Table des matières

  • Mercredi 16 décembre 1998
    • Audition de M. Jean-Claude Cousseran, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères
    • Ministère des affaires étrangères - Validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire - Examen du rapport
    • Traités et conventions - Accords de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et les républiques d'Azerbaïdjan, d'Ouzbékistan, d'Arménie et de Géorgie - Examen du rapport

Mercredi 16 décembre 1998

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Audition de M. Jean-Claude Cousseran, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères

La commission a tout d'abord entendu M. Jean-Claude Cousseran, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord indiqué qu'en accord avec le ministre des affaires étrangères, les propos tenus par M. Jean-Claude Cousseran au cours de cette audition ne donneront lieu à aucun compte rendu public.

A l'issue de l'exposé du directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, un échange de vues s'est instauré avec les commissaires.

M. Daniel Goulet s'est interrogé sur la signification politique de la récente visite du Président Clinton à Gaza. Il a souligné la nécessité d'une pleine application, par Israël, des résolutions des Nations unies. Il a évoqué le rôle que pouvait jouer, à cet égard, l'Union européenne, en particulier au travers de l'accord d'association conclu avec Israël.

M. Claude Estier a constaté le refus du Gouvernement israélien d'appliquer pleinement et sans condition les engagements pris à Wye Plantation et a souligné que la composition de la majorité parlementaire israélienne ne jouait pas en faveur d'une évolution positive du processus de paix. S'agissant de l'Algérie, il s'est interrogé sur les personnalités susceptibles de succéder au Président Zeroual lors de la prochaine élection présidentielle.

Mme Paulette Brisepierre a évoqué la situation du Sahara occidental en soulignant l'ampleur des réalisations accomplies dans la région par le Gouvernement marocain dans les domaines économique, social et scolaire. Elle a déploré que l'Union européenne n'agisse pas davantage en faveur du règlement de cette question dans le sens souhaité par le Maroc. En ce qui concerne la situation en Israël, elle a regretté l'attitude fermée de nombreux responsables politiques et militaires israéliens à l'égard du processus de paix et s'est émue des brimades infligées à la population palestinienne.

M. André Rouvière s'est demandé si le Gouvernement israélien ne freinait pas le processus de paix en misant sur un affaiblissement de M. Yasser Arafat, Président de l'Autorité palestinienne. Il s'est également interrogé sur l'évolution de l'opinion israélienne à l'égard du processus de paix, en soulignant l'aspiration croissante à la paix.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné que l'opinion israélienne demeurait très préoccupée par les questions de sécurité. Elle a justifié les réticences de nombre de parlementaires français à ratifier l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël en se référant à l'accord d'association conclu avec la Tunisie, qui a permis la mise en oeuvre d'une aide européenne importante à ce pays, sans pour autant avoir le moindre impact sur l'évolution politique et la libéralisation du régime tunisien.

M. Xavier de Villepin, président, a pour sa part estimé que la ratification des accords d'association entre l'Union européenne et les pays du bassin méditerranéen était nécessaire à l'affirmation d'une véritable politique euro-méditerranéenne. Il a par ailleurs évoqué l'incidence sur les relations bilatérales franco-libanaises des récentes évolutions politiques intervenues au Liban.

Ministère des affaires étrangères - Validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Daniel Goulet sur la proposition de loi n° 109 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la validation d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères.

Après avoir commenté les attributions des comités techniques paritaires, définies par le décret n° 82-452 du 28 mai 1982, M. Daniel Goulet, rapporteur, a rappelé les faits qui ont motivé l'élaboration de la présente proposition de loi. Ainsi, a-t-il précisé, l'arrêté pris par le ministre des affaires étrangères, en octobre 1994, pour déterminer les organisations syndicales aptes à désigner des représentants au comité technique paritaire ministériel, s'était-il appuyé, conformément à la pratique traditionnellement retenue par le Quai d'Orsay, sur les élections aux commissions administratives paritaires, qui excluent les personnels contractuels. Or le Conseil d'Etat a, en juillet 1998, annulé cet arrêté de 1994, au motif que les organisations syndicales représentant le personnel du ministère des affaires étrangères au comité technique paritaire doivent être représentatives de l'ensemble de ce personnel, y compris des contractuels et, parmi ceux-ci, des recrutés locaux de nationalité étrangère. Le juge administratif -a poursuivi le rapporteur- a donc estimé que, pour apprécier la représentativité des organisations syndicales aptes à désigner des représentants au comité technique paritaire, une consultation de l'ensemble des personnels devrait être organisée au ministère des affaires étrangères, conformément à l'article 11 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a alors fait observer que l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 1994 entachait d'irrégularité, non seulement les actes pris après avis du comité technique paritaire constitué sur la base de cet arrêté, mais aussi les actes pris après avis du comité technique paritaire constitué en 1997, à partir d'un arrêté de novembre 1997. Celui-ci était, en effet, a souligné le rapporteur, fondé sur les mêmes critères que celui de 1994 et excluait, par conséquent, la représentation des personnels contractuels du comité technique paritaire ministériel. Ainsi, a relevé M. Daniel Goulet, l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 1994 par le Conseil d'Etat rend-elle juridiquement très vulnérables de nombreux textes réglementaires qui, pris entre 1994 et 1998, après avis des deux comités techniques paritaires ministériels, sont très importants pour l'organisation du Quai d'Orsay comme pour la carrière de ses agents.

