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  • Mercredi 2 mai 2001
    • Défense - Armement - Audition de M. David Gould, directeur général adjoint, et de Mme Susan Scholefield, directeur à l'Agence britannique d'armement (Defence Procurement Agency)

Mercredi 2 mai 2001

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Défense - Armement - Audition de M. David Gould, directeur général adjoint, et de Mme Susan Scholefield, directeur à l'Agence britannique d'armement (Defence Procurement Agency)

La commission a procédé à l'audition de M. David Gould et de Mme Susan Scholefield, respectivement directeur général adjoint et directeur à l'Agence britannique d'armement (Defence Procurement Agency) sur la politique d'équipement militaire de la Grande-Bretagne.

M. David Gould
a tout d'abord brièvement présenté la Defence Procurement Agency (DPA), en précisant que sa création, en 1999, répondait à la volonté de rationaliser le processus d'acquisition des armements. Son statut d'agence donne à la DPA une position bien distincte des autres services du ministère de la défense, auquel elle demeure cependant rattachée. Au sein de ce dernier, une structure centralisée et commune aux trois armées est chargée d'exprimer le besoin militaire. La DPA assure le lien entre le client, à savoir les forces armées, et le fournisseur industriel, auprès duquel elle doit obtenir le meilleur équipement au moindre coût. L'organisation de la DPA se caractérise par une hiérarchie très réduite, autour du directeur général et de directeurs exécutifs, qui adressent directement leurs instructions à 82 équipes intégrées en charge de la conduite des programmes.

M. David Gould et Mme Susan Scholefield ont alors répondu aux questions des membres de la commission.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé comment était perçue, par la DPA, la mise en place de l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR) et la perspective d'un marché européen de l'armement.

M. David Gould a tout d'abord rappelé divers exemples de programmes d'armement menés en coopération dans lesquels la Grande-Bretagne s'était engagée, notamment l'avion Jaguar avec la France et le Tornado avec l'Italie et l'Allemagne. Il a souligné que la coopération s'imposait souvent, dès lors qu'un programme dépassait largement les possibilités d'un seul pays. En revanche, la conduite de ces programmes s'avérait souvent plus longue et plus coûteuse, du fait de la nécessité de concilier les intérêts opérationnels ou industriels des différents pays participants. Il a estimé que l'OCCAR remédiait aux principaux défauts de la coopération, notamment en écartant la notion de juste retour industriel programme par programme. Il a jugé impératif le succès de l'OCCAR, faute de quoi les pays européens ne pourraient mener à bien l'ensemble de leurs programmes d'armement.

M. David Gould a observé qu'en Europe, et notamment en Grande-Bretagne, le marché de l'armement s'était notablement ouvert. Il a estimé que cette évolution était souhaitable pour améliorer la gestion des programmes d'équipement.

Evoquant le projet américain de défense antimissiles, M. Christian de La Malène s'est demandé s'il n'aboutirait pas à affaiblir l'OTAN, obligeant de ce fait les Européens à accroître leur effort de défense. Il s'est interrogé pour savoir si cet élément avait joué dans la progression du budget d'équipement britannique.

M. David Gould a rappelé que, bien que réelle, l'augmentation du budget de la défense britannique demeurait modique, puisqu'elle équivalait à une progression de 1 % en termes réels sur trois ans, l'effort de défense représentant environ 2,5 % du produit national brut. Ce relèvement des moyens budgétaires correspondait à la prise en compte d'une « revue stratégique » mettant l'accent sur les capacités de projection sur les théâtres d'opération extérieurs.

Mme Susan Scholefield a ajouté qu'au vu des leçons tirées des engagements britanniques dans les Balkans, certains équipements précis avaient bénéficié de crédits supplémentaires.

M. André Dulait a demandé des précisions sur les intentions britanniques à l'égard du missile de croisière Scalp Storm Shadow, étant donné que les forces armées étaient déjà équipées du Tomahawk. Il s'est interrogé sur la possibilité, pour la Grande-Bretagne, d'engager de front un important programme de frégates antiaériennes T45 et la construction de deux porte-avions de 40.000 tonnes.

M. David Gould a rappelé que les missiles de croisière Tomahawk équipaient uniquement les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) de la marine britannique et qu'il n'y avait pas actuellement de projets pour les remplacer. Les missiles Scalp Storm Shadow, en revanche, vont équiper les avions Tornado, Harrier et éventuellement l'Eurofighter. S'agissant des programmes navals, la marine conduit effectivement un important programme de frégates antiaériennes T45, sur lequel la coopération avec la France et l'Italie se limite actuellement à l'armement, avec le système PAAMS (Principal Anti Air Missile System). La marine britannique a également engagé dans le même temps les études pour la construction de deux porte-avions. Pour ces derniers, la propulsion nucléaire n'a pas été retenue, car les contraintes réglementaires de protection, identiques à celles du secteur nucléaire civil, étaient trop fortes, en termes de coût et de disponibilité des bâtiments. Au total, la nécessité de faire construire des porte-avions à propulsion nucléaire dans des cales spécialisées imposerait un surcoût estimé à 500 millions de livres sterling, les contraintes d'entretien propres au nucléaire ne permettant pas, en outre, d'atteindre l'objectif de 240 à 300 jours de disponibilité par an. Le programme de construction des porte-avions a fait l'objet d'une stratégie d'acquisition compétitive : BAE Systems et Thalès ont été sélectionnés et doivent remettre d'ici deux ans leurs propositions. La construction s'effectuera en Grande-Bretagne, mais la nationalité de l'entreprise en charge de l'intégration des différents systèmes sera indifférente, les deux concurrents se trouvant sur un pied de stricte égalité. Une telle procédure n'a pu être retenue pour les frégates T45, GEC Marconi, aujourd'hui intégré à BAE Systems, ayant déjà largement oeuvré sur ce programme dans le cadre du projet de frégates « Horizon ».

