnamien.

Le rapporteur a indiqué que la convention franco-vietnamienne d'entraide judiciaire en matière civile était en tous points conforme aux instruments de même nature auxquels la France est déjà partie, s'agissant en particulier du libre accès à la justice, de l'exécution des commissions rogatoires, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions de justice, de la communication des actes d'état civil et de la dispense de légalisation.

Il a fait état de difficultés d'application de la convention qui pourraient résulter, en particulier, de la frontière établie au Vietnam entre droit civil et droit économique, qui ne recoupait pas celle existant en France entre droit civil et droit commercial, ou encore de l'absence d'huissiers pour l'exécution des décisions de justice.

Estimant néanmoins que cette convention devait faciliter le déroulement des procédures liées à des contentieux privés et participait de l'encadrement juridique nécessaire au développement des relations franco-vietnamiennes, le rapporteur a proposé à la commission d'adopter le projet de loi en autorisant la ratification.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène a constaté que l'aspiration de plus en plus forte du peuple vietnamien au progrès économique risquait de mal s'accommoder d'un système politique qui n'a guère évolué. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'intérêt, semble-t-il moins fort que par le passé, manifesté par les industriels français, à l'égard du Vietnam.

M. Aymeri de Montesquiou a évoqué l'état des relations politiques entre le Vietnam et Taïwan.

M. Emmanuel Hamel a demandé des précisions sur l'accueil en France d'étudiants vietnamiens.

M. Serge Vinçon, président, a souligné l'intérêt d'une politique de visas adaptée à la demande d'étudiants étrangers désireux de poursuivre leur formation dans notre pays.

En réponse à ces interventions, M. Michel Caldaguès, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- il est logique que l'intérêt des entreprises françaises pour le Vietnam ait été plus fort au moment où les occasions les meilleures se sont présentées ; par ailleurs, certaines difficultés administratives et l'effet de la crise asiatique ont freiné les investissements, même si les entreprises françaises continuent d'emporter d'importants succès, comme le marché d'équipement téléphonique d'une partie de la ville de Saïgon confié à France Telecom ;

- Taïwan constitue l'un des tous premiers partenaires économiques du Vietnam ;

- la France accorde des bourses pour près de 600 étudiants vietnamiens chaque année et aurait intérêt à accroître son effort, compte tenu de la forte attente du Vietnam en ce domaine. La formulation d'une politique des visas cohérente à l'égard des étudiants étrangers constitue une priorité.

La commission a alors adopté le projet de loi autorisant la ratification de la convention d'entraide judiciaire entre la France et le Vietnam.