Table des matières


Mercredi 15 novembre 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Organisations internationales - 55e Assemblée générale des Nations unies - communication

La commission a entendu une communication de M. Xavier de Villepin, président, sur la 55e Assemblée générale des Nations unies.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord rappelé que la 55e Assemblée générale des Nations unies avait été la session du millénaire, après le Sommet du même nom du mois d'octobre dernier. Un consensus des Chefs d'Etat s'était, à cette occasion, notamment exprimé sur trois points importants :

- la volonté de renforcer les Nations unies en adaptant l'Organisation, en particulier par l'élargissement du Conseil de sécurité et son ouverture sur ce qu'il est convenu d'appeler la société civile ;

- la définition d'objectifs précis à atteindre, comme la priorité à l'Afrique, la lutte contre le Sida et l'éradication de la pauvreté ;

- surtout, la réforme des opérations de maintien de la paix (OMP).

Après avoir décrit, en toile de fond des débats de l'assemblée générale, l'" état des lieux " de l'ONU -difficultés financières, ouverture à la société civile mondiale et au secteur privé, déficit d'image...-,M. Xavier de Villepin, président, a détaillé les deux réformes les plus souvent évoquées : celle des opérations de maintien de la paix et celle du Conseil de sécurité.

S'agissant des opérations de maintien de la paix (OMP), M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que M. Annan avait demandé à M. Brahimi, ancien ministre des affaires étrangères d'Algérie, un rapport sur les conditions de la réforme des OMP afin d'en assurer une meilleure efficacité. Ce document constitue un diagnostic sans concession, assorti de propositions concrètes dont certaines étaient depuis longtemps évoquées, a rappelé le président, au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. L'objectif du rapport a été de corriger " un grave problème d'orientation stratégique, de prise de décisions, de rapidité de déploiement, de planification et de soutien des opérations ".

Le rapport a mis en avant trois priorités : la nécessité de pratiquer réellement et à temps une action préventive et, en aval des opérations, une action de consolidation de la paix, en préconisant notamment une véritable doctrine d'emploi de la police, la nécessité d'une doctrine " robuste " et de mandats réalistes. Les Casques bleus, indiquait le rapport, devaient être capables de se défendre, mais aussi de défendre activement les civils placés sous leur protection. Leurs règles d'engagement devaient être suffisamment fermes, leurs mandats prévoir le recours à la force et leurs équipements être accrus et renforcés. Il convenait enfin de renforcer les moyens du Siège pour planifier et appuyer les opérations.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que ses interlocuteurs avaient très souvent évoqué la situation en Sierra Leone, où le sort des civils a été et reste tragique. La MINUSIL (Mission d'intervention des Nations unies en Sierra Leone), a inspiré, en tant que contre-exemple type, bien des analyses du rapport Brahimi : mandat inapplicable, accord de paix non respecté, contributions de troupes aléatoires... Cette opération de maintien de la paix était aujourd'hui, a poursuivi M. Xavier de Villepin, président, dans une situation très délicate. Les contributeurs de troupes indiens et jordaniens voulaient se retirer et aucun des grands Etats du nord ne souhaitait s'y impliquer, à l'exception de la Grande-Bretagne qui avait détaché quelques dizaines d'hommes sous commandement national.

Abordant alors la réforme du Conseil de sécurité, M. Xavier de Villepin, président, a fait observer que celle-ci, lancée il y a sept ans, n'avait finalement guère avancé. Une majorité d'Etats membres la souhaitait, mais sa mise en oeuvre relevait de la quadrature du cercle. Sur une base régionale, l'Asie désignerait-elle l'Inde, en conflit avec le Pakistan ? L'Afrique désignerait-elle le Nigeria, qui inspire plus la crainte que la confiance ? L'Amérique latine hispanophone désignerait-elle le Brésil lusophone ? Enfin, que faire du droit de veto pour les nouveaux membres permanents ?

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a fait le point sur l'évolution des principales crises gérées par l'ONU :

- la situation au Kosovo faisait l'objet, à New York, d'une appréciation positive, notamment après les élections qui ont vu la victoire du parti de M. Rugova. Plus généralement, l'évolution de la République fédérale yougoslave était porteuse d'espoir : l'Assemblée générale venait d'ailleurs officiellement d'accueillir la République fédérale yougoslave au sein de l'ONU dont la " précédente " Yougoslavie avait été suspendue en 1992 ;

- la situation du Sahara occidental se trouvait dans une impasse totale : les partisans de la République Sarahouie démocratique voulaient le référendum et rien que le référendum. Le Maroc pour sa part, ne semblait pas se hâter vers un référendum dont l'issue lui semblait incertaine. La troisième voie suggérée par M. Baker ne semblait pas relayée par des propositions marocaines, précises et concrètes, qui pourraient servir de base à de nouvelles discussions.

S'agissant de la crise au Proche-Orient, l'ONU, a rappelé M. Xavier de Villepin, président, n'avait guère qu'un rôle marginal dans ce conflit et la plus grande prudence s'imposait sur l'hypothèse du déploiement d'une force de protection, composée d'observateurs mobiles, demandée par les Palestiniens, mais à laquelle Israël s'opposait.

Concluant son propos, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que, quoi que l'on puisse penser de l'efficacité et du rôle de l'ONU, il convenait de reconnaître qu'elle était appelée à intervenir dans des situations où aucun Etat ne se risquait à aller et où, pourtant, on constatait des situations de tragédies humaines. A cet égard, comment ne pas soutenir, a relevé M. Xavier de Villepin, président, la priorité africaine de l'ONU, affichée lors de cette 55e session ?

