Travaux de la commission des affaires étrangères



Mercredi 13 juillet 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

Audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères

La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.

M. Serge Vinçon, président, après avoir souhaité la bienvenue à M. Philippe Douste-Blazy pour cette première audition, a évoqué les trois sujets qui pourraient y être abordés. Tout d'abord, la situation de l'Europe, frappée récemment dans son coeur par les attentats de Londres et qui s'interroge sur son avenir après les rejets français et néerlandais du Traité constitutionnel ; ensuite, les conclusions du G8 sur l'aide à l'Afrique et la gestion des changements climatiques ; enfin, il a souhaité que le ministre des affaires étrangères rende compte de ses discussions avec les responsables américains après son récent déplacement aux Etats-Unis.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a rappelé que la France avait exprimé sa profonde solidarité aux autorités britanniques après la tragédie qui a frappé la semaine dernière la ville de Londres. Après New-York en 2001 et Madrid en 2004, les crimes terroristes de Londres soulignent qu'aucune démocratie ne se trouve à l'abri de ce fléau. Le terrorisme est une guerre qui utilise les failles de la mondialisation, profitant des zones de non-droit que sont les trafics d'armes et de drogue et leurs réseaux de financement. Il faut donc être clair : les terroristes font de la politique et ils visent le coeur des démocraties. Le ministre a indiqué que, dans le but notamment d'empêcher les terroristes de s'installer durablement sur les territoires des pays pris pour cible, la France a décidé de généraliser le système des visas biométriques : d'ici à la fin de l'année 2007, les 210 postes consulaires accrédités pour la délivrance des visas devront être dotés de ce nouveau système. Il a à nouveau souligné que le terrorisme était constitué de criminels mobiles s'appuyant sur des réseaux locaux, ce qui imposait de renforcer encore davantage la coopération internationale pour la rendre plus fluide et plus réactive. Ce principe s'applique particulièrement dans l'Union européenne où il importe de renforcer le pilier juridique (mandat d'arrêt européen, gel des avoirs, lutte contre le blanchiment), et le pilier de la coopération opérationnelle par l'échange de données sensibles. D'ores et déjà, les équipes communes d'enquête pour la coopération transfrontalière et le mandat d'arrêt européen, en vigueur depuis janvier 2004, tout comme la capacité d'analyse du renseignement, constituent des avancées concrètes.

