Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 9 novembre 2004

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Traités et conventions - Convention France-Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti - Examen du rapport

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a examiné le rapport de M. Didier Boulaud sur le projet de loi n° 15 (2004-2005) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a indiqué que la convention signée le 3 août 2003 avec le gouvernement de Djibouti visait à établir les nouvelles conditions de stationnement de nos forces dans ce pays, son objet principal étant de porter à 30 millions d'euros par an jusqu'en 2012 la contribution financière du ministère de la défense, qui s'élevait jusqu'alors à environ 19 millions d'euros.

Le rapporteur a rappelé que le jour même de l'indépendance de Djibouti, le 29 juin 1977, le nouvel Etat signait avec la France un protocole provisoire, toujours en vigueur, définissant les conditions du maintien d'une présence militaire française et destiné notamment à soutenir Djibouti en cas d'agression étrangère.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a estimé que cet accord avait joué un rôle majeur dans la préservation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de Djibouti, situé dans une région particulièrement troublée, tout en permettant à la France de disposer, en complément de ses autres bases en Afrique, d'un point d'appui dont l'intérêt s'est renforcé au cours des dernières années du fait des conflits au Moyen-Orient et de la lutte contre le terrorisme.

Il a précisé que dès l'origine, le ministère de la défense français a versé une contribution financière au budget djiboutien, et ce, sous diverses formes. Premièrement, un régime fiscal dérogatoire est appliqué aux personnels du ministère de la défense en matière d'impôt sur le revenu. Cet impôt n'est pas acquitté en France, mais à Djibouti, sous la forme d'un prélèvement à la source sur les soldes, opéré par la France puis reversé au budget djiboutien. Deuxièmement, tous les matériels et produits importés destinés aux Forces françaises à Djibouti sont frappés d'une taxe, assimilable à un droit de douane, à l'exception des matériels militaires. Troisièmement, plusieurs taxes et redevances spécifiques ont été instaurées à l'intention des Forces françaises, par exemple des redevances pour l'utilisation du port international et de l'aéroport, ou encore une taxe pour l'utilisation des fréquences radio-électriques. Enfin, à ces différentes impositions s'ajoute un transfert direct du budget français de la défense vers celui des forces armées djiboutiennes à titre d'aide pour leur équipement et leur fonctionnement. Ce transfert est indépendant des crédits de coopération militaire inscrits au budget des Affaires étrangères.

M. Didier Boulaud, rapporteur, a indiqué qu'à partir de 1998, les autorités djiboutiennes s'étaient inquiétées de voir le volume de notre dispositif militaire diminuer au fil des ans, revenant de 3.500 hommes en 1995, à la veille de la réforme des armées, à 2.800 actuellement, et souhaitaient une certaine forme de compensation financière. Ces revendications se sont renforcées dans les années récentes, du fait d'un regain d'intérêt pour la position stratégique de Djibouti et de l'installation sur son territoire des forces américaines, avec un contingent de plus d'un millier d'hommes.

Des négociations ont été engagées et ont abouti à la convention signée le 3 août 2003 entre les deux gouvernements.

Son article 1er pose le principe d'une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros versée par la France au titre de la présence des Forces françaises de Djibouti, et ce durant 9 années au moins, la convention pouvant être reconduite, après cette échéance, pour une durée convenue entre les parties. Ce montant représente une augmentation de 11 millions d'euros par rapport à celui acquitté par le budget de la défense jusqu'en 2002.

Cette contribution forfaitaire englobe le montant de l'impôt sur le revenu du personnel et celui des taxes intérieures de consommation acquittées par les forces françaises ainsi qu'une enveloppe fixe de 5,2 millions d'euros, correspondant à l'aide fournie au ministère djiboutien de la défense et à des actions civilo-militaires réalisées au profit de la population civile. Le solde, c'est-à-dire la différence entre ces différents éléments et les 30 millions d'euros, sera considéré comme une somme libératoire des taxes et prélèvements actuellement acquittés par les forces françaises, le gouvernement djiboutien renonçant à mettre en place toute imposition supplémentaire. Le gouvernement djiboutien s'engage également à limiter à 48 heures les délais de mise à disposition des produits et matériels importés après leur arrivée en douane, ce qui répond, là aussi, à une attente forte de nos militaires.

En conclusion, le rapporteur a estimé que cette convention consacrait une augmentation des contributions à charge du ministère de la défense mais qu'elle permettait, dans le même temps, de redéfinir sur des bases claires et simples nos accords avec Djibouti, à un moment où l'intérêt stratégique pour la région se renforce.

Il a en conséquence proposé à la commission d'adopter le projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Serge Vinçon, président, a souligné l'importance de cette convention dans la perspective d'une consolidation de la présence militaire française dans une région essentielle du point de vue stratégique.

M. Robert Del Picchia a insisté sur l'intérêt de la base de Djibouti pour l'entraînement et la formation de nos forces, notamment dans le cadre d'exercices interarmées. Il a demandé si la proportion accrue de personnels « tournants » dans les Forces françaises à Djibouti avait entraîné une perte économique pour le pays. Il a souhaité connaître l'incidence de la convention sur les prestations fournies par l'hôpital militaire français au profit de citoyens djiboutiens.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a considéré que cette convention permettra de notables simplifications par rapport à la situation actuelle et qu'elle était indispensable pour clarifier les conditions de la présence militaire française. Elle a en revanche déploré que les transferts considérables représentés par cette présence française ne semblent en rien favoriser le redressement de la situation économique et sociale du pays.

M. Gérard Roujas a estimé que la diplomatie française devrait accentuer ses actions en direction de la Corne de l'Afrique. Il a notamment souhaité que la France marque davantage d'intérêt pour l'Erythrée.

En réponse à ces différentes interventions, M. Didier Boulaud, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la convention se traduira pour les Forces françaises à Djibouti par davantage de visibilité quant aux conditions de leur présence, tout en allégeant un nombre très important de formalités qui pèsent sur leur vie quotidienne ;

- sur les 2 800 hommes affectés à Djibouti, 1 600 environ font partie de l'effectif permanent et 1 200 représentent des personnels « tournants » dans le cadre de relèves tous les quatre mois ; le fait que le nombre de militaires séjournant avec leurs familles ait diminué a été invoqué par les autorités djiboutiennes à l'appui de leurs demandes de compensation financière ;

- les soins délivrés gratuitement aux militaires djiboutiens et à leurs familles, au sein du centre hospitalier des armées Bouffard, ne sont pas comptabilisés dans la contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros ;

- il existe, dans les différents pays de la Corne de l'Afrique, une attente forte vis-à-vis de la présence française ; la fréquentation en hausse de nos établissements culturels ou encore la mise en place de projets de coopération décentralisée sont des signes positifs, l'accentuation de notre présence restant cependant handicapée par le contexte politique difficile dû au contentieux érythréo-éthiopien et à la situation intérieure de la Somalie.

