Mardi 1er juin 1999

Présidence de M. Xavier de Villepin, président

Situation au Kosovo - Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères

La commission a procédé à l'audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

M. Xavier de Villepin, président, a tout d'abord indiqué que le texte complet de l'accord intérimaire pour la paix et l'autonomie au Kosovo élaboré dans le cadre des négociations de Rambouillet, qui venait de lui être adressé par le ministre des affaires étrangères, serait transmis à tous les membres de la commission.

M. Hubert Védrine a ensuite fait le point sur l'évolution diplomatique de la crise du Kosovo. Il a confirmé que, depuis près d'une semaine, divers canaux avaient relayé la possibilité d'une acceptation par les autorités de Belgrade des principes énoncés par le G8. En dernier lieu, un communiqué commun de la présidence yougoslave et de M. Tchernomyrdine a mentionné l'acceptation des principes fondamentaux du G8 et du principe d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, le ministre yougoslave des affaires étrangères ayant par ailleurs indiqué qu'il avait écrit à son homologue allemand, M. Fischer, pour confirmer ces différents points.

Le ministre a précisé que, face à la multiplication de ces signes d'évolution, le Chancelier Schroeder avait pris l'initiative de réunir, ce jour-même, à Bonn M. Tchernomyrdine, le président finlandais, M. Ahtisaari, ainsi que le secrétaire d'Etat adjoint américain M. Talbott, afin d'évaluer précisément la portée des avancées faites par Belgrade et l'état des négociations entre Russes et Occidentaux en vue d'élaborer le texte d'un projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Il a ajouté, à ce sujet, que les deux principaux points qui restaient à régler concernaient la composition de la force appelée à être déployée au Kosovo et " l'enchaînement des événements " entre l'acceptation par Belgrade, le vote d'une résolution et la suspension des frappes aériennes. Il a également indiqué que cette réunion de Bonn permettrait de préparer la mission que doivent effectuer à Belgrade MM. Tchernomyrdine et Ahtisaari, ce dernier intervenant en tant qu'émissaire de l'Union européenne, afin de vérifier l'exactitude des intentions des autorités yougoslaves.

M. Hubert Védrine a ensuite évoqué le récent sommet franco-allemand de Toulouse et le prochain Conseil européen de Cologne. Il a rappelé les conditions difficiles dans lesquelles le Gouvernement allemand, très vite après son accession aux responsabilités, s'était vu confier la charge de la présidence du Conseil de l'Union européenne, dans une période marquée notamment par les négociations sur l'Agenda 2000 et la démission de la Commission. Revenant en particulier sur l'Agenda 2000, il a souligné que le Gouvernement allemand avait fait preuve, durant ces négociations, d'une attitude volontaire et compréhensive qui avait facilité la réalisation d'un accord.

S'agissant du prochain Conseil européen de Cologne, il a indiqué qu'il devait débattre des modalités de préparation de la réforme institutionnelle. A ce propos, la France plaidait pour confier les travaux préparatoires à un " comité des sages ", alors que la plupart de ses partenaires semblaient privilégier une réflexion à quinze qui, dans le cadre d'une nouvelle conférence intergouvernementale, risquait, à ses yeux, de buter sur les inconvénients déjà constatés lors de l'élaboration du traité d'Amsterdam. Le ministre a également ajouté que le Conseil européen devrait adopter un texte validant les progrès récents enregistrés sur le thème de la défense européenne.

Un débat s'est ensuite engagé avec les membres de la commission.

M. Aymeri de Montesquiou a interrogé le ministre sur la part que prendrait la France aux dépenses liées au conflit du Kosovo et sur les intentions du Gouvernement quant à un éventuel arrêt des bombardements, si les avancées faites par Belgrade étaient jugées satisfaisantes. Il a en outre constaté que l'euro avait fortement baissé depuis le début du conflit, alors que les industries d'armement américaines témoignaient d'un dynamisme accru.

M. Hubert Védrine a précisé qu'il convenait de distinguer les dépenses liées aux opérations militaires elles-mêmes et celles qui résulteraient de la reconstruction, qui ne pouvaient pas, par définition, être encore évaluées et pour lesquelles aucune clé de répartition ne pouvait être pour le moment déterminée.