L'Europe, en second lieu, a fait remarquer M. Xavier de Villepin, président, tient une place particulière à l'ONU : elle est le premier contributeur financier de l'ensemble du dispositif et deux de ses membres figurent parmi les cinq permanents du Conseil de sécurité. La rationalisation des opérations de maintien de la paix, d'une part, et, d'autre part, la construction d'une capacité européenne de défense dédiée à la gestion de crises, pouvaient être l'occasion d'une affirmation accrue de l'Union européenne sur la scène mondiale, alors même que les Etats-Unis ne semblaient pas désireux d'évoluer dans leur attitude à l'égard de l'Organisation.

A l'issue de la présentation du président, un débat s'est instauré avec les commissaires.

M. Pierre Biarnès a reconnu que les problèmes financiers rencontrés par l'ONU, liés, pour une bonne part, au comportement des Etats-Unis, avaient encouragé l'Organisation à recourir à des financements privés, au risque de certains dérapages.

Il a estimé que la question des opérations de maintien de la paix résumait toutes les faiblesses de l'ONU, mais leur éventuelle réforme nécessiterait, là aussi, des moyens financiers. Le comportement des Etats-Unis à l'égard de l'ONU ne sera pas modifié, selon lui, quel que soit le candidat qui sera proclamé président, tant est forte l'inertie de l'Administration du département d'Etat.

M. Aymeri de Montesquiou a déploré que certaines résolutions de l'ONU ne soient jamais appliquées, citant en exemple les textes qui avaient condamné Israël dans sa politique de colonisation des territoires occupés.

M. Christian de La Malène a exprimé le sentiment que l'ONU héritait de la gestion des " petits conflits " et que les grands conflits (Inde, Pakistan, Proche-Orient...) lui échappaient.

M. Xavier de Villepin, président, a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- c'est le besoin urgent de capacités financières qui avait incité l'ONU à se tourner, ponctuellement, vers le privé ;

- la colonisation des territoires est sans doute la principale critique que l'on peut faire à Israël, dans la mesure où cette politique a été opérée par tous les gouvernements successifs. La forte représentation des Etats arabes au sein de l'ONU a, par ailleurs, dans le passé, incité Israël à la méfiance à l'égard de l'ONU ;

- le secrétaire général, M. Kofi Annan, a, modestement, réussi, à Sharm-El-Cheikh, à introduire l'ONU dans le cadre du conflit entre Israël et palestiniens ;

- la lenteur de la réforme du Conseil de sécurité démontre une certaine incapacité de l'ONU à s'adapter au monde actuel et la non-représentation de certains Etats au Conseil constitue un réel problème.

PJLF pour 2001 - Crédits du ministère de la défense (terre) - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Serge Vinçon sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001 (terre).

M . Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a tout d'abord retracé les principaux aspects de l'évolution de l'armée de terre lors de l'année écoulée. Il a estimé que l'adaptation des effectifs de militaires professionnels suivait le calendrier prévu, notamment grâce au recrutement en nombre satisfaisant d'engagés. Il s'est interrogé sur l'avenir de la catégorie des volontaires, actuellement en cours de constitution. S'agissant des appelés, il a souligné que l'armée de terre avait pu compter, en 2000, sur une ressource permettant de pourvoir tous les postes budgétaires mais s'est inquiété d'une détérioration enregistrée lors de l'incorporation d'octobre. Après avoir exposé les récentes mesures annoncées en faveur des appelés, notamment le relèvement à 4.000 francs de l'allocation de fin de service, il a estimé que le premier semestre 2001 représenterait, en cas de diminution de rendement des incorporations, la période la plus délicate, le recrutement d'engagés devant par la suite rendre la présence des appelés moins déterminante pour le fonctionnement de l'armée de terre.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a déploré le déficit persistant en personnels civils, qui atteignait 15 % des postes à la fin de l'été. Il a estimé que les concours de fonctionnaires prévus d'ici la fin de l'année atténueraient cette situation, le déficit se résorbant toutefois trop lentement alors que le recours à la sous-traitance ne remédie que très partiellement aux conséquences de ce sous-effectif.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a souligné que ce déficit en personnel intervenait alors que le rythme d'activité de l'armée de terre a connu un sommet au début de l'année 2000, lorsque 12.000 hommes se sont trouvés engagés sur le territoire national à la suite du naufrage de l'Erika et des intempéries, 9.800 hommes étant en permanence stationnés outre-mer et en Afrique et 8.500 autres participant aux opérations extérieures, principalement au Kosovo et en Bosnie. Bien qu'atténuée aujourd'hui, cette " surchauffe " a lourdement pesé sur le rythme d'activité des unités.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a alors plaidé pour une meilleure prise en considération des contraintes inhérentes à la condition militaire et pour une amélioration des conditions de vie et de travail. Citant les travaux de l'observatoire social de la défense, qui évalue à 42 heures et demie, hors participation aux opérations extérieures, la durée hebdomadaire de travail dans l'armée de terre, il a mis en garde contre le risque de rupture entre l'évolution de la société civile et celle du milieu militaire. Il a jugé indispensable une amélioration du régime indemnitaire des militaires pour éviter de se trouver face à une baisse de la motivation et des difficultés de recrutement.

Le rapporteur pour avis a également souligné la situation extrêmement critique de la disponibilité opérationnelle des matériels majeurs de l'armée de terre, qui est descendue à 65 % pour les blindés et les pièces d'artillerie et à 55 % pour les hélicoptères, soit 10 à 15 % de moins que le niveau acceptable.