La commission a ensuite approuvé le projet de loi.

Situation en Côte d'Ivoire - Audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères,sur la situation en Côte d'Ivoire et sur le projet de loi de finances pour 2005.

Evoquant tout d'abord la situation en Côte d'Ivoire, M. Michel Barnier a remercié le président Serge Vinçon pour son témoignage de solidarité et de compassion à l'égard des familles des soldats français victimes d'une attaque aérienne délibérée en Côte d'Ivoire.

M. Michel Barnier a rappelé que depuis plusieurs semaines le gouvernement français, en liaison avec l'Union africaine et l'ONU, suivait avec beaucoup d'inquiétude l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire, caractérisée par des blocages et des retards dans la mise en oeuvre des engagements de Marcoussis et d'Accra.

Face à cette situation, le Président Gbagbo a pris, de manière unilatérale, l'initiative d'une action visant à recouvrer le contrôle du territoire ivoirien et à accélérer le désarmement des rebelles. En dépit de mises en garde formulées dès mercredi dernier par le Président Chirac contre toute violation du cessez-le-feu, les forces gouvernementales ivoiriennes ont poursuivi leurs actions. Après les bombardements intervenus sur les positions rebelles, elles ont procédé, d'une manière ne laissant aucun doute sur son caractère délibéré, à une attaque aérienne ayant provoqué samedi matin la mort de 9 soldats français et d'un civil américain, auxquels s'ajoutent 38 blessés.

M. Michel Barnier a affirmé que la France ne pouvait rester sans réaction et qu'en usage de son droit de légitime défense, elle avait procédé à la destruction de tous les appareils susceptibles de renouveler ce type d'attaque. Il a en outre souligné que, comme il l'avait lui-même directement précisé au Président Gbagbo, les instructions données depuis lors aux forces françaises visaient exclusivement à porter secours à nos ressortissants et à sécuriser l'aéroport et les diverses installations françaises à Abidjan. Il a rappelé que la France n'entendait en rien remettre en cause l'ordre institutionnel ivoirien, contrairement aux accusations lancées sur les ondes dans les appels à manifestation, et qu'elle inscrivait pleinement son action dans le cadre d'un mandat des Nations unies. Il a ajouté que le Président M'Beki venait d'arriver à Abidjan pour exprimer au Président Gbagbo, au nom de l'Union africaine, notre volonté commune de trouver une issue à cette crise extrêmement grave.

M. Michel Barnier a ensuite estimé que la crise en cours devait être l'occasion de relancer le processus politique, avec l'appui de l'Union africaine et dans le cadre des Nations unies, en concrétisant le désarmement et en adoptant les réformes institutionnelles prévues dans les accords de Marcoussis, notamment la révision des conditions d'éligibilité à la présidence de la République.

M. Jean-Pierre Plancade a considéré que la France avait réagi avec mesure et modération aux attaques dont elle a fait l'objet en Côte d'Ivoire. Il a jugé désormais urgente la mise en oeuvre des accords de Marcoussis et d'Accra III.

M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur le contenu de la résolution en cours d'examen aux Nations unies.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a rendu hommage aux efforts accomplis durant ces derniers jours par le poste diplomatique d'Abidjan, les militaires du 43e BIMA et la cellule de crise du ministère des affaires étrangères. Elle a souhaité connaître les mesures envisagées pour l'accueil en France des ressortissants français désireux de quitter la Côte d'Ivoire.

M. Michel Barnier a précisé que le ministère des affaires étrangères venait d'affréter 4 avions en vue d'acheminer du ravitaillement en Côte d'Ivoire et de permettre le départ des ressortissants qui le souhaiteraient. Actuellement, 2.000 personnes sont regroupées dans l'enceinte du 43e BIMA à Port-Bouet, 800 dans les installations de l'ONUCI et 500 à l'hôtel Ivoire. Des capacités d'accueil ont été mobilisées en tant que de besoin.

Pour le ministre des affaires étrangères, la réponse à la crise ne peut qu'être politique et se situe dans le cadre des Nations unies. Elle passe par un mandat renforcé de l'ONUCI et l'obligation imposée aux différents responsables ivoiriens d'honorer leurs engagements. Aussi bien, en vue d'accélérer ce processus politique, la résolution en cours d'examen au sein du Conseil de sécurité des Nations unies devra-t-elle comporter des dispositions précises concernant l'embargo sur les armes et la menace de sanction en cas de crimes contre les droits de l'homme et à l'encontre de tous ceux qui feraient obstacle au processus de paix.

M. Michel Barnier a également évoqué devant les sénateurs la situation dans les territoires palestiniens à la suite de la détérioration de l'état de santé du Président Yasser Arafat. Répondant sur ce point aux questions de MM. Jean-Pierre Plancade et Daniel Goulet, il s'est prononcé pour une relance du processus de paix dans le cadre du Quartet et en s'appuyant sur la feuille de route.

PJLF pour 2005 - Audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères

M. Michel Barnier a ensuite présenté les grandes lignes du budget de son ministère pour 2005.

Il a d'abord relevé l'augmentation des crédits d'interventions et la maîtrise des coûts et a rappelé que le budget des affaires étrangères bénéficiait d'une augmentation de 4,3 % (4,408 millions d'euros) par rapport à la loi de finances initiale de 2004, notamment grâce à la priorité donnée à l'aide publique au développement. A périmètre constant, l'augmentation ne s'élève cependant qu'à 1,20 %, soit plus de 50 millions d'euros. Le ministère des affaires étrangères a largement pris sa part dans l'effort de réduction du train de vie de l'Etat depuis 10 ans, notamment en termes d'effectifs (10 % de baisse en 10 ans) et d'évolution du réseau, passé de 457 à 422 implantations de 1994 à 2004 (soit - 8,2 %), particulièrement par des fermetures d'établissements culturels et de consulats. Il était donc grand temps de stopper cette décrue des moyens alloués à notre diplomatie, la productivité du ministère ayant par ailleurs bénéficié de la réduction des coûts de structures.

