Table des matières

  • Mardi 25 mai 1999
    • Affaires étrangères - Evolution de la crise au Kosovo - Audition de M. Alain Richard, ministre de la défense
  • Mercredi 26 mai 1999
    • Nomination de rapporteur
    • Traités et conventions - Approbation de l'avenant n° 5 à la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale - Examen du rapport
    • Traités et conventions - Accords France-République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière et à la réadmission des personnes en situation irrégulière - Examen du rapport
    • Traités et conventions - Accord France-République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières
    • Traités et conventions - Accord France-Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière - Examen du rapport

Mardi 25 mai 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Affaires étrangères - Evolution de la crise au Kosovo - Audition de M. Alain Richard, ministre de la défense

La commission a procédé à l'audition de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur l'évolution du conflit au Kosovo.

M. Alain Richard, ministre de la défense, a tout d'abord fait le point sur le dernier état des discussions engagées avec la Russie en vue de l'élaboration d'un projet de résolution qui serait proposé au Conseil de sécurité des Nations unies. Il a estimé que la définition de la chaîne de commandement d'une future force internationale de sécurité au Kosovo constituait le principal point d'achoppement de ces discussions. Alors que les alliés souhaitent garantir l'efficacité de la force en préservant la capacité de réaction immédiate de la structure de commandement, les Russes, a-t-il poursuivi, subordonnent toujours son déploiement à l'approbation préalable de Belgrade et entendent disposer d'un droit de regard sur son fonctionnement.

Le ministre de la défense a par ailleurs indiqué que les alliés et les Russes n'étaient pas encore parvenus à s'accorder sur les modalités de coordination dans le temps du retrait des troupes serbes et de l'entrée de la force internationale au Kosovo. Il a déclaré que les alliés ne pouvaient accepter l'idée d'un arrêt unilatéral préalable des frappes aériennes qui conduirait à renoncer à la menace militaire sans être en mesure de vérifier la réalité du retrait des forces serbes.

S'agissant de l'évaluation du résultat des frappes aériennes, M. Alain Richard a estimé que si les opérations évoluaient lentement, elles aboutissaient néanmoins à une destruction toujours plus large des capacités militaires serbes qui se trouvent déjà privées d'environ un tiers de leurs capacités. Le dispositif désormais mis en place par les alliés permettra une présence aérienne sur la zone 24 heures sur 24 de manière à exploiter pleinement toutes les possibilités d'atteindre les objectifs visés.

Le ministre de la défense a considéré que les premières manifestations de perte de moral au sein des unités serbes témoignaient de l'efficacité croissante des opérations de bombardement.

Il a estimé que, dans ces conditions, la rationalité devrait plaider, du point de vue de la Serbie, pour la recherche rapide d'une solution politique, même si les autorités de Belgrade n'avaient pas encore infléchi leur position de manière déterminante.

Un débat s'est ensuite engagé avec les membres de la commission.

M. Bertrand Delanoë s'est interrogé sur la portée et la signification des différences d'appréciation entre alliés quant à la poursuite des opérations militaires. Il a par ailleurs constaté que l'incertitude pesant sur l'échéance d'une solution politique renforçait l'inquiétude sur le sort des réfugiés au cours des prochains mois. Il a estimé que tout devrait être entrepris au plan de la conduite des opérations et au plan financier pour éviter le risque d'une catastrophe humanitaire qui serait très sévèrement jugée par les opinions publiques occidentales.

M. Hubert Durand-Chastel s'est demandé si les alliés n'avaient pas commis une erreur tactique dommageable en excluant d'emblée toute perspective d'intervention terrestre. Il a ensuite souligné les difficultés considérables auxquelles serait confrontée, à ses yeux, une future force internationale au Kosovo et s'est demandé si le chiffre de 50.000 hommes, souvent évoqué à ce propos, ne serait pas insuffisant pour faire face à ces difficultés.