M. Serge Vinçon a ensuite analysé la dotation des forces terrestres pour 2001 qui présente les caractéristiques suivantes :

- un montant global de 48,5 milliards de francs, en recul de 0,5 %, qui traduit une érosion continue depuis 1996 ;

- une stabilité des dépenses ordinaires, s'élevant à 30,9 milliards de francs ;

- une évolution des effectifs conforme à la loi de programmation, sauf en ce qui concerne les appelés, 4.475 postes supplémentaires étant supprimés par rapport aux prévisions ;

- des crédits de fonctionnement bénéficiant d'une actualisation, très inférieure aux cours actuels, des produits pétroliers, de la transformation de postes en crédits de sous-traitance et de mesures nouvelles permettant de couvrir les frais de transport des compagnies tournantes et de porter de 73 à 80 jours, pour un objectif de 100 jours, le nombre de jours d'activité. Ces différentes mesures ne permettent cependant pas de remédier à une insuffisance globale de l'ordre de 350 millions de francs par rapport au niveau souhaitable pour une armée professionnelle en cours de transformation ;

- aux titres V et VI, des crédits de paiement et des autorisations de programme respectivement inférieurs de 1,1 milliard et de 860 millions de francs par rapport aux engagements pris à l'issue de la revue de programmes, ce qui pourrait engendrer des difficultés de paiement et des tensions pour la passation des commandes.

En conclusion, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a effectué les trois observations suivantes :

- l'engagement pris devant le Parlement en 1998 de stabiliser de 1999 à 2002 les ressources du titre V n'est pas respecté pour la deuxième année consécutive, malgré l'amélioration du contexte budgétaire général ;

- les crédits de fonctionnement demeurent insuffisants au regard des nécessités de l'entraînement et la vie courante des unités, alors que le budget ne comporte aucune mesure d'amélioration de la condition militaire, au moment où un décalage se crée entre l'évolution de la société civile et celle des armées ;

- la défense recule dans l'ordre des priorités gouvernementales et pâtit d'arbitrages financiers défavorables, en contradiction avec nos ambitions affichées en matière de défense européenne et avec la politique menée par plusieurs de nos alliés, en particulier le Royaume-Uni.

Estimant que l'érosion de la dotation des forces terrestres en 2001 traduisait le fléchissement imposé à notre effort de défense malgré l'amélioration des finances publiques, il a proposé à la commission d'émettre un avis défavorable sur le projet de budget de la défense pour 2001.

A la suite de l'exposé de M. Serge Vinçon, M. Xavier de Villepin, président, s'est étonné de la nécessité où se trouvait le ministère de la défense de devoir renforcer le recrutement de fonctionnaires pour les personnels civils, alors que les sureffectifs d'ouvriers d'Etat ne sont pas résorbés. Il a déploré la forte détérioration de la disponibilité technique des matériels majeurs de l'armée de terre, qui traduit l'érosion continue des crédits d'équipement des armées. Il s'est interrogé sur les incidences budgétaires pour l'armée de terre du renforcement des capacités européennes de défense.

M. Philippe de Gaulle a demandé des précisions sur le poids financier des opérations extérieures pour l'armée de terre.

M. Robert Del Picchia a demandé si les Nations unies adressaient à la France les remboursements pour sa contribution aux opérations extérieures.

M. Michel Caldaguès a considéré que le poids des opérations extérieures devait être envisagé en termes de moyens, et non seulement de surcoût budgétaire. S'agissant du renforcement des capacités militaires européennes, il s'est demandé si la France serait en mesure d'honorer toutes les contributions qu'elle s'engage à fournir aux diverses organisations, notamment l'OTAN et l'Union européenne.

M. Christian de La Malène s'est inquiété d'une éventuelle suspension anticipée du service national qui viendrait priver les armées de la ressource dont elles ont encore besoin.

En réponse à ces différentes interventions, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- le budget de la défense supporte le coût des sureffectifs d'ouvriers d'Etat et des mises à la retraite anticipée dans les arsenaux, mais doit aussi procéder à des recrutements pour pourvoir les postes de fonctionnaires vacants ;

- les conséquences budgétaires pour la défense de la contribution de la France au renforcement des capacités militaires européennes ne sont pas encore bien évaluées ;

- le surcoût des opérations extérieures représente en 2000 3,3 milliards de francs, dont 2,2 milliards de francs pour l'armée de terre ;

- les remboursements des Nations unies concernant les opérations extérieures sont estimés, pour 2000, à 49 millions de francs ;

- il serait normal que le financement des opérations extérieures provienne du budget général et ne pèse pas exclusivement sur le budget de la défense ;

- l'armée de terre doit encore pouvoir compter sur les 17.000 postes d'appelés prévus pour 2001, ce qui rend nécessaire un bon déroulement des incorporations au cours de l'année prochaine.

PJLF pour 2001 - Crédits du ministère de la défense (nucléaire, espace et services communs) - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Faure sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001 (nucléaire, espace et services communs).

Après avoir précisé que les crédits consacrés à la délégation générale pour l'armement, aux services de soutien, aux services de renseignement, à l'administration générale (DGA) et aux programmes gérés par l'état-major des armées, notamment dans le domaine du nucléaire et de l'espace, s'élèveraient à 48,7 milliards de francs en 2001, soit une progression de 0,4 %, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a vivement déploré que pour la quatrième année consécutive, ces crédits soient ponctionnés par une contribution au budget civil de recherche et de développement (BCRD). Il a souligné que cette opération était contraire aux principes posés par la loi de programmation et qu'avec le prélèvement de 1,250 milliard de francs prévu pour 2001, ce sont plus de 4 milliards de francs qui auront été prélevés sur le titre V en quatre ans pour des actions dépourvues de lien avec la défense.