En ce qui concerne la récente évolution des autorités yougoslaves, le ministre a considéré qu'il était indispensable de saisir toute chance de solution politique. Il a toutefois souligné que beaucoup de points très importants restaient à clarifier, et en premier lieu les intentions réelles de Belgrade en matière de retrait des forces serbes au Kosovo. Il a ajouté qu'en cas d'acceptation concrète, par Belgrade, des conditions posées, le Gouvernement français étudierait comment peuvent être combinées l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité et la suspension des frappes aériennes.

Enfin, il a estimé que l'actuelle baisse de l'euro ne comportait pas que des aspects négatifs pour les économies européennes et qu'elle ne préjugeait pas de l'avenir de la nouvelle monnaie.

En réponse à M. Alain Peyrefitte, qui l'interrogeait sur d'éventuelles divergences franco-allemandes sur le dossier du Kosovo, en particulier au sujet de l'hypothèse d'une intervention terrestre, M. Hubert Védrine a tout d'abord considéré qu'il était difficile de tirer des conclusions sur l'état de la relation franco-allemande, compte tenu du contexte particulier lié à l'exercice par le nouveau Gouvernement allemand, dans des conditions délicates, de la présidence de l'Union européenne au cours du premier semestre 1999. Il a estimé naturel que les positions française et allemande ne soient pas systématiquement et spontanément identiques même si, sur beaucoup de sujets, on constatait une large convergence de vues. Il a précisé que sur le dossier du Kosovo, et en particulier sur la question d'un engagement terrestre, les autorités françaises et allemandes défendaient des positions très proches.

En réponse à M. Christian de La Malène qui évoquait la constitution par l'Otan d'une force de 50.000 hommes en vue d'un déploiement au Kosovo et qui s'interrogeait sur la consultation du Parlement avant l'engagement de troupes françaises, le ministre des affaires étrangères a confirmé les engagements pris par le Premier ministre de soumettre une éventuelle intervention au sol des forces françaises au Kosovo à l'approbation préalable du Parlement. Il a toutefois précisé que les préparatifs actuellement engagés par l'Otan ne visaient nullement la mise au point d'une offensive terrestre, mais la constitution de la KFOR (Kosovo Force), future force internationale de sécurisation au Kosovo. Si l'effectif envisagé pour cette force est actuellement évalué autour de 50.000 hommes, le niveau de la participation française sera également fonction -a précisé le ministre- de la part prise dans cette force par d'éventuels pays non membres de l'Otan, et notamment par la Russie.

Mme Danielle Bidard-Reydet, en se fondant sur le souhait des opinions publiques de voir s'achever le conflit actuel pour permettre la reprise de la négociation et, à terme, la reconstruction de la Yougoslavie et le retour des réfugiés, a interrogé le ministre sur la possibilité d'une initiative française tendant à suspendre les frappes aériennes pendant quelques jours, tout en surveillant, par des moyens satellitaires adaptés, la réalité du désengagement des forces serbes du Kosovo.

M. Hubert Védrine a rappelé que la recherche d'une solution diplomatique n'avait jamais cessé, même depuis le déclenchement des frappes aériennes. La France était parvenue à faire prévaloir l'idée d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, celle d'un retour des Russes dans le processus de négociation, enfin la définition d'objectifs clairs assignés aux responsables serbes. Dans ce contexte, a précisé le ministre, la suspension des frappes aériennes n'avait jamais été considérée comme une condition préalable à la poursuite du processus diplomatique. Selon le ministre, une telle suspension priverait d'ailleurs la communauté internationale d'un moyen de pression important à l'égard des responsables serbes et permettrait aux forces serbes de se regrouper ou de se dissimuler. Selon M. Hubert Védrine, la situation devait évoluer en trois temps le plus rapprochés possible : l'acceptation par le président Milosevic des conditions posées par la communauté internationale, le vote d'une résolution par le Conseil de sécurité, enfin la suspension des frappes aériennes.