Abordant ensuite la situation générale de l'Europe, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a reconnu que celle-ci était en crise. L'Europe se trouve en effet à la croisée des chemins et les attentes qui s'expriment aujourd'hui à l'égard de l'Union vont bien au-delà des seuls référendums français et hollandais. Le traité constitutionnel constituait la base d'une Union politique. Il importe aujourd'hui de réfléchir à la nature du projet européen, à ce qu'il représente pour les citoyens. C'est pour cette raison que le Conseil européen a décidé de faire une pause pour réfléchir sur le sens du projet européen : il faut souhaiter que, d'ici le premier semestre 2006, seront dégagées des orientations concrètes permettant de regagner l'adhésion de nos citoyens. Les enjeux sont de taille et supposent d'agir en cohérence avec les attentes exprimées par les Français. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l'éventuelle tentation que pourrait éprouver le Royaume-Uni, mettant à profit ce contexte difficile, d'imposer certains infléchissements à la construction européenne. La France aborde ces défis avec certains handicaps qu'il faudra surmonter. Il n'est pas aisé pour la France d'appeler à un surcroît d'intégration et d'approfondissement au moment où la séduction exercée en Europe par les idées britanniques ne doit pas être sous-estimée. Notre pays n'est cependant pas sans atouts.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a regretté que le Premier ministre Tony Blair, au sujet du « chèque britannique », ait évoqué une querelle entre Anciens et Modernes de façon un peu caricaturale. Il a rappelé que nombre de nos partenaires, y compris parmi les nouveaux Etats-membres, sont, tout autant que les Français, attachés à la conception d'une Union politique et aux politiques communes (y compris agricole). En refusant toute concession sur leur chèque, les Britanniques ont simplement cherché à s'exonérer du moindre effort de financement de l'élargissement de l'Europe, ce qui n'a pas manqué de provoquer une déception, notamment parmi les nouveaux adhérents tels que la Pologne. Evoquant son tout récent débat avec le ministre britannique des affaires étrangères, M. Philippe Douste-Blazy a souhaité que les négociations soient reprises rapidement en vue d'un accord et souligné qu'au-delà de l'enjeu budgétaire, il convenait surtout de redonner un nouvel élan au projet européen en proposant des initiatives concrètes.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a ensuite évoqué le dernier Sommet du G8 de Gleneagles et ses conséquences en matière de changement climatique et d'aide à l'Afrique. Il a rappelé que la France, grâce à l'action du Président de la République, avait toujours été à l'avant-garde dans ces deux domaines. Certes, les Etats-Unis, sur le problème du réchauffement climatique, sont restés réservés. En revanche, les avancées obtenues grâce à l'action de l'Union européenne ont été rappelées à Gleneagles : ratification par la Russie du protocole de Kyoto, mise en place du marché des permis d'émission, reprise par le Conseil européen des recommandations de l'après Kyoto. Le G8 a été l'occasion de rappeler que les grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil et Mexique) doivent s'impliquer davantage, ce qui justifie de faciliter à leur profit les transferts de technologies et le développement propre. Certes, la déclaration du G8 en matière climatique a été en deçà des espérances françaises et européennes, mais des avancées ont pu être effectuées, particulièrement la reconnaissance pour la première fois, par les Etats-Unis, de l'origine partiellement humaine du changement climatique et, par les membres du G8, de la responsabilité première des énergies fossiles dans ce phénomène. Enfin, le principe d'un dialogue durable entre les pays émergents et le G8 sur ce thème a été acté.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a ensuite abordé le second point majeur du G8 : l'aide à l'Afrique ; ce problème avait été mis en avant il y a deux ans au G8 d'Evian par le Président de la République et repose sur la conviction que, sans développement du continent africain, la croissance et la sécurité de l'Occident sont menacées. Il a insisté sur l'importance des problèmes de santé dans les pays du Sud, et sur les catastrophes prévisibles qui risquaient d'en résulter si rien n'était fait : le combat contre le sida n'est pas réglé dans les pays en développement ; les laboratoires pharmaceutiques doivent faire des efforts, le but final étant d'atteindre un coût de traitement de 140 dollars par malade et par an dans ces pays.

Dans la continuité des décisions des précédents G8 de Kananaskis et d'Evian, celles de Gleneagles ont permis l'élargissement des mécanismes de traitement de la dette, cette fois à la dette multilatérale pour un montant global de 40 milliards de dollars, et un engagement sur des financements supplémentaires à hauteur de 50 milliards de dollars par an à l'horizon 2010 dont 25 milliards pour l'Afrique. L'Europe fournira l'essentiel de cet effort, conformément à la décision de faire passer sa contribution à 0,56 % du PIB. La France restera vigilante sur deux points : veiller à ce que l'annulation de la dette multilatérale ne diminue pas les ressources des institutions multilatérales ; continuer à soutenir la mise en place de financements innovants, telle la taxe sur les billets d'avion, pour financer les remboursements de la facilité de financement international (IFF) d'inspiration britannique.

Enfin, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a évoqué son déplacement aux Etats-Unis. Le message qu'il a fait passer à ses différents interlocuteurs était d'abord que les Américains sont des amis et des alliés et que cette amitié avait été renforcée par les épreuves de l'Histoire. Si La France et les Etats-Unis ne partagent pas toujours les mêmes analyses, les terrains d'action où les deux pays agissent ensemble sont nombreux et c'est sur ce chemin qu'il faut poursuivre, dans le respect des points de vue de chacun. Le ministre a indiqué avoir évoqué avec Mme Condoleezza Rice tous les sujets au coeur du dialogue transatlantique : le Proche-Orient, Haïti, la non-prolifération, l'Iran, ainsi que le Kosovo, les Balkans ou l'Irak. La lutte contre le terrorisme est aussi l'un des points majeurs de coopération bilatérale fructueuse et efficace. Il a conclu que les Etats-Unis et la France, en apprenant à mieux se connaître et en approfondissant le dialogue, devaient être capables de surmonter leurs éventuelles différences de position, ce qui constituerait la meilleure preuve du degré de maturité de leurs relations.

