Table des matières




Jeudi 31 octobre 2002

- Présidence de M. André Dulait, président

Traités et conventions - Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international - Examen du rapport

La commission a tout d'abord entendu le rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 387 (2001-2002) autorisant la ratification de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international.

M. André Rouvière, rapporteur,
a exposé les principales dispositions contenues dans la convention de Montréal. Il a rappelé que le texte fondateur en matière de responsabilité civile des transporteurs aériens remontait à une convention signée à Varsovie en 1929. Cette convention constitue toujours le texte de référence en la matière, et est appliquée par 150 Etats membres. Cependant, des arrangements spécifiques ont été conclus au fil des années pour actualiser certains éléments de la convention de Varsovie. Le plus important de ces textes est constitué par le Protocole de La Haye, signé en 1955 par 133 Etats.

Par ailleurs, l'Union européenne s'est dotée, pour sa part, en 1997, d'un règlement spécifique sur la responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident.

Au total, cette responsabilité relève actuellement d'un ensemble disparate de textes qui n'ont pas tous les mêmes signataires. C'est pourquoi l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a réuni en 1996 une conférence d'actualisation de la convention de Varsovie, qui a abouti à la signature de la convention de Montréal en 1999. Le principal apport de ce dernier texte est de prévoir une prise en charge financière automatique par les transporteurs des dommages subis par les personnes transportées en cas d'accident. Cette procédure sera beaucoup plus favorable aux personnes transportées que les modalités retenues par la convention de Varsovie. Le rapporteur a souligné que l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne ont fait connaître leur intention d'effectuer la ratification de la présente convention d'ici à la fin 2002, et que l'Union européenne ratifiera également ce texte.

En conclusion, le rapporteur a souligné que ce texte clarifiait la situation juridique des transporteurs aériens et de leurs passagers, et ceci dans une période où l'aviation civile est affectée par une période d'incertitude. Il a donc recommandé à la commission d'adopter le projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur les modalités d'association des compagnies d'assurance à cette convention qui les impliquent financièrement, notamment par la suppression d'un plafond de remboursement en cas d'accident de voyageur. Il a rappelé que cette convention conclue en 1999 n'intégrait pas les difficultés économiques qui affectent l'aviation civile depuis les événements du 11 septembre 2001.

M. Hubert Durand-Chastel a rappelé les fortes sommes qui avaient été versées aux victimes ou à leur famille à la suite de l'accident qui avait détruit un Concorde lors de son décollage de Paris.

En réponse, M. André Rouvière, rapporteur, a rappelé les sommes visées aux ayants-droit des victimes décédées lors de l'accident du Concorde découlaient, non de procédures judiciaires, mais d'une transaction proposée par la compagnie utilisatrice du Concorde, en l'occurrence Air France. Il a précisé, par ailleurs, que, dans le cadre de la présente convention, la responsabilité financière des transporteurs serait mise en oeuvre sans plafond de responsabilité, et que les cotisations d'assurance leur incombant seront calculées à due concurrence.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

Traités et conventions - Convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » - Examen du rapport

La commission a ensuite entendu le rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 388 (2001-2002) autorisant la ratification du protocole coordonnant la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960 suite aux différentes modifications intervenues..

M. André Rouvière, rapporteur,
a rappelé que cette organisation européenne pour la sécurité aérienne avait été créée en 1960 par l'Allemagne, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, le Luxembourg et les Pays-Bas. Depuis cette date, la considérable intensification du trafic aérien a conduit à une première actualisation de cette organisation en 1981, avec l'adoption d'un protocole signé à Bruxelles par les six Etats précédents, auxquels s'était jointe l'Italie. Mais la nouvelle croissance du trafic enregistrée dans l'espace aérien européen a conduit la Conférence européenne de l'aviation civile, réunie en 1997, à proposer de nouvelles modifications. A cette occasion, ce sont 27 Etats européens qui ont alors adopté le principe d'une organisation plus efficace d'Eurocontrol, dont la présente convention est le fruit. Ses dispositions visent à centraliser la gestion des flux du trafic aérien européen, ainsi qu'à y associer plus étroitement les utilisateurs, tant civils que militaires, de ces flux. Par ailleurs, une nouvelle structure décisionnelle d'Eurocontrol a été mise en place, avec trois niveaux de décision : l'Assemblée générale, qui réunit des membres de rang ministériel, le Conseil qui regroupe les directeurs des autorités aériennes civiles et militaires, et enfin l'Agence, qui exécutera les décisions arrêtées par les deux premières instances.