Mme Paulette Brisepierre, de retour d'une session de l'assemblée parlementaire de l'Otan à Varsovie, a fait état des divergences d'approche exprimées par certains parlementaires des pays membres concernant l'opportunité d'une offensive terrestre.

M. Hubert Védrine a estimé qu'il était normal qu'au sein d'une assemblée parlementaire des opinions diverses soient exprimées mais a rappelé qu'à l'exception du Gouvernement britannique, aucun des gouvernements des pays membres de l'Alliance atlantique ne s'était déclaré en faveur d'une offensive terrestre, qui ne faisait d'ailleurs l'objet d'aucun préparatif particulier. Seules étaient étudiées les modalités de constitution d'une force militaire de mise en oeuvre d'un accord politique.

MM. Paul Masson et Guy Penne ont interrogé le ministre sur les conséquences de la décision du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de procéder à l'inculpation de M. Milosevic et de plusieurs dirigeants de Belgrade pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

M. Hubert Védrine a souligné que le TPI bénéficiait d'une indépendance totale. Même si les chancelleries étaient conscientes de la possibilité de telles inculpations, le moment choisi par le Procureur a pu surprendre certaines d'entre elles. Pour le ministre, les effets concrets de cette décision étaient difficiles à mesurer à ce stade ; parmi ses effets positifs, on pouvait relever qu'elle confortait le principe de lutte contre l'impunité et revêtait un caractère d'exemplarité ; de même, la décision du tribunal légitimait à nouveau l'objectif moral de l'opération en cours. En sens inverse, la décision du tribunal pouvait renforcer l'opinion publique serbe dans son sentiment d'être victime d'un " complot international " ; et M. Milosevic pourrait être tenté de réagir à cette inculpation par un durcissement de ses positions. Le ministre a toutefois relevé que la démarche serbe tendant à accepter progressivement les conditions posées par la communauté internationale lors de la réunion du G8, initiée avant la décision d'inculpation, s'était néanmoins poursuivie après celle-ci.

M. Xavier de Villepin, président, s'est inquiété des conséquences des rivalités entre les actuels responsables politiques de la population albanaise du Kosovo, en particulier MM. Rugova et Thaci.

M. Hubert Védrine a rappelé que, lors des négociations de Rambouillet, il avait déjà été nécessaire d'encourager les responsables kosovars à taire leurs divergences pour constituer une délégation commune. Le ministre a indiqué qu'il avait encouragé MM. Rugova et Thaci à se rencontrer dans l'intérêt des Kosovars eux-mêmes. La rivalité entre ces responsables politiques justifiait d'autant plus, aux yeux du ministre, l'option d'une administration internationale provisoire du Kosovo, appuyée sur une force militaire crédible.

A M. Xavier de Villepin, président, qui s'inquiétait des difficultés de la coopération franco-allemande, notamment dans le domaine des rapprochements industriels, M. Hubert Védrine a fait observer que si les gouvernements exprimaient des souhaits politiques de coopération, leur mise en oeuvre relevait cependant de plus en plus d'acteurs indépendants, notamment de groupes industriels qui suivaient leurs propres stratégies.

En réponse à une question de M. André Dulait concernant la tension croissante entre l'Inde et le Pakistan au sujet du Cachemire, M. Hubert Védrine a indiqué que la France s'efforçait d'inciter les deux parties, dans le cadre d'une politique coordonnée entre les grandes puissances occidentales, à la prudence et à la retenue. M. Xavier de Villepin, président, a alors fait observer qu'aux différends opposant l'Inde et le Pakistan s'ajoutaient, dans chaque pays, des situations politiques intérieures très difficiles, qu'il a jugées porteuses de dangers.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, M. Hubert Védrine a précisé que le voyage d'Etat du Président iranien en France n'avait été que reporté. Par ailleurs, a indiqué M.  Hubert Védrine au sénateur, aucune date n'était encore fixée pour un déplacement du Président de la République française dans différents Etats d'Asie centrale.