M. Jean-Pierre Plancade s'est interrogé sur l'évolution des rapports de la France avec le continent africain et particulièrement les pays francophones ; ces rapports semblent en effet marqués par un détachement croissant de la France envers ses partenaires traditionnels. Puis il a évoqué les programmes attentatoires aux Droits de l'Homme de la chaîne libanaise Al Manar, dont la diffusion en France a été interdite par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en décembre 2004. M. Jean-Pierre Plancade s'est inquiété de voir ces programmes acquis par une filiale GlobCast de France Télécom et diffusés vers l'Amérique latine et vers l'Asie du sud par l'intermédiaire d'une société espagnole Espasat (diffusion dont le gouvernement espagnol venait d'ailleurs d'obtenir l'interruption) et la Société Asiasat. Il a souhaité savoir quelles actions le ministre comptait entreprendre pour faire cesser la diffusion de tels programmes par le biais de la filiale d'une société française.

M. Didier Boulaud a fait état d'un sentiment général, répandu dans notre pays, sur le recul de son influence dans le monde. Il a regretté cet état d'esprit, alors que la France contribue au règlement de huit conflits à travers le monde, grâce à l'envoi de dix-sept mille de ses militaires en opérations extérieures. Il a souligné que cette présence entraînait des efforts financiers élevés, alors que le contexte budgétaire est tendu. Il a déploré que cette forte présence ne s'accompagne pas d'une capacité d'influence sur les centres internationaux où se prennent les décisions de reconstruction sur le long terme. Il a cité, à titre d'exemple, le Kosovo où, alors même que la Grande-Bretagne a retiré la totalité de ses troupes, c'est sous son égide que sont préparés l'avenir et la reconstruction politique de la province. La France, pour sa part, y dispose certes d'un préfet détaché à la MINUK et de nombreux militaires et gendarmes au sein de la KFOR, mais cet investissement militaire ne s'accompagne d'aucune influence sur l'avenir de la région.

Mme Catherine Tasca a regretté que le rejet du traité constitutionnel européen par la France ne permette pas l'application du mécanisme de contrôle préalable, par les parlements nationaux, de la législation européenne à travers un véritable contrôle de la subsidiarité. Elle s'est interrogée sur la possibilité pour le gouvernement de mettre en oeuvre cette innovation à titre national. Puis elle a relevé l'inquiétante mutation qui s'opère depuis quelques années dans les actions terroristes, avec la présence croissante d'activistes prêts à y sacrifier leur vie. Elle a souligné l'opportunité de mener des recherches, en commun avec d'autres pays occidentaux, sur l'émergence de ces nouvelles formes d'actions terroristes et sur le nouveau « profil » de leurs auteurs.

M. Philippe Douste-Blazy a, en réponse, apporté les éléments suivants :

- les rapports de la France à l'Afrique sont un sujet majeur. La France doit d'abord organiser une action stratégique profonde à l'égard du Maghreb. Cette région comprend environ 100 millions de francophones et représente des enjeux énergétiques et industriels majeurs. Plus généralement, la France doit tenir compte des récentes évolutions du continent africain dans son ensemble, marqué par l'émergence de nouvelles puissances -comme l'Afrique du Sud, le Nigeria ou la Libye-, celle de nouveaux conflits, comme ceux qui déchirent la Côte d'Ivoire, la région des Grands Lacs ou le Darfour. Elle doit aussi accentuer encore son soutien contre les nouveaux fléaux que sont le sida, la malaria ou la tuberculose. Il faut aussi prendre en compte la nouvelle diplomatie qui se fait jour dans le continent africain, à travers le renforcement des organisations régionales africaines. La France doit s'adapter à ces évolutions en augmentant son aide publique au développement, en soutenant les organisations régionales et en adaptant son dispositif militaire. L'Union européenne mène déjà une action exemplaire pour intégrer le continent africain dans les flux du commerce mondial en permettant l'importation sur son sol, sans droits de douane, de produits en provenance des pays les moins avancés en quantité dix fois supérieure à ce que permettent les Etats-Unis ;

