Mission d'information pour l'an 2000 - Echange de vues

La commission a d'abord procédé à un échange de vues sur la destination de sa principale mission d'information à l'étranger pour l'an 2000. Sur la proposition deM. Xavier de Villepin, président, appuyée par M. Hubert Durand-Chastel, président du groupe sénatorial d'amitié France-Iran, elle a retenu le principe d'une mission en Iran, accomplie par une délégation de la commission composée d'un représentant de chaque groupe politique, afin de s'informer sur la situation politique et économique dans ce pays et de faire le point sur l'évolution des relations bilatérales franco-iraniennes. Cette mission devrait avoir lieu, après les élections prévues en Iran au premier trimestre 2000, durant l'interruption de la session parlementaire du mois d'avril prochain.

Affaires étrangères - Situation au Cambodge et au Laos - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Christian de La Malène sur la situation au Cambodge et au Laos.

M. Christian de La Malène a précisé qu'une délégation du groupe d'amitié France-Laos-Cambodge, qu'il composait avec MM. Jean Faure et Jean Puech, s'était rendue au Laos et au Cambodge, au mois de juillet 1999.

M. Christian de La Malène a rappelé que ces deux pays devaient leur existence à la France, dans la mesure où les frontières du Laos avaient été définies par M. Auguste Pavie, et où notre pays avait protégé le Cambodge contre les ambitions de ses voisins. Il en résultait, dans les deux sens, des liens forts entre ces deux pays et la France. Compte tenu par ailleurs de leur faible importance géographique et démographique, ces pays -a-t-il estimé- ne posaient pas pour notre pays des problèmes stratégiques majeurs.

Abordant en premier lieu le Laos, M. Christian de La Malène a souligné que les dirigeants actuels du régime, théoriquement communiste mais surtout autoritaire, n'avaient pas changé depuis de nombreuses années. En réalité, l'idéologie ne jouait pas un rôle majeur dans ce pays dont " la politique se faisait à Hanoï et l'économie à Bangkok ". Dans les faits, des changements étaient cependant perceptibles sur le plan économique.

M. Christian de La Malène a alors évoqué quelques-unes des interrogations que l'on pouvait se poser, à partir de la situation actuelle, sur l'avenir du Laos. Comment se ferait la succession des actuels responsables gouvernementaux, dans un pays où les Laotiens étaient eux-mêmes minoritaires parmi plusieurs autres groupes ? Comment évoluerait par ailleurs l'économie laotienne, où le marché prenait une place croissante ?

M. Christian de La Malène a souligné le caractère d'" Etat tampon " du Laos, entre notamment la Chine, le Vietnam, la Thaïlande. Ces pays -a-t-il relevé- trouvaient avantage à l'existence et à la survie du Laos. La France était pour le Laos un allié précieux, bien ressenti par les responsables, compte tenu de la coopération que nous y développions, en particulier à travers la coopération décentralisée.

Concluant son propos, M. Christian de La Malène a estimé qu'en dépit de quelques tensions minimes, l'avenir du Laos ne semblait pas menacé.

M. Christian de La Malène a ensuite abordé la situation au Cambodge. Il a tout d'abord rappelé l'évolution politique de ce pays depuis la conclusion des accords de Paris en 1991 et la mise en place de la " tutelle " des Nations unies qui avait débouché, en avril 1993, sur des élections législatives. Celles-ci n'avaient pas permis de dégager une claire majorité. Le parti royaliste (Funcinpec) avait obtenu 58 sièges, le parti du peuple cambodgien (PPC) de M. Hun Sen 51 sièges, 10 sièges étaient revenus à un parti démocratique disparu depuis et un siège à un député libéral. La Constitution, élaborée à la suite de cette consultation, prévoyait notamment, pour la formation d'un gouvernement, une majorité des deux tiers à l'Assemblée nationale. Un gouvernement de coalition avait donc été mis en place, où le pouvoir avait été partagé entre un premier Premier ministre (M. Hun Sen) et un second Premier ministre (M. Ranariddh). Mais, en juillet 1997, un " coup de force " avait abouti à la domination du PPC de M. Hun Sen.