M. Emmanuel Hamel s'est inquiété de l'incidence de l'indisponibilité prochaine du porte-avions Foch sur notre niveau de participation aux actuelles opérations militaires. Il a souhaité connaître les conséquences financières des actions actuellement engagées et envisagées pour l'avenir. Enfin, il s'est demandé si les images télévisées de la détresse des réfugiés kosovars d'une part, et de celles des civils serbes victimes des bombardements, d'autre part, n'entraîneraient pas un infléchissement du soutien de l'opinion publique à l'action engagée.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité savoir quels étaient les points de la négociation sur lesquels persistait un désaccord absolu avec la partie serbe. Il a également souhaité savoir si la pratique des " boucliers humains " par les forces serbes était avérée et quelle incidence elle avait sur la détermination de l'OTAN à poursuivre ses bombardements.

M. Xavier de Villepin, président, a tout d'abord fait part au ministre du souhait de la commission d'engager une réflexion sur les enseignements, notamment militaires, de la crise actuelle. Il s'est demandé si le retour provisoire du porte-avions Foch entraînerait, pendant cette période, une diminution des forces aériennes françaises engagées dans les opérations en cours et a interrogé le ministre sur l'opportunité pour la France, au regard de cette situation, de se doter d'un second porte-avions. Il s'est enfin enquis de l'évolution de la position des Européens sur la nécessité de disposer de capacités de renseignement autonomes.

M. Alain Richard, en réponse aux questions des commissaires, a alors apporté les précisions suivantes :

- peu de divergences étaient perceptibles entre les alliés sur les modalités essentielles de l'engagement en cours. Toutefois deux différences d'appréciation apparaissaient : la première concernait l'opportunité d'une offensive terrestre dont le principe était défendu essentiellement par les autorités britanniques. Cette position pouvait s'expliquer, a estimé le ministre, par une volonté d'implication accrue de la Grande-Bretagne dans le dossier européen. La seconde différence d'appréciation concernait l'hypothèse d'une pause dans les frappes aériennes que défendaient nos partenaires italiens et bien qu'à un moindre degré, nos alliés allemands. Le ministre a relevé toutefois que ces divergences, liées à la nécessaire prise en compte de l'opinion publique de chacun de ces pays, s'effaçaient dans les débats diplomatiques ;

- le calendrier de déploiement d'une force militaire de mise en oeuvre d'un accord politique pourrait s'étaler, en ce qui concerne les forces de l'OTAN, entre quelques jours et deux à trois semaines. Pour les forces non OTAN, et notamment l'éventuelle contribution russe, leur déploiement pourrait nécessiter un minimum de trois à quatre semaines ;

- M. Alain Richard a souligné la spécificité du délai nécessaire au retour des réfugiés. Il a notamment relevé que les conditions de leur prise en charge dans des pays d'accueil, où ils disposaient parfois de relais familiaux, pourraient retarder un retour volontaire rapide ;

- toute annonce prématurée d'une offensive terrestre, alors que les responsables de l'OTAN n'y étaient pas résolus, aurait affecté la crédibilité de l'opération engagée. Selon M. Alain Richard, une entrée en force au Kosovo comporterait également des risques de dommages collatéraux et le maintien d'une capacité de résistance militaire de la part des Serbes en rendrait l'exécution particulièrement difficile ;

- M. Alain Richard a par ailleurs précisé que l'hypothèse d'un effectif de 50.000 hommes concernait une force de mise en oeuvre d'un accord politique. Il s'agissait, certes, d'une estimation supérieure à celle qui avait été formulée initialement mais elle était due à la dégradation de la situation liée aux impératifs de déminage et aux dommages infligés aux différentes infrastructures en territoire yougoslave ;

- le ministre a précisé que le retrait du Foch du théâtre d'opérations ne serait limité qu'à huit semaines auxquelles il convenait d'ajouter deux fois quatre jours de délai d'acheminement. Ce retrait aboutirait à une diminution des capacités aériennes françaises de 16 aéronefs -sur un total actuel de 91. Le ministre a précisé que l'immobilisation du porte-avions ferait perdre à l'Alliance l'avantage lié à l'absence de ravitaillement en vol des aéronefs embarqués compte tenu de leur proximité du théâtre d'intervention. En fait, a conclu M. Alain Richard sur ce point, la contribution globale de la France aux forces alliées pourrait passer de 10 à 7,5 %, sauf à être compensée par l'envoi sur place de 8 à 9 Mirage supplémentaires ;