- le Conseil supérieur de l'audiovisuel a effectivement interdit la diffusion sur le territoire français de la chaîne Al Manar, et, plus récemment, de chaînes iraniennes véhiculant des programmes contraires aux conceptions françaises des Droits de l'Homme. Le ministre s'est engagé à étudier les informations fournies par M. Jean-Pierre Plancade sur le rôle que jouerait une filiale de France Télécom dans l'achat et la diffusion de tels programmes à l'étranger ;

- l'impression d'un repli de la France dans le monde, après le rejet du Traité constitutionnel, ou après l'échec de la candidature de la capitale pour l'organisation des jeux olympiques de 2012, ne reflète pas la réalité. La France a en effet des atouts pour asseoir son action internationale. En premier lieu, l'armée française est une des toutes premières armées du monde et la nation ne ménage pas ses efforts financiers pour conforter cette position. Ensuite, la diplomatie française est l'une des plus respectées. Ainsi, comme il l'avait constaté lors de son entretien avec Mme Rice, l'administration américaine est très attentive aux analyses françaises, notamment sur l'Iran ou la Syrie. Il a aussi rappelé qu'à l'époque où se déroulaient des tragédies honteuses comme celle de Srebrenica dans l'ex-Yougoslavie, c'est la France qui, en 1995, à l'initiative du Président de la République, avait contribué à la création de la force d'action rapide qui avait permis le déploiement de troupes de combat sur le terrain. Enfin la France, forte de son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité, avait, lors de la crise irakienne, su prendre ses responsabilités en manifestant clairement sa position. Il reste que la France doit sans doute mieux s'organiser pour accroître son rôle dans les phases de « sortie » des crises militaires ;

- il pourrait être effectivement judicieux de réfléchir à la possibilité de mettre en place la disposition du traité constitutionnel permettant aux parlements nationaux d'examiner préalablement tout projet de directive ou de règlement élaboré par l'Union européenne ;

- on observe effectivement une modification des comportements terroristes, que l'instauration de visas biométriques ne permettra pas à elle seule de juguler, car certains des auteurs d'actes terroristes ne sont plus seulement des étrangers mais aussi des nationaux des pays victimes de ces actes.

M. Robert Del Picchia a souligné l'utilité des futurs visas biométriques pour lutter contre les nombreuses fraudes à l'immigration. Il est également revenu sur le dernier Conseil européen, regrettant la tactique du Premier ministre Tony Blair qui avait conduit à l'échec des propositions de compromis du Premier ministre luxembourgeois M. Junker pour, en fait, privilégier d'éventuelles solutions mises au point sous présidence britannique. Il s'est également inquiété des récentes déclarations de M. Gordon Brown, chancelier de l'Echiquier, sur l'Union européenne, principalement considérée par lui comme une zone de libre échange. Il s'est enfin interrogé sur la position des Etats-Unis concernant la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU.

M. Robert Bret a évoqué l'absence de Mme Carla Del Ponte, procureur du Tribunal pénal international sur l'ex-Yougoslavie, aux récentes commémorations du 10e anniversaire du massacre de Srebrenica, soulignant qu'elle avait souhaité ainsi protester contre la trop longue inertie de la communauté internationale face à l'impunité dont jouissent toujours les deux dirigeants serbes de Bosnie responsables de ce massacre, MM. Mladic et Karadzic. Evoquant les conclusions du récent G8, il a souhaité savoir quels seraient les bénéficiaires des trois milliards de dollars attribués, pour les trois prochaines années, par les membres du G8 à l'Autorité palestinienne, et quelle serait la part d'éventuels opérateurs privés dans la gestion de ces crédits. Il a regretté l'excessive modération avec laquelle le G8 avait apprécié l'attitude israélienne, notamment sur l'édification du mur de sécurité, dont le tracé va séparer, à Jérusalem, 55.000 Palestiniens du reste de leurs compatriotes. Il a réclamé une action forte de la France sur cette attitude israélienne qui bafoue le droit international, passant éventuellement par une suspension de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, et a souhaité qu'un débat soit organisé au Parlement sur la situation au Proche-Orient.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité une amélioration du dispositif en matière d'audiovisuel extérieur français, jugeant insatisfaisante la situation actuelle : en effet, les objectifs de TV5 restent très spécifiques, la France participe peu à Euro News, alors que sa diffusion s'étend, enfin la chaîne d'information internationale reste à finaliser. Il a ensuite fait état des demandes croissantes qui lui étaient adressées, en tant que maire, concernant les certificats d'hébergement. Il a déploré le laxisme de l'Office des migrations internationales qui conduit à autoriser l'accueil d'étrangers par des personnes dont les conditions de logement sont inadaptées, et a souligné qu'aucun contrôle n'était effectué, à l'issue de la période légale de 92 jours, sur les retours effectifs des étrangers ainsi accueillis. Il a souligné que les plus fortes demandes provenaient actuellement d'Iran, d'Ukraine et de Turquie.

