Table des matières




Mardi 19 novembre 2002

- Présidence de M. André Dulait, président -

Union européenne - Avenir de l'Europe - Audition de M. Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. André Dulait, président, et la délégation pour l'Union européenne, présidée par M. Hubert Haenel, président, ont procédé à l'audition de M. Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, sur l'avenir de l'Europe.

M. Jacques Delors a considéré que la Convention pour l'avenir de l'Europe, qui a su élargir son audience au-delà du premier cercle des seuls experts, pouvait, de ce fait, être d'ores et déjà qualifiée de succès.

La tâche de la Convention est difficile. Néanmoins, le choc institutionnel sur lequel elle pourra déboucher n'induira pas de façon automatique un progrès de la construction européenne. La réforme des institutions devait être entreprise, elle ne résoudra cependant pas l'ensemble des problèmes posés à l'Union.

Dans un premier temps, M. Jacques Delors a souhaité tirer quelques enseignements de ce qu'est la réalité de l'Europe actuelle. Si l'on considère l'état de l'Union, trop de chantiers à ses yeux sont désormais engagés pour pouvoir les mener à bien de façon satisfaisante dans l'Union élargie. S'il est possible de porter un regard positif sur la réalisation de la paix depuis plus de 40 ans, de tirer un bilan, plus mitigé, de la coopération économique, l'Union européenne peine à s'affirmer en termes d'influence politique, faute de la puissance nécessaire même si elle a forgé des instruments et des réflexions utiles.

Evoquant la question de l'élargissement, M. Jacques Delors a considéré qu'elle recelait deux défis : celui issu de l'écart de développement entre les anciens et les nouveaux membres d'une part, et celui du nombre d'autre part. Prenant pour exemple un précédent élargissement, il a rappelé que le niveau de vie de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce atteignait les 2/3 du niveau de vie moyen de la communauté, alors que celui des nouveaux candidats n'atteint que le tiers, ce qui devra être pris en considération avant la définition de normes communes.

Evoquant, dans un second temps, les perspectives d'avenir de l'Europe, M. Jacques Delors a fait part de sa conviction du primat du projet sur les institutions. Ce projet commun doit être défini à l'aune des ambitions qu'une Europe élargie à 27 ou 30 membres peut raisonnablement se fixer, et ce, afin d'éviter une focalisation sur des objectifs qui se révèleraient hors d'atteinte.

Trois objectifs s'imposent : la paix, le développement durable et la diversité culturelle. La paix reste encore un défi si l'on considère la situation dans les Balkans. Le succès économique de l'Europe, par ailleurs, a été bâti sur un triptyque : une compétition considérée comme stimulante en économie ouverte, une coopération nécessaire et une exigence de solidarité, qui s'est traduite notamment par les politiques structurelles, dont le dernier volet risque cependant d'être remis en question sous la pression des contraintes budgétaires.

Les relations avec le reste du monde ne doivent pas simplement se fonder sur des accords de libre échange. Ceci est du ressort de l'organisation mondiale du commerce qui, du reste, n'est pas sans susciter certaines réserves quant au respect de la diversité culturelle. L'Europe doit exercer une responsabilité particulière à l'égard de l'Est, du Sud -l'Afrique en particulier- et de l'Amérique latine, en élaborant des accords de type nouveau qui seraient l'expression d'un rapport « spécial » avec ces différentes régions.

Evoquant la question de la candidature turque, M. Jacques Delors a considéré que, d'une certaine manière, les évolutions sont tracées. La question fondamentale est celle des rapports entre élargissement et approfondissement de la construction européenne, qui est tout autant posée par la négociation en cours que par celle qui pourrait s'engager avec la Turquie.

Examinant l'avenir de la Nation dans l'ensemble européen, M. Jacques Delors a souligné le besoin de référence nationale dans un monde global, pour rassurer les citoyens. Il a rappelé à cet égard sa proposition d'une fédération d'Etats nations. Il a ainsi considéré que les Etats devaient conserver la maîtrise des instruments de la cohésion nationale, l'emploi, la culture, l'éducation et la sécurité sociale. L'union économique et monétaire devrait constituer un véritable test de la volonté de donner une dimension sociale à l'Union. Alors que l'équilibre entre politique économique et politique monétaire est prévu par les traités, la politique monétaire reste prépondérante dans les faits et la coordination entre les politiques économiques est encore insuffisante alors qu'elle devrait constituer l'atout majeur dans la lutte contre le chômage.

M. Jacques Delors a ensuite plaidé pour la nécessité de la « différenciation », interprétée à tort comme une Europe « à deux vitesses ». Il a  exposé dans quelle mesure cette démarche constituait la voie privilégiée pour la résolution du dilemme entre élargissement et l'approfondissement de l'Europe. Il faut accepter la constitution d'une avant-garde ou la définition de « coopérations renforcées » qui permettent aux pays qui le peuvent et qui le veulent d'aller plus loin ensemble, notamment en matière d'union économique et monétaire, de défense ou d'actions communes de politique étrangère, faute de quoi l'Europe s'expose à un risque de dilution.

M. Jacques Delors a ensuite insisté sur l'importance du mécanisme de décision et de régulation. Le couple Commission-Conseil doit être le véritable exécutif de l'Union, même si l'intergouvernemental doit demeurer pour les questions de politique étrangère et de sécurité. La commission est une garantie d'efficacité, à la condition d'opérer une plus grande sélectivité de ses domaines d'action, ce qui implique de faire des choix.

En conclusion, M. Jacques Delors a souhaité aborder deux questions qui font débat sur la légitimité de l'Union, précisant que la crise de la représentation démocratique était un phénomène qui dépassait largement la simple question de la représentativité des institutions européennes, pour atteindre l'ensemble des institutions représentatives. L'Europe ne peut seule répondre à la montée de l'individualisme dans les comportements sociaux.

Les deux questions posées sur ce thème, selon lui, sont les suivantes : l'implication des Parlements nationaux et l'opportunité de donner une « tête » à l'Union européenne.