Cependant, a poursuivi M. Christian de La Malène, les élections de juillet 1998, avec une participation élevée (90 %), avaient amené une nouvelle assemblée ainsi composée : 64 sièges pour le PPC, 48 pour le Funcinpec, et 15 sièges pour le parti de M. Sam Rainsy. Un " accord de cohabitation " avait alors été conclu, sous la pression notamment du Roi Norodom Sihanouk, de la France et des pays européens. Ce nouveau partage du pouvoir conférait à M. Hun Sen le rôle de seul Premier ministre, mais M. Ranariddh avait été élu à la présidence de l'Assemblée nationale et un Sénat avait été créé, dont la présidence était revenue à M. Chea Sim. M. Christian de La Malène a fait observer que la création de ce Sénat, conçu comme gage d'équilibre, de démocratie et de stabilité, avait été une condition du retour du Cambodge au sein de l'Association des nations de l'Asie du sud-est (ASEAN).

M. Christian de La Malène a alors souligné les caractéristiques du Cambodge d'aujourd'hui : un pays en paix véritable depuis seulement deux ans, où l'armée semblait revenir à ses fonctions traditionnelles, et où le Gouvernement s'efforçait de rassembler les nombreux armements dispersés dans le pays, sans parler de l'importance du travail de déminage -dont un colonel français avait en particulier la charge autour du site d'Angkor.

Sur le plan économique, le choix de l'économie de marché était réaffirmé et contribuait à changer la physionomie des villes cambodgiennes où les automobiles et les motocyclettes supplantaient désormais les vélos, sans oublier l'essor du tourisme et les constructions hôtelières. Cette transformation, essentiellement urbaine, était moins perceptible dans les campagnes. Il restait cependant à opérer des réformes importantes, notamment sur le plan fiscal, et à créer de véritables collectivités locales.

M. Christian de La Malène a enfin relevé la difficile question des libertés publiques, sujet sur lequel demeurait une certaine opacité. Le jugement des responsables Khmers rouges, auquel les Cambodgiens voudraient procéder eux-mêmes en dépit des voeux de l'ONU, constituait un autre abcès de fixation.

M. Christian de La Malène a ensuite précisé que la France, avec ses partenaires européens, avait fait le choix, depuis 1993, d'apporter un soutien sans faille au Cambodge. D'autres pays -Etats-Unis, membres de l'ASEAN- ou certaines ONG préconisaient, pour leur part, d'obtenir du Cambodge, en échange de leurs concours, des avancées précises dans le domaine des libertés.

Concluant son propos, M. Christian de La Malène a estimé que tout éventuel mécontentement populaire au Cambodge ne proviendrait plus du monde rural, mais des centres urbains, tant était fort le souhait de la jeunesse d'accéder à l'économie de marché. Il s'est toutefois interrogé sur l'attitude que pourrait adopter la France dans l'hypothèse où le Gouvernement cambodgien serait amené, pour faire face à une telle situation, à restreindre les libertés.

Un débat s'est alors instauré avec les commissaires.

M. Jean Puech a indiqué qu'il avait perçu au Cambodge une forte attente à l'égard de la France. Il a par ailleurs estimé que nos concours financiers souffraient parfois d'une certaine dispersion et qu'il conviendrait de les recentrer sur certains objectifs prioritaires, comme le déminage.

MM. Robert Del Picchia, Jean Puech et Xavier de Villepin, président, ont évoqué avec M. Christian de La Malène la diffusion de TV5 et de CFI (Canal France International) au Cambodge.

En réponse à M. Hubert Durand-Chastel, M. Christian de La Malène a estimé que le problème de la drogue au Laos était moins apparent que dans le passé.

En réponse à une question de M. Paul Masson, M. Christian de La Malène a indiqué qu'il était difficile de mesurer l'influence de la Chine au Cambodge. Elle avait cessé de soutenir la guérilla khmer rouge mais restait vigilante sur les liens particuliers qui unissaient M. Hun Sen à Hanoï.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé que la France n'avait pas eu d'autres choix que de soutenir le Cambodge, qui commençait d'ailleurs à venir à bout de ses difficultés, dans un contexte régional complexe où de grandes puissances voisines entendaient accroître leur influence. Il a enfin évoqué, avec M. Christian de La Malène, l'avenir des relations politiques franco-cambodgiennes.

Affaires étrangères - Reconstruction du Kosovo - Communication

Puis la commission a entendu une communication de M. Daniel Goulet sur la reconstruction du Kosovo à la suite d'un récent voyage dans la région, en septembre dernier, d'une délégation de parlementaires du Conseil de l'Europe.

M. Daniel Goulet a, tout d'abord, vivement regretté que les parlementaires français membres de l'assemblée du Conseil de l'Europe ne soient pas plus souvent et mieux entendus au sein du Parlement français. Il a souhaité qu'ils puissent, à l'avenir, être régulièrement entendus par les commissions compétentes pour y rendre compte de leurs travaux. Il a déploré l'apparente indifférence française à l'égard du Conseil de l'Europe alors que cette organisation -a-t-il rappelé- réunit plus de 40 Etats, que les pays d'Europe du sud-est y attachent une grande importance et que cette institution fêtera son cinquantième anniversaire fin 1999.