M. Charles Pasqua a rappelé que le projet de traité constitutionnel européen avait été rejeté par près de 55 % des Français lors du référendum du 29 mai dernier et s'est interrogé sur les nécessaires conséquences que le gouvernement entendait tirer de cette expression du suffrage universel. Il a ensuite mis en garde contre la confusion, qui semble exister ici ou là, entre l'indispensable solidarité envers les pays pauvres, et la lutte contre le terrorisme qui n'est pas, à ses yeux, un phénomène politique, mais religieux. Il a rappelé qu'on estimait généralement que, sur l'ensemble des musulmans occidentaux, une proportion d'environ 10 % se réclame d'un Islam intégriste, ce qui, à l'échelle française, correspond à quelque 500.000 personnes. Au sein de cette communauté, les individus susceptibles de servir de vivier pour des actes terroristes sont évalués à environ 5.000. M. Charles Pasqua a souligné la continuité, au-delà des appartenances politiques, de la fermeté affichée par les gouvernements français successifs en ce domaine, tout comme l'ancienneté de la coopération menée avec l'Espagne contre l'ETA. Il a estimé que cette fermeté tranchait avec les politiques suivies en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, dont la lucidité a été tardive. Il a relevé que l'ensemble des pays occidentaux avaient désormais une claire conscience de la nécessaire vigilance envers ce phénomène, mais que les moyens d'actions possibles étaient complexes, les actions terroristes étant le fruit d'un véritable endoctrinement de leurs auteurs.

Mme Hélène Luc a évoqué la situation en Afghanistan, marquée par la fin prochaine du processus de Bonn, à l'occasion des futures élections législatives. Elle a regretté les concessions accordées selon elle, sous couvert de réconciliation, par le Président Karzaï aux groupes talibans, et s'est inquiétée de l'accord de partenariat stratégique conclu avec les Etats-Unis. Elle a souhaité savoir quelle politique la France comptait mener à l'avenir dans ce pays. Elle a également évoqué la réforme en cours de l'ONU, en déplorant la rigidité de l'attitude américaine sur la désignation de nouveaux membres permanents du Conseil de sécurité. Elle s'est également félicitée des initiatives prises lors du récent G8 à l'égard de la dette des pays pauvres, mais a souligné les attentes qui demeuraient en la matière.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a apporté les réponses suivantes :

- lors du dernier conseil de l'Union européenne, dans le cadre du compromis élaboré par la présidence luxembourgeoise, la France aurait apporté plus de 10 milliards d'euros supplémentaires sur la période 2007-2013 et aurait doublé sa contribution nette, alors que la Grande-Bretagne ne consentait aucun effort. Cette attitude a été relevée par les nouveaux Etats membres, qui ont exprimé une forte déception à l'égard de la démarche britannique. Lors de ce Conseil, la présidence luxembourgeoise avait également proposé d'augmenter de 33 % le financement de la recherche communautaire, et un prêt de 10 milliards d'euros aurait été consenti par la BEI pour le soutien à la recherche privée. Le refus britannique de l'ensemble de ces propositions peut être interprété comme la volonté d'avoir une explication politique de fond au sein de l'Union européenne. Quant aux récentes déclarations de M. Gordon Brown, elles ont le mérite de la clarté, dans la mesure où elles récusent l'utilité de l'Union européenne comme échelon pertinent entre l'Etat nation et la mondialisation. Si le Premier ministre Tony Blair a fait valoir que le secteur de la recherche était porteur d'un fort potentiel d'avenir à la différence, selon lui, de la politique agricole commune, cette vision est erronée car la PAC a, entre autres mérites, de garantir la sécurité sanitaire dans le domaine alimentaire. Par ailleurs, s'il est en effet opportun d'accroître le financement de la recherche européenne, qui est un secteur porteur d'emplois, cela pourrait se faire, par exemple, par la création d'une véritable politique commune en la matière, par le biais d'une Agence européenne de la recherche qui regrouperait des pays volontaires ;