- l'estimation financière actuelle permettait d'évaluer à quelque 400 millions de francs par mois le coût des opérations engagées. Cette évaluation, compte tenu du renforcement récent des capacités de l'armée de terre destinées à l'action humanitaire, pourrait être portée à environ 450 millions de francs ;

- le ministre a estimé légitime la préoccupation de l'opinion publique face au spectacle des victimes civiles des bombardements. Il a toutefois relevé que les premières failles étaient perceptibles au sein du pouvoir serbe. Il a enfin estimé que la responsabilité politique impliquait parfois d'agir en dépit des résultats des sondages d'opinion ;

- le principal point de désaccord avec les Russes, qui étaient en contact avec les responsables serbes, portait essentiellement sur la composition et la sectorisation de la future force de mise en oeuvre d'un accord de paix, sachant que les Russes auraient vocation à prendre dans cette force une part supérieure à celle qu'ils avaient actuellement au sein de la SFOR en Bosnie-Herzégovine. Le partenariat Russie-OTAN n'était que suspendu et pourrait constituer un support institutionnel utile à cette participation ;

- le ministre a indiqué que, depuis plusieurs semaines, les responsables militaires avaient identifié les situations où les forces militaires serbes étaient à un niveau de contact étroit avec les populations civiles. Certains épisodes avaient également démontré que l'emploi d'une telle tactique de boucliers humains était une réalité, sans pour autant constituer un comportement systématique de la part des forces serbes. M. Alain Richard a par ailleurs précisé que des véhicules militaires ou des pièces d'artillerie ne faisaient l'objet de bombardements de l'OTAN que si celle-ci avait la certitude de ne pas mettre en danger les populations civiles ;

- le ministre a considéré qu'il pouvait être utile que la commission sénatoriale des affaires étrangères et de la défense se penche sur les enseignements des opérations en cours en ex-Yougoslavie. Il a relevé que la plupart des spécialistes ne s'étaient jusqu'alors exprimés que sur des aspects " périphériques " de la crise et indiqué qu'il s'efforcerait, le moment venu, d'apporter des réponses précises aux opinions ainsi émises ;

- le ministre a indiqué que le principal enjeu de la prochaine loi de programmation 2003-2009 consisterait à maintenir le niveau d'investissements actuel qui pourrait s'élever sur cette période à quelque 600 à 650 milliards de francs, dont une partie importante serait nécessairement consacrée à des programmes actuellement en cours ou déjà décidés dans leur principe comme, par exemple, l'avion de transport futur. Sur l'opportunité de construire un second porte-avions ou, à l'inverse, de permettre à la Marine de disposer de davantage de frégates, le ministre a indiqué que l'expérience démontrait qu'un seul porte-avions permettait déjà de réaliser d'importantes missions. M. Alain Richard a ensuite relevé que les événements actuels avaient ébranlé la traditionnelle indifférence de nos partenaires européens à l'égard de capacités de renseignement ; le ministre a souhaité que des débats concrets soient engagés en vue de doter l'Europe d'outils de renseignements véritablement autonomes.

Enfin, avec M. Charles-Henri de Cossé-Brissac, qui s'inquiétait du moral des gendarmes à la suite de l'affaire des paillotes, M. Alain Richard a reconnu l'importance du problème et indiqué qu'il avait déjà, en plusieurs occasions, réaffirmé auprès des gendarmes toute la confiance qu'il plaçait dans l'arme. Il avait également, a-t-il ajouté, réuni à titre exceptionnel le Conseil " gendarmerie " de la fonction militaire afin d'étudier des mesures propres à prévenir tous risques de dérives personnelles. Il a enfin estimé qu'il importait que les gendarmes surmontent le réflexe de solidarité à l'égard de ceux d'entre eux qui avaient transgressé la loi.

Mercredi 26 mai 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Nomination de rapporteur

La commission a tout d'abord désigné M. André Dulait comme rapporteur sur le projet de loi n° 371 (1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un Bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe).

Traités et conventions - Approbation de l'avenant n° 5 à la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Hubert Durand-Chastel sur le projet de loi n° 314 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'avenant n° 5 à la convention du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale.