Détaillant les priorités du budget 2005, le ministre des affaires étrangères a d'abord cité l'aide publique au développement qui, pour le ministère des affaires étrangères, passe de 2 044 à 2 233 millions d'euros (+ 9 %), l'objectif fixé par le Président de la République d'atteindre 0,5 % du PIB en 2007 sera donc tenu. Cette augmentation repose sur des transferts de charges : 150 millions d'euros provenant du ministère de l'économie et des finances pour le Fonds mondial contre le Sida et 15 millions de l'Agriculture pour l'aide alimentaire. Il s'y ajoute l'augmentation du FED (565 à 628 millions d'euros), celle des crédits alloués aux ONG et à la coopération décentralisée, enfin celle des bourses de coopération scientifique. Des financements manquent cependant à l'égard du FED (77 millions d'euros) ou pour améliorer les contributions volontaires de la France au système des Nations unies. A cet égard, sur 30 millions d'euros nécessaires, 20 millions devraient être obtenus dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative. Il manque enfin 104,5 millions d'euros en autorisations de programme pour garantir la progression de l'Aide publique au développement en cas de réduction des remises de dettes.

Le ministre des affaires étrangères a souligné par ailleurs la nécessité d'assurer une meilleure lisibilité de notre aide publique au développement : responsabilité principale en la matière conférée au ministre délégué qui préside un conseil d'orientation stratégique et de programmation ; présentation d'un document annuel récapitulant les crédits d'aide au développement ; sélectivité et concentration accrues de l'aide ; document-cadre de partenariat pour chaque pays ; enfin clarification des responsabilités entre le ministère des affaires étrangères et l'AFD.

Deuxième priorité, l'influence de la France en Europe : M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a évoqué la préparation d'une campagne ambitieuse de promotion de l'Europe et d'information sur le traité constitutionnel européen, la mise en place du service diplomatique européen ainsi que la mutualisation de nos réseaux consulaires, culturels et, éventuellement, diplomatiques avec les Etats qui le souhaitent, à commencer par les Allemands ou les Espagnols.

Troisième priorité, la préservation de nos moyens d'intervention afin de poursuivre dans l'état d'esprit d'action et d'initiative voulu par son prédécesseur. Il s'agit d'être présents dans les grandes enceintes internationales et d'ajuster le niveau de nos contributions obligatoires, à ce stade simplement reconduites.

Quatrième priorité, le financement de la réforme du droit d'asile : l'objectif, a précisé le ministre, est que la commission de recours des réfugiés traite les dossiers en trois mois d'ici fin 2005, ce qui suppose une augmentation de 18 % des crédits de l'OFPRA.

Enfin, M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a souligné l'effort du gouvernement pour l'enseignement français à l'étranger et pour la communauté des Français expatriés, leurs entreprises, leurs associations et leurs écoles étant des leviers indispensables de notre action extérieure ; l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ayant reconstitué son fonds de roulement, elle allait mettre en oeuvre l'année prochaine une politique d'investissements immobiliers grâce à une dotation de subventions en capital de l'ordre de 10 millions d'euros ; par ailleurs, 300 000 euros supplémentaires pourraient, en 2005, être consacrés aux bourses scolaires dont 19 200 enfants avaient déjà bénéficié en 2004.

Le ministère des affaires étrangères, a poursuivi le ministre, reste solidaire de l'effort global de maîtrise budgétaire, particulièrement à travers la réduction de l'emploi public, avec le non-renouvellement de 50 % des départs en retraite, la redynamisation de la politique immobilière, caractérisée par le rassemblement des actuelles implantations sur un site unique à Paris, réalisable à coût constant et générant des économies de structure. Une relance des sessions immobilières permettrait de dégager à terme quelque 50 millions d'euros. Enfin, la restructuration de nos réseaux à l'étranger avec nos partenaires européens participera aux efforts d'économies de fonctionnement.

Le ministre a conclu en soulignant que la présentation du budget selon le format LOLF permettrait de mettre à la disposition des parlementaires des indicateurs de performance clairs et simples et que cette loi serait aussi l'occasion de rationaliser les compétences budgétaires des ministères.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur des crédits du ministère des affaires étrangères, a souhaité savoir dans quelle mesure la baisse des indemnités de résidence, décidée lors de la dernière loi de finances, avait permis une augmentation des primes des agents affectés en administration centrale. Il s'est interrogé sur la possibilité d'étendre à d'autres Etats européens que l'Allemagne les expériences de mutualisation de postes consulaires. Il a considéré que le regroupement des implantations du ministère des affaires étrangères sur un site unique à Paris devait pouvoir se faire sans moyens nouveaux. Il a enfin estimé que, s'agissant de l'influence extérieure de la France, il convenait de conforter la présence des parlementaires dans les assemblées internationales et singulièrement aux postes de responsabilité.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a évoqué la situation en Afghanistan, insistant sur le respect des engagements financiers pris par la communauté internationale et a fait part de son inquiétude devant le regain des tensions inter-ethniques.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a regretté la diminution du nombre des emplois dans le réseau culturel. Elle s'est interrogée sur l'adéquation entre le discours et les moyens alors que les alliances françaises, censées se substituer dans certains cas aux centres culturels et aux instituts, ne disposent pas de moyens accrus. Les alliances subissent en effet une diminution de 2,7 millions d'euros et de 10 emplois. Rendant hommage à la mémoire de Serge Adda, président de TV5 Monde, récemment décédé, elle a souhaité que l'audiovisuel extérieur puisse bénéficier de crédits supplémentaires pour faire face aux défis technologiques et commerciaux à affronter.

M. Didier Boulaud a rappelé que la France n'était que le 23e contributeur aux opérations humanitaires menées sous l'égide des Nations unies. Il a souhaité que notre pays rejoigne un rang plus conforme à ses ambitions. Evoquant les ventes immobilières projetées par le ministère, il a souhaité savoir si la résidence de l'ambassadeur de France à Bonn avait pu être vendue.

Mme Catherine Tasca a salué l'ambition du ministre de promouvoir l'influence de la France. Elle a cependant exprimé son inquiétude devant la décrue constante des moyens accordés au réseau culturel à l'étranger dont le rôle de promotion du dialogue des cultures est pourtant essentiel. A la veille du sommet de Ouagadougou, elle a par ailleurs regretté que les moyens dévolus à la francophonie, qui a servi de relais à l'engagement de la France pour la diversité culturelle, ne soient pas renforcés et s'est interrogée sur les perspectives à moyen terme.

