Travaux de la commission des affaires étrangères



Mercredi 27 octobre 2004

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Traités et conventions - Convention internationale pour la protection des végétaux - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a examiné le rapport de M. Jean Puech sur le projet de loi n° 241 (2003-2004) autorisant l'approbation de la Convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt-neuvième session de la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

M. Jean Puech, rapporteur, a indiqué que cette convention avait pour objet de protéger les végétaux contre la dissémination internationale d'organismes nuisibles. La préoccupation est ancienne, puisque la première déclaration relative à ce problème date de 1889, mais, compte tenu des nouveaux moyens de transport des personnes et des marchandises, du développement des échanges commerciaux internationaux, il importe de résoudre des risques accrus de contaminations des végétaux.

C'est pourquoi, dès 1951, a été adoptée la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), déposée auprès du secrétariat de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Cette convention a été ratifiée par la France en 1958, et modifiée une première fois en 1979.

Le rapporteur a rappelé qu'une action commune était nécessaire pour prévenir la dissémination et l'introduction d'organismes nuisibles aux végétaux et produits végétaux, et promouvoir l'adoption de mesures appropriées de lutte contre ces organismes nuisibles. C'est pourquoi chaque partie à la CIPV établit une liste de ces organismes, dits « de quarantaine », pour les végétaux sur son territoire.

Ces organismes nuisibles « de quarantaine » sont susceptibles de provoquer des dommages majeurs aux productions agricoles, de mettre en péril l'appareil de production, et la compétitivité des exploitations, comme ce fut le cas dans le passé avec le phylloxera, le doryphore ou le mildiou de la pomme de terre. Plus récemment : le capricorne asiatique, originaire de Chine, affecte gravement les forêts ; la chrysomèle des racines du maïs, premier insecte ravageur aux Etats-Unis et première cause d'utilisation des insecticides, peut provoquer jusqu'à 80  % de perte de rendement. Au total, 350 organismes nuisibles de ce type sont répertoriés à ce jour.

Le rapporteur a rappelé le rôle et les moyens d'action des organisations de protection des végétaux, dont la responsabilité est d'inspecter les végétaux faisant l'objet d'échanges internationaux : délivrance de certificats relatifs à la réglementation phytosanitaire de la partie contractante et importatrice ; surveillance des végétaux sur pied, qu'il s'agisse de terres cultivées ou de la flore sauvage, et des produits végétaux entreposés ou en cours de transport.

M. Jean Puech, rapporteur, a indiqué qu'il leur revenait également d'inspecter les envois de végétaux faisant l'objet d'échanges internationaux ainsi que leur désinfestation.

Il existe en France 22 services régionaux de protection des végétaux disséminés dans les 22 régions administratives. Conjointement avec la Direction générale des douanes, la Direction générale de l'alimentation a établi une liste officielle des bureaux de douanes disposant de la « compétence phytosanitaire », seuls habilités à dédouaner des végétaux et produits végétaux soumis à la réglementation.

Ce type de produit ne peut donc entrer sur le territoire qu'après une inspection systématique et rigoureuse de leur état sanitaire par les inspecteurs des services régionaux de la protection des végétaux.

Le rapporteur a précisé qu'en 1994, l'accord sanitaire et phytosanitaire (SPS) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a désigné la convention (CIPV) comme cadre pour l'harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires à mettre en oeuvre dans le cadre du commerce international. C'est la raison pour laquelle, en novembre 1997, une série d'amendements a été approuvée lors de la 29e session de la conférence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture. La France était favorable à ces amendements, dont les plus importants sont les suivants :

- l'importance accrue des organisations nationales de protection responsables de la qualité des inspections prévues par l'article 5 de la Convention et de la délivrance des certificats phytosanitaires. De nouvelles responsabilités leur sont ainsi dévolues : conduite d'analyses du risque phytosanitaire, protection des zones menacées et garantie que la sécurité phytosanitaire des envois après certification est maintenue afin d'éviter toute substitution ou réinfestation ; un organe directeur est établi : la commission des mesures phytosanitaires ; enfin, un amendement institue un mécanisme de règlement des différends.

Le rapporteur a souligné que l'accession à l'OMC pour un Etat entraînait la suppression de barrières tarifaires que certains pays étaient tentés de remplacer par des barrières phytosanitaires. Néanmoins, l'accord sanitaire et phytosanitaire de l'OMC, qui reconnaît la CIPV comme convention normative, est un « garde fou » efficace contre de telles pratiques.

C'est pourquoi l'article 7 de la convention précise que seules peuvent être instituées les interdictions ou restrictions d'importations justifiées techniquement, répondant à de réelles nécessités d'ordre phytosanitaire, adaptées aux véritables risques encourus et entravant au minimum les mouvements internationaux de personnes et de marchandises.

Tout manquement à ces principes fonde les Etats adhérents à porter plainte devant l'organe de règlement des différends de l'OMC, ainsi que le prévoit l'accord sanitaire et phytosanitaire (SPS) de cette Organisation conclu en 1994.

L'adoption de ces amendements à la convention présente pour la France et l'Union européenne des avantages tant en ce qui concerne les importations que les exportations. Tous les Etats membres de l'Union européenne sont en phase d'acceptation.

D'un point de vue économique, le rapporteur a rappelé que les pays de la Communauté européenne figuraient parmi les plus gros importateurs de végétaux et produits végétaux. La France importe ainsi chaque année environ 33.500 lots de végétaux et produits végétaux et en exporte 70 000. Il est donc important que cet instrument révisé entre en vigueur afin de renforcer la sécurité phytosanitaire des marchandises importées en France et dans l'Union européenne.

Le rapporteur a donc invité la commission à approuver le projet de loi.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a reconnu que ce texte était le bienvenu pour l'avenir, mais ne réglait pas les graves conséquences de maladies végétales, comme le capricorne, déjà présentes sur notre territoire.

M. André Trillard a évoqué également le problème des capricornes et a relevé que les importations de marchandises, en provenance notamment d'Asie, pouvaient être à l'origine d'infections partielles de nos forêts.

M. Jacques Blanc a souligné l'importance des méthodes de lutte contre les parasites et des conditions de production des fruits et légumes, en relevant que ce texte n'abordait pas ce thème.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.

Contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2004 - Communication

M. Serge Vinçon, président, a ensuite présenté un bilan du contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2004. Il a rappelé que l'essentiel de l'activité législative de la commission est consacré à l'examen de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou accords internationaux qui n'entraînent pas, la plupart du temps, de textes d'application, sauf lorsqu'ils impliquent une modification, simultanée ou consécutive, de la législation interne. Au cours de l'année parlementaire écoulée, le Sénat a ainsi adopté en séance publique 35 accords internationaux, relevant de la compétence de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Durant l'année parlementaire 2003-2004, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé, en tant que commission saisie au fond, à l'examen d'un seul projet de loi distinct de ceux autorisant la ratification ou l'approbation d'accords et traités internationaux, il s'agit du texte relatif au contrat de volontariat civil de solidarité internationale, encore en navette entre les deux assemblées.

Deux textes de loi adoptés lors de sessions antérieures étaient encore en attente de textes d'application. Tout d'abord la loi portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et GIAT Industries. Le décret du 10 février 2004 a fait application de l'article 2 de la loi concernant le bénéfice, par les personnels ouvriers de GIAT, recrutés par les collectivités publiques ou les établissements publics, des dispositions réglementaires régissant les agents de même catégorie.

Enfin, la loi du 22 octobre 1999, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, reste encore dans l'attente de deux dispositions réglementaires d'application concernant la possibilité d'une prime de fidélité pour les réservistes exerçant une activité dans la réserve opérationnelle (article 22 de la loi) et la définition des catégories d'activités du service de défense (article 32).

La commission a pris acte de la communication de son président sur le contrôle d'application des lois pour l'année parlementaire 2003-2004.

Organisme extraparlementaire - Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture

La commission a ensuite, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, désigné Mme Joëlle Garriaud-Maylam, comme candidate proposée à la nomination du Sénat pour siéger à la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture.

PJLF pour 2005 - Audition du général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu le général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2005.

Le général Henri Bentégeat a souligné que si l'attention était actuellement focalisée sur le résultat des futures élections américaines, rien ne laissait présager un changement des lignes de force dans la politique étrangère américaine en fonction des résultats de cette consultation. Il a rappelé que les menaces sur la sécurité internationale provenaient du terrorisme, de la prolifération des armes de destruction massive, des conflits ethniques et religieux et des crises affectant le Proche et Moyen-Orient ou encore l'Afrique, dont les tensions au Darfour et en Guinée-Bissau ne sont que les derniers avatars. Le chef d'état-major des armées a rappelé l'engagement de la France, dans ce contexte, en faveur des avancées de l'Europe de la défense : constitution des groupements tactiques de 1.500 hommes, création de l'Agence européenne de défense et mise en place d'un centre de planification et de conduite des opérations. La France participe également à la relève européenne de l'OTAN en Bosnie et est engagée en appui de l'Union africaine au Darfour.

La France soutient la rénovation en cours de l'OTAN en étant le premier contributeur à la nouvelle Force de réaction rapide de l'Organisation. Elle est également impliquée dans la conduite-même des opérations de l'OTAN, en Afghanistan et au Kosovo. Le fort engagement de notre pays contre le terrorisme a un premier volet interne : activités de renseignement, surveillance des approches aériennes et maritimes, renforcement des forces de sécurité ; le second volet, externe, met en oeuvre les moyens de surveillance et de contrôle des espaces, l'implication de la France dans la lutte contre la prolifération à travers la Prolifération sécurity initiative (PSI) ou encore dans la stabilisation d'Etats faillis.

Aussi bien est-ce dans ce contexte international, troublé et incertain, et dans le souci de renforcer la défense européenne que s'intègre le projet de loi de finances pour 2005.

Le général Henri Bentégeat a alors souligné que les crédits alloués au ministère de la défense par ce projet de budget étaient, pour la troisième année consécutive, conformes aux engagements de la loi de programmation militaire. Cependant cela n'excluait pas des incertitudes liées au niveau du prix du carburant, ou certaines contraintes du fait de la stagnation de la masse salariale ou du coût, supporté par la défense du BCRD ainsi que celui de la restructuration de DCN et de GIAT-Industries.

L'effort budgétaire est cependant réel avec une progression des crédits (hors pensions) de 2,3 % en euros courants, soit environ 1 % en euros constants. En volume, les crédits du titre V progressent de 0,5 % et ceux du titre III de 1 %. La part relative des titres III et V demeure constante, soit respectivement 54 % et 46 %. La France est ainsi, avec la Grande-Bretagne, le seul pays européen à consacrer des sommes aussi importantes à l'équipement de ses forces.

Les crédits du titre III permettront la poursuite de l'amélioration de la condition militaire à hauteur de 85 millions d'euros, dont 20 millions pour la transposition du plan police à la gendarmerie. Les crédits de fonctionnement permettront également, sous réserve de l'évolution du coût des carburants, de maintenir le niveau d'entraînement des forces.

Le général Henri Bentégeat s'est félicité du premier pas vers une budgétisation systématique des crédits dédiés aux OPEX constitué par l'inscription de 100 millions d'euros sur une ligne spécifique du projet de budget 2005. Une pérennisation de cette démarche permettra d'éviter les habituels transferts internes au budget de la défense pour financer les opérations extérieures, dont le coût annuel moyen s'élève à quelque 600 millions d'euros depuis cinq ans.

Globalement, les effectifs bénéficient de la création de 700 postes de gendarmes, de 58 postes de médecins et infirmiers pour le service de santé des armées et de 20 postes civils au profit de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Par ailleurs, plus d'un millier de postes civils et militaires seront supprimés en conséquence de la politique d'externalisation. Enfin 12,4 millions d'euros bénéficieront aux réserves.

Le général Henri Bentégeat a estimé que la masse salariale disponible dans le projet de loi de finances pour 2005 pouvait entraîner des tensions sur les effectifs qui impliqueraient que des mesures soient prises en gestion. Il a rappelé que Mme la ministre de la défense s'était engagée à ce que les effectifs de 2005 ne soient pas inférieurs aux effectifs réalisés en 2004, soit moins 3 % par rapport aux effectifs théoriques. Il s'est dit convaincu que cet engagement clair de la ministre serait tenu.