M. Michel Caldaguès a alors interrogé le ministre sur la signification diplomatique de la décision prise lors du sommet franco-allemand de Toulouse de " réactiver " le Corps européen, supposé être opérationnel depuis plusieurs années. Le ministre des affaires étrangères a répondu que Français et Allemands avaient été soucieux d'adresser un signal politique à l'intention de leurs partenaires européens sur la nécessité de remédier aux insuffisances européennes en matière de défense. Ainsi, l'idée d'un " Corps européen de réaction rapide " avait pour objectif de rappeler à nos partenaires qu'un embryon de capacités militaires européennes existait déjà et qu'il fallait désormais l'exploiter davantage et le renforcer. En matière de défense européenne, il convenait d'effectuer une double démarche : la première s'appuyant sur un petit noyau d'Etats déterminés, la seconde, réunissant les Quinze, revêtant un aspect plus institutionnel.

Enfin, en réponse à une question de M. Christian de La Malène sur la prochaine visite du Premier ministre cambodgien en France, M. Hubert Védrine a souligné l'importance, pour les deux pays, de poursuivre un dialogue élargi.
 

Mercredi 2 juin 1999

Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Traités et conventions - Conventions relatives à l'adhésion de l'Autriche, la Finlande et la Suède...

... à la convention concernant la compétence judiciaire et exécutive des décisions en matière civile et commerciale et à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles - Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné le rapport de M. André Boyer sur les projets de loi n° 307 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise,  et n° 308 (1998-1999) autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice.

M. André Boyer, rapporteur, a précisé que ces deux textes prévoyaient l'adhésion des trois derniers membres de l'Union européenne (Finlande, Autriche et Suède) à deux conventions dont l'objet n'était pas exactement identique, mais qui avaient en commun de constituer des mécanismes d'harmonisation juridique entre pays membres, dans deux domaines particuliers :

- tout d'abord, la définition des règles de compétence juridictionnelle et des règles de reconnaissance et d'exécution des jugements dans les matières civiles et commerciales fixées par la convention dite de Bruxelles du 27 septembre 1968, à laquelle adhéraient les trois nouveaux membres, objet du premier projet ;

- ensuite, la fixation de la loi applicable aux contrats présentant un élément international, déterminée par la convention de Rome du 19 juin 1980, à laquelle adhéraient également les trois nouveaux Etats-membres.

Abordant tout d'abord ce dernier texte, M. André Boyer, rapporteur, a rappelé l'enjeu de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Les objectifs de cette convention s'inscrivaient -a-t-il indiqué- dans le cadre, plus général, d'harmonisation des règles juridiques entre pays membres de l'Union européenne, singulièrement en ce qui concerne certains aspects du droit international privé, et l'harmonisation des règles de conflits de lois pour toutes les relations juridiques qui comportent un élément international. Tel était notamment le cas des conflits de lois relatives aux obligations contractuelles. En effet, la loi applicable aux contrats et aux obligations qu'ils créaient n'était pas nécessairement, a précisé le rapporteur, celle du pays où les questions de leur interprétation de leur exécution étaient soulevées. Tel était aussi le cas -a-t-il ajouté- des situations qui comportaient un ou plusieurs éléments " d'extranéité " : il pouvait arriver qu'une partie, ou toutes les parties, à un contrat soient des nationaux étrangers ou des personnes domiciliées à l'étranger, que le contrat ait été conclu à l'étranger ou que l'une ou plusieurs des prestations des contractants soient à exécuter dans un pays étranger.

Pour éviter de solliciter les systèmes juridiques de plusieurs pays ayant vocation à s'appliquer dans de tels litiges, la convention de Rome -a rappelé M. André Boyer, rapporteur- a eu pour objet de définir des règles uniformes de nature à trouver application dans de telles hypothèses. Il en résultait une meilleure sécurité juridique et une stabilité juridique renforcée pour les relations entre parties.

L'adhésion de la Finlande, de l'Autriche et de la Suède à la convention de Rome n'entraînait -a relevé le rapporteur- que des modifications mineures de coordination. La seule modification de fond apportée à la convention de Rome est induite par l'adhésion des deux pays nordiques qui ont souhaité préserver leurs dispositions nationales -coordonnées avec la législation danoise-, concernant la loi applicable aux questions relatives au transport de marchandises par mer.