M. Daniel Goulet a souligné la nécessaire adéquation des moyens budgétaires à l'ambition de la France sur la scène internationale, qui se trouve soumise à une vive concurrence. Il s'est interrogé sur les priorités géographiques de la diplomatie française, considérant que le ministère des affaires étrangères devait figurer au nombre des premières priorités du budget de l'Etat.

M. Yves Pozzo di Borgo a estimé que les sites parisiens du ministère mis sur le marché devaient contribuer à diminuer les tensions sur le marché immobilier de la capitale et non être transférés à d'autres acteurs institutionnels.

M. Jean-Pierre Plancade s'est dit déçu du budget du ministère des affaires étrangères, en dépit de quelques points positifs. Il s'est par ailleurs interrogé sur la répartition des compétences entre le ministère de la défense et celui des affaires étrangères en matière de coopération militaire.

M. Jean-Louis Carrère a évoqué les difficultés de la démarche d'adoption internationale.

M. Robert Del Picchia, considérant que le budget du ministère des affaires étrangères n'était pas si insatisfaisant, a estimé que les contributions volontaires, notamment humanitaires, devaient être abondées.

M. Michel Barnier a apporté les éléments de réponse suivants :

- une partie des crédits dégagés par la baisse des indemnités de résidence a pu être affectée à une revalorisation de 11 % des indemnités des agents affectés en administration centrale ; une nouvelle diminution des indemnités de résidence n'a pas été acceptée par le ministère pour l'année prochaine, compte tenu des difficultés réelles rencontrées par de nombreux agents ;

- l'instauration du paiement a priori pour les demandes de visas a fait baisser le nombre des demandes de 25 %, qui s'élèvent néanmoins à près de 2,5 millions ; de ce fait, le taux de refus opposé aux demandes de visas est passé de 30 à 20 % ;

- le ministère adapte sa stratégie de vente immobilière à l'état du marché local et aux perspectives d'évolution des implantations à moyen terme ; à Bonn, la résidence de l'ambassadeur n'a pas été vendue en raison de la dépression qui affecte actuellement le marché immobilier en Allemagne. D'une façon générale, le ministère des affaires étrangères récupère l'intégralité du produit des cessions immobilières réalisées. Le cas de cet immeuble à Karikal (Inde) sera vérifié ;

- en Afghanistan, l'engagement militaire français n'a pas baissé. La France soutient par ailleurs un projet de culture du coton. Elle participera à la coopération parlementaire ainsi qu'au développement du lycée français de Kaboul ;

- s'agissant des alliances françaises, dont le nouveau président est de nationalité belge, il convient de distinguer entre le site parisien, dont les ressources sont affectées par une baisse des inscriptions, et le réseau international dont les crédits sont stabilisés ;

- le niveau des contributions volontaires n'atteint que la moitié de ce qu'il était il y a dix ans. Le ministère a obtenu un abondement de crédits à hauteur de 20 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 2004. Ce redressement devra être poursuivi ;

- la diminution apparente de certains chapitres de crédits d'intervention est imputable, pour l'essentiel, aux transferts liés aux expérimentations réalisées pour la mise en place de la LOLF ; à périmètre constant, les crédits d'intervention du chapitre 42.15 (coopération et assistance technique) progressent de 7,3 millions d'euros ;

- la priorité géographique est donnée à l'Europe et à l'Afrique sub-saharienne, mais le département réfléchit à une stratégie pour l'Asie en liaison avec les intérêts économiques de notre pays ;

- un des sites parisiens du ministère intéresse effectivement l'Assemblée nationale qui y trouvera le moyen de regrouper également ses implantations. Le ministère souhaite une vente au prix du marché pour l'ensemble des cessions projetées ;

- mille enfants français sont adoptables chaque année, pour 23 000 candidats à l'adoption et 8 000 nouveaux agréments délivrés chaque année ; 80 % des adoptions réalisées en 2003 ont été faites à l'étranger. La France a créé une agence française de l'adoption et souhaite accompagner les pays d'origine des enfants dans leurs démarches d'organisation des adoptions. Ce travail a été réalisé avec le Viêtnam et la Roumanie, il reste à effectuer avec le Cambodge ;

- les dotations consacrées à la coopération militaire ont été stabilisées. Il convient désormais de les renforcer.

En conclusion de ses propos, le ministre a rendu hommage à Serge Adda, pour son remarquable travail à la tête de TV5, soulignant qu'il s'appuierait sur le contenu de ses travaux pour poursuivre le développement de la chaîne.

Mercredi 10 novembre 2004

- Présidence de Serge Vinçon, président -

PJLF pour 2005 - Crédits consacrés aux Forces terrestres - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Dulait sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 (Forces terrestres).

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a précisé que le budget des forces terrestres ferait l'objet en 2005 d'une légère réévaluation de 0,5 %, le budget de la défense étant lui-même en hausse modérée de 1,6 %. Il a jugé cette évolution cohérente avec la loi de programmation qui a prévu un redressement rapide des crédits sur 2003 et 2004 puis, à partir de 2005, une progression plus mesurée jusqu'en 2008. Il a souligné que pour l'armée de terre comme pour l'ensemble de la défense, le projet de loi de finances consacre, en matière de crédits d'équipement, le strict respect des engagements pris, pour la troisième année consécutive, témoignant de ce fait d'une ferme volonté de préserver la continuité et la cohérence indispensables à la modernisation de nos forces armées, en dépit d'un contexte défavorable pour nos finances publiques. En ce qui concerne les crédits de personnel et de fonctionnement, ils seront légèrement supérieurs à ceux de 2004, la modération imposée à la progression du titre III constituant la principale contrainte pour l'année 2005, notamment du point de vue de la réalisation des effectifs.

Le rapporteur pour avis a détaillé les principales caractéristiques du budget de l'armée de terre, qui atteindra près de 8 milliards d'euros en 2005, soit le quart du budget de la défense.

Les dépenses de personnel et de fonctionnement, qui s'élèvent à 5 milliards d'euros, sont pratiquement stables, puisqu'elles n'augmentent que de 0,3 %.

Les effectifs budgétaires diminueront légèrement, pour l'essentiel en raison de simples transferts vers d'autres budgets. En revanche, un décalage apparaît entre le nombre de postes officiellement inscrits au budget et l'enveloppe allouée aux crédits de rémunérations et charges sociales. Cette situation n'est pas nouvelle, puisque dans la loi de finances initiale pour 2004 la masse salariale était légèrement inférieure au montant correspondant à une pleine réalisation des effectifs, ce qui a conduit, d'une part, à freiner les recrutements à partir de l'été et d'autre part à ouvrir des crédits supplémentaires par un décret d'avance signé le 28 octobre dernier. Au total, l'armée de terre aura connu, sur l'année 2004, un déficit moyen d'environ 2.000 postes non pourvus, ce qui ne représente cependant que 1,5 % des effectifs militaires, soit le déficit le plus faible depuis la mise en oeuvre de la professionnalisation.

