Travaux de la commission des affaires étrangères



Mercredi 7 juillet 2004

- Présidence de M. André Dulait, président -

Volontariat - Contrat de volontariat de solidarité internationale - Examen du rapport en deuxième lecture

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Jean-Marie Poirier sur le projet de loi n° 287 (2003-2004), adopté avec modifications en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale.

M. Jean-Marie Poirier, rapporteur, a indiqué que le projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale, déposé au Sénat en janvier 2004 et examiné en séance publique le 6 avril 2004, avait été modifié par l'Assemblée nationale en première lecture le 4 mai 2004.

Il a rappelé que le texte visait à améliorer le cadre juridique du volontariat en créant une nouvelle forme de contrat, le pilotage du dispositif étant assuré par le ministère des affaires étrangères qui délivre un agrément aux associations de volontariat et co-finance certains types de mission. Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait repris l'essentiel des modifications introduites par le Sénat, à l'exception de l'article relatif à la protection sociale de volontaires et qu'elle avait apporté au texte trois modifications substantielles, relatives aux conditions de nationalité ou de résidence pour l'accès au dispositif, à la durée cumulée des missions de volontariat, enfin à la protection sociale des volontaires.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Elle a adopté sans modification l'article 2 définissant le lieu d'accomplissement du contrat de volontariat. M. Jean-Marie Poirier, rapporteur, a précisé que l'Assemblée nationale avait supprimé toute condition de nationalité ou de résidence en France pour l'accès au contrat de volontariat, désormais ouvert à tout étranger, communautaire ou non. Afin de préserver l'esprit du volontariat de solidarité internationale, l'article précise que le volontaire ne peut accomplir de mission dans le pays dont il est le ressortissant ou le résident régulier.

Elle a adopté sans modification l'article 3 auquel l'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles.

Abordant l'article 4, M. Jean-Marie Poirier, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait limité à trois ans la durée maximale cumulée des missions. Il a considéré que le débat sur la durée des missions appelait des précisions quant à la nature même du volontariat. Le projet de loi cherche à rendre compte d'un phénomène particulier de mise à disposition non rémunérée de compétences au service d'une mission d'intérêt général, humanitaire ou de développement. Ce type de volontariat comprend des situations très différentes, mais ne constitue ni un « rite de passage » pour les jeunes, ni une période d'essai prolongée pour professionnels désireux de faire carrière dans l'humanitaire. M. Jean-Marie Poirier, rapporteur, a considéré que le volontariat était une démarche réfléchie, alliant compétence et générosité qu'il serait regrettable de limiter à une seule et courte période de la vie active.

Il a indiqué qu'au vu des témoignages recueillis lors des auditions, la gestion des ressources humaines au sein de certaines ONG pouvait laisser à désirer, mais que la stricte limitation de la durée des missions ne constituait pas une réponse appropriée.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est déclarée opposée à une durée continue de six ans pour le volontariat. Elle a insisté sur les difficultés de réinsertion causées par une trop longue durée de missions, tout particulièrement pour les jeunes dépourvus d'une expérience professionnelle préalable. Elle s'est déclarée favorable à l'accomplissement de plusieurs missions d'une durée de deux ans dont il conviendrait d'organiser la discontinuité.

M. Jean-Marie Poirier, rapporteur, a indiqué que certaines associations de volontaires souhaitaient une plus grande professionnalisation du volontariat, ce qui lui paraissait aller à l'encontre de l'esprit même du dispositif. Il a souligné que le volontariat ne concernait pas en majorité les jeunes et que le texte permettait par ailleurs une avancée vers des garanties nouvelles importantes. Les abus ou les insuffisances éventuels devront être contrôlés par la commission du volontariat. Il convient de ne pas dénaturer le volontariat en le limitant à une phase transitoire ou initiatique. Le projet de loi n'entend pas organiser une « profession » de volontaires, mais valoriser leur sens de la responsabilité, tout comme celui des associations concernées.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné qu'il y avait une contradiction dans les demandes des associations qui souhaitent avoir recours à des volontaires pour une durée de six ans alors que dans les faits les missions n'excèdent souvent pas deux ans. Elle a rappelé que deux tiers des volontaires n'exerçaient pas d'activité avant leur volontariat et que sur les 47 % qui ont retrouvé un emploi salarié moins de six mois après leur retour de mission, 40 % étaient des fonctionnaires. L'enquête réalisée par les associations met donc en évidence de réelles difficultés. Elle a indiqué que son groupe voterait contre cet amendement.