M. André Boyer, rapporteur, a ensuite abordé le projet de loi concernant la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Celle-ci constituait -a-t-il précisé- un cadre d'harmonisation des règles de compétence judiciaire entre pays de l'Union européenne, tendant à prévoir une " libre circulation des jugements ". L'objectif de la convention de Bruxelles, prise dans le cadre de l'article 220 du Traité de Rome, était de déterminer la compétence des juridictions dans l'ordre international, de faciliter la reconnaissance des jugements et enfin d'instaurer une procédure rapide permettant d'assurer l'exécution des décisions, des actes authentiques et des transactions judiciaires. A cette fin, la convention de Bruxelles tendait à déterminer des critères permettant aux justiciables de connaître, à l'avance, la ou les juridictions compétentes, dont les décisions seraient reconnues et exécutées dans les autres Etats de l'Union.

Cette convention de Bruxelles, signée en 1968, a ensuite été complétée, a poursuivi le rapporteur, le 3 juin 1971, par un protocole consacrant la compétence de la Cour de Justice des Communautés européennes en matière d'interprétation de la convention. Elle a par ailleurs été amendée à trois reprises, à l'occasion de l'adhésion à la CEE de nouveaux Etats membres : en 1978 pour le Danemark, l'Irlande et le Royaume-Uni, en 1982 à la suite de l'adhésion de la Grèce, en 1989 enfin lors de celle de l'Espagne et du Portugal.

L'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à la convention de Bruxelles modifiée n'entraînait, pour sa part, que des aménagements mineurs à caractère technique.

Au total, a conclu le rapporteur, ces deux textes s'inscrivent dans la logique d'harmonisation juridique destinée à instaurer, entre les quinze pays de l'Union, sinon un droit unique, au moins des règles de simplification des différents droits nationaux entre eux afin de faciliter et d'accélérer les procédures judiciaires civiles et commerciales et de conférer une meilleure sécurité juridique aux contrats passés entre des ressortissants de l'Union.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, celui-ci a indiqué à M. Xavier de Villepin, président, que l'adhésion à la convention de Bruxelles était ouverte aux Etats-membres de l'Union européenne.

La commission, suivant l'avis de son rapporteur, a alors approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.

Affaires étrangères - Déplacement au Maroc et dans le Sahara occidental - Communication

Mme Paulette Brisepierre a ensuite présenté une communication à la suite d'un déplacement effectué au Maroc et dans les provinces sahariennes (Sahara occidental), dans le cadre du " groupe spécial Méditerranée " de l'Assemblée parlementaire de l'Otan, rassemblant 26 personnes et réunissant des parlementaires de 10 pays. Son objet, a-t-elle précisé, était de recueillir des informations aussi complètes que possible à la fois sur la sécurité en Afrique du nord, sur la situation économique et politique du Maroc, sur ses grandes orientations de politique étrangère et sur le problème plus spécifique du Sahara occidental, qui, a rappelé Mme Paulette Brisepierre, était actuellement la priorité nationale, non seulement pour le Gouvernement marocain mais pour tous les Marocains, chacun se sentant personnellement concerné par ce problème.

Après avoir évoqué les nombreux entretiens accordés à la délégation par les membres du Gouvernement marocain, les présidents des deux assemblées et les responsables des principaux groupes politiques, Mme Paulette Brisepierre a indiqué que la délégation s'était rendue dans les provinces du sud (Sahara occidental), à El Ayoune et Dakhla. Les gouverneurs locaux avaient présenté les investissements réalisés, tant dans le domaine industriel que dans les domaines social et de l'enseignement, ainsi que les très importantes réalisations en matière d'infrastructures faites par le Maroc dans ces zones qui font l'objet, a-t-elle rappelé, d'un processus de règlement conduit par l'ONU et tendant à définir le statut définitif du territoire.

Mme Paulette Brisepierre a alors rappelé les objectifs du Maroc dans les domaines politique et économique.