M. Daniel Goulet a ensuite indiqué que la mission qu'il avait conduite a donné lieu à la rédaction de rapports, dont l'un sur l'aspect agricole de la reconstruction du Kosovo, dont les conclusions ont d'ailleurs été débattues, lors de la session du Conseil de l'Europe, avec le Président de la République fédérée du Montenegro.

Abordant les difficultés propres à la reconstruction du Kosovo, M. Daniel Goulet a insisté sur la nécessité de traiter ce problème de la reconstruction en prenant en compte tous les pays environnants, et de ne pas se limiter au seul Kosovo. Il a ensuite souligné que ce travail de reconstruction devait faire l'objet d'une planification pour être organisée dans le temps et dans l'espace. Il a indiqué que les objectifs poursuivis devaient être bien ciblés pour concentrer les moyens, et définis avec modestie pour atteindre des objectifs concrets. Le rétablissement de la navigation sur le Danube lui est apparu, en outre, comme un élément fondamental du retour de la croissance économique dans la région, compte tenu de l'importance majeure de cet axe de communication.

M. Daniel Goulet a ensuite abordé les aspects concrets de la reconstruction. Dans l'état précaire où se trouve le Kosovo, la reconstruction de son économie passe d'abord -a-t-il estimé- par celle de son agriculture. En effet, le Kosovo demeure un pays agricole où 28 % de la population active travaillaient dans l'agriculture avant le conflit. Il est donc nécessaire de favoriser le retour des populations concernées sur leurs terres en leur permettant de reconstruire leurs habitations pour qu'elles puissent être relogées avant que l'hiver ne soit trop rude. Il faut également favoriser la reprise des travaux agricoles pour qu'ils y trouvent leur propre subsistance. Se pose, dès lors, a souligné M. Daniel Goulet, le très grave problème du déminage des zones agricoles. Il a précisé à cet égard que plus de 700 sites minés sont répertoriés et que 330 enfants sont morts victimes de mines antipersonnels depuis le mois de juin dernier.

M. Daniel Goulet a ensuite tenu à souligner le travail exceptionnel effectué par les militaires français au Kosovo en matière de déminage et de reconstruction. Il a notamment cité l'exemple d'un officier de réserve français qui supervise la reconstruction agricole du Kosovo au sein de l'administration dirigée par M. Bernard Kouchner.

En outre, M. Daniel Goulet a insisté sur la concurrence très forte qui existe sur le terrain entre les différents pays et organisations internationales pour tirer profit de la reconstruction du Kosovo. Face à la concurrence, notamment américaine, il a estimé qu'il était indispensable d'attirer l'attention des autorités françaises sur cette situation et sur la nécessité de concentrer nos moyens sur quelques opérations apportant un soutien logistique efficace aux Kosovars, pour leur permettre de reconstruire eux-mêmes rapidement leur pays.

En conclusion, M. Daniel Goulet a estimé que le principal obstacle qui demeurait à la reconstruction était, comme dans d'autres pays du monde, le problème du déminage, auquel des moyens importants doivent être consacrés.

A la suite de l'exposé de M. Daniel Goulet, un débat s'est engagé entre les commissaires.

M. Robert Del Picchia a estimé que les événements actuels conduisaient plutôt vers l'indépendance que vers une simple autonomie du Kosovo. Il s'est ensuite interrogé sur les effets de la présence de nombreuses organisations internationales au Kosovo, sur leur concurrence, et notamment sur les rôles respectifs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe.

M. Daniel Goulet a répondu qu'il ne lui semblait pas qu'il pût y avoir une concurrence entre ces deux institutions ayant des compétences différentes. Il a rappelé que le Conseil de l'Europe avait peu de moyens d'action directe et qu'il s'agissait surtout d'un organe de rencontres, d'échanges, de réflexion et de propositions.

M. Paul Masson s'est interrogé sur la situation actuelle de la communauté serbe du Kosovo, sur l'avenir de cette communauté au Kosovo et sur la politique d'aides de l'Union européenne.

M. Daniel Goulet a souligné que la population serbe avait perdu ses repères et qu'elle était très inquiète des événements politiques actuels, qui risquaient de la contraindre à l'exil.