M. Jacques Delors a fait part de sa réticence vis-à-vis de la création de nouvelles institutions qui se superposeraient aux précédentes. Réservé sur la création d'un Congrès qui risquerait de trouver ses prérogatives insuffisantes, il s'est déclaré plus favorable, pour assurer le respect du principe de subsidiarité, à la possibilité d'un mécanisme d'avertissement par les Parlements nationaux, selon des modalités qui restent à définir. Il a indiqué que cette question de la transparence et du souffle démocratique relevait d'abord des parlementaires et qu'il leur appartenait d'en proposer les modalités, sur lesquelles il souhaitait, quant à lui, garder une position ouverte.

Sur l'opportunité de donner une « tête » à l'Europe, il a attiré l'attention des parlementaires sur les motivations réelles des promoteurs de différentes propositions institutionnelles, relevant que celles qui pouvaient apparaître comme audacieuses ne servaient pas forcément la cause d'une Europe efficace, surtout si elles devaient se traduire par un affaiblissement des institutions existantes.

Après l'exposé de M. Jacques Delors, un débat s'est engagé avec les commissaires.

M. Hubert Haenel, président, a tout d'abord indiqué que la Convention avait beaucoup progressé depuis la mise en place des groupes de travail spécialisés. Il a cependant relevé certains clivages entre « petits » et « grands » pays, entre les représentants du Parlement européen et autres conventionnels, ou encore entre les partisans de la méthode communautaire et ceux de la méthode intergouvernementale. Il a également souligné le fait que les Britanniques s'étaient beaucoup investis dans le fonctionnement de la Convention pour faire valoir leur vision de l'Europe. Evoquant le rôle souhaitable des Parlements nationaux dans le futur, il a par ailleurs estimé qu'il était possible de concevoir une COSAC profondément rénovée qui permettrait aux représentants des Parlements nationaux de se réunir régulièrement, de débattre et d'entendre les dirigeants de l'Europe. Il a insisté sur l'intérêt du principe de différenciation, seul à même de permettre à une « avant-garde » de préserver la spécificité et le dynamisme de la construction européenne. Il s'est ensuite interrogé sur la possibilité juridique de surmonter l'éventuel refus, par un ou plusieurs des Etats-membres, de ratification du futur traité élaboré par la CIG. Il a regretté que le groupe de travail sur la gouvernance économique n'ait pu aboutir à des résultats, pour l'instant. Il s'est en outre demandé quelle devait être la juste part réservée à la méthode communautaire ou à la méthode intergouvernementale dans les deuxième et troisième piliers. Enfin, il s'est interrogé sur l'inclusion, dans la charte sur les droits fondamentaux, d'une référence à l'héritage religieux de l'Europe, sans pour autant privilégier une religion sur une autre.

M. Pierre Biarnès s'est interrogé sur la possibilité de favoriser des coopérations renforcées alors même que certains Etats s'y opposent déjà, et sur les conditions dans lesquelles l'Union européenne pourrait développer des coopérations spécifiques avec certains Etats de sa périphérie comme l'Ukraine, la Turquie, ainsi qu'avec les pays du sud de la Méditerranée, d'Afrique ou d'Amérique latine.

M. Lucien Lanier a insisté sur la nécessité de préserver la cohésion de l'Union européenne, alors que le nombre de ses membres va augmenter. Il s'est inquiété de l'atonie de l'Europe de la défense et s'est interrogé sur les modalités permettant de rééquilibrer le pouvoir du Parlement européen par une seconde Chambre qui pourrait se fonder sur une COSAC renforcée.

M. Jean François-Poncet a relevé que l'élargissement ne pouvait pas conduire à réduire les objectifs et les ambitions de l'Europe. Il a souhaité qu'émerge, à partir du couple franco-allemand, un groupe cohérent de pays, présents dans l'ensemble des coopérations renforcées et constituant l'avant-garde de l'Union européenne.

M. Philippe François a souligné que l'Europe ne devait pas s'occuper de tous les sujets et que le fondement de ses progrès restait la volonté commune de la France et de l'Allemagne.

M. Jacques Delors a alors apporté les précisions suivantes :

- le futur traité devrait effectivement prévoir la possibilité de poursuivre la construction européenne même si un Etat ne le ratifie pas ;

- sans l'émergence d'une véritable gouvernance économique en Europe, la pérennité de l'Union monétaire n'est pas assurée, les banques centrales ne pouvant se substituer aux gouvernements. L'actuel défaut de coopération économique devra être corrigé à l'avenir ;

- il est souhaitable de maintenir la distinction entre des actions communes de politique étrangère, d'une part, et la défense, d'autre part, la définitition d'une politique étrangère commune restant difficile entre des pays qui ont des traditions politiques très différentes ;

- l'Europe devrait concentrer ses efforts pour aboutir plus rapidement à de vrais progrès dans les domaines relevant du troisième pilier, la sécurité intérieure étant devenue une préoccupation majeure depuis le 11 septembre ;

- si l'intégration de la Charte des droits fondamentaux au sein des traités ouvrait la possibilité de recours directs devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), il y aurait un risque d'une extension incontrôlée des compétences de l'Union. Il est en outre vraisemblablement prématuré de faire, dès aujourd'hui, de la CJCE une cour constitutionnelle ;

- une référence à la religion pourrait être intégrée, dans la mesure où la rédaction du texte prendrait en compte à la fois la tradition judéo-chrétienne, l'héritage du droit romain, de la démocratie grecque et de la présence musulmane en Europe ;

- les relations particulières avec l'Afrique peuvent être définies par des accords afin d'approfondir la nécessaire coopération de l'Europe avec ce continent ;

- refuser une ouverture en direction de la Turquie, alors que beaucoup d'engagements ont été pris, pourrait avoir de graves conséquences dans les circonstances actuelles où est souvent évoquée la menace d'un « choc des civilisations » ;

- l'Europe de la défense est l'un des secteurs où la mise en place de coopérations renforcées est particulièrement souhaitable, puisque tous les pays n'ont pas les mêmes objectifs. Dans ce cas, la construction d'une Europe de la défense à 15 conduit à une superposition de structures très complexes ;

- le renforcement de la COSAC est-il une solution pertinente pour conforter le rôle des Parlements nationaux ? Il revient aux parlementaires eux-mêmes de décider d'un éventuel nouveau système, sachant que l'idée de créer des institutions nouvelles doit être soigneusement pesée ;

- le couple franco-allemand est certes essentiel au progrès de la construction européenne, mais il a besoin, pour bien fonctionner, d'un « honnête courtier » pour rapprocher les positions et concrétiser une entente indispensable. Ce rôle peut être joué par la Commission ou par son Président.