Sur le plan politique, il s'agissait -a-t-elle précisé- de faire évoluer le système politique et institutionnel marocain vers le pluralisme et vers davantage d'Etat de droit. La réforme institutionnelle de 1996 avait préparé le terrain en prévoyant notamment l'élection de l'ensemble des députés au suffrage universel direct et la création d'une nouvelle chambre dont les membres sont élus au suffrage universel indirect. Les élections de 1997 avaient donné la majorité, à l'Assemblée nationale, à une coalition des partis de gauche et d'organisations nationalistes, la Koutla, où dominait le parti de l'Union socialiste des forces populaires d'où était issu le premier ministre, M. Youssouffi. Enfin, sur le chapitre des droits de l'homme, le Roi avait demandé en octobre 1998 que les questions en suspens, relatives aux disparitions notamment, soient réglées dans les six mois.

Sur le plan économique, la volonté des Marocains -a relevé Mme Paulette Brisepierre- est prioritairement d'associer leur pays à l'Union européenne. Ils attendent beaucoup de l'entrée en vigueur de l'accord euro-méditerranéen ratifié l'année dernière. Cet accord nécessite toutefois d'importants efforts de leur part et une aide financière substantielle de l'Europe est indispensable pour obtenir les résultats positifs escomptés.

Abordant alors la situation dans les provinces du sud -ce Sahara occidental qui, pour les Marocains, fait partie intégrante du Maroc-, Mme Paulette Brisepierre a dressé un rapide historique de ces provinces, restituées au Maroc par les Espagnols en 1976 mais -avec l'appui de l'Algérie- immédiatement revendiquées par le Front Polisario, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ayant alors été proclamée et reconnue tout de suite par l'Algérie qui a commencé, à son égard, une longue politique de soutien politique et militaire.

Pour les Marocains, a souligné Mme Paulette Brisepierre, par delà ses richesses minières -au demeurant limitées-, le Sahara occidental fait partie intégrante du Maroc, compte tenu notamment de l'allégeance constante des tribus sahraouies à l'égard du souverain du Maroc. Le plan de règlement adopté par les Nations unies prévoyait, dès 1988, l'organisation d'un référendum d'autodétermination, destiné à régler le conflit, mais les combats avaient mis aux prises les deux parties jusqu'en 1991, date du cessez-le-feu et du début de l'implication concrète de l'ONU par la création d'une " Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental " (Minurso) chargée de veiller au respect du cessez-le-feu et de préparer la tenue d'un référendum d'autodétermination.

Après la signature des accords de Houston en septembre 1997, faisant suite à une démarche de M. James Baker au nom du Secrétaire général des Nations unies, le processus de règlement, qui butait sur de nombreux obstacles, a été relancé. Un accord global a été réalisé au début de l'année, faisant droit à la revendication marocaine de procéder à l'examen de la capacité de 65.000 membres de tribus jusqu'alors contestées à participer au référendum. Le démarrage de l'identification de ces tribus a commencé, le 1er juin, le référendum devant avoir lieu le 31 juillet 2000.

Depuis le cessez-le-feu, a souligné Mme Paulette Brisepierre, le Maroc a consenti à des efforts financiers et politiques considérables pour valoriser et développer ces territoires désertiques.

Mme Paulette Brisepierre a souligné enfin l'intérêt particulier de la séance de travail tenue au siège de la Minurso à El Ayoune.

Pour Mme Paulette Brisepierre, la communauté internationale est placée, quant à l'avenir de cette partie stratégique de l'Afrique, face aux termes de l'alternative suivante : vaut-il mieux la voir prise en charge par le Maroc, dont l'évolution politique et économique se rapproche progressivement des standards occidentaux, ou prendre le risque de l'établissement, à la charnière de la Mauritanie, du Maroc et de l'Algérie, à cet endroit crucial qui sépare l'Afrique noire du Maghreb, d'un Etat dont les responsables potentiels revendiquent un héritage politique aujourd'hui dépassé et lourd de dangers pour une région avec laquelle l'Europe s'attache à développer des relations de plus en plus denses, de coopération politique et d'association économique ? Par delà la légitime expression du droit à l'autodétermination c'est aussi, a conclu Mme Paulette Brisepierre, à cet aspect de l'enjeu qu'il convient d'être particulièrement attentifs.

Un débat s'est ensuite instauré entre les commissaires.