Pour 2005, l'enveloppe consacrée à la masse salariale intègre un certain nombre de mesures nouvelles, en particulier la poursuite du plan d'amélioration de la condition militaire ainsi que des crédits permettant de rémunérer des réservistes supplémentaires. Toutefois, les estimations effectuées par les gestionnaires laissent à penser qu'elle ne sera pas suffisante pour maintenir les effectifs à leur niveau actuel. Le nombre de postes non pourvus pourrait être beaucoup plus important qu'en 2004 -peut-être de l'ordre de 6.000 postes en moyenne sur l'année- ce qui ramènerait à la situation de 2002.

Après avoir signalé que cette difficulté résultait en partie des bons résultats du recrutement, dont le rendement s'est amélioré, le rapporteur pour avis a rappelé les indications fournies devant la commission par le Chef d'état-major de l'armée de terre qui a indiqué que des priorités avaient été définies pour répartir le plus judicieusement les effectifs disponibles de manière à ne pas pénaliser la capacité opérationnelle. Il a d'autre part fait état des assurances données par la ministre de la défense, qui a reconnu la réalité du problème, compte tenu notamment du niveau d'engagement élevé en opérations extérieures, et doit détailler le 16 novembre prochain, lors de la première lecture du budget de la défense à l'Assemblée nationale, les moyens envisagés pour atténuer ces tensions sur les effectifs.

Le rapporteur pour avis a considéré que la commission devrait insister sur le caractère indispensable d'une réalisation satisfaisante des effectifs, compte tenu du rythme actuellement très élevé des engagements de l'armée de terre. Il a estimé que l'effort de rationalisation, déjà très largement engagé, en vue d'alléger autant que possible certaines structures administratives ou de soutien, pouvait sans doute être poursuivi, mais qu'il fallait éviter de pénaliser le recrutement, car ce sont ces personnels jeunes qui sont intégrés directement dans les régiments et qui constituent les « forces vives » de l'armée de terre pour les opérations.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les moyens de fonctionnement qui seront globalement maintenus à leur niveau de 2004, avec de légères réévaluations pour les produits pétroliers et l'activité des réserves. La contrainte principale tiendra à la nécessité de financer avec une enveloppe quasi-constante des biens et services dont le prix moyen augmentera inévitablement. L'objectif des 100 jours d'entraînement fixé par la loi de programmation, non réalisé en 2004 en raison d'un report de charges dû à un remboursement incomplet des opérations extérieures de 2003, pourra être tenu en 2005. M. André Dulait, rapporteur pour avis, s'est félicité à ce propos que le décret d'avances du 28 octobre dernier ait ouvert 440 millions d'euros supplémentaires au titre III pour l'armée de terre, ce qui couvrira intégralement le surcoût des opérations extérieures ainsi que les besoins complémentaires subsistant sur certains chapitres. L'armée de terre devrait donc débuter l'année 2005 sans aucun report de charges au titre III.

Le rapporteur pour avis a ensuite évoqué les dépenses d'équipement. Les crédits de paiement représentent 3 milliards d'euros pour 2005, soit le niveau prévu pour la troisième annuité de la loi de programmation. Il correspond aux besoins de paiement prévisibles compte tenu des livraisons attendues et inclut également un crédit de 33 millions d'euros destiné à financer le plan social de GIAT-Industries. Pour autant, cette enveloppe ne permettra pas de résorber le report de charges hérité de la précédente loi de programmation et qui se traduit par un glissement de plusieurs programmes.

En ce qui concerne les autorisations de programme, elles sont en diminution sensible par rapport à 2004 (- 17 %), soit 2,6 milliards d'euros, mais les commandes prévues par la loi de programmation seront passées en puisant sur les autorisations de programme disponibles des années antérieures.

Le rapporteur pour avis a ensuite effectué plusieurs remarques sur les programmes en cours.

Le programme Leclerc, qui devait toucher à sa fin en 2005, est à nouveau décalé en raison des difficultés de GIAT, les derniers chars étant livrés au mieux fin 2006. L'hélicoptère de combat Tigre va désormais devenir le programme le plus important de l'armée de terre. Après les 5 premières machines livrées cette année, 8 sont prévues en 2005. L'entrée de l'Espagne dans ce programme franco-allemand est désormais confirmée et conduit l'armée de terre française à abandonner le projet d'une version exclusivement antichar, prévu pour la prochaine décennie, au profit d'une version polyvalente, dite HAD (hélicoptère appui/destruction). En matière d'hélicoptères de transport, le ministère a conduit une étude sur la possibilité, grâce à des financements innovants, d'avancer la livraison du NH90 ; il serait apparu que le nombre d'exemplaires envisageable de livrer à partir de 2008 serait insuffisant. L'armée de terre va donc lancer en 2005 un programme de rénovation de 45 Puma et 24 Cougar, avec des livraisons qui débuteront en 2007. Par ailleurs, les forces spéciales recevront le mois prochain un hélicoptère adapté à leurs besoins particuliers puis 7 autres appareils en 2005. Enfin, l'année 2005 verra le lancement du programme Felin destiné à l'équipement du fantassin.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a ensuite formulé deux observations plus générales sur la situation actuelle de l'armée de terre.

Il a tout d'abord souligné que le redressement significatif des crédits engagés depuis 2002 n'a pas éliminé toutes les difficultés concernant les matériels. Ainsi, bien que l'enveloppe allouée à l'entretien programmé des matériels ait été maintenue à un niveau très élevé, représentant par rapport à 2002 une majoration de 25 % en crédits de paiement et de 45 % en autorisations de programme, la disponibilité technique des équipements n'a pas fait de progrès spectaculaires. Elle s'est améliorée pour les hélicoptères mais se dégrade de nouveau pour les blindés légers, très sollicités, comme les VAB, les VBL ou le char à roues AMX10RC. Quant aux équipements neufs inscrits dans la loi de programmation pour donner à nos forces terrestres une capacité réellement supérieure, leurs échéances de livraison sont tardives et dans l'intervalle, des programmes palliatifs de rénovation seront nécessaires.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a également évoqué les conséquences sur les conditions de vie et de travail, du rythme d'engagement très soutenu de l'armée de terre ces dernières années. Il a estimé qu'une armée professionnelle largement utilisée sur les théâtres extérieurs impliquait des moyens suffisants pour assurer la vie courante des unités, l'entraînement et la disponibilité de l'équipement, des effectifs adaptés au niveau d'engagement et une bonne prise en compte des sujétions professionnelles au niveau de la condition militaire.