Mercredi 20 novembre 2002

- Présidence de M. André Dulait, président -

PJLF pour 2003 - Crédits du ministère des affaires étrangères consacrés à l'aide au développement - Examen du rapport pour avis

La commission a examiné le rapport pour avis de Mme Paulette Brisepierre sur les crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 consacrés à l'aide au développement.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé que l'année 2002 avait été ponctuée de rendez-vous importants qui ont relancé l'actualité de l'aide au développement, le Président de la République ayant clairement fait, de ce sujet, une priorité française, au dernier sommet du G8, en affirmant sa volonté de parvenir, sur la durée de son mandat, à un montant de 0,5 % de notre richesse nationale.

Elle a estimé que l'aide au développement n'était pas le luxe d'une nation en quête d'influence, mais bien un impératif d'action, tant le déséquilibre des richesses est facteur d'instabilité.

Elle a constaté que, depuis quelques années, le volume de notre aide était en diminution constante avec, pour corollaire, la part croissante des volumes multilatéraux résultant de nos engagements internationaux, et que, depuis la réforme de notre outil de coopération, elle était en quête d'orientations et de priorités.

Cette réforme, nécessaire, doit maintenant ouvrir la voie à une coopération décomplexée, qui recherche une efficacité maximale dans le cadre de partenariats renouvelés.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a considéré que les orientations dessinées par les crédits 2003 de l'aide au développement contribuaient à ce mouvement : elles marquent le renouveau de l'aide bilatérale, assorti d'une plus grande concentration des volumes, tout en accordant une attention particulière à la question difficile du poids de la dette.

Exprimant sa satisfaction quant aux orientations retenues, elle a formulé quelques observations : ces crédits, en particulier dans leur présentation, sont perfectibles. Bien que non comptabilisée au titre de l'aide au développement, la réduction continue des crédits de la coopération militaire ne peut emporter l'adhésion dans le contexte actuel. De même, l'aide européenne, qui mobilise près de 20 % des crédits, doit absolument gagner en efficacité. Enfin, les orientations annoncées par le ministre des affaires étrangères, qui visent à un meilleur pilotage des crédits d'aide au développement, paraissent devoir être soutenues pour renforcer l'efficacité de notre dispositif.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a indiqué qu'en 2003, le montant total de l'aide publique française atteignait 0,38 % du PIB et 5,8 milliards d'euros.

Une grande partie du montant global, 2,7 milliards d'euros, soit 45 % du total, provient de sources extrabudgétaires.

Les crédits du budget de l'Etat qui concourent à l'aide au développement proviennent de onze ministères, dont neuf représentent à peine 10 % du total, le ministère des affaires étrangères totalisant 59,3 % des crédits et le ministère de l'économie et des finances, 31,3 %.

Au sein d'un budget des affaires étrangères en hausse de 13,34 %, la part des crédits d'aide au développement passe de 41,75 % des crédits votés en 2002 à 46 % en 2003. Ces évolutions marquent un net retournement de tendance par rapport aux années précédentes.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a relevé que la présentation des crédits, qui mêle coopération culturelle et aide au développement, était d'une clarté très relative. Cette critique, récurrente de la part des parlementaires, a été reprise cette année par la Cour des comptes. Sans même attendre la pleine application de la nouvelle loi organique sur les lois de finances, une redéfinition de l'agrégat « aide au développement » paraît indispensable. Cette préoccupation, qui peut paraître technique, est au coeur même du travail parlementaire.

Elle a ensuite évoqué les nouvelles orientations prises par l'aide au développement. La part de l'aide bilatérale passe de 64 à 69 % du total.

Le nombre des assistants techniques, en constante diminution, devrait être stabilisé en 2003.

La répartition géographique, quant à elle, évolue modestement : la zone de solidarité prioritaire passe de 61 à 54 pays. Les pays des petites Antilles ainsi que Maurice et les Seychelles en reviennent, tandis que le Soudan et le Yémen y entrent.

Un mécanisme de suspension de l'aide est en outre prévu, sur le modèle européen, qui prévoit que seules les actions au bénéfice direct des populations seront maintenues dans les hypothèses de violation grave des principes de la bonne gouvernance.

Abordant le détail des crédits 2003, elle a signalé que le budget était surtout marqué par la budgétisation des contrats de désendettement et de développement (C2D) pour un montant de 91 millions d'euros, qui constituent le volet bilatéral de la contribution française à l'initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE).

Elle a rappelé que pour les pays qui remplissent des critères d'éligibilité à l'Initiative, appréciés par le FMI et la Banque mondiale, les C2D visaient à refinancer par dons, essentiellement sous forme d'aide budgétaire affectée à des programmes sectoriels, les échéances de prêts remboursées par les Etats. La mise en oeuvre des C2D relève de l'Agence française de développement. A terme, 16 pays de la ZSP devraient être concernés par cette procédure, pour un montant global de 3,7 milliards d'euros.

Décrivant les crédits destinés à l'assistance technique, Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a rappelé que cet outil, reconnu et apprécié, avait été la grande victime de la réforme de la coopération.

Elle a signalé que les crédits consacrés à l'expertise de longue durée subissaient une légère baisse, tandis que 750 000 euros étaient transférés des missions de courte durée vers le GIP « France coopération internationale ».

Elle a rappelé que la création de ce GIP avait été approuvée par le CICID du 14 février 2002 pour « la mobilisation et la gestion de l'expertise de courte et moyenne durée ». Le groupement d'intérêt public a mission de « gérer de manière active, dynamique et interministérielle, les viviers d'expertise et d'inciter à l'acquisition d'une expertise dans la coopération internationale ».

ADETEF, qui fonctionnait auprès du ministère des finances sous la forme juridique d'une association se transforme également en GIP ; les deux ministères ont reçu mission de veiller à la coordination et aux échanges d'information entre les deux entités. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a regretté le maintien de deux structures séparées pour assurer la maîtrise d'oeuvre en matière d'assistance technique et gérer un vivier qui a vocation à s'élargir et à devenir largement commun.