- s'agissant de la réforme de l'ONU, les Etats-Unis ont clairement fait savoir que la modification de la composition du Conseil de sécurité devait venir après que d'autres réformes aient pu progresser, comme la modification de la Commission des droits de l'homme, ou une réactivité plus grande de l'organisation face aux crises. Pour sa part, la France apporte son soutien à la proposition dite du « G4 », réunissant l'Allemagne, le Brésil, l'Inde et le Japon ;

- la France a toujours eu une attitude très claire à l'égard des criminels serbes de Bosnie. Elle est convaincue qu'aucune reconstruction durable du pays ne peut se faire si MM. Mladic et Karadzic ne sont pas arrêtés. Au demeurant, les gouvernements de cette région devront, pour fonder leur rapprochement avec l'Union européenne, s'engager à respecter toutes les minorités. Il s'agira là d'une condition impérative ;

- les sommes dégagées par la récente réunion du G8 au bénéfice des populations palestiniennes sont destinées à la construction d'équipements publics, comme des crèches, des écoles ou des logements sociaux, dont l'absence explique en partie la récente percée du Hamas lors des dernières élections palestiniennes. Ce mouvement remplit en effet un rôle social important auprès de ces populations déshéritées ;

- la Cour internationale de justice a condamné le tracé du mur de sécurité érigé par Israël, et cette condamnation a d'ailleurs été reprise par l'Assemblée générale des Nations unies. Il y a eu récemment des corrections apportées par Israël mais celles-ci soulèvent encore des problèmes. La prochaine visite du Premier ministre Ariel Sharon en France sera l'occasion d'évoquer cette question. Le désengagement de la Bande de Gaza, décidé unilatéralement par le gouvernement israélien, est une initiative importante, qui devra toutefois être suivie des autres engagements prévus par la feuille de route. A cet égard, la recolonisation de la Cisjordanie représente un signal négatif ;

- la future chaîne d'information internationale contribuera utilement à faire comprendre la vision française du monde, mais sa diffusion devra impérativement se faire aussi en anglais, en espagnol et en arabe ; sa mise en place pourrait être l'occasion d'une réorganisation de l'audiovisuel extérieur public ;

- l'Office des migrations internationales relève de la compétence du ministère des affaires sociales, le ministère des affaires étrangères ne délivrant que des visas de court séjour ;

- le Gouvernement entend pleinement prendre en compte le vote exprimé par les Français le 29 mai. La récente crise intervenue dans la construction européenne souligne la nécessité de mieux expliquer l'Europe à nos compatriotes, et de renforcer la pédagogie du projet européen ;

- il importe de distinguer les musulmans, dont la grande majorité sont des pratiquants respectueux des lois civiles, de l'infime poignée de terroristes qui menace les pays occidentaux ;

- il conviendra de renforcer la complémentarité entre, d'une part, l'aide au développement accordée à l'Afrique par la France et l'Union européenne et, d'autre part, le renforcement des capacités commerciales, le développement des infrastructures de communication et le soutien croissant aux capacités africaines de maintien de la paix.

M. Serge Vinçon, président, a remercié le ministre des affaires étrangères et a réitéré son souhait, partagé par nombre des membres de la commission, qu'un débat de politique étrangère soit organisé en séance publique au moins une fois durant la session parlementaire, indépendamment du débat budgétaire traditionnel.