Après avoir effectué une brève présentation de la Principauté de Monaco, M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur, a précisé que, depuis 1952, une convention bilatérale régissait la coordination des régimes français et monégasque de sécurité sociale, cette coordination étant particulièrement nécessaire compte tenu de la présence, dans la Principauté, de quelque 12.000 citoyens français dont beaucoup relèvent de la sécurité sociale française, alors qu'inversement, de nombreux travailleurs affiliés au régime monégasque de sécurité sociale résident en France.

Il a souligné qu'en matière d'assurance-maladie, la convention comportait des lacunes, puisqu'elle ne s'appliquait qu'aux travailleurs salariés en activité ou retraités, et que son application donnait lieu à des déséquilibres, les soins délivrés à Monaco à des assurés sociaux français étant pris en charge sans plafonnement dans un certain nombre de cas.

M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur, a précisé que l'avenant n° 5 à la convention, signé le 20 juillet 1998, visait à mettre à jour cette convention en clarifiant son champ d'application, désormais étendu aux travailleurs non salariés, aux fonctionnaires et aux étudiants, et en posant le principe du plafonnement du remboursement des soins, sur la base des tarifs de responsabilité appliqués par les régimes respectifs de chacun des deux Etats. Il a ajouté qu'un régime particulier avait été prévu pour les habitants du département des Alpes Maritimes, qui auront libre accès aux établissements de soins et aux professionnels de santé de la Principauté.

En conclusion, M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur, a estimé que ce dispositif, entré en vigueur par anticipation dès le 1er octobre 1998, permettrait une meilleure harmonisation des règles de fonctionnement des deux systèmes de sécurité sociale en renforçant les préoccupations de maîtrise des dépenses de santé. Il a invité la commission à émettre un avis favorable sur le projet de loi.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur le régime fiscal des Français résidant à Monaco, au regard notamment de celui appliqué aux citoyens italiens.

M. Hubert Durand-Chastel a précisé que la Principauté n'appliquait pas d'impôt sur le revenu des personnes physiques, la convention fiscale franco-monégasque de 1963 déterminant les conditions dans lesquelles cet impôt est payable en France par les ressortissants français.

La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

Traités et conventions - Accords France-République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière et à la réadmission des personnes en situation irrégulière - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Paul Masson sur les projets de loi n° 162 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière et n° 357 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification d'un accord entre la République française et la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.

M. Paul Masson, rapporteur, a d'abord rappelé que les deux présents accords s'inscrivaient dans le cadre général des accords de Schengen qui avaient fixé de nouvelles conditions de contrôle aux frontières. Il a observé que la suppression progressive des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen ne devait en aucune manière affaiblir la sécurité des Etats et qu'elle devait s'accompagner, comme le prévoyait d'ailleurs explicitement l'article 31 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990, d'accords bilatéraux destinés à renforcer la coopération policière aux frontières. Il a indiqué que les deux accords signés entre la France et l'Italie avaient précisément pour fondement cet article de la convention de Schengen.

M. Paul Masson, rapporteur, a ajouté que le report des contrôles aux frontières extérieures de l'espace Schengen représentait également un facteur de changement important par rapport au système antérieur dans la mesure où la surveillance de ces frontières ne mettait pas seulement en jeu la sécurité des seuls pays membres de l'espace Schengen dont une partie du territoire touche à des Etats tiers, mais aussi la sécurité et les intérêts de l'ensemble de cet espace ; ainsi, la façon dont l'Italie exerçait ses contrôles aux frontières extérieures intéressait directement ses voisins, et notamment la France.

M. Paul Masson, rapporteur, a également observé que le cadre posé par les accords de Schengen avait été profondément renouvelé à la suite de l'entrée en vigueur, le 1er mai dernier, du traité d'Amsterdam. Ce traité, a-t-il rappelé, en procédant à l'intégration des accords de Schengen à l'Union européenne, d'une part, et en communautarisant les matières liées à la libre circulation des personnes, à l'asile et à l'immigration, d'autre part, avait conféré à la Commission européenne une capacité d'initiative -qui pourrait devenir exclusive au terme d'un délai de cinq ans- pour les questions liées à l'immigration.