Elle a évoqué la hausse de 14 % des crédits consacrés à l'aide alimentaire, avec un montant porté à 16,7 M€. Ces crédits ne sont destinés qu'au transport de l'aide alimentaire dont l'achat, pour lequel un montant de 21,15 M€ est inscrit au budget du ministère de l'agriculture, relève de ce dernier ministère. S'agissant de l'achat, les crédits d'aide alimentaire sont strictement reconduits.

Pour ce qui est des crédits affectés à la coopération militaire et de défense, Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a déploré qu'ils soient en baisse pour la troisième année consécutive et pour l'ensemble des composantes. L'exemple ivoirien illustre, si besoin en était, les difficultés rencontrées par les armées locales et la nécessité de renforcer leur professionnalisme. La gestion des crises par les organisations régionales se heurte à des problèmes de moyens et d'organisation pour lesquels une assistance est souhaitable.

Le désengagement militaire de la France en Afrique doit s'accompagner des moyens nécessaires à une reprise des missions par les organisations locales, ce que la baisse régulière des crédits ne paraît pas permettre dans des conditions satisfaisantes.

Abordant les crédits consacrés à la participation de la France au fonds européen de développement, elle a rappelé que, depuis 2002, les crédits correspondant à la participation de la France au FED figuraient au budget du ministère des affaires étrangères et non plus à celui des charges communes. Avec une dotation de 496 M€ en 2003, l'augmentation (127 %) apparaît considérable. Une fois intégrée la majoration des crédits de 137 M€ intervenue en loi de finances rectificative, l'augmentation constatée est de moins de 42 % et correspond à une montée en puissance attendue des décaissements du FED. Dans son rapport publié en février 2002, l'office européen de coopération, Europe Aid, notait une augmentation des décaissements de 17 % en 2001.

Des progrès restent à faire au vu du montant très important des autorisations de programme en stock sur le FED : au 1er janvier 2002, elles s'élevaient à 10,8 milliards d'euros.

En grande partie responsable de la « multilatéralisation » de l'aide française au développement, la contribution de la France au FED occupe désormais une place importante dans notre dispositif d'aide. Le règlement financier du nouveau FED prévoit la possibilité de déléguer des crédits à des agences nationales, dispositif auquel l'Agence française de développement pourrait apporter son savoir-faire. La Commission semble cependant réticente à cette renationalisation des circuits d'aide, la voie paraissant plutôt être celle des cofinancements.

Si les premiers fruits de la réforme initiée sous présidence française semblent s'annoncer, le rythme de décaissement des crédits européens devra faire l'objet de la plus grande attention. Premier contributeur, la France ne peut laisser perdurer une situation telle que face aux besoins immenses des populations, des fonds restent à ce point inutilisés.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a ensuite annoncé que les deux outils de notre aide bilatérale, le fonds de solidarité prioritaire et l'Agence française de développement, s'inscrivaient également dans une tendance positive avec des crédits en hausse de près de 40 %.

Pour 2003, les crédits de paiement sont reconduits et l'on observe une augmentation de 26,5 % des autorisations de programme.

La répartition sectorielle des projets évolue également : en 2002, les enveloppes pour l'Afrique subsaharienne devaient représenter environ 67 % des projets.

Evoquant les activités de l'Agence française de développement, Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a indiqué que la contrainte budgétaire avait conduit l'Agence à fermer plusieurs bureaux en Afrique ; son activité en dons doit être maintenue à un volume d'intervention minimale, sinon ses frais de structure sont trop élevés.

Elle a ensuite évoqué les crédits inscrits au budget du ministère de l'économie et des finances. 35 % des crédits budgétaires d'aide publique au développement sont inscrits au budget du ministère de l'économie et des finances pour un montant de 996,36 M€. Ces crédits sont principalement dédiés à l'aide multilatérale et aux allègements de dettes ainsi que pour une part plus marginale, aux dépenses d'intervention.

En conclusion, Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a estimé que les crédits 2003 suscitaient, de la part des acteurs du développement, des espérances dont il appartenait à la Commission de veiller à ce qu'elles ne soient pas déçues : la reprise de l'aide, amorcée en 2002, a fait l'objet d'une régulation drastique qui s'est traduite sur le terrain par une perte de confiance et de crédibilité sans parler de la motivation de ceux qui se dévouent à leur mission.

L'année 2003 devra confirmer, en exécution, les évolutions positives que dessine ce projet de budget et prendre la mesure de l'urgence des situations. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a alors proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères relevant de l'aide au développement.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Xavier de Villepin a observé que l'organisation française de l'aide publique au développement, qui emprunte des canaux très différents, manquait de clarté. A titre d'exemple, il est difficile, a-t-il regretté, de mettre en évidence l'effort consenti par la France en matière de dette. L'Agence française de développement devrait en outre être placée sous la tutelle effective du ministère des affaires étrangères.

Evoquant la situation en Côte d'Ivoire, il a exprimé son inquiétude devant l'évolution de l'économie et des conditions de sécurité, notamment pour les ressortissants français.

Evoquant les cas précis d'Haïti et du Bangladesh, il a considéré que la France devait maintenir son aide à des pays dont la situation est catastrophique, en dépit des pressions américaines pour un retrait de toute aide au développement à certains pays.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a considéré que les contributions volontaires aux agences des Nations unies devaient impérativement être revues à la hausse pour permettre à la France d'y remplir le rôle qui lui revient. Elle a signalé que l'évolution subie par l'Afrique suscitait déception et scepticisme au sein de l'opinion publique. Il convient donc de clarifier les modalités de notre aide et de la rendre plus lisible. A cet égard, la coopération décentralisée rencontre un soutien beaucoup plus clair de la part des populations.

S'agissant de la Côte d'Ivoire, une exigence française beaucoup plus affirmée, le plus en amont possible, en matière de bonne gouvernance, aurait peut-être pu permettre d'éviter les conséquences dramatiques de la mise en exergue du thème de « l'ivoirité » par les gouvernants successifs. Le danger qui menace le pays n'est pas simplement celui de l'effondrement économique, mais bien d'un danger pour les personnes et d'une fragilisation régionale.