M. Jean-Marie Poirier, rapporteur, a considéré qu'une souplesse devait être laissée à ce dispositif pour ne pas en faire un cadre trop strict.

A la suite de ce débat, la commission a alors adopté l'amendement du rapporteur, rétablissant au premier alinéa de cet article la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

A l'article 5, relatif à la protection sociale des volontaires, la commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture et prévoyant l'affiliation des volontaires à un régime de protection sociale leur garantissant des droits d'un niveau identique à ceux de la sécurité sociale française.

M. Jean-Marie Poirier, rapporteur, a indiqué que cette affiliation n'était pas contraire aux règles du droit communautaire de la concurrence, la caisse des Français de l'étranger n'étant pas en situation de position dominante. Il a indiqué que l'affiliation des volontaires à cette caisse était d'autant plus souhaitable qu'elle assure une consolidation des droits à l'assurance-vieillesse que les assurances privées permettront plus difficilement.

A l'article 7, la commission a adopté un amendement de cohérence rédactionnelle proposé par le rapporteur pour harmoniser la dénomination de la commission du volontariat dans l'ensemble des articles du projet de loi.

Elle a adopté sans modification les articles 8 et 8 bis nouveau.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

Traités et conventions - Accord Canada - Agence spatiale européenne - Japon - Russie et Etats-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 306 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement du Canada, les Gouvernements d'Etats membres de l'Agence spatiale européenne, le Gouvernement du Japon, le Gouvernement de la Fédération de Russie et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile (ensemble une annexe).

M. André Rouvière, rapporteur, a rappelé que la station spatiale internationale, dont les premiers éléments tournent depuis cinq ans à 400 kilomètres d'altitude autour de la Terre, est une initiative américaine lancée en 1984 à laquelle avaient été associés, dans un premier temps, l'Europe, le Canada et le Japon, puis, dans un second temps, la Russie. Depuis la fin des missions Mir en 2001, cette dernière réalise en effet tous ses vols habités dans le cadre de la station spatiale internationale, qui est devenue de ce fait un exemple unique de coopération mondiale, dans un domaine marqué jusqu'alors par la compétition entre puissances.

Le rapporteur a précisé que la station spatiale internationale se composait de plus d'une trentaine d'éléments assemblés au fur et à mesure et comportant des modules d'habitation, des laboratoires, des infrastructures logistiques. Ces différents éléments sont transportés soit par la navette spatiale américaine, soit par les fusées russes Soyouz. Le premier élément a été lancé de Baïkonour fin 1998. La station est habitée en permanence depuis novembre 2000 par deux astronautes, les équipages se relayant environ tous les six mois. La relève des équipages a été l'occasion pour sept astronautes européens, dont deux Français, d'effectuer des séjours de l'ordre d'une quinzaine de jours à bord de la station. L'Agence spatiale européenne souhaite pouvoir obtenir le premier séjour de longue durée d'un astronaute européen lors de la mission prévue à l'automne 2005.

Le rapporteur a ajouté que l'assemblage de la station spatiale internationale avait été considérablement ralenti depuis l'accident de la navette Columbia en février 2003. Les vols américains ont été interrompus et ne reprendront qu'au printemps 2005, la relève des équipages, l'approvisionnement de la station, l'acheminement des pièces reposant entièrement sur les vols Soyouz. L'achèvement de la station n'est désormais prévu qu'à l'horizon 2010.

Il a par ailleurs précisé que chaque partenaire avait en charge la fabrication, l'acheminement et la maintenance d'un ou de plusieurs éléments de la station. Les Etats-Unis fournissent les deux tiers environ de l'infrastructure, et notamment le module d'habitation. La Russie fournit la plus grosse part du restant, devant l'Europe, le Japon et le Canada.

Présentant l'accord intergouvernemental signé le 29 janvier 1998 par les 15 pays partenaires, M. André Rouvière, rapporteur, a indiqué qu'il faisait suite à l'accord initial conclu en 1988 et auquel la Russie avait adhéré en 1993. Un nouveau texte était nécessaire pour intégrer les contributions de ce nouveau partenaire et pour tenir compte des évolutions importantes connues par le programme depuis l'origine.