En conclusion, le rapporteur pour avis a porté une appréciation positive sur le budget des forces terrestres pour 2005, en raison de sa conformité avec la loi de programmation, de l'absence de report de charges au titre III, grâce aux crédits supplémentaires récemment ouverts, et du maintien des dotations de fonctionnement. S'agissant de l'enveloppe prévue pour la masse salariale, il a souhaité que la commission se montre attentive aux mesures d'ajustement évoquées par la ministre de la défense, les tensions sur les effectifs étant réelles. Sous le bénéfice de ces observations, il a souhaité que la commission émette un avis favorable sur les crédits de la défense.

À la suite de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia s'est félicité du caractère globalement satisfaisant du budget des forces terrestres pour 2005. Il s'est toutefois étonné qu'une solution n'ait pu être trouvée pour avancer l'échéance de livraison de l'hélicoptère NH90, compte tenu des nombreuses formules de financement possibles pour une telle opération.

M. André Boyer a souligné que dans un contexte d'engagement soutenu sur les théâtres extérieurs, l'usure des matériels était beaucoup plus rapide, limitant de ce fait la portée des rénovations visant à prolonger la durée de vie de matériels déjà très anciens. Il s'est demandé s'il ne fallait pas désormais raisonner sur des échéances plus rapprochées pour les renouvellements des équipements.

M. Charles Pasqua a demandé des précisions sur le niveau des commandes prévues pour l'hélicoptère NH90.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a précisé que l'étude conduite par le ministère de la défense faisait ressortir que compte tenu des ressources disponibles, les formules de financements innovants ne permettaient pas d'envisager la livraison anticipée d'un nombre suffisant d'hélicoptères NH90 pour maintenir les capacités aéromobiles au niveau souhaité. Aussi a-t-il été décidé de s'en tenir à la rénovation d'une partie du parc existant. L'armée de terre a prévu de commander 68 NH90, pour des livraisons qui débuteront en 2011.

M. Serge Vinçon, président, a regretté l'issue négative de l'étude conduite sur une livraison anticipée du NH90. Il s'est déclaré convaincu qu'une solution plus satisfaisante que la rénovation partielle du parc existant aurait certainement pu être trouvée. Il a estimé que les informations fournies par le ministère de la défense mériteraient d'être complétées par le point de vue de l'industriel, de manière à mieux apprécier les données de ce dossier.

Puis le président a indiqué que le vote sur les crédits du ministère de la défense interviendra lorsque tous les fascicules budgétaires s'y rapportant auront été examinés.

PJLF pour 2005 - Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air

La commission a ensuite procédé à l'audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2005

Le chef d'état-major de l'armée de l'air a indiqué que, conformément aux orientations fixées par la loi de programmation militaire, l'armée de l'air poursuit la modernisation de ses équipements et de son organisation en l'inscrivant dans un cadre européen et en confortant ses capacités d'autonomie de décision et d'action. Ce processus de modernisation vise à conforter la réactivité et la cohérence opérationnelle de l'armée de l'air pour qu'elle puisse agir, se déployer, et le cas échéant, diriger et commander des dispositifs multinationaux sous l'égide de l'Union européenne ou de l'OTAN. Les efforts portent naturellement sur l'ensemble des capacités de prévention, d'action et d'influence mais aussi sur l'aménagement de nos structures et de notre organisation.

Le général Wolsztynski a fait valoir que la réactivité et la cohérence opérationnelle globale de l'armée de l'air s'appuyaient sur un nécessaire aménagement de ses structures et de son organisation. Cet aménagement, confié à un groupe de projet récemment créé, appelé « air 2010 », s'inscrit dans la logique de la mise en oeuvre de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) et conduira à une meilleure répartition des effectifs au sein de l'administration centrale. La ressource en personnel, aujourd'hui comptée, doit en effet être préservée à partir d'une gestion des effectifs mieux maîtrisée. Cette gestion doit être menée en cohérence avec la rationalisation du réseau des bases aériennes et tenir compte de la faible attractivité de la région parisienne.

Ce groupe a également en charge le pilotage d'un processus équivalent à celui ayant conduit à la création de l'état-major opérationnel (antérieurement appelé pôle opérationnel) afin d'améliorer la réactivité de notre organisation tout en la simplifiant.

Cette rationalisation passe enfin par un véritable aménagement du réseau des bases aériennes, aménagement envisagé à l'horizon 2010, qui pourrait se traduire par une réduction sensible du nombre de nos implantations.

Le général Wolsztynski a souligné combien, dans ce contexte, la formation et l'entraînement sont également un facteur essentiel à la réactivité de l'armée de l'air. Les personnels doivent en effet bénéficier d'un entraînement adapté au nouvel environnement opérationnel dominant. A cet égard, les exercices régionaux constituent un cadre favorable à la préparation des forces aériennes aux différents scénarios d'engagement tout en favorisant la coopération régionale.

La qualité des outils de formation suscite aujourd'hui un réel intérêt de la part de nos partenaires européens. Résolument engagée dans cette dynamique européenne, l'armée de l'air a obtenu de très bons résultats au cours de l'année 2004 en concrétisant des actions de coopération significatives. L'école de chasse franco-belge et ses perspectives d'élargissement à d'autres partenaires augurent des économies substantielles dans la formation des personnels navigants. Cette démarche de mutualisation doit donc être encouragée et s'étendre à d'autres spécialités. Le projet de budget 2005 et le titre III qui lui est associé soutiennent la politique de formation et d'entraînement de l'armée de l'air. Il permet d'ailleurs de maintenir au même niveau l'activité des forces, sous réserve cependant de l'évolution des prix du carburant.

Le général Wolsztynski a ensuite insisté sur la qualité du réseau des bases aériennes et les structures de commandement et de conduite, essentiels à l'intégration dans un cadre interarmées, interallié, voire dans un cadre interministériel. L'armée de l'air fait en effet aujourd'hui partie des seules armées de l'air européennes disposant d'une capacité de projection de structures complètes, comme cela a été réalisé pour l'Afghanistan ou pour la République démocratique du Congo. Elles sont garantes de la réactivité de la composante aérienne dans les engagements extérieurs ou intérieurs et sont par ailleurs, parfaitement adaptées dans le cadre d'actions strictement nationales, comme cela fut démontré à l'occasion des cérémonies du 60e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence ou à l'occasion de la visite de personnalités. Cet ensemble de capacités, et notamment celles relatives au commandement et à la conduite des opérations aériennes, représentent un capital extrêmement précieux garantissant une réelle autonomie d'engagement de notre pays en qualité de nation-cadre dans des contextes très divers d'opérations européennes, transatlantiques ou au sein de coalitions ad hoc.