Les autorisations de programme du titre V, à 15,3 milliards d'euros, sont en diminution, le ministère de l'économie et des finances souhaitant en réduire l'encours avant la mise en oeuvre de la LOLF. Malgré cela, ces crédits seront suffisants si la loi de finances rectificative 2004 autorise les redéploiements nécessaires. Les programmes concernés par ces dotations sont notamment les frégates multi-missions, le sous-marin Barracuda et le missile M51. Les crédits de paiement, en hausse de 0,5 %, bénéficieront en particulier aux programmes spatiaux (+ 15 %), aux études amont (+ 26 %) et à la DGSE (+ 6 %).

Les crédits d'entretien programmé des matériels (EPM) sont stabilisés à un niveau supérieur à celui prévu par la loi de programmation. A cet égard, la disponibilité technique moyenne des équipements connaît une lente amélioration. Elle est aujourd'hui d'environ 65 % pour un objectif de 70 %. En OPEX cependant, la disponibilité réelle des matériels demeure excellente et dépasse 90 %.

L'année 2005 verra la livraison de nombreux équipements nouveaux : lancement du satellite Syracuse III, entrée en service du système RITA rénové et du MINREM (Moyen interarmées naval de recherche électromagnétique) ainsi que l'arrivée de 7 hélicoptères Cougar au bénéfice des forces spéciales. La projection et la mobilité des forces bénéficieront de la récente mise en service du bâtiment de projection et de commandement Mistral, ainsi que de deux avions de transport à long rayon d'action (TLRA). Enfin, 10 avions Rafale, 70 missiles SCALP-EG et 40 missiles AS30 Laser seront livrés aux armées ; 8 hélicoptères Tigre viendront renforcer l'armée de terre et la marine recevra un système PAAMS (Principal anti air missile system) doté de 50 missiles Aster.

Le général Henri Bentégeat a évoqué ensuite l'architecture du prochain budget de la défense, qui sera construit sur la base de la LOLF, impliquant une nouvelle répartition des crédits et des responsabilités. Quatre programmes ont été déterminés au sein de la mission « défense ». Le premier, sur l'environnement et la prospective de la politique de défense sera placé sous la responsabilité du directeur des affaires stratégiques. Le second, sur la préparation et l'emploi des forces sera placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées. Le troisième, concerne l'équipement des forces ; il relèvera de la responsabilité conjointe du chef d'état-major des armées et du délégué général pour l'armement. Le général Henri Bentégeat a insisté sur l'importance de ce copilotage, la finalité première de l'équipement devant rester la satisfaction du besoin opérationnel. Enfin, le soutien de la politique de défense dépendra du secrétaire général de l'administration (SGA).

Le chef d'état-major des armées a ensuite présenté les différentes opérations auxquelles participe actuellement l'armée française. La Côte d'Ivoire constitue le théâtre qui concentre à l'heure actuelle le plus de moyens avec 4.500 hommes. La situation sur le terrain est stable, mais reste marquée par des accrochages fréquents. Le contexte politique reste tendu, les différentes parties ivoiriennes n'ayant pas satisfait aux engagements pris lors de l'accord d'Accra III, portant sur le calendrier législatif, d'une part, et sur le désarmement, d'autre part. La mission des forces françaises de l'opération Licorne est désormais d'opérer en appui aux 6.500 hommes de l'ONUCI chargés de la surveillance de la ligne de cessez-le-feu et de la « zone de confiance ».

En Afghanistan, où 1.200 soldats français sont présents dont 1.000 au sein de la FIAS commandée par un général français, et 200 au titre de la lutte contre les Talibans et Al Qaïda. Si les élections présidentielles se sont bien déroulées, seules 30 % des milices ont été désarmées ; surtout, la production d'héroïne a doublé en un an, portant ainsi le pays au premier rang des producteurs mondiaux. Le dispositif français inclut par ailleurs quatre Mirage F1CR basés à Douchanbé qui effectuent des missions de reconnaissance au profit de l'ISAF, des Allemands et de l'opération Enduring Freedom. Enfin, la France participe, depuis deux ans, à la formation de la future armée afghane.

Les récentes élections au Kosovo, où sont déployés 3000 hommes, se sont déroulées dans le calme, mais la question du statut final de ce territoire, qui sera abordée au cours de l'année 2005, risquera de provoquer des troubles faisant de ce théâtre d'opérations une de nos priorités. En Bosnie, où la France est engagée à hauteur de 500 hommes, le commandement de l'OTAN sera transféré à l'Union européenne le 2 décembre prochain.

La France participe également avec deux de ses frégates et un bâtiment ravitailleur à la Taskforce 150 pour le contrôle de l'espace maritime entre le Pakistan et la Corne de l'Afrique.

A ces théâtres extérieurs s'ajoutent les missions de défense du territoire. Au total plus de 1.000 hommes sont mobilisés ; permanence en alerte de quatre patrouilles de l'armée de l'air, auxquelles s'ajoutent le réseau des radars et les hélicoptères protégeant les zones sensibles ; protection des approches maritimes renforcée notamment par la rénovation des sémaphores. Enfin, participation au dispositif Vigipirate.

Le chef d'état-major des armées a estimé que le projet de budget pour 2005 permettrait l'exécution des missions confiées aux armées sous réserve de l'exécution conforme du budget 2004 et de la mise à disposition de la totalité des crédits pour le financement des OPEX.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.

En réponse à une question de M. Philippe Nogrix, relative à la disponibilité technique opérationnelle des matériels, le général Henri Bentégeat a précisé que cette dernière notion constituait une moyenne et ne reflétait donc pas la situation réelle des matériels engagés en opération ; ainsi, le taux de disponibilité réel des aéronefs engagés en opération avoisine 90 %, alors que sur l'ensemble des appareils de ce type, la disponibilité technique opérationnelle n'est que de 65 %.

M. André Boyer, se référant notamment aux programmes d'équipements présentés lors du salon Euronaval, a souligné l'importance grandissante d'une coopération européenne accrue. Par ailleurs, il a interrogé le chef d'état-major des armées sur la situation du service de santé des armées et plus particulièrement sur les éventuelles difficultés de recrutement de médecins spécialistes et sur l'articulation entre les hôpitaux militaires et le soutien médical des corps de troupes, tant sur le territoire national qu'en opération extérieure.