M. Robert Del Picchia a alors indiqué que, pour l'instant, l'Union européenne orientait son aide en Serbie vers deux villes dirigées par l'opposition.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné qu'il était indispensable d'intégrer la Serbie dans un processus de retour à la paix et à la reconstruction, et que limiter l'aide européenne à quelques villes d'opposition risquait d'être mal interprété par l'opinion serbe.

Mme Danielle Bidard-Reydet s'est également inquiétée des conséquences du maintien de la conditionnalité de l'aide européenne. Elle a souligné que l'ensemble de la population était dans une grande détresse en raison des destructions dues au conflit. Trop tarder à apporter l'aide nécessaire risquait -a-t-elle estimé- de provoquer de graves conséquences humanitaires.

M. Xavier de Villepin, président, a déclaré partager ces inquiétudes en estimant qu'il ne fallait pas avoir d'a priori face aux victimes civiles.

M. Jean-Guy Branger a, à nouveau, évoqué le très grave problème du déminage. Il a estimé qu'il n'était pas acceptable que tout ne soit pas mis en oeuvre pour qu'une solution rapide soit trouvée.

M. Xavier de Villepin, président, a alors indiqué que l'évolution de la situation du Kosovo continuerait à être attentivement suivie par la commission. Il a suggéré l'organisation de nouvelles auditions sur ce sujet avant d'envisager un déplacement sur place.

Traités et conventions - Convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique - Examen du rapport

La commission a ensuite entendu le rapport de Mme Danielle Bidard-Reydet sur le projet de loi n° 501 (1998-1999) autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, fait à Madrid le 5 juin 1992.

Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a d'abord indiqué qu'il s'agissait d'un protocole technique ayant pour but de modifier la méthode de calcul des contributions financières des Etats membres afin de mieux répartir les charges entre pays développés et pays en voie de développement. Elle a rappelé que la convention internationale pour la conservation des thonidés dans l'Atlantique (CICTA) a été adoptée à Rio le 14 mai 1966 et constitue l'une des premières organisations internationales de gestion des ressources halieutiques.

La France -a-t-elle précisé- est membre de cette organisation depuis l'origine. Depuis 1997, la Communauté européenne y a adhéré directement et s'est substituée aux pays européens qui en étaient membres. Toutefois, la France et le Royaume-Uni en restent membres au titre de leurs territoires d'outre-mer, c'est-à-dire Saint-Pierre-et-Miquelon pour la France.

Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a tout d'abord expliqué que la CICTA était une organisation reconnue, dotée de réels pouvoirs. Forte d'une trentaine de membres, elle réunit les principaux pays côtiers et pêcheurs. Elle ne poursuit pas un but de protection des espèces, car son objectif est d'organiser l'exploitation la plus rationnelle possible de la ressource alimentaire et économique que représentent les thonidés. Le champ de compétences de la convention est très large quant aux espèces concernées, plus de trente, et quant à la zone géographique : l'Atlantique, la Méditerranée et les Caraïbes.

Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a ensuite rappelé les pouvoirs de l'Union européenne dans le cadre de la politique commune de la pêche. Elle a souligné que l'Union européenne jouait un rôle essentiel dans la gestion internationale de la pêche en concluant de nombreux accords de pêche avec des pays tiers et en participant à des organisations régionales. Les accords de pêche qui se sont développés à partir des années 1970 permettent aux pays de l'Union européenne de continuer à pêcher dans les zones économiques exclusives de pays tiers. Ils sont aujourd'hui au nombre de 26 et ils assurent 20 % de la production communautaire et 28.000 emplois directs et indirects en Europe.

Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a également relevé l'importance économique pour la France de la pêche aux thonidés. Si, effectivement, au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon ses intérêts sont très faibles, en revanche, au titre de la flotte de métropole, ils sont très importants. La flotte française est en effet la seconde en Europe, derrière la flotte espagnole. La pêche dans les mers tempérées est très importante pour les ports qui la pratiquent, sans toutefois représenter un tonnage très important (4.000 tonnes). En revanche, c'est la pêche aux thons tropicaux qui représente l'essentiel des intérêts économiques français. En 1997, les captures s'élevaient à plus de 120.000 tonnes, ce qui représente une valeur de plus de 761 millions de francs. L'Atlantique représente un peu moins de la moitié des prises. Par ailleurs, les industriels français possèdent de très importantes conserveries à l'étranger (Sénégal, Côte d'Ivoire, Madagascar et Ile Maurice).