Le nouvel accord confirme le rôle de chef de file des Etats-Unis et de la Nasa pour la gestion de la station et la coordination d'ensemble. Il reconnaît la place essentielle de la Russie qui fournit les autres éléments fondamentaux de la station. Les autres partenaires apportent des pièces complémentaires qui augmentent les capacités de la station sans en constituer des éléments-clefs. Les pays européens construisent ainsi le laboratoire Colombus, qui viendra se greffer à la station en 2007. Ils ont également la charge d'un véhicule spatial de ravitaillement, non habité, qui acheminera dès le printemps 2005 du carburant, de l'oxygène, de l'eau et des vivres pour l'équipage.

L'accord fixe les règles de fonctionnement de la station, chaque partenaire étant propriétaire et responsable des éléments qu'il fournit et bénéficiant d'un droit d'utilisation proportionnel à ses investissements, soit 8,3 % pour le partenaire européen. Il établit une renonciation mutuelle en matière de responsabilité. Il prévoit des modalités d'entrée en vigueur anticipées pour les Etats-Unis et la Russie.

M. André Rouvière, rapporteur, a ensuite évoqué les raisons pour lesquelles le projet de loi autorisant la ratification de l'accord n'avait été déposé qu'au mois de janvier 2003, soit cinq ans après la signature du texte. Il a fait part des préoccupations du gouvernement français à l'égard de toute dérive des coûts qui aurait pu compromettre nos objectifs prioritaires en matière de politique spatiale, comme l'accès à l'espace, avec Ariane, l'observation spatiale ou, plus récemment, la navigation par satellites avec le projet Galileo. Il a ajouté que ces inquiétudes semblaient avoir été levées. Il a précisé que sur un coût global évalué à 70 milliards d'euros, comprenant la construction et l'exploitation sur 10 ans, la part européenne s'élèverait à 6 milliards d'euros, la contribution française en représentant 25,6 %, soit 1,7 milliard d'euros sur 10 ans.

Le rapporteur a souligné les opportunités offertes par ce projet en termes de coopération scientifique et technologique et de retombées pour la recherche et l'industrie dans le secteur spatial. Il a rappelé que la France était le dernier des 11 pays européens parties à l'accord à engager sa procédure de ratification.

Il a par ailleurs mentionné les interrogations soulevées par le nouveau programme spatial américain, annoncé au mois de janvier 2004, qui prévoit, d'ici une dizaine d'années, des missions habitées dans un nouvel engin spatial, pour l'exploration de la Lune ou de Mars. Il s'est demandé si ce nouveau projet n'amènerait pas les Etats-Unis à réduire leur participation dans la station spatiale internationale.

En conclusion, le rapporteur a invité la commission à adopter le projet de loi, déjà adopté par l'Assemblée nationale le 11 mai dernier.

À la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin a demandé des précisions sur les conditions d'utilisation, par la France et ses partenaires européens, des moyens offerts par la station spatiale internationale.

M. André Boyer, relevant que la France sera le dernier pays à procéder à la ratification de cet accord, a effectué une observation plus générale en constatant que ce cas de figure tendait à devenir de plus en plus fréquent. Il a regretté les retards affectant nombre de procédures de ratification des engagements internationaux souscrits par la France, en soulignant qu'ils résultaient le plus souvent d'une mauvaise organisation du travail gouvernemental dans la phase préparatoire au dépôt des projets de loi de ratification puis dans leur inscription à l'ordre du jour du Parlement.

M. André Rouvière, rapporteur, a appuyé cette observation. Par ailleurs, en réponse à M. Xavier de Villepin, il a indiqué que l'accord intergouvernemental posait le principe d'un droit d'utilisation proportionnel à l'apport de chaque partenaire dans la réalisation de la station. En ce qui concerne les pays européens, il a rappelé que c'est à travers l'Agence spatiale européenne qu'ils participaient au projet, cette dernière ayant la responsabilité d'assurer la répartition de ses droits d'utilisation, fixés à 8,3 %, entre chaque pays donné. Il a ajouté que la France assurait 25,6 % de la contribution européenne et devrait donc logiquement bénéficier d'une utilisation à due proportion dans la part revenant à l'Europe.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

Audition M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur la situation internationale.