Le rapporteur a relevé que l'Italie, qui avait été longtemps marquée par une tradition d'émigration, n'était devenue terre d'immigration que dans une période récente. Ce pays, a-t-il ajouté, avait eu pour souci d'intégrer l'espace Schengen alors même qu'il ne disposait ni du dispositif législatif ni des traditions administratives appropriés pour satisfaire aux obligations fixées par les accords de Schengen ; un délai de huit ans aura ainsi été nécessaire entre la signature par l'Italie de la convention d'application de l'accord de Schengen en 1990 et l'intégration effective de ce pays au sein de l'espace Schengen. M. Paul Masson, rapporteur, a observé que l'Allemagne et l'Autriche -deux pays inquiets du risque soulevé par le développement de flux migratoires à partir de l'Italie- avaient également signé un accord avec Rome afin de renforcer la coopération policière ; les deux accords signés entre l'Italie et la France répondaient à une même préoccupation.

M. Paul Masson, rapporteur, a souligné que, face à l'accélération du processus d'immigration en provenance du Maghreb et de la côte albanaise, la politique d'immigration italienne se cherchait encore. Il a relevé à cet égard les mouvements de régularisation massifs des étrangers clandestins auxquels l'Italie avait procédé dans la période récente, sans réelle concertation avec ses partenaires de l'espace Schengen. Il a noté à cet égard que les deux présents accords avaient pour vocation d'arrimer l'Italie à une position plus ferme en matière de contrôle des flux migratoires.

M. Paul Masson, rapporteur, a alors présenté l'accord de coopération transfrontalière signé, ainsi que l'accord de réadmission, à Chambéry le 3 octobre 1997. Il a relevé que ce texte instituait des centres de coopération policière et douanière qui prendraient la suite des actuels commissariats communs de Vintimille et de Modane, dont les compétences et les effectifs seraient développés. Il a évoqué ensuite le dispositif de l'accord consacré à l'organisation de la coopération directe entre les zones frontalières en soulignant qu'il s'inscrivait dans une nouvelle conception qui tendait à substituer au contrôle fixe et linéaire supprimé par les accords de Schengen des contrôles aléatoires sur une bande de territoire élargie.

M. Paul Masson a évoqué ensuite l'accord de réadmission entre la France et l'Italie en relevant que ce texte, qui remplaçait un précédent accord du 6 décembre 1990, favorisait les conditions de réadmission ainsi que le transit sur le territoire de l'autre partie des ressortissants d'Etats tiers, faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

Après avoir souligné les enjeux que présentait le renforcement de la coopération policière franco-italienne pour nos deux pays, M. Paul Masson, rapporteur, a alors invité la commission à adopter les deux présents projets de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Christian de la Malène a observé que les risques liés à la libre circulation des personnes pouvaient trouver leur origine dans les divergences des politiques conduites, en matière d'immigration, par les Etats signataires des accords de Schengen.

M. Michel Caldaguès a observé que les législations nationales, malgré leurs différences, ne pouvaient pas empêcher des ressortissants d'Etats tiers de circuler d'un pays à l'autre de l'Union européenne sans véritable contrôle, à la suite de mouvements de régularisation massifs. Il s'est demandé, dans ces conditions, si la Communauté, désormais appelée à être compétente en matière d'immigration, n'alignerait pas la réglementation européenne sur le plus petit dénominateur commun.

M. Claude Estier a, pour sa part, demandé des précisions sur les données chiffrées relatives à l'immigration en Italie présentées par le rapporteur.

M. Xavier de Villepin, président, s'est étonné du nombre relativement faible d'étrangers en Italie par rapport à la situation de l'immigration en France ou en Allemagne. Il s'est par ailleurs demandé si le nombre de centres de coopération policière et douanière actuellement prévus était suffisant, notamment au regard de la pression migratoire à laquelle l'Italie se trouvait soumise du fait de la crise au Kosovo.