Enfin, Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a précisé les modifications apportées par le protocole au système de calcul des contributions des Etats membres de la CICTA. Elle a expliqué que le protocole modifiait le calcul de la partie proportionnelle des contributions. Elle a insisté sur le fait que cette réforme devrait conduire les pays développés à assumer les deux tiers du budget annuel. Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a souligné que la France était le dernier pays développé à ne pas avoir ratifié le protocole et que sa ratification conditionnait son entrée en vigueur.

En conclusion, Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a souligné que les problèmes de la pêche avaient pris une dimension internationale qui nécessitaient une coopération entre Etats pêcheurs et Etats côtiers et que le recours à des institutions multilatérales était devenu indispensable pour assurer une bonne gestion des ressources et la poursuite de la pêche. A cet égard, le rôle de la CICTA était essentiel pour la pêche aux thonidés puisque c'était une organisation reconnue et respectée internationalement. Enfin, elle a estimé que compte tenu de l'importance de ses intérêts économiques, la France avait intérêt à favoriser le bon fonctionnement de cette organisation en approuvant une répartition plus équitable de son financement.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène a souhaité connaître le montant total de la contribution de la France à la CICTA.

M. Xavier de Villepin, président, en soulignant l'étendue des compétences géographiques de la CICTA, en Atlantique, en Méditerranée et dans les Caraïbes, a souhaité savoir si le Japon était membre de cette commission et si une organisation existait pour la gestion des thonidés dans l'Océan indien.

Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur, a alors apporté les précisions suivantes :

- la contribution totale de la France est constituée, pour sa plus grande partie, par sa part dans la contribution globale de l'Union européenne. A titre indicatif, la France payait un peu moins de 900.000 francs au titre de sa contribution à la CICTA en 1996, avant l'adhésion de la Communauté européenne ;

- le Japon est bien signataire de la convention de 1966.

La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

Traités et conventions - Convention portant création conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Guy Branger sur le projet de loi n° 487 (1998-1999) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR).

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) visait à corriger les défauts constatés dans la conduite des programmes d'armement en coopération. Il a rappelé que, jusqu'à présent, les réalisations européennes en matière d'institutionnalisation de la coopération sur les programmes d'armement s'étaient limitées à la création en 1993, à la suite du Groupe européen indépendant de programmes (GEIP) lui-même instauré en 1976, du Groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO), forum de discussion sur les questions d'armement rattaché à l'UEO, puis à la constitution en 1996, toujours sous l'égide de l'UEO, de l'Organisation armement de l'Europe occidentale (OAEO) qui gère des coopérations en matière de recherche dans le cadre du programme Euclid.

C'est pour aller au-delà de ces réalisations limitées, a-t-il poursuivi, que la France et l'Allemagne, rejointes par l'Italie et le Royaume-Uni, ont décidé de créer l'OCCAR, organisation supranationale qui sera dotée de la personnalité juridique et pourra se voir confier la gestion de programmes d'armement en coopération, avec pour objectif une réduction des coûts et des délais.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a précisé que l'OCCAR agirait par délégation de ses Etats-membres, selon ses procédures propres, beaucoup moins lourdes que les réglementations nationales, et avec ses propres personnels, de manière à éviter les duplications d'effectifs fréquentes sur les programmes en coopération.

Le rapporteur a cité plusieurs principes de fonctionnement originaux destinés à permettre à l'OCCAR de réaliser les programmes d'armement au meilleur rapport coût-efficacité : la mise en concurrence, les commandes globales pluriannuelles, l'abandon du " juste retour " industriel programme par programme. Il a souligné que, par la convention, les Etats-membres s'engageaient à s'équiper des matériels aux développements desquels ils avaient participé dans le cadre de l'OCCAR, ce qui revenait à établir un principe de préférence européenne. Il a décrit les modalités de fonctionnement de l'OCCAR, qui sera gérée par un conseil de surveillance et disposera d'un budget propre, alimenté par les contributions des Etats-membres.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a ensuite évoqué les programmes d'armement qui avaient d'ores et déjà été intégrés à l'OCCAR, sans attendre que celle-ci dispose de la personnalité juridique, en particulier les programmes franco-allemands Tigre, Hot et Milan, ainsi que le radar de contrebatterie Cobra et les missiles sol-air futurs (FSAF). Il a souligné la part, pour l'instant prépondérante, de la France et de l'Allemagne dans l'OCCAR. Il a estimé que les bénéfices optimaux en termes d'économies ne pourraient se constater que sur les programmes que l'OCCAR prendrait en charge dès leur conception, même si l'on pouvait d'ores et déjà noter des réductions de coût sur des programmes en cours comme l'hélicoptère Tigre.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a enfin précisé que les Pays-Bas devraient prochainement devenir le cinquième Etat-membre de l'OCCAR.