Cette nouvelle organisation s'accompagnera de la suppression de la règle de l'unanimité pour les prises de décision ; celles-ci devront désormais être adoptées à une double majorité de 75 %, en nombre de votants, et en voix pondérées. Cependant, les Etats membres garderont la possibilité d'invoquer « des raisons impératives d'intérêt national touchant la défense ou la sécurité» pour ne pas appliquer certaines décisions qu'ils désapprouvent. Enfin, les redevances de route, qui constituent l'essentiel du budget d'Eurocontrol, seront désormais fixées pour une durée indéterminée, qui se substituera à l'échéance actuelle de cinq ans, prorogeable par tacite reconduction.

En conclusion, le rapporteur a estimé que cette convention modernise opportunément le mode de fonctionnement d'Eurocontrol et a donc recommandé l'adoption du projet de loi.

A la suite de cet exposé, M. André Dulait, président, a souhaité connaître les modalités de calcul des redevances de route, qui constituent le principal financement d'Eurocontrol.

En réponse, M. André Rouvière a précisé que ces redevances étaient fixées à hauteur de 30 % en proportion du produit intérieur brut des Etats membres, et à hauteur de 70 % des montants financiers acquittés par les compagnies aériennes survolant le continent européen.

La commission a adopté le projet de loi.

Contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2002- Communication du président

M. André Dulait, président, a ensuite présenté un bilan du contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2002.

M. André Dulait, président, a indiqué que l'essentiel de l'activité législative de la commission était en effet consacré à l'examen de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou accords internationaux qui n'entraînent pas, la plupart du temps, de textes d'application, sauf lorsqu'ils impliquent une modification, simultanée ou consécutive, de la législation interne. Il a précisé qu'au cours de l'année parlementaire écoulée, le Sénat avait ainsi adopté en séance publique 42 accords internationaux, dont 36 déposés en première lecture sur le bureau du Sénat, relevant de la compétence de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le président a ajouté que, durant l'année parlementaire 2001-2002, la commission n'avait pas procédé, en tant que commission saisie au fond, à l'examen de projets de loi qui soient distincts de ces projets ou accords de traités internationaux. Cependant, la loi portant organisation de la réserve militaire du service de défense était encore dans l'attente de textes d'application, même si le dispositif légal était d'ores et déjà applicable pour l'essentiel.

M. André Dulait, président, a indiqué :

- que la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense avait fait l'objet des principaux décrets d'application qu'elle prévoyait ;

- que le dernier texte en date, le décret n° 2002-536 du 18 avril 2002, prévoyait ainsi l'organisation générale du service de défense ;

- que des dispositions réglementaires restaient encore cependant à venir concernant :

- la possibilité de prime pour les réservistes exerçant une activité dans la réserve opérationnelle (art. 22 de la loi) ;

- la situation des agents publics non titulaires exerçant une activité dans cette même réserve opérationnelle (art. 27) ;

- la définition des catégories d'activité du service de défense (art. 32).

Enfin, s'agissant de l'instauration d'une journée générale du réserviste, M. André Dulait, président, a rappelé que le décret en Conseil d'Etat, prévu par l'article 55 de la loi était toujours en attente et que, pour l'année 2002, une circulaire du ministre de la défense avait prévu une journée spécifique -le 23 novembre- destinée à diffuser une information décentralisée sur la réserve opérationnelle afin de favoriser les recrutements nécessaires.

Désignation de rapporteurs

Puis la commission a désigné :

- M. Didier Boulaud comme rapporteur du projet de loi n° 251 (AN - XIIe législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part ;

- M. André Boyer comme rapporteur du projet de loi n° 252 (AN - XIIe législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part.

PJLF pour 2003 et loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 - Audition du général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des Armées

La commission a ensuite procédé à l'audition du général Henri Bentegeat, chef d'état-major des armées, sur la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 et le projet de loi de finances pour 2003 du ministère de la défense.