Le général Henri Bentégeat a tout d'abord indiqué que l'armée française considérait son service de santé comme l'un des meilleurs au monde du fait de sa haute compétence technique et de sa grande expérience sur les théâtres d'opération, notamment en Afrique. Cette confiance dans la qualité du soutien médical constitue bien entendu un élément important du moral des personnels lors des engagements opérationnels. S'agissant des difficultés de recrutement ou de fidélisation des personnels médicaux ou paramédicaux, il a estimé qu'elles concernaient actuellement plus les infirmiers que les médecins. C'est donc pour rendre cette carrière plus attractive qu'a été décidé d'unifier le statut des infirmiers des corps de troupes et celui des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA). D'autre part, les mesures prises depuis trois ans ont stoppé l'hémorragie de médecins au sein des armées : les conditions d'avancement ont été améliorées et des primes spécifiques ont été instaurées pour rapprocher les rémunérations des médecins, en particulier des spécialistes, de celles pratiquées dans le milieu civil. Enfin, dans les spécialités critiques de la chirurgie et de l'anesthésie-réanimation, on constate que la participation à des opérations extérieures, généralement pour des missions limitées à deux mois, est l'une des motivations qui conduit les praticiens concernés à souhaiter rester au sein des armées.

Le général Henri Bentégeat a ensuite donné des précisions sur les différents programmes en coopération dans le domaine naval. En ce qui concerne les frégates européennes multi-missions, il a rappelé que le projet de loi de finances ne prévoyait aucun crédit de paiement pour 2005, le lancement du programme étant subordonné à la mise au point, avec des banques et en concertation avec le ministère des finances, d'un financement innovant qui devrait être finalisé au mois de décembre prochain. Quant à la coopération franco-britannique sur les porte-avions, elle demeure envisageable sur certains aspects du programme, même si le Royaume-Uni confirme sa préférence pour des avions à décollage court, ce qui limite nécessairement les points communs avec le projet français.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité connaître le niveau de notre participation aux opérations internationales en Haïti. Il a demandé des précisions sur la nouvelle répartition des responsabilités entre le chef d'état-major des armées et chaque chef d'état-major d'armée dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, ainsi que sur la place occupée par le contrôle général des armées dans la nouvelle nomenclature. Enfin, il s'est interrogé sur l'étendue de la coopération internationale en matière de renseignement militaire.

Le général Henri Bentégeat a rappelé que la France avait déployé en Haïti, au printemps dernier, environ un millier d'hommes provenant des forces stationnées aux Antilles et en Guyane. Ce dispositif a pris fin dès lors que sont arrivées les forces internationales placées sous mandat des Nations unies (MINUSTHA). La France maintient cependant un groupe de 60 gendarmes et policiers intégrés à la composante civile de cette opération de maintien de la paix.

S'agissant de la mise en oeuvre de la loi organique relative à la loi de finances, le général Henri Bentégeat a distingué d'une part les programmes relatifs à la préparation et à l'emploi des forces et à l'équipement des forces, dans la conduite desquels le chef d'état-major des armées s'est vu reconnaître une responsabilité, et d'autre part les différentes actions composant ces programmes, dont la responsabilité relèvera quant à elle des chefs d'état-major d'armées et auxquelles seront associés des budgets opérationnels de programme. Ainsi, chaque chef d'état-major d'armée assurera la gestion des budgets opérationnels de programme correspondant aux actions dont il aura la responsabilité. En qualité de pilote de programme, et conjointement avec le délégué général pour l'armement s'agissant du programme relatif à l'équipement des forces, le chef d'état-major des armées aura en charge la coordination entre les différentes actions et les arbitrages budgétaires en cours de gestion. Le conseil des systèmes de force récemment mis en place a précisément pour objet de renforcer cette capacité de coordination et d'arbitrage. Enfin, en ce qui concerne le contrôle général des armées, il est rattaché au programme relatif à l'administration et au soutien général, relevant du secrétariat général pour l'administration, mais il demeure bien entendu placé sous la responsabilité directe du ministre.

S'agissant de la coopération dans le domaine du renseignement militaire, le général Henri Bentégeat a précisé que dans le cadre multilatéral de l'Union européenne ou de l'OTAN, elle consistait à mettre en commun des analyses préparées par les différents services nationaux, mais ne portait pas sur du renseignement brut. La coopération bilatérale est pour sa part fondée sur la base de l'échange réciproque et équilibré de renseignements. La France entretient sur ce plan des contacts soutenus avec beaucoup de ses partenaires. Les relations les plus étroites sont établies avec les services américains, britanniques et allemands.

M. Jacques Peyrat s'est interrogé sur l'ampleur du report de charges lié aux opérations extérieures de 2003 sur l'exercice 2004 et sur les perspectives de financement intégral des surcoûts en 2004. Il a demandé comment évoluait le programme d'avions de transport A400M. Il a souhaité savoir si les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et ceux des forces spéciales pouvaient être considérés comme suffisants dans un contexte marqué par de nouvelles formes de conflits face à la menace terroriste. Enfin, il a demandé des précisions sur le devenir des installations de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT) au Cannet des Maures et sur l'utilisation du camp de Canjuers, en particulier par les forces américaines.

Le général Henri Bentégeat a indiqué qu'en 2003 le surcoût des opérations extérieures pour le Titre III n'avait été compensé qu'à hauteur des 2/3, l'armée de terre supportant notamment une charge supplémentaire de 40 millions d'euros qui a été reportée sur l'exercice 2004. Ce report de charge a imposé l'annulation de certaines activités, sans que cela n'ait cependant d'impacts trop dommageables sur le niveau général d'entraînement des forces terrestres. Le surcoût des opérations extérieures sera compris entre 600 et 650 millions d'euros en 2004. Les discussions interministérielles sur le projet de loi de finances rectificative pour 2004 n'ont pas encore été engagées, mais il y a bon espoir que le ministère de la défense obtienne une couverture satisfaisante de ce surcoût.