En conclusion, le rapporteur a replacé la création de l'OCCAR dans la perspective de la construction d'une Europe de la défense. Il a considéré que l'accélération des regroupements dans les industries européennes de défense imposait, en parallèle, des avancées concrètes en matière de politique européenne de défense et notamment de politique d'armement. Il a estimé que le succès de l'OCCAR reposerait sur la volonté de chaque participant de promouvoir une préférence européenne afin de s'équiper à moindre coût tout en élargissant le marché des industries européennes de défense.

Rappelant enfin la nécessité de l'obtention de la personnalité juridique qui donnera à l'OCCAR de véritables moyens d'action, il a souligné l'intérêt d'une ratification rapide de la convention du 9 septembre 1998 et a proposé à la commission d'émettre un avis favorable au présent projet de loi.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Christian de La Malène a souhaité obtenir des précisions sur le statut des personnels affectés à l'OCCAR et sur la position des Etats-Unis face à cette institution européenne.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé si l'affectation de personnels à l'OCCAR entraînerait une diminution des effectifs de la Délégation générale pour l'armement (DGA). Il s'est interrogé sur la possibilité de transférer à l'OCCAR le programme d'avion de transport futur (ATF).

En réponse à ces interventions, M. Jean-Guy Branger, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- l'OCCAR disposera de son propre personnel et le transfert de programmes d'armement à l'OCCAR devrait s'accompagner d'une diminution des effectifs chargés de la conduite des programmes au sein de la DGA ;

- l'OCCAR vise à renforcer les coopérations européennes sur les programmes d'armement et à promouvoir une sorte de préférence européenne ;

- dans l'hypothèse où une coopération européenne se réaliserait sur l'ATF, ce programme pourrait en effet être confié à l'OCCAR.

La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

Mission d'information à l'étranger - Maroc - Compte rendu

La commission a enfin entendu le compte rendu d'une mission effectuée par une délégation au Maroc du 30 septembre au 3 octobre 1999.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord rappelé que l'objectif de cette mission, qu'il avait effectuée en compagnie de Mme Paulette Brisepierre, présidente du groupe d'amitié, et de MM. Michel Pelchat et Gérard Roujas, était de faire le point sur la nouvelle donne intérieure marocaine, compte tenu, en particulier, de l'impulsion donnée par le nouveau roi, Mohamed VI, aux priorités qui constituent autant de chantiers essentiels, tels que le domaine éducatif ou la " mise à niveau " dans le domaine social. Il s'agissait enfin d'évaluer l'état d'avancement du plan de règlement de la délicate question du Sahara occidental, mis en oeuvre depuis huit ans par l'ONU.

M. Xavier de Villepin, président, a présenté six observations.

Il a tout d'abord souligné la sérénité qui avait présidé à la transition, après le décès du roi Hassan II, sans empêcher toutefois le nouveau roi de marquer sa différence, tant dans la définition des priorités que par les décisions qu'il prenait et dont certaines revêtaient une forte valeur symbolique.

Dès ses premiers discours, le roi avait en effet placé l'éducation, la question sociale et la réflexion sur le statut de la femme en tête de ses priorités. 50 % des Marocains étaient en effet analphabètes et, parmi ceux-ci, 80 % étaient des femmes. Le pays, par ailleurs, souffrait, a précisé M. Xavier de Villepin, président, d'un taux de chômage supérieur à 20 %, y compris parmi les jeunes diplômés, dans un pays où 50 % de la population avaient moins de 20 ans.

Le nouveau monarque avait également pris, a précisé M. Xavier de Villepin, président, des décisions témoignant d'une réelle volonté d'infléchissement dans certains domaines. La décision la plus visible avait été l'autorisation donnée au retour au Maroc de M. Abraham Serfaty, retour qui était d'ailleurs intervenu le soir même de l'arrivée de la délégation à Rabat. Le nouveau monarque semblait décidé à revenir sur la politique du " tout sécuritaire " conduite par M. Basri, ministre de l'intérieur du Royaume depuis 20 ans.

La deuxième observation de M. Xavier de Villepin, président, a porté sur la volonté du Maroc de renforcer son ancrage européen, qui n'allait cependant pas sans risques ni difficultés. La mise en oeuvre, à partir du 1er janvier 2000, de l'accord d'association Maroc-Union européenne constituait à terme une réelle occasion commerciale pour les deux parties mais, à court terme, les incertitudes pour le Maroc étaient nombreuses, du fait notamment des contraintes industrielles et sociales qui en résultaient.