Le général Henri Bentegeat a tout d'abord rappelé que le gouvernement avait décidé d'accomplir un effort significatif en matière de défense à travers le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, afin de faire face à un environnement de sécurité complexe et tendu, marqué par la multiplication des attentats terroristes, la menace d'un conflit en Irak, la persistance de crises en Afghanistan et en Afrique et un engagement important de nos forces dans les Balkans. Dans ce contexte, le projet de loi de programmation va permettre le retour au niveau financier prévu pour atteindre le modèle d'armée 2015. Celui-ci, défini en 1996, reste la référence indispensable des armées pour mener à bien les programmes d'équipement dont la durée de vie excède une quinzaine d'années.

Ce modèle a toutefois été amendé pour tenir compte des enseignements des conflits récents et des besoins spécifiques de la lutte contre le terrorisme. Ainsi, les forces spéciales vont voir leurs moyens de transmission et de transport renforcés grâce, notamment, à l'acquisition de dix hélicoptères Cougar MK 2. Un effort particulier sera entrepris en matière de protection contre les menaces nucléaires bactériologiques et chimiques (NBC), l'objectif étant d'assurer la protection, en 2008, d'une force de 15.000 hommes et de dix sites particuliers.

En matière de sécurité intérieure, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) a dégagé un milliard d'euros de crédits d'équipement supplémentaires et créé 7.000 postes au profit de la gendarmerie. Enfin, les capacités de renseignements satellitaires et électromagnétiques seront renforcés, tandis que l'armée de l'air et la marine seront dotées du missile de croisière Scalp, qui pourra être aussi bien tiré à partir d'avions Rafale qu'à partir de plates-formes navales, dans une version adaptée.

Le projet de loi de programmation militaire a pour objectif principal de rétablir la capacité de la France à exercer ses responsabilités en Europe et dans le monde en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Trois priorités ont donc été dégagées par le Chef de l'Etat.

La première, a indiqué le chef d'état-major des armées, est la restauration de la disponibilité des équipements afin de rétablir la crédibilité des forces et le moral des armées. La réalisation de cet objectif nécessite l'accroissement des crédits d'entretien programmé des matériels (EPM), qui passeront d'une moyenne annuelle de 2,16 milliards d'euros sur les cinq dernières années à 2,4 milliards d'euros entre 2003 et 2008. Une réforme des procédures et des structures d'entretien, à travers une plus grande interarmisation et une plus grande synergie entre les industriels et les armées, est également nécessaire.

La seconde priorité est la modernisation des systèmes d'armes contribuant aux quatre fonctions stratégiques que sont la dissuasion, la prévention, la projection-action et la protection. En matière de dissuasion, le projet de loi de programmation permet la construction des deux derniers sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), la poursuite du programme de missiles M51, dont l'entrée en service est prévue en 2010, du programme de missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) et du programme de simulation dont le général Henri Bentegeat a souligné l'importance. En matière de prévention, le chef d'état-major des armées a indiqué qu'un effort serait fait pour le renseignement à travers des programmes nationaux de satellites (Hélios II) et de coopération avec l'Allemagne et l'Italie, la construction d'un nouveau bâtiment d'écoute et la livraison à l'armée de l'air de nouvelles nacelles de reconnaissance. Pour la fonction de projection-action, les principaux programmes sont la construction d'un second porte-avions, la livraison de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), la commande d'avions A400M, la rénovation des ravitailleurs en vol et d'une partie du parc des Cougar et Puma, la commande et la livraison d'hélicoptères NH 90 pour la marine. Les capacités de frappe dans la profondeur seront améliorées grâce à la livraison à l'armée de l'air du premier escadron de Rafale en 2006 et du programme visant à doter les forces françaises de moyens de frappe de précision tout temps, de jour comme de nuit (Armement Air-Sol Modulaire). Des moyens nouveaux seront également mis en oeuvre dans le domaine du commandement et des communications, afin que la France puisse remplir son rôle de nation-cadre d'une force européenne ou multinationale. Des moyens nouveaux de détection des frappes biologiques et chimiques, une capacité anti-missile de théâtre et la livraison du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) à l'armée de terre viendront améliorer la protection des forces. Enfin, la loi de programmation pour les années 2003-2008 verra le redressement des crédits d'études amont.