M. Paul Masson, rapporteur, a d'abord observé que l'ensemble des étrangers en situation irrégulière présentait des cas très différents et qu'il convenait de ne pas confondre les notions d'irrégularité et de criminalité. Il a relevé que les deux accords proposés constituaient de simples instruments dans le cadre d'une stratégie qui, en matière d'immigration, relèverait désormais de l'Union européenne et restait encore, pour une très large part, à élaborer. Il a souligné, à cet égard, la disparité des législations et des traditions nationales entre les Etats membres dans ce domaine.

Il a par ailleurs relevé que l'Italie comptait, au 31 décembre 1998, environ 1,240 million de ressortissants étrangers mais que ce nombre s'était encore accru à la suite des dernières décisions de régularisation qui, en février dernier, avaient porté sur quelque 200.000 clandestins. Il a rapporté cette dernière donnée aux 70.000 personnes régularisées en France l'an passé en rappelant que les intéressés pouvaient désormais circuler librement au sein de l'espace Schengen. Il a estimé qu'il n'y aurait pas d'alignement systématique sur le dispositif de contrôle le plus laxiste et que les accords bilatéraux devaient précisément permettre de fixer concrètement les conditions d'un contrôle renforcé.

M. Paul Masson, rapporteur, a relevé que les principales communautés représentées en Italie réunissaient des Maghrébins mais aussi des Albanais. Il a jugé que si le nombre de centres de coopération pouvait paraître insuffisant, du moins ces structures constituaient un progrès par rapport à la situation antérieure. Il a enfin rappelé que, si le nombre d'étrangers en Italie rapporté à la population pouvait paraître plus faible qu'en France, il ne fallait pas oublier que l'immigration constituait aussi en Italie un phénomène plus récent, appelé à s'accroître dans les années à venir, alors même que l'administration italienne n'était pas encore habituée à le traiter. Après être convenu avec M. Christian de la Malène que les présents accords ne résoudraient pas à eux seuls les difficultés soulevées par l'immigration clandestine, il a estimé que ces textes constituaient cependant un progrès certain.

La commission a alors approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.

Traités et conventions - Accord France-République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières

Puis la commission a examiné le rapport de M. Paul Masson sur le projet de loi n° 161 (1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières.

M. Paul Masson, rapporteur, a d'abord souligné que cet accord s'inscrivait, comme l'accord de coopération transfrontalière franco-italien, dans le cadre général posé par les accords de Schengen. Il a rappelé que la coopération policière aux frontières entre nos deux pays reposait sur des liens anciens qu'était venu consacrer le présent accord. Il a relevé que les ambitions franco-allemandes n'avaient toutefois pu être toujours satisfaites. Il a ainsi relevé que sur les quatre commissariats communs projetés, un seul finalement, celui de Strasbourg-Pont de l'Europe, avait en fait vu le jour. Il a souligné à cet égard l'élément de complexité que représentait, pour la coopération bilatérale, l'intervention des länder allemands qui disposaient de compétences importantes dans le domaine de la sécurité.

Evoquant l'institution de centres de coopération policière et douanière prévue par le présent accord, le rapporteur a relevé que les trois länder frontaliers pouvaient décider séparément de leur participation à de telles structures. Il a ajouté que si ces centres ne pouvaient pas, de leur propre initiative, décider des activités opérationnelles, ils avaient les moyens d'assurer la coordination et le soutien des interventions engagées. M. Paul Masson, rapporteur, a par ailleurs précisé qu'en application des dispositions de l'accord franco-allemand, le centre commun d'Offenbourg, en République fédérale d'Allemagne, se substituerait au commissariat franco-allemand de Strasbourg-Pont de l'Europe, en bénéficiant de compétences et d'effectifs renforcés.

Le rapporteur a alors évoqué la coopération directe entre nos deux pays en relevant qu'elle pouvait prendre trois formes principales : le détachement réciproque de fonctionnaires pour une durée limitée, l'échange d'informations et la coordination de l'intervention des forces. Il a observé que l'accord s'accompagnait d'une déclaration commune rappelant la détermination des deux Etats signataires à surmonter les différends qui avaient pu apparaître entre les services de police en matière d'entraide judiciaire. M. Paul Masson, rapporteur, est revenu à cet égard sur les problèmes douloureux que soulevaient plusieurs cas particuliers en matière de coopération judiciaire. Il a noté sur ce point que le dispositif juridique allemand n'était pas encore complètement adapté aux nécessités de la coopération. M. Paul Masson a ensuite invité la commission à adopter le présent projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, est revenu sur les situations difficiles que pouvait soulever l'insuffisance de la coopération judiciaire entre nos deux pays. La commission a alors approuvé le présent projet de loi.