M. Hubert Durand-Chastel a considéré que l'aide publique au développement constituait une réponse indispensable à une pauvreté croissante qui alimente des crises de plus en plus graves. Il s'est interrogé sur la possibilité de mieux identifier la contribution française à l'aide multilatérale.

M. Philippe de Gaulle s'est interrogé sur l'opportunité d'emprunter le canal communautaire pour mener une politique d'aide au développement. Il a évoqué le niveau de la coopération française avec l'armée ivoirienne, considérant que la France ne devait pas afficher une implication trop importante dans le conflit.

M. Paul Dubrule a souhaité connaître la part des prêts et des dons dans l'aide bilatérale. Parmi les modalités de la coopération, il a souligné l'importance de la formation.

M. André Dulait, président, a déploré la multiplication des structures de gestion de la coopération. Il a considéré que l'exigence de la bonne gouvernance se heurtait souvent au principe de non-ingérence dans les affaires d'un pays, ce qui rendait difficile une intervention très en amont pour prévenir des crises internes.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a estimé que la France ne devait pas dissimuler le travail effectué et qu'elle devait soutenir l'assistance technique, spécificité française reconnue, comme moyen de présence dans les pays bénéficiaires. Elle a insisté sur l'urgence des situations et souligné la nécessité d'une plus grande réactivité des actions d'assistance.

PJLF pour 2003 - Crédits du ministère des Affaires étrangères consacrés aux relations culturelles extérieures et à la francophonie - Examen du rapport pour avis

Puis la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur les crédits affectés, au sein du ministère des affaires étrangères, aux relations culturelles extérieures et à la francophonie pour 2003.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga
a précisé que la part des crédits du ministère des affaires étrangères dédiée à l'ensemble de ses actions culturelles extérieures s'élèverait, en 2003, à 1,108 milliard d'euros, en progression de 2,40 % par rapport à 2002. Elle a souligné que la modicité de ce chiffre devait être analysée comme une stabilisation globale des moyens d'une année sur l'autre. Cette situation, a-t-elle noté, persiste depuis plusieurs années. Ainsi, de 1996 à 2003, les crédits affectés aux relations culturelles extérieures, en monnaie courante, n'ont progressé que de 1,02 %, ce qui, en monnaie constante, correspond à une régression. Elle a fait observer que cette situation entrait en contradiction avec l'ambition politique constante de la France d'appuyer sa diplomatie sur son rayonnement culturel. Ainsi, faute de financement approprié, les priorités nouvelles doivent souvent être réalisées par redéploiement interne. L'évolution des actions en matière d'audiovisuel extérieur, avec la rénovation des actions et des programmes de Radio France International (RFI), et de TV5 Monde, qui est très positive, s'est effectuée au détriment d'autres actions, comme l'appui à la diffusion du livre français, ou encore l'envoi de troupes artistiques à l'étranger. Mais le secteur qui, cette année, est le plus affecté par le projet de budget, est le réseau d'établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont pourtant 50 % du financement est assuré par les familles qui y scolarisent leurs enfants. De surcroît, la modernisation des techniques de diffusion culturelle, avec l'utilisation croissante de l'audiovisuel, implique un financement accru. Or, a déploré Mme Monique Cerisier-ben Guiga, la majoration des crédits du budget du ministère des affaires étrangères pour 2003 sera intégralement affectée aux actions, par ailleurs tout à fait légitimes, en matière d'aide publique au développement.

Analysant ensuite les priorités principales retenues pour 2003 en matière culturelle, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a souligné que la première d'entre elles visait à la conception d'une chaîne audiovisuelle d'information francophone à l'audience la plus large possible. Elle a fait valoir le caractère tout à fait opportun de ce projet, dans un monde où les informations appuyées sur des images constituent l'un des vecteurs les plus puissants de la voix d'un pays. Elle a rappelé que la rénovation réussie de RFI, entreprise en 1998, constituait un motif d'optimisme pour la future réalisation de cette chaîne audiovisuelle francophone. Elle a relevé, s'agissant de RFI, que le recours croissant au procédé de numérisation permettait, à moindre coût, une adaptation des programmes aux différents auditoires de cette chaîne. De même, TV5 Monde poursuit son développement, enregistrant notamment une percée en Amérique du Nord et du Sud. Elle s'est étonnée, dans cette situation marquée par des succès, que les crédits affectés aux opérateurs du secteur de l'audiovisuel régressent en 2003 de 1,9 %, et a espéré que la loi de finances rectificative adoptée aujourd'hui-même en Conseil des ministres prévoirait d'améliorer le financement de ce secteur. Evoquant ensuite le réseau français d'établissements culturels, elle a approuvé l'objectif retenu par le ministère des affaires étrangères d'instaurer, d'ici à 2005, une forme unique d'établissement, qui serait dénommé « centre de coopération et d'action culturelle », et serait doté de l'autonomie financière. Cette rénovation s'accompagnera d'une régionalisation de la programmation de ces centres.

Puis elle a fait valoir que les crédits affectés à l'AEFE en 2003 évoluaient de façon contrastée, avec l'attribution d'une mesure nouvelle non reconductible d'un montant de 15,5 millions d'euros et, dans le même temps, la suppression de 6,4 millions d'euros au titre d'une « rationalisation » du réseau sur la signification de laquelle elle s'est interrogée. Elle a exprimé la crainte que cette réduction de crédits ne vise, au premier chef, les établissements d'enseignement situés aux Etats-Unis, où la demande de scolarisation en français est pourtant en hausse.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a rappelé que cette situation avait conduit la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale à adopter, à l'unanimité, un amendement -qui n'a pas été adopté en séance publique-, visant à rétablir, au profit de l'AEFE, cette somme de 6,4 millions d'euros. Elle a donc jugé souhaitable que la commission sénatoriale adopte un amendement similaire.

En conclusion, Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'en est remise à la sagesse de la commission, quant à l'avis à donner sur les crédits d'action culturelle extérieure.

Un débat s'est ensuite instauré entre les commissaires.