Le général Henri Bentégeat a souligné le bon déroulement du programme A400M, facilité par l'absence de différence notable dans les spécifications souhaitées par les différents partenaires. Il a rappelé que la France a commandé 50 appareils, pour un coût total de 6,5 milliards d'euros, les crédits de paiement prévus pour 2005 s'élevant à 226 millions d'euros. Les premières livraisons sont prévues à partir de 2009. Ce programme est capital compte tenu de l'âge moyen très élevé de nos Transall C160. L'arrivée de l'A400M devrait permettre la mise en place d'un commandement européen du transport aérien qui pourra s'appuyer sur un pool d'appareils similaires dans plusieurs pays de l'Union.

Le général Henri Bentégeat a ensuite évoqué la situation du renseignement militaire. Il a indiqué que, bien que sa mission soit plus large, la DGSE apportait une contribution très importante dans ce domaine, grâce aux moyens techniques et humains dont elle dispose. Cette contribution est évidemment variable selon les pays, en fonction du degré et de l'ancienneté d'implantation du service. S'agissant des théâtres d'opération actuels, les renseignements fournis par la DGSE en Afghanistan ou en Côte d'Ivoire se sont révélés très précieux.

En ce qui concerne les forces spéciales, le général Henri Bentégeat a estimé que leurs effectifs étaient suffisants, même si elles sont aujourd'hui particulièrement sollicitées, à hauteur de cinq mois en opération par an en moyenne. L'accroissement de leur volume n'est pas envisagé, car il risquerait de s'effectuer au détriment du niveau d'entraînement et de savoir-faire de ces forces. Ces dernières années, l'accent a été mis sur le caractère inter-armées de l'emploi des forces spéciales pour en démultiplier l'efficacité. Ainsi, les forces spéciales présentes en Afghanistan comportent à parts pratiquement égales des personnels de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air. Par ailleurs, certaines unités spécialisées dans le renseignement militaire sont ponctuellement associées aux actions des forces spéciales. De même, d'autres unités disposent de capacité en matière d'opérations non conventionnelles et peuvent intervenir en complément des forces spéciales, sans pour autant disposer de l'équipement et du niveau d'entraînement équivalents.

A propos des installations de l'ALAT au Cannet des Maures, le général Henri Bentégeat a indiqué que rien ne laissait penser que l'armée de terre pourrait s'en séparer. D'ailleurs, d'importants investissements y sont consentis dans le cadre d'une école commune de formation franco-allemande pour l'hélicoptère Tigre. S'agissant du camp de Canjuers, il a souligné son rôle essentiel pour l'entraînement des unités d'artillerie et de l'arme blindée. Il a précisé que certaines difficultés d'ordre juridique avaient amené à interrompre les entraînements des forces américaines dans ce camp. Dès qu'elles seront aplanies, ces entraînements pourront reprendre.

A M. Daniel Goulet, qui soulignait l'importance de la coopération militaire française avec les Emirats arabes unis et le Qatar, le général Henri Bentégeat a confirmé que l'exercice « Golfe », annulé l'an passé pour des raisons budgétaires, était programmé pour le mois de mars prochain. Notre coopération militaire se fonde sur des relations militaires extrêmement confiantes et comporte, outre des exercices communs, des actions de formation de stagiaires. Elle sera maintenue au moins à un niveau équivalent au cours des prochaines années.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a demandé des précisions sur l'effort effectué en direction des réserves et sur le projet de loi annoncé en ce sens. Elle a par ailleurs fait état d'un projet de télé-assistance médicale mis au point au sein du service de santé des armées en soulignant son intérêt pour notre coopération internationale.

Le général Henri Bentégeat a indiqué que les besoins en réservistes avaient été réévalués par l'état-major des armées qui aurait par ailleurs certainement à renforcer son rôle coordinateur en la matière. L'enjeu des prochaines années sera de lever les obstacles qui limitent les possibilités des salariés de servir dans la réserve. S'agissant des projets de télé-assistance mis au point par le service de santé des armées, il s'est déclaré convaincu que ce dernier devait poursuivre son action déjà très importante en matière de coopération internationale, notamment en direction de l'Afrique.

En réponse à une question de Mme Dominique Voynet, le général Henri Bentégeat a précisé que la dotation de 200 millions d'euros inscrite au budget de la défense au titre du budget civil de recherche-développement (BCRD) serait principalement affectée au Centre nationale d'études spatiales (CNES), pour 165 millions d'euros, et au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) pour 35 millions d'euros. Le ministère de la défense s'efforce d'orienter ses crédits vers des programmes de recherche duale susceptibles de retombées pour des programmes de défense. Des accords ont en particulier été passés en ce sens avec le CNES.

M. Yves Pozzo di Borgo s'est interrogé, dans le cadre de la LOLF, sur la possibilité, pour certaines autorités du ministère de la défense, d'être à la fois responsable de programmes et de missions. Il a cité à ce propos le rôle du délégué général pour l'armement dans la mission interministérielle enseignement supérieur et recherche. D'autre part, à propos de l'Afghanistan, il s'est demandé si les impératifs sécuritaires avaient pu conduire, dans une certaine mesure, à tolérer certaines activités liées au trafic de drogue conduites par les seigneurs de la guerre.

Le général Henri Bentégeat a rappelé que les responsables de missions ne pouvaient être que des ministres, leurs subordonnés n'intervenant qu'au niveau des programmes. Par ailleurs, dans un souci de cohérence, il est logique que le DGA, en charge de la recherche au sein du ministère, soit responsable du programme « recherche duale » au sein de la mission interministérielle « recherche ». Il a d'autre part indiqué que si, par le passé, les forces internationales avaient pu dans certains cas renoncer à s'opposer à des milices locales se livrant au trafic de drogue en Afghanistan, cette situation n'est plus d'actualité aujourd'hui. La coordination de la lutte contre la drogue a été placée sous la responsabilité du Royaume-Uni qui prépare un plan d'action en ce sens. Dans cette perspective, les forces internationales pourraient être appelées à participer aux opérations de lutte contre les trafics, en appui de l'armée afghane.