Abordant les crédits du nucléaire, qui régressent de 1,8 % et s'établissent à 15,6 milliards de francs pour 2001, soit, en francs constants, 25 % de moins qu'en 1996 et moitié moins qu'en 1992, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a fait le point sur l'avancement de grands programmes de modernisation de notre outil de dissuasion : la simulation et la modernisation des composantes océanique et aéroportée.

S'agissant du programme du missile M51, il a précisé que le lancement d'une deuxième tranche de développement était subordonné à un règlement du différend financier opposant la DGA et l'industriel. Il a souligné l'urgence d'une solution, notamment au regard du respect du calendrier de réalisation de ce missile qui doit équiper en 2008 le quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de la nouvelle génération.

Remarquant que sous cette réserve, la réalisation des grands programmes se déroulait comme prévu, il s'est interrogé sur la signification de l'érosion des crédits du nucléaire, plus prononcée que ne l'envisageait la loi de programmation militaire. Il s'est notamment inquiété des abattements opérés sur le financement de la recherche, qui conduisent à restreindre la gamme des études et à limiter les évaluations préalables à la détermination des choix technologiques. Il a souligné le risque d'un affaiblissement insidieux de nos capacités scientifiques et technologiques si cette tendance se prolongeait. Il a également observé que cette évolution ne permettait pas d'aborder dans les meilleures conditions la prochaine loi de programmation militaire au cours de laquelle seront réalisés un grand nombre d'équipements majeurs. Il a donc appelé la commission à une vigilance particulière sur l'avenir du financement des programmes nucléaires militaires.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, s'est ensuite félicité de l'augmentation régulière et continue des moyens des services de renseignement, qui se confirme en 2001, puis a observé qu'après quatre années noires, le domaine spatial militaire amorçait un début de redressement. Remarquant l'effort financier que représente pour la France la défaillance de ses partenaires européens sur le programme de satellite de télécommunication Syracuse III et sur celui d'observation Hélios 2, il a estimé que l'intérêt de nouveau manifesté par l'Allemagne pour un système d'observation radar constituait un signe encourageant, à condition que des moyens budgétaires viennent conforter cette orientation. Il a souhaité qu'autour d'Hélios 2 et des constellations de satellites radars étudiées par l'Italie et l'Allemagne, puisse s'édifier un système européen complet et cohérent d'observation spatiale.

S'agissant de la délégation générale pour l'armement, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a évoqué le recul sensible de ses crédits de fonctionnement (- 7,4 %) et la stabilisation des crédits d'études-amont, qui mériteraient d'être significativement relevés. Il a fait le point sur l'évolution de DCN (Direction des constructions navales), regrettant la lenteur de la résorption du sureffectif et le peu de changement pratique apportés par la transformation, en avril dernier, en service à compétence nationale. Il a jugé positive la constitution d'une société commune avec Thomson-CSF tout en appelant à une évolution beaucoup plus profonde du statut de DCN afin de mieux affronter la concurrence sur le marché de la construction navale militaire.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a enfin observé la prise de conscience, malheureusement trop tardive, des difficultés du service de santé des armées, que la commission souligne depuis plusieurs années. Il a précisé que face au déficit en médecins, un plan de revalorisation des rémunérations allait être mis en oeuvre. Il a regretté la modestie de ce plan alors que le sous-effectif s'amplifie du fait des mauvais résultats du recrutement de médecins déjà diplômés et d'un mouvement de départ des médecins vers le milieu civil.

En conclusion, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a estimé qu'au-delà de quelques motifs de satisfaction, comme dans le domaine du renseignement, les crédits du nucléaire, de l'espace et des services communs ne permettront pas de combler les insuffisances mises en évidence les années passées. Il a jugé inquiétante l'érosion des crédits du nucléaire et s'est élevé contre l'entorse, pour la deuxième année consécutive, à l'engagement pris en 1998 de stabiliser des crédits d'équipement.

Il a donc appelé la commission à émettre un avis défavorable sur le budget de la défense pour 2001.

A la suite de l'exposé de M. Jean Faure, M. André Boyer a souligné la difficulté, pour le service de santé des armées, à concilier le maintien d'une activité hospitalière qui lui est indispensable et la participation aux opérations extérieures. Il a confirmé que les perspectives offertes par le secteur civil, notamment dans les spécialités telles que la chirurgie et l'anesthésie-réanimation, amenaient des spécialistes à quitter le service de santé des armées.

M. Philippe de Gaulle s'est interrogé sur les conséquences de la féminisation des effectifs de médecins militaires.

M. Christian de La Malène s'est inquiété du financement du programme de simulation nucléaire.

M. Xavier de Villepin, président, s'est étonné de la nouvelle contribution imposée à la défense au profit du budget civil de recherche et de développement. Il a demandé si la défense bénéficiait de retombées pour les crédits qu'elle transfère au Centre national d'études spatiales. Par ailleurs, il s'est demandé si les Etats-Unis et la Russie ne s'orientaient pas vers une moindre importance du nucléaire dans leur doctrine militaire.