La loi de programmation militaire permettra en outre de consolider la professionnalisation. Elle effectue un ajustement des effectifs des armées. 7.000 postes de militaires sont créés dans la gendarmerie, 2.500 postes d'engagés contre la suppression de postes de volontaires dans l'armée de terre et 570 (220 médecins et 350 infirmiers) au profit du service de santé des armées. La réserve se voit dotée d'importants moyens nouveaux avec 86 millions d'euros, l'objectif étant un effectif de 82.000 réservistes en 2008. Un fonds de consolidation de la professionnalisation sera mis en place afin de renforcer l'attractivité, par rapport au secteur civil, de certaines spécialités, et de fidéliser les personnels engagés. Enfin, la loi de programmation intègre des objectifs d'entraînement des forces alignés sur les pratiques des armées étrangères les plus modernes.

Le général Henri Bentegeat a estimé que le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 marquait un effort sensible de la nation en faveur des armées, consolidant la position de la France. Ce projet de loi, même s'il est très favorable, ne permettra pas toutefois de rattraper tous les retards, notamment en matière de projection aérienne et maritime.

Evoquant les crédits de la défense inscrits au projet de loi de finances pour 2003, le général Henri Bentegeat a constaté leur stricte conformité à la première annuité de la programmation. Il a estimé cette conformité indispensable au rétablissement de la confiance au sein des armées. Le malaise récemment constaté trouvait en effet pour partie son origine dans une perte de confiance devant le « décrochage » budgétaire qui a notamment induit un effondrement de la disponibilité des matériels.

Le chef d'état-major des armées a relevé les augmentations du titre III à hauteur de 4,7 % et du titre V, de 10,6 %, en précisant que le niveau atteint était celui de la précédente programmation, une fois intégrée la revue des programmes. La loi de finances pour 2003 constitue une première étape qui devra être confirmée.

Il a estimé que les dotations du titre III étaient satisfaisantes. Le taux de renouvellement des engagements est actuellement de 75 %, ce taux étant fonction de la conjoncture et de l'efficacité de la reconversion. La part des rémunérations et charges sociales est stabilisée à 80 % du titre III, les 20 % restants étant consacrés à l'activité des armées, avec un objectif de 100 jours de sortie pour la marine et l'armée de terre. Le général Bentegeat a également souligné l'effort sur les crédits d'externalisation qui atteindront 40 millions d'euros en 2003.

Le titre V donne la priorité à la restauration de la disponibilité des équipements, avec un objectif de 75 % ; il permet également des commandes importantes, notamment l'achat d'avions Rafale et du missile MICA, ainsi que le développement du missile M 51.

Le chef d'état-major des armées a indiqué par ailleurs que 36.700 hommes étaient déployés hors de la France métropolitaine, dont 15.500 dans les DOM-TOM, 5.900 prépositionnés en Afrique et 14.000 en opérations extérieures dont 8.400 dans les Balkans. Pour 2003, le coût prévisionnel des opérations extérieures s'élevait à 670 millions d'euros. Sur les dix dernières années, ce montant s'établit en moyenne annuelle à 620 millions d'euros.

Evoquant la Côte d'Ivoire, le général Henri Bentegeat a qualifié la situation de préoccupante. L'issue des négociations, qui se tiennent à Lomé, est incertaine. Le rôle provisoire assigné aux forces françaises est la surveillance du cessez-le-feu conclu entre les deux parties. Une relève par la CEDEAO ne paraît pas imminente compte tenu des modalités de mise en place de la force. Dans l'hypothèse d'une relance des combats, la mission des forces françaises serait recentrée sur la stricte protection de nos ressortissants.

En République centrafricaine, les forces loyalistes ont repris le contrôle de la plus grande partie de la capitale, mais le recours à des éléments venus du Congo pose d'ores et déjà des difficultés, et des pillages ont été constatés. La France pourrait faire intervenir des forces prépositionnées au Gabon, dans le cas où une menace pèserait sur nos compatriotes.