M. Serge Vinçon, président, a demandé au général Henri Bentégeatdes précisions sur les dernières évolutions de l'Europe de la défense, notamment la mise en place de groupements tactiques, sur l'apport du missile balistique M51 pour notre dissuasion nucléaire et sur l'acquisition par la France de nouvelles capacités de commandement d'opérations multinationales.

Le général Henri Bentégeat a précisé que la notion de groupement tactique 1.500 hommes visait à reproduire l'équivalent de ce que l'Union européenne avait mis sur pied pour l'opération en Ituri lors de l'été 2003. Il s'agira de pouvoir disposer en permanence d'un ou de deux groupements tactiques susceptibles d'être engagés dans un délai inférieur à 15 jours. La France pourrait contribuer à hauteur de trois groupements tactiques : le premier constitué avec l'Allemagne, le deuxième avec la Belgique et l'Espagne et le troisième à dominante française, mais auquel se joindraient des contingents d'autres pays. Cette initiative a reçu un accueil extrêmement favorable de nos partenaires européens, notamment des pays de l'Europe du Nord qui pourraient être amenés, dans le cadre de cette formule, à s'impliquer davantage dans les opérations de gestion de crise.

Le général Henri Bentégeat a considéré que le missile M51 présenterait deux avantages considérables par rapport à l'actuel missile M45 : sa portée sera augmentée de l'ordre d'un tiers et sa précision sera accrue. Dans le contexte actuel d'accentuation de la prolifération nucléaire, ce nouveau missile permettra à notre dissuasion de s'exercer sur la quasi totalité de la surface du globe.

Enfin, la France s'est dotée au Mont Valérien d'une capacité de commandement et de conduite d'opérations multinationales qui pourra accueillir un état-major comportant une quarantaine d'officiers français et une soixantaine d'officiers européens.

Jeudi 28 octobre 2004

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

PJLF pour 2005 - Audition de M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie

La commission a procédé à l'audition de M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, sur le projet de loi de finances pour 2005.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, a précisé que, sur un projet de budget du ministère des affaires étrangères de 4,4 milliards d'euros, l'augmentation de 4,3 % résultait en grande partie de l'évolution de l'aide au développement, cette dernière accordant une priorité aux crédits d'intervention et s'accompagnant d'une diminution des effectifs et des coûts de structure.

Dans la perspective de la LOLF, la visibilité du rôle du ministre chargé de la coopération serait renforcée, deux des programmes budgétaires du ministère concernant plus particulièrement l'action de la coopération : celui intitulé « solidarité à l'égard des pays en développement », intégré à la mission conjointe avec le ministère de l'économie et des finances ; celui intitulé « rayonnement culturel et scientifique », qui fait partie de la mission « action extérieure de l'Etat » du ministère des affaires étrangères.

Le ministre délégué a indiqué que la distinction entre ces deux programmes était essentiellement géographique, une action de même nature, selon qu'elle serait réalisée dans un pays inclus ou non dans le périmètre de l'aide publique au développement prenant place dans l'un ou l'autre des programmes.

L'aide publique au développement constitue la première priorité de notre politique étrangère et le programme consacré à la solidarité à l'égard des pays en développement bénéficie d'une augmentation significative. Le ministre délégué a rappelé l'importance qu'attachait le Président de la République à l'aide au développement et l'engagement pris de lui consacrer 0,5 % du PIB en 2007 et 0,7 % en 2012.

M. Xavier Darcos a fait remarquer qu'à la fin des années 1990, cette aide avait fortement diminué. Si, en 2001, elle s'établissait à 0,32 % du PIB, cette tendance propre à la décennie précédente a été inversée : elle a été de 0,38 % en 2002 et de 0,41 % en 2003, les prévisions étant de 0,42 % pour 2004, 0,44 % pour 2005 ; on est en bonne voie pour atteindre ensuite 0,5 %.

Cette augmentation n'apparaît cependant que partiellement dans les budgets que le Parlement est appelé à voter. D'une part, les allègements de dette qui représentent une part non négligeable de l'aide française, de l'ordre de 20 à 25 %, qui n'apparaissent pas dans le budget ; d'autre part, l'aide est parfois constatée a posteriori au sein de lignes budgétaires plus globales : dépenses des universités pour l'accueil en France d'étudiants étrangers, dépenses de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

A cet égard, le ministre délégué a souhaité que le réseau de l'AEFE prenne une dimension plus européenne et que, dans les pays en développement, un meilleur parti soit tiré du potentiel de coopération de tous les établissements.

Précisant que la future mission interministérielle « Aide publique au développement» mise en place dans le cadre de la LOLF, rassemblait tout juste la moitié des crédits de l'aide publique française au développement, M. Xavier Darcos a indiqué que le gouvernement avait décidé de renforcer la visibilité politique de son action en ce domaine. Il a indiqué que cinq principales mesures avaient été décidées lors du comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 20 juillet dernier : la désignation du ministre chargé de la coopération comme chef de file de l'aide publique au développement et son rôle de président d'une conférence d'orientation rassemblant tous les ministères concernés, afin de veiller à la réalisation des objectifs chiffrés en matière d'aide ; la présentation annuelle au Parlement d'un document de politique « transversale », en annexe à la future mission interministérielle sur l'aide au développement prévue par la LOLF ; ce document aura pour objectif de clarifier notre politique d'aide au développement en termes de stratégie et de budget et constituera un outil essentiel de dialogue avec le Parlement sur la politique française en faveur des pays les moins favorisés ; une aide plus sélective, concentrée vers les objectifs du Millénaire pour la réduction de la pauvreté ; la réalisation, avec les autorités de chaque pays d'accueil, d'un document cadre de partenariat sous la coordination des ambassadeurs ; une clarification de la mise en oeuvre de l'aide, le ministère des affaires étrangères définissant les stratégies et politiques publiques et l'Agence française de développement organisant la mise en oeuvre de ses orientations sur le terrain.

M. Xavier Darcos a précisé que l'aide au développement du ministère des affaires étrangères passerait de 2,04 milliards d'euros à 2,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 8 %. Cette évolution résulte principalement de la décision du Président de la République de contribuer chaque année au Fonds SIDA où la France est le premier contributeur, à hauteur de 150 millions d'euros ; de la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement, dont la dotation passe de 565 à 628 millions d'euros ; de la progression des crédits alloués à la société civile à travers les ONG et les collectivités territoriales dans le cadre de la coopération décentralisée ; enfin, une augmentation des bourses pour les étudiants étrangers en France, bourses d'excellence et Major ou programme Eiffel.