En réponse à ces différentes interventions, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- les difficultés du service de santé, soulignées par un rapport d'information de la commission présenté en 1999, ont été très insuffisamment prises en compte jusqu'à présent ;

- le programme de simulation, notamment la construction du laser mégajoule, se poursuit normalement, mais les besoins financiers iront croissant au cours de la prochaine loi de programmation, exigeant un redressement des crédits du nucléaire ;

- l'importance des contributions de la défense au BCRD est sans commune mesure avec la modicité des retombées que celle-ci peut en espérer pour ses programmes spatiaux ; ce prélèvement avait été en outre expressément exclu par la loi de programmation ;

- une éventuelle accélération de la réduction des arsenaux nucléaires américain et russe ne devrait pas entraîner celle de l'arsenal français, dimensionné dans une optique de stricte suffisance.

PJLF pour 2001 - Crédits du ministère de la défense (marine) - Examen du rapport pour avis

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Boyer sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001 (marine).

Présentant les grandes lignes du projet de budget pour 2001, M. André Boyer a tout d'abord indiqué que le budget de la marine s'élèverait à 33,4 milliards de francs en progression de 1,35 %, sa part dans l'ensemble du budget du ministère de la défense augmentant légèrement et atteignant 17,7 %.

Les crédits du titre III s'élèveront à 12,7 milliards de francs en diminution de 1,32 % en francs constants. Les dépenses de rémunération diminueront un peu plus rapidement en raison de la diminution des effectifs due à la professionnalisation. Ils continueront toutefois de représenter l'essentiel du titre III (78,6 % et 9,9 milliards de francs). 3.429 postes seront supprimés en 2001, les effectifs civils et militaires s'établissant à 55.293 personnes. 3.841 postes budgétaires d'appelés disparaîtront, tandis que 279 hommes d'équipage et 681 volontaires supplémentaires seront recrutés. Les autres dépenses de fonctionnement s'élèveront à 2,7 milliards de francs, soit une légère augmentation à structure constante. Les crédits consacrés à l'achat de produits pétroliers progresseront de 30,5 % en raison de l'augmentation de l'activité des forces, dont le taux moyen de sortie en mer devrait atteindre 97 jours, et de la hausse des prix du pétrole et du dollar. A ce sujet, le rapporteur pour avis a de nouveau rappelé son attachement à ce que l'activité des forces soit mise à l'abri des fluctuations conjoncturelles des marchés. Il a ensuite relevé que 25 millions de francs supplémentaires seraient alloués à des opérations de sous-traitance pour pallier le déficit de personnels civils et 25 millions également pour le financement de l'affrètement avec le Royaume-Uni d'un remorqueur de haute mer dans le Pas-de-Calais et d'un navire supplémentaire de lutte antipollution.

Les crédits du titre V, correspondant aux dépenses en capital, s'élèveront en 2001 à 21,9 milliards de francs d'autorisations de programme (+16,3 %) et à 20,75 milliards de francs de crédits de paiement (+ 3,2 %). Malgré cette amélioration sensible, la gestion du budget 2001 sera particulièrement tendue en raison des importants programmes déjà engagés et de ceux qui doivent l'être avant la fin de la loi de programmation. L'année 2000 aura vu le retrait du service actif du porte-avions " Foch ", cédé au Brésil pour près de 90 millions de francs, de trois avisos et du sous-marin diesel " La Praya ". L'entrée au service actif du porte-avions " Charles de Gaulle " sera effectuée dès que possible. Ont été commandés en 2000 : deux frégates antiaériennes " Horizon ", deux nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD), le premier bâtiment hydrographique et le 4ème SNLE de nouvelle génération. Ainsi, en 2000, plus de bâtiments auront été commandés que durant la décennie précédente, a souligné M. André Boyer, marquant une inversion de tendance qui devra impérativement se confirmer pour assurer le renouvellement de la flotte. En 2001, le dernier sous-marin diesel le " Ouessant " sera retiré du service actif, la 5ème frégate de type " La Fayette " le " Guépratte " sera livrée et un second bâtiment hydrographique sera commandé. Dans l'aéronautique, le rapporteur pour avis a relevé les retraits des Alizée, des Etendard IV-PM parallèlement aux entrées au service actif des deux premiers avions de guet aérien Hawkeye. Un troisième sera commandé prochainement, tandis que la modernisation des Super-Etendard et les livraisons de Rafale se poursuivent, une première demi-flottile au standard F1 d'interception devant être disponible fin courant 2001.

M. André Boyer a ensuite fait le point de la professionnalisation des forces qui, a-t-il estimé, se déroulait de manière satisfaisante, les effectifs évoluant selon les prévisions de la loi de programmation. Il a indiqué que la marine rejoindrait plus rapidement que prévu son format pour dégager des marges de manoeuvre financières afin de concentrer ses efforts sur la modernisation de ses équipements. Dès 2002, elle sera complètement professionnalisée. Si le recrutement de volontaires se poursuit, M. André Boyer a néanmoins indiqué qu'il lui paraissait irréaliste d'espérer recruter près de 150 volontaires de haut niveau issus des grandes écoles ou d'études supérieures en leur proposant, malgré des postes motivants, une rémunération de base de 5.200 francs mensuels. Il a ensuite expliqué l'évolution du recrutement de jeunes sans formation par la filière des contrats courts marine (ECCM). Ils seront désormais dénommés " engagés initiaux de courte durée " car, en raison de résultats encourageants dans certaines filières, la marine a souhaité donné la possibilité aux plus méritants de s'engager à plus long terme après un premier contrat de deux ans. Par ailleurs, M. André Boyer a encore souligné le déficit d'environ 10 % en personnels civils, qui persiste depuis 1997, les ralliements restant limités et l'effet des recrutements ne s'étant pas pleinement fait sentir.