S'agissant du renouvellement des capacités opérationnelles de l'armée de l'air, même si l'effort consacré à la modernisation des équipements est une réalité inscrite dans la loi de programmation militaire, le général Wolsztynski a souligné qu'il ne faut pas pour autant sous-estimer les difficultés de gestion rencontrées en 2004 qui ont conduit à décaler la satisfaction de certains besoins, notamment en matière de projection. L'acquisition des avions de transport de type TLRA (avion de transport à très long rayon d'action) renforcera les capacités de projection à la fin de l'année 2005, compte tenu de l'arrivée en fin de vie de la flotte Transall.

Le général Wolsztynski a précisé que le cadre de la coopération européenne constitue une voie d'amélioration pour la projection des forces avec la montée en puissance de l'European Airlift Center, véritable embryon d'une flotte européenne de transport.

Les études de solutions palliatives privilégiant les financements innovants, et donc un emploi innovant, doivent être poursuivies, notamment pour le MRTT (Multi rôle transport tanker). Cette capacité représentera l'ossature de notre projection stratégique.

En matière de projection de puissance, les récents aménagements retenus pour le programme Rafale avec le nouveau ratio biplaces-monoplaces ne remettent pas en cause les objectifs de la loi de programmation 2003-2008.

Dans l'attente de la mise en service opérationnel du premier escadron Rafale, en 2006, à Saint-Dizier, l'armée de l'air continue d'améliorer ses capacités de frappe dans la profondeur avec la livraison des missiles de croisière SCALP-EG sur Mirage 2000D (70 missiles livrés en 2005).

Les reports de livraison de certains matériels ou armements tels que l'AASM (Armement Air Sol Modulaire), à partir de 2006, et les missiles MICA (Missile d'Interception et de Combat aérien) (30 missiles EM/120 IR) s'inscrivent en cohérence avec la montée en puissance des programmes qui leur sont associés.

Les mesures prises n'affecteront pas les capacités d'engagement sur le territoire national dans le cadre des missions visant à assurer la sécurité de l'espace aérien français, qui constitue une priorité opérationnelle, ainsi que les missions de service public, ou dans le cadre des missions réalisées sur les théâtres d'opérations extérieures.

Enfin, le retrait anticipé du service de certains matériels s'est imposé, compte tenu des coûts associés à leur entretien, ainsi celui du DC8 Sarigue devenait prohibitif avec un coût de maintien en condition opérationnelle annuel s'élevant à six fois le budget de fonctionnement d'une base aérienne. Loin d'altérer la cohérence opérationnelle, ces mesures se traduisent par des économies permettant de ne pas retarder l'acquisition des équipements futurs.

Le général Wolsztynski a ensuite insisté sur la nécessité de préserver l'autonomie de décision et d'action, véritable priorité du processus de modernisation. Cette autonomie conditionne la capacité d'influence sur les alliances et les coalitions au sein desquelles la France dispose du statut de nation-cadre. Elle conditionne également la participation programmée de l'armée de l'air à la NRF (Nato Response Force) au titre de notre contribution au processus de transformation de l'OTAN.

Pour ce qui est du renforcement des capacités en matière de surveillance, de reconnaissance et de relais de communication, la mise en service opérationnel des systèmes intérimaires de drones MALE, dès 2005, apportera une contribution significative. Cette première capacité permettra d'accroître l'efficacité des moyens de recueil de renseignements au profit des armées.

La consolidation de notre aptitude à conduire et à commander des opérations s'inscrit dans la perspective d'une meilleure interopérabilité avec les équipements de nos partenaires afin de garantir l'intégration de nos dispositifs au sein des coalitions.

Pour le chef d'état-major de l'armée de l'air, la cohérence opérationnelle ne saurait se départir de la poursuite de l'effort concédé au redressement de la disponibilité technique opérationnelle. L'armée de l'air continue, à cet égard, de répondre avec une excellente réactivité aux diverses sollicitations opérationnelles. Dans le même temps, le niveau d'entraînement des personnels est, d'une manière générale, conforme aux objectifs fixés.

Si, sur le plan de la maintenance, de nombreux progrès ont été réalisés, il n'en demeure pas moins que les coûts importants qu'ils ont générés doivent aujourd'hui être mieux maîtrisés afin d'équilibrer le budget 2005 de la SIMMAD (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de défense). L'effort consenti à la disponibilité de nos équipements sera maintenu à hauteur de 26 % des crédits du titre V dans le projet de loi de finances pour 2005.

Pour le général Wolsztynski, le projet de loi de finances pour 2005 permettra de poursuivre les actions de modernisation de l'armée de l'air, dans le cadre d'une démarche d'ouverture vers l'Europe.

M. Philippe Nogrix a demandé au général Wolsztynski les éléments constitutifs et le calendrier du projet « air 2010 ».

Le général Wolsztynski a indiqué que ce projet s'inscrivait dans la logique des ajustements successifs vécus par l'armée de l'air depuis sa création officielle en 1934. Il a rappelé qu'en cinquante ans, l'armée de l'air s'était ainsi, en moyenne, désengagée d'un site par an. Si les plateformes majeures avaient été maintenues, d'autres installations avaient évolué, comme les stations-radars. Il fallait, par ailleurs, prendre en compte les problèmes liés à l'urbanisation des cités voisines des bases aériennes, plaçant celles-ci à proximité de zones d'habitation. Enfin, la flotte de combat était passée de 450 à 300 appareils. Les ajustements envisagés doivent naturellement tenir compte de ces paramètres d'évolution.

S'agissant du projet « Air 2010 », une première tranche de travaux a débuté le 15 octobre dernier et devrait aboutir, d'ici 10 mois, à un schéma directeur. La mise en oeuvre de ce projet devrait conduire à réduire les ressources humaines des structures centrales.

A M. André Boyer qui l'interrogeait sur la nature des appareils de l'armée de l'air impliqués dans l'actuelle crise de la Côte d'Ivoire, le général Wolsztynski a indiqué que 16 appareils étaient concernés, regroupant des C160 Transall, des C130, des Airbus A310 et des Casa 235. Il s'y ajoutait des avions de combat basés à Libreville et au Tchad. Le chef d'état-major de l'armée de l'air a précisé au sénateur que l'utilisation de ces appareils sur de tels théâtres ne soulevait pas de difficultés particulières.