M. Xavier de Villepin a déploré que la création de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) ait abouti à une structure trop complexe. Considérant, par ailleurs, que le projet de chaîne internationale francophone était tout à fait opportun, mais nécessitait une vaste réflexion préalable, notamment du fait de son coût potentiel, il a souhaité que les grands pays francophones y soient étroitement associés. Il s'est élevé contre les restrictions financières affectant l'AEFE, et a exprimé son soutien à l'amendement proposé par Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

M. Serge Vinçon s'est interrogé sur la possibilité d' « exporter » la chaîne d'information LCI.

M. Paul Dubrule a constaté que l'influence culturelle de la France à l'étranger régressait, et a plaidé pour un partenariat avec les entreprises privées pour la redresser. Il a cité, à cet égard, l'exemple positif de la création de l'entité « Maison de la France », qui associait crédits publics et privés pour promouvoir les atouts touristiques de notre pays.

M. Hubert Durand-Chastel a jugé que l'image de notre pays à l'étranger était caractérisée par, d'une part, sa promotion des droits de l'homme et, d'autre part, son rayonnement culturel. Il a déploré que ce rayonnement soit appuyé par un ministère des affaires étrangères dont les moyens étaient toujours plus mesurés et qui ne bénéficient pas du soutien d'autres administrations, comme celle de l'éducation nationale, dont la contribution serait nécessaire pour certains aspects du fonctionnement de l'AEFE.

M. André Dulait, président, a fait valoir que la future chaîne d'information francophone pourrait utilement s'appuyer sur l'action et les crédits de l'Union européenne.

En réponse, Mme Cerisier-ben Guiga a apporté les éléments d'information suivants :

- l'application de la réforme entraînée par la création de la DGCID reste en effet problématique, et il serait tout à fait opportun d'en clarifier l'organigramme. Cependant, près de 60 % des agents ont vu leurs tâches évoluer depuis cette réforme, et une nouvelle modification en profondeur aurait l'inconvénient de les déstabiliser ;

- les modes de fonctionnement des chaînes d'information mondiale de référence, comme BBC World ou CNN, sont, pour des raisons diverses, intransposables en France. Il convient donc que notre pays élabore un modèle spécifique et viable, en sachant que les chaînes publiques d'information nationale sont, à l'heure actuelle, beaucoup trop axées sur l'actualité hexagonale pour pouvoir servir de support à une chaîne internationale. C'est également le cas de LCI qui ne comporte dans ses programmes qu'un quart d'heure quotidien de nouvelles internationales. Seule, Arte est plus ouverte sur l'actualité internationale. Il est donc indispensable qu'une vaste concertation avec les chaînes existantes soit menée, dans la perspective de la création à un coût raisonnable de cette chaîne internationale ;

- les établissements d'enseignement regroupés sous l'égide de l'AEFE sont très attractifs, notamment dans les pays développés où de nombreuses familles souhaiteraient y scolariser leurs enfants. Il faut donc que notre pays se donne les moyens de répondre positivement à cette demande croissante.

La commission a ensuite, à l'unanimité, adopté un amendement proposé par Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, tendant à abonder de 6,4 millions d'euros les crédits de l'AEFE.

PJLF pour 2003 - Crédits du ministère des Affaires étrangères - Vote de l'ensemble

Puis la commission a examiné l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003.

M. Claude Estier
a relevé que le budget du ministère des affaires étrangères pour 2003 n'était guère différent de celui de l'an passé que le Sénat avait cependant rejeté. Il a indiqué que le groupe socialiste s'abstiendrait lors du vote de ces crédits.

M. Serge Vinçon a souligné que, depuis quelques mois, on assistait à une présence accrue et une activité renouvelée de la France dans le monde, appréciées tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ne serait-ce que pour cette raison, il a indiqué qu'il émettrait un avis positif sur les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003.

M. Xavier de Villepin s'est prononcé, au nom de son groupe, en faveur de l'adoption des crédits et a salué le travail des rapporteurs. Il a exprimé le voeu que soit rapidement engagé le nécessaire processus de simplification et de modernisation des structures du ministère des affaires étrangères.

Après que M. Claude Estier eut précisé que l'abstention du groupe socialiste portait sur le budget proprement dit du ministère des affaires étrangères et non sur son action, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2003.

PJLF pour 2003 - Crédits de la Défense consacrés à la Marine - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. André Boyer sur les crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 consacrés à la Marine.

M. André Boyer, rapporteur pour avis,
a rappelé que l'engagement du groupe aéronaval dans les opérations en Afghanistan avait constitué le point d'orgue de l'année 2002 pour les activités de la marine qui avait démontré, à cette occasion, sa capacité d'action interalliée mais aussi interarmées dans une opération de projection et de gestion de crise tout à fait emblématique.

Il a signalé que la sollicitation à l'extrême de notre force navale avait cependant révélé ses limites ; certains des équipements en effet sont vieillissants et peu disponibles. Il a constaté que la professionnalisation s'était globalement bien déroulée, mais dans un environnement budgétaire contraint, qui avait très largement pesé sur le renouvellement des équipements et la disponibilité des matériels.

Il a indiqué que trois grands dossiers dominaient le budget 2003 : la restauration de la disponibilité des matériels, le renouvellement des équipements et en particulier de la flotte de surface et la réforme de DCN.

Les crédits de la marine pour 2003 connaissent globalement la même évolution que ceux des autres armes et sont conformes à la loi de programmation à venir. Ils s'élèvent à 5,43 milliards d'euros (13,59 % du budget de la défense) en augmentation de 9,09 % par rapport à 2002.

Evoquant les dépenses ordinaires, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elles s'élevaient à 2 milliards d'euros et étaient constituées, à 78 %, de dépenses de rémunération et de charges sociales.

Les effectifs de la marine étant stables (44 267 militaires), l'augmentation des dépenses de rémunération découle du plan d'amélioration de la condition militaire décidé le 28 février 2002, avec pour principale mesure la mise en oeuvre du Temps d'activité et d'obligations professionnelles des militaires, le TAOPM.

Le solde des dépenses ordinaires est consacré à l'activité des forces. Pour 2003, on observe une hausse de 10,8 % des crédits de fonctionnement courant.

Cette augmentation vise à remplir un objectif d'activité de 100 jours de mer, contre 97 en 2002.