Le rapporteur pour avis s'est ensuite attaché à exposer le nouveau mode de gestion des crédits d'entretien des matériels par deux organismes créés récemment : le service de soutien de la flotte (SSF) et la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques et associés de la défense). Le SSF est placé sous les ordres du chef d'état-major de la marine et regroupe les services concernés de la marine et de la DGA. Composé d'une direction centrale à Paris et de deux directions locales à Brest et Toulon, il comptera 750 personnes. Il a pour mission d'assurer une contractualisation efficace avec les industriels et notamment DCN afin d'obtenir une meilleure disponibilité des bâtiments à moindre coût par la mise en place d'un véritable soutien logistique intégré. La SIMMAD regroupera l'ensemble du soutien des avions et hélicoptères du ministère de la défense, qui sera organisé par flotte. Le soutien de l'ensemble des avions Rafale ou des hélicoptères NH90 sera assuré en commun. Elle gérera 7,5 milliards de francs de contrats dont 1,5 pour la marine.

Faisant, en outre, le point de plusieurs programmes d'armement, M. André Boyer a précisé les causes de la récente avarie du " Charles de Gaulle ". Le porte-avions faisait actuellement route vers Toulon où il devrait être immobilisé trois mois. Abordant ensuite les forces sous-marines, il a indiqué que le programme de 4ème SNLE-NG se poursuivait et que les réflexions étaient d'ores et déjà largement engagées au sujet du futur sous-marin nucléaire d'attaque " Barracuda " qui succédera au " Rubis ". Dans le budget 2001 sont également inscrits la construction des deux frégates " Horizon " en coopération avec l'Italie, qui seront équipées du système PAAMS (Principal Anti Air Missile System). M. André Boyer, rapporteur pour avis, a néanmoins regretté que, pour des raisons financières, il ne soit pas prévu de les doter d'une capacité antimissiles balistiques. Sur le budget 2001, devrait être également financée la construction de deux nouveaux transports de chalands de débarquement (TCD) dont les performances seront nettement plus importantes que celles des bâtiments de la génération précédente. Il a également souligné le coût très élevé de la modernisation des Super-Etendard depuis 1986, qui s'élève à plus de 5 milliards de francs. Au sujet du Rafale, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que la marine devrait acquérir, à partir de 2005, une nouvelle version biplace du Rafale Marine dont le coût s'élèverait au moins à 1,5 milliard de francs. Enfin, il a regretté que le Parlement ait été tenu à l'écart de la décision de l'abandon du missile antinavire futur (ANF), alors qu'il avait été inscrit dans le projet de budget 2000.

En conclusion, M. André Boyer a indiqué que le niveau des ressources du titre III était satisfaisant et permettait de poursuivre la professionnalisation ; que la remontée des crédits du titre V était encourageante par rapport à 2000, tout en remarquant que leur niveau global restait inférieur aux prévisions de la revue de programme, ce qui compromettrait, à terme, la réalisation du " modèle 2015 ".

Un débat s'est ensuite engagé avec les commissaires.

M. Serge Vinçon a souligné que l'abandon de l'ANF avait de graves conséquences pour le site de production d'EADS privé de missiles antinavires en production et aucun missile n'étant encore prévu pour succéder à l'Exocet à l'exportation. M. Xavier de Villepin, président, a, pour sa part, demandé des précisions sur les raisons de fond justifiant cette décision.

M. Robert Del Picchia a souhaité obtenir des précisions sur les moyens supplémentaires affectés à la surveillance du trafic maritime en Manche et mer du Nord.

M. Philippe de Gaulle s'est interrogé sur l'avancement de la réflexion sur la construction d'un second porte-avions, alors que les NTCD pourraient apparaître, pour certains, comme une alternative à moindre coût. Il a en outre demandé si le nombre de quatre frégates " Horizon " restait maintenu.

M. Jean Bernard a demandé si la vente du " Foch " bénéficierait au budget de la marine et quel serait le montant des travaux de mise aux normes à effectuer pour le compte de la marine brésilienne.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'intérêt d'établir des comparaisons entre la France et le Royaume-Uni à propos des budgets de défense respectifs. Il s'est de plus inquiété du récent échec de DCN en Corée du Sud pour la vente de sous-marins, alors que la réussite à l'exportation était une des conditions essentielles du succès de la réforme en cours.

M. André Boyer a alors apporté les précisions suivantes :

. la marine a choisi de privilégier le renouvellement de la flotte, plutôt que d'acquérir un missile dont le besoin opérationnel paraissait moindre à moyen terme en raison de l'évolution de la menace ;

. 25 millions de francs complémentaires seront consacrés à l'affrètement d'un remorqueur en mer du Nord et d'un nouveau navire antipollution ;

. après la première commande de deux frégates " Horizon ", deux autres devraient être commandées dans la prochaines loi de programmation militaire, l'objectif de quatre frégates n'est pas remis en cause ;

. les raisons motivant la construction d'un second porte-avions paraissent évidentes. Un porte-avions n'est disponible que 60 % du temps, alors même qu'un investissement très important a été réalisé. Par ailleurs, l'évolution du contexte géopolitique et l'expérience des dernières crises confirment qu'il est un outil indispensable. En revanche, son mode de propulsion ou de construction restent en débat ;

. la vente du " Foch " bénéficiera en partie au budget de la Marine et des travaux d'un montant de 30 millions de francs environ seront réalisés par DCN avant sa livraison au Brésil ;

. la Royal Navy est dans une situation particulière puisqu'elle dispose des crédits les plus importants au sein de le l'ensemble du budget britannique de la défense. Par ailleurs, les Britanniques ont une démarche de mise en concurrence et d'examen global des coûts d'un programme, très différente des méthodes françaises. Enfin, aujourd'hui on ne peut savoir quelle sera la définition exacte des futurs porte-avions britanniques car le choix de l'avion embarqué n'a pas été effectué. Un porte-aéronefs ne pourrait toutefois pas, par exemple, mettre en oeuvre le Rafale.