Evoquant le sommet de l'OTAN du 28 juin dernier à Istanbul, M. Michel Barnier a tout d'abord rappelé les données de la relation qui unit la France à l'OTAN. Notre pays est le troisième contributeur de troupes dans les opérations qu'elle conduit ; il représente un quart des moyens de la force de réaction de l'OTAN et fournit 2 500 hommes au Kosovo, où un général français prendra prochainement le commandement de la KFOR, et 1 000 hommes en Afghanistan, où un officier français dirigera le corps européen. La France tient donc toute sa place dans l'Alliance et a obtenu que le Conseil atlantique soit réaffirmé comme l'instance de décision de l'Alliance, et non le Comité des plans de défense auquel elle ne participe pas. Le sommet d'Istanbul a consacré l'élargissement à sept nouveaux membres et a été l'occasion d'un bilan des opérations en cours et d'une évaluation des partenariats avec la Russie, l'Ukraine, les Etats des Balkans, du Caucase et d'Asie centrale, ainsi qu'avec les pays méditerranéens. L'Irak a également été au coeur des débats, le Sommet d'Istanbul coïncidant avec l'annonce de la dissolution anticipée de l'autorité provisoire de la coalition. L'aide de l'OTAN pour la formation des forces armées irakiennes pourra être apportée, à la demande des autorités irakiennes, par les pays qui le souhaitent, mais la France s'était, dès avant le sommet, opposée, pour sa part, à ce que cette formation puisse être assurée à l'intérieur de l'Irak.

En Irak, une étape majeure a été franchie le 28 juin dernier avec la mise en place d'un gouvernement intérimaire souverain, qui permettra d'ouvrir une nouvelle page dans les relations de la France avec ce pays. Il n'y aura certes pas de soldat français en Irak, mais la France contribuera à la reconstruction politique, économique et sociale de ce pays, dont la stabilisation est essentielle pour toute la région. Le ministre a rappelé que le calendrier irakien prévoyait la tenue à l'été d'une conférence inter-irakienne dans la perspective des élections qui devraient se tenir en janvier 2005.

Le ministre a ensuite évoqué sa récente visite dans les Territoires palestiniens, où il avait souhaité apporter un message de solidarité et de vérité. Il a dénoncé le blocage du processus de paix, encore aggravé par la construction du mur qui, si elle répond, de la part d'Israël, à un légitime souci de sécurité à court terme, contribue à créer une situation qui, à moyen terme, pourrait avoir de graves conséquences. La seule alternative au conflit reste la feuille de route, dont le Quartet constitue le soutien international. A cet égard, l'unanimité des Européens a conduit le président américain à confirmer la pertinence de la feuille de route. Trois éléments peuvent aujourd'hui permettre de progresser : la capacité renouvelée de la communauté internationale à agir, la perspective du retrait de Gaza, qui doit cependant s'inscrire dans le cadre de la feuille de route, et les offres de médiation de l'Egypte, dans le domaine de la sécurité, pour aider au regroupement des services de sécurité palestiniens. Cette réorganisation conduira Yasser Arafat à des réformes et à un partage du pouvoir, mais cette évolution doit intervenir rapidement.

La France dispose d'un réel capital de confiance dans les territoires, qui doit être utilisé pour faire évoluer les acteurs politiques. Les éléments positifs sont fragiles et les Européens doivent appuyer ce processus de réorganisation des services de sécurité proposé par les Egyptiens et, d'une façon générale, aborder ensemble la question du processus de paix.

A la suite de l'exposé du ministre, un débat s'est instauré avec les commissaires :

M. Xavier de Villepin a considéré que l'OTAN avait besoin d'une nouvelle restructuration pour s'adapter aux exigences du XXIe siècle et aux nécessités de la lutte contre le terrorisme. C'est une organisation lourde qui rencontre beaucoup de difficultés, comme en témoignent les obstacles à son action en Afghanistan.

M. Hubert Durand-Chastel a souhaité obtenir des précisions sur la situation au Darfour.

M. André Boyer s'est interrogé sur les capacités de l'Union africaine à s'investir dans les crises qui secouent le continent, notamment en Côte d'Ivoire et au Soudan.