Les crédits dévolus à la sous-traitance connaissent également une augmentation significative (+10 millions d'euros) et permettront notamment d'externaliser des opérations d'entretien des surfaces des bâtiments, ainsi que des tâches de nettoyage et de gardiennage.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a observé que le montant des dépenses ordinaires était affecté par de nombreux transferts de crédits en provenance du titre V, correspondant à la reprise par la marine de fonctions précédemment exercées par DCN et qui étaient à ce titre financées par versements du titre V au compte de commerce de DCN. Elles concernent l'exploitation des installations portuaires, la gestion des rechanges navals et l'exploitation des pyrotechnies.

Il a soulevé que les dépenses liées aux combustibles, en baisse de 5,6 % avec une dotation de 62 millions d'euros, étant fondées sur des hypothèses optimistes, alors que le nombre de jours à la mer est censé augmenter, le prix du baril retenu comme base de calcul est de 21 dollars américains et que la marine devra s'acquitter au début de l'année 2003 d'un montant de 6 millions d'euros aux marines alliées au titre de ravitaillements effectués lors de l'opération Héraklès.

Il a enfin signalé que les dépenses d'entretien programmé des matériels étaient transférées dans leur quasi-totalité au titre V. Le solde au titre III est résiduel : 15 millions d'euros.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que le titre V de la marine était marqué par une remise à niveau des dépenses, à hauteur de près de 12 % en crédits de paiement, avec un montant total de 3,4 milliards d'euros. Le montant des autorisations de programme s'élève à 4 milliards d'euros, soit une augmentation supérieure à un milliard et de plus de 33 % par rapport à 2002.

En volume, les postes les plus importants sont les équipements classiques (1,13 milliard d'euros en crédits de paiement), les forces nucléaires (719 millions d'euros) et l'entretien programmé des matériels (620 millions d'euros).

Evoquant les mesures prises pour améliorer la disponibilité des matériels, M. André Boyer a indiqué qu'il s'agissait d'un enjeu crucial pour la marine.

L'objectif de disponibilité des bâtiments était de 60 % en 2001, avec un taux réel de 56 %. Pour les aéronefs, la disponibilité était de 60 %, pour un objectif de 75 %.

Le vieillissement des bâtiments n'est pas seul responsable de cette situation.

La marine souffre également d'une grave désorganisation de la fonction rechanges, responsable de 15 % des indisponibilités des aéronefs mais surtout de 38 % de celles des bâtiments.

Avec le transfert de la gestion des rechanges de DCN au service de soutien de la flotte, créé il y a maintenant deux ans, la marine s'attaque à un chantier d'importance qui doit aboutir à une efficacité renforcée.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a signalé que cette reprise supposait tout d'abord l'inventaire et le transfert physique de plus de 23 millions de pièces, qu'elle demandait ensuite une évolution significative des modes d'organisation et des métiers du service de soutien de la flotte qui devra renforcer sa fonction d'acheteur et de maître d'ouvrage, développer ses capacités de contractualisation, mettre en place une chaîne de soutien logistique totalement intégrée. Le commissariat de la marine, chargé du magasinage, de la comptabilité et de la délivrance des pièces voit également son périmètre d'intervention élargi.

Ces réformes d'organisation s'accompagnent d'une augmentation des crédits en hausse de 11 % en crédits de paiement et de 26 % en autorisations de programme.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les conséquences de la réforme de DCN. Cette réforme s'est traduite en termes d'effectifs : au total, quelque 680 postes auront été transférés de DCN à la marine au titre des différentes fonctions reprises.

Le titre V de la marine finance, depuis 1997, la restructuration de DCN par abondement du fonds d'adaptation industrielle, ce qui a représenté, sur la période de la dernière programmation, 555 millions d'euros. Pour 2003, un montant de 67,5 millions d'euros est prévu pour le FAI.

La reprise des infrastructures est aussi consommatrice de crédits : 113 millions d'euros seront nécessaires en 2003 pour leur remise à niveau et leur exploitation.

Enfin, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a décrit l'application du principe de neutralité fiscale dont les modalités sont encore à préciser : l'exonération des contrats en cours de constructions neuves permettrait de sécuriser le budget de la marine pour les prochaines années, alors qu'il semble acquis que la TVA sera due sur le reste à payer des contrats d'entretien de la flotte en cours et que la fiscalité de droit commun s'appliquera aux contrats à venir. 119 millions d'euros d'autorisations de programme sont inscrits au titre de la fiscalité pour 2003.

S'agissant de l'état d'avancement des programmes d'armement, M. André Boyer a indiqué que la marine approchait de la rupture capacitaire en ce qui concerne la flotte de surface :

- la cinquième frégate de type La Fayette a été admise au service actif cette année. Ce programme constituait le début du renouvellement de la flotte de surface ;

- Le programme Horizon de frégates antiaériennes, qui porte sur deux bâtiments, devrait aboutir à des livraisons en 2006 et 2008. Le désarmement du Suffren cette année conduit à un déficit de capacité, puisque la marine ne disposera plus que de trois frégates antiaériennes, sur les quatre prévues par le modèle 2015 ;

- le programme de frégates multimissions, qui ont vocation à remplacer à la fois les frégates F 67, les avisos A 69 et les frégates F 70, a été lancé en avril 2002. Depuis, l'Italie a annoncé son intention de rejoindre le programme. La première admission au service actif est prévue en 2008. A terme, la marine devrait disposer de 17 plates-formes, dont huit dévolues à la lutte anti-sous-marine et neuf à l'action vers la terre. Les frégates multimissions recevront l'hélicoptère NH 90 ainsi que le missile de croisière naval ;

- le programme BPC, bâtiments de projection et de commandement, est entré dans sa phase de réalisation cette année avec la mise en chantier du Mistral, dont la livraison est prévue fin 2005. Le deuxième bâtiment du programme sera livré un an plus tard. Les deux BPC ont vocation à remplacer les deux transports de chalands de débarquement les plus anciens dans les opérations amphibies avec une capacité supplémentaire de mise en oeuvre de postes de commandement.