M. Xavier Darcos a fait observer que la communauté internationale consacre 900 milliards d'euros à l'armement, 350 milliards d'euros aux diverses aides à l'agriculture ou aux mandats protégés, mais seulement 50 milliards d'euros à l'aide au développement, alors que c'est le double qui serait nécessaire pour atteindre les objectifs du Millénaire.

Enfin, abordant la question plus générale du financement du développement, M. Xavier Darcos a indiqué que les allègements de dettes, qui représentent une composante non négligeable de notre aide, auraient tendance à diminuer à l'avenir, ce qui permettrait d'augmenter plus fortement l'aide au développement apportée par la voie budgétaire, associée à un souci accru d'efficacité et de transparence. Au-delà de cet appoint budgétaire, il faudrait toutefois également trouver des sources innovantes de financement, comme les taxes internationales proposées par le Président de la République et approfondies dans le cadre des travaux de la commission conduite par M. Landau, qui recueillent un large consensus international.

M. Xavier Darcos a regretté que l'initiative lancée par le président de la Banque mondiale pour scolariser tous les enfants africains, et dont le coût ne s'élevait qu'à 3 milliards de dollars par an, ne pouvait être financée en partie parce qu'il ne s'agissait pas de dépenses récurrentes et que les Etats ne pouvaient s'engager dans la durée du fait des règles d'annualité budgétaire.

Le rapport de M. Landau proposait de nombreuses pistes possibles -taxes sur les transports aériens ou maritimes, sur les transactions financières ou les dépenses d'armement-ces taxes devant bien sûr être mises en place dans un cadre démocratique, à travers un vote de chaque Parlement national, afin de bénéficier de la légitimité nécessaire. Si les Etats-Unis restent opposés à une telle formule, elle n'en a pas moins recueilli, à l'ONU, le soutien de plus de 110 pays.

M. Jacques Pelletier a souligné la décroissance programmée de la part des annulations de dettes dans l'aide française. Il a considéré que le maintien de flux d'aide publique équivalent devrait passer par une augmentation significative des crédits dévolus à l'assistance technique. Il a souhaité savoir si, à la suite de différentes vagues d'annulations de dettes, l'aide publique française ne devrait pas recourir aux seuls dons afin d'éviter le réendettement des Etats bénéficiaires. Considérant que l'aide mise en oeuvre par les ONG et les collectivités territoriales était à la fois concrète et efficace, il s'est déclaré favorable à une augmentation significative de son pourcentage au sein de l'aide française. Il a souhaité obtenir des précisions sur les modalités de l'initiative britannique d'un emprunt garanti par les bailleurs. Evoquant enfin l'aide multilatérale, il a souhaité que la contribution française au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) puisse être revalorisée.

M. Xavier Darcos a confirmé que la réduction attendue de la part des annulations de dettes au sein de l'aide française rendrait plus perceptible l'augmentation des crédits budgétaires d'aide au développement. Le débat sur le fait de privilégier les dons par rapport aux prêts appelle une réponse nuancée. Il est vrai qu'à l'inverse des dons, les procédures de remises ou annulations de dettes ou leur rééchelonnement sont des opérations complexes, tant pour les bailleurs que pour les bénéficiaires, mais elles sont également l'occasion de discussions sur l'emploi des fonds ainsi libérés. En outre, la disparition des prêts conduirait à remettre en cause le rôle même de la Banque mondiale, ce que la France ne souhaite pas. La disparition des prêts constituerait aussi une rupture avec le principe même d'une influence sur les politiques de développement. Seule une politique de dons massifs et très ciblés permettrait de préserver une telle influence, mais cela poserait un problème spécifique à notre pays dont le champ d'intervention, la zone de solidarité prioritaire, est très large. Le dispositif de dons mis en place par les Etats-Unis, le mécanisme du « Millenium challenge account » permet, pour sa part, le déblocage très rapide, en trois mois, d'une aide budgétaire directe à des pays africains dont beaucoup sont d'ailleurs des destinataires privilégiés de notre propre aide au développement.

Le financement des ONG et le développement de la coopération décentralisée posent surtout la question du nombre de projets précis à financer et des interlocuteurs efficaces pour les mettre en place.

La « facilité financière internationale » (IFF), proposée par le chancelier britannique Gordon Brown, est un emprunt à très long terme garanti par les Etats. Ce dispositif permettrait de débloquer très rapidement des liquidités importantes mobilisables sur des projets d'envergure. Les Britanniques envisagent ainsi une mise en place de ce dispositif dès 2005, avec une première expérimentation sur une campagne de vaccination de grande ampleur. Un accord s'est désormais dégagé avec les Britanniques sur la possibilité d'une coexistence de l'IFF avec le projet de taxation globale initié par la France. Il n'y a donc plus d'opposition entre ces deux projets, pourtant perçus à l'origine comme concurrents.

La France dispose d'une plus grande maîtrise sur les actions menées dans le cadre du Fonds européen de développement (FED) -dont nous souhaitons d'ailleurs la budgétisation- que sur celles mises en oeuvre par le PNUD. La contribution française au PNUD est cependant, avec 18 millions d'euros par an, la première de celles que nous consentons aux divers organismes des Nations unies.

M. Robert Del Picchia, après avoir souligné que le PNUD avait beaucoup évolué et qu'il était en effet regrettable que la France n'y soit pas plus présente, a souhaité obtenir des précisions sur la mise en oeuvre des contrats de désendettement et développement pour l'année 2005. Revenant sur la perspective d'une annulation de la dette irakienne, il a considéré qu'elle serait difficilement acceptable par l'opinion publique, dans la mesure où il s'agit d'un pays dont la richesse n'est pas comparable à celle de nos partenaires africains.

Evoquant le rôle de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dans la gestion des crises régionales, il a souhaité savoir quel soutien budgétaire serait apporté aux organisations régionales africaines. Il s'est en outre interrogé sur l'attitude des nouveaux membres de l'Union européenne à l'égard de l'aide au développement à destination de l'Afrique.