M. Daniel Goulet a ensuite souligné que la présente proposition de loi visait à valider, non pas l'arrêté annulé par le Conseil d'Etat, mais les actes pris après avis du comité technique paritaire dont la composition est contestée par le juge administratif, afin de préserver le fonctionnement continu des services publics ainsi que le déroulement normal de la carrière des personnels.

Après avoir souligné que la présente proposition de loi respectait les critères définis par le Conseil constitutionnel en matière de validation législative, le rapporteur a proposé à la commission de l'adopter dans les mêmes termes que ceux de l'Assemblée nationale.

A la suite de l'exposé de M. Daniel Goulet, M. Xavier de Villepin, président, est revenu, avec le rapporteur, sur le recours à une proposition de loi plutôt qu'à un projet de loi pour apporter une solution au problème posé.

La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, adopté sans modification la présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale.

Traités et conventions - Accords de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et les républiques d'Azerbaïdjan, d'Ouzbékistan, d'Arménie et de Géorgie - Examen du rapport

La commission a enfin examiné le rapport de M. André Dulait sur les projets de loi :

- n° 561 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part ;

- n° 562 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part ;

- n° 563 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part ;

- n° 564 (1997-1998) autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part.

M. Xavier de Villepin, président, en remplacement de M. André Dulait, rapporteur, empêché, a indiqué que ces accords ont pour vocation à se substituer à l'accord de coopération économique et commerciale qui avait été conclu, en 1989, entre la Communauté européenne et l'Union soviétique. Ils proposent d'instaurer, entre l'Union européenne et chacun des quatre partenaires concernés, un dispositif rénové et adapté favorisant le dialogue politique, les échanges commerciaux et, surtout, l'assistance technique destinée à mettre en oeuvre une coopération dans des domaines très variés.

Ces accords -a précisé le rapporteur- se distinguent des accords d'association passés avec les pays d'Europe centrale, orientale et baltique : tout d'abord en ce qu'il est reconnu à ces derniers pays une vocation à l'adhésion à l'Union, ce qui n'est pas le cas pour les pays signataires des accords de partenariat et de coopération ; ensuite parce que l'établissement d'une zone de libre échange entre ces derniers pays et l'Union n'est pas prévu. Ces accords se distinguent, en second lieu, des accords euro-méditerranéens qui prévoient, pour leur part, un dispositif commercial préférentiel.

Le rapporteur a souligné que les quatre accords proposés comportent tous une clause appelant au respect de la démocratie et des droits de l'homme consacrés par les conventions internationales pertinentes. La combinaison de cette disposition avec un article spécifique de chacun des accords et une déclaration commune le concernant permetde suspendre l'application des traités en cas de violation des droits de l'homme considérés, à juste titre, comme des "éléments essentiels" de leur dispositif.

L'approche régionale, a précisé le rapporteur, a été privilégiée par la Commission européenne à l'égard des trois pays du Caucase dont deux d'entre eux, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, sont en conflit depuis plusieurs années.

Pour le rapporteur, si l'on voulait trouver une dénomination commune aux objectifs de chacun de ces accords, on pourrait parler d'une ambition pédagogique de l'Union à l'égard de ses quatre partenaires. Ce souci, a-t-il relevé, se traduit concrètement par l'assistance technique mise en oeuvre dans le cadre d'une coopération aux objectifs très variés :

- pédagogie législative tout d'abord, à travers une coopération destinée à rapprocher progressivement la législation des Etats partenaires de celle des pays de l'Union afin, à tout le moins, d'établir une compatibilité entre l'une et les autres ; cela concerne notamment le droit des sociétés, le droit bancaire ou la fiscalité des entreprises ;

- pédagogie économique ensuite, sur quelque 24 thèmes concernant à la fois l'appui aux entreprises (privatisation, investissements, développement des services financiers), l'agriculture et le secteur alimentaire, l'énergie, les transports et l'environnement, etc ;

- pédagogie démocratique enfin, à travers une aide à la législation judiciaire ou électorale.