Evoquant les forces sous-marines, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elles poursuivaient leur modernisation. Le programme SNLE NG sera doté de 302 millions d'euros et le programme Barracuda de sous-marins nucléaires d'attaque de 77 millions d'euros pour une première livraison en 2012.

Il est prévu que les SNA soient équipés de missiles anti-navires et de missiles de croisière, leurs moyens de communication seront renforcés.

S'agissant des programmes d'aéronautique navale, la modernisation des super-étendards sera achevée en 2005 pour l'ensemble de la flotte et 2003 verra l'arrivée des premiers aéronefs au standard V.

Le dernier avion Rafale de la première série a été livré en août dernier, ce qui porte à 9 le nombre de ces avions dans la marine ; 13 appareils biplace devraient être commandés en 2003, sur des crédits qui devront être inscrits en collectif.

Le programme NH 90 d'hélicoptères progresse, avec une première livraison attendue en 2005. La part de la marine est de 40 % dans la totalité du programme pour un équipement qui remplacera le Lynx dans ses missions de lutte anti-sous-marine et anti-navire et le Superfrelon dans une version soutien, moins sophistiquée. Le nombre total d'appareils s'élèvera à 27, dont 13 dans la version soutien.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a considéré que les crédits inscrits au titre V de la marine permettaient globalement de faire face aux échéances prévues en 2003 par la programmation. Trois sujets devront particulièrement retenir l'attention de la commission :

- la mise en place effective des crédits nécessaires au lancement du programme M 51 lors de la loi de finances rectificative pour 2002 ;

- les moyens nécessaires aux commandes d'avions Rafale ;

- l'application effective du principe de neutralité fiscale.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite décrit l'évolution des missions de la marine, sous l'effet du développement et de l'enrichissement de ses missions de service public. Il a rappelé que les activités de service public de la marine étaient divisées en trois domaines : les missions de police, les missions de sauvetage et les missions d'intérêt général. Entre 2000 et 2001, ces activités ont connu une forte croissance de 17 à 23 % de l'activité globale.

Les activités de service public de la marine, fortement développées ces dernières années sur le terrain de la lutte contre la pollution et du sauvetage en mer, ont subi des modifications importantes sous l'effet de l'évolution des menaces.

Les approches maritimes françaises qui apparaissaient jusque-là relativement préservées, se sont révélées vulnérables à des degrés divers et la marine a dû adopter, dans une certaine mesure, une posture de défense du territoire.

Le réarmement des sémaphores la nuit, effectif depuis plus d'un an, s'accompagne désormais de leur équipement en radars et en dispositif d'échanges de données. Intégrés dans une chaîne d'informations, ils pourront procéder à des échanges avec les navires et les avions de la Marine.

Ce système, appelé SPATIO NAV, représente un coût global de 18 millions d'euros, dont 3 au titre du budget 2003.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les activités de lutte anti-pollution, de sauvetage ainsi que l'action du service hydrographique et océanographique de la marine (le SHOM) qui participe à l'action de l'Etat en mer pour les missions d'hydrographie et d'océanographie.

Deux programmes sont en cours pour le renouvellement des moyens hauturiers du SHOM, en coopération avec l'IFREMER. Le Beautemps-Beaupré devrait être admis au service actif en 2003, le Pourquoi-pas ?, d'une capacité supérieure, est attendu en 2005 ; 32 millions d'euros sont prévus en 2003 pour ces programmes, dont 15 sur le titre VI, sous forme de subvention à l'IFREMER.

En conclusion, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a considéré que les crédits de la marine pour 2003 apparaissent correctement dotés, tant au titre III qu'au titre V, permettant une évolution correcte des programmes. L'année 2003 devrait voir la poursuite des réformes d'organisation entamées pour une meilleure disponibilité des matériels. Il a indiqué que la question de l'exécution budgétaire restait bien sûr posée et qu'elle appellerait de la part de la commission une grande vigilance.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a conclu en proposant un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense, s'agissant de la marine.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Philippe de Gaulle s'est enquis de l'évolution de la part de la marine dans le budget du ministère de la défense pour lui permettre d'accomplir ses missions. Il a obtenu du rapporteur pour avis des précisions sur l'état d'avancement du programme Rafale-marine. Il a enfin évoqué les fréquentes missions de la marine nationale pour le sauvetage en mer et la lutte anti-pollution, et le coût global qu'elles pouvaient entraîner.

PJLF pour 2003 - Crédits de la Défense - Vote sur l'ensemble

Après que M. Jean-Pierre Masseret eut rappelé que le groupe socialiste ne votera pas contre les crédits, mais s'abstiendra, pour les différentes raisons exposées au cours des réunions précédentes, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des crédits de la défense figurant dans le projet de loi de finances pour 2003.

Missions d'informations pour 2003 - Echange de vues

Puis sur la proposition de M. André Dulait, président, la commission a décidé du principe de deux missions d'information au cours de l'année 2003.

Une première mission, qui aurait lieu entre le 17 et le 23 février 2003, conduirait une délégation composée, outre le président de la commission, d'un sénateur par groupe politique, en Ethiopie, Erythrée et Djibouti, afin de faire le point sur la mise en oeuvre de l'accord de paix entre ces deux premiers pays et d'apprécier l'évolution du rôle stratégique de Djibouti, où d'importantes forces françaises sont stationnées. La délégation pourrait également se rendre à Khartoum (Soudan) où des négociations de paix sont en cours pour mettre un terme à un long conflit intérieur.

Une seconde mission « ponctuelle », composée de 3 à 4 sénateurs, se rendrait, au mois d'avril 2003, en Turquie, afin d'évaluer les conséquences des récentes élections, d'évoquer les rapports de ce pays avec l'Union européenne et l'évolution de la question de Chypre.

Nomination de rapporteurs

Enfin, la commission a procédé à la désignation de rapporteurs. Elle a désigné :

- M. Jean-Guy Branger sur le projet de loi n° 336 (AN - 12e législature) autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques ;

- M. Philippe François sur le projet de loi n° 338 (AN - 12e législature) autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ainsi que sur le projet de loi n° 342 (AN - 12e législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport ;

- M. André Boyer sur le projet de loi n° 343 (AN - 12e législature) autorisant l'approbation de l'annexe V à la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est sur la protection et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique de la zone maritime.