A une question de M. André Dulait, Mme Paulette Brisepierre a précisé que la population actuelle au Sahara occidental est de quelque 220.000 habitants, d'où l'importance que revêtent les 65.000 membres des tribus contestées.

Mme Paulette Brisepierre et M. Michel Caldaguès ont évoqué des informations selon lesquelles les enfants sahraouis, réfugiés dans les zones contrôlées par le Polisario, sont assujettis à diverses formes d'endoctrinement.

Après que M. Xavier de Villepin, président, eut explicité la position de la France sur le dossier du Sahara occidental, tendant à inciter les parties à collaborer au plan de règlement de l'ONU, il s'est dit inquiet de voir perdurer ce processus de règlement engagé depuis 1988. Il a fait observer que l'effort militaire accompli constituait un poids financier considérable pour le Maroc.

Mme Paulette Brisepierre a ajouté que les investissements importants réalisés par le Maroc dans les provinces sahariennes ajoutaient au fardeau financier. Elle a indiqué que certains parlementaires étrangers, qui avaient eu l'occasion, pour la première fois, de visiter les territoires et les réalisations effectuées par le Maroc, avaient été surpris par l'importance des efforts consentis.

M. Xavier de Villepin, président, a conclu en s'interrogeant sur les difficultés qui pourraient apparaître si un Etat indépendant venait à être créé dans cette région importante.

Affaires étrangères - Situation en Israël - Communication

M. Xavier de Villepin, président, a enfin présenté une communication sur la situation en Israël après les élections du 17 mai dernier. Il a d'abord observé que ce scrutin avait marqué une très nette victoire des travaillistes après trois années d'exercice du pouvoir par le Likoud qui s'était montré, sous la direction de M. Netanyahou, inflexible dans les relations avec les pays arabes et avec les Palestiniens.

M. Xavier de Villepin, président, a alors relevé les particularités du mode de scrutin israélien qui conduisaient à élire simultanément le Premier ministre au suffrage universel et la Knesset à la proportionnelle intégrale. Il a noté que M. Barak, le nouveau chef du Gouvernement avait assumé les fonctions, au cours de sa carrière, de chef d'état-major des armées et avait témoigné jusqu'à présent d'une fermeté certaine à l'égard du processus de paix. Après avoir noté que M. Netanyahou avait quitté le pouvoir avec beaucoup de dignité, il a ajouté que les résultats du scrutin législatif faisaient apparaître une grande fragmentation de la représentation politique au sein de la Knesset. M. Xavier de Villepin, président, a ainsi relevé que, si le Likoud avait perdu beaucoup de sièges, les travaillistes eux-mêmes obtenaient une représentation moindre que dans la législature précédente, tandis que le parti Shas -religieux- progressait de manière notable.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé que le débat, au sein de l'opinion israélienne, portait peut-être moins aujourd'hui sur la poursuite du processus de paix, qu'appuyait une majorité de la population, que sur l'identité même d'Israël et sur le choix entre la fidélité à la laïcité et le renforcement du poids de la religion dans l'organisation de l'Etat.

Revenant alors sur le processus de paix, M. Xavier de Villepin, président, a relevé l'engagement pris par M. Barak de procéder, avant le mois de juin 2000, au retrait des troupes israéliennes du sud-Liban. Il a ajouté que M. Barak s'était également montré ouvert vis-à-vis de la Syrie sur la question du Golan, tout en se souciant d'obtenir, pour Israël, les garanties nécessaires. Il a estimé qu'un retrait de Tsahal du Liban sud constituerait une étape importante dans le processus de paix, même si cette évolution pouvait ouvrir une période d'incertitudes dans la vie politique libanaise.

M. Xavier de Villepin, président, a alors conclu que la perspective d'un gouvernement de coalition, associant aux travaillistes majoritaires des représentants du Likoud -parti dont M. Sharon était devenu le président depuis la démission de M. Netanyahou- et du Shas, ne pouvait être exclue. Cette formule, a-t-il estimé, représentait peut-être la meilleure chance d'avancer dans le processus de paix, dans un contexte difficile, marqué par des tensions récurrentes entre Israéliens et Palestiniens, alors même que l'autorité de M. Arafat paraissait aujourd'hui plus contestée que dans le passé.