Jeudi 16 novembre 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Aviation - Audition de M. Charles Edelstenne, président-directeur général de Dassault Aviation

La commission a procédé à l'audition de M. Charles Edelstenne, président-directeur général de Dassault Aviation.

M. Charles Edelstenne
a détaillé la structure financière de Dassault Aviation, dont 46 % du capital auparavant détenu par l'Etat avaient été repris par la société Aérospatiale et 4 % ouverts à l'actionnariat public. La cession des titres d'Aérospatiale au profit de l'ensemble EADS a entraîné, il y a deux ans, une modification de la composition du capital où EADS, reprenant la totalité de la participation d'Aérospatiale, est devenu le second actionnaire. Une telle composition n'a pas, à proprement parler, de répercussions sur la politique commerciale à l'export que Dassault Aviation  conduit d'une manière autonome : si le groupe EADS est financièrement intéressé aux performances commerciales du Rafale, il demeure, en revanche, industriellement impliqué dans la construction de l'Eurofighter, les deux appareils étant clairement en concurrence.

M. Charles Edelstenne a ensuite exposé le bilan d'activité de Dassault Aviation. Avec une moyenne annuelle de 4 milliards de francs, la part de l'Etat dans les prises de commandes consolidées enregistre, en dix ans, une diminution de 50 %. Par ailleurs, les exportations de matériels de défense demeurent soumises à d'importantes fluctuations. 73 % du chiffre d'affaires résultent désormais de l'exportation de matériels civils, en particulier du Falcon, pour la réussite duquel Dassault a consacré, durant cette même période, un investissement annuel d'au moins 600 millions de francs par an. L'exportation du Falcon profite d'un marché rendu attractif notamment par la demande accrue en liaisons rapides, consécutive de la mondialisation, l'arrivée de nouvelles clientèles issues de la nouvelle économie et du développement de la propriété partagée d'aéronefs civils. M. Charles Edelstenne a rappelé que le choix de Dassault Aviation s'était porté sur le haut de gamme et que par le Falcon, produit essentiellement en France, avec cependant une unité de finition aux Etats-Unis, son groupe demeurait le leader mondial sur le marché des avions d'affaires haut de gamme.

M. Charles Edelstenne, abordant ensuite le programme Rafale, a rappelé que l'enveloppe globale initiale de 150 milliards H.T. sur 30 ans avait été intégralement respectée. A l'intérieur de cette enveloppe, toutefois, le coût du développement avait à lui seul dépassé de 30 % le devis originel. L'étalement du programme et les 9 années de retard qu'il a entraînées ainsi que certaines demandes nouvelles émanant des armées (comme le biplace marine) expliquaient ce dépassement. Au total, le poids financier du programme Rafale ne représente en moyenne que 5,8 % du titre V du budget de défense annuel.

M. Charles Edelstenne s'est dit convaincu que l'implication de notre pays dans le programme Eurofighter aurait eu des incidences financières supérieures à celles du Rafale, et a rappelé que le coût de développement de l'appareil européen était deux fois et demie à trois fois supérieur à celui du Rafale. Quant à son prix de série, il est également inférieur à celui de l'Eurofighter. M. Charles Edelstenne a précisé qu'en dépit de l'absence de difficultés techniques et du financement de 25 % du développement par les industriels, les retards enregistrés par le programme aboutiront à la livraison du premier escadron à l'armée de l'air en 2005 au lieu de 1996 et, fin 2000, 5 appareils auront été livrés au lieu des 137 initialement prévus.

Abordant les perspectives d'exportation du Rafale, M. Charles Edelstennne a indiqué que 7 pays au moins étaient intéressés par l'appareil français. Toutefois, a-t-il regretté, il n'était pas en mesure de proposer aux acquéreurs potentiels une quelconque livraison avant 2005, compte tenu des retards subis par le programme. Ceux-ci ont par ailleurs permis a des appareils étrangers de venir concurrencer directement le Rafale : le F 16 block 60, l'Eurofighter et le concept JSF.

Concluant, M. Charles Edelstenne, faisant le bilan de l'exportation du Mirage 2000, a précisé les importantes retombées industrielles, financières et politiques qu'elle avait permis d'obtenir pour le pays.

A la suite de l'exposé de M. Charles Edelstenne, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. André Boyer s'est interrogé sur la possibilité d'adapter le futur réacteur M 88-3 au Rafale marine et sur les conséquences de cette modification sur la gestion du soutien des flottes Rafale de l'armée de l'air et de la marine. Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur le coût des modifications qui devraient être apportées sur le Rafale marine pour le transformer en avion biplace. Il a, par ailleurs, demandé si les futurs avions embarqués américains F22 et JSF seraient monoplaces ou biplaces et si les progrès en matière de transmission de données en temps réel ne feraient pas évoluer le besoin sur ce plan. Enfin, il a souhaité savoir quelles étaient les perspectives ouvertes pour les drones dans la marine.