En conclusion, le général Henri Bentegeat a rappelé qu'avec le projet de loi de programmation militaire, un effort très important avait été consenti par la nation au profit des armées. La réalisation du modèle 2015 dépendra de l'exécution fidèle des engagements pris ; en contrepartie, les armées devront faire preuve d'un effort accru de rigueur dans la gestion des crédits. L'ensemble permettra de disposer de forces modernes, efficaces et respectées à l'extérieur.

A la suite de l'exposé du chef d'état-major des armées, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.

M. Serge Vinçon a demandé des précisions sur la capacité actuelle de la France à assumer le rôle de nation-cadre pour des opérations multinationales. Il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la politique européenne de sécurité et de défense, et en particulier la possibilité, pour l'Union européenne, de prendre la relève de l'OTAN en Macédoine. Il a souligné la nécessité de mieux mettre en valeur les résultats d'ores et déjà obtenus par le programme de simulation nucléaire. Il a souhaité savoir si la coopération européenne en matière spatiale allait se concrétiser, et si elle pourrait porter sur des domaines nouveaux, tels que l'alerte avancée en vue de la détection des tirs de missiles balistiques. Enfin, il a fait part des incertitudes actuelles sur la création d'une structure interarmées de maintenance pour les matériels terrestres.

M. Xavier de Villepin a souhaité recueillir le sentiment du chef d'état-major des armées sur l'évolution de la politique européenne de sécurité et de défense, qui semble connaître un certain essoufflement. Il s'est interrogé sur la concurrence éventuelle entre la force de réaction rapide de l'Union européenne et celle que les Etats-Unis proposent de créer dans le cadre de l'Alliance atlantique. S'agissant des opérations extérieures, il a demandé si elles continueraient à être financées par prélèvement sur le budget courant de la défense. Il a évoqué les dernières évolutions du dossier de l'avion de transport A 400 M. Enfin, il a demandé si les troupes françaises en Côte d'Ivoire verraient leurs effectifs diminuer dans l'hypothèse d'une intervention de forces des pays de la Communauté économique des Etats d'Afrique occidentale (CEDEAO).

M. Guy Penne a observé la relative lenteur avec laquelle semble se préparer une éventuelle relève par la CEDEAO en Côte d'Ivoire. Il a souligné la situation délicate dans laquelle se trouvait la France, compte tenu de l'évolution de la situation sur le terrain. Plus généralement, et notamment au vu des événements en République centrafricaine, il a souligné les difficultés à garantir la sécurité de nos ressortissants en Afrique tout en veillant à ne pas opter pour le soutien des régimes en place.

M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur la prise en charge des coûts de personnel et d'équipement de la force de la CEDEAO en Côte d'Ivoire. Il a par ailleurs souhaité savoir si nos services de renseignement ne disposaient pas d'informations laissant présager le soulèvement d'une partie de l'armée ivoirienne. Enfin, il s'est interrogé sur la présence d'éléments libyens en République centrafricaine.

M. Philippe François a interrogé le chef d'état-major des armées sur les perspectives de rénovation du missile Exocet. Il lui a par ailleurs demandé son sentiment sur le passage des forces de gendarmerie sous la tutelle du ministère de l'intérieur.

À la suite de ces interventions, le général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, a apporté les précisions suivantes :

- nos forces prépositionnées en Côte d'Ivoire, qui sont constituées par les 450 hommes du 43e Bataillon d'infanterie de Marine, ont été renforcées, à la suite de la crise actuelle, et atteignent désormais 1.600 hommes ; ce niveau d'engagement a vocation à diminuer dès que la situation le permettra ;

- en Côte d'Ivoire comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique, nos services de renseignement recueillent régulièrement des informations sur des projets de coup d'Etat, sans pour autant que l'on puisse anticiper avec certitude la probabilité de réalisation et son échéance éventuelle ; en l'occurrence, le fait que le soulèvement armé provienne d'une partie de l'armée ivoirienne et que l'on ne dispose d'aucune certitude sur une éventuelle intervention étrangère, ne permettait pas de mettre en oeuvre les accords de défense et d'agir contre les mutins ;

- la France, dans le cadre du dispositif de renforcement de capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP), s'est déclarée disposée à prendre en charge les frais de personnels et l'équipement d'un bataillon au profit de la force de la CEDEAO en Côte d'Ivoire ;