Le dossier de la pêche, en particulier, constituait un abcès de fixation dans les relations euro-marocaines : le Maroc avait déjà conclu avec l'Union européenne trois accords successifs aux termes desquels il avait accepté de partager -en fait avec l'Espagne- l'exploitation d'une partie de ses ressources halieutiques jusque dans ses propres eaux territoriales. Le dernier accord venait à expiration à la fin du mois de novembre et promesse avait été faite au Maroc d'en rester là. Cependant, l'Espagne faisait pression au sein de l'Union européenne pour qu'un quatrième accord soit conclu, ce que refusait le Maroc en faisant valoir que sa richesse halieutique constituait pour lui une ressource économique essentielle.

La troisième observation de M. Xavier de Villepin, président, a concerné la place économique privilégiée de la France au Maroc et l'importance de notre aide financière. Les entreprises françaises présentes au Maroc employaient, a-t-il précisé, quelque 70.000 Marocains. Notre pays -a-t-il rappelé- était le premier investisseur, le premier client et le premier fournisseur du pays. La France avait donné l'exemple d'une démarche d'aide très appréciée par les Marocains par la conversion partielle de la dette extérieure en investissements. A elle seule, pour la France, cette procédure représentait 2 milliards de francs (sur un total de 21 milliards à l'égard de notre pays).

La quatrième observation présentée par M. Xavier de Villepin, président, a concerné l'évolution des relations avec l'Algérie qui conditionnaient, pour une bonne part, l'avenir du Maroc et de la région tout entière. Les Marocains avaient placé beaucoup d'espoir dans l'accession au pouvoir du Président Bouteflika, mais ses déclarations abruptes avaient ensuite fait l'effet d'une " douche froide ". Pour plusieurs interlocuteurs marocains de la délégation, M. Bouteflika semblait s'être retrouvé prisonnier des blocages du système algérien.

Le déblocage des rapports entre Alger et Rabat restait cependant, pour M. Xavier de Villepin, président, une nécessité, tant il était clair qu'un Maghreb arabe uni et la perspective d'un marché nord-africain intégré donneraient toute leur dimension aux efforts économiques conduits par ces pays pour s'adosser à l'économie européenne.

En cinquième lieu, M. Xavier de Villepin, président, a abordé la question du Sahara occidental. Il lui semblait que l'on s'acheminait, sur ce sujet qui faisait l'unanimité au Maroc, vers une impasse. Après avoir rappelé les principales données historiques de ce problème, M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que l'ONU était intervenue, en 1988, après qu'un accord ait été réalisé entre le Polisario et le Maroc pour un règlement pacifique, devant déboucher sur l'organisation d'un référendum. En 1990, avait donc été créée la MINURSO. Un cessez-le-feu était entré en vigueur l'année suivante, respecté d'ailleurs depuis cette date.

Pour M. Xavier de Villepin, président, le point d'achoppement qui cristallisait les difficultés et expliquait très largement les sept années de retard par rapport au calendrier initial était la détermination, par une commission d'identification, des Sahraouis autorisés à participer au scrutin.

M. Xavier de Villepin, président, a reconnu qu'il était délicat d'envisager que le Maroc accepte sans réagir les résultats d'un scrutin qui l'obligeraient à quitter un territoire que de très nombreux Marocains revendiquaient comme appartenant au Royaume et où ce dernier avait consenti des efforts financiers très importants pour créer d'importantes infrastructures sur ce qui n'était auparavant qu'un désert.

Symétriquement, le Polisario et les pays qui le soutenaient -au premier rang desquels figurait évidemment l'Algérie- n'accepteraient pas facilement de reconnaître ce qu'ils considéreraient comme une défaite, contribuant à renforcer, politiquement, stratégiquement et économiquement un pays qui, pour l'Algérie, était un rival sur la scène africaine.

Pour M. Xavier de Villepin, président, il était de plus en plus clair que le calendrier actuel (référendum en juillet 2000) ne serait pas respecté. Il a évoqué l'hypothèse d'une " troisième voie ", sans vainqueur ni vaincu, où le pays sahraoui se verrait reconnaître, sous souveraineté marocaine, une large autonomie et une identité propre. Cette hypothèse était cependant, a précisé M. Xavier de Villepin, président, écartée, pour l'heure, par les Marocains.