Mme Susan Scholefield a insisté sur la nécessité de rechercher à tout moment le meilleur équilibre entre la nécessité de pourvoir aux besoins de forces armées et le choix, encadré par les possibilités budgétaires, des équipements à réaliser. Elle a ajouté que l'évaluation des besoins résultait d'une planification à long terme, en fonction de l'évolution prévisible du contexte stratégique et des capacités militaires nécessaires pour s'y adapter. Le plan d'équipement du ministère de la défense couvrait une période de 10 ans sur laquelle étaient appréciés non seulement le coût d'acquisition d'un équipement, mais également celui de son entretien et de ses besoins en termes de personnels et d'entraînement.

En réponse à une question de M. Xavier de Villepin, président, M. David Gould a précisé que le coût de construction de deux porte-avions était évalué à 2,7 milliards de livres sterling, non compris le coût du groupe aérien. Il a ajouté que la disponibilité d'une présence aérienne à la mer exigeait au minimum deux bâtiments. Rappelant que des coopérations sur certains sous-systèmes des porte-avions s'établissaient avec la France, il a estimé qu'il serait difficile, s'agissant des porte-avions, de s'orienter vers un partage des capacités entre nos deux pays, les bâtiments britanniques ne pouvant par exemple pas accueillir les avions français si le choix du Joint Strike Fighter (JSF) par la marine britannique était confirmé.

M. Christian de La Malène s'est demandé si les ressources budgétaires permettraient de réaliser la construction simultanée de deux bâtiments et si l'acquisition du second porte-avions était aussi certaine que celle du premier.

M. David Gould a précisé que le programme relatif aux porte-avions se trouvait actuellement dans une phase d'études préparatoires, qui doit permettre d'affiner les concepts, les coûts et les délais. La décision de réaliser l'investissement n'interviendra pas avant deux ans, mais tout plaide aujourd'hui pour qu'elle porte sur la commande de deux bâtiments, afin d'optimiser la construction puis le soutien, et de réaliser le programme à des conditions beaucoup plus économiques.

A la suite d'une question de M. Xavier de Villepin, président, M. David Gould a estimé que la DPA et la DGA française fonctionnaient, il y a une trentaine d'années, globalement selon un mode analogue. Cependant, la DPA avait, depuis, fortement évolué au fil de réformes successives, dans un contexte marqué par la privatisation de l'essentiel des industries d'armement, l'Etat ne conservant qu'un pouvoir de contrôle sur les entreprises fabriquant des armes nucléaires. La mise en concurrence et la passation de contrats à prix fixes se sont généralisées. Le marché de l'armement est devenu, en Grande-Bretagne, largement ouvert aux entreprises étrangères. Une organisation commune assure désormais l'exercice des fonctions de soutien. Enfin, la fonction d'acquisition a été confiée à une organisation légère et peu hiérarchisée -la DPA- nettement séparée des armées.

Mme Susan Scholefield a précisé que les effectifs de la DPA avaient été fortement réduits, puisqu'on y compte aujourd'hui 4 000 civils et 450 militaires. Les réformes engagées, notamment celle de la comptabilité, ont exigé le recours à des personnels qualifiés recrutés hors du ministère de la défense, par exemple des experts comptables.

M. André Dulait et M. Xavier de Villepin, président, ont souhaité obtenir des précisions sur le recours à des financements privés.

Mme Susan Scholefield a précisé que l'appel à des financements privés s'était développé ces dernières années, non pas pour l'acquisition d'équipements, mais plutôt pour la fourniture de services. Ainsi, par exemple, il est apparu que la fonction de ravitaillement en vol n'exigeait pas nécessairement l'achat de ravitailleurs, mais pouvait être assurée par des entreprises privées qui supportent les frais d'acquisition des équipements et facturent le service.

M. David Gould a ajouté que des contrats portant sur des services d'entraînement des personnels avaient été passés avec des entreprises privées, en particulier en ce qui concerne la simulation de vol ; le ministère de la défense achète des heures de vol ou de simulation auprès de l'entreprise, qui peut également offrir ses services à d'autres clients potentiels, comme les compagnies aériennes civiles. En matière de travaux d'infrastructure, un contrat de disponibilité a été conclu avec une entreprise d'engins de chantier, ce qui évite au génie d'acquérir ses propres équipement et permet, à la demande, de disposer des matériels nécessaires.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé des précisions sur les intentions britanniques à l'égard de l'avion de transport militaire A400M, ainsi que sur les performances de l'avion européen de combat Eurofighter.

M. David Gould a estimé indispensable que le programme A400M soit conduit par Airbus comme un programme d'avion civil, ce qui sera le gage de sa réussite. Il a rappelé que le ministère britannique avait décidé de remplacer la moitié de son parc vieillissant d'Hercules C130 par des C130J, l'autre moitié étant destinée à être remplacée par les A400M. Toutefois, en attendant la livraison de l'A400M, le choix avait été fait de louer, pour une durée limitée, des avions américains de transport C17.

S'agissant de l'avion de combat Eurofighter, il se différencie du Rafale par une taille et une puissance supérieures. Il possède d'importantes potentialités de développement s'agissant des capacités air-sol autant qu'air-air. On peut considérer qu'il est potentiellement plus polyvalent que le Rafale.