M. Serge Vinçon, président, ayant interrogé le chef d'état-major de l'armée de l'air sur d'éventuelles difficultés liées aux effectifs de militaires techniciens de l'air (MTA), le général Wolsztynski a indiqué que le recrutement et la fidélisation des MTA s'effectuaient dans de bonnes conditions, tant en qualité qu'en quantité. Il a rappelé que la stratégie retenue par l'armée de l'air avait été de maintenir ses effectifs réels en deçà de ses effectifs théoriques afin de rester sous l'enveloppe de la masse salariale.

M. Jacques Peyrat s'est inquiété d'une éventuelle suppression de la base de Nice. Il a, par ailleurs, interrogé le général Wolsztynski sur l'adaptation des dotations budgétaires pour 2005 aux exigences du maintien en condition opérationnelle des équipements ainsi que des contraintes de formation et d'entraînement des personnels.

M. Robert Del Picchia a interrogé le chef d'état-major sur le rôle des drones au sein des équipements de l'armée de l'air, sur le calendrier de l'avion de transport A400M ainsi que sur les résultats concrets de la coopération franco-belge. Il s'est enfin demandé comment l'armée de l'air abordait la question récurrente des « financements innovants ».

Le général Wolsztynski a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- les restructurations sont décidées avec le souci d'affecter le moins possible les personnels concernés. Le fait que l'armée de l'air quitte un site n'empêche pas que celui-ci puisse garder une utilité opérationnelle pour une autre armée permettant ainsi de maintenir du personnel militaire sur le territoire concerné ;

- la non-attractivité de la région parisienne pour certains personnels de l'armée de l'air est une difficulté qui doit être prise en compte pour les restructurations futures ;

- la pertinence opérationnelle des drones n'est plus contestée, en tant que capteurs de reconnaissance très utiles en complément des satellites et des aéronefs. Le projet euromale (moyenne altitude longue endurance), piloté par EADS, intéresse plusieurs pays ;

- l'armée de l'air belge a réduit son format mais dispose d'un excellent outil de formation avec 29 Alpha-jet et des instructeurs performants. Un groupe mixte de formation se met en place sur la base aérienne de Cazaux et suscite de l'intérêt auprès de nos partenaires, notamment grecs et allemands. Une escadrille belge sous commandement français pourrait être intégrée au sein d'un escadron de formation ;

- la coopération européenne au niveau des armées de l'air est essentielle, notamment pour harmoniser les procédures de contrôle de l'espace aérien. C'est une des leçons tirées des attentats dont les Etats-Unis ont été victimes le 11 septembre 2001 ;

- l'intérêt essentiel des financements innovants est surtout lié à l'arrivée d'utilisateurs supplémentaires pour un équipement donné. Il repose avant tout sur un emploi innovant des équipements ;

- le programme A400M est désormais lancé et devrait permettre de combler le déficit capacitaire en matière de projection, lié à la disparition progressive des Transall. Un test du moteur prévu au printemps 2005 constituera une étape importante du programme. Le premier appareil serait livré en 2009 pour une capacité significative vers 2011-2012.

M. Didier Boulaud a interrogé le chef d'état-major de l'armée de l'air sur la situation de l'armée de l'air française parmi ses principales homologues mondiales.

M. Philippe Nogrix s'est inquiété du rythme des livraisons du Rafale et des incidences pour l'armée de l'air de la modification du ratio biplaces-monoplaces ainsi que sur la nature des armements associés à l'appareil.

M. André Vantomme a demandé des précisions sur l'avenir de la base aérienne de Creil.

M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur la situation des différentes écoles de formation de l'armée de l'air.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air a apporté les précisions suivantes :

- la première armée de l'air au monde est évidemment l'armée de l'air américaine. Avec des moyens sensiblement moindres, viennent ensuite les armées de l'air française et britannique, la différence principale entre elles résidant dans le degré d'autonomie dans la conduite d'opérations en coalition. Elles seules, au sein des nations européennes, sont cependant capables de planifier et de conduire des opérations aériennes. Il faut également souligner que d'autres nations engagent un important effort pour atteindre cette capacité. Il s'agit notamment de l'armée de l'air turque ou de l'armée singapourienne, cette dernière participant activement aux entraînements multinationaux réalisés en Australie, aux Etats-Unis et en France. Enfin, l'armée de l'air indienne affiche également un niveau de performance très intéressant ;

- la coopération opérationnelle avec les Etats-Unis n'a jamais cessé, comme en témoigne l'utilisation conjointe de la base aérienne au Tadjikistan. Cependant, la France ne participe plus aux exercices « Red Flag », ce qu'elle compense en participant à des exercices équivalents au Canada. Les chefs d'état-major des principales armées de l'air se rencontrent fréquemment : ainsi lui-même a-t-il participé à sept rencontres réunissant chacune 25 participants différents depuis deux ans. Ces échanges d'informations et d'expériences sont sans équivalent ;

- c'est la Direction générale de l'armement qui dispose du calendrier des commandes groupées du Rafale, dont les trois premiers contrats ont été signés ;

- la répartition initiale entre Rafale biplace et monoplace, à raison respectivement de deux tiers/un tiers, était liée au contexte de la guerre froide. L'environnement stratégique nouveau pourrait conduire à une répartition inverse, sachant qu'il convient de tenir compte des missions longues ou de celles liées à la formation des pilotes ;

- dans sa version F2, le Rafale emportera les missiles MICA de défense aérienne, l'AASM (Armement Air Sol Modulaire), à compter de la fin 2006, et le missile Scalp, qui arme déjà le Mirage 2000. La future version F3 sera dotée de l'ASMP-A (Air Sol Moyenne Portée- Amélioré) et de la nacelle de reconnaissance, et se substituera alors au Mirage F1CR ;

- la base aérienne de Creil est interarmées, les effectifs de l'armée de l'air y sont minoritaires. Elle accueille des avions de transport et d'alerte, et sa proximité de Paris constitue pour ce qui la concerne un formidable atout ;

- les écoles de formation de l'armée de l'air sont d'un haut niveau, notamment l'école de Rochefort qui forme des mécaniciens interarmées. L'école de Saintes assure la formation militaire initiale en six semaines des MTA, accueille des apprentis mécaniciens, et inscrit également son action au profit de jeunes en recherche d'insertion professionnelle.