La sixième observation de M. Xavier de Villepin, président, a concerné la vie politique intérieure marocaine, qui évoluait dans un cadre institutionnel récemment rénové. L'alternance politique, l'identification des réformes prioritaires -aménagement du territoire, éducation, lutte contre la pauvreté- avaient suscité beaucoup d'attentes et d'espérances, qui étaient cependant aujourd'hui loin d'être satisfaites. A leur façon, les islamistes entendaient bien exploiter ce terreau d'insatisfaction par une action caritative de proximité particulièrement efficace ou par une présence active dans les universités.

Concluant son propos, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que le Maroc vivait un moment crucial de son évolution. Sur le plan interne, des changements se profilaient qui iraient sans doute, avec le temps, au-delà des seuls symboles. De nouvelles méthodes se faisaient jour dans la gestion de certains dossiers, comme celui du Sahara occidental, et le nouveau monarque était attendu sur les nouvelles priorités qu'il a lui-même définies. Pour parachever la transition, des changements concrets devaient intervenir rapidement, faute de quoi l'impatience d'une grande partie de la population pourrait être tentée de s'exprimer en dehors des structures politiques traditionnelles et risquerait dès lors d'affecter l'image de grande stabilité jusque-là donnée par le Maroc.

Sur le plan externe, le Maroc serait, à partir du 1er janvier 2000, au rendez-vous de l'Union européenne, ce qui constituerait pour le Royaume un défi économique et social de grande ampleur. Enfin, la nouvelle donne algérienne, qui pourrait débloquer bien des dossiers dans l'avenir, était encore aujourd'hui source d'incertitudes et de perplexité à Rabat.

C'était pourtant ces deux dossiers de voisinage, avec son voisin européen au nord, d'une part, et avec l'Algérie, à l'est, d'autre part, qui, pour M. Xavier de Villepin, président, détermineraient, dans une large mesure, l'avenir du Maroc. Dans les deux cas, la France n'était pas sans influence et les interlocuteurs marocains comptaient sur la détermination de notre pays pour les aider à relever ces défis.

A l'issue de l'exposé de M. Xavier de Villepin, président, Mme Paulette Brisepierre a formulé les observations suivantes :

- la délégation avait eu des entretiens particulièrement intéressants avec le président et des membres de la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM), l'organisation patronale marocaine ;

- le dossier de la pêche était essentiel pour le Maroc qui s'estimait victime de la bonne volonté dont il avait fait preuve lors de la conclusion des précédents accords ;

- le roi Mohammed VI avait récemment décidé la gratuité de l'enseignement primaire ;

- la question du Sahara occidental dépassait le cadre strictement marocain et l'Union européenne devait s'y intéresser davantage. La situation des réfugiés sahraouis à Tindouf n'était guère enviable. En revanche, le Maroc avait consenti, dans les " provinces sahariennes ", des efforts considérables.

M. Christian de La Malène a estimé que l'Europe ne devait pas pousser le Maroc à une occidentalisation telle qu'il y perde son identité spécifique.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé que tel n'était pas l'objectif de l'Union européenne. En revanche, une certaine ouverture -à l'instar de ce qui avait pu se produire, sur le plan économique, en Tunisie- pouvait aider le Maroc à opérer les transformations nécessaires.

Mme Danielle Bidard-Reydet a salué l'évolution positive qui semblait se dessiner depuis l'avènement du roi Mohammed VI. Sur le référendum au Sahara occidental, elle a considéré que, malgré les difficultés, les décisions internationales devaient être appliquées. A défaut, comment répondrait-on au souhait des réfugiés de retourner dans leur pays ? Elle n'a pas partagé l'appréciation négative portée par Mme Paulette Brisepierre sur la situation des réfugiés sahraouis à Tindouf. Elle s'est enfin interrogée sur la production de stupéfiants au Maroc.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que des actions étaient conduites pour tenter d'éradiquer la production de cannabis dans le Rif. Sur le référendum du Sahara occidental, il a estimé que, s'il devait tout de même avoir lieu, il importait de fixer un délai impératif. L'intérêt général commandait peut-être, a-t-il poursuivi, d'aboutir à une solution où il n'y ait " ni vainqueur, ni vaincu ". Il a reconnu que le Maroc avait consenti beaucoup d'efforts pour le développement futur de cette région et a considéré que, pour les amis du Maroc, comme la France, il s'agissait d'un dossier délicat. Il a estimé par ailleurs que l'hypothèse d'une transformation de la monarchie marocaine en un modèle " à l'espagnole " n'était pas réaliste compte tenu de la légitimité religieuse spécifique qui entoure le roi du Maroc.