- entre 200 et 300 militaires libyens sont présents en République centrafricaine, mais seront prochainement retirés, un accord ayant été obtenu pour l'envoi d'une force de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) dirigée par le Gabon ;

- les difficultés de la mise en oeuvre pratique de la politique européenne de sécurité et de défense et le rapprochement entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont contribué à un réel sentiment d'essoufflement de l'esprit de Saint-Malo ; pour autant, il ne faut pas négliger les progrès accomplis, en particulier la création des institutions et des procédures permettant à l'Union européenne de décider d'une opération et d'en assurer le contrôle politique ; par ailleurs, en dépit de certaines lacunes, la constitution d'une capacité européenne d'action militaire est en cours, avec pour objectif d'être opérationnelle en 2003 ;

- la création, au ministère de la défense, d'un centre de planification et de conduite d'opérations (CPCO) traduit la volonté de la France de pouvoir assumer le rôle de nation-cadre pour des opérations multinationales ; ce centre permettra d'assurer le commandement stratégique d'opération pour une force du niveau brigade en 2003, du niveau division en 2005 et du niveau corps d'armée en 2007 ; il s'agira d'un poste de commandement « multinationalisable », capable d'accueillir jusqu'à 400 officiers français et européens ; son équipement reposera sur des systèmes d'information et de commandement permettant de diriger une opération multinationale depuis Paris, conformément aux engagements pris pour la constitution des capacités européennes ;

- le projet de force de réaction rapide de l'OTAN, qui pourrait ne se limiter qu'à des unités européennes, ne doit pas handicaper la mise en place de la force de réaction européenne ; les deux forces ne sont pas concurrentes, car elles reposent sur un même réservoir d'unités ; nous veillerons à la compatibilité des deux démarches ;

- il n'est pas prévu d'acquérir d'ici 2008 une capacité spatiale d'alerte, mais le projet de loi de programmation prévoit le financement d'études-amont dans le cadre du programme de défense antimissiles de théâtre ; il serait nécessaire de développer cette capacité en coopération européenne, en se rapprochant notamment des allemands et des italiens ;

- l'opportunité de la création d'une structure interarmées de maintenance des matériels terrestres (SIMMT) fait actuellement l'objet d'une étude d'évaluation ;

- depuis 10 ans, le poids financier des opérations extérieures représente environ 620 millions d'euros par an, principalement financés en loi de finances rectificative par prélèvement sur les crédits d'équipement de la défense ; un groupe de travail commun au contrôle général des armées et à l'inspection générale des finances doit remettre l'an prochain ses conclusions en vue d'améliorer le mode de financement des opérations extérieures, par exemple par un meilleur provisionnement en loi de finances initiale ; d'autres améliorations pourraient être permises dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ;

- l'équilibre économique du programme d'avion de transport A 400 M exigerait une commande minimale de 60 appareils par l'Allemagne ; toutefois, ce seuil ne tient pas compte de commandes nouvelles provenant de pays qui ne sont pas actuellement partie au programme ; l'Italie n'exclut pas de se rallier au programme à partir de 2006 et des pays non-européens, comme le Canada, marquent leur intérêt pour cet avion ; il est donc possible de rester raisonnablement optimiste, pour autant que le Royaume-Uni accepte d'attendre la décision définitive de l'Allemagne sur ce dossier ;

- le projet de loi de programmation permet la rénovation des trois composantes de la famille Exocet : air-air, sol-mer et mer-mer. Pour cette dernière version (MM40), des négociations sont en cours avec l'industriel pour un éventuel changement de mode de propulsion, qui en augmenterait la portée ;

- le passage de la gendarmerie sous l'autorité du ministère de l'intérieur, pour les missions de sécurité intérieure, répondait à une nécessité et s'effectue dans des conditions satisfaisantes ; il reste à observer comment évoluera la question du statut militaire de la gendarmerie ; il n'y a pas en cette matière de voie moyenne, qui consisterait à conserver certains aspects du statut militaire et à en écarter d'autres ; le statut militaire, fondé sur les exigences de discipline et de disponibilité, forme un tout indissociable qu'il faut préserver.