Il s'agit également -a relevé le rapporteur- de coopérer dans d'autres domaines sensibles comme la prévention des activités illégales, le trafic de drogue et le blanchiment d'argent faisant d'ailleurs l'objet d'un article spécifique.

Enfin, le dispositif commercial relève également, a estimé le rapporteur, de la pédagogie. S'il n'est pas question en effet d'établir une zone de libre-échange ou d'octroyer un régime préférentiel aux Etats partenaires, l'octroi réciproque de la clause de la nation la plus favorisée constitue, pour ces pays, un accès à la règle de base de l'OMC qui régit aujourd'hui le commerce mondial et à laquelle les pays partenaires aspirent à adhérer.

La mise en oeuvre concrète de toutes ces coopérations repose -a alors rappelé le rapporteur- sur un mécanisme d'assistance technique et financière créé il y a sept ans : le programme TACIS (Technical assistance to the Community of Independant States). Le rapporteur a souligné que notre pays bénéficie, en regard des sommes consacrées à TACIS, d'un taux de retour satisfaisant.

Le rapporteur a ensuite décrit la situation des trois Etats du Caucase, confrontés à de graves défis internes ou régionaux. Il en est d'abord ainsi de la Géorgie où l'Etat de droit, progressivement mis en place par le Président Chevarnadzé, est toujours confronté à deux séparatismes : celui de l'Ossétie du sud et celui de l'Abkhazie. Les négociations sur le statut futur de ces deux provinces, qui n'ont guère évolué, conditionnent pourtant -a-t-il souligné- le statut de la Géorgie elle-même, entre fédération et confédération.

S'agissant de l'Arménie, sa prospérité, a précisé le rapporteur, passe par la solution du conflit au Karabagh. Ce conflit a largement pesé dans le remplacement du Président arménien Ter-Petrossian par M. Kotcharian, beaucoup moins disposé que son prédécesseur à un compromis sur le Haut-Karabagh. De ce fait, la négociation sur ce dossier, engagée dans le cadre de l'OSCE à travers le "groupe de Minsk" -coprésidé par la France, la Russie et les Etats-Unis- se poursuit, a précisé le rapporteur, dans des conditions difficiles.

Quant à l'Azerbaïdjan, il est sans conteste -a-t-il relevé- le pays du Caucase qui dispose du potentiel économique le plus élevé. La découverte de gisements en mer Caspienne, au large de Bakou, doit faire de ce pays un producteur de pétrole important à l'horizon de la prochaine décennie. Toutefois, a fait observer le rapporteur, l'évolution récente du marché pétrolier incite à relativiser cet optimisme. Ces perspectives favorables, qui suscitent l'intérêt des compagnies occidentales, ne compensent cependant pas, pour l'heure, l'affaiblissement du pays consécutif aux revers militaires subis par Bakou dans le conflit qui l'oppose à l'Arménie sur le Haut-Karabagh : 20 % de son territoire est contrôlé par les séparatistes arméniens, et un million de personnes sont réfugiées sur son sol.

Enfin, l'Ouzbékistan, au coeur de l'Asie centrale, symbolise pour le rapporteur la difficulté de la double transition vers la démocratie et le marché. Le présidentialisme autoritaire du Président Karimov est justifié, selon ce dernier, par la crainte du péril fondamentaliste. Il reste, selon le rapporteur, que cette politique d'exaltation de l'identité nationale et la réticence face aux changements peuvent conduire à s'interroger sur l'évolution d'un pays qui dispose pourtant d'atouts non négligeables pour son développement.

L'Etat -a précisé le rapporteur- contrôle encore le fonctionnement de l'économie du pays. La législation du commerce extérieur, inadaptée, et la rigueur du régime des changes empêchent l'Ouzbékistan de bénéficier de l'apport des investissements étrangers et les quelques timides améliorations récemment apportées pour favoriser la venue de tels investissements ne correspondent pas encore aux attentes des opérateurs extérieurs.

Concluant son propos, le rapporteur a souligné que l'existence de ces accords de partenariat témoigne de la sollicitude justifiée de l'Union européenne à l'égard d'une zone politiquement instable et économiquement prometteuse. Il a toutefois relevé une certaine ambiguïté de tels accords, conclus pour aider la transition démocratique et pacifique des pays partenaires mais dont la question reste posée de savoir s'ils permettent de résoudre les principaux défis auxquels ces pays sont confrontés.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a, suivant l'avis de son rapporteur,approuvé les quatre projets de loi qui lui étaient soumis.