M. Jean François-Poncet a souhaité obtenir des éléments d'information sur la réalité de la situation en Irak. La presse se fait l'écho d'attentats quotidiens, mais les Américains, tout en ne niant pas cette insécurité, considèrent que la situation progresse. Il a partagé l'analyse du ministre sur le conflit israélo-palestinien, en se félicitant que la communauté internationale évolue sur ce sujet. Il a souligné qu'Israël était en train de créer une réalité irréversible sur le terrain, tout en refusant de négocier dans des conditions qui les ramèneraient aux résolutions des Nations unies sur le retour aux frontières de 1967. Il a considéré que, seul, un front uni européen permettrait de faire évoluer les Etats-Unis, seuls à même de se faire entendre par Israël. Il a souhaité recueillir l'opinion du ministre sur la montée en puissance du mouvement islamiste Hamas et sur l'opportunité de traiter avec les extrémistes. Il s'est enfin interrogé sur la situation créée par un éventuel rejet de la Constitution par un des grands Etats membres de l'Union européenne.

M. André Dulait, président, s'est interrogé sur les pays dont les auteurs d'attentats en Irak étaient originaires.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a salué la fermeté du ministre lors de son déplacement dans les territoires palestiniens et s'est félicitée de la réaffirmation d'un choix politique de négociation. Elle a cependant considéré que, devant l'affaiblissement des moyens mis à la disposition de sa politique étrangère, comme le montrait une récente annulation de crédits, la France s'exposait au risque de la seule rhétorique. Evoquant la mutualisation des moyens consulaires des Etats européens, elle a souhaité qu'elle s'étende aux secteurs culturel et scolaire.

Le ministre a apporté, en réponse, les précisions suivantes :

- il est légitime de s'interroger sur l'évolution de l'OTAN, qui fut créée dans un contexte stratégique aujourd'hui dépassé. Deux orientations sont possibles : d'abord cibler davantage ses missions sur des actions précises, comme l'Afghanistan ou le Kosovo ; ensuite veiller à ce que l'accord de tous soit obtenu préalablement à toute action. Les Etats-Unis se prêteront-ils facilement à une évolution de l'OTAN qui est pour eux un vecteur privilégié d'influence ? Le développement de la défense européenne doit rester une priorité, elle est un élément de l'Europe politique à laquelle nos nouveaux partenaires se rallieront de plus en plus. En tout état de cause, l'OTAN reste un outil important pour le dialogue transatlantique ;

- la situation au Soudan est potentiellement très grave, même si on ne constate pas de situation de famine aujourd'hui. La prochaine saison des pluies doit en effet inciter à la vigilance. Dans le cadre du sommet de l'Union africaine à Addis Abbeba, une action diplomatique est en cours pour parvenir au désarmement des milices ;

- l'Union africaine, comme les autres organisations régionales en Afrique, a besoin du soutien international et de celui de la France car les événements qui se déroulent sur ce continent sont un enjeu majeur qui doit conduire à la « mutualisation » des efforts européens. Les Africains doivent aussi prendre leur destin en mains. Le Sommet de l'Union africaine sert ainsi de cadre à des « tables rondes », entre Africains, sur les dossiers du Darfour ou de la Côte d'Ivoire ;

- la situation en Irak a peu évolué après le transfert de souveraineté et demeure très incertaine. L'Irak est infiltré par des activistes étrangers dont l'origine est difficile à identifier. Leurs groupes se multiplient et leur coordination clandestine est de plus en plus efficace ;

- pour la France, le dialogue avec les Palestiniens est essentiel et tel est le message que les Européens, s'ils sont unis, peuvent porter aux Etats-Unis. Après les élections de novembre, ces derniers reconnaîtront que le non-règlement de ce conflit affecte leurs intérêts dans la région ;

- tout doit être fait pour prévenir le risque d'un échec des ratifications du traité constitutionnel. Ainsi serait-il souhaitable que les 25 choisissent un « moment commun » pour procéder à ces ratifications, qui permettrait de « dénationaliser » un débat dont l'enjeu doit rester européen ;

- s'agissant du budget des affaires étrangères, le récent décret d'annulation a porté sur 21 millions d'euros en crédits de paiement et 5 millions d'euros en autorisations de programme, mais a concerné les crédits de reports de 2003, et non la dotation 2004 votée par le Parlement. Pour 2005, les moyens de fonctionnement du ministère des affaires étrangères seront préservés, conformément à l'engagement du Président de la République. Par ailleurs, un projet de regroupement immobilier des 11 sites actuels du ministère a été engagé. Cette rationalisation devra respecter quatre objectifs : le palais du ministère des affaires étrangères sur le quai d'Orsay sera préservé pour recevoir les responsables étrangers ; le réaménagement permettra d'améliorer les conditions de travail de chacun ; le ministre des affaires étrangères, les ministres délégués et leurs services seront réunis en un même lieu ; enfin l'équilibre financier du projet devra être tenu.