Traités et conventions - Accord France-Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière - Examen du rapport

La commission a enfin examiné le rapport de M. Paul Masson sur le projet de loi n° 315 (1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.

M. Paul Masson, rapporteur, a d'abord relevé que la frontière franco-suisse constituait la seule frontière extérieure terrestre de l'espace Schengen dont la France avait la surveillance et que notre pays était dès lors comptable vis-à-vis de ses partenaires signataires des accords de Schengen de la qualité de la coopération policière qu'il devait nouer avec la Suisse.

Le rapporteur a alors souligné que la Suisse comprenait une très forte proportion de population étrangère : 1,5 million de personnes, soit 19 % de la population suisse. Il a relevé que cette situation s'expliquait, pour une large part, par le caractère très restrictif du droit de naturalisation suisse en comparaison avec celui des autres pays européens. Il a relevé également que la Suisse apparaissait désormais, depuis 1997, proportionnellement à sa population, comme le pays d'asile le plus sollicité de l'Occident. Il a ajouté que les événements dans les Balkans avaient une répercussion directe sur la pression migratoire aux frontières suisses -une émigration irrégulière avait ainsi été enregistrée en 1997 du fait du départ d'immigrés albanais d'Italie à l'expiration de leur droit de séjour dans ce pays-.

M. Paul Masson, rapporteur, a par ailleurs rappelé que la Suisse, enclavée dans l'espace Schengen, avait fait des propositions pour intégrer progressivement cet espace mais qu'elle s'était heurtée à l'opposition d'un certain nombre de pays membres de l'Union européenne. Il a précisé que la France souhaitait, pour sa part, un développement de la coopération avec la Suisse dans les domaines couverts par la convention de Schengen. Il a également observé que la coopération franco-suisse avait progressé au cours des dernières années. Il a relevé à cet égard, outre la multiplication des contacts entre les forces de sécurité des deux pays, la signature d'un certain nombre d'accords parmi lesquels le présent accord de réadmission.

Evoquant alors le contenu de ce texte, M. Paul Masson, rapporteur, a souligné que l'accord de réadmission signé en 1998 apportait deux améliorations principales par rapport au précédent accord de réadmission de 1965, en favorisant le dispositif de transit et en posant le principe de la réadmission sans formalité des ressortissants d'Etats-tiers en situation irrégulière. Il a alors invité la commission à adopter le présent projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène s'est étonné de l'opposition de certains des Etats signataires des accords de Schengen à l'intégration de la Suisse au sein de l'espace Schengen. M. Paul Masson a souligné que cette opposition revêtait en effet un caractère paradoxal, alors même que la Norvège et l'Islande avaient été admises à participer à la coopération nouée dans le cadre de Schengen. Il a rappelé que la France se plaçait, pour sa part, dans une position beaucoup plus ouverte vis-à-vis de la Suisse.

M. Robert Del Picchia a observé que l'objectif d'une intégration progressive de la Suisse au sein de l'espace Schengen s'inscrivait, aux yeux de certains hommes politiques helvétiques, comme une première étape dans un rapprochement avec l'Union européenne.

M. Xavier de Villepin, président, a ajouté qu'une coopération policière avec la Suisse ne pouvait que répondre aux intérêts européens en matière de sécurité.

M. Christian de La Malène est alors revenu sur les profondes modifications apportées par le Traité d'Amsterdam à la conduite des politiques migratoires de chaque Etat membre. Il a relevé que, dans ce domaine, les propositions viendraient dans les faits, pour une très large part, de la Commission européenne. M. Xavier de Villepin, président, a estimé pour sa part, avec M. Paul Masson, rapporteur, que l'immigration représenterait dans les années à venir l'un des principaux défis auxquels l'Union européenne se trouverait confrontée.

La commission a alors approuvé le présent projet de loi.