M. Xavier Darcos a rappelé que l'encours de la dette irakienne à l'égard de la France s'élevait à 2,9 milliards de dollars hors intérêts. En l'absence de visibilité sur l'évolution de la situation en Irak, la France, qui préside le Club de Paris, y défend une approche progressive d'une annulation de dette de 50 %, suivie d'une éventuelle annulation complémentaire dans trois ans en fonction de la situation. En tout état de cause, il s'agirait pour la France de l'une des annulations les plus importantes de l'ensemble des donateurs. Le montant de la remise de la dette irakienne s'élèvera à 500 millions d'euros pour l'année 2005, elle sera de 700 millions d'euros pour le Congo Brazaville.

L'appui aux organisations régionales, et singulièrement à la CEDEAO, mobilise quelque 620 millions d'euros sur différents chapitres budgétaires et concerne la coopération militaire et de défense, les opérations de maintien de la paix des Nations unies ainsi que la facilité de paix récemment mise en place par l'Union européenne.

L'inquiétude des pays africains quant à la sensibilité des nouveaux membres de l'Union européenne à l'égard de l'aide au développement est légitime. Ces pays manifestent cependant un intérêt croissant pour la coopération sur la base de projets concrets.

M. Robert Bret s'est interrogé sur la part résiduelle de l'aide au développement proprement dite si l'essentiel est consacré à l'annulation des dettes. Evoquant plus généralement le budget du ministère des affaires étrangères, il a déploré la baisse des crédits de fonctionnement conduisant à des réductions d'effectif et au recrutement de personnel local. Il a souhaité savoir si des mesures concrètes seraient soumises au Parlement pour mettre en oeuvre le projet de taxation globale. Evoquant l'augmentation du budget de la défense et la part dévolue aux opérations extérieures, il a considéré que l'aide de la France devait privilégier la prévention des crises, plutôt que leur traitement par les crédits militaires.

M. Xavier Darcos a rappelé que les annulations de dettes devraient représenter entre 20 et 25 % du total de l'aide française en 2005. La réduction attendue dès 2006 de ce pourcentage augmentera de façon significative les capacités d'aide bilatérale concrète, les crédits dédiés à l'aide aux organisations non gouvernementales et aux collectivités décentralisées progressant d'ailleurs de plus de 10 %.

La diminution, au demeurant réduite, des effectifs au ministère des affaires étrangères résulte de nouvelles organisations des services, liées à la prise en compte croissante de la dimension européenne de notre réseau.

Un débat au Parlement sur le projet de taxation globale pourrait se tenir à l'occasion de la session 2005 des Nations unies, qui fera le point sur l'avancement des objectifs du Millénaire. Nous pourrons identifier un calendrier plus précis début 2005.

Mme Gisèle Gautier a souligné l'importance de l'écart entre les besoins identifiés du développement et les crédits effectivement mobilisés au niveau mondial. Elle a souhaité connaître la place de la France dans l'aide mondiale au développement et a demandé si des sanctions étaient possibles à l'égard des pays donateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements.

M. Xavier Darcos a indiqué que, dans le cadre des objectifs du Millénaire, les priorités de l'aide mondiale font l'objet d'un consensus international assorti d'objectifs chiffrés, permettant aux bailleurs de disposer d'un « tableau de bord » très précis. La réalisation des objectifs du Millénaire permet également d'entrer dans un cercle vertueux entre, par exemple, l'accès à l'eau et la scolarisation des enfants, l'éducation et la santé. La France inscrit pleinement sa politique dans la démarche des objectifs du Millénaire, sachant que les progrès dans leur réalisation sont entravés par les questions démographiques ainsi que les nombreuses crises qui affectent l'Afrique.

La plupart des pays donateurs tiennent leurs engagements, en revanche, les évolutions dans les pays bénéficiaires ne sont pas toujours conformes aux attentes. C'est pourquoi la France soutient les mécanismes de transparence, notamment l'initiative britannique sur les industries extractives ainsi que l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), tant la définition d'un cadre juridique est indispensable à la confiance du monde des affaires et au développement de la capacité d'action des entreprises.

M. Michel Guerry s'est interrogé sur la contribution française au Fonds SIDA.

M. Xavier Darcos a souligné le caractère global de la lutte contre le SIDA, qui doit allier prévention, éducation et soins. La lutte contre le SIDA s'effectue selon trois axes : l'accès aux soins où le développement des médicaments génériques tient une place centrale ; la prévention, notamment auprès des femmes, ce qui nécessite un travail considérable sur l'évolution des mentalités ; enfin, la recherche fondamentale doit être soutenue et, dans certains secteurs, ses résultats sont d'ailleurs très rapides, à l'exemple de ceux obtenus par les travaux sur la transmission du virus de la mère à l'enfant. La lutte contre le SIDA n'est cependant pas seulement une question financière. Dans de nombreux pays d'Afrique, c'est l'organisation même du système de soins qui est défaillante.

M. Jean-Pierre Fourcade a demandé si la préparation de la LOLF avait permis d'identifier des « doublons » avec le ministère de l'économie et des finances. Il s'est aussi interrogé sur les corrélations entre aide publique au développement et flux migratoires.

M. Robert Bret a interrogé le ministère sur l'aide française à Haïti.

M. Xavier Darcos a estimé que la mise en place d'une mission interministérielle pour l'aide au développement permettrait en effet de rationaliser les relations entre le ministère des affaires étrangères et celui de l'économie et des finances. Ainsi, sur certains crédits comme l'aide alimentaire, une seule ligne subsiste désormais.

Les liens entre aide publique au développement et flux migratoire sont établis, et sont au coeur de la politique d'aide. Des efforts restent cependant à faire pour permettre aux populations de trouver sur place les moyens de leur subsistance et de leur développement. C'est également l'objet de la politique de co-développement qui consiste notamment à mobiliser les ressources des migrants pour permettre à leurs compatriotes de rester au pays.

En Haïti, la mobilisation est mondiale pour tenter de résoudre une situation très dégradées à maints égards. La France, aux côtés du Canada et de l'Union européenne, s'efforce, dans tous les secteurs, de mobiliser tous les dispositifs d'aide disponibles.