M. Michel Caldaguès a demandé si l'armée de l'air française aurait besoin, à brève échéance, d'une amélioration du radar du Rafale et quelle était, au sein de la société Dassault Aviation, la part des études fondamentales militaires profitant au produit civil de la société.

M. Aymeri de Montesquiou, s'interrogeant sur les cycles de renouvellement des avions de combat, s'est demandé si le bouleversement géostratégique intervenu depuis dix ans n'avait pas également justifié des rajustements dans les flottes d'avions de combat. Il s'est également interrogé sur la possibilité, pour la France, de développer des coopérations avec des pays comme l'Inde, le Japon ou la Chine.

M. Serge Vinçon a souhaité savoir si l'éventuelle livraison anticipée, à l'armée de l'air, d'une version améliorée du Rafale, ne risquait pas de remettre en cause la date de livraison du premier escadron prévue pour 2005 et le nombre total d'avions prévus, du fait d'une hausse du coût du programme.

M. Christian de La Malène a marqué son inquiétude à propos du retard pris par le programme Rafale et de la difficulté, pour le gouvernement français, de soutenir son exportation avec une capacité de conviction comparable à celle de gouvernements étrangers alors qu'à travers EADS, il est amené à promouvoir deux appareils concurrents.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité savoir si le développement de plusieurs versions du Rafale n'était pas contradictoire avec l'idée d'une flotte unique. Il a enfin souhaité connaître l'effort du Royaume-Uni en matière d'armement aérien.

M. Charles Edelstenne a alors apporté les précisions suivantes :

- le surcoût de l'adaptation du Rafale marine en biplace devrait être inférieur à 5 % du prix total du programme Rafale marine, représentant une somme de l'ordre de 1,5 à 1,8 milliard de francs. L'ensemble des développements étant connus, cette opération ne comporte pas de risques financiers particuliers ;

- il n'y a pas eu de contact entre le gouvernement britannique et Dassault Aviation au sujet d'un éventuel achat du Rafale dans une version navalisée pour les futurs porte-avions de la Royal Navy. En revanche, les deux marines entretiennent des contacts étroits sur les avantages respectifs d'un avion à décollage court ou d'un appareil catapulté comme le Rafale. Le EF2000 ne paraît pas pouvoir être décliné dans une version navalisée ;

- le chef d'état-major de l'armée de l'air s'est montré très satisfait de la configuration actuelle du Rafale et n'a pas émis de demande de modernisation immédiate, en raison de la contrainte financière qui pèse sur les budgets militaires et du nécessaire financement d'autres programmes comme l'avion de transport futur ;

- dans le domaine de l'aviation militaire, la société Dassault Aviation est amenée à financer des recherches fondamentales en matière d'aérodynamique, de matériaux ou d'intégration de systèmes spécifiques à l'aviation militaire ;

- pour le cycle de renouvellement des avions de combat qui débute, a été retenue une hypothèse égale à 40 % du niveau actuel en raison de l'amélioration des performances des appareils et de l'évolution du contexte géopolitique. Toutefois, l'intérêt opérationnel de l'arme aérienne a été encore une fois démontré au Kosovo et, en dehors de l'Europe, de nombreux foyers de tension demeurent, qui justifient la continuation d'une politique d'équipements de défense ;

- l'existence de plusieurs versions du Rafale est le résultat de l'évolution normale et progressive du système d'arme, par ailleurs compatible avec une polyvalence complète.

M. Bruno Revellin-Falcoz, vice-président directeur général de Dassault Aviation, a en outre apporté les précisions suivantes :

- tirant les leçons de l'intervention au Kosovo, le chef d'état-major de la marine a souhaité doter les Rafale marine des mêmes capacités d'attaque au sol que celles de l'armée de l'air, en prévoyant l'achat d'environ 40 biplaces. La nécessité de conserver une masse identique a entraîné le retrait du canon. Le biplace marine disposera d'une quantité légèrement plus faible de carburant n'entraînant pas une diminution de son rayon d'action supérieure à 5 % ;

- le projet américain de F22 de défense aérienne et le concept de JSF sont actuellement uniquement prévus dans une version monoplace ;

- les progrès en matière de transmissions de données en temps réel et de gestion à distance des situations tactiques devraient conduire, d'ici cinq à dix ans, à privilégier des avions monoplace ; toutefois, l'armement nucléaire dont dispose le Mirage 2000N, avait conduit, pour des raisons de sécurité, à le doter d'un équipage de 2 personnes ;

- le radar est un des éléments actifs de détection utilisé notamment pour le guidage des missiles contre des avions ennemis. Néanmoins, son activation provoquant également la détection de l'appareil par l'adversaire, conduit à porter une attention particulière aux capteurs passifs qui permettent de voir sans être vu ;

- l'armée de l'air profitera, à terme, des améliorations prévues, une coopération à long terme avec l'industriel se développant au sujet des évolutions de l'avion ;

- une importante réflexion se développe actuellement sur les missions qui pourraient être dévolues à des avions non pilotés. Elle pourrait aboutir, à terme, pour ne pas exposer les équipages et pour assurer un guidage précis des munitions, à la constitution de flottes mixtes d'avions pilotés, accompagnés d'avions de reconnaissance et de combat non pilotés. Actuellement, des drones sont fabriqués par les Américains, les Israéliens, et, en France, par la SAGEM. Dassault Aviation a récemment démontré sa capacité de fabriquer un avion non piloté extrêmement furtif, prouvant ainsi qu'elle maîtrisait les technologies nécessaires.