M. Didier Boulaud s'est interrogé sur la méthode appropriée de pression à exercer sur le Soudan, l'interruption de toute assistance lui apparaissant excessive. Il s'est demandé par ailleurs si, au Kosovo, le temps ne jouait pas contre la paix et a questionné le ministre sur les initiatives qui pourraient être lancées pour renforcer en Serbie le camp de la démocratie et de l'ouverture.

M. André Rouvière a souhaité que la France s'implique à Chypre pour y contrebalancer l'influence économique croissante des Etats-Unis et a appelé de ses voeux une proposition de l'Union européenne amendant le plan « Annan », qu'il a considéré comme difficilement applicable.

Abordant la question du plan américain de « Grand Moyen-Orient », M. Jean-Yves Autexier s'est demandé quelles initiatives alternatives étaient possibles pour lier l'évolution des sociétés de ces pays et le règlement du conflit israélo-palestinien.

Mme Josette Durrieu s'est inquiétée de l'influence croissante du Hezbollah sur l'ensemble du territoire libanais. Par ailleurs, elle a estimé que les nouveaux membres de l'Union européenne avaient été épuisés par les conditions qu'ils avaient dû remplir pour leur intégration, ce qui expliquait la faible participation aux élections européennes.

Mme Hélène Luc a estimé indispensable une réflexion sur le rôle futur de l'OTAN. Elle a salué le langage tenu par le ministre des affaires étrangères à l'égard des Palestiniens et l'invitation à agir adressée aux Etats-Unis. Elle s'est enfin inquiétée de la possibilité d'organiser les élections en Afghanistan.

Mme Paulette Brisepierre a demandé au ministre des précisions sur la situation en République démocratique du Congo.

Le ministre a alors apporté les précisions suivantes :

- une rupture brutale de toute assistance n'est pas une bonne formule à l'égard d'un pays aussi démuni que le Soudan. A ce stade, il faut veiller à la mise en oeuvre au Darfour de l'accord de cessez-le-feu conclu entre Khartoum et N'Djaména. Ce type de crise est par ailleurs un autre exemple, pour les Européens, de la nécessité d'agir ensemble ;

- la perspective politique de leur adhésion future à l'Union européenne est le moyen d'action le plus efficace à l'égard des pays des Balkans occidentaux pour favoriser leur évolution. L'élection du Président Tadic en République de Serbie est un motif de satisfaction pour l'Union ;

- il faut faire plus au Kosovo, notamment dans la mise en oeuvre de la stratégie des « normes avant le statut » ;

- le plan « Annan » pour Chypre avait le mérite de permettre l'entrée de la totalité de l'île dans l'Union européenne. Compte tenu de la situation actuelle, la France, mais aussi les Européens dans leur ensemble, doivent avoir une présence plus active dans l'île ;

- s'agissant du plan de Grand Moyen-Orient, la France a fait valoir que si les pays concernés doivent en effet évoluer, on ne saurait « plaquer » un modèle politique occidental. Ce discours a porté ses fruits, comme en témoignent les conclusions du G8 de Sea Island ou du sommet de l'OTAN à Istanbul. Sur cette question, les Européens doivent d'autant moins rester spectateurs qu'ils ont lancé il y a dix ans, à Barcelone, le partenariat euro-méditerranéen qui, il est vrai, pourrait être utilement réactivé ;

- le plan Sharon n'a de pertinence que s'il est une partie de la feuille de route et qu'il ne se limite pas au seul retrait de Gaza. L'influence croissante du mouvement Hamas démontre l'urgence d'un règlement au conflit israélo-palestinien ;

- les nouveaux pays membres ont effectué, au cours des dernières années, un immense travail législatif pour intégrer l'acquis communautaire. La légitime attente des populations en retour de ces efforts sera récompensée lorsque leurs pays bénéficieront des fonds structurels européens qui leur sont destinés ;

- la France s'est opposée à l'engagement de la force de réaction de l'OTAN en Afghanistan pour assurer la tenue des prochaines élections, mais il est clair qu'une assistance de l'ONU sera nécessaire à la bonne préparation de ces élections ;

- en République démocratique du Congo, la situation reste incertaine après les récentes tentatives de coups d'Etat et l'instabilité demeure à la frontière avec le Rwanda. La situation du Président Kabila doit conduire à un soutien de